Cooperatives et emploi un rport mondial fr web 3 10 1pag
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Bruno Roelants, Eum Hyungsik et Elisa Terrasi, CICOPA
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI:
un rapport mondial
COnCERnAnT LES AuTEuRS
Bruno Roelants est Secrétaire Général de CICOPA depuis 2002 et de son organisation régionale CECOP
CICOPA-Europe depuis 2006. Il a travaillé sur des projets de développement en Chine, en Inde et en Europe de
l’Est, et a coordonné le groupe de négociation du mouvement coopératif concernant la Recommandation pour la
promotion des coopératives 2002 (n ° 193) de l’OIT. Il a une maîtrise en études du travail. Il a donné des cours sur
les coopératives en Italie et est co-auteur de Coopératives, territoires et emplois (2011), ainsi que de Capital and
the Debt Trap – Learning from Cooperatives in the Global Crisis (2013). Il a coordonné le rapport Une croissance
Coopérative pour le 21ème siècle (2013).
Eum Hyungsik est Analyste de Données de CICOPA depuis 2009. Il a été le coordonnateur de l’élaboration des
Standards Mondiaux des coopératives sociales entre 2008 et 2011 et a participé à un projet européen sur la
résilience des coopératives à la crise économique en 2012. Il est également doctorant au Centre d’Economie
Sociale de l’Université de Liège en Belgique. En tant que sociologue, il a travaillé sur le débat conceptuel et le
processus d’’institutionnalisation des coopératives, de l’économie sociale et des entreprises sociales, en
particulier en Europe et en Asie de l’Est. Avant de rejoindre CICOPA, il a travaillé comme chercheur et militant
dans l’économie sociale et dans le mouvement coopératif de travail associé en Corée du Sud.
Elisa Terrasi est Responsable du Développement et des Etudes de CICOPA depuis 2011. Elle a coordonné la
rédaction du rapport Les coopératives batisseuses du développement durable de CICOPA (2013) et du rapport
La Résistance du Modèle Coopératif de CECOP – CICOPA Europe. Elle est actuellement en charge du projet
Cooproute qui établit un itinéraire européen de la culture coopérative. Elle a précédemment travaillé en Italie
sur des questions telles que l’économie sociale, les mouvements sociaux, la lutte contre la discrimination, les
migrations et l’identité. Elle est diplomée en anthropologie sociale.
Copyright © 2014, CICOPA & Mouvement Desjardins.
Tous droits réservés
ISBN: 978-2-930816-01-2
Dépot légal: D/2014/13.486/2
Conception graphique: Juan Burgos
Traduction de l’anglais: Francine Ferret
Il est interdit de reproduire cette publication partiellement
ou totalement sans avoir reçu une autorisation préalable
de CICOPA ou du Mouvement Desjardins
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
Les coopératives et l’emploi: un rapport mondial a
été commissionné pour le Sommet international
des coopératives 2014, tenu à Québec du 6 au 9
Octobre 2014
LISTE DES TABLEAuX
REMERCIEMEnT
SOMMAIRE
CARTE Du MOnDE AVEC LES RÉGIOnS ÉTuDIÉES PEnDAnT LE TRAVAIL DE TERRAIn
CHAPITRE 1. InTRODuCTIOn À L’EMPLOI COOPÉRATIF DAnS LE COnTEXTE MOnDIAL
Objectifs et structure de ce rapport
Les principales tendances mondiales de l’emploi et du chômage, et comment les coopératives semblent s’être démarquées
Définitions clés
Principales caractéristiques et limitations de l’étude
Considérations méthodologiques
CHAPITRE 2. ESTIMATIOnS QuAnTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DAnS LE MOnDE
Définition des catégories clés
Estimations actuelles au niveau mondial et dans le G20
Estimations au niveau mondial
Estimations pour le G20
Évolution de l’emploi coopératif dans le temps
Résilience des coopératives à la crise
Évolution de l’emploi depuis 2000 dans quelques pays
CHAPITRE 3. L’EMPLOI COOPÉRATIF: AnALYSE DES 10 RÉGIOnS ÉTuDIÉES
Analyse quantitative
Données générales
Evolution de l’emploi coopératif dans le temps
Contrats et pratiques de travail
Égalité hommes-femmes
Âge
Localisation de l’emploi
Importance de l’emploi par coopérative
Analyse qualitative
L’emploi coopératif sous différents angles d’analyse
Les spécificités de l’emploi coopératif telles qu’elles sont vécues par les personnes elles- mêmes
3
1.1.
1.2.
1.3.
1.4.
1.5.
2.1.
3.1.
3.2.
2.2.
2.3.
2.2.1.
2.2.2.
2.3.1.
2.3.2.
3.1.1.
3.2.1.
3.2.2.
3.1.2.
3.1.3.
3.1.4.
3.1.5.
3.1.6.
3.1.7.
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TABLE DES MATIÈRES
4
CHAPITRE 4EMPLOI COOPÉRATIF ET EnTREPREnEuRIAT COOPÉRATIF
Comment les caractéristiques de l’emploi coopératif ont-elles une incidence sur la durabilité des coopératives et vice versa ?
La durée à long terme de l’emploi
L’attitude du personnel et des membres
Éducation et formation
Constitution de réserves financières
Contribution à la formalisation de l’emploi et de l’économie
La coopération entre travailleurs, usagers, producteurs et autres parties prenantes
Économies d’échelle
Les défis entrepreneuriaux auxquel est confronté l’emploi coopératif
Faire face à l’intensification de la concurrence globale
Combler les faiblesses des compétences de gestion
Relever les défis démographiques et les questions générationnelles
Traiter l’angle mort de la protection du travail
CHAPITRE 5 COnCLuSIOnS ET RECOMMAnDATIOnS
Conclusions
Recommandations
Politique de l’emploi et statistiques
Entrepreneuriat
Normes du travail, transition vers l’économie formelle, la protection sociale et la lutte contre les pseudo-coopératives
Éducation, formation et recherche sur l’emploi coopératif
Politique de développement
BIBLIOGRAPHIE
AnnEXE 1DOnnÉES nATIOnALES
AnnEXE 2InFORMATIOnS DE BASE SuR LES 10 RÉGIOnSEXAMInÉES Au COuRS Du TRAVAIL DE TERRAIn
AnnEXE 3LISTE DES InTERVIEWS
PHOTOS
4.1.
4.2.
5.1.
5.2.
4.1.1.
4.1.2.
4.1.3.
4.1.7.
4.2.1.
4.2.2.
4.2.3.
4.2.4.
5.2.1.
5.2.2.
5.2.3.
5.2.4.
5.2.5.
4.1.4.
4.1.5.
4.1.6.
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80
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LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
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Liste des régions cibles
Nombre d’emplois au sein et dans le cadre des coopératives dans le monde, par continents et par catégorie
L’emploi coopératif dans le G20, par pays et par catégorie
Évolution du nombre total de salariés dans les coopératives canadiennes entre 2000 et 2009
Changements du ratio d’emploi dans les coopératives canadiennes en regard de l’emploi global entre 2000 et 2008
Évolution du nombre de producteurs-membres dans les coopératives canadiennes de production entre 2000 et 2009
Évolution de l’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives multi-sociétaires entre 2000 et 2013
Changements du ratio d’emploi dans les coopératives françaises en regard de l’emploi global entre 2008 et 2012
Évolution du nombre de producteurs-membres et de salariés dans les coopératives agricoles et de pêche au Japon entre 2001 et 2011
Informations générales sur l’emploi coopératif dans 8 régions
Nombre de coopératives et leur emploi au Pays basque et en Émilie-Romagne, par secteur
Emploi dans les coopératives, Kanagawa, par type de coopérative
Nombre de coopératives de travail associé, de coopératives de personnes âgées et de collectifs de travailleurs à Kanagawa, par secteur
Changements dans l’emploi coopératif et en général au Pays basque de 2006 à 2010
Changements dans l’emploi coopératif et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013
Changements dans l’emploi dans les coopératives sociales et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013
Changements dans l’emploi coopératif à l’exclusion des coopératives sociales en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013
Ratio de contrats de travail régulier et temporaire dans les coopératives, par type de coopératives
Ratio d’hommes et de femmes dans l’emploi coopératif par type de coopératives
Nombre d’emplois coopératifs dans des régions ayant d’importantes zones rurales
Nombre de coopératives et d’emplois dans les coopératives au Québec, au Pays basque et en Emilie-Romagne, par taille des coopératives
TABLEAu 1
TABLEAu 2
TABLEAu 3
TABLEAu 4
TABLEAu 5
TABLEAu 6
TABLEAu 7
TABLEAu 8
TABLEAu 9
TABLEAu 11
TABLEAu 12
TABLEAu 13
TABLEAu 14
TABLEAu 15
TABLEAu 16
TABLEAu 17
TABLEAu 18
TABLEAu 19
TABLEAu 20
TABLEAu 21
TABLEAu 10
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35
36
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47
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55
LISTE DES TABLEAUX
7
Les auteurs, qui sont tous trois membres du personnel de CICOPA, souhaitent remercier vivement
toutes les personnes qui ont permis la réalisation de cette étude, notamment tout le personnel,
les travailleurs-membres et les producteurs-membres qui ont accepté d’être interviewés, et de
partager leurs expériences et avis.
Parmi les membres du personnel de CICOPA, méritent d’être remerciés pour leur contribution
concrète: Helen Robinson pour son assistance minutieuse au fil de toute cette période, Leire Luengo
pour son accompagnement courageux dans la conception et la structuration du rapport, et Diana
Dovgan pour avoir partagé la pertinence de ses commentaires et réflexions.
CICOPA a pu compter sur la collaboration inestimable de ses membres et de ses organisations
partenaires de longue date ainsi que de ses contacts locaux pour la préparation du travail sur le
terrain, son suivi et le recueil de nombreuses informations contextuelles dans les 10 régions choisies
aux fins de cette étude. Les auteurs souhaitent exprimer plus spécialement leur gratitude aux
personnes suivantes: Jungdae Na, Université de Hallym (Corée du Sud); Jaeyoung Go, Syndicat
national des coopératives agricoles (Corée du Sud); Sunki Kim, Réseau de coopératives Wonju
(Corée du Sud); Daejin Kim, Hansallim Youngdong (Corée du Sud); Dongyoung Chang, Coopérative
de crédit Balgeum (Corée du Sud); Kyungbae Ji, Institut de recherche pour Gangwon (Corée du
Sud); Université Meiji, Michiyo Imai (Japon); Yoshiko Yamada et Takako Tsuchiya, Union japonaise des
coopératives de travail associé (Japon); Kitaguchi Akiko et Suzuki Kurato, Fédération nationale du
syndicat des coopératives de consommation (Japon); Hyontae Kim, Centre Ritsumeikan d’études
coréennes (Japon); Akira Kurimoto, Institut des coopératives de consommation du Japon (Japon);
Kobayashi Hajime, Institut japonais de recherche générale sur les coopératives (Japon); Asami
Hideaki, Fédération des coopératives de consommation de Kanagawa (Japon); Okada Yuriko,
Association de collectifs de travailleurs (Japon); Kawamura Naoko, Fédération de collectifs de
travailleurs de Kanagawa (Japon); Youko Snaga, Club Seikatsu de l’Union des coopératives de
consommation (Japon); Gianluca Mingozzi et Davide Pieri, Confcooperative Émilie-Romagne (Italie);
Roberta Trovarelli, Legacoop Émilie-Romagne (Italie); Giorgio Benassi, Coop Adriatica (Italie); Guido
Caselli, Unioncamere Émilie-Romagne (Italie); Javier Goienetxea et Lorea Soldevilla, Confédération
basque des coopératives – Konfekoop (Espagne); Santi Merino, Conseil supérieur des coopératives
d’Euskadi (Espagne); Javier Marcos, Mondragon (Espagne); Vishwas Satgar, Athish Satgoor et Andrew
Bennie, Co-operative and Policy Alternative Center – COPAC (Afrique du Sud); Thulani Guliwe,
Department of Economic Development, Gauteng Provincial Government (Afrique du Sud); Mrinal
Gaurav, Gauteng Enterprise Propeller (Afrique du Sud); Rebecca Kemble, United States Federation
of Worker Cooperatives (États-Unis); Adam Chern, Union Cab (États-Unis); Anne Reynolds, Tom
Flory et Lynn Pitman, University of Wisconsin Center for Cooperatives (États-Unis); John E. Peck,
Family Farm Defenders (États-Unis); David Erickson, Cooperative Network in Wisconsin (États-
Unis); Christopher P. Roe, CUNA Mutual Group (États-Unis); Walt Laskos, Credit Union National
Association – CUNA (États-Unis); Alain Bridault, Fédération canadienne des coopératives de travail
- FCCT (Canada); Jean-Pierre Girard, Les Productions LPS (Canada); Joan Lechasseur, Sommet
international des coopératives 2014, Québec; Isabel Faubert Mailloux, Réseau de la coopération du
travail du Québec (Canada); Aline Sun, Mouvement Desjardins (Canada); Michel Clément, Direction
REMERCIEMENTS
8
du développement des coopératives, Gouvernement provincial du Québec (Canada); Josée
Tremblay et Marie-Paule Robichaud Villettaz, Conseil québecois de la coopération et de la mutualité
(Canada); Marie Bouchard, Université du Québec à Montréal (Canada); Sybille Mertens, Université
de Liège (Belgique-Canada); Manali Shah, Shalini Ben Trivedi, Meenakshi Ben Vyas et Shaik Parveen,
Self-Employed Women’s Association – SEWA (Inde); João Marcos Silva Martins, Organização
das Cooperativas Brasileiras – OCB (Brésil); Fabiana Bitencourt, Organização das Cooperativas
Brasileiras – OCB - de Paraíba (Brésil); Geraldo López, gouvernement de Paraíba (Brésil); Maria Laura
Coria, Federación de Cooperativas de Trabajo de la República Argentina – Fecootra (Argentine); Dario
Farcy, Confederación Nacional de Cooperativas de Trabajo – CNCT (Argentine); Raul Colombetti,
Casa Cooperativa de Provisión Sunchales (Argentine); Osvaldo Petrilli, Federación de Cooperativas
de Telecomunicaciones de la República Argentina (Argentine); Alfredo Luis Cecchi, gouvernement
de Santa Fe (Argentine).
Nous sommes reconnaissants envers Simel Esim, Responsable de l’Unité coopérative du Bureau
International du Travail (BIT), pour son appui constant pour cette étude depuis son tout début.
Nous souhaitons remercier les personnes suivantes qui nous ont apporté une aide précieuse
dans le recueil de statistiques nationales sur un certain nombre de pays: Theodoor Sparreboom,
économiste et statisticien au BIT; les Directeurs des régions de l’ACI, à savoir Balu Iyer (Asie-
Pacifique), Sifa Shiyoge (Afrique), Manuel Mariño (Amériques) et Klaus Niederlander (Europe); Carlo
Borzaga, Gianluca Salvatori et Chiara Carini (EURICSE); Tran Thu Hang de l’Alliance des coopératives
du Vietnam (VCA); Dirk Lehnhoff du DGRV (Allemagne) et Président de Cooperatives Europe; Ge
Shuyuan et Hu Xudong de la All-China Federation of Supply and Marketing Cooperatives; Zhang
Xiaowu de la All-China Federation of Handicraft Industry Cooperatives; Antesh Kumar de Indian
Farmers Fertiliser Cooperative Limited – IFFCO; Evgeny Suzdaltsev de Centrosojuz (Russie); Eduardo
Fontenla (Argentine); Albert Vingwe (Zimbabwe); Dolly Goh de SNCF (Singapour); Josephine Barraket,
Université de Swinburne (Australie); Melina Morrison, Business Council of Co-operatives and Mutuals
(Australie); Juan Gerardo Dominguez Carrasco, Sociedad Cooperativa de Asesores para el Avance
Social (Mexique); Ilham Nasai, Dekopin, et Robby Tulus, ex Directeur d’ACI Asie-Pacifique (Indonésie);
Dickson Okolo, Directeur Fédéral des Coopératives (Nigéria).
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
9
Selon l’OIT, le monde souffre d’un chômage sans précédent (plus de 200 millions de personnes), un chômage des
jeunes dramatique, un niveau historique de migrations, et une très forte présence de l’emploi informel et précaire.
Dans le même temps, le rapport estime que l’emploi coopératif implique au moins 250 millions d’habitants
de la planète, à temps plein ou partiel, selon les données provenant de 74 pays couvrant 79% de la population
mondiale. 26,4 millions de ces personnes travaillent au sein des coopératives, comme salariés (15,6 millions) ou
travailleur-membres (10,8 millions), tandis que 223,6 millions de producteurs organisent leur production dans
le cadre des coopératives. La grande majorité de l’emploi coopératif se trouve au sein du G20, où il représente
près de 12% de l’ensemble de la population active occupée. En analysant les données à partir d’un nombre limité
de pays, l’emploi coopératif semble être demeuré généralement stable à travers les années, et avoir démontré
une résilience particulièrement forte à la crise mondiale qui a éclaté en 2007-2008. En dépit de chiffres encore
modestes relativement parlant, les coopératives de travail associé et les coopératives sociales ont connu une
augmentation très significative de l’emploi.
Le rapport formule enfin une série de recommandations dans les domaines de la politique de l’emploi et des
statistiques, de l’entrepreneuriat, du travail, de l’éducation et de la recherche, ainsi que du développement, qui
visent à renforcer la contribution déjà énorme des coopératives à l’emploi dans le monde.
Une grande partie de l’étude se concentre sur
le travail de terrain que nous avons effectué
dans 10 régions sélectionnées, présentant une
grande diversité en termes d’environnement
socio-économique: Gauteng (Afrique du Sud),
Ahmedabad (Inde), Gangwon (Corée du Sud),
Kanagawa (Japon), Santa Fe (Argentine), Paraiba
(Brésil), Wisconsin (États-Unis), Québec (Canada),
Pays Basque (Espagne) et Émilie-Romagne (Italie).
Ce travail de terrain a confirmé les tendances
mondiales de l’emploi coopératif mentionnées ci-
dessus, et certaines régions sont caractérisées
par des niveaux encore plus élevés, comme
l’Emilie-Romagne avec près de 15% de l’ensemble
de la population active occupée. Il a également
montré que les conditions de travail (salaires,
autres types de rémunération, sécurité au travail,
protection sociale, etc.) sont généralement
au moins aussi bonnes que celles trouvées
dans d’autres entreprises dans des secteurs
comparables, et souvent meilleures. En outre, il a
révélé que l’emploi coopératif est généralement
caractérisé par une durée beaucoup plus élevée
et une répartition géographique plus équilibrée
que la moyenne, et que les coopératives ont
tendance à formaliser l’emploi.
Qualitativement, le travail de terrain a révélé
des caractéristiques distinctives de l’emploi
coopératif, tel qu’il est expérimenté par les
dizaines de personnes travaillant dans ou
dans le cadre de coopératives que nous avons
interviewées, avec une combinaison de: logique
économique, une recherche de l’efficacité, une
flexibilité partagée, un sens de la participation,
un environnement de type familial, la fierté et
la réputation, un fort sentiment d’identité et un
accent sur les valeurs. Nous avons trouvé que
ce mélange de caractéristiques est à la fois
une cause et une conséquence de la viabilité
économique des coopératives. Mais nous avons
également identifié un certain nombre de défis
sérieux qui pourraient affaiblir l’emploi coopératif,
en termes de concurrence, de compétences de
gestion, de normes du travail et de démographie.
SOMMAIRE
10
JAPOnKAnAGAWA
ÉTATS-unISWISCOnSIn
AFRIQuE Du SuDGAuTEnG
ITALIEÉMILIE-ROMAGnE
CORÉE Du SuDGAnGWOn
CAnADAQuÉBEC
BRÉSILPARAIBA
ESPAGnEPAYS BASQuE
ARGEnTInESAnTA FE
InDEAHMEDABAD
CARTE DU MONDE AVEC LES RÉGIONS ÉTUDIÉES PENDANT LE TRAVAIL DE TERRAIN
11
TABLEAu 1 – LISTE DES RÉGIOnS CIBLES
PAYS RÉGIOn nATuRE DE L’unITÉ ADMInISTRATIVE POPuLATIOn
PRInCIPALE ORGAnISATIOn QuI A APPORTÉ
SOn AIDE
JAPOn Kanagawa Préfecture 9.0 millionsJWCU
(membre)
CORÉE Du SuD Gangwon Province 1.6 millionsKFWC
(membre)
AFRIQuE Du SuD Gauteng Province 12.3 millionsCOPAC
(partenaire)
BRÉSIL Paraiba État 3.8 millionsOCB and UNISOL
(membres)
ARGEnTInE Santa Fe Province 3.2 millionsFecootra and CNCT
(member)
ÉTATS-unIS Wisconsin État 5.7 millionsUSFWC
(member)
CAnADA Québec Province 7.9 millions
CWCF (membre) et Mouvement
Desjardins (partenaire)
ITALIE Émilie-Romagne Région 4.4 millionsLegacoop-ANCPL
and Confcooperative
(members)
ESPAGnE Pays Basque Communauté autonome 2.2 millionsKonfecoop
(membre d’un membre)
InDE Ahmedabad District 6.3 millionsSEWA
(partenaire)
CARTE DU MONDE AVEC LES RÉGIONS ÉTUDIÉES PENDANT LE TRAVAIL DE TERRAIN
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
CHAPITRE 1InTRODuCTIOn À L’EMPLOI COOPÉRATIF DAnS LE COnTEXTE MOnDIAL
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL
13
1.1. OBJECTIFS ET STRuCTuRE DE CE RAPPORT
Ce rapport vise à contribuer à une meilleure compréhension de la contribution des coopératives à l’emploi dans le
monde, et en particulier à:
A formuler une définition de l’emploi coopératif et de ses principales composantes;
A établir une estimation approximative du nombre total d’emplois coopératifs dans le monde et son
pourcentage de la population active occupée mondiale;
A se pencher sur l’évolution de l’emploi coopératif au fil du temps, à la fois au cours de la crise
mondiale qui a éclaté en 2008, et sur un arc de temps plus long comprenant la période pré-crise;
A vérifier les principales tendances de l’emploi coopératif en termes de localisation, à savoir la
répartition entre zones urbaines et rurales, petites villes et grandes villes, et régions centrales et
périphériques;
A comprendre les grandes tendances de l’emploi coopératif en termes de sexe, âge, modes de
recrutement, gestion des ressources humaines, relations avec les syndicats, inclusion sociale, rôle
en termes de formalisation de l’économie, etc;
A saisir les caractères distinctifs de l’emploi coopératif en tant qu’expérience basée sur des
témoignages directs de personnes dont l’emploi est directement lié aux coopératives, et la façon
dont ces caractéristiques interagissent avec la viabilité entrepreneuriale des coopératives.
Comme nous pouvons le voir, les objectifs de cette étude sont à la fois quantitatifs et qualitatifs, et nécessitent donc
à la fois une analyse globale basée sur la plus grande quantité possible de données fiables, et sur un travail de terrain
effectué à la base dans différentes parties du monde.
Dans le reste de CE CHAPITRE, nous examinons d’abord les principales tendances de l’emploi
et du chômage dans le monde d’aujourd’hui et la façon dont les coopératives s’en sont sorties au
cours des dernières années: nous passons ensuite en revue les principales caractéristiques et les
limites de l’étude, et nous explicitons enfin la méthodologie que nous avons utilisée.
LE CHAPITRE 2 présente des estimations quanti t atives de l’emploi coopératif au niveau
mondial.
LE CHAPITRE 3 analyse les données quantitatives et qualitatives recueillies au cours du
travail de terrain dans 10 régions slectionnées à travers le monde, et tente de conceptualiser les
caractéristiques qualitatives clés de l’emploi coopératif.
LE CHAPITRE 4 examine si et dans quelle mesure ces caractéristiques induisent la durabilité
économique des coopératives et vice versa, et analyse les principaux défis qu’engendre la
mondialisation pour l’emploi coopératif.
LE CHAPITRE 5 émet des conclusions et formule une série de recommandations.
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
14
1.2. LES PRInCIPALES TEnDAnCES MOnDIALES DE L’EMPLOI ET Du CHôMAGE, ET COMMEnT LES COOPÉRATIVES SEMBLEnT S’êTRE DÉMARQuÉES
Selon les données les plus récentes de l’Organisation
internationale du travail (OIT), près de 202 millions
de personnes étaient sans emploi en 2013 dans le
monde. Ce chiffre révèle une augmentation de près
de 5 millions en regard de l’année précédente (OIT,
2014a). Dans les Tendances mondiales de l’emploi
2013 de l’OIT, celle-ci met en garde contre la nouvelle
poussée du chômage en 2012 et son expansion: « Les
régions qui ont réussi à prévenir une nouvelle hausse
du chômage ont souvent enregistré une dégradation
de la qualité des emplois, avec l’augmentation de
l’emploi vulnérable et du nombre de travailleurs vivant
sous ou tout près du seuil de pauvreté » (OIT, 2013a,
p.11).
Les tendances de l’emploi et du chômage sont
directement liées à des niveaux croissants de
pauvreté et d’exclusion, ainsi que de désertification
économique de régions défavorisées. L’OIT rapporte
que, en dépit d’une légère diminution de la pauvreté
au travail, «Actuellement, environ 397 millions de
travailleurs vivent dans l’extrême pauvreté; 472
millions de travailleurs supplémentaires ne peuvent
pas répondre à leurs besoins de base de façon
régulière » (OIT 2013a, p. 12) et que les déséquilibres
géographiques ont effectivement empiré avec la crise
dans les pays développés, en partie à cause de la bulle
immobilière et la surchauffe dans l’immobilier et les
services financiers avant la crise (2013a OIT, p. 51).
Le taux de chômage des jeunes a atteint le record
historique de 12,6%, soit en chiffres absolus 73,4
millions de jeunes sans emploi en 2013, ou encore
une hausse de 3,5 millions entre 2007 et 2013, et de
0,8 millions entre 2011 et 2013 (OIT, 2013b, p.7). Le
chômage des jeunes est particulièrement élevé dans
l’Union européenne, au Moyen-Orient et en Afrique du
Nord. Il atteint, par exemple, 24,8% en Égypte (2010),
29,3% en Jordanie (2012), 35,3% en Italie (2012), 37,6%
au Portugal (2012), 42,3% en Tunisie (2011), 53,2% en
Espagne (2012) et 55,3% en Grèce (2012)1. En outre,
l’emploi informel demeure omniprésent et la transition
vers un travail décent est lente et difficile (OIT, 2013b,
p.1). Le chômage des jeunes fait courir le risque d’une
génération sacrifiée et est, selon le Secrétaire général
de l’ONU, Ban Ki Moon, « une épidémie qui représente
une grande épreuve pour notre époque »2.
Les données de l’OIT révèlent également que l’emploi
informel constitue plus de 20 pour cent de l’emploi
global. Les pays d’Amérique centrale, notamment,
affichent des taux d’emploi informel de 70 pour cent,
voire plus, et l’Asie du Sud et Sud-Est est loin d’être en
reste (OIT, 2014a, p. 13).
La montée du nombre de migrants en quête d’un
emploi s’accélère. Ils sont des milliers à lutter pour
une vie meilleure aux portes de la plupart des pays
industrialisés: ils seraient, selon l’OIT, 232 millions
de migrants internationaux dans le monde, soit 3,1
pour cent de la population mondiale, dont plus de 90
pour cent sont des travailleurs et leurs familles3. Les
travailleurs migrants sont de plus en plus objet de
débat public et servent souvent de porte-étendard
électoral: la pénalisation des travailleurs migrants
en situation irrégulière et leur vulnérabilité face à
l’exploitation et aux abus appellent des mesures
concrètes en matière de gouvernance mondiale
(NUDH, 2013; OIT, 2014c).
