Cours n°6 : Les tensions éthiques dans les démences...Les 2 intervenants n’ont pas voulu donné...

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Ronéo n°10- UE 7 cours 6 Page 1 sur 14 UE7 Santé Société Humanité Ethique Dr Drunat (neuro-psychogériatre) et Dr Lancelot (philosophe) Le 30/11/17 de 13h30 à 15h30 Ronéotypeuse : Natalie Avignon Ronéolectrice : Margaux Barbe Cours n°6 : Les tensions éthiques dans les démences Les 2 intervenants n’ont pas voulu donné les diapos qui « doivent être validées par Lefève » , ne veulent pas relire la ronéo et n’ont pas précisé les points importants …

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UE7 Santé Société Humanité – Ethique

Dr Drunat (neuro-psychogériatre) et Dr Lancelot (philosophe)

Le 30/11/17 de 13h30 à 15h30

Ronéotypeuse : Natalie Avignon

Ronéolectrice : Margaux Barbe

Cours n°6 : Les tensions éthiques dans les

démences

Les 2 intervenants n’ont pas voulu donné les diapos qui « doivent être validées par Lefève » , ne

veulent pas relire la ronéo et n’ont pas précisé les points importants …

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Sommaire :

I. Introduction

II. Diagnostic précoce, à quoi bon savoir ?

III. Consentement dans le cadre de la recherche

IV. Place des valeurs dans les choix des soignants

V. Démence et fin de vie

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I) Introduction

Le syndrome démentiel est un ensemble de symptômes qui font évoquer une maladie démentielle.

Le syndrome démentiel est une maladie neurologique fréquente, chronique et évolutive. L’âge moyen

du diagnostic est de 75 ans. Son évolution se fait sur une période de 8 à 10, il va progressivement

s’installer sur cette période. Par exemple, dans la maladie d’Alzheimer, le problème de mémoire est le

premier symptôme puis on observe des troubles de l’ensemble des fonctions cognitives intellectuelles

(langage, praxie, raisonnement). Le problème est qu’on ne connait pas bien la cause exacte de

l’apparition de la maladie. 5% des malades ont des formes génétiques mais ce sont surtout des

maladies plurifactorielles : on ne connait pas bien encore les facteurs déclenchants. On ne traite donc

pas la cause (inconnue) mais on essaye de substituer les neuromédiateurs manquants et préserver les

neurones restants. Il y a ici un problème éthique car les médicaments sont très chers pour la société

mais pas réellement efficaces, la maladie finit inexorablement par progresser vers la démence, est-il

réellement utile alors de proposer un traitement au regard du service rendu ?

II) Le diagnostic précoce, à quoi bon savoir ?

Le diagnostic précoce est défini comme une démarche de diagnostic clinique qui doit être proposé en

cas de début de trouble de la mémoire.

A qui proposer ce diagnostic ?

Aux personnes qui se plaignent de ressentir une modification récente de leur condition, état

psychique

Aux personnes chez lesquelles l’entourage remarque l’apparition ou la dégradation de trouble

cognitif ou un changement psycho-comportemental non expliqués par une pathologie

psychiatrique identifiée

Aux patients qui viennent consulter ou étant hospitalisés pour un syndrome qui peut

accompagner ou faire évoquer un trouble cognitif

A l’entrée dans un séjour d’hébergement

A quoi peut servir le diagnostic précoce ?

A assurer une meilleure qualité de vie aux patients et aux aidants sur le long terme

A limiter les situations de crises

A retarder l’entrée de ces malades en institutions spécialisées

A informer la famille et le patient sur la pathologie en amont pour lui permettre d’être acteur

de sa maladie

A assurer un suivi régulier

Le diagnostic précoce concerne le diagnostic d’une maladie démentielle à un stade débutant où les

signes sont encore très légers. Il renvoit à une forme précoce de la maladie dans son évolution. On

dispose d’outils complémentaires face à cette maladie à un stade débutant et peu symptomatique

comme des tests neuro-psychologiques, imageries cérébrales, biomarqueurs …

Attention ! Le diagnostic précoce se distingue du dépistage, celui-ci s’inscrit plutôt dans un registre

plus large, au niveau de la population et permet des processus de prévention. Le diagnostic précoce

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concerne un patient dans un contexte particulier alors que le dépistage correspond à une politique « de

masse ».