De nombreuses études font état d’inégalités entre
les femmes et les hommes sur le marché du travail:
une récente publication de l’OIT intitulée Tendances
mondiales de l’emploi des femmes révèle que les
femmes affichent des taux de chômage plus élevés
que les hommes et que l’écart s’est creusé entre
2008 et 2012 (OIT, 2012, p. 4). Malgré les progrès dans
l’éducation des filles et des femmes, la ségrégation
professionnelle demeure un trait dominant, même
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL
15
dans les pays industrialisés (OIT, 2014b, p. 2). Par
exemple, selon une étude de l’institut Women’s Policy
Research aux États-Unis, la ségrégation hommes-
femmes est encore profonde dans ce pays et les
données de 2012 mettent en lumière que seuls six
pour cent de la main-d’œuvre féminine occupent
des métiers non traditionnellement féminins contre
44 pour cent de la main-d’œuvre masculine. La
même étude suggère également que la ségrégation
professionnelle et l’écart salarial sont inversement
corrélés (Hegewisch & Hartmann, 2014).
Au cœur des objectifs de l’agenda de développement
post-2015 figure la promotion d’emplois décents et
qui s’inscrivent dans la continuité, notamment dans
le secteur privé durable. Dans un environnement
économique marqué par des turbulences, la seule
croissance économique semble insuffisante à cette
fin. Les chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que les
représentants de haut niveau qui se sont réunis à Rio
de Janeiro en 2012 ont encouragé « le secteur privé à
contribuer au travail décent pour tous et à la création
d’emplois pour les femmes comme pour les hommes,
en particulier pour les jeunes, notamment dans le
cadre de partenariats avec des petites et moyennes
entreprises et des coopératives »4.
L’expansion de la population en âge de travailler,
le déséquilibre environnemental, la rareté des
ressources et la progression de l’urbanisation
entrainent un processus de changement structurel
engendré par l’importance accordée à des
technologies innovantes, l’utilisation d’énergies
renouvelables, des technologies plus respectueuses
du climat et des modes de production plus durables
(OIT, 2012b, p. 1). Par ailleurs, à l’horizon de 2050,
l’économie mondiale devra assurer un niveau de vie
décent à plus de 9 milliards de personnes, dont 70
pour cent vivront en milieu urbain. À cet horizon, une
personne sur trois dans les pays à revenu élevé et une
personne sur cinq dans les pays en développement
aura plus de 60 ans5. C’est pourquoi de nouvelles
opportunités de marché pour satisfaire les besoins
générés par ces changements seront un enjeu pour
les décideurs politiques aux différents niveaux. En
dépit de ce constat, des montants bien maigres de
financements publics sont alloués à des mesures
actives de marché du travail. Dans les pays de l’OCDE,
une moyenne inférieure à 0,6 pour cent du PIB a été
affectée à de telles mesures en 2011 (OIT, 2013a, p. 13).
Il convient de mettre plus fortement en lumière
que le travail et l’emploi ont acquis une signification
sociétale profonde dans le monde d’aujourd’hui.
Selon Aurelio Parisotto, économiste á l’OIT: « Avoir
accès à un travail sûr, productif et convenablement
rémunéré, ce n’est pas juste une question de gagner
un revenu. C’est un moyen important pour les
individus et leur famille de gagner en estime de soi,
de renforcer leur sentiment d’appartenance à une
communauté et d’apporter leur contribution à la
production. La transition vers un développement
inclusif et durable sera impossible si des millions
de personnes se voient refuser la possibilité de
gagner leur vie dans des conditions d’équité et de
dignité »6. L’augmentation des suicides professionnels
constatée dans plusieurs pays industrialisés atteste
de la signification essentielle de l’emploi pour la
vie elle-même. Par exemple, une étude menée au
Royaume-Uni révèle qu’un jeune chômeur sur trois a
envisagé de se suicider7. Une étude réalisée aux États-
Unis constate qu’une majoration de 10 pour cent du
chômage accroît le taux de suicide des hommes de
1,47 pour cent8. Des études réalisées en Italie et en
Espagne font état de données similaires9. Ces études
font également remarquer que le phénomène est plus
sensible parmi les jeunes. Comme nous pouvons le
voir, les conséquences de la montée du chômage, du
sous-emploi et de l’emploi précaire sur la société et
l’économie sont inestimables.
Dans ce contexte, les coopératives auraient fait
montre d’une résilience remarquable à la crise qui
a éclaté au niveau mondial en 2008, notamment
dans le domaine de l’emploi. Ce phénomène a été
souligné publiquement par d’éminentes institutions
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
16
internationales. Dans le message qu’il a adressé
à l’occasion de la Journée internationale des
coopératives en 2013, le Secrétaire général des
Nations Unies, Ban Ki-moon, a mis en exergue que les
coopératives « peuvent aider à construire la résilience
dans tous les domaines socio-économiques en
période d’incertitude mondiale »10.
Selon Guy Ryder, Directeur général de l’OIT, « les
entreprises coopératives sont nées de situations
de crise, et se sont révélées aptes à répondre
directement aux besoins de leurs membres. Elles
restent aujourd’hui tout aussi efficaces lorsqu’elles
peuvent concrétiser leurs idéaux »11. Dans le
prolongement, l’OIT déclare que « les entreprises
coopératives connaissent aujourd’hui un important
essor, s’affirment en tant que solution résiliente et
pertinente qui n’est pas seulement durable mais
aussi opportune »12, les nouvelles coopératives ayant
tendance à mieux survivre que les autres types
d’entreprises (Birchall & Ketilson, 2009, p. 29).
Le rapport Sur la contribution des coopératives à la
sortie de la crise adopté par le Parlement européen
en juillet 2013 souligne leur résilience en termes
d’emploi et de survie, et fait valoir que malgré la
crise, « des coopératives se sont créées dans des
secteurs nouveaux et innovants, et que les preuves
de cette résilience sont nombreuses, notamment
en ce qui concerne les banques coopératives et
les coopératives des secteurs de l’industrie et des
services (coopératives de travail, coopératives
sociales et coopératives composées de PME) »13.
1.3. DÉFInITIOnS CLÉS
Selon la Déclaration sur l’identité coopérative de l’ACI et la Recommandation sur la Promotion des coopératives,
2002 (N° 193) de l’OIT, une coopérative est « une association autonome de personnes volontairement réunies
pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et environnementaux communs au moyen
d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement »14: elle est régie
par 7 principes de fonctionnement, à savoir « une adhésion volontaire et ouverte à tous: le contrôle démocratique
exercé par les membres: une participation économique des membres: l’autonomie et l’indépendance: l’éducation,
la formation et l’information: la coopération entre coopératives: l’engagement envers la communauté »: et elle
est guidée par « les valeurs coopératives, à savoir l’entraide, la responsabilité personnelle, la démocratie, l’égalité,
l’équité, la solidarité ainsi qu’une éthique fondée sur l’honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et
l’altruisme »15.
La signification du terme emploi dans le cadre de cette étude suit la définition qu’en donne l’OIT: « l’emploi englobe
tout type de travail, réalisé pour un salaire ou traitement, bénéfices ou gains familiaux »16 et comprend « l’emploi
rémunéré » et « l’emploi pour compte propre », compte tenu que « les employeurs, les personnes travaillant à
leur propre compte et les membres des coopératives de production [c’est nous qui soulignons] devraient être
considérés comme travailleurs indépendants»17.
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL
17
Cette définition internationale va donc bien au-delà de la seule notion de salariés: elle englobe toutes les activités
économiques rémunérées (en espèces ou en nature) quel que soit le statut du travailleur. Elle est également en
cohérence avec les normes de l’OCDE18.
La notion d’emploi de l’OIT suit une tendance qui s’est affirmée au fil des quatre dernières décennies: parallèlement
à l’aggravation du problème du chômage, l’utilisation du terme « emploi » a été considérablement élargie pour
couvrir tous types d’activités humaines permettant aux personnes d’en obtenir des ressources en espèces ou en
nature. Contrairement à la tendance perceptible dans la société moderne, à savoir que tous les types d’emploi
convergent progressivement vers une relation salarié-employé, nous observons que différentes formes d’emploi
telles que celles de producteurs indépendants ou freelance représentent encore une part importante des formes
de travail reconnues, et sont même en voie d’expansion. Si ces formes sont de plus en plus englobées dans la
notion d’emploi au sens plus large du terme, il est certain qu’elles présentent des traits distinctifs de la notion
d’emploi au sens plus étroit du terme (à savoir la relation employeur-salarié).
En application de la définition de l’emploi de l’OIT énoncée ci-dessus, qui inclut les membres de coopératives de
producteurs, le terme emploi coopératif utilisé dans l’étude renvoie à l’emploi tant au sein que dans le cadre des
coopératives: elle comprend tant les employés et les travailleurs-membres qui travaillent au sein des coopératives
que les producteurs-membres qui travaillent pour leur compte et produisent dans le cadre des coopératives
(lesquelles leur fournissent des services de transformation, commercialisation et/ou fourniture d’intrants) ainsi
que les personnes employées par ces producteurs-membres indépendants.
En effet, les producteurs-membres et leurs coopératives sont mutuellement et directement liés tant en termes
de processus de production que de gouvernance d’entreprise: la coopérative fournit habituellement une
contribution fondamentale au processus de production du producteur-membre, tandis que les producteurs
membres assurent ensemble un contrôle démocratique sur leur coopérative. Nous ne considérons donc pas
l’emploi des producteurs membres comme étant indirectement liés aux coopératives.
Trois types principaux de coopératives sont examinés dans le cadre de cette étude en fonction du
type de membres qui les contrôlent:
A les coopératives d’usagers dont les membres sont des usagers comme, par exemple,
des consommateurs (les coopératives de consommation), des titulaires de comptes (les
banques coopératives et coopératives de crédit), des usagers de services d’électricité
ou de distribution d’eau (les coopératives d’utilité publique);
A les coopératives de travail associé19 et les coopératives sociales20, généralement
composées en majorité de travailleurs-membres, qui sont à la fois propriétaires et
membres du personnel de ces coopératives, à l’exception des coopératives sociales
multi-sociétaires (cf. ci-dessous), où les travailleurs-membres peuvent être une
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
18
minorité; les coopératives de travail associé ont pour mission principale celle de créer
et maintenir des emplois durables; une partie des coopératives sociales se concentre
sur les services à la collectivité (santé, education, services sociaux etc.), tandis qu’une
autre partie se spécialise dans l’insertion par le travail de personnes handicappées ou
désavantagées;
A les coopératives de production, par l’intermédiaire desquelles des producteurs de
biens ou de services (tels que des agriculteurs, des pêcheurs, des conducteurs de taxis,
des artisans, etc.) s’organisent ensemble pour la fourniture d’intrants, la transformation
et la commercialisation.
A En outre, l’étude mentionne également les coopératives multi-sociétaires composées
de plusieurs types de membres qui participent à la gouvernance de la coopérative.
1.4. PRInCIPALES CARACTÉRISTIQuES ET LIMITATIOnS DE L’ÉTuDE
Dans cette étude, qui a duré 15 mois (de juin 2013 à aout
2014), nous essayons d’analyser l’emploi coopératif
dans une perspective intersectorielle et mondiale,
tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif.
En ce qui concerne le volet quantitatif de l’étude, nous
nous proposons d’avancer des estimations plutôt
que des données chiffrées exactes, l’enjeu étant dans
cette phase de mieux cerner l’échelle de l’emploi au
sein ou dans le cadre des coopératives dans le monde.
La finalité de ce travail n’est pas de produire une étude
statistique même si nous estimons que des études
complémentaires sur les coopératives, fondées sur
des données quantitatives, devraient être réalisées en
partenariat avec des universités et d’autres institutions
de recherche.
En ce qui concerne le volet qualitatif, l’étude prend
en considération différents aspects des normes
du travail de l’OIT et de la notion d’emplois décents.
Nous essaierons cependant d’aller au-delà de ces
paramètres pour découvrir les caractéristiques
intrinsèques de l’emploi coopératif en nous servant
d’une nouvelle approche qualitative. Sur la base
d’entrevues de personnes, de leurs avis, commentaires
et sentiments exprimés, nous essaierons de dresser
un tableau de ce que signifie travailler dans ou dans
le cadre d’une coopérative et d’identifier les aspects
propres à l’expérience coopérative, ainsi que l’incidence
de ces aspects sur la durabilité entrepreneuriale des
coopératives.
Cette étude se concentre exclusivement sur les
coopératives. Nous avons délibérément exclu du
champ de notre travail des formes très proches
d’entreprises telles que les entreprises détenues
majoritairement par leurs salariés ou les mutuelles,
de plus en plus regroupées dans les catégories de
« l’économie sociale » et de « l’économie solidaire ».
Les chiffres auraient été plus élevés si nous avions fait
ce choix. Aucune de ces autres formes n’a cependant
de normes internationales claires qui gouvernent
tous les principaux aspects de l’entreprise et à la
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL
19
fois soient partagées et approuvées universellement
(une caractéristique principale et originale du modèle
coopératif)21. L’intégration de ces formes proches
dans l’étude aurait rendu difficile toute démarcation
claire de l’objet de l’étude tant sur le plan quantitatif
que qualitatif.
L’étude se concentre uniquement sur l’emploi
coopératif direct, qui comprend également, selon notre
définition basée sur la définition de l’OIT de l’emploi,
les producteurs indépendants qui produisent dans le
cadre des coopératives, comme nous l’avons expliqué
ci-dessus. Elle n’analyse pas les emplois indirects, tels
que les emplois à long terme (fournisseurs, services
locaux) induits par la présence de coopératives dans
une collectivité, ni les emplois générés par des prêts
productifs accordés par des coopérat ives de crédit
dans le monde entier. Si nous avions inclus l’emploi
indirect, les estimations quantitati ves auraient
certainement été plus élevées. Cependant, un niveau
beaucoup plus profond et ample d’ana lyse aurait
été nécessaire, ce qui aurait dépassé le temps et les
conditions fixés pour cette recherch e. En outre, le
calcul de l’emploi indirect est, selon l’OIT, extrêmement
difficile à mener à bien de manière fiable 22.
Autant cette étude tient compte des différentes
typologies de coopératives et d’empl oi coopératif,
elle ne comprend pas de classification sectorielle de
l’emploi coopératif, ce qui aurait dépassé les limites
de temps de cette étude.
Nous avons opté pour un ancrage profond à la base car
nous le jugions nécessaire pour dégager un éclairage
en profondeur de la réalité concrète de l’emploi
coopératif. Par conséquent, une partie substantielle
de l’étude se fonde sur du travail de terrain réalisé dans
10 régions sélectionnées présentant des dimensions
géographiques et démographiques comparables qui
ont été choisies en fonction d’un certain nombre de
critères déclinés dans la section 1.5. ci-dessous. Elles
peuvent être vues sur la carte p.10 et sont énumérées
et brièvement décrite dans le tableau 1 p.11. Une
description plus détaillée des 10 régions se trouve
dans l’annexe 2.
1.5. COnSIDÉRATIOnS MÉTHODOLOGIQuES
Dans différentes parties de l’étude, nous avons recours à des méthodes de recherche différentes.
Pour le Chapitre 2 qui traite essentiellement du nombre d’emplois ou d’activités économiques
individuelles créés ou conservés au sein ou dans le cadre des coopératives dans le monde,
nous avons recueilli toutes les sources de données contenant des informations statistiques
sur l’emploi coopératif dans chacun des pays où ces informations étaient accessibles. Notre
première source a été l’autorité statistique nationale, les organismes publics nationaux
compétents ou les organisations coopératives nationales. Nous avons ensuite puisé dans
les travaux de recherche existants sur le sujet. Nous avons, enfin, contacté les organisations
coopératives nationales et leur avons demandé les informations et explications pertinentes
pour interpréter correctement les données. Au fil de cette démarche, nous avons essayé de
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
20
discerner les données en matière d’emploi au sein des coopératives, telles que les salariés
et les travailleurs-membres, d’une part, et l’emploi généré dans le cadre des coopératives,
tel que l’emploi de producteurs et d’artisans, et de leurs propres salariés, d’autre part. Ce
travail de recueil de données a duré pendant toute la période de recherche. Les résultats
sont partiels et portent sur des années différentes selon les pays, sans aller au-delà de la
période 2003-2014. Les résultats ne sont donc que des estimations brutes qui ne peuvent
être considérées comme des données statistiques. L’établissement de données statistiques
sur l’emploi coopératif au niveau mondial exigerait l’existence de politiques publiques qui font
actuellement défaut tant au niveau international que dans de nombreux pays.
Cependant, le calcul de ces estimations est insuffisant pour comprendre les spécificités
de l’emploi coopératif. À cette fin, nous avons effectué une recherche approfondie sur des
régions cibles. Son résultat est principalement utilisé aux Chapitres 3 et 4.
Pour la sélection des régions cibles (voir carte p. 10, le tableau 1 p.11 et l’annexe 2), notre première
étape a été de choisir 10 pays où le système coopératif est bien développé quantitativement
et diversifié, sans perdre de vue la diversité géographique, économique, développementale et
culturelle de ces pays afin de disposer d’un bon échantillon mondial. Parallèlement, nous avons
également choisi des pays dans lesquels nous avions des membres ou partenaires nationaux
disponibles, et une capacité de communication linguistique. Dans une deuxième étape, nous
avons identifié une région dans chacun des pays retenus, où la population locale représente
de 1,5 million à 12 millions d’habitants, et où la densité et la diversité des coopératives sont
plus importantes en regard d’autres régions du même pays. Tout en essayant de nous en tenir
à ce dernier critère, certaines régions ont été retenues pour des considérations spécifiques.
Par exemple, nous avons découvert qu’au Japon, les régions où le secteur coopératif est
relativement plus important et diversifié présentent des caractéristiques très semblables
à celles de la région choisie en Corée du Sud, les deux pays ayant des traditions et des
structures coopératives similaires. Pour éviter l’écueil de la similarité, nous avons choisi une
autre région au Japon où des types de coopératives urbaines, telles que des coopératives de
consommation et de travail associé, se sont fortement développés, à la place des secteurs
d’implantation forte et traditionnelle des coopératives, tels que l’agriculture, la pêche et
la sylviculture. De même, les régions où les coopératives sont les mieux établies au Brésil
présentent des caractéristiques très semblables à celles de la province de Santa Fe, retenue
pour l’Argentine, outre qu’elles sont géographiquement très proches. Nous avons donc choisi
un état du Brésil qui se situe à l’autre extrémité du pays, où le mouvement coopératif n’est pas
encore très fort mais dont le développement est prometteur, alors que son environnement
économique et social est bien différent de celui du Sud du pays plus développé.
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL
21
Ce type de sélection ne prend pas en compte la représentativité au regard du groupe de
population qui n’a pu être identifié a priori. Au contraire, notre priorité théorique et pratique étant
les coopératives et l’emploi, notre choix pourrait être interprété comme un échantillonnage
théorique (Glaser et Strauss, 2008). Cette mention est particulièrement importante parce
que nous utilisons cette sélection non seulement pour une recherche approfondie en vue
de réunir des données statistiques, mais aussi lors d’entrevues qualitatives de personnes
travaillant dans ou dans le cadre des coopératives.
Les visites et les entrevues ont duré environ une semaine dans chacune des régions
mentionnées ci-dessus, soit un total de 10 semaines d’octobre 2013 à mars 2014. En
tout, nous avons visité, ou eu des entretiens ou des réunions avec 60 coopératives et 13
organisations coopératives dans divers secteurs. 65 interviews individuelles ont été réalisées
outre de nombreux autres contacts, réunions et visites de terrain, impliquant des membres
du personnel remplissant différents rôles et fonctions, ainsi que les producteurs-membres
engagés dans un large éventail de différentes activités économiques. Le travail de terrain
a été préparé en amont pendant plusieurs mois dans chacune des 10 régions et le suivi
de plusieurs contacts locaux s’est prolongé pendant de nombreuses semaines. Plusieurs
centaines de pages de rapports du travail de terrain ont été produites. Les enquêtes ont
été menées à bien par les trois auteurs qui se sont partagé ce travail entre eux en fonction
surtout de leurs capacités linguistiques et de leur connaissance des pays concernés23. Nous
avons également pu compter sur la collaboration de membres de CICOPA ou (comme dans
le cas de l’Afrique du Sud ou de l’Inde), de partenaires de longue date de CICOPA qui nous
ont fourni des informations contextuelles significatives. Au Québec, le partenariat avec le
Mouvement Desjardins a été fondamental.
Dans chacune des 10 régions, nous avons réalisé deux types d’activités de recherche.
En premier lieu, nous avons recueilli des données statistiques sur l’économie régionale en
général et les coopératives dans la région. Nous avons généralement eu des difficultés à
obtenir des informations quantitatives sur les coopératives au niveau régional. Nous avons
donc été appelés à mobiliser toutes les méthodes à la disposition telles que la collaboration
avec le mouvement coopératif régional, l’accès aux bases de données statistiques publiques
et une conjugaison des deux méthodes.
En second lieu, pour identifier les aspects communs et la diversité de l’emploi coopératif,
nous avons mené à bien des interviews qualitatives de personnes travaillant dans ou dans
le cadre des coopératives. Sur la base de méthodes d’interviews ethnographiques (Beaud et
Weber, 2003), nous avons essayé de comprendre les différentes pratiques de travail dans les
coopératives et l’interprétation qu’en donnaient les acteurs eux-mêmes.
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
22
Afin de refléter dans toute la mesure du possible les différents aspects, nous avons essayé de trouver des
personnes à interviewer qui procèdent d’horizons aussi différents que possible tant du point de vue du type
de coopératives dans lesquelles elles sont engagées que de leur profil personnel tels le sexe, l’âge, le statut
du travailleur, sa syndicalisation ou non, et les différents types de relations du travail avec les coopératives
concernées, etc.
Notre méthode d’interview a été semi-dirigée afin d’empêcher que la représentation du chercheur n’influe sur
les personnes interviewées (Alcaras et al. 2009), tout en se concentrant sur des questions d’emploi. Toutes
les interviews ont été enregistrées et partiellement retranscrites, notamment ce qui s’y est exprimé sur les
spécificités de l’emploi coopératif. À l’exception des cas du Japon et de l’Inde pour lesquels nous avons obtenu
l’aide de traducteurs, toutes les autres interviews ont été réalisées dans les langues des régions respectives
(italien, espagnol, portugais, coréen, anglais et français).
Certaines des personnes interviewées ont insisté pour conserver l’anonymat le plus strict, alors que d’autres
ont préféré ne pas être identifiées, et d’aucunes n’avaient pas d’avis tranché sur la question. Nous avons donc
décidé de traiter toutes les personnes interviewées de la même manière, c’est-à-dire en respectant l’anonymat
de leur propos. Nous ne mentionnons donc que la région et le secteur d’activité de la coopérative concernée,
généralement sans évoquer la fonction de la personne au sein de la coopérative, mais en précisant néanmoins
s’il s’agit d’une personne salariée, d’un producteur-membre ou d’un travailleur-membre. Seulement dans le cas
des deux groupes de coopératives, Desjardins et Mondragon, nous faisons mention du groupe dans les citations.
nOTES
1. Cf. CIA World Factbook – 22 juillet 2014, www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/fields/2229.html
2. Cf. article: Ban Ki-moon: Decent jobs for youth are essential to the future we want disponible sur www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_247476/lang--fr/index
3. Cf. OIT, Migrations de main-d’œuvre: faits et chiffres, disponible sur www.ilo.org/global/about-the-ilo/media-centre/issue-briefs/WCMS_239651/lang--fr/index.htm (date de parution, le 26 mars 2014)
4. Cf. L’avenir que nous voulons: document final adopté au Sommet Rio+20, p. 33, disponible sur www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/66/288
5. Cf. Urbanisation: des faits et des chiffres, p. 5, disponible sur: www.un.org/french/ga/istanbul5/kit2.pdf
6. Cf. Éditorial de l’OIT publié le 20 mai, Pourquoi l’emploi et les moyens de subsistance comptent, sur www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/comment-analysis/WCMS_213610/lang--fr/index.htm
7. Cf. Haroon Siddique One in 10 young British have nothing to live for, The Guardian, le 2 janvier 2014: www.theguardian.com/society/2014/jan/02/one-in-10-jobless-yougov-poll
8. Cf. Dean Baker The Human Disaster of Unemployment, the New York Times Sunday Review, le 12 mai 2012 www.nytimes.com/2012/05/13/opinion/sunday/the-human-disaster-of-unemployment.html?pagewanted=all
9. Cf. La crisi uccide imprenditori e disoccupati: lo scorso anno si sono tolte la vita 149 persone, La Repubblica,
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL 1 INTRODUCTION À L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE CONTEXTE MONDIAL
23
le 15 février 2014, sur www.repubblica.it/economia/2014/02/15/news/crisi_suicidi_lavoro-78655798 et Angeles López La crisis y el desempleo golpean a los jóvenes europeos, El Mundo, 18 septembre 2013 www.elmundo.es/elmundosalud/2013/09/17/noticias/1379444254.html
10. Cf. l’article Cooperatives can build socio-economic resilience during crises – UN officials, www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=45353#.U6q_t7HLMoA
11. Cf. Message de Guy Ryder, Directeur général de l’OIT lors de la Journée internationale des coopératives en 2013, disponible sur www.ilo.org/beirut/media-centre/statements/WCMS_216859/lang--en/index.htm
12. Cf. Déclaration de l’OIT Cooperative enterprises remain strong in times of crisis parue le 9 juillet 2013, à l’occasion de la Journée internationale des cooperatives: www.ilo.org/newyork/speeches-and-statements/WCMS_217368/lang--en/index.htm
13. Cf. Rapport du PE sur www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A7-2013-0222+0+DOC+XML+V0//FR
14. OIT, Recommandation sur la Promotion des coopératives, 2002 (N° 193), art. 2
15. Ibid., art. 3
16. http://laborsta.ilo.org/applv8/data/iloce.pdf
17. http://laborsta.ilo.org/applv8/data/c2e.html
18. le cadre de l’OIT est “consistant avec le programme des Taux Standardisés du Chômage de l’Organisation pour la Coopération et e Développement Economique, et tous les autres programmes comparatifs qui utilisent les lignes directrices de l’OIT ”. http://laborsta.ilo.org/applv8/data/iloce.pdf
19. Telles que définies par la Déclaration mondiale de CICOPA sur le travail associé coopératif, adoptee par son Assemblée générale en 2003 et par l’Assemblée générale de l’ACI en 2005, disponible sur www.cicopa.coop/IMG/pdf/declaration_approved_by_ica_-_en-2.pdf.
20. Telles que définies par les Standards mondiaux des cooperatives sociales, disponibles sur www.cicopa.coop/IMG/pdf/world_standards_of_social_cooperatives_en.pdf
21. Cf. ACI Déclaration sur l’identité cooperative sur http://ica.coop/en/whats-co-op/co-operative-identity-values-principles, intégrée à la Recommandation de 2002 sur la promotion des coopératives (n° 193) de l’OIT sur www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193
22. Voir Lall S., 1979, The indirect employment effects of multinational companies in developing countries; Genève: OIT
23. Eum Hyungsik s’est chargé du travail de terrain en Afrique du Sud, Corée du Sud, Japon, Canada et États-Unis; Elisa Terrasi en Italie, Espagne et Inde; et Bruno Roelants au Brésil et en Argentine
CHAPITRE 2ESTIMATIOnS QuAnTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DAnS LE MOnDE
25
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
2.1. DÉFInITIOn DES CATÉGORIES CLÉS
Au fil des dernières années, il a été fait état à maintes reprises que 100 millions de personnes dans le monde
devaient leur emploi à des coopératives24. Dans ce chapitre, nous essayons de vérifier cette estimation sur la
base de données statistiques empiriques et de sonder les possibilités d’une analyse plus approfondie compte
tenu que les statistiques sur les coopératives ne sont pas systématiquement produites au niveau mondial, voire
qu’un nombre non négligeable de pays ne disposent pas du tout de telles statistiques. Par ailleurs, les informations
sur l’emploi engendré par les coopératives est plus difficile à déceler que des données générales sur l’emploi,
l’importance de l’emploi assuré par les coopératives n’étant généralement pas pleinement reconnu partout par
les autorités responsables des statistiques comme une valeur ajoutée des coopératives.
Nous avons recueilli des données des collectivités publiques, des organisations coopératives et certaines que
des enquêtes régionales ont permis d’établir, et avons essayé de parvenir à une estimation au niveau mondial et
du G20. Au cours du recueil de ces données, nous avons fait une distinction entre trois catégories, à savoir les
salariés de tous types de coopératives, les travailleurs-membres qui sont plus nombreux dans les coopératives de
travail associé et les coopératives sociales, ainsi que les producteurs-membres des coopératives de production.
A En ce qui concerne la première catégorie, la plupart des coopératives ont leurs propres
salariés pour réaliser les objectifs et les activités économiques qu’ont définis les
membres. Dans ce cas de figure, les coopératives ont recours au même type de forme
de travail que d’autres types d’entreprises, à savoir fondée sur la relation employeur-
salarié. Cette forme de travail est présente dans presque tous les types de coopératives,
même dans les coopératives de travail associé où travaillent ensemble des travailleurs-
membres et non-membres. Ajoutons que ce n’est pas seulement le cas pour les
coopératives de premier degré mais également pour les coopératives de deuxième
degré, les consortiums et les groupes coopératif ainsi que les fédérations nationales et
régionales de coopératives25. Lorsque les informations étaient disponibles, nous avons
pris en considération les salariés des filiales qui sont détenues et controlées par des
coopératives.
A La seconde catégorie, constituée par les travailleurs-membres et dénommée travail
associé26, constitue une part relativement mince de l’emploi coopératif dans le monde,
sans pour autant être insignifiante compte tenu notamment de l’extrême diversité des
secteurs dans lesquels cette catégorie s’est développée, de la taille de ces coopératives,
de l’environnement dans lequel elles sont implantées (milieu rural/urbain) et des pays. Ces
coopératives sont un véritable laboratoire de l’entrepreneuriat et du travail. À cet égard,
nous devrions prendre en considération qu’au début de l’industrialisation au 19ème siècle,
la relation employeur-salarié ne représentait pas une des formes de travail dominantes.
Depuis lors, les personnes ont essayé de créer différentes formes de relations du travail
pour éviter la subordination sur le lieu de travail, pour en encourager l’autonomie et la
prospérité économique. Ces formes innovantes, bien que pas nouvelles, se sont surtout
26
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
développées dans les coopératives de travail associé. Actuellement, nous ne trouvons
pas seulement des modèles d’emploi innovant traditionnels, que représente le travail
associé, mais aussi de nouvelles vagues de travail innovant telles que les coopératives
sociales, les coopératives multi-sociétaires, les coopératives de communautés, les
collectifs de travailleurs au Japon ou les coopératives d’activité et d’emploi en France,
qui se sont développées pour répondre à de nouveaux besoins et aspirations. Nombre de
ces formes de travail ne sont pas officiellement reconnues en tant que telles. Cependant,
nous pouvons observer qu’elles jouissent de plus en plus d’un cadre juridique propre
au niveau national au titre de modèle coopératif, les aidant ainsi à sauvegarder leurs
spécificités d’emploi tout en bénéficiant de réglementations du travail développées dans
d’autres cadres et formes du travail pour créer et maintenir des conditions de travail
décentes.
A En ce qui concerne la troisième catégorie, constituée de producteurs indépendants, de
nombreuses coopératives jouent un rôle d’interface avec des personnes travaillant en
tant que producteurs individuels à leur compte comme, par exemple, des agriculteurs,
des pêcheurs, des artisans, etc., ou avec des PME, qui comptent partiellement ou
intégralement sur des coopératives pour transformer ou commercialiser leurs produits
ou services, ou leur fournir des intrants clés pour leur production. Dans certains cas
plus rares, nous avons pu obtenir des données sur des personnes employées par
les producteurs individuels ou PME qui sont membres des coopératives. Même si les
coopératives n’emploient pas directement ces personnes, elles mettent à leur disposition
des outils clé de production leur permettant de réaliser leurs activités économiques et
d’accroitre leur compétitivité, contribuant ainsi au maintien et au renforcement de l’emploi
sous ces formes de travail. Dans les statistiques officielles sur l’emploi, les informations
sur cette catégorie sont exclues du calcul de l’emploi coopératif et les producteurs-
membres travaillant pour compte propre sont considérés comme des producteurs
individuels. Aucun lien n’est détectable entre leur métier et les coopératives. Il convient
de souligner que dans de nombreux cas, la coopérative n’est pas la seule entité avec
laquelle le membre réalise ses transactions liées à sa production, mais elle est dans la
plupart des cas la principale. Dans certains cas, c’est la seule.
Comment mesurer la contribution des coopératives à l’emploi dans cette troisième catégorie ?
L’importance de la contribution de la coopérative à l’emploi d’un producteur peut
être très variable et correspond souvent à moins d’un équivalent temps-plein (ETP)
par producteur-membre, mesuré à l’aune du revenu de ce dernier procédant de ses
transactions avec sa coopérative: par exemple, une estimation moyenne de 50%
du total des transaction du producteur a été fournie dans le cas des coopératives
agricoles en Argentine27, mais les ratios estimés peuvent s’élever à 60% ou 70%, par
27
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
exemple dans les coopératives de taxis et de transport au Brésil. En Chine, on estime à
58%28 le ratio moyen pour les agriculteurs-membres. Dans certaines régions, comme
le Pays Basque en Espagne ou l’Emilie-Romagne en Italie, le ratio peut atteindre 100%.
Cependant, nous ne pouvons perdre de vue que plus particulièrement dans l’agriculture,
les producteurs travaillent rarement seuls et que les exploitations comptent souvent
deux, trois, voire davantage de personnes qui y travaillent (parents ou employés).
En tout état de cause, les ratios que nous avons trouvés dans la plupart des cas
(50 à 70%, dans certains cas jusqu’à 100%) montrent la relation productive étroite
et quantitativement importante qui existe entre le producteur indépendant et sa
coopérative. Cette relation confirme notre position dans cette étude selon laquelle
nous considérons cette forme d’auto-emploi comme étant directement, et non pas
indirectement, une partie de l’emploi coopératif.
Lors du calcul du nombre de producteurs-membres, nous nous sommes attachés à éviter le double comptage, par
exemple, en ne comptant que les coopératives agricoles engagées dans la transformation et la commercialisation
lorsque les mêmes agriculteurs peuvent être membres d’autres coopératives de production qui leur fournissent
des intrants ou des conseils techniques.
Même si l’estimation du nombre cumulé de personnes constituant l’emploi coopératif nous permettra de toute
évidence de comprendre le rôle et le poids des coopératives dans l’économie en général, il est également
important de distinguer ces trois formes de travail en lien avec les coopératives parce qu’elles illustrent
différentes contributions des coopératives au travail et à l’emploi.
Bien que nous ayons essayé de différencier les trois catégories évoquées ci-dessus, il a parfois été difficile
d’obtenir des données qui permettent d’opérer cette différenciation. Nous devons donc expliquer les limites de
ces estimations:
A Premièrement, lorsque nous avons pu recueillir des données ventilées par types de coopératives,
nous avons essayé d’analyser ce que représente chaque type de coopérative en fonction de ces
trois catégories de travail. Pour les coopératives d’usagers, par exemple, nous nous sommes
limités à compiler des données sur les seuls salariés. Dans le cas des coopératives de production
et de travail associé, nous avons compilé des données sur les salariés et les membres. Cependant,
lorsque nous avons utilisé les données déjà compilées sur l’emploi généré par les coopératives,
nous n’avons pas toujours pu vérifier le caractère des informations qui devraient inclure des
données sur les personnes salariées et les travailleurs-membres29. Dans de tels cas de figure,
nous avons introduit ces informations dans les tableaux sous la rubrique « salariés » uniquement.
A Ensuite, dans le secteur industriel et le secteur des services de plusieurs pays en développement,
lorsque nous avons pu obtenir des données claires sur les travailleurs-membres à la différence
28
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
des producteurs-membres, nous les avons considérés comme tels. Cette démarche a induit à
considérer comme travailleurs-membres bon nombre de personnes en Inde figurant comme
producteurs-membres de coopératives. Ce choix se voit renforcé par notre observation de la
situation en Inde, où de nombreux travailleurs de coopératives dans des activités industrielles et
artisanales telles que le tissage et le filage à la main ont un statut de producteur-membre mais
sont davantage à considérer comme des travailleurs-membres considérant le type d’organisation
du travail30.
A Enfin, dans de nombreux pays, nous n’avons pas pu rassembler d’informations suffisantes sur les
producteurs-membres travaillant pour compte propre. Par conséquent, bien que nous disposions
de données assez fournies sur cette catégorie en Chine et en Inde, les informations sur les
producteurs-membres ayant un statut d’indépendants demeurent largement incomplètes et
sont loin de couvrir tous les pays.
2.2. ESTIMATIOnS ACTuELLES Au nIVEAu MOnDIAL ET DAnS LE G20
2.2.1. ESTIMATIOnS Au nIVEAu MOnDIAL
Comme le révèle le Tableau 2 ci-dessous, selon nos estimations actuelles, qui reposent sur des données
incomplètes compilées dans 74 pays sur tous les continents, qui regroupent environ 79% de la population
mondiale, l’emploi au sein et dans le cadre des coopératives concerne, pour le moins, 250 millions de
personnes dans le monde31, correspondant à 8,73% de la population active occupée mondiale32. Ce nombre
est sensiblement plus élevé que les 100 millions d’emplois qui avaient été estimés au début des années 1990
et qui a été relayé dans et en dehors du mouvement coopératif depuis lors. De ce chiffre global, près de 26,4
millions de personnes travaillent au sein des coopératives, dont 15,6 millions sont des salariés de coopératives
et 10,8 millions sont des travailleurs-membres. L’emploi dans le cadre des coopératives concerne 223,6 millions
de producteurs individuels ou PME dans le secteur de l’agriculture, de la pêche, de l’industrie, de l’artisanat, des
transports, etc., leur grande majorité étant dans le secteur de l’agriculture.
Géographiquement, les pays asiatiques présentent les chiffres les plus élevés. Les chiffres impressionnants
de Chine et d’Inde permettent d’estimer que l’emploi coopératif, quelle qu’en soit la forme, est beaucoup plus
répandu en Asie que dans d’autres continents. Les pays européens, pour lesquels la disponibilité des données
est meilleure, semblent également se caractériser par un taux élevé d’emploi coopératif, alors que les pays du
continent américain sont légèrement mieux positionnés dans la catégorie des travailleurs-membres.
29
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
TABLEAu 2 nombre d’emplois au sein et dans le cadre des coopératives dans le monde, par continents et par catégorie
COnTInEnTS
CATÉGORIE 1 CATÉGORIE 2 CATÉGORIE 3
TOTAL SALARIÉS
TRAVAILLEuRS-
MEMBRES
PRODuCTEuRS-MEMBRES
(Y COMPRIS LEuRS SALARIÉS, QuAnD DOnnÉES DISPOnIBLES)
EuROPE (31) 4.627.853 1.231.102 10.132.252 15.991.207
AFRIQuE (13) 1.467.914 237 5.715.212 7.183.363
ASIE (14) 7.734.113 8.200.505 204.749.940 220.684.558
AMÉRIQuE (15) 1.762.797 1.409.608 3.048.249 6.220.654
OCÉAnIE (1) 26.038 N.D. 34.592 60.630
TOTAL 15.618.715 10.841.452 223.680.245 250.140.412
Les chiffres par pays peuvent être retrouvés dans l’annexe 2
2.2.2. ESTIMATIOnS POuR LE G20
Le G20 représente une part substantielle de l’économie mondiale (85% du PIB mondial) et de la population du
monde (64%). Estimer le niveau de l’emploi généré par les coopératives dans le G20 en général est donc très
pertinent.
L’estimation totale de l’emploi coopératif dans le G20 est légèrement supérieure à 234 millions, soit la grande
majorité des emplois ainsi générés dans le monde. Presque 20 millions de ces emplois sont des emplois au sein
des coopératives, qui se ventilent en 10,7 millions de salariés et 9,2 millions de travailleurs-membres. Les emplois
générés dans le cadre des coopératives sont proches des 214 millions.
Le ratio de l’emploi coopératif, tant au sein des coopératives (salariés et travailleurs-membres) que dans le cadre
des coopératives (producteurs-membres), en regard de l’emploi global est particulièrement élevé en Chine
(21,22%), en Corée du Sud (11,21%), en Inde (10,68%), en Italie (10,90%) et en Turquie (10,35%). Dans l’ensemble du
G20, le ratio de l’emploi coopératif en regard de l’emploi global est de 11,65%.
30
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
TABLEAu 3L’emploi coopératif dans le G20, par pays et par catégories
PAYS
CATÉGORIE 1 CATÉGORIE 2 CATÉGORIE 3
SALARIÉS
(A)
TRAVAILLEuRS-MEMBRES (B)
PRODuCTEuRS-MEMBRES
(ET LEuRS EMPLOYÉS QuAnD DOnnÉES DISPOnIBLES)
(C )
ARGEnTInE 87.486 177.568 112.086
AuSTRALIE* 26.038 Pas de données 34.592*
BRÉSIL 296.286 259.035 1.114.467
CAnADA 155.427 5.490 520.000
CHInE 2.090.000 650.000 160.000.000
FRAnCE 564.012 21.679 928.000
ALLEMAGnE 890.133 Comptés avec les salariés 1.700.000
InDE 1.215.627 6.845.701 31.291.714
InDOnÉSIE 473.604 Pas de données Pas de données
ITALIE 1.042.490 703.879 749.441
JAPOn 571.117 19.986 4.827.104
MEXIQuE 41.184* Pas de données Pas de données
RuSSIE 235.000 Pas de données 1.100.000
ARABIE SAOuDITE Pas de données Pas de données Pas de données
AFRIQuE Du SuD Pas de données Pas de données Pas de données
CORÉE Du SuD 123.482 1.141 2.642.826
TuRQuIE 98.968 Pas de données 2.463.026
ROYAuME unI 236.000 5.234 158.438
ETATS unIS 967.080 55.140 854.700
Eu 1.582.846 500.310 5.496.373
TOTAL 10.696.780 9.245.163 213.992.767
* Information partielle
31
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
TABLEAu 3L’emploi coopératif dans le G20, par pays et par catégories
COunTRYTOTAL nuMBER OF ALL COOPERATIVE
EMPLOYMEnT (A+B+C)
RATE OF EMPLOYMEnT IN COOPERATIVES
(A, B)
OuT OF 2012 TOTAL EMPLOYED POPuLATIOn
(%)
RATE OF ALL COOPERATIVE EMPLOYMEnT
(A, B, C)
OuT OF 2012 TOTAL EMPLOYED POPuLATIOn
(%)
REFEREnCE
YEAR
ARGEnTInE 377.140 1.69 2.40 2008
AuSTRALIE* 60.630 0.23 0.53 2011
BRÉSIL 1.669.788 0.59 1.76 2011
CAnADA 680.917 0.92 3.89 2009
CHInE 162.740.000 0.36 21.22 2013
FRAnCE 1.513.691 2.22 5.87 2010
ALLEMAGnE 2.590.133 2.29 6.47 2012
InDE 39.353.042 2.15 10.51 2009-2010
InDOnÉSIE 473.604 0.43 0.43 2012
ITALIE 2.495.810 7.63 10.90 2011
JAPOn 5.418.207 0.94 8.64 2009-2014
MEXIQuE 41.184 0.08 0.08 2007
RuSSIE 1.335.000 0.33 1.87 2013
ARABIE SAOuDITE
AFRIQuE Du SuD
CORÉE Du SuD 2.767.449 0.50 11.21 2011-2014
TuRQuIE 2.561.994 0.40 10.32 2012
ROYAuME unI 399.672 0.82 1.36 2010
ETATS unIS 1.876.920 0.72 1.32 2007+2011
Eu 7.579.529 2.10 7.63 2009-2010
TOTAL 233.934.710 0.99 11.65
* Information partielle
32
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
2.3. ÉVOLuTIOn DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DAnS LE TEMPS
Si les estimations mentionnées ci-dessus sont d’un intérêt majeur, elles ne révèlent en rien une
augmentation ou une diminution de l’emploi coopératif dans le temps. Nos données sur l’évolution
diachronique sont encore plus rares mais nous essaierons d’analyser les éléments que nous avons
pu recueillir. Nous nous concentrerons en premier lieu sur la résilience des coopératives à la crise
mondiale qui a éclaté en 2008, plus précisément dans le domaine de l’emploi, et tenterons ensuite
de percevoir l’évolution de l’emploi coopératif depuis 2000 dans les quelques pays sur lesquels nous
avons trouvé des informations à cet égard.
2.3.1. RÉSILIEnCE DES COOPÉRATIVES À LA CRISE
Un exemple typique de cette résilience se trouve en
Italie où, selon EURICSE, dès 2008, les coopératives
représentaient 10% du PIB et 11% de l’emploi33.
Le second rapport d’EURICSE, publié en 2013 et
intitulé La coopération en Italie pendant les années
de crise, analyse le développement des coopératives
depuis 2008 et essaie d’identifier, dans la mesure du
possible, comment la réaction des coopératives à
la crise s’est différenciée de celle des autres types
d’entreprises. L’analyse fait observer qu’au cours de
la crise, notamment au fil des premières années, les
modèles de croissance des coopératives ont été
sensiblement différents de ceux des autres formes
d’entreprises et la tendance vaut pour tous les
types de coopératives. Au cours de la période 2008-
2011, on peut parler d’une fonction anticyclique des
coopératives italiennes, qui semble être due presque
intégralement à la différence dans la structure de la
propriété: « La fonction anticyclique des coopératives
est surtout attribuable à leurs objectifs et à leurs
structures de propriété conçus pour satisfaire les
besoins de leurs membres et non pour rémunérer les
investissements de détenteurs de parts »34.
Cette tendance anticyclique est également consignée
dans le Rapport annuel de la coopération en Italie
produit par l’institut de recherche italien CENSIS.
Selon le CENSIS, l’emploi dans les coopératives en
Italie a augmenté de 8% entre 2007 et 2011 alors
qu’il connaissait un recul de 2,3% dans tous les types
d’entreprises. En 2012, l’emploi dans les coopératives
italiennes connaissait une croissance de 2,8%,
soit 36.000 nouveaux emplois créés par rapport
à 2011, portant le chiffre total des emplois dans le
secteur à 1.341.000 (il s’agit d’emplois créés au sein
des coopératives qui n’incluent pas les emplois de
producteurs-membres travaillant pour leur compte
propre). Les emplois dans les coopératives sociales
ont connu une véritable envolée entre 2007 et 2011,
avec une croissance de 17,3%, une tendance qui devait
se confirmer en 2012, avec une augmentation de 4,3%
(CENSIS, 2012)35.
En France, les coopératives de travail associé et
multi-sociétaires (dénommées sociétés coopératives
d’intérêt collectif ) enregistraient en 2013 une
croissance nette de l’emploi de 4% par rapport à
l’année précédente et de 12,5% par rapport à 2009.
33
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
Parmi ces emplois, 40% ont été créés dans des
coopératives existantes et 20% dans des start-ups36.
Selon des données récentes, le taux de survie de ces
coopératives après 3 ans était de 82,5% alors qu’il
était de 66% pour toutes les entreprises françaises,
et de 66,5% au terme de 5 années alors qu’il était de
50% pour l’ensemble des entreprises françaises37.
Comment pouvons-nous expliquer la résilience des
coopératives à la crise ? Les enquêtes réalisées
par CICOPA et CECOP-CICOPA Europe sur les
coopératives de travail associé et les coopératives
sociales dans le monde, et de façon plus détaillée
en Europe, laissent apparaître que la résilience
des coopératives est due largement à leur forte
tendance à produire des stratégies innovantes
du point de vue organisationnel, social, technique
et de gestion à trois niveaux: au niveau micro, les
travailleurs-membres prennent rapidement des
décisions face à la crise et elles sont légitimes parce
qu’adoptées démocratiquement; méso, la création
et le développement de groupes horizontaux et
d’entités mutualisées, telles que des institutions
d’accompagnement des entreprises, des
consortiums et des fédérations sont des facteurs
fondamentaux compte tenu que de nombreuses
entreprises coopératives ne pourraient avoir accès
à des services similaires ou à un soutien financier
hors du système coopératif et seraient plus que
probablement beaucoup plus affectées par la
crise actuelle; macro, un régime juridique national
efficace pour les coopératives prévoyant des
dispositions précises propices au développement
de telles entreprises38.
Une étude récemment publiée par l’OIT et intitulée
Résister à la récession: le pouvoir des coopératives
financières (Birchall, 2013) examine la contribution
des coopératives financières lors du contrecoup
de la crise de 2007-2008 et au cours de la période
actuelle d’austérité: si les banques détenues par leurs
investisseurs tendent à être plus instables compte
tenu de la nécessité de maximiser les bénéfices de
leurs actionnaires, les banques coopératives font un
meilleur usage de leurs avoirs, pourtant plus limités,
et accordent des crédits, notamment aux petites
et moyennes entreprises, qui ont des retombées
positives sur la création et le maintien de la richesse
et de l’emploi local.
Dans l’article David contre Goliath – les coopératives
et la crise mondiale39, Claudia Sanchez Bajo suggère un
certain nombre d’explications pour les coopératives en
général en distinguant une approche à court et à long
terme. À court terme, les coopératives 1) reposent sur
les membres et sont donc plus enclines à identifier
de nouvelles activités pour faire face aux pertes et
difficultés; 2) assurent une plus large diffusion des
informations par des instances démocratiques et
consultatives indépendantes des pouvoirs exécutifs;
3) disposent de mécanismes de prise de décision
participative qui leur permettent de prendre des
décisions dures sans sacrifier leur légitimité; 4)
conjuguent la flexibilité et le maintien de l’emploi (au
fil du temps, dans le type de fonction, la gestion, le
déploiement d’autres unités, les compensations, etc.);
5) construisent des réserves communes qui assurent
leur longévité et leur transmission aux générations à
venir. Par ailleurs, dans une perspective à long terme,
les coopératives 1) répondent plus efficacement aux
besoins de la communauté; 2) mettent en œuvre
des mesures de restructuration dans le cadre d’une
pratique normalisée; 3) ont un ancrage territorial et
ont plus tendance à rechercher l’efficacité sur place
qu’à délocaliser.
34
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
2.3.2. ÉVOLuTIOn DE L’EMPLOI DEPuIS 2000 DAnS QuELQuES PAYS
Tournons notre regard vers une sélection de pays qui disposent de données depuis le début des
années 2000 et constatons les tendances à l’œuvre. Ces pays sont le Canada, la France et le Japon.
CAnADA
Le Tableau 4 révèle un taux de croissance de l’emploi positif et relativement stable dans les coopératives
TABLEAu 4 Évolution du nombre total de salariés au sein des coopératives canadiennes entre 2000 et 2009
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
nB TOTAL DE
SALARIÉS 143.555 145.276 144.330 143.085 146.502 151.025 151.569 152.880 155.253 155.427
Source: Industrie Canada, 2013
En même temps, nous ne devons pas perdre de vue qu’au cours de cette période, l’emploi global au Canada a
connu une croissance substantielle (de 14.764,2 millions en 2000 à 17.125,8 millions en 2008).
Du coup, le ratio d’emploi au sein des coopératives par rapport à la population active employée du Canada a
connu un léger déclin relatif comme en atteste le Tableau 5 ci-dessous.
35
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
TABLEAu 5Changements du ratio d’emploi au sein des coopératives canadiennes en regard de l’emploi global entre 2000
et 2008
(%) 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
TOTAL DES EMPLOIS DAnS LES COOPS/nB
TOTAL D’EMPLOIS0.97 0.97 0.94 0.91 0.92 0.93 0.92 0.91 0.91
Source: Sur la base des données d’Industrie Canada, 2013 et www.laborsta.ilo.org
Le Tableau 6 atteste d’une légère baisse absolue du nombre de producteurs-membres qui, au Canada, comprend
aussi les travailleurs-membres. Ces derniers ne sont cependant, au Canada, que quelque 7.35040: leur nombre n’a
donc pas d’incidence significative sur les chiffres mentionnés ci -dessous. Notons encore qu’une part importante
de ces producteurs-membres se trouve dans le secteur agricole et que l’emploi dans ce secteur au Canada est,
en général, en recul dans des proportions similaires41.
TABLEAu 6 Évolution du nombre de producteurs-membres dans les coopératives canadiennes de production entre 2000
et 2009
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
nB TOTAL DE PRODuCTEuRS
MEMBRES581.000 590.000 501.000 504.000 467.000 535.000 609.000 611.000 602.000 538.000
Source: Industrie Canada, 2013
36
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
FRAnCE
Le développement de l’emploi dans les coopératives françaises de travail associé a enregistré une croissance
stable et significative entre 2000 et 2013 comme le révèle le Tableau 7.
TABLEAu 7Évolution de l’emploi dans les coopératives de travail associé et les coopératives multi-sociétaires42 entre 2000 et 2013
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
EMP
LOI
32.297 33.493 34.773 34.773 35.272 36.485 36.625 39.772 41.448 40.064 40.138 40.494 42.150 43.676
Source: CG Scop
L’emploi, toutes coopératives confondues, en France, dont les données ne sont disponibles que depuis 2008, a
augmenté plutôt modestement mais cette majoration devrait être interprétée comme une tendance positive à la
lumière de la crise profonde de l’emploi en France.
TABLEAu 8 Changements du ratio d’emploi dans les coopératives françaises en regard de l’emploi global entre 2008 et 2012
2008 2010 2012
nB TOTAL DE SALARIÉS DAnS LES COOPS/nB TOTAL DE SALARIÉS
4.2% 4.4% 4.5%
Source: CoopFR, 2014
37
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
JAPOn
Le Tableau 9 met en lumière un recul général des producteurs-membres et des salariés des coopératives agricoles
et de pêche au Japon. À l’instar du Canada, la cause en est probablement la baisse de l’emploi dans le secteur
primaire.
TABLE 9 Évolution du nombre de producteurs-membres et de salariés dans les coopératives agricoles et de pêche au Japon entre 2001 et 2011
PRODuCTEuRS-MEMBRES (AGRICuLTuRE)
PRODuCTEuRS-MEMBRES (PêCHE)
SALARIÉS (AGRICuLTuRE)
SALARIÉS (PêCHE)
2001 5.202.171 267.381 263.342 15.642
2002 5.149.940 260.286 257.645 15.251
2003 5.098.862 252.330 248.015 14.950
2004 5.045.472 244.335 240.435 14.230
2005 4.988.029 232.414 232.981 13.756
2006 4.931.853 225.363 227.729 13.836
2007 4.877.364 217.516 226.008 13.647
2008 4.816.570 205.843 224.063 13.177
2009 4.762.961 189.590 223.329 13.140
2010 4.707.348 178.465 220.781 13.052
2011 4.655.215 171.889 215.807 12.478
Source: www.e-stat.go.jp
38
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
Nous pouvons conclure de ce qui précède:
A qu’il est difficile d’affirmer que l’emploi dans les coopératives en général a augmenté
ou diminué au cours de la dernière décennie dans les pays mentionnés mais nous
pouvons dire que les chiffres sur l’emploi coopératif présentés dans la section 2.2.
ne permettent pas de conclure à une fluctuation importante mais plutôt au maintien
d’une tendance stable;
A nous pouvons cependant avancer quelques premières hypothèses sur les tendances
de l’emploi à long terme sur la base des données qui précédent:
a le ratio de l’emploi coopératif en regard de la population active occupée totale
semble s’être grosso modo maintenu pendant les 12-13 dernières années;
a on note un lent recul du nombre de producteurs-membres et de salariés dans
le secteur primaire dans les pays industrialisés;
a nous observons une croissance de l’emploi substantielle dans les coopératives
de travail associé et les coopératives sociales, particulièrement importante
dans certains pays caractérisés par une forte présence de coopératives,
comme l’Italie et la France; ceci pourrait être en passe de devenir une tendance
plus large.