Une étude a été faite en 2017 sur ce que les gens savent sur le diagnostic précoce de la maladie

d’Alzheimer, environ 3000 personnes interrogées :

-97% pensent que le diagnostic précoce représente une avancée majeure

-mais paradoxalement, 44% d’entre eux hésitent ou ne souhaiteraient pas consulter un spécialiste en

cas de trouble de la mémoire.

Comment expliquer ce paradoxe?

pour 42% des personnes interrogées, il n’y a pas d’intérêt à cause de l’absence de traitement

curatif

pour 20%, peur de l’annonce du diagnostic

pour 18%, par manque d’informations sur les symptômes, la maladie …

autres causes comme le manque de confiance en la médecine…

On va suivre un cas pour illustrer les problèmes éthiques :

Madame Rogoff a toujours été une femme indépendante. Élevée dans une famille d’immigrants, elle a

toujours travaillé dur pour obtenir ce qu’elle voulait. Elle a dirigé avec succès un commerce de

liqueurs. Après la mort de son troisième mari, elle a vécu seule dans une grande maison. Elle était

modeste, toujours très attentive à la manière dont elle se présentait aux autres. La vie l’intéressait

dans la mesure où elle pouvait vivre conformément à sa propre idée du bien-être, assumant ses

propres erreurs et se reposant sur ses propres forces et sur son propre jugement.

Vers 80 ans, elle développa de sévères troubles moteurs qui ne pouvaient être corrigés que par une

intervention neurochirurgicale très risquée. Elle décida de se soumettre à cette intervention, disant

qu’elle préférerait mourir plutôt que d’être réduite à l’immobilité. Elle rédigea un testament de vie

demandant que l’on ne prolonge pas sa vie si elle devait devenir un fardeau pour sa famille ou si elle

devait ne plus pouvoir profiter de sa qualité de vie actuelle.

D’après l’entourage familial, Madame Rogoff présente des troubles de la mémoire depuis deux ans.

L’évolution est lentement progressive. Elle oublie à mesure ses rendez-vous et elle cherche quelque

peu ses mots (MMS = 23 /30). Elle ne se plaint de rien. Elle dit ne pas être gênée dans la vie

quotidienne.

MMS : test utilisé en clinique pour évaluer les fonctions cognitives globales, ce test est pathologique

quand le score est <24/30.

Y a-t-il un intérêt de faire le diagnostic de probable maladie d’Alzheimer ?

Il y a plusieurs éléments à prendre en compte :

1. Contexte : ici présence de troubles cognitifs légers chez une personne âgée.

Il y a différentes situations de syndrome démentiel. Ici, on est face à une situation potentiellement pré-

démentielle. Ce contexte soulève différentes questions, très débattues, sur le dépistage : recherche de

marqueurs, gènes, facteurs de risques, bien avant une éventuelle apparition de la maladie.

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2. Doit-on faire le diagnostic précoce ?

Arguments contre le diagnostic précoce dans la mesure où :

- la personne ne se plaint pas : soit par déni (processus psychologique), soit par anosognosie

(processus neurologique) : la maladie fait que le patient ne se rend pas compte de ses propres

symptômes, de sa maladie, soit peut être les 2?

La personne ne se plaignant pas, on se demande si on ne pourrait pas attendre le jour où elle

deviendrait consciente de ses symptômes pour la, faire le diagnostic (plutôt que de l’accabler d’un

diagnostic terrible de manière précoce), en réalité si les malades ne se rendent pas compte des troubles

au début de leur maladie, ils ne s’en rendront compte probablement jamais ou très tardivement… La

personne ayant un syndrome démentielle en cours d’évolution n’a pas conscience de sa maladie ni de

son besoin d’aide.

-Elle ne demande pas de diagnostic

-les troubles peuvent être simplement dus à l’âge ?