39
2 ESTIMATIONS QUANTITATIVES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DANS LE MONDE
nOTES
24. Selon un recent courier électronique de Hüseyin Polat, fonctionnaire au sein de l’unité de l’OIT, actuellement en retraite, Yves Regis, feu Président de CICOPA, a été le premier à proposer cette estimation lors d’un séminaire de l’OIT à Genève, au début des années 1990. Yves Regis aurait alors évoqué cette estimation de l’emploi coopératif en considérant l’emploi au sens large du terme, tel qu’il est défini au Chapitre 1 (à savoir en incluant les producteurs membres indépendants)
25. Une coopérative de premier degré compte principalement des membres qui sont des personnes physiques à l’exception des coopératives de PME. Une coopérative de deuxième degré est composée de coopératives de premier degré. Un consortium est une forme spécifique de coopérative de deuxième degré, plus répandue en Italie: il peut comprendre des coopératives de deuxième et de troisième degré. Un groupe de coopératives (qui peut comprendre des coopératives de premier, deuxième et troisième degré) est caractérisé par une gouvernance horizontale entre les coopératives de premier degré. Ces groupes peuvent être plus ou moins intégrés, et se voir déléguer démocratiquement par les coopératives de premier degré des compétences plus ou moins étendues à des niveaux plus élevés du groupe
26. CICOPA (2005), Déclaration mondiale sur le travail associé coopératif, cf. www.cicopa.coop
27. Communication d’Eduardo Fontenla, spécialiste des coopératives agricoles en Argentine
28. Communication de Ge Shuyan, All China Federation of Supply and Marketing Cooperatives
29. C’est particulièrement vrai pour l’Europe, continent pour lequel nous avons surtout utilisé les données du Rapport du CIRIEC
30. Nos observations ont été effectuées au cours du projet CICOPA Inde entre 1992 et 1999, et pendant le travail de terrain pour cette étude en mars 2014. Compte tenu du type de processus de production qui est partagé entre le tisserand et les coopératives, les tisserands se trouvent souvent dans une situation intermédiaire entre être travailleurs-membres et producteurs-membres
31. Comme évoqué antérieurement, il convient de rappeler que ce nombre ne représente pas des équivalents temps-plein (ETP). Nous savons que même lorsqu’il s’agit d’emplois générés directement, il ne s’agit pas toujours de travailleurs à temps-plein
32. Données sur l’emploi coopératif dans 74 pays / population active occupée dans 161 countries (source: ILO Laborstat). Parmi les 178 pays cibles de notre étude, dont les populations sont supérieures à 300.000, 17 sont exclues du système Laborstat du BIT
33. Ce ratio comprend tant l’emploi dans les cooperatives que celui dans le champ d’activité des coopératives
34. Citation de la synthèse en anglais sur www.euricse.eu/en/node/2494. Le document intégral (en italien) est disponible sur http://issuu.com/euricse/docs/rapporto_coop_euricse?e=4821371/6437802#search
35. Le rapport ajoute que chaque coopérative emploie en moyenne 17,2 personnes, à savoir 5 fois plus que la moyenne des autres types d’entreprises. La contribution la plus significative des coopératives à l’emploi global vient du secteur des services (23,6% de l’emploi total en Italie), notamment des services de santé et des services sociaux (49,7%), des services de transport et de la logistique (24%), ainsi que des services d’accompagnement des entreprises (15,7%)
36. Communiqué de presse de la CG Scop 2013: dynamisme et pérennité économique pour les Sociétés coopératives et participatives, voir www.les-scop.coop/sites/fr/espace-presse/Bilan_chiffre-2013
37. Cf. communiqué de presse CG Scop 2013: dynamisme et pérennité économique pour les Sociétés coopératives et participatives, disponible en français sur www.les-scop.coop/sites/fr/espace-presse/Bilan_chiffre-2013
38. CICOPA (2012) Une analyse qualitative de la situation économique des membres de CICOPA, 2012, sur www.cicopa.coop/A-qualitative-analysis-on-the,1196.html: CECOP CICOPA-Europe (2012) La résilience du modèle coopératif, sur www.cecop.coop/The-study-The-resilience-of-the
39. Cf. ici: www.unrisd.org/80256B3C005BE6B5/search/8248A910D859F210C1257BAB002F52E2?OpenDocument
40. À savoir 6.858 travailleurs-membres au Québec en 2010 selon les données du Ministère du Développement économique, de l’innovation et de l’Exportation + 475 travailleurs-membres dans le Canada anglophone en 2013 selon les donnés de la Fédération canadienne des coopératives de Travail (CWCF)
41. Au Québec, la baisse de la population agricole a été de 6,2% depuis 2001: voir www.statcan.gc.ca/ca-ra2006/agpop/qc-eng.htm
42. Les données sur les coopératives multi-sociétaires ne concernent que les coopératives membres de CG Scop
CHAPITRE 3L’EMPLOI COOPÉRATIF: AnALYSE DES 10 RÉGIOnS ÉTuDIÉES
41
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
3.1. AnALYSE QuAnTITATIVE
Dans ce chapitre, nous nous concentrons sur les 10 régions où nous avons effectué le travail de trerrain. Celles-
ci peuvent être vues sur la carte p.10. Davantage de données sur chacune d’entre elles se trouvent à l’annexe 2.
3.1.1. DOnnÉES GÉnÉRALES
Nous avons compilé des données statistiques sur différents aspects de l’emploi coopératif dans 8
des 10 régions étudiées, c’est-à-dire toutes les régions à l’exception de la provinnce de Gauteng en
Afrique du Sud, où nous n’avons pas pu rassembler suffisamment de données fiables au cours de
la durée de l’enquête, et du district d’Ahmedabad en Inde, où nous nous sommes concentrés sur
le groupe SEWA de coopératives de femmes. Ces données proviennent de statistiques officielles,
de chambres régionales du commerce et de l’industrie, d’organisations coopératives, d’enquêtes
et de coopératives individuelles. S’agissant de données partielles, il est raisonnable de considérer
cette partie de l’étude davantage comme un effort de formulation d’hypothèses que comme des
informations tout à fait représentatives. Pour compléter ces données, nous avons également
recours à des données disponibles sur l’emploi coopératif de la région française du Nord Pas-de-
Calais (Van Gheluwe, J.-L. 2008).
En Émilie-Romagne, le ratio d’emploi généré au sein des coopératives en regard de l’emploi global
(à savoir la population économiquement active moins les chômeurs enregistrés comme tels) est de
8,84%, un ratio impressionnant, et emboîtent le pas à cette région le Pays basque avec 6,24%, Santa
Fe et le Québec avec 2,29% et 2.24% respectivement, Gangwon et Wisconsin avec environ 1% alors
qu’il est de quelque 0,5% à Kanagawa et Paraíba.
Si nous y ajoutons les personnes dont l’emploi est assuré dans le cadre des coopératives, à savoir
celui des producteurs-membres travaillant pour compte propre ainsi que leurs employés, ces ratios
changent carrément, passant de 0,94% à 22,88% à Gangwon: le ratio du Wisconsin grimpe de 0,81%
à 3,08% alors que celui d’Émilie-Romagne passe de 8,84% à 14,93%. Au Pays basque, en revanche,
où la présence des coopératives est particulièrement importante dans l’industrie, les finances et la
distribution, sous forme de coopératives de travail associé plutôt que de coopératives de production,
l’augmentation est moins significative, de 6,24% à 7,35%. Cette même observation est valable pour
le Québec43.
42
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
TABLEAu 10 Informations générales sur l’emploi coopératif dans 8 régions
SALARIÉS
(A)
TRAVAILLEuRS- MEMBRES
(B)
PRODuCTEuRS
(C)
EMPLOY TOTAL DAnS LES COOPS
(A+B)
EMPLOI COOP TOTAL
(A+B+C)
nB TOTAL D’EMPLOIS
DAnS LA RÉGIOn
(D)
RATIO D’EMPLOI DAnS LES COOPS En REGARD DE
L’EMPLOI TOTAL DAnS LA
RÉGIOn
RATIO DE L’EMPLOI
COOPÉRATIF En REGARD DE L’EMPLOI
GLOBAL DAnS LA RÉGIOn
PAYS BASQuE 1)
18.304
(27.54%)
38.126
(57.36%)
10.040
(15.10%)56.430 66.470 904.400
(2012) 6.24% 7.35%
ÉMILIE-ROMAGnE 2)
70.592
(24.40%)
100.749
(34.82%)
118.000
(40.78%)171.341 289.341 1.937.630
(2011) 8.84% 14.93%
KAnAGAWA 3)18.059
(15.95%)
5.113
(4.52%)
90.067
(79.54%)23.172 113.239 4.682.800
(2012) 0.49% 0.72%
PARAIBA 4) 2.746
(26.10%)
4.206
(39.97%)
3.570
(33.93%)6.952 10.522 1.656.000
(2011) 0.42% 0.64%
QuÉBEC 5)85.092
(64.66%)
5.044
(3.83%)
41.455
(31.50%)90.136 131.591 4.032.200
(2013) 2.24% 3.26%
SAnTA FE 6)13.222
(17.24%)
7.560
(9.86%)
55.900*
(72.90%)20.782 76.682 906.618
(2001) 2.29% 8.46%
WISCOnSIn 7)
23.434
(26.29%)
500
(0.56%)
65.200
(73.15%)23.934 89.134 2.878.300
(2013) 0.81% 3.08%
GAnGWOn 8)7.156
(4.64%)-
147.078
(95.36%)7.156 154.234 674.000
(2014) 1.06% 22.88%
* Dans le cas des coopératives agricoles et laitières de Santa Fe, nous avons pris en considération une estimation du nombre de travailleurs agricoles. Cette agriculture étant très intensive et concentrée dans de grandes exploitations agricoles, la plupart des exploitations engagées dans les coopératives étudiées emploient des travailleurs agricoles.
1) KONFEKOOP, 2013; www.eustat.es; 2) Unioncamere Emilia-Romagna, 2013; www.legacoopemiliaromagna.coop;
Confcooperative Emilia-Romagna, 2013; www.istat.it; 3) www.e-stat.go.jp; données fournies par l’Union japonaise
des coopératives de travail associé (JWCU); Fédération de collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013; Union
japonaise des coopératives de consommation (JCCU), 2013; Réseau coopératif de Kanagawa, 2012; 4) OCB-
Paraíba – Rapport de 2013 (sur la base de données couvrant un tiers des coopératives membres de l’OCB-
Paraíba), www.ibge.gov.br; 5) www.economie.gouv.qc.ca, données fournies par le Groupe Desjardins, www.bdso.
gouv.qc.ca; 6) données élaborées par CICOPA et recueillies au cours de la recherche de terrain, www.santafe.
gov.ar; 7) USDA, 2003; USDA, 2012; données élaborées par CICOPA et recueillies au cours de la recherche de
terrain, www.bls.gov; 8) stat.kosis.kr; Fédération coréenne des coopératives de crédit de proximité, 2013; données
élaborées par CICOPA et recueillies au cours de la recherche de terrain.
43
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
Soulignons également qu’au Pays basque et en Émilie-Romagne, l’emploi dans les coopératives de travail associé
et les coopératives sociales (dans lesquelles prédominent les travailleurs-membres) est nettement supérieur
au nombre de salariés dans d’autres types de coopératives. Au Pays basque, quelque 70% de l’emploi dans les
coopératives est occupé par des travailleurs-membres qui sont également présents dans la plupart des autres
types de coopératives qui ne sont pas des coopératives de travail associé44.
L’examen du nombre de coopératives et des emplois par secteur révèle que les coopératives dans ces régions
sont présentes dans presque tous les secteurs, même si certains secteurs ont un plus grand nombre de
coopératives45.
TABLEAu 11 nombre de coopératives et leur emploi au Pays basque et en Émilie-Romagne, par secteur
AGRICuLTuRE InDuSTRIE COnSTRuCTIOn SERVICES
PAYS BASQuEnOMBRE DE COOPÉRATIVES 26 340 143 727
nOMBRE D’EMPLOIS 154 20.897 1.242 25.903
ÉMILIE-ROMAGnEnOMBRE DE COOPÉRATIVES 653 727 676 4.187
nOMBRE D’EMPLOIS 10.867 26.944 8.429 125.101
Sources: Mondragon Unibertsitatea, 2013: Unioncamere Emilia-Romagna, 2013
Dans d’autres régions très rurales, les coopératives de production et les banques coopératives sont plus
créatrices d’emplois46. Les coopératives de crédit sont particulièrement présentes au Québec, Wisconsin et
Gangwon. C’est un mouvement qui s’est organisé pour promouvoir la coopération entre les personnes, contrer la
pauvreté et l’isolement de régions éloignées, et en raison d’autres facteurs, alors que ces régions étaient pauvres
et faiblement industrialisées.
Dans le cas de Kanagawa, essentiellement urbain, les coopératives de consommation représentent la part la plus
importante de l’emploi coopératif. Les collectifs de travailleurs, qui peuvent s’assimiler à des coopératives de
travail associé développées par des coopératives de consommation pour valoriser la participation des membres
aux activités des coopératives, représentent 4.000 emplois, notamment des femmes qui étaient auparavant
femmes au foyer. Aux côtés des coopératives de travail associé et de personnes âgées, ces collectifs de
travailleurs jouent un rôle de plus en plus important dans la prestation de services aux personnes âgées et la
revitalisation de la collectivité locale.
44
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
TABLEAu 12Emploi dans les coopératives, Kanagawa, par type de coopérative
TYPE OF COOPÉRATIVE AnnÉE DE RÉFÉREnCE nOMBRE D’EMPLOIS
COOPS DE COnSOMMATIOn 1) 2012 10.315
COOPS AGRICOLES 2 2011 6.548
COOPS DE PêCHE 2 2011 192
COOPS SYLVICOLES 2 2011 160
COOPS FInAnCIÈRES 3) 734
COLLECTIFS DE TRAVAILLEuRS 4) 2012 4.467
COOPS DE PERSOnnES ÂGÉES 5) 2013 195
COOPS DE TRAVAIL ASSOCIÉ 5) 2013 561
1) JCCU, 2013; 2) www.e-stat.go.jp; 3) Réseau coopératif de Kanagawa, 2012; 4) Fédération des collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013; 5) données fournies par JWCU
TABLEAu 13nombre de coopératives de travail associé, de coopératives de personnes âgées et de collectifs de travailleurs à Kanagawa, par secteur
VEnTE Au PARTICuLIER
SERVICES ALIMEnTAIRES ÉDuCATIOn SOInS CuLTuRE ET
DIVERTISSEMEnTSAuTRES
SERVICES
COOPS DE TRAVAIL ASSOCIÉ 1 3 13 6
COOPS DE PERSOnnES ÂGÉES 11
COLLECTIFS DE TRAVAILLEuRS 10 11 18 108 14
Sources: Fédération des collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013: données fournies par JWCU
45
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
3.1.2. EVOLuTIOn DE L’EMPLOI COOPÉRATIF DAnS LE TEMPS
Dans les 10 régions étudiées, nous n’avons trouvé des données pertinentes sur plusieurs années consécutives
qu’au Pays basque et en Émilie-Romagne.
PAYS BASQuE
L’emploi dans les coopératives au Pays basque a connu une véritable envolée entre 2000 et 2002, une augmentation
plus réduite entre 2002 et 2008, et un recul important après la crise économique, entre 2008 et 2010.
Si nous comparons les fluctuations de l’emploi dans les coopératives et en général, nous constatons que
l’emploi dans les coopératives n’a pas été moins touché par la crise économique. Le ratio d’emploi coopératif est,
cependant, demeuré relativement stable malgré l’aggravation de la situation économique.
TABLEAu 14 Changements dans l’emploi coopératif et en général au Pays basque de 2006 à 2010
2006 2008 2010
EMPLOI DAnS LA COOPÉRATIOn (A) 49.760 50.359 48.196
EMPLOI En GÉnÉRAL (B) 961.000 987.100 948.900
A/B 5.18% 5.10% 5.08%
Sources: Mondragon Unibertsitatea, 2013: www.eustat.es
Soulignons qu’une part importante de l’emploi coopératif au Pays basque est généré par le groupe Mondragon47,
et que la réduction de l’emploi dans ce groupe s’est réalisée dans une large mesure par l’application de mesures
de redéploiement des travailleurs et de mise en retraite ou en préretraite, sans pertes sèches d’emplois (Sanchez
Bajo & Roelants, 2013, p.p. 203-204).
46
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
ÉMILIE-ROMAGnE
L’emploi au sein des coopératives (à l’exclusion des producteurs-membres pour compte propre) a connu une
courbe ascendante stable jusqu’en 2012 avant de légèrement reculer en 2012-2013.
Par rapport au nombre total d’emplois, le ratio d’emploi dans les coopératives a baissé en 2011, ce qui ne signifie
pas qu’en chiffres absolus, ce nombre d’emplois soit moindre mais que le nombre total d’emplois a augmenté plus
rapidement que le nombre d’emplois dans les coopératives.
Par ailleurs, malgré le recul de l’emploi dans les coopératives en 2012-2013, le ratio d’emploi dans les coopératives
par rapport à la population active occupée totale de la région était à la hausse. Au cours de ces deux années, le
nombre d’emplois dans les coopératives a décliné mais moins fortement que l’emploi en général.
TABLEAu 15Changements dans l’emploi coopératif et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013
2008 2009 2010 2011 2012 2013 20082013
20082013
EMPLOI COOPÉRATIF (A) 166.244 165.506 165.696 167.888 172.217 171.341 3.1% -0.5%
EMPLOI TOTAL (B) 1.979.560 1.955.630 1.942.490 1.974.540 1.968.860 1.937.630 -2.12% -1.59%
A/B 8.40% 8.46% 8.53% 8.50% 8.75% 8.84%
Sources: Unioncamere Emilia-Romagna, 2013: www.istat.it
47
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
La tendance observée dans les coopératives sociales est encore plus claire. Entre 2008 et 2013, pendant la
crise économique, l’emploi a augmenté constamment en chiffres absolus dans les coopératives sociales. Le
ratio d’emploi des coopératives sociales par rapport au nombre total d’emplois a été constamment en hausse
également.
TABLEAu 16 Changements dans l’emploi dans les coopératives sociales et en général en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013
2008 2009 2010 2011 2012 2013 20082013
20122013
EMPLOI DAnS LES COOPÉRATIVES
SOCIALES (A) 34.170 35.884 36.599 37.333 38.156 38.372 12.3% 0.6%
nOMBRE TOTAL D’EMPLOIS (B) 1.979.560 1.955.630 1.942.490 1.974.540 1.968.860 1.937.630 -2.12% -1.59%
A/B 1.73% 1.83% 1.88% 1.89% 1.94% 1.98%
Sources: Unioncamere Emilia-Romagna, 2013: www.istat.it
Le tableau est différent lorsqu’on soustrait le nombre d’emplois dans les coopératives sociales du nombre total
d’emplois dans les coopératives. Le Tableau qui suit atteste d’une chute relativement importante de l’emploi dans
les coopératives autres que sociales en 2009, 2010 et 2013, même si le niveau de l’emploi dans ces coopératives a
connu une augmentation nette (plus modeste que dans les coopératives sociales) pendant la période 2009-2013
dans son ensemble. Cette baisse a été compensée par une hausse de l’emploi dans les coopératives sociales.
Une partie de cette baisse est due à des pertes d’emploi et même à quelques fermetures d’entreprises dans
des cooperatives de travail associé dans le secteur de la construction caractérisées par un plus bas niveau
d’internationalisation que d’autres coopératives dans ce secteur.
TABLEAu 17Changements dans l’emploi coopératif à l’exclusion des coopératives sociales en Émilie-Romagne entre 2008 et 2013
2009 2010 2011 2012 2013
CHAnGEMEnT DAnS L’EMPLOI COOPÉRATIF À L’EXCLuSIOn DES
COOPÉRATIVES SOCIALES -2.452 -525 1.458 3.506 -1.092
Source: Calculs effectués sur la base de données d’Unioncamere Emilia-Romagna, 2013
48
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
Nous pouvons induire de ces données:
A que les coopératives en Émilie-Romagne ont fait montre d’une meilleure résilience à la
crise en termes d’emploi que l’emploi en général;
A qu’il y a eu un tassement de l’emploi dans les coopératives, à l’exception des
coopératives sociales, en 2009, 2010 et 2013; cependant, en 2012, alors que le
nombre total d’emplois était en recul, l’emploi das les coopératives, sans prendre en
considération les coopératives sociales, augmente;
A une bonne part de la résilience de l’emploi dans les coopératives de la région résulte de
la croissance incessante de l’emploi dans les coopératives sociales.
Ces données sur l’évolution en Emilie-Romagne et au Pays Basque confirment celles faites au
Chapitre 2, section 2.3, sur les tendances au niveau macro, où nous avons vu que qu’une importante
raison de la stabilité et de l’augmentation de l’emploi coopératif, dans quelques pays clé, réside dans
l’augmentation conséquente de l’emploi dans les coopératives de travail associé et des coopératives
sociales.
49
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
3.1.3. COnTRATS ET PRATIQuES DE TRAVAIL
Le ratio entre contrats de travail régulier et permanent, d’une part, et contrats de travail temporaire, d’autre part
est très variable selon le type de coopératives. Cette variabilité ne semble pas être directement influencée par des
caractéristiques des coopératives, mais plutôt par leurs activités économiques. Comme nous pouvons l’observer
dans le Tableau 18 ci-dessous, les coopératives qui offrent le plus grand nombre de contrats de travail régulier
sont essentiellement les coopératives financières et d’utilité publique48. Les coopératives de consommation
affichent un ratio plus élevé de travailleurs temporaires, en raison des pratiques du travail dans le secteur de la
vente en gros et au détail, dans lequel les entreprises recourent à un nombreux personnel de vente et de livraison.
TABLEAu 18Ratio de contrats de travail régulier et temporaire dans les coopératives, par type de coopératives
RÉGIOn TYPE OF COOPÉRATIVES RÉGuLIER (%) TEMPORAIRE (%)
WISCOnSIn 1) Commercialisation agricole 90.86 9.14
QuÉBEC 2) Finance 89.65 10.35
nORD PAS-DE-CALAIS 3)
Tous types confondus 86.17 13.83
WISCOnSIn 1) Utilité publique 85.68 14.32
WISCOnSIn 1) Crédit, credit agricole 74.66 25.34
WISCOnSIn 1) Autres 66.06 33.94
WISCOnSIn 1) Approvisionnement et services agricoles 63.21 36.79
PAYS BASQuE 4) Tous types confondus 58.16 41.84
KAnAGAWA 5) Sylviculture 52.63 47.37
WISCOnSIn 1) Alimentation 39.37 60.63
KAnAGAWA 6) Consommation 21.73 78.27
KAnAGAWA 5) Agriculture 4.42 95.58
1) USDA, 2003; 2) données fournies par le Groupe Desjardins; 3) Van Gheluwe, J.-L. 2008; 4) Mondragon
Unibertsitatea, 2013; 5) www.e-stat.go.jp; 6) JCCU, 2013.
Nous avons également constaté que le traitement et les conditions de travail des travailleurs temporaires
dépendent dans une large mesure des conditions nationales. Par exemple, les travailleurs temporaires dans
les fermes des producteurs-membres des coopératives agricoles semblent jouir de meilleures conditions
contractuelles et de protection sociale dans la région italienne d’Émilie-Romagne que dans la région argentine
de Santa Fe.
50
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
En général, les pratiques du travail dans les coopératives diffèrent peu de celles dans d’autres entreprises
engagées dans les mêmes activités. Cependant, lors des entrevues, de nombreuses personnes ont insisté sur
l’identité coopérative dans des pratiques du travail qui se construisent probablement dans la tension entre les
pratiques de travail dans les entreprises en général, d’une part, et l’identité coopérative, d’autre part, comme
nous le verrons dans la section consacrée à l’analyse qualitative plus avant dans ce chapitre.
Si les coopératives des secteurs qui ont des pratiques du travail bien réglementées ou normalisées peuvent
aisément se référer à d’autres entreprises du même secteur, les coopératives de travail associé et multi-
sociétaires, qui ont des relations du travail fondamentalement différentes de la relation classique employeur-
salarié, doivent généralement construire leurs propres pratiques du travail. Il est important pour ces formes
coopératives de disposer de leur propre statut juridique qui réglemente les aspirations d’autogestion de leurs
travailleurs-membres, leur permettant de décider de leurs propres conditions de travail, qui sont cependant
assorties de contraintes institutionnelles pour les protéger.
3.1.4. ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES
Les données partielles recueillies lors du travail sur le terrain révèlent que l’équilibre hommes-femmes dans
l’emploi coopératif semble plus influencé par l’activité professionnelle que par le caractère coopératif de
l’entreprise en tant que telle.
Le Tableau 19 appelle une première observation, à
savoir que les trois types différents de coopératives
japonaises caractérisées par la présence de
travailleurs-membres comptent une majorité
absolue de travailleuses. Outre que les collectifs de
travailleurs sont nés d’initiatives de femmes au foyer
dans le cadre de coopératives de consommation,
la présence importante de femmes en leur sein
est imputable aux activités de soins auxquelles
ils se consacrent, et qui ont été progressivement
reconnues comme une nouvelle source d’emploi,
notamment dans les pays industrialisés. Par
ailleurs, le niveau relativement bas des salaires et la
flexibilité des horaires de travail de ces coopératives
semblent peu convenir à ceux qui sont les soutiens
financiers des ménages49. En outre, la plupart des
travailleurs de ces coopératives au Japon ont plus
de 50 ans (coopératives de travail associé: 74,5%
et collectifs de travailleurs: 78,4%). Deuxièmement,
les coopératives financières occupent un ratio
élevé de femmes. Cette tendance est confirmée
par le Québec, le Nord Pas-de-Calais et certaines
coopératives de production de Kanagawa et
Gangwon qui ont intégré des services financiers
dans le cœur de leur métier. Troisièmement, il semble
que les coopératives de production ont relativement
moins de travailleuses que les autres types de
coopératives. Enfin, il est intéressant de noter que les
coopératives de consommation japonaises occupent
une main-d’œuvre masculine importante, mais
cette caractéristique est plus de nature japonaise
que coopérative. Bon nombre de coopératives
de consommation ayant développé des services
de livraison à domicile, nous pouvons supposer
qu’un nombre important de ces salariés masculins
sont des livreurs. Par contre, la coopérative de
consommation italienne Coop Adriatica compte 75%
de femmes dans ses effectifs.
51
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
TABLEAu 19 Ratio d’hommes et de femmes dans l’emploi coopératif par type de coopératives
RÉGIOn FORME DE TRAVAIL TYPE DE COOPÉRATIVE
HOMMES (%)
FEMMES (%)
KAnAGAWA 1) Travailleurs-membres
Coopératives de personnes âgées 7.69 92.31
KAnAGAWA 2) Travailleurs-membres Collectifs de travailleurs 9.63 90.37
QuÉBEC 3) Salariés Services financiers 27.07 72.93
KAnAGAW A1)Salariés +
Travailleurs-membres
Coopératives de travail associé 30.30 69.70
nORD PAS-DE-CALAIS 4)*
Salariés Services financiers 50.70 49.30
nORD PAS-DE-CALAIS 4)*
Salariés Autres (consommation, artisanat, vente au particulier, etc. 52.90 47.10
PAYS BASQuE 5)Salariés +
Travailleurs-membres
Principalement des coopératives de travail associé et multi-
sociétaires53.70 46.30
KAnAGAWA 6) Salariés Agriculture (services financiers) 59.53 40.47
GAnGWOn 7) Salariés Agriculture (services financiers) 62.46 37.54
nORD PAS-DE-CALAIS 4)*
Salariés + Travailleurs-
membresCoopératives de travail associé 68.70 31.30
KAnAGAWA 8) Salariés Consommation 80.37 19.63
nORD PAS-DE-CALAIS 4)*
Salariés Agriculture 82.00 18.00
GAnGWOn 7) Salariés Pêche (services financiers) 83.65 16.35
KAnAGAWA 6) Salariés Sylviculture 94.38 5.63
* Le ratio d’hommes et de femmes dans le cas du Nord Pas-de-Calais se fonde sur les travailleurs permanents uniquement.
1) Données fournies par JWCU; 2) Fédération des collectifs de travailleurs de Kanagawa, 2013; 3) données fournies par le Groupe Desjardins; 4) Van Gheluwe, J.-L. 2008 5) Mondragon Unibertsitatea, 2013 6) www.e-stat.
go.jp 7) stat.kosis.kr 8) JCCU, 2013
Les caractéristiques de l’activité professionnelle sont aussi sociologiquement liées. L’OIT rapporte à cet égard
que, bien que l’agriculture africaine est principalement gérée par les femmes50, les membres des coopératives
agricoles de ce continent ont tendance à être de façon prépondérante des hommes51.
52
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
SEWA, Coopératives de femmes
Par définition, la prédominance des femmes est absolue lorsque les coopératives sont nées d’un
mouvement de femmes tel que SEWA (Self-Employed Women’s Association – Association de femmes
indépendantes) au Gujarat, en Inde. Depuis sa création en 1972, SEWA soutient les droits du travail et les
activités économiques des femmes en assurant leur protection légale et leur accès à des services de base.
Il s’agit d’une approche intégrée qui conjugue un syndicat de travailleurs et un mouvement coopératif
qui regroupe 105 coopératives de femmes et plus de 100.000 membres au Gujarat. Elles se déclinent en
catégories dont les principales sont des coopératives agricoles, laitières, de vente, de crédit, de services
et d’artisanat.
3.1.5. ÂGE
Nous ne disposons que de données partielles relatives à l’âge pour la province de Gauteng (Gauteng Provincial
Government, 2013), pour Kanagawa (données fournies par JWCU, Kanagawa Workers’ Collective Fédération, 2013),
pour la province du Québec (données fournies par le Groupe Desjardins) et pour le Pays basque (Mondragon
Unibertsitatea, 2013) dont nous pouvons tirer les conclusions suivantes:
A Les informations soumises par le Groupe Desjardins au Québec et les informations sur
les coopératives en général au Pays basque ne mettent en lumière aucune spécificité
qui différencierait ces données relatives à l’âge de celles d’autres entreprises.
A Les coopératives de travail associé et de personnes âgées et les collectifs de
travailleurs au Japon répondent aux problèmes sociaux d’une société vieillissante. Ces
coopératives offrent des formes alternatives de travail à des personnes âgées.
A Les informations sur les coopératives de Gauteng révèlent le poids important des
personnes âgées dans l’emploi coopératif. Il semble que de nombreuses coopératives
en Afrique du Sud répondent aux besoins d’emploi de personnes âgées qui travaillaient
avant dans le secteur informel.
53
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
Les coopératives ne semblent donc pas présenter des écarts significatifs d’âge par rapport aux autres entreprises,
sauf lorsqu’elles se proposent plus précisément d’essayer de satisfaire des besoins générés par l’âge.
3.1.6. LOCALISATIOn DE L’EMPLOI
Au Pays basque et en Émilie-Romagne, l’emploi dans les coopératives de travail associé prédomine. Il est bien
réparti entre grands centres urbains, plus petites villes et banlieues mais est plus important dans l’industrie que
dans les services.
Le développement du mouvement des coopératives de crédit au Québec et au Wisconsin a contribué non
seulement à structurer des secteurs financiers forts dans ces régions, mais aussi à développer l’économie
régionale et, par conséquent, l’emploi. En outre, ces systèmes de coopératives de crédit ont créé un nombre élevé
d’emplois directs décentralisés: le siège du Conseil mondial des coopératives d’épargne et de crédit, de la Credit
Union National Association (CUNA) et du Groupe mutuel CUNA se trouve à Madison, Wisconsin, et ce dernier
emploie 1.700 personnes. Le Groupe des caisses Desjardins au Québec emploie plus de 40.000 personnes (2013)
dans la seule province de Québec, dont un bon nombre de personnes dans des caisses situées dans de petites
villes, et la distribution de l’emploi est remarquablement homogène dans les régions du Québec52. La province
rurale de Santa Fe en Argentine est terre d’accueil du siège de la coopérative d’assurance Sancor Seguros (une
spin-off de la coopérative laitière Sancor). Elle compte 1.887 emplois directs dans une très petite ville et est en
interaction intense avec l’agriculture, démontrant ainsi que les régions rurales et l’agriculture ne constituent
pas un handicap pour le développement de l’emploi coopératif dans d’autres secteurs. Au Wisconsin et à Santa
Fe, les coopératives d’utilité publique qui fournissent l’électricité, l’eau et les services de télécommunication aux
zones éloignées sont également d’importantes créatrices d’emplois dans de petits centres urbains et en milieu
rural. Les coopératives de SEWA au Gujarat sont implantées en milieu urbain et rural. Le modèle décentralisé
de l’emploi coopératif est significatif pour le développement local et constitue un facteur de prévention de la
désertification économique et du dépeuplement de zones éloignées.
54
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
TABLEAu 20 nombre d’emplois coopératifs dans des régions ayant d’importantes zones rurales
COOPS DE PRODuCTIOn
COOPS FInAnCIÈRES
COOPS D’uTILITÉ PuBLIQuE
AuTRES TOTAL
QuÉBEC 1) 22.132 (26.01%) 40.248 (47.30%) 22.712 (26.70%) 85.092
WISCOnSIn 2) 13.355 (56.99%) 6.125 (26.14%) 1.683 (7.18%) 2.271 (9.69%) 23.434
SAnTA FE 3) 8.335 (63.04%) 2.487 (18.81%) 2.000 (15.13%) 400 (3.03%) 13.222
GAnGWOn 4) 5.659 (79.08%) 1.178 (16.46%) 319 (4.46%) 7.156
1) www.economie.gouv.qc.ca; données fournies par le Groupe; 2) USDA, 2003 3) données élaborées par CICOPA au cours de sa recherche sur le terrain; 4) stat.kosis.kr; Fédération coréenne des coopératives de crédit de proximité, 2013; données élaborées par CICOPA sur la base de sa recherche de terrain.
3.1.7. IMPORTAnCE DE L’EMPLOI PAR COOPÉRATIVE
Deux caractéristiques peuvent être induites du Tableau 22.
A La taille des coopératives est un facteur à prendre en considération dans l’évaluation
de la création d’emplois: plus elles sont grandes, plus elles contribuent à la création
d’emplois. Au Québec, alors que 60,78% des coopératives n’ont pas de salariés53, 15
grandes coopératives ou groupes coopératifs assurent 74,11% de l’ensemble de l’emploi
coopératif, dont la plupart est assuré par le Mouvement des caisses Desjardins et deux
grandes coopératives agricoles54.
A Il semble que les types de coopératives ont une incidence sur l’importance de l’emploi.
Dans le cas des petites et moyennes coopératives, l’emploi dans les coopératives
de travail associé et les coopératives sociales semble y être plus substantiel comme
le révèlent le Pays basque et l’Émilie-Romagne, régions dans lesquelles prédomine
d’ailleurs ce genre de coopératives. Cependant, même en ce qui concerne les
coopératives de travail associé et sociales, ce sont les plus grandes qui sont les plus
grandes créatrices d’emplois55.
55
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
TABLEAu 21
nombre de coopératives et d’emplois au sein des coopératives au Québec, au Pays basque et en Emilie-Romagne, par taille des coopératives
QuÉBEC 1)
TAILLE DES COOPÉRATIVES 0~4 5~49 50~299 300+
nOMBRE DE COOPÉRATIVES
1.735
73.80%
460
19.57%
141
6.00%
15
0.64%
nOMBRE D’EMPLOIS697
0.77%
7.930
8.81%
14.707
16.33%
66.729
74.11%
PAYS BASQuE 2)
TAILLE DES COOPÉRATIVES 0~5 6~50 51~200 200+
nOMBRE DE COOPÉRATIVES
607
48.72%
499
40.05%
102
8.19%
38
3.05%
nOMBRE D’EMPLOIS1.795
3.72%
8.787
18.23%
9.949
20.64%
27.665
57.40%
ÉMILIE-ROMAGnE 3)
TAILLE DES COOPÉRATIVES 0-5 6-49 50-249 250+
nOMBRE DE COOPÉRATIVES
3.328
59.65%
1.718
30.79%
414
7.42%
119
2.13%
nOMBRE D’EMPLOIS3.118
1.82%
30.180
17.61%
42.191
24.62%
95.852
55.94%
1) Données fournies par la Direction du développement des coopératives, Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation; données fournies par le Mouvement Desjardins; 2) Mondragon Unibertsitatea, 2013; 3) Unioncamere Emilia-Romagna, 2013.
3.2. AnALYSE QuALITATIVE
Dans cette section, qui se fonde sur des interviews de personnes travaillant au sein ou dans le cadre de
coopératives, nous essayons d’identifier les spécificités de l’emploi coopératif dans les 10 régions étudiées.
Dans la première partie, nous examinons les conditions de travail et la gestion des ressources humaines,
le recrutement, les salaires, etc. Dans la seconde partie, nous essayons de comprendre ce que pensent des
spécificités de l’emploi coopératif les personnes qui travaillent au sein ou dans le cadre des coopératives. Sur la
base de ces interviews, nous essayons d’identifier les caractéristiques de l’emploi coopératif en nous référant à
la perception, la compréhension, l’évaluation et la comparaison qu’en expriment les personnes concernées en
regard de l’emploi dans d’autres types d’entreprises.
56
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
3.2.1. L’EMPLOI COOPÉRATIF SOuS DIFFÉREnTS AnGLES D’AnALYSE
COnDITIOnS DE TRAVAIL ET GESTIOn DES RESSOuRCES HuMAInES (RH)
Selon nos propres observations pendant le travail de
terrain dans les 10 régions sélectionnées, les conditions
de travail dans les coopératives semblent généralement
respecter les normes du travail mentionnées dans la
Recommandation sur la promotion des coopératives,
2002 (n ° 193) de l’OIT56.
La plupart des interviews révèlent que les conditions
de travail et la gestion des RH dans les coopératives
sont influencées dans une large mesure par celles qui
prévalent dans le même secteur économique et dans des
entreprises de taille similaire, mais aussi, dans une moindre
mesure, par les spécificités des coopératives. S’il est vrai
que la gestion des RH semble similaire à celle d’autres
types d’entreprises, il convient d’observer que son mode
de mise en œuvre dans les coopératives est différent57.
Quel que soit le type de coopérative, que la priorité soit
accordée à la personne est généralement considéré
comme une spécificité de la gestion coopérative des
RH par les personnes interviewées qui occupent des
fonctions différentes dans l’entreprise. Elle est parfois
perçue comme une forme de relations personnelles plus
conviviale sur le lieu de travail. Elle est parfois assimilée
à un plus grand respect mutuel et un plus grand égard
pour les autres. Plus directement, les coopératives sont
souvent définies comme des organisations économiques
qui valorisent les personnes. Dans les coopératives, il
semble que la valorisation des personnes soit considérée
comme une priorité ou, tout au moins, comme ayant la
même importance que la valeur économique58.
Cependant, bien que confrontées à une concurrence
féroce sur les marchés en perpétuelle mutation et à la
nécessaire adaptation de leurs pratiques de travail à
celles d’autres entreprises dans les mêmes secteurs,
les modes de gestion des RH dans les coopératives
présentent une forte diversité, jusque dans les relations
entre travailleurs et autres parties prenantes. Nous avons
découvert que la gestion des RH dans les coopératives
n’est pas imposée unilatéralement par la direction mais
plutôt construite par des interactions entre la direction
au nom des membres, d’une part, et les travailleurs qui
ont des relations particulières avec les membres, d’autre
part. Par exemple, nous avons perçu des différences
importantes entre la gestion des RH des salariés dans
les coopératives d’usagers et celles de travailleurs dans
les coopératives de travail associé et les coopératives
sociales. Certaines coopératives d’usagers dépendent
principalement des transactions avec leurs membres et,
par conséquent, la performance de ces coopératives est
étroitement liée au maintien et au renforcement de la
relation avec les membres. Si ceci peut être qualifié de
marketing dans d’autres types d’entreprises, il semble
que la double nature du statut des membres en tant
que parties prenantes (en l’occurrence, usagers) et
propriétaires introduise un type original de relation entre
les propriétaires et les salariés. Par conséquent, la marge
disponible pour l’amélioration des conditions de travail
est, en général, fonction de cette relation humaine entre
les usagers-membres et les salariés. Cette marge est
également renforcée par les liens d’amitié, de parentalité
et de voisinage qu’entretiennent les usagers-membres
et les salariés dans leur vie quotidienne au sein de leur
communauté. Par contre, les coopératives de travail
associé doivent résister à une dure concurrence sur le
marché sans pour autant disposer de clients fidèles
dont disposent les coopératives d’usagers, et ont
donc peu de marge additionnelle d’amélioration des
conditions de travail par rapport à leurs concurrents59.
Certaines coopératives de travail associé, notamment
dans des secteurs émergents tels que les services aux
personnes, subissent les mêmes difficultés imposées
par le marché à tous les types d’entreprises. Nous avons
cependant découvert plusieurs stratégies adoptées
par les coopératives pour dépasser ces difficultés qui
permettent non seulement d’engranger des succès
économiques mais de valoriser les conditions de travail
et la gestion des RH.
57
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
RECRuTEMEnT
Lors du recrutement, il semblerait que les coopératives
donnent de l’importance aux compétences et aptitudes
professionnelles du personnel et à ses affinités avec
la culture coopérative. À l’exception des coopératives
de travail associé, dans lesquelles les travailleurs sont
recrutés à un double titre, à savoir de travailleurs et de
membres (simultanément ou consécutivement), la plupart
des coopératives ont recours aux mêmes techniques de
recrutement que celles d’autres types d’entreprises.
L’officialisation de contrats peut être l’aboutissement de
contacts pendant une période longue entre salariés et
coopératives. Dans certaines coopératives agricoles, on a
souligné que les salariés avaient des antécédents agricoles
au sein de leur famille ou dans leur entourage, et qu’ils
pouvaient ainsi mieux comprendre la dureté du travail dans
l’agriculture60. Dans ces cas, ce n’est pas seulement la
compétence professionnelle qui est retenue mais aussi la
personnalité qui correspond bien à la culture coopérative
et fait souvent partie des éléments d’appréciation d’une
candidature à un poste. Il est également vrai que la part
la plus importante de l’intégration des salariés à la culture
coopérative se réalise après le recrutement, au fil de leur
expérience de travail. Ils découvrent et apprennent ce que
sont les coopératives dans le cadre de leur travail, lors de
différentes réunions et formations.
Une question plus sensible est celle du recrutement de
personnel et professionnels expérimentés à des fonctions
de haut niveau. Lorsque les coopératives se mettent en
quête de personnel expérimenté et professionnellement
qualifié, l’écart salarial, d’une part, et l’ignorance de la
culture coopérative, d’autre part, deviennent un problème
qui peut se convertir en enjeux pour l’identité coopérative.
Nous avons pu néanmoins vérifier l’importance pour les
coopératives, notamment les grandes coopératives,
d’engager des personnes qui aient l’expertise nécessaire
pour prospérer dans un environnement de marché en
mutation constante.
TRAnSFERTS DE PERSOnnEL
Un trait intéressant décelé dans certains groupes
coopératif est un système de transfert de travailleurs
entre les coopératives constituantes du groupe. Le groupe
coopératif Centre Jigyodan du mouvement japonais des
coopératives de travail associé et le groupe Mondragon
en Espagne pratiquent ce type de redéploiement entre
coopératives du groupe. Des directeurs aguerris de
coopératives changent de coopératives au sein d’un même
réseau. Lorsque les salariés de petites coopératives sont
confrontés aux limites de leur ascension professionnelle,
les réseaux de coopératives peuvent leur fournir de
nouvelles possibilités. « Nous avons un grand réseau de
80 coopératives, la fédération a de nombreux salariés
aux différents niveaux d’encadrement. La promotion
professionnelle est donc assurée en interne au sein de
notre réseau »61.
58
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
SALAIRES ET AuTRES GEnRES DE COMPEnSATIOn
Dans la plupart des cas, les salariés sont relativement bien
rémunérés et jouissent de compensations semblables,
voire légèrement supérieures, à celles octroyées dans
d’autres types d’entreprises du même secteur d’activité
et dont la taille est comparable. Cependant, lorsque
les salaires sont plus élevés que dans d’autres types
d’entreprises, l’explication qu’en ont généralement
donnée les personnes interviewées ne réside dans le fait
qu’elles travaillent dans une coopérative mais dans le
succès économique de leur entreprise coopérative.
Une caractéristique propre du régime salarial dans
les coopératives est la solidarité entre les salariés, et
parfois même avec les membres. Une remarque générale
exprimée dans toutes les interviews est l’écart moindre
dans les coopératives entre les salaires les plus élevés
et les salaires les plus bas. Le même régime salarial peut
être à l’œuvre dans différentes unités du même groupe.
Cependant, la solidarité ne doit pas être idéalisée. Il y
a des cas dans lesquels l’enclenchement mécanique
d’une solidarité plus intense a été bénéfique pour les
services à la personne effectués par des salariés qui se
sont mis en quête de clients moins compliqués parce
que leurs salaires étaient fixés sans la moindre prise en
considération de la difficulté du travail. La mise en œuvre
de la solidarité dans le régime salarial devrait se réaliser
en tenant compte des différentes conditions internes et
externes.
Par ailleurs, la solidarité salariale peut entraver l’embauche
de personnel ayant un profil plus pointu qui peut prétendre
à des niveaux de rémunération plus élevés dans les
entreprises classiques. « Dans les coopératives, il existe
un écart salarial moindre entre la direction et le personnel
ordinaire. Le taux salarial le plus bas est plus élevé que celui
qui prévaut dans la région alors que le salaire supérieur
dans la coopérative est inférieur à celui en vigueur dans la
région… Nous avons donc dans les coopératives de graves
problèmes de rétention du personnel aux fonctions élevées
de responsabilité compte tenu du niveau plus important
des salaires supérieurs dans la région »63.
Des exceptions peuvent cependant parfois être
pratiquées pour des cadres de haut niveau mais cette
pratique a tendance à susciter la controverse au sein
de la coopérative ou du groupe coopératif. La gestion
étant de plus en plus importante dans les entreprises,
nous constatons que les écarts salariaux se creusent,
notamment dans les plus grandes coopératives qui
sont mises en concurrence sur le marché mondial, pour
attirer et maintenir des cadres de haut niveau dans les
coopératives. Les écarts salariaux demeurent cependant
plus limités dans les coopératives que dans la moyenne
du monde des entreprises. « Ma rémunération serait
nettement meilleure si j’étais gestionnaire d’une banque,
un PDG… Je dois travailler trois ans et demi pour gagner
ce que d’autres gagnent en un mois ».
Dans les coopératives d’usagers et surtout dans celles
de producteurs, la question semble plus sensible parmi
les membres que parmi les salariés. Dans certaines
coopératives de production dans lesquelles les
producteurs-membres et les salariés travaillent ensemble
à la production et à la vente de leurs produits, l’écart de
revenus entre les deux groupes peut être problématique.
Plus précisément, pour les petits producteurs confrontés
aux difficultés croissantes du marché mondialisé,
la rémunération plus élevée des salariés peut être
perçue comme une redistribution injuste des résultats
économiques de la coopérative. Au contraire, du point
de vue des salariés, l’insatisfaction des producteurs-
membres face aux écarts de revenus peut être perçue
comme une menace pour les conditions de travail des
salariés et une limitation de leur capacité de gestion.
Lorsque les salaires du personnel des coopératives sont
inférieurs à ceux d’autres types d’entreprises dans les
mêmes secteurs, alors que la taille des entreprises est
similaire, les salariés nous ont dit jouir d’autres types
de compensations, matérielles et non-matérielles. Ces
autres avantages peuvent se décliner, par exemple,
en conditions plus favorables d’accès pour tous les
travailleurs à des régimes de micro-crédit mis à la
59
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
disposition par des banques coopératives: « Ce sont de
petits services offerts par le consortium aux salariés et
aux membres, comme le prévoit la BCC [banque de crédit
coopératif]..., nous avons financé un projet de micro-
crédit pour les membres des coopératives »64.
Les compensations non-matérielles peuvent inclure
des horaires de travail flexibles permettant un bon
équilibre entre la vie professionnelle et familiale, moins
d’heures supplémentaires, une culture horizontale
et conviviale sur le lieu de travail, une gouvernance
démocratique et participative, une cohérence entre les
valeurs personnelles et celles du travail, etc. Par ailleurs,
certains salariés plus motivés et engagés dans la mission
essentielle de leur coopérative ont semblé accepter
de diminuer leur salaire même si les compensations
matérielles et non-matérielles étaient considérées
insuffisantes. Une travailleuse-membre d’un collectif de
travailleurs au Japon nous confiait: « Les salaires sont un
peu bas, mais en compensation, nous avons le sentiment
de contribuer à la société »65.
Nous pouvons donc affirmer qu’un équilibre entre salaires
et autres types de compensation est un élément clé de
la satisfaction des travailleurs dans les coopératives.
En outre, la motivation des travailleurs est également
cruciale à cet effet.
Nous avons découvert que la compensation non-
matérielle et une forte motivation sont particulièrement
importantes dans les coopératives de travail associé
lors de la phase de démarrage au cours de laquelle la
rémunération matérielle est toujours incertaine. Dans
certains cas, les travailleurs-membres de coopératives
de travail associé ne gagnent pratiquement rien au cours
de la période initiale jusqu’à parvenir à une certaine
stabilisation de leur entreprise. Le capital formé grâce
au sacrifice salarial est qualifié de « capital sueur ». La
transparence du régime salarial facilite l’acceptation
et la mise en œuvre de la contribution des travailleurs-
membres. Il est vrai que le même phénomène prévaut
dans de nombreuses petites start-ups privées dont
les fondateurs acceptent de ne recevoir aucun salaire
pendant un an ou plus, mais dans les coopératives de
travail associé, l’effort est partagé.
Dans certains cas de promotion de coopératives comme
instrument politique de lutte contre la pauvreté et le
chômage, ou de création de coopératives dans des
secteurs émergents comme les services aux personnes,
un niveau moindre de rémunération dans les coopératives
que dans d’autres entreprises du même secteur peut
devenir un problème chronique. Il semble que le modèle
coopératif en tant que tel n’apporte pas de solution à
ces situations mais valorise plutôt la réglementation du
travail dans ces secteurs66.
Parfois, la fierté de travailler dans une coopérative
précise compense les conditions de travail relativement
médiocres. Une tradition historique ou une présence
coopérative dans certaines régions ou certains secteurs
d’intérêt général peut induire chez les personnes une
vision de la coopérative comme gardienne du bien
commun. Il s’agit ici un autre type de motivation du travail
au sein de coopératives. Nous pouvons donc supposer
que, dans ces régions, on peut plus facilement trouver
des personnes mentalement disposées à travailler dans
des coopératives.
60
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
PROTECTIOn SOCIALE ET SÉCuRITÉ Au TRAVAIL
En général, nous avons constaté que le niveau de
protection sociale des salariés des coopératives est
similaire ou supérieur à celui dont bénéficient les
salariés dans le même secteur et dans le même pays.
La même chose s’applique pour les producteurs-
membres indépendants.
Nous avons également trouvé que le niveau de sécurité
au travail des employés est globalement aux normes
par rapport aux autres entreprises du même secteur
et par pays.
En revanche, une attention plus particulière mérite
d’être prêtée au statut des travailleurs-membres
et à son impact sur la protection sociale. Le fait que
dans de nombreux pays, et plus particulièrement en
Amérique latine, les travailleurs-membres ont un
statut de travailleurs pour compte propre, engendre
des problèmes importants de protection sociale:
lorsque des travailleurs transforment une entreprise
en crise en coopérative, ils perdent leurs acquis de
protection sociale. En Espagne, par contre, l’application
des deux régimes existants (salariés ou indépendants)
prévoit le même niveau de protection sociale, mais
ce n’était pas le cas dans les années 1960 lorsque le
groupe Mondragon a créé son propre système interne
de protection sociale, Lagun Aro, qui, aujourd’hui, est
complémentaire du système national.
Dans le cas de SEWA en Inde, où les travailleurs-
membres sont considérés comme des travailleurs à
leur compte propre, ils ont créé leur propre système
de protection sociale. « Tous les membres de SEWA
sont couverts par une assurance ainsi que leur
famille, elle englobe une assurance-accident, une
assurance-maladie… . SEWA en est le prestataire. Les
mesures de protection des membres se multiplient
avec le temps et concernant les régimes de pension
prévus par le gouvernement central, SEWA joue le rôle
d’intermédiaire »67.
Dans certains pays où le niveau général de protection
sociale des salariés est relativement bien développé,
comme au Royaume-Uni et en Allemagne, sauf
notification contraire, les travailleurs-membres
sont souvent considérés comme des salariés et la
protection sociale prévue pour les salariés s’applique
à tous les travailleurs indépendamment de leur
statut de membres. En France, le statut juridique des
travailleurs-membres dans les coopératives de travail
associé s’assimile largement à celui des salariés avec
cependant plusieurs dérogations qui permettent de
reconnaître les spécificités des travailleurs-membres
tout en leur assurant le niveau de protection sociale
des salariés.
61
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
RELATIOnS AVEC LES ORGAnISATIOnS SYnDICALES
Les réflexions qui précèdent permettent de mieux
comprendre que les organisations syndicales,
lorsqu’elles traitent de l’emploi coopératif, sont
confrontées à un type spécifique d’emploi qui a une
incidence, à la fois objective et perçue, sur la définition
du salarié et de l’employeur. Cette situation spécifique
est différente de celle que ces organisations
rencontrent habituellement, dans la plupart de leurs
activités. La compréhension de l’emploi coopératif
par les organisations syndicales, le traitement
qu’elles lui réservent, la réaction des travailleurs
des coopératives, et, finalement, la relation entre le
mouvement coopératif et le mouvement syndical
sont influencés par ces éléments.
Parmi les trois catégories différentes de formes
du travail que nous avons analysées dans cette
étude (salarié, travailleur-membre et producteur-
membre travaillant pour compte propre), la première
est, généralement, celle à laquelle se cantonne
l’action syndicale mais elle peut s’étendre aussi,
dans une certaine mesure, à celle des travailleurs-
membres dans les coopératives de travail associé.
Les producteurs-membres sont parfois syndicalisés
également.
Deux attitudes principales à l’égard des syndicats
ont été observées lors des interviews. Dans certaines
coopératives, la plupart des salariés sont syndiqués
et estiment que leurs intérêts sont bien protégés par
les syndicats. Dans d’autres, les salariés expliquent
ne pas ressentir le besoin de se syndiquer. Dans ce
cas de figure, la coopérative leur donne un sentiment
d’appartenance. Comme nous le verrons, les salariés
ont tendance à considérer leurs coopératives comme
une grande famille et résistent à l’introduction
d’un nouvel élément qui pourrait rompre la culture
familiale. Cependant, la perception de la nécessité
d’un syndicat varie selon les fonctions occupées au
sein de la coopérative. Par exemple, dans de grandes
coopératives, les salariés qui ont un rôle subalterne et
occupent des fonctions de nettoyage, de cuisine, de
gardiennage, de transport, etc. peuvent avoir un sens
différent d’appartenance à la coopérative et souhaiter
rejoindre une organisation syndicale pour dépasser le
désavantage de leur fonction vis-à-vis de l’employeur
et vis-à-vis de salariés de plus haut niveau.
Dans certains cas, il est apparu que les syndicats de
salariés de coopératives n’agissent pas seulement
dans l’intérêt de ces derniers mais dans l’intérêt plus
général du secteur économique. Le syndicat japonais
des salariés des coopératives de consommation
organise une campagne pour augmenter les salaires
minima de tous les travailleurs des services en vue
d’améliorer les conditions de travail de leurs membres
en valorisant celles de tous les travailleurs des
services dans le pays.
Au-delà de leurs diverses perceptions concernant
les syndicats et leur rôle de protection, les salariés,
travailleurs-membres ou producteurs-membres de
coopératives ont des difficultés à comprendre la
fonction concrète qu’un syndicat pourrait jouer dans
des négociations et le règlement de conflits au sein de
leur coopérative.