- les tests peuvent en eux-mêmes être éprouvants pour une personne qui fait expérience de déficiences

ou les découvre

- le diagnostic est dur à recevoir : vécu comme une condamnation et dégradation de soi

- le diagnostic est difficile

- les tests demandent l’adhésion totale du patient

- Rentrer dans un processus de tests diagnostics, c’est déjà accepter (en partie) le diagnostic à venir

- les examens les plus performants sont invasifs

- Sensibilité et spécificité des tests ≠ 100 % (tests imparfaits)

- il n’y a pas de traitement curatif efficace donc pas de perte de chance thérapeutique si le patient

refuse le test (fatalisme : a quoi bon faire un test si aucun traitement ne pourra être proposé ?)

- il y a des incertitudes sur le développement de la maladie (quand le syndrome apparaîtra-t-il, s’il

apparaît, comment évoluera la maladie ?) cela crée un temps d’attente, de latence.

Il pourrait sembler futile de chercher à établir un diagnostic précoce.

Le discours pourrait être : « à quoi bon lui imposer une vérité pénible alors qu’elle n’a rien demandé et

qu’on ne peut rien contre, ni même lui dire vraiment ce qui va se passer ? Autant attendre de voir si le

syndrome apparaît pour diagnostiquer, au lieu de lui imposer ce fardeau et de risquer de la déstabiliser

prématurément, pour pas grand chose ».

! L’incertitude diagnostique et l’absence de traitement curatif vont freiner l’idée d’aller faire le

diagnostic !

MAIS : finalement, on peut trouver une utilité de faire le diagnostic précoce par exemple d’Alzheimer.

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Arguments pour le diagnostic précoce dans la mesure où :

Une absence de traitement curatif ne veut pas dire absence de prise en charge ! :

- il existe des traitements et dispositifs d’aide permettant d’atténuer les symptômes et leurs effets.

- la prise en charge fonctionne mieux quand elle est mise en place précocement.

Exemple : dans la maladie de Parkinson, plus les traitements sont pris tôt, plus ils vont fonctionner. De

manière générale, dans les maladies neuro-dégénératives, les neurones disparaissent donc plus on

intervient tôt, plus il reste des neurones, plus le traitement est efficace.

Il est donc important de faire le diagnostic pas trop tardivement pour pouvoir agir sur les neurones

restants : c’est un argument subsidiaire : l’absence d’efficacité des traitements peut être due au fait

qu’ils sont donnés trop tardivement : cerveau trop atteint, perte de sa plasticité donc les donner plus tôt

renforcerait leur efficacité. Le problème posé ici est de savoir si les traitements sont pas ou peu

efficaces parce qu’on ne les donne pas assez tôt (dans ce cas, intérêt du diagnostic précoce) ou

faudrait-il plutôt changer d’hypothèse (traitement pas efficaces sur la maladie neuro-dégénérative) ?

- le fait d’être venue en consultation n’est-il pas implicitement une demande (d’aide)?

Le diagnostic précoce permet, en cas d’identification de la maladie, d’anticiper et de prévoir.

- anticiper les situations de crise (avec la famille, au travail…) car si le diagnostic est fait tardivement,

cela entraine une certaine urgence dans la prise en charge et est donc source de conflits

- organiser ses affaires

- nommer les personnes de confiance et/ou rédiger des directives anticipées

-le diagnostic précoce renforce autonomie de la personne malade, lui permet d’être acteur de sa

maladie, alors que, si le diagnostic est fait à l’état de démence déjà avérée, la personne est privée de

l’occasion de décider pour elle-même. Le patient doit disposer d’une information aussi importante le

concernant. Le diagnostic précoce permet plus de discussions, réflexions sur les manières actuelles et

futures d’agir donc prévention, attention envers le patient.

Cela permet d’anticiper au mieux les conséquences, tenter d’accompagner au mieux la pathologie, la

famille… Le médecin se doit d’accompagner l’annonce diagnostique souvent suivi de dépression,

choc… Lors d’une annonce de diagnostic de maladie grave, penser à prendre en charge les

comorbidités comme les syndromes dépressifs qui devront être pris en charge avant.

De nos jours, le challenge va être de faire le diagnostic en pré-symptomatique, avant la déclaration de

la maladie (par ponction lombaire…) Cela pose un problème car on peut donner un diagnostic lourd à

une personne n’exprimant aucun symptôme, ce qui a un impact très négatif sur sa vie. On peut se

demander si cela est réellement utile à ce stade.

III) Le consentement dans le cadre de la recherche

Le diagnostic de maladie d’Alzheimer est porté (arguments cliniques, radiologiques,

neuropsychologiques et bio marqueurs). Madame Rogoff est informée du diagnostic et accepte la

prise en charge, les soins. Du fait de sa bonne santé physique et l’absence de pathologie

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psychiatrique, vous voudriez lui proposer de participer à votre protocole de recherche testant la

molécule X.

Comment peut-on s’assurer que son consentement est éclairé ?

Qu’est-ce qu’un consentement libre et éclairé ?

D’après le code de la santé publique : Le consentement de la personne examinée, soignée doit être

recherché dans tous les cas. Si le malade en état d’exprimer sa volonté refuse les investigations ou le

traitement, le médecin doit respecter son refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si

le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que la personne de

confiance ou la famille ou un proche aient été informés (sauf urgence ou impossibilité).

L’obligation de recueillir un consentement libre et éclairé est récente, depuis 1995 (code de

déontologie médicale). Cette définition insiste sur la possibilité de refus du patient et il n’a pas à

justifier ses choix.

Ce consentement libre et éclairé est nécessaire mais attention, il peut être présenté comme une solution

maitresse aux problèmes d’ordre éthique car « il est le ferment de l’autonomie du patient »

(comprendre que lorsqu’on a reçu le consentement libre et éclairé du patient, on est sûr de respecter

l’autonomie du patient, sa capacité à choisir).

Le problème dans les maladies démentielles est qu’on n’est pas sûr que le consentement du patient soit

bien éclairé, qu’il ait bien compris et choisi d’accepter ou de refuser.

Qu’est-ce que l’autonomie ?

La philosophe n’a fait que s’embrouiller sur cette partie ce n’est donc pas très clair…

La définition est plurielle, malléable. Au XIXème, l’autonomie était considérée de manière

uniquement physique, d’un point de vue fonctionnel (capacité à marcher…). A partir des années 20,

l’autonomie est demandée au patient, liée à un changement de paradigme où on passe d’un régime de

maladie aiguë à des maladies chroniques. Après la Seconde Guerre Mondiale, l’autonomie prend place

aux cotés des principes de bienfaisance, non-malfaisance et justice. L’autonomie va alors dénoncer le

paternalisme médical.

Elle est passée d’un objet à restaurer (le physique des personnes) à un sujet à respecter.

Je reprends la définition de l’autonomie de C. Lefève: Obligation pour tout soignant de respecter la

volonté du patient. Le patient est une personne libre de décider de son bien et celui-ci ne peut lui être

imposé contre sa volonté. Un patient ne peut prendre une décision autonome et éclairée que lorsque la

possibilité d’exprimer ses propres croyances et systèmes de valeurs lui a été offerte et que sa décision

est prise hors de toute contrainte (=consentement libre et éclairé).

L’autonomie peut être vue comme la capacité de choisir.

Il y a un problème du respect de l’autonomie dans les cas de patients atteints de syndrome démentiel.

Le respect de l’autonomie est devenu un principe de la pratique en médecine, c’est respecter le choix

d’une personne capable d’autonomie et protéger les personnes dont l’autonomie est réduite.

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Le problème dans les cas de syndrome démentiel : l’autonomie est fragilisée.

Autonomie « fragilisée » (d’après F. Gzil) :

- les personnes ne sont plus en mesure de faire valoir leurs droits. Comment faire respecter leurs

intérêts et leurs préférences ?

- les personnes expriment des préférences qui paraissent contradictoires avec leurs intérêts : quel

niveau de risque accepter ?

- les personnes expriment des préférences qui peuvent être contradictoires avec les intérêts des tiers

- Évolution variable et irrégulière de la maladie : comment proportionner les mesures de protection

aux incapacités des patients ?

- l’altération du discernement: jusqu’à quand est-il possible de parler de consentement libre et éclairé ?