En ce qui concerne les salariés des coopératives, un
salarié d’une coopérative agricole en Émilie-Romagne
nous a confié: « J’ai toujours été syndiqué mais depuis
que je suis dans la coopérative, ma syndicalisation
est dépourvue de sens parce que mes personnes de
contact sont les membres et si j’ai des problèmes, je les
résous directement avec le président de la coopérative.
Si les membres ont un problème, ce problème n’est
pas celui d’une personne mais de la coopérative. Si les
problèmes concernent l’organisation ou les salaires,
62
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
j’en discute avec le président: il soumet le problème
au conseil d’administration qui se prononce. N’étant
pas moi-même un membre, lorsque j’ai un problème
de travail, j’en parle directement avec le président, qui
accepte ou refuse ma proposition ». Il précise: « Ici,
nous n’avons pas de structure syndicale, il n’y a pas
de conflit avec un seul employeur. Il n’y a personne
avec qui négocier. Le conseil d’administration décide
de majorer les salaires de cent euro »68.
Voici l’exemple d’un producteur-membre d’une
coopérative agricole dans le Pays Basque: « 90% des
membres font partie du syndicat des agriculteurs mais
il n’y a pas de cohérence entre la représentation des
membres et du syndicat. Nous travaillons ensemble,
nous sommes donc pareils et nos intérêts convergent !
Je ne comprends pas, on a beau m’expliquer, je ne
comprends pas. Les dirigeants syndicaux ne sont
peut-être pas membres de coopératives. Il y a des
conflits entre les coopératives et le syndicat »69.
S’agissant des travailleurs-membres, l’un d’eux, qui
travaille dans une coopérative industrielle du groupe
Mondragon explique, par exemple, que dans chaque
coopérative du groupe: « Nous avons des organes de
représentation: le conseil social. Il n’y a pas de syndicat
parce qu’il n’y a pas de conflit entre les propriétaires et
le simple personnel. La logique est différente »70.
Il est rare d’en appeler au syndicat pour résoudre une
situation de conflit dans une coopérative de travail
associé même si les travailleurs-membres jouissent
de tous les droits dont est assortie la syndicalisation,
dont le droit de grève. Au cours de notre travail de
terrain, nous avons relevé un cas de participation à
une grève générale de tous les travailleurs-membres
d’une coopérative québecoise de travail associé pour
l’amélioration des conditions de travail de leur secteur
économique sans pour autant combattre la direction
de leur propre coopérative.
Cependant, précisons que si les travailleurs-membres
ne souhaitent pas se syndiquer, leur position n’est pas
nécessairement antisyndicale. Nous avons entendu de
nombreux témoignages de positions favorables aux
syndicats.
Notons également que bon nombre de coopératives
de travail associé ont été créées par des syndicalistes
et que l’intérêt des syndicats pour ce modèle est
grandissant comme réponse à la délocalisation ou
à la fermeture de sites producteurs d’emplois. Parmi
les pays où nous avons effectué le travail de terrain,
l’alliance de plus en plus étroite entre syndicats et
coopératives de travail associé est particulièrement
forte au Brésil, en Argentine et au Canada.
Les cas de SEWA en Inde, qui est à la fois un syndicat
et une organisation coopérative, ou d’Unisol au Brésil,
une organisation coopérative qui a été créée sous
l’impulsion du syndicat métallurgique ABC, sont très
spécifiques, mais ils montrent que des solutions
existent pour que organisations coopératives et
syndicats coopérent plus étroitement que ce qui est
souvent le cas.
Enfin, le fait que les salariés, travailleurs-membres ou
producteurs-membres de coopératives se syndiquent
est également influencé par l’existence ou non de
conventions collectives nationales qui règlementent
leurs conditions de travail et sont l’aboutissement
de négociations entre le mouvement coopératif et
le syndicat. Parmi les 10 régions étudiées, l’Émilie-
Romagne fait figure d’exception en la matière compte
tenu que les confédérations nationales italiennes de
coopératives sont considérées de plein droit comme
des organisations d’employeurs. Cette situation
conditionnne nécessairement dans une très large
mesure les relations entre le mouvement coopératif
et les syndicats.
63
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
unE APPROCHE PRuDEnTE ET PROGRESSIVE VIS-À-VIS DE LA CRÉATIOn D’EMPLOIS
Une caractéristique digne d’être soulignée que
nous avons observée dans plusieurs coopératives
pendant le travail de terrain est la manière
extrêmement prudente et progressive par laquelle
les coopératives créent de l’emploi. Par exemple,
au Paraiba, dans le nord du Brésil, la coopérative
laitière Coapecal, basée dans la micro-région rurale
du Cariri Est et jouissant de bonnes performances
économiques, emploie aujourd’hui 250 employés
à temps plein et 100 personnes non salariées à
temps partiel travaillant dans la logistique et les
transports, et fournit une activité économique à
temps plein pour 3 personnes pour chacun des 260
producteurs-membres, le total de ces occupations
correspondant à 4% de la population active occupée
de la micro-région. La coopérative a été créée en
1997 dans le hangar d’un de ses membres, qui a été
successivement agrandi, et sans employés. Toute
la production, ainsi que le travail commercial et
administratif, étaient alors effectués par le noyau
des producteurs-membres fondateurs. C’est
seulement en 2003 que le directeur de Coapecal,
lui-même fils d’un producteur qui a co-fondé la
coopérative, a commencé à devenir salarié de celle-
ci après des années de services non rémunérés. Ce
travail de terrain patient a créé les conditions pour
un grand bond en avant dans la création d’emplois
vers le milieu des années 2000, avec 170 emplois
à temps plein créés en 2005. La deuxième phase
de création d’emplois, entre 2005 et 2013, a connu
une nouvelle augmentation de 170 à 250 salariés à
temps plein, l’augmentation étant principalement
due à l’embauche de commerciaux.
Toujours dans État du Paraiba au Brésil, la
coopérative de transports Coopextremo, située
dans la ville côtière de João Pessoa, était sur le
point de nommer sa première salariée au cours de
notre visite sur le terrain en janvier 2014, environ
7 ans après la fondation de la coopérative. Tout le
travail administratif, y compris la coordination des
travaux de transport, était géré par la présidente
et le secrétaire de la coopérative, toux deux
transporteurs indépendants avec une camionnette.
Ils passaient plusieurs heures par jour à cette tâche
et recevaient une compensation professionnelle de
la part de la coopérative. Selon le président de la
coopérative, la principale raison pour laquelle ils
ont décidé d’embaucher leur première salariée est
qu’ils ont progressivement étendu leurs activités
au tourisme, et ils ne pouvaient plus faire face à la
charge de travail en termes de travail administratif.
De même, ils n’approuvaient que progressivement
l’inclusion de nouveaux membres.
Cette approche très prudente à la création
d’emplois dans la phase initiale est, paradoxalement,
une garantie d’un processus de création d’emplois
important et parfois rapide par la suite. En même
temps, les emplois ou activités économiques qu’ils
créent progressivement sont généralement des
emplois stables et durables.
64
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
3.2.2. LES SPÉCIFICITÉS DE L’EMPLOI COOPÉRATIF TELLES Qu’ELLES SOnT VÉCuES PAR LES PERSOnnES ELLES-MêMES
Comme nous l’avons vu, l’emploi coopératif comprend des diversités. Chaque lieu de travail est conçu en fonction
d’aspects institutionnels et structurels, que dictent les réglementations, les secteurs, les structures organisationnelles
des différentes coopératives et la position au sein de ces structures. L’emploi coopératif est réalisé par des travailleurs
ou des producteurs qui sont, eux-mêmes, façonnés par leur environnement personnel et social, ainsi que par leurs
expériences personnelles et sociales, et ils ont des engagements à l’égard de leurs coopératives qui pèsent sur leur
propre jugement normatif, la vision qu’ils ont de leur coopérative et de leur profession. On peut dire, en ce sens, que
les spécificités de l’emploi coopératif se façonnent par l’action des personnes dans des conditions institutionnelles
et structurelles données.
L’appréhension des aspects essentiels de l’emploi coopératif à la lumière des catégories institutionnalisées existantes
pourrait reproduire le cadre dominant plutôt que d’éclairer les spécificités de cet emploi. Dans les interviews, nous
nous sommes donc efforcés de comprendre les aspects essentiels de l’emploi coopératif tels que les perçoivent
ses acteurs. Même si les personnes qui travaillent au sein ou dans le cadre des coopératives n’ont pas toujours
conscience de ce lien avec une coopérative, nous avons présumé qu’elles peuvent avoir des idées normatives ou des
jugements d’évaluation sur le travail lié aux coopératives.
Nous avons observé que ces idées sont influencées par leur propre rationalité, à savoir la façon dont elles les
perçoivent comme bonnes (ou mauvaises). Nous avons suivi la classification de Boltanski et Thevenot (1991) en
fonction de différentes logiques de justification construites et mobilisées dans les sociétés modernes occidentales.
La notion de logique de justification proposée par Boltanski et Thevenot ne correspond pas à un ensemble
permanent de valeurs, mais à une construction historique de l’évaluation de l’importance des valeurs dans une
situation donnée. Lorsque les personnes expriment des affirmations normatives ou de valeurs, elles se réfèrent
implicitement ou explicitement à des logiques de justification dans lesquelles ces affirmations gagnent en légitimité.
Elles considèrent un certain mode de justification de leur situation comme plus pertinent que d’autres.
Dans notre étude, nous avons supposé que la perception qu’ont de leur situation les personnes interviewées est
associée à la question de ce que devraient être une coopérative et l’emploi en lien avec une coopérative. Nous
avons classé leurs idées sur l’emploi coopératif en 8 logiques de justification 71, ce qui nous a permis non seulement
de comprendre leurs idées sur l’emploi coopératif mais aussi de cerner les types d’antécédents normatifs que ces
personnes mobilisent pour justifier la spécificité coopérative de leur emploi ou activité économique.
Notons que les personnes pensent différemment en fonction de leur propre logique et des aspects qu’elles
souhaitent souligner parce que toute situation peut être interprétée de différentes façons. Par ailleurs, les points
de vue des personnes sont toujours, dans une certaine mesure, tributaires des conditions dans lesquelles elles
évoluent. C’est pourquoi nous avons analysé comment ces différentes idées sont en lien avec des circonstances
précises, telles que le type et la taille des coopératives, la fonction occupée par les personnes interviewées dans les
coopératives, les secteurs économiques et les pays.
65
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
PARTICIPATIOn
Dans la logique de justification de la participation, le
contrôle démocratique, qui est une des caractéristiques
essentielles des coopératives en tant qu’ « association
de personnes » (voir définition internationale énoncée
au Chapitre 1, section 1.3. Définitions clé), est élargie aux
questions du travail.
La participation est souvent décrite comme une
procédure de prise de décision et de travail commun.
Exprimer son avis peut être considéré comme une
condition préalable à la participation: « Nous discutons
ensemble d’où nous allons, de ce que nous allons
faire »72, « Nous décidons de tout »73, « Les outils qui vous
permettent, de manière presque ‘obligatoire’, d’engager
les personnes afin que tout un chacun apporte sa
contribution »74. Dans de plus petites coopératives,
« nous pouvons vraiment faire ce que nous voulons…
Nous pouvons réaliser des choses… C’est une grande
possibilité pour nous de grandir, de nous développer »75.
Certaines personnes interviewées comparent cette
situation à celle d’entreprises privées classiques dans
lesquelles « tout ce qu’elles peuvent faire c’est poser
des questions »76. Si leurs supérieurs « refusent, elles
ne peuvent rien y faire »77. Les travailleurs y « sont juste
invités à exécuter »78.
Une condition préalable de la participation est que les
travailleurs « peuvent exprimer librement leur avis »79 et
« les avis des personnes du bas de l’échelle parviennent
aux oreilles des supérieurs »80. La transparence et
les flux d’informations sont également qualifiés de
condition préalable et de résultat de la participation.
« Tous les chiffres de l’entreprise sont accessibles à
tous les membres »81. « Il y a moins de possibilité de
corruption au sein même de la structure »82. Par ailleurs,
la participation exige d’assumer sa responsabilité. « Se
limiter à insister ce n’est le style des coopératives.
Insister, discuter et réaliser par nous-mêmes, ça c’est
le style des coopérative »83. Cette pratique exigeante
alourdit parfois le travail et les travailleurs ont tendance
à en faire trop. Leur travail « ne se termine pas lorsque
les travailleurs ont fini de s’entretenir avec leur client. Il
y a plus … de travail supplémentaire »84 à effectuer pour
participer à plusieurs comités, à des réunions formelles
et informelles. C’est la raison pour laquelle nous
pouvons trouver des employés ordinaires, notamment
dans les coopératives de travail associé, qui « ne sont
pas intéressés par l’appartenance à la coopérative ou
par l’exercice des droits en tant que propriétaires »85.
« Certaines personnes finissent surmenées, d’autres
laissent courir »86. En guise de solution, un dirigeant
66
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
d’une coopérative de travail associé insiste sur le fait
qu’ « il est important d’expliquer, il faut que les personnes
comprennent qu’elles font partie de la coopérative »87.
La participation n’est pas synonyme de liberté de faire
ce que l’on veut. Elle est limitée par les contraintes
objectives qui pèsent sur l’entreprise. Pour plus de
jugement et d’efficacité dans la participation, les
conditions du marché et les capacités internes doivent
être suffisamment comprises par les membres et les
travailleurs. Sinon, « cette liberté peut conduire les
personnes à faire ce qu’elles veulent, et ça ne fonctionne
pas, l’entreprise périclite »88. Les règles relativement
strictes d’application dans les coopératives et
groupes coopératifs peuvent parfois sembler être en
contradiction avec la liberté et la participation mais il est
important de comprendre que ces règles sont élaborées
par les membres pour développer leur entreprise.
La participation des travailleurs peut conduire à des
échanges et à une prise de décision collective sur les
niveaux salariaux. Un travailleur-membre d’une coopérative
d’ingénierie dans le Wisconsin nous a précisé: « Nous avons
nos propres critères pour décider des salaires, à savoir
l’expérience, les qualifications, les fonctions… nous utilisons
une espèce de formule qui se fonde partiellement sur ce
que nous avons fait dans le passé, sur la performance de
la personne, sur la valeur de sa contribution à l’entreprise.
Nous discutons beaucoup de ces aspects. – Q: Avez-vous
un département des RH qui traite de ces questions ? – R:
Oui, nous avons notre directrice des RH. Et elle ne décide
pas seule, il y a un comité qui est responsable, qui travaille
pour elle. Je crois qu’il y a 6 personnes dans ce comité…
Le comité ne décide pas. Il formule des recommandations,
des suggestions et les soumet au conseil d’administration.
Le conseil d’administration décide. - Q: Donc, logiquement,
tout le monde connaît le montant du salaire des autres ? R:
Oui, c’est très transparent. – Q: C’est normal ? R: Non, ce
n’est pas le cas dans une entreprise privée où vous n’êtes
au courant de rien. Vous n’avez aucune idée du salaire
de votre voisin de travail. Ici, tous les membres sont au
courant… il n’y a pas de secret »89.
Une travailleuse-membre d’une coopérative de
consommation au Pays basque ajoute: « La principale
différence quand on travaille dans une coopérative c’est
qu’on peut participer, on a le sentiment d’apporter des
idées. Dans les entreprises non-coopératives, les choses
sont plus carrées, il n’y a pas de participation, vous ne
pouvez pas changer ou améliorer les choses »90.
FAMILLE
La logique de justification de la famille signifie que les
personnes qui travaillent au sein ou dans le cadre de
coopératives perçoivent leur occupation comme s’ils la
partageaient avec leur famille ou leurs amis parce que le
travail se réalise dans une communauté au sein de laquelle
ils connaissent beaucoup de gens. Par conséquent,
« ils essaient toujours de faire de leur mieux pour les
personnes »91, et ce n’est pas seulement vrai entre salariés
mais également entre les salariés et les usagers-membres,
ou entre les salariés et les producteurs-membres. « De
67
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
nombreux salariés ont certains de leurs meilleurs amis qui
travaillent ici ou qui sont leurs clients »92.
Une coopérative de crédit coréenne permet à ses
nouveaux salariés de participer à des services de prise
de contact, de visite de leurs membres dans le cadre d’un
programme d’apprentissage pour connaître les membres.
Ce type de programme renforce l’intégration des salariés
à la vie de la coopérative dans laquelle les membres et les
salariés semblent appartenir à la même famille ou être liés
de liens d’amitié plutôt que de développer des relations
commerciales entre clients et prestataires de services.
Se connaître est perçu comme un point de départ de
l’entraide qui peut, à son tour, signifier que si certaines
activités de la coopérative ou du groupe coopératif ne vont
temporairement pas bien, elles peuvent être compensées
par d’autres activités plus florissantes. « Si certaines
activités sombrent dans le rouge, d’autres peuvent
éponger leur déficit »93. On appelle ce genre de culture
« l’esprit d’entraide »94, « une sorte de camaraderie… de
solidarité »95, et « la coopération »96.
Les personnes travaillant dans ou dans le cadre de
coopératives ont souvent le sentiment d’appartenir à
quelque chose de plus large. C’est en fait une réalité
lorsque ce sentiment d’appartenance génère des relations
plus étroites entre les travailleurs et leur coopérative.
« Ils font mieux partie prenante de l’entreprise »97 et « de
quelque chose de plus large »98. Lorsqu’ils « sont invités
à devenir membres, ils ont le sentiment d’appartenir à la
coopérative »99, et « partagent un niveau d’accord général
sur la mission à essayer d’accomplir: les travailleurs et les
membres sont unis »100.
Il ne s’agit pas d’une simple question de sentiment mais
d’une appartenance véritable à une réalité. Le sentiment
d’appartenance favorise des relations plus étroites entre
travailleurs et coopératives. « Pour les membres, si la
coopérative fonctionne bien, tout va pour le mieux. Mais
si elle ne fonctionne pas bien, c’est également beaucoup
plus grave ». La situation est différente de celle « d’une
entreprise non-coopérative qui lorsqu’elle ne fonctionne
pas bien fait porter la responsabilité par l’employeur »101.
Ce sentiment d’appartenance à une famille a une
incidence sur la manière de percevoir l’identité de
l’employeur ultime. Pour les salariés de coopératives de
production, les employeurs ultimes sont la communauté
des producteurs pour compte propre, alors que dans les
coopératives d’usagers, dans lesquelles les membres sont
plus nombreux, l’employeur ultime est la communauté
environnante dans son intégralité. En outre, dans de
nombreux cas, les salariés ont le sentiment d’avoir la
mission d’élargir l’employeur collectif en s’efforçant
de recruter de nouveaux membres et en dynamisant
les membres existants. Un livreur d’une coopérative de
consommation au Japon nous a déclaré: « Généralement,
nous pensons que notre travail est d’initier les membres
pour qu’ils soient véritablement membres et qu’ils
s’engagent dans le mouvement coopératif »102. Le
directeur, qui représente l’employeur collectif, peut les
gratifier pour leur investissement personnel dans la
coopérative et apprécier leur valeur professionnelle,
parce qu’il représente un employeur à long terme, ancré
dans la proximité (une collectivité qui va au-delà du
68
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
périmètre des membres et comprend la collectivité
dans un sens plus général, passée, présente et future).
Une salariée d’une coopérative de consommation en
Émilie-Romagne a connu un problème après son congé
de maternité: « Je suis revenue alors que personne ne
pouvait prendre soin de mon bébé. Je me suis donc
adressée aux directeurs en expliquant ma situation et
que j’étais disposée à tout abandonner, pour reprendre
éventuellement un travail de simple salariée…, ‘ je peux
aller où vous voulez mais j’ai des obligations, je dois me
libérer à 5 heures pour reprendre mon fils à la crèche’.
Ils m’ont répondu: ‘Tu rêves? Pourquoi abandonner les
efforts que tu as fait pendant toutes ces années?’ »103.
Pour les simples salariés de coopératives de travail
associé, les employeurs sont des collègues de travail,
qui sont également des travailleurs-membres. Un simple
salarié d’une coopérative de travail associé en Émilie-
Romagne nous a confié: « Personnellement, … lorsque je
sais que la personne qui me rémunère travaille toute la
journée pour moi à trier des déchets, je me sens encore
plus encouragé. Celui qui se sacrifie pour travailler là
me paie et j’ai du respect pour lui. Rien que de penser
que mon salaire est payé par une personne qui travaille
toute la journée au milieu de détritus me pousse à me
surpasser »104.
Pour les travailleurs-membres, l’employeur, c’est nous,
les travailleurs-membres, mais même dans ce cas-ci,
ils ont le sentiment qu’ils sont partie intégrante de la
collectivité environnante. Un travailleur-membre d’une
coopérative de Mondragon nous donnait cette réponse:
« Qu’y-a-t-il de spécial dans le travail coopératif ?
R: Faire partie d’un projet qui crée de l’emploi et de la
richesse dans notre environnement »105.
Le dénominateur commun est que l’employeur n’est jamais une personne physique ou morale sans visage, éloignée,
mais est presque toujours local et collectif, et généralement composée de gens simples. Cela ne peut que peser
sur la perception du travail et le comportement sur le lieu de travail, ainsi que sur les formes de médiation qui sont
nécessairement différentes de celles d’autres lieux de travail.
Le revers de la médaille de cet environnement familial est que les salariés se plaignent parfois d’avoir des difficultés
à « déconnecter » du travail lorsqu’ils rentrent chez eux ou lorsqu’ils se retrouvent dans la communauté. Un salarié
d’une coopérative de crédit d’Émilie-Romagne répondait ainsi à nos questions: « Q: Avez-vous beaucoup de travail ?
Vous sentez-vous sous pression ? R: Oui, c’est l’avantage et le désavantage de travailler avec des personnes. Il y a
des personnes avec lesquelles au fil des années, j’ai tissé une relation de respect et de confiance mutuelle dont je suis
69
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
fier. Cependant, c’est un défi de travailler dans une communauté où vous connaissez tout le monde. Vous essayez
invariablement de faire de votre mieux pour les personnes. Parfois, il est difficile de déconnecter lorsqu’on quitte
le bureau. Vous devenez un point de référence, les personnes dans la rue vous connaissent. Si vous êtes en congé,
vous ne pouvez pas vous rendre au marché du village »106.
ÉCOnOMIE
Une des logiques de justification utilisées par les
personnes pour qualifier les spécificités de l’emploi
coopératif est la composante de l’économie. Nous
avons trouvé deux types de discours sous cette
logique.
Pour certaines personnes, travailler dans une
coopérative semble constituer un désavantage
économique. Une personne a regretté « ne pas jouir
de nombreux avantages que ne peut se permettre une
coopérative car ce sont des ‘coûts auxiliaires’ que la
coopérative ne peut pas assumer »107. Un jeune salarié
disait sur le ton de la plaisanterie que son emploi lui
fournissait: « un salaire bon marché… »108.
D’autres estiment, par contre, que leurs emplois
« sont considérés plus sûrs et plus stables »109. En
milieu rural, le salaire des salariés qui travaillent dans
les coopératives est souvent parmi les meilleurs. Pour
les producteurs-membres qui travaillent dans le cadre
d’une coopérative, celle-ci est souvent perçue comme
une occasion d’augmenter le nombre de leurs clients
ou de mieux commercialiser leur production. Pour des
conducteurs de taxis indépendants, la coopérative est
l’occasion « d’accroître sensiblement le nombre de
clients »110.
Compte tenu de la grande diversité de l’emploi
coopératif, il est difficile de qualifier l’emploi au sein
ou dans le cadre des coopératives d’économiquement
bon ou mauvais. Il est plus important de souligner que
la composante économique de l’emploi coopératif
n’est qu’un des aspects que les travailleurs prennent
en considération, et qu’elle perd de son importance
lorsque d’autres compensations entrent en ligne
de compte. « Parce que j’adore mon travail, qu’il est
concret, il ne s’agit pas seulement d’argent »111. Un
travailleur-membre d’une coopérative industrielle au
Pays basque nous disait: « La rémunération peut être
variable mais ce n’est pas la même chose de recevoir
une rémunération variable dans une compagnie
dont les propriétaires sont ceux qui en bénéficieront
directement »112.
EFFICACITÉ
Les coopératives sont considérées par certaines
personnes interviewées comme des organisations
économiques plus efficaces que d’autres entreprises
parce qu’elles sont moins hiérarchisées, moins
bureaucratiques et plus agiles dans leur prise de
décision. Un membre d’une coopérative de travail
associé constituée par des thérapeutes soignant des
malades mentaux dans le Wisconsin explique l’avantage
de leur structure démocratique, de sa rationalité et de
son efficacité. Il pense que « le modèle et la pratique
de la coopérative de travail associé est plus simple et
plus leste, flexible et résilient parce que nous n’avons
pas des strates excessives de bureaucratie, ce qui
est très cher et inefficace »113. Contrairement aux
70
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
préjugés qui laissent entendre qu’un processus de
prise de décision démocratique est lent et inefficace,
il souligne que la prise de décision des travailleurs-
membres qui se réalise en confrontant différents
points de vue en tant que prestataires de services,
gestionnaires et propriétaires peut s’avérer être un
mode de fonctionnement plus leste et plus efficace
que « quelqu’un qui viendrait de loin imposer… »114. En
ce sens, il est intéressant d’observer l’efflorescence de
formes coopératives dans les professions libérales et
parmi les entreprises de la connaissance (Westerdahl
et Westlund, 1998).
FLEXIBILITÉ
Dans la perspective de la stabilité de l’emploi, la
flexibilité peut être mal perçue. Cela vaut pour de
nombreuses coopératives comme pour les entreprises
classiques. Cependant, dans certaines coopératives,
la flexibilité dans le travail est une valeur importante
pour conjuguer la vie professionnelle et la vie familiale.
Une travailleuse-membre d’une coopérative de travail
associé dont l’objet est la prestation de services de
soin à des personnes âgées nous a avoué: « Je suis
tout à fait satisfaite. Par exemple, lorsque je dois me
rendre à l’école, comme lors de la journée que l’école
consacre aux parents, je vérifie juste que je ne dois
pas aller chez des clients. Cette heure que je leur
consacre n’est pas rémunérée, c’est une sorte de
flexibilité qui est une satisfaction personnelle »115.
Mais d’un autre coté, la flexibilité dans l’entreprise
a parfois fragilisé les postes des travailleurs en les
divisant en un groupe de travailleurs permanents et
un groupe de travailleurs à la demande, sans stabilité
d’emploi. Comme le suggèrent Boltanski et Chiapello
(1999), la flexibilité est une logique de justification
émergente à l’heure où l’autonomie et la liberté
personnelle prennent de plus en plus d’importance, et
où les nouvelles technologies et la mondialisation de
l’économie les encouragent. Cependant, les pratiques
économiques plus préoccupées par cette logique
de justification ne sont pas toujours suffisamment
institutionnalisées dans le secteur et le champ
d’activité, au-delà du périmètre national, ce qui ébranle
la sécurité sociale et la protection institutionnelle des
travailleurs dans cette situation 116.
Dans nos interviews, la rationalité de la flexibilité est
plus courante dans des secteurs économiques tels
que la construction, les technologies de l’information
et les services aux personnes, ainsi que dans les
nouvelles entreprises qui voient le jour dans le
contexte de la mondialisation.
Un dénominateur commun est que la flexibilité que
l’on trouve dans les cooperatives est une flexibilité qui
est partagée entre travailleurs et membres.
ORIEnTATIOn GuIDÉE PAR LES VALEuRS
Comme évoqué antérieurement, de nombreuses
personnes ne travaillent pas dans des coopératives
pour des raisons strictement économiques.
L’enthousiasme et l’engagement à l’égard de certaines
valeurs sont d’importants vecteurs. Parfois, les
jeunes se lancent dans la création d’une coopérative
« avec beaucoup d’enthousiasme et peu d’argent ».
Pour eux, « travailler dans une coopérative en période
plus favorable permet le partage d’une passion »117.
Travailler avec des consommateurs-membres permet
71
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
aux salariés de « sentir qu’ils travaillent au milieu du
pouvoir »118.