- Comment parler et agir au nom de quelqu’un qui n’exprime plus de préférences explicites ?

- Ecart entre les souhaits actuels des malades et leurs préférences antérieures.

Etant donné la fragilisation de l’autonomie, n’est-il pas préférable de renoncer à se régler sur une

autonomie qui n’existe plus, qui est devenu un critère non pertinent ? Ne vaut-il pas mieux se recentrer

sur d’autres valeurs : la non-malfaisance, la dignité ?

Mais : dans les faits le diagnostic est souvent fait alors que des capacités (décisionnelles) sont encore

présentes, même à un stade avancé, le patient a une vie psychique, des préférences, valeurs, un

raisonnement… Comment respecter la dignité sans respecter l’autonomie ?

Il ne faut pas tout de suite partir du principe qu’a priori la personne diagnostiquée avec un syndrome

démentiel n’est plus capable de donner son consentement, mais plutôt émettre une présomption de

compétence. D’où le questionnement d’inclure les sujets âgés dans des programmes de recherche :

comment s’assurer que le consentement est valide ? Au début de la maladie, le patient n’est pas

clairement incompétent, mais on a des doutes légitimes sur ses capacités à choisir.

La personne de confiance peut alors être utile. La personne de confiance va être la personne porte-

parole du patient, transmettre ce qu’il aurait voulu, mais elle ne doit pas décider à sa place. Elle tend

néanmoins à surprotéger le patient, qui pourrait alors être considérer tout de suite comme pas

compétent…

Pour tenter de pallier à cette difficulté concernant l’autonomie, il y a un réel intérêt des tests

diagnostics de compétence, mis au point depuis une vingtaine d’années (tests UBACC,

MacCAT, MacCAT – CR).

Ces tests vont aider à déterminer si le patient est compétent ou non (évaluent la capacité

décisionnelle), ils évaluent de façon rigoureuse la capacité à consentir.

-La première étape pour évaluer si son consentement peut être éclairé (donc s’il pourra décider pour

lui-même) est de savoir s’il peut comprendre la situation.

-La 2eme étape est d’apprécier la situation, comprendre les implications qui vont le concerner. On

évalue comment le patient va s’approprier la problématique.

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-La 3eme étape : raisonner, comparer les risques.

-La 4eme étape correspond à la capacité d’exprimer un choix, relativement stable dans le temps.

Le résultat est alors pris en compte dans l’évaluation de la capacité du patient à consentir, mais il faut

l’associer avec les informations concernant l’état fonctionnel, psychologique, socioéconomique et

médical. Ce test évalue la capacité à consentir dans un domaine particulier mais chaque personne peut

être compétente dans un domaine mais pas les autres donc difficile de conclure que le patient est

incompétent pour tout.

Pour évaluer si la personne peut avoir un consentement éclairé, il faut évaluer la capacité à exprimer

une volonté adaptée à la réalité.

Il y a des outils pour voir si le patient peut rentrer dans les essais cliniques comme l’UBACC (the

University of California, San Diego Brief Assessment of Capacity to Consent) est un hétéro-

questionnaire de 10 items, réalisable en moins de cinq minutes. Chaque question est cotée 0,1 ou 2:

quatre explorent la compréhension, cinq l’appréciation et une le raisonnement. Les auteurs insistent

pour garder un score intermédiaire afin d’identifier les réponses partielles ou incertaines. Le score

maximal de 20 indique une pleine capacité à répondre.

Les limites des tests:

on a une dichotomie entre compétence/incompétence qui peut être difficile à évaluer clairement chez

un patient, tout comme l’autonomie/passage à bienfaisance, les meilleurs intérêts pour le patient, et

des mesures tutelle-curatelle (si le patient semble ne pas être capable d’exprimer sa volonté, on

recueille l’avis de la personne de confiance, cet avis peut alors divergé de ce qu’exprime le patient,

que faire ?)

Ces tests mesurent plus l’indépendance décisionnelle que l’autonomie individuelle.

IV) Cas clinique – Les valeurs

Comme elle était de plus en plus désorientée, sa fille embaucha une gouvernante qui emménagea avec

Mme Rogoff. Fran s’occupe de Mme Rogoff comme elle s’occuperait d’un enfant. Mme Rogoff est

heureuse des heures qu’elle passe avec Fran et avec ses petits-enfants auxquels, quand ils lui rendent

visite, elle raconte des histoires un peu décousues concernant sa vie passée. Elle regarde beaucoup la

télévision et ses histoires incorporent souvent les épisodes les plus excitants qu’elle a vus à la

télévision, comme s’ils faisaient partie de sa propre vie. Dans ses moments de lucidité, Mme Rogoff dit

à ses petits-enfants qu’elle a peur de mourir et qu’elle « ne veut aller nulle part ». Elle pleure

généralement quand Fran n’est pas là et quand ses petits-enfants s’en vont.

Fran vous interroge : - doit-elle l’habiller quand la famille vient la voir et qu’elle insiste pour rester

en pyjama ? - Doit-elle lui faire prendre un bain tous les jours alors qu’elle a peur de l’eau ? - Doit-

elle l’emmener pour fixer son dentier alors que chaque sortie l’angoisse et la rend malheureuse ? -

Les décisions doivent-elles refléter le souci que Mme Rogoff a toujours eu de la manière dont elle se

présentait aux autres ?

Faut-il accorder la priorité aux préférences et aux opinions qui étaient celles de Mme Rogoff

par le passé (par exemple au soin qu’elle a toujours apporté à son apparence extérieure) ?

Ou faut-il suivre ses préférences actuelles ?

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Deux grandes difficultés :

1. tenter de retracer les préférences antérieures du patient : n’est-ce pas un exercice hasardeux ?

2. A supposer même que possible : doivent-elles avoir la priorité ? Par exemple : le cas des directives

anticipées : un document dans lequel une personne fait connaître à l’avance ses volontés quant aux

soins qu’elle est susceptible de recevoir, pour le cas où elle ne serait plus capable de prendre des

décisions de santé la concernant. Ses préférences antérieures sont explicitées. (France : loi Leonetti

2005, loi Claeys-Leonetti 02/02/16). A supposer que le sens soit clair et qu’elles sont applicables,

doivent-elles néanmoins avoir la priorité ?

Ce débat permet de développer deux notions importantes dans le cas des problèmes éthiques dans les

syndromes démentiels : l’autonomie et l’identité personnelle.

Ronald Dworkin :

cas de Margo, patiente atteinte Alzheimer à un stade intermédiaire de la maladie (démence modérée).

En raison de la maladie; plus capable de se rappeler de ce qu’elle a fait, de former de nouveaux

souvenirs, semble vivre dans une sorte de présent perpétuel. Par exemple, elle lit, mais en reprenant

d’un jour sur l’autre le livre qu’elle lit, elle écoute de façon répétée la même chanson, avec plaisir,

comme si elle l’entendait pour la première fois, ou encore peint toujours le même tableau.

Néanmoins, semble plutôt heureuse.

Imaginons que Margo ait indiqué alors qu’elle était encore compétente qu’elle ne voulait pas être

réanimée ou maintenue en vie une fois devenue incompétente. Faut-il respecter cette volonté, ou plutôt

considérer qu’elle adhère à la vie qu’elle mène actuellement et donc qu’elle souhaite en réalité être

soignée pour vivre le plus longtemps possible ?

Donc :- la personne ne semble plus partager les valeurs formulées antérieurement dans les directives

anticipées.

- la personne semble par ailleurs encore susceptible de préférences, à la différence du cas où il ne

s’agirait que d’un corps sans vie ou d’une personne dans un état végétatif permanent et irréversible.

La position de Dworkin est de dire qu’il faut toujours respecter les directives car :

1. Il faut penser l’autonomie comme une forme d’intégrité: nous respectons les choix d’une personne

avant tout parce que, par ces choix, elle exprime ce qu’elle est, son caractère. Cela s’oppose à

l’autonomie considérée simplement comme indicateur de ce qui est mieux pour la personne ou

une vision de l’autonomie comme compétence décisionnelle seulement.