Les valeurs qui nous ont été transmises sont
diverses. Certains ont insisté sur l’épanouissement
personnel, la coopérative étant le lieu de travail où
ils peuvent grandir et se développer de manière
holistique. D’autres ont souligné le caractère
« éthique », « honnête », « correct » du travail dans une
coopérative. Par exemple, les coopératives de crédit
estiment ne pas se limiter à fournir des services
financiers mais entendent « éduquer leurs clients à
adopter de meilleures pratiques financières »119. La
raison d’être des coopératives étant de servir leurs
membres, elles génèrent du chiffre d’affaires en
offrant des services aux membres sans avoir pour
motivation première d’engranger des bénéfices. Les
innovations techniques et de gestion sont introduites
pour valoriser le service aux membres, pas pour
engranger plus d’argent. Le salarié d’une coopérative
agricole du Wisconsin nous a dit à cet égard: « Il s’agit
plus de servir les membres et ensuite de se demander
si ce que nous faisons a un sens. Vous savez, j’aime
travailler comme le font les autres travailleurs ici,
avec comme préoccupation première celle d’assurer
que les besoins des membres soient satisfaits »120.
Dans une coopérative médicale en Corée du Sud,
un médecin de médecine orientale utilise des
instruments qui, pour des raisons d’hygiène, ne
peuvent être réutilisés, même si plus il y a recours
et plus se creuse le déficit de la coopérative. « Nous
n’avons cependant pas le choix parce que les clients
sont nos membres ! »121 Il s’agit d’un sentiment
particulièrement bien ancré chez les salariés de
coopératives d’usagers et de producteurs mais
également dans les coopératives de travail associé
même si, en l’occurrence, les clients ne sont pas
membres. Dans certaines interviews, on nous a confié
que les coopératives sont des instruments pour créer
un système économique plus digne de confiance et
économiquement plus juste, un effort dans lequel
certains veulent s’engager.
Parfois, le statut de coopérative peut être une
raison pour augmenter le prix du service comme, par
exemple, dans une coopérative de taxis: « Étant en
coopérative, nous jouissons d’une assurance-santé,
d’un excellent entretien de nos véhicules et nous
fournissons un niveau de service de grande qualité »122.
Si la stratégie de communication est bonne, les
personnes ont confiance dans les coopératives et
en paient volontiers les services. Elles peuvent donc
être perçues comme des instruments de création
72
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
d’un système économique plus juste et plus digne de
confiance. Outre les questions sociales directement
traitées par les coopératives, il est intéressant de
constater que le lien avec une coopérative est une
valeur importante. Cette valeur, travailler pour une
coopérative, devient une source de fierté.
Cependant, ce système fondé sur des valeurs peut
être plus exigeant. Il semble que « les coopératives
doivent en faire plus parce qu’elles sont des
coopératives »123. Une de ces exigences ou plutôt un
caractère intrinsèque est « qu’une coopérative ne doit
pas avoir pour seule priorité son intérêt »124 ou encore
« les coopératives ne sont pas obsédées par leurs
bénéfices »125.
L’insertion par le travail de personnes en difficultés
gérée par des travailleurs de coopératives requiert
une motivation qui est mue par certaines valeurs.
Un travailleur-membre d’une coopérative de travail
associé à Kanagawa, qui pratique l’insertion de
personnes en difficultés sociales, nous a rappelé:
« Certaines personnes ont des difficultés pour
travailler, pour sortir, même de chez elles… Vous
savez, c’est facile de les exclure du groupe mais
notre organisation ne le fait pas, nous essayons de
les intégrer, de travailler avec elles, de prendre les
mesures nécessaires à leur intégration au monde
du travail et à la société. Nous pouvons constater
qu’elles progressent grâce à l’éducation et à nos
encouragements comme, par exemple ‘OK ! Tu peux le
faire, faisons-le ensemble.’ Et ce genre de choses peut
rendre leur vie bien différente. On les voit s’améliorer.
Et ça me motive… alors que lorsque je travaillais [dans
une autre entreprise] à des tâches administratives,
c’était plus un travail de routine »126.
Même certaines personnes peu satisfaites de leur
travail dans leur coopérative et à la recherche d’un
autre emploi essaient de trouver un autre emploi dans
une autre coopérative. Une salariée d’une coopérative
de crédit en Émilie-Romagne, Italie, insatisfaite de son
travail et à la recherche d’un autre emploi nous a dit:
« Je voudrais travailler dans une coopérative sociale
ou un consortium [de coopératives sociales] » 127.
RÉPuTATIOn
Il y a des cas où travailler dans une coopérative
est source de fierté. Les coopératives sont parfois
considérées par les personnes locales comme
un des meilleurs lieux de travail dans leur région.
Elles regroupent des personnes très formées qui
travaillent ensemble pour un salaire stable et décent.
Dans certaines régions où les coopératives jouissent
depuis longtemps d’une forte reconnaissance,
comme en Émilie-Romagne, au Pays basque, au
Québec et dans le Wisconsin, la perception des
coopératives et de leur culture ne s’arrête pas aux
portes des coopératives mais fait partie intégrante
de la culture locale, voire du patrimoine local.
Par ailleurs, dans des pays où les coopératives
sont activement promues par la politique
gouvernementale comme en Afrique du Sud et en
Corée du Sud, le terme « coopérative » devient en soi
un signe d’opportunité. Le rôle de la communication
et de l’éducation est fondamental dans ces situations.
Les coopératives peuvent aussi être mises sur
un piédestal trop élevé et les personnes qui les
entourent ont des difficultés à comprendre qu’elles
peuvent, au même titre que d’autres, subir les
conséquences d’une crise économique, malgré leur
73
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
résilience. « La Corporation Mondragon a toujours
joui d’une bonne réputation et été considéré comme
exportable. Travailler ici signifie avoir un bon emploi,
qui s’ inscrit dans la durée et est marqué au sceau de
la sécurité. Bon nombre de personnes confrontées
à des problèmes dans d’autres entreprises auraient
des difficultés à imaginer que la nôtre pourrait
s’effondrer »128.
IDEnTITÉ
L’identité dans les coopératives peut se développer
à deux niveaux: au sein de la coopérative et dans le
cadre plus large de la collectivité. Il s’agit à la fois de
l’identité de la personne, de son identification avec la
coopérative et de l’identité de la coopérative en soi.
Les personnes interviewées ont clairement fait
remarquer que leur coopérative avait été un élément
fondamental pour l’insertion et la réhabilitation sociale,
pour la valorisation de l’estime de soi et la confiance en
soi. Une ramasseuse de déchêts qui est travailleuse-
membre d’une coopérative de SEWA en Inde nous a
confié: « On vous voit comme une simple ramasseuse
de déchets [forte stigmatisation sociale]. Avant, je
n’étais qu’une ramasseuse de déchets, aujourd’hui, je
suis une femme de SEWA »129. Une travailleuse d’une
coopérative de soins à la petite enfance de SEWA
nous déclarait: « Avant de rejoindre SEWA, j’étais dans
une situation très critique due à la maladie mentale de
mon mari. Je me battais beaucoup… Les limitations
imposées par ma famille étaient nombreuses ainsi
que son contrôle mais aujourd’hui, je construis ma
propre identité, je fais mes propres choix »130. Une
salariée d’une coopérative de consommation d’Émilie-
Romagne nous a dit: « Mes attentes à l’égard de
l’entreprise est de continuer à être respectée pour ce
que je fais. Je me sens appréciée. J’aime que ce que
je fais soit reconnu. L’estime de mon directeur est une
gratification », et elle a ajouté « je n’échangerais mon
emploi qu’avec celui de mère au foyer »131.
La forte identification entre la personne et son
travail est également perceptible dans l’expérience
de cette travailleuse-membre d’une coopérative de
construction en Émilie-Romagne: « Mon expérience et
celle de mon mari, qui travaille dans une coopérative
ici à Ravenne, est très positive (…). Toute cette
participation, nous la ramenons à la maison. Je parle
tellement de mon travail à la maison, des aspects
sociaux, des activités, de la participation… Cela nous
74
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
appartient tellement que nous ne nous en rendons pas
compte »132.
Le danger guette bien sûr parce qu’une forte
identification doit être bien gérée par une organisation
du travail adaptée. Un membre d’une coopérative
basque d’éducation nous a dit à cet égard: « Je pense
que la motivation et l’engagement dans le projet
éducatif demeurent inchangés. Avant, je faisais
également partie d’une communauté. Aujourd’hui, je
me sens bien avec le modèle coopératif. Je travaille
sans aucun doute beaucoup plus qu’avant mais
j’assume aussi plus de responsabilités. Je délaisse un
peu ma vie de famille, sans parler de mes temps libres
et de ma vie sociale, voilà quelque chose que je dois
améliorer, mon travail doit être plus efficace »133.
Par ailleurs, une reconnaissance plus profonde au sein
de la coopérative peut provenir d’un engagement dans
des relations plus amicales et plus humaines (comme
nous l’avons entendu à plusieurs reprises), fruit d’une
forte dynamique de participation. Cette dynamique
construit un sens plus aigu de l’identification entre la
personne et sa coopérative. Elle peut se transmettre
de génération en génération, en donnant à la
génération suivante une intégration plus naturelle, une
identification au monde des coopératives. « Mon père
était un membre. J’ai donc appris dans ma jeunesse
à vivre dans un environnement coopératif et j’y ai
toujours été plongé. Mon fils suit la même démarche,
mais… par exemple, mon fils vit cette philosophie
coopérative, c’est ainsi qu’il apprend. »134.
La composante de l’identité qui consolide le lien avec
la communauté au sens large n’est pas étrangère
à la logique de la famille et celle de la réputation
que nous avons abordées et qui alimentent la
culture coopérative. Au fil de leur maturation, elles
peuvent conduire à d’importantes célébrations de la
communauté, ce qui, à son tour, renforce cette culture
et le sens de l’identification entre la communauté et la
coopérative. Se valorise ainsi l’identification entre les
salariés de la coopérative, les travailleurs-membres
et les producteurs-membres, d’une part, et leur
coopérative, d’autre part. Un producteur-membre
d’une coopérative agricole d’Émilie-Romagne nous
disait: « Ici, le 1 mai est la Fête des coopératives. Cela
représente le fait que vous faites partie de quelque
chose, les institutions participent, pas seulement les
institutions locales mais aussi au niveau provincial...
Toute la communauté locale participe. L’engagement
de la communauté est très fort. C’est un moment
de vécu social extrêmement fort. Dans les jours qui
précèdent et qui suivent, différentes initiatives sont
organisées qui marquent la communauté. Des milliers
de personnes participent. C’est une grande valeur
ajoutée qui est utilisée pour assurer le lien avec les
personnes locales, c’est un point de référence de la
communauté locale »135.
75
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
COMMEnT DES COnDITIOnS SPÉCIFIQuES OnT-ELLES unE InCIDEnCE SuR LES DIFFÉREnTES LOGIQuES DE JuSTIFICATIOn?
Nous partons de l’hypothèse que les caractéristiques de l’emploi coopératif ne sont pas gravées dans le marbre,
mais qu’elles sont plutôt une conjugaison de différents aspects de l’expérience de travail au sein ou dans le
cadre des coopératives à différents moments, et influencent implicitement la manière dont se conjuguent les
différentes logiques de justification.
En ce qui concerne la logique de justification de la participation, la plupart des avis exprimés l’ont
été par des travailleurs-membres dans les coopératives de travail associé. Nous estimons que la
participation des membres n’est pas suffisamment élargie à d’autres types de parties prenantes, ou
pas encore. Nous pouvons cependant constater que certains cadres juridiques permettent déjà à
différentes parties prenantes de devenir membres d’une même coopérative, appelée coopérative
multi-sociétaire, ce qui génère une nouvelle dynamique de gouvernance qui aboutit à la participation
intégrale au sein de la coopérative de toutes les différentes parties prenantes, y compris le personnel
de la coopérative 136.
La logique de justification de la famille est répandue dans les différentes formes de coopératives.
Si le sentiment d’appartenance est plus courant dans les coopératives de travail associé, se
connaître et s’entraider sont des finalités plus souvent évoquées par les salariés de coopératives
d’usagers. Nous pouvons induire de cette observation que dans les coopératives d’usagers, une
relation étroite entre les usagers-membres et les salariés de la même communauté est un élément
important de la gestion des RH et du marketing.
La logique de l’économie est mentionnée explicitement par les membres de coopératives de
production. Dans ces coopératives, l’objectif et la motivation des membres sont principalement de
nature économique. Plus précisément, compte tenu que les membres y travaillent et contactent les
coopératives pour des transactions économiques, l’évaluation qu’ils réalisent de leur travail dans le
cadre des coopératives pourrait se concentrer sur le seul aspect économique et non sur d’autres
aspects qui pourraient être traités sur leur lieu de travail.
La logique de l’orientation guidée par les valeur est perceptible dans toutes les coopératives. Il
est intéressant de constater que de nombreuses déclarations en ce sens proviennent, d’une part,
de coopératives étroitement associées aux initiatives de mouvements sociaux et, d’autre part,
de coopératives qui collaborent avec la société civile et les mouvements sociaux. L’analyse des
motivations du travail dans les coopératives nous donne l’explication du pourquoi ces deux points
sont associés aux expériences personnelles et au patrimoine culturel. Certains travailleurs, qui
mobilisent une logique d’orientation guidée par les valeurs ont vécu des expériences de mouvements
sociaux avant de se tourner vers les coopératives. Certains autres travailleurs ont connu différentes
76
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
expériences et ont été proches des coopératives dans leurs régions, et les connaissaient donc
avant de s’y engager. Cependant, pour ces travailleurs, il semblerait qu’il y ait parfois des écarts
entre leurs attentes des coopératives dont l’orientation devrait être dictée par leurs valeurs, et la
réalité à laquelle ils sont confrontés.
La logique de la réputation est davantage associée à des régions qu’à des types de coopératives.
Les opinions sur les meilleurs lieux de travail de la région convergent souvent vers les coopératives
relativement importantes en milieu rural. Dans les coopératives d’usagers, sous la pression de la
collectivité environnante, notamment dans des petites villes et des régions rurales où les salariés
font souvent partie de la collectivité, les coopératives se sentent obligées de conserver leurs
salariés, elles le vivent comme une responsabilité. La réputation est un élément plus important
dans les régions où le mouvement coopératif a joué un rôle plus significatif dans le développement
économique et social de leur territoire. Elle est parfois promue par les gouvernements, dans des
régions où les politiques publiques de promotion des coopératives sont plus affirmées.
L’identité semble également être en lien étroit avec la région. Elle est plus tangible là où la culture
coopérative régionale est plus fortement ancrée ainsi que dans les coopératives historiques. Elle
semble plus forte et plus durable que l’identité d’autres types d’entreprises de la même communauté.
Quant à la flexibilité, elle semble présenter deux aspects différents. D’une part, les nouvelles vagues
de coopératives de travail associé, qui ont vu le jour depuis les années 1970, ont été inspirées
par la volonté d’autonomie et d’émancipation exprimée par différentes formes de mouvements
sociaux. Les coopératives de travail associé et leurs formes innovantes plus récentes, telles que les
coopératives multi-sociétaires, les coopératives de proximité et les coopératives françaises d’activité
et d’emploi s’inscrivent dans le prolongement de cette inspiration en mettant à la disposition des
formes d’organisation flexibles et innovantes: dans ces cas de figure, la flexibilité est plus associée
à un type de coopérative. Par ailleurs, avec l’évolution des formes industrielles et la mondialisation
grandissante des marchés, la logique de flexibilité est parfois davantage la résultante du caractère
des activités économiques qui prévalent dans la coopérative. L’internationalisation croissante des
activités économiques de certaines coopératives et de groupes coopératifs soulève des questions
d’équité dans les relations avec les partenaires économiques des coopératives et elles peuvent
avoir une incidence sur la logique de la flexibilité.
77
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
nOTES
43. Le nombre de producteurs-membres (41.455) a dû être sous-estimé dans les statistiques officielles (données du ministère québequois du Développement économique, de l’Innovation et des Exportations, année de référence 2010). Les membres de coopératives membres de La Coop fédérée étaient déjà 63.000 en 2013 (La Coop fédérée, Rapport annuel 2013)
44. En Espagne, les travailleurs-membres ne sont pas seulement présents dans les coopératives de travail associé mais aussi dans d’autres types de coopératives comme des coopératives de consommation. Eroski, la coopérative de consommation la plus importante du Pays basque emploie 38.420 travailleurs dont 12.620 sont des travailleurs-membres. Cf. www.eroski.es/conoce-eroski/memoria-2012/principales-datos-relevantes-de-2012
45. En 2008, le groupe coopératif Mondragon s’arrogeait une part de 3,6% du PIB du Pays basque et 6,6% de son PIB industriel (OECD 2011, p. 55)
46. Parmi les interviews réalisées, une coopérative d’agriculture biologique située dans une très petite ville du Wisconsin a attiré de nombreux travailleurs et généré, indirectement, de nombreux emplois dans cette zone rurale
47. En 2012, les salariés de Mondragon représentaient 3,7% de l’emploi au Pays basque, soit plus de la moitié du nombre total d’emplois dans les coopératives
48. Les données chiffrées du Tableau 18 sur les coopératives agricoles reflètent bien le contraste entre Kanagawa et le Wisconsin. Nous pouvons supposer que cette différence révèle les différences de gestion des coopératives agricoles au Japon et aux États-Unis. Une autre observation est que, même si les données du Nord Pas-de-Calais représentent tous les types de cooperatives, 53,3% des emplois se trouvent dans le secteur des services financiers: nous pouvons affirmer que les données du Nord Pas-de-Calais reflètent dans une large mesure l’emploi dans les cooperatives financières
49. Le jugement ne peut être unilatéral: si les conditions de travail peuvent être qualifiées conventionnellement de mauvaises à l’aune d’une relation employeur-salarié, nous pouvons y trouver des justifications que nous examinerons dans le chapitre suivant
50. “En ce qui concerne l’agriculture, on estime que les femmes produisent jusqu’à 80% de la nourriture en Afrique. Pourtant, quand il s’agit des intrants et des services agricoles, la part allant aux femmes est maigre: elles ne reçoivent que 7% des services de vulgarisation agricole, moins de 10% de l’offre de crédit pour les petits agriculteurs, et ne possèdent que 1% de la terre”, de OIT (2012) Empower rural Women – end poverty and hunger: the potential of African cooperatives, Brochure du projet CoopAfrica; OIT: Genève, p. 1
51. 30% au Kénya, 40% en Tanzanie and 42% en Ouganda, selon OIT 2012, How women fare in East African cooperatives: the case of Kenya, Tanzania and Uganda; OIT: Genève, p.7
52. Fédération Desjardins (2014): Portrait de la main d’œuvre du mouvement Desjardins au 31 décembre 2013
53. La raison peut en être le manque d’activités ou la prestation bénévole des services administratifs de base par les producteurs-membres ou les usagers-membres
54. Données fournies par la Direction du développement des coopératives, Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec
55. Ceci a été calculé au niveau national par la CG Scop pour la France, où 59% de l’emploi dans les coopératives de travail associé et dans les sociétés coopératives d’intérêt collectif (l’équivalent français approximatif de coopérative sociale) se trouve dans les entreprises de plus de 50 travailleurs; voir www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/
56. Celles-ci comprennent: la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, 1998 la convention sur le travail forcé, 1930; la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; la convention sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; la convention sur l’égalité de rémunération, 1951; la convention concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952; la convention sur l’abolition du travail forcé, 1957; la convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; la convention sur la politique de l’emploi, 1964; la convention sur l’âge minimum, 1973; la convention et la recommandation sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975; la convention et la recommandation sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975; la recommandation concernant la politique de l’emploi (dispositions complémentaires), 1984; la recommandation sur la création d’emplois dans les petites et moyennes entreprises, 1998; et la convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999; voir www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193
57. Selon Richez-Battesti et al., 2013, p. 87
58. Malgré cette similarité superficielle, cette position affirmée semble être fondamentalement différente de la notion de culture plus humaine du lieu de travail que chérissent de nombreuses entreprises parce que cette notion semble trouver
78
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
son origine dans l’identité même des coopératives en tant qu’associations de personnes, plutôt que dans une stratégie de culture du lieu de travail ou en encadrement du personnel qui, en général, est subordonné en dernière instance aux intérêts financiers des actionnaires
59. Cf. également Lindenthal (1994), p. 50
60. Employee 2, agriculture service cooperative, Wisconsin, USA
61. Producteur-membre, coopérative agricole, Québec, Canada
62. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne
63. Salarié (directeur), coopérative financière, Gauteng, Afrique du Sud
64. Travailleur-membre, consortium de coopératives sociales, Émilie-Romagne, Italie
65. Travailleur-membre, collectif de travailleurs (mutuelle d’assurance), Kanagawa, Japon
66. Par exemple, le secteur de la construction au Québec est très réglementé par une commission provinciale tripartite composée d’employeurs, de syndicats et de représentants du gouvernement. La formation et la qualification, les niveaux de salaires, les conditions de travail et la sécurité sociale sont régis par cette commission. Les coopératives peuvent ainsi se positionner, pratiquer un coût du travail similaire à celui des concurrents, la compétitivité se fondant sur les aspects plus techniques et de gestion que sur une baisse des coûts du travail. Par ailleurs, les coopératives engagées dans la prestation de services d’intérêt général, dont les principaux clients sont les collectivités publiques, sont souvent très réglementées par le secteur public. Ces coopératives essaient de négocier avec les collectivités publiques, en coopération ou non avec les organisations syndicales (Cardinale, Migliorin et Zarri, 2014)
67. Travailleurs-membres, coopérative de travail associé (soins à la petite enfance), Ahmedabad, Inde
68. Salarié, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie
69. Producteur-membre, coopérative agricole, Pays basque, Espagne
70. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne
71. Nous n’avons cependant pas suivi strictement les catégories originales proposées par Boltanski et Thevenot. Sur la base de l’analyse des interviews, nous avons ajouté une logique de justification fondée sur l’identité
72. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (construction), Émilie-Romagne, Italie
73. Travailleur-membre, collectif de travailleurs (mutuelle d’assurance), Kanagawa, Japan
74. Ancien travailleur-membre, coopérative de travail associé (techniques d’information), Émilie-Romagne, Italie
75. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (prestation de soins), Kanagawa, Japan
76. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (ingénierie), Wisconsin, États-Unis
77. Ibid.
78. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie
79. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (produits de papier), Paraiba, Brésil
80. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (prestation de soins), Kanagawa, Japan
81. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (nettoyage, fédération régionale), Kanagawa, Japon
82. Salarié, filiale (mutuelle d’assurance), Wisconsin, États-Unis
83. Travailleur-membre, collectif de travailleurs (mutuelle d’assurance), Kanagawa, Japan
84. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (service de santé mentale), Wisconsin, États-Unis
85. Travailleur-membre 1, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis
86. Travailleur-membre 2, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis
87. Travailleur-membre 3, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis
88. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (nettoyage, fédération régionale), Kanagawa, Japon
89. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (ingénierie), Wisconsin, États-Unis
90. Travailleur-membre, coopérative de consommation, Pays basque, Espagne
91. Salarié, coopérative de crédit, Émilie-Romagne, Italie
92. Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis
93. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (prestation de soins), Kanagawa, Japon
94. Ibid.
95. Salarié, coopérative d’assurance, Santa Fe, Argentine
79
3 L’EMPLOI COOPÉRATIF: ANALYSE DES 10 RÉGIONS ÉTUDIÉES
96. Salarié, coopérative sociale (repas à empoter, restauration, restaurant), Gangwon, Corée du Sud
97. Travailleur-membre, coopérative de travail associé ((ingénierie), Wisconsin, États-Unis
98. Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis
99. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (prestation de soins), Kanagawa, Japon
100. Salarié, coopérative d’agriculture biologique, Wisconsin, États-Unis
101. Salarié, coopérative de travail associé (de services divers), Émilie-Romagne, Italie
102. Salariés, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon
103. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie
104. Salarié, coopérative de travail associé (de services divers), Émilie-Romagne, Italie
105. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne
106. Salarié, coopérative de crédit, Émilie-Romagne, Italie
107. Salarié, coopérative de travail associé (de services divers), Émilie-Romagne, Italie
108. Salarié 2, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon
109. Salarié, coopérative laitière, Santa Fe, Argentine
110. Producteur-membre, coopérative de transport (taxi), Paraiba, Brésil
111. Salarié, coopérative de consommation, Québec, Canada
112. Travailleur-membre, coopérative industrielle, Pays basque, Espagne
113. Travailleur-membre 1, coopérative de travail associé (services de santé mentale), Wisconsin, États-Unis
114. Ibid.
115. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (soins), Kanagawa, Japon
116. Dans le cas de coopératives de la construction, le problème concerne les travailleurs locaux employés temporairement sur des sites de construction. Nous savons cependant que dans de nombreux pays, il n’existe pas de réglementation qui protège les travailleurs de la construction soumis à ce genre de flexibilité qu’impose la nature même de leur activité économique
117. Ancien travailleur-membre, coopérative de travail associé (techniques de l’information), Émilie-Romagne, Italie
118. Salarié 3, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon
119. Salarié, filiale (mutuelle d’assurance), Wisconsin, États-Unis
120. Salarié 1, coopératives de services agricoles, Wisconsin, États-Unis
121. Salarié, coopérative de consommation, Gangwon, Corée du Sud
122. Travailleur-membre 2, coopérative de travail associé (taxi), Wisconsin, États-Unis
123. Travailleur-membre, coopérative sociale (soins à la petite enfance), Émilie-Romagne, Italie
124. Salarié 1, coopérative de consommation, Kanagawa, Japon
125. Travailleur-membre, coopérative de personnes âgées (soins), Kanagawa, Japon
126. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (soins), Kanagawa, Japon
127. Salarié, coopérative de crédit, Émilie-Romagne, Italie
128. Travailleur-membre, coopérative de consommation, Pays basque, Espagne
129. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (éboueuse), Ahmedabad, Inde
130. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (soins à la petite enfance), Ahmedabad, Inde
131. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie
132. Travailleur-membre, coopérative de travail associé (construction), Émilie-Romagne, Italie
133. Travailleur-membre, coopérative d’éducation, Pays basque, Espagne
134. Producteur-membre, coopérative agricole, Québec, Canada
135. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie
136. En Espagne, les travailleurs-membres de coopératives ne se limitent pas aux coopératives de travail associé. Dans certains autres types de coopératives, les salariés peuvent être membres, travailleurs-membres ou travailleurs-membres. Dans des pays comme la France, le Québec au Canada, l’Italie et la Corée du Sud, il existe des formes juridiques spécifiques de coopératives multi-sociétaires. Celles-ci ont développé un modèle de gouvernance innovant qui permet aux différents acteurs de la collectivité locale de travailler ensemble dans l’intérêt général ou collectif de leur territoire
CHAPITRE 4EMPLOI COOPÉRATIF ET EnTREPREnEuRIAT COOPÉRATIF
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
81
Dans la deuxième partie du chapitre précédent, nous avons examiné les traits
spécifiques de l’emploi au sein et dans le cadre des coopératives, sur la base de l’analyse
des visites et des interviews de personnes réalisées au cours du travail de terrain dans
les 10 régions retenues. Nous avons observé une série de caractéristiques de l’emploi
coopératif, malgré l’utilisation prédominante soit du statut de salarié classique soit de
celui d’indépendant.
Dans ce chapitre, nous examinons comment et dans quelle mesure les caractéristiques
de l’emploi coopératif analysées au Chapitre 3 sont propices au développement
entrepreneurial et à la durabilité des coopératives, ainsi que les défis qu’affronte
l’emploi coopératif dans une économie globalisée et dans un environnement mondial
exposé aux crises. Nous nous inspirons ici du matériel réuni lors du travail de terrain et
d’études réalisées antérieurement (Roelants et al. 2011; Zevi et al. 2011; Roelants et al.
2012), ainsi que de la connaissance accumulée par le réseau d’entreprises coopératives
de CICOPA.