2. Appliquer les directives anticipées est dans l’intérêt du patient. Il faut distinguer les intérêts «

expérientiels » ou « immédiats » et les intérêts « critiques » avec priorité des seconds sur les

premiers. Le patient à un stade avancé d’Alzheimer n’est plus capable de produire des intérêts

critiques, donc il faut conserver les intérêts critiques qui étaient les siens dans le passé.

Il y a 2 manières de critiquer la position de Dworkin :

- A partir de la conception de l’identité personnelle.

- A partir de la conception de l’autonomie.

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Rebecca Dresser : le changement de personne :

1. Une directive anticipée émise par une personne ne peut faire autorité relativement à une autre

personne.

2. Ce qui rend une personne incompétente peut aussi détruire son identité par rapport à la personne qui

a rédigé les directives anticipées. Le patient devenu incompétent, notamment dans le cas de démence

d’Alzheimer, est tellement différent de celui qui a rédigé la directive qu’il est possible de le décrire

comme une autre personne.

3. Par conséquent, les directives anticipées ne doivent pas s’appliquer. Quels critères doivent être

pris en compte alors pour les patients devenus incompétents ? Pour Rebecca Dresser et Robertson : il

faut substituer et prendre en compte les intérêts présents du patient à l’approche orthodoxe (qui se

règle sur les préférences antérieures).

Derek Parfit :

Il a établit l’idée d’une continuité psychologique. Soit l’état mental d’une personne en 2000 qu’on

appelle P1, en 2013 (P2) et en 2050 (P3) : entre P3 et P2, d’une part, et P2 et P1 d’autre part, il y a des

connexions psychologiques fortes : souvenirs, croyances, compétences, valeurs bien que P1 et P3 sont

différents. Il y a une continuité psychologique.

Ce qui fait qu’une personne est la même est susceptible de degrés. Les accidents de santé, ou les

conséquences d’une maladie dégénérative peuvent avoir pour conséquence qu’entre le patient devenu

incompétent et le patient devenu compétent, la continuité psychologique est brisée : peu de

souvenirs en communs, peu de valeurs ou de croyances.

L’autonomie comme capacité à valoriser :

Il faudrait s’intéresser non plus au changement, au rapport entre la personne compétente et la personne

devenue incompétente, mais au statut même de la personne devenue incompétente. D’après A.

Jaworska : jusqu’à un stade très avancé de la maladie, le patient conserve encore l’essentiel de ce qui

constitue l’autonomie, par conséquent, ses évaluations présentes devraient l’emporter. « Vivre

autonome, c’est vivre conformément à ses propres valeurs ». Donc pour être autonome, il faut et il

suffit d’avoir des valeurs et non plus des simples désirs.

On distingue une valeur d’un simple désir par :

-le fait que la personne pense qu’elle a raison de valoriser cette chose

-il l’estime lui-même d’autant plus qu’il vit conformément à cette valeur

-il y attache de la valeur quand bien même cela affecte négativement son existence.

Son raisonnement repose sur une redéfinition de l’autonomie : ce qui définit l’autonomie, c’est la

capacité d’avoir des valeurs. Est autonome un individu qui est encore capable d’avoir des valeurs, un

individu qui est encore un valorisateur. Il y a une différence entre une valeur (continue, présente) et

simple préférence ou un simple désir.

Les patients atteints de la maladie d’Alzheimer peuvent encore, même à un stade avancé de la maladie,

avoir ce type de valeurs. Il faut reconnaitre en eux la capacité à exprimer des valeurs. La

représentation de la vie comme un tout, une continuité n’est pas nécessaire.

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Il faut découpler autonomie et compétence. La perte de compétence ne signifie pas qu’il y a une perte

de valeurs (donc d’autonomie) ! Le problème est d’arriver à aider les personnes malades à les traduire,

les comprendre et y répondre. En pratique ca peut être difficile de faire la distinction, de déterminer si

ces attachements sont des valeurs. La personne peut sembler avoir des « valeurs » qu’on ne comprend

pas et auxquelles elle tient, il faut alors aussi prendre en compte l’avis de la famille, on ne laisse pas la

personne déconnectée de son environnement.