Du point de vue de ce qu’est par essence une coopérative, l’emploi coopératif, et toutes ses
caractéristiques que nous avons identifiées dans le chapitre précédent, est difficilement dissociable
de l’entrepreneuriat coopératif. Les deux aspects des coopératives en tant qu’ « associations
autonomes de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins
économiques, sociaux et environnementaux communs » et « dont la propriété est collective et où
le pouvoir est exercé démocratiquement »137 sont l’avers et l’envers d’une même médaille. Ce n’est
qu’en améliorant leur durabilité économique que les coopératives et les groupes coopératif peuvent
assurer la stabilité de l’emploi de leurs salariés et travailleurs-membres à long terme ainsi que les
activités économiques des producteurs indépendants qui en sont membres. Réciproquement,
compte tenu de la nature spécifique d’un éventail de parties prenantes et de la dynamique des
coopératives, la durabilité économique de celles-ci devrait logiquement être directement fonction
du mode de contribution des salariés, des travailleurs-membres et des producteurs indépendants à
leur entreprise, basé sur leur attitude à son égard. Nous devons vérifier cette hypothèse théorique à
la lumière de ce que nous avons observé au cours du travail de terrain et dans nos études antérieures.
82
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
4.1. COMMEnT LES CARACTÉRISTIQuES DE L’EMPLOI COOPÉRATIF OnT-ELLES unE InCIDEnCE SuR LA DuRABILITÉ DES COOPÉRATIVES ET VICE VERSA?
4.1.1. LA DuRÉE À LOnG TERME DE L’EMPLOI
La finalité des coopératives, dans la plupart des cas, est de s’inscrire dans la durée: la satisfaction des besoins et
aspirations des personnes, qui est au cœur de leur mission, s’inscrit généralement dans la durabilité et le long terme
(emploi, production, consommation, logement, utilisation de services de base, etc.). En outre, les parties prenantes
auxquelles s’adresse la coopérative ne sont pas des personnes isolées mais aussi des catégories de parties prenantes
qui se renouvellent constamment dans la coopérative. Cette rotation lente mais ininterrompue des membres de la
même catégorie de parties prenantes tend à générer des stratégies à long terme de l’entreprise qui peuvent, à leur
tour, favoriser l’emploi à long terme ainsi que d’autres facteurs. La longévité de l’emploi est une tendance que nous
avons pu vérifier dans chacune des 10 régions dans lesquelles nous avons réalisé le travail de terrain, bien que nous
n’ayons pas pu étayer notre propos avec des données quantitatives. Il est évident que cette sécurité de l’emploi n’est
pas absolue et requiert la durabilité de l’entreprise. Cependant, la perception par les travailleurs et les producteurs d’un
emploi ou d’une activité économique stable constitue une base importante de leur attitude vis-à-vis de la coopérative
(cf. 4.1.2. ci-dessous). Un salarié d’une coopérative d’assurance à Santa Fe, Argentine, nous disait: « Les personnes font
habituellement toute leur carrière dans l’entreprise, vous y trouvez des personnes qui y travaillent depuis 30 ans et
plus, et qui continueront jusqu’à l’âge de leur retraite»138.
La même logique anime les producteurs-membres dans une perspective intergénérationnelle. Un membre d’une
coopérative agricole en Émilie-Romagne explique comment il a succédé à son oncle en tant que membre et continue
à percevoir son engagement dans une perspective familiale: « Dans la prise de décision, le membre continue à refléter
la position et les souhaits de sa famille. Je suis officiellement le membre mais la gestion se réalise au niveau familial et
c’est, je crois, la plus belle des choses pour maintenir le statut rural »139.
4.1.2. L’ATTITuDE Du PERSOnnEL ET DES MEMBRES
Les logiques de justification de la participation et de la
famille, que nous trouvons au Chapitre 3, engendrent
une attitude qui peut être porteuse de durabilité
entrepreneuriale.
Premièrement, l’attitude participative engendre un sens
de responsabilité et d’appartenance, tant individuel que
collectif. Une jeune femme qui est travailleuse-membre
d’une coopérative d’artisanat dans une banlieue de
Johannesbourg nous a dit: « Vous détenez votre entreprise,
vous devez en faire quelque chose, elle grandira, s’élèvera
vers un autre niveau… » Mais dans une autre entreprise:
« Je n’ai pas de responsabilités, je vais au travail tous
les jours, juste au travail »140. La prise de conscience de
la rentabilité de la coopérative à laquelle le travailleur
contribue renforce ce sentiment. Un travailleur-membre
d’une coopérative industrielle du groupe Mondragon
83
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
estime que « tous les modèles sont bons mais la
coopérative est le modèle qui m’attire le plus parce que
ma performance est directement proportionnelle aux
résultats engrangés… Les membres de cette entreprise
sont ceux qui en bénéficient directement le plus »141.
Par exemple, dans des coopératives qui sont en relation
tous les jours avec leurs clients, cette attitude donne des
résultats concrets dans le cadre relationnel, elle valorise
donc la durabilité économique parce que les clients
sont particulièrement bien traités. Une travailleuse-
membre d’une coopérative de consommation du Pays
Basque considère que comparé à un autre hypermarché:
« Pour moi, c’est différent, je sens que je fais partie de
l’entreprise… Je pense que c’est important lorsque vous
y travaillez, que vous consentez des efforts pour mieux
servir votre public »142.
Nous voyons également qu’en période économique
difficile, les travailleurs-membres peuvent décider d’une
diminution temporaire de leur salaire, de l’abandon
d’une partie de la redistribution des excédents, et
même du remboursement partiel de l’endettement de la
coopérative en renonçant à une partie de leurs parts de
capital. La femme que nous avons citée ci-dessus nous a
expliqué que les travailleurs-membres de sa coopérative
ont renoncé à une partie du capital qu’ils détenaient pour
aider à payer les dettes de l’entreprise. La décision a été
prise démocratiquement, par la voie de la consultation, du
débat et d’un vote: « Lors de l’assemblée générale, nous
avons été consultés, on nous a présenté les comptes,
nous avons compris la nécessité de payer et nous avons
voté en ce sens »143. La décision démocratique légitime et
sécurise la mise en œuvre de la mesure.
Si cette attitude est particulièrement bien ancrée chez
les travailleurs-membres, elle est également perceptible
chez les simples salariés, comme le révèle ce salarié
de la coopérative sociale médicale de Wongju, Corée
du Sud, à qui a été posée la question de la différence
entre travailler dans la coopérative et travailler dans
un autre environnement de travail: « C’est différent. Les
compétences ne sont pas différentes mais la mentalité
est différente »144. Un salarié d’une coopérative agricole
dans le Wisconsin aux États-Unis prétend même que
« nous parvenons à réaliser le même travail que d’autres
détaillants, et même plus, avec moins de salariés » et il
ajoute que « nous sommes rémunérés au taux barémique
le plus élevé »145, ce qui constitue certainement un facteur
important de motivation, qui n’est cependant réalisable
que grâce à l’attitude même des salariés envers leur rôle
professionnel.
Cette mentalité permet d’encourager l’initiative
personnelle pour atteindre des objectifs qui ont été
décidés rigoureusement en fonction des nécessités
entrepreneuriales, comme en témoigne une salariée
d’une coopérative de consommation d’Émilie-Romagne
84
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
concernant l’objectif de sa coopérative «… que je dois
réaliser dans le cadre de règles économiques fixes,
contractuelles… J’ai toute liberté pour décider de comment
je réalise cet objectif. C’est ma responsabilité. La finalité
est de tirer le meilleur de chaque personne. Dans de
nombreuses entreprises privées, je pense qu’on demande
simplement aux travailleurs de réaliser des tâches
précises »146. Un tel sens de l’initiative personnelle est un
facteur important de productivité et d’esprit d’innovation
au sein de l’entreprise.
L’attitude participative du personnel des coopératives
peut également avoir des retombées positives sur la
capacité de la coopérative de pénétrer de nouveaux
marchés (par exemple, en trouvant de nouveaux membres
pour la coopérative de consommation), ou de reconstruire
les marchés existants (comme lors de la transmission
d’entreprises sans successeur ou en crise). Par exemple, les
salariés des coopératives de consommation de Kanagawa,
Japon, profitent des livraisons à domicile pour s’allier de
nouveaux membres et dynamiser les anciens membres.
Le personnel et les membres d’une coopérative laitière au
Paraíba au Brésil, dont la plupart proviennent de villages
reculés, se mobilisent et ont une stratégie de vente très
proactive avec des vendeurs dans toute la région du Nord-
Est du Brésil. Cette caractéristique est particulièrement
importante dans les coopératives de travail associé
qui sont l’aboutissement de la restructuration d’une
entreprise en crise, comme en témoigne une coopérative
de travail associé dans le secteur métallurgique à Santa
Fe, Argentine, pour laquelle les travailleurs-membres qui
se limitaient avant au travail de sous-traitance pour la
principale entreprise métallurgique locale parviennent
progressivement à diversifier leur clientèle et à développer
l’emploi qui est passé de 80 personnes, lors de la
constitution de la coopérative en 1996, à 263 aujourd’hui.
Un autre constat est que cette attitude du personnel
et des producteurs-membres a tendance à enrichir
la confiance que certaines personnes interviewées
estiment être une condition fondamentale de la durabilité
économique de leur coopérative. Par exemple, un
producteur-membre d’une coopérative agricole d’Émilie-
Romagne est convaincu que « le membre doit croire
dans la coopérative: s’il n’a pas confiance en elle, elle ne
grandira pas. – Et comment vous assurer que les membres
aient confiance dans la coopérative ? – Par la valeur de
l’exemple… La transparence, le sérieux, la compétitivité
du marché, des règles claires, transparentes et bien
décodées. Les conditions de service aux membres doivent
être claires »147.
Dans certains cas, cette attitude peut anticiper les
changements dans les besoins des citoyens, la nécessité de
nouveaux services sociaux ou environnementaux. Ceci est
fondamental compte tenu que la satisfaction des besoins
des personnes est la mission même des coopératives et,
par conséquent, leur durabilité économique ne peut être
assurée sans prendre constamment en considération
cette composante. Par exemple, les coopératives sociales
en Italie ont été les premiers prestataires de services
sociaux aux patients du SIDA au début des années 1990,
lorsque le gouvernement n’assurait pas de tels services.
Des salariés isolés mais engagés peuvent anticiper les
changements à venir. Une salariée d’une coopérative de
85
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
consommation à Kanagawa, Japon, a postulé pour un
emploi, portée par ses convictions environnementales:
« Lorsque j’étudiais à l’université,… j’étais engagée dans
un mouvement écologique. …Ensuite, au cours de ma
recherche d’emploi, j’ai rencontré des coopératives de
consommation. Les coopératives de consommation ne
produisent que les déchets inévitables, » ou, du moins,
« …c’est une vision importante de l’avenir que je veux
construire… Il est important d’imaginer l’avenir et de
le relier à son travail au jour le jour. Je suis aujourd’hui
responsable d’augmenter le nombre de membres »148. Sa
conviction environnementale pourrait devenir un facteur
entrepreneurial fort et innovatif au fil de la prise de
conscience progressive des membres.
4.1.3. ÉDuCATIOn ET FORMATIOn
L’éducation et la formation sont considérées universellement comme une composante clé de la durabilité de l’entreprise
et constituent un des principes coopératifs149. Elles sont fondamentales pour que se conjuguent les deux éléments qui
sont généralement requis du personnel des coopératives (cf. Chapitre 3), à savoir la compétence professionnelle et
la connaissance du mode de fonctionnement des coopératives. Si le recrutement (cf. Chapitre 3) prend la plupart du
temps en considération ces deux dimensions, une éducation et une formation adéquates peuvent garantir une meilleure
intégration entre elles. Investir dans l’éducation et la formation s’est avéré être un facteur fondamental de la durabilité
économique de grand groupes coopératif comme le groupe Mondragon.
Une travailleuse-membre de Mondragon nous a expliqué comment, à l’instar d’autres membres du personnel, elle forme
d’autres travailleurs. « Ici, ce n’est pas le patron qui enseigne mais chacun transmet ce qu’il a appris »150.
L’éducation s’est avérée être d’une importance majeure, par exemple, dans les coopératives de crédit de Corée du Sud
pour dépasser la crise de 1997 et, ensuite, redevenir durables. Alors que de nombreuses coopératives de crédit ont
disparu à cette époque, une coopérative de crédit dont les programmes d’éducation des membres sont meilleurs a
surmonté la tempête, grâce en premier lieu à la fidélité de ses membres au fil des années durant lesquelles elle n’a pas
pu pratiquer de redistribution des bénéfices. L’importance fondamentale d’un tel programme d’éducation est expliquée
par un de ses salariés: « Si de nombreux membres sont des fidèles à tout crin, la plupart des membres nous rejoignent
pour des raisons d’opportunité ou de relation personnelle. C’est pourquoi nous essayons de les éduquer sans relâche.
Sinon, la confiance s’étiolera… Les finances de la coopérative sont soumises à un processus décisionnel lent pour bien
fonctionner. Il est donc difficile pour des coopératives de crédit de se hisser au niveau de la logique bancaire privée. À
mon avis, nous ne pouvons pas rivaliser avec la banque privée en matière de développement de produits et de gros
investissements… Je suis donc convaincu que l’éducation est l’élément le plus important »151.
S’agissant d’éducation et de formation, l’enjeu n’est pas seulement l’éducation et la formation formelle mais également
toute prise de décision qui peut constituer une opportunité importante de former les membres et les salariés. Le filtre
coopératif, un outil développé par une coopérative de services funéraires au Québec permet aux administrateurs de la
coopérative et à ses salariés de réfléchir à leurs décisions à la lumière de leurs valeurs et principes qu’ils conservent
sur une carte (ledit filtre coopératif). Ce simple outil transforme ce processus de prise de décision en une formation
coopérative journalière.
86
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
4.1.4. COnSTITuTIOn DE RÉSERVES FInAnCIÈRES
La constitution de réserves financières, qui fait
également partie des principes coopératifs152, a révélé
son utilité en temps de crises, et a aidé les coopératives
à tenir pendant plusieurs mois et à conserver leur main-
d’œuvre jusque dans la phase la plus aiguë de la crise.
Grâce également aux parts de capital détenues par
les membres, elles ont joué un rôle fondamental dans
la création d’emplois, compte tenu que les finances
des coopératives échappent aux marchés financiers
(sauf dans quelques cas exceptionnels et de manière
très marginale). Faisons également remarquer que la
mission des coopératives n’est pas la rémunération du
capital mais la satisfaction des besoins et aspirations
des membres: les membres sont donc plus disposés
à utiliser le capital et les réserves pour assurer la
durabilité de l’entreprise que comme un but en lui-
même, et les effets sur l’emploi des salariés sont
positifs, tout comme sur les travailleurs-membres et
les producteurs. Notre travail a également montré
que l’interaction entre le personnel et les membres,
fondée sur une attitude proactive et de dévouement
de la part du personnel, peut être un élément
important dans le processus de renforcement des
réserves financières. Un salarié de la Fédération
Desjardins nous confiait: « Nous sommes reconnus
comme étant une des institutions financières les plus
fortes au monde parce que nous disposons d’une
forte capitalisation: à la vérité ce que nous disons à
nos membres est que nous pourrions redistribuer plus
mais notre institution financière en serait affaiblie. »
Les membres sont réceptifs à ce message parce que
les caisses Desjardins « sont proches des besoins des
membres et les personnes se sentent concernées »153.
La durabilité entrepreneuriale de Desjardins repose
largement sur le dévouement de son personnel mais
en revanche, le groupe assure une sécurité d’emploi à
ses plus de 40.000 travailleurs seulement au Québec,
où il est l’employeur numéro un de la province.
87
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
4.1.5. COnTRIBuTIOn À LA FORMALISATIOn DE L’EMPLOI ET DE L’ÉCOnOMIE
Aucun projet entrepreneurial n’est estimé
durable économiquement à long terme s’il
n’est pas accompagné d’une démarche
de formalisation. Seulement si elle évolue
dans l’économie formelle, l’entreprise
coopérative peut tisser des partenariats
et relations économiques à long terme. En
outre, les coopératives requièrent un haut
niveau d’institutionnalisation afin de faire
fonctionner correctement leur système de
gouvernance démocratique avec toutes
les garanties nécessaires qui, à leur tour,
font partie intégrante du fonctionnement
entrepreneurial de base: cette dynamique
institutionnalisée ne peut s’ancrer à long
terme dans l’économie informelle.
Depuis leur origine il y a deux siècles, les coopératives ont généralement fourni à leurs travailleurs et producteurs-
membres le niveau de formalisation le plus élevé que leur environnement national leur a permis de réaliser. Nous
pouvons voir, par exemple, que dans les coopératives de femmes de SEWA en Inde, la formalisation progressive
des emplois et activités économiques des femmes-membres a clairement amélioré la durabilité économique de
ces activités et emplois.
Au sein de SEWA, les travailleuses-membres sont officiellement enregistrées dans leurs coopératives, et
encouragées à le faire pour bénéficier d’une reconnaissance pleine et entière, et par ailleurs, avoir un travail et
des revenus réguliers. Cependant, le statut de travailleuse-membre ou de productrice-membre n’est souvent
pas reconnu officiellement. Bien que 90% des travailleurs du Gujarat et pratiquement tous ceux qui travaillent
dans les activités dans lesquelles sont impliquées les coopératives de SEWA (récupération de déchets, artisanat,
construction, etc.) ne sont pas des travailleurs reconnus officiellement, le problème ne relève plus de SEWA
mais d’un niveau plus large, impliquant tous les niveaux de gouvernement. SEWA a assuré le niveau le plus élevé
de formalisation de l’emploi que ses attributions, comme celles de ses coopératives, lui permettent d’octroyer:
l’enregistrement officiel auprès d’une entreprise reconnue officiellement lorsque c’est possible, ainsi que le travail
et les revenus réguliers, autant de conditions qui sont négociés en interne au sein du syndicat de SEWA.
Mais les pays en développement et émergents n’ont pas le monopole de cette tendance à la formalisation. Dans
de nombreux secteurs, comme les services sociaux et la construction, la transition vers la formalisation de
l’économie et de l’emploi est une lutte ardue, même dans les pays développés, et les coopératives semblent y
parvenir dans leur grande majorité. Il s’agit notamment d’un élément important de transparence.
88
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
Les coopératives répondent progressivement à de nouveaux besoins d’emploi difficiles à satisfaire dans le système
d’emploi actuellement en vigueur, tout en encourageant les personnes à travailler dans l’économie formelle.
Les coopératives françaises d’activité et d’emploi aident les personnes à mettre à l’épreuve et à développer
leur propre projet entrepreneurial tout en bénéficiant d’un statut de salarié et d’une couverture intégrale de
sécurité sociale, et en leur allégeant le fardeau administratif pendant un certain temps. Lorsqu’elles parviennent à
convertir leur propre projet en véritable entreprise, ces personnes peuvent quitter ou rester dans la coopérative.
Un mécanisme est prévu qui permet aux personnes sans emploi de passer progressivement du statut de chômeur
à celui de leur nouvelle activité économique. Ce modèle de coopératives permet à des entrepreneurs individuels
de travailler à leur propre projet individuel dans le cadre d’un système collectif et dans l’économie formelle, et est
une importante innovation organisationnelle.
4.1.6. LA COOPÉRATIOn EnTRE TRAVAILLEuRS, uSAGERS, PRODuCTEuRS ET AuTRES PARTIES PREnAnTES
La tendance actuelle à la création de coopératives
multi-sociétaires, évoquée au Chapitre 3, permet de
conjuguer les intérêts de différents types de parties
prenantes dans une même coopérative, en disposant
d’une pondération des voix aux assemblées générales
et aux conseils d’administration, qui reflète les
différents intérêts engagés, et ce mode coopératif, qui
est une autre innovation organisationnelle clé, peut
être un élément fort de la durabilité de l’entreprise.
La structure permet aux coopératives de répondre
plus efficacement aux besoins de la collectivité en
engageant tous les acteurs clés d’un projet territorial
qui en jouissent de tous les avantages de compétitivité
et durabilité. C’est un des principes fondamentaux
du groupe Mondragon depuis le début des années
1960. Plusieurs coopératives clés du groupe (banque,
université, centres de recherche industrielle,
coopératives d’éducation, coopératives agricoles)
sont multi-sociétaires et comprennent des membres
tels que des consommateurs, des étudiants, des
producteurs agricoles et d’autres coopératives. Elles
intègrent également les travailleurs. Ces coopératives
ne sont pas de simples coopératives qui réunissent
différentes parties prenantes, disposant d’un nombre
89
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
de voix pondéré lors des assemblées générales
et des conseils d’administration: l’intégration des
travailleurs comme leurs membres au sein de toutes
les coopératives du groupe (et pas seulement des
coopératives de travail associé) s’est avérée être un
vecteur important de leur motivation à participer, dont
les retombées sur la durabilité des coopératives ont
été importantes, ce que nous avons pu vérifier une fois
de plus dans le cadre de ce travail de terrain.
La coopération entre le personnel et les membres
peut également prendre d’autres formes, comme
le recrutement du personnel parmi les personnes
qui ont une expérience de gestion dans le cadre du
conseil d’administration de la coopérative ou du
groupe coopératif, comme en atteste le Mouvement
Desjardins au Québec. Une salariée de la Fédération
Desjardins, l’entité qui coordonne le Mouvement, nous
expliquait qu’elle avait été administratrice d’une caisse
Desjardins avant d’être engagée comme salariée.
Le recrutement parmi les membres, notamment les
administrateurs, est une assurance que les candidats
connaissent l’organisation et le travail, et auront
tendance à mieux comprendre les membres au service
desquels ils seront.
4.1.7. ÉCOnOMIES D’ÉCHELLE
Les coopératives peuvent être considérées comme des agents d’économies d’échelle : il s’agit d’une des
principales caractéristiques entrepreneuriales qui leur permet de satisfaire les besoins et les aspirations des
personnes, en réalisant collectivement ce qui ne peut se faire individuellement ou beaucoup plus difficilement.
Les économies d’échelle des coopératives se caractérisent par un contrôle démocratique et une gouvernance
horizontale, et, comme nous le verrons ci-dessous, sont influencées positivement par l’attitude évoquée de la
participation des membres et du personnel. En revanche, le renforcement et l’élargissement incessants des
économies d’échelle des coopératives sont une des principales raisons de leur durabilité. De telles économies
d’échelle peuvent se développer au sein de coopératives, entre coopératives, ou entre coopératives et d’autres
acteurs. Elles sont fondamentales pour la consolidation de l’emploi coopératif (de personnes travaillant au sein
ou dans le cadre des coopératives) et, vice versa, l’emploi coopératif a tendance à renforcer ces économies
d’échelle.
ÉCOnOMIES D’ÉCHELLE Au SEIn DES COOPÉRATIVES
Le simple fait de coopérer entre producteurs-
membres d’une même coopérative implique de
partager les outils de production. C’est ce que font
des coopératives de pêche en Émilie-Romagne en
se se partageant les bateaux de pêche. Il en va de
même des coopératives agricoles CUMA, au Pays
basque en Espagne, qui partagent des équipements
agricoles entre leurs membres, tels que le font leurs
homologues de l’autre côté de la frontière en France.
Ces pratiques réduisent substantiellement les coûts
des producteurs.
90
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
Au sein des coopératives de production, les
salariés doivent assurer à leurs membres le soutien
technologique ainsi qu’une information de bonne
qualité et qui soit d’utilisation facile. Un producteur-
membre d’une coopérative agricole en Émilie-
Romagne nous expliquait: « J’ai besoin de toutes les
informations météorologiques et tout savoir sur les
techniques agricoles présentes sur le marché. La
coopérative peut fournir ces informations. Elle est
comme un instituteur pour l’agriculteur… J’appelle le
technicien de la coopérative qui me suggère le produit
à utiliser au meilleur rapport qualité-prix mais pas
parce qu’il doit me vendre un produit (…), et ainsi je
peux parvenir à la saison de la récolte sans le moindre
problème, et en ayant même économisé »154. Un
cercle vertueux se développe donc entre le contrôle
démocratique des membres de la coopérative, le
dévouement des salariés, la capacité des membres
à générer un niveau de production qui assure la
durabilité économique de leur exploitation, la durabilité
économique de la coopérative elle-même et, enfin, la
durabilité de l’emploi des salariés, des producteurs et
de leur famille.
Par contre, avant que la coopérative mentionnée
ci-dessus ne soit établie dans les années 1950,
«chaque agriculteur devait négocier le prix avec le
secteur privé. Cette négociation commerciale n’était
pas toujours facile, l’agriculteur pouvait se faire
manipuler… L’agriculteur était seul face à un acheteur
privé qui avait des contacts avec tout le monde, ce
qui lui donnait un meilleur pouvoir de négociation…
Ce n’est pas le cas dans une coopérative, pourquoi ?
Parce que les règles sont décidées en amont: le
producteur au sein d’une coopérative sait dès le
départ ce que seront ses coûts et ses rentrées »155.
Chaque agriculteur peut donc planifier ses finances,
éviter l’endettement et mieux assurer la durabilité
économique de son exploitation.
Même lorsque des techniciens concurrents peuvent
offrir des services spécialisés à un moindre coût,
engager ceux de la coopérative peut s’avérer être
une stratégie gagnante pour l’agriculteur parce que la
coopérative offre une gamme large de services adapté
à ses besoins, « c’est comme un faisceau de services…
Le résultat de l’opération est toujours meilleur, c’est
ce que nous pouvons offrir… nous avons plus à offrir
que les détaillants spécialisés d’un secteur »156. Les
coopératives peuvent accroître leur échelle lorsque
l’environnement économique le permet, comme en
Argentine où une importante relance agricole a eu
lieu au cours des dernières années. À Santa Fe, une
province d’Argentine qui possède 21% des terres
cultivables et se caractérise par une prédominance
des petites et moyennes exploitations, la coopérative
agricole AFA a 10.000 membres dans cette seule
province et offre un large éventail de services sur de
91
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
grandes étendues de terre, tout au long de l’année, et
dispose d’une capacité d’entreposage de 3.200.000
tonnes, d’une logistique de transport impressionnante
avec ses 220 camions et ses 57 centres principaux
et secondaires qui emploient quelque 1600 salariés
permanents157. Une telle expansion n’aurait pas été
possible sans une longue tradition de coopératives
dans la province, héritée notamment des immigrants
italiens. AFA a été créée en 1932 par des agriculteurs
dont les moyens étaient modestes et a développé une
forte culture coopérative avec des membres actifs et
le dévouement de ses salariés.
ÉCOnOMIES D’ÉCHELLE EnTRE COOPÉRATIVES
À Kanagawa, Japon, un partenariat s’est créé entre
la coopérative de consommation Club Seikastu
et les collectifs de travailleurs (un type spécial de
coopérative de travail associé qui, comme nous l’avons
vu au Chapitre 3, se caractérise par la présence
d’une majorité de femmes qui ne sont pas le principal
soutien de leur famille mais apportent un revenu
complémentaire à la famille et travaillent souvent à
temps partiel). La coopérative de consommation étant
un des principaux clients des collectifs de travailleurs,
on peut qualifier ce partenariat d’accord de sous-
traitance. Mais la relation au fil du temps est continue
et doit donc être vue comme un partenariat stable et
non une sous-traitance classique. Les collectifs de
travailleurs assurent la gestion des points de vente de
la coopérative de consommation. Le statut de leurs
travailleurs-membres motive ces derniers à offrir des
services de bonne qualité à leurs clients-membres
de la coopérative de consommation, engendrant
ainsi la durabilité des deux associés dans cet accord
entrepreneurial.
Le type le plus significatif d’interaction entre
coopératives aux fins d’économies d’échelle est
incarné par les groupes coopératifs, à savoir des
groupes entrepreneuriaux entre coopératives
caractérisés par une gouvernance horizontale,
entre pairs, et une délégation substantielle mais
démocratique d’attributions entrepreneuriales par
les coopératives du groupe. Parmi les 10 régions
retenues aux fins de l’étude, 3 ont une expérience
importante de telles combinaisons entrepreneuriales:
le groupe Mondragon au Pays basque, le Mouvement
Desjardins au Québec et une série de consortiums de
coopératives en Émilie-Romagne. Dans les trois cas, la
durabilité économique du groupe et des coopératives
qui le constituent a pu être largement vérifiée lors du
travail sur le terrain malgré la situation