Par exemple, dans les établissements pour personnes âgées, il est fréquent que certains patients

tiennent à rester en pyjama, ou ne pas se laver. Cela peut paraître, pour le soignant, comme au delà

d’un simple désir puisqu’ils y attachent de l’importance mais ce n’est pas possible au regard de la

famille et d’un point de vue de médecin, de respecter totalement ce choix : on ne peut laisser la

personne sans hygiène …

Il faut dans tous les cas garder une réflexion médicale : risque hygiénique pour le patient de ne pas se

laver et pour les autres. Ne pas oublier que le patient vit dans une collectivité.

V) Démence et fin de vie

Mme Rogoff est suivie depuis douze ans pour sa maladie d’Alzheimer. Depuis un an, elle vit en

institution. Elle est grabataire. Elle est aphasique. Elle est dépendante pour toutes les activités de la

vie quotidienne. L’équipe décrit des périodes d’agitation et d’hétéro agressivité notamment au

moment de la toilette. Depuis une semaine, elle refuse toute alimentation solide.

Sa fille ne supporte plus de « voir sa mère comme un légume ». Elle vous demande explicitement une

sédation profonde et prolongée.

Que répondez-vous ?

Cela correspond à une demande d’euthanasie, ici bien prendre en compte le cadre législatif !

« La décision de limitation ou d'arrêt de traitement respecte la volonté du patient antérieurement

exprimée dans des directives anticipées.

Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et en l'absence de directives anticipées, la

décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination

déraisonnable, ne peut être prise qu'à l'issue de la procédure collégiale et après qu'a été recueilli auprès

de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de

la volonté exprimée par le patient. »

Ne pas oublier qu’une demande d’euthanasie ne peut être demandée par un tiers concernant une autre

personne (ce qui correspond à la tuer !) C’est la personne elle-même qui doit la demander, il y a des

entretiens etc …

La sédation profonde et prolongée s’applique dans les cadres de maladies incurables, très

douloureuses, avec des symptômes incontrôlables par le corps médical, insupportables pour le patient :

ce n’est pas une indication ici.

En fait la fille semble en détresse psychologique et aurait besoin d’un accompagnement mais en aucun

cas on ne peut répondre oui à cette demande ! Prendre soin, c’est aussi accompagner les proches

jusqu’au bout. Ce ne doit être ni à la famille ni au corps médical de prendre une telle décision.

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On peut se poser la question de savoir s’il n’y a pas d’autres manières de s’exprimer que la parole (la

patiente étant aphasique).

On peut se demander si le refus d’alimentation ne correspond pas à une manière de s’exprimer

pour la patiente, d’exprimer sa volonté de mourir.

Mais on ne peut pas exclure une autre cause organique à cette incapacité de s’alimenter ou une cause

psychiatrique : la patiente est peut-être déprimée, dans ce cas il ne faut pas l’euthanasier mais traiter la

dépression. Qu’est-ce qui nous dit que ses troubles sont liés uniquement à la démence ? Le médecin ne

peut pas interpréter cette incapacité de s’alimenter comme une volonté de mourir : on n’est pas à la

place de la patiente !

De plus, la patiente avait exprimé auparavant de ne pas vouloir vivre « si elle devait devenir un

fardeau pour sa famille ou si elle devait ne plus pouvoir profiter de sa qualité de vie actuelle ». Faut-il

alors respecter ce choix antérieur ?

N’y aurait-t-il pas une obstination déraisonnable des traitements qui apparaissent inutiles,

disproportionnés ou qui n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ? (en maintenant la

patiente en vie grâce à l’alimentation sous perf)

Mais dans tous les cas, on n’est pas à la place du patient et rien ne dit qu’il trouve la situation

insupportable. La personne s’est certes dégradée par rapport à son état antérieur mais rien ne dit

qu’elle en soit consciente et que cela la fasse souffrir (exemple du cas de Margo qui semble heureuse).

En fait, on n’est pas dans une situation d’euthanasie volontaire car il faut recueillir la volonté exprimée

par le patient, de manière générale , l’euthanasie ne va pas s’appliquer aux déments puisque le patient

doit être capable d’exprimer sa volonté.

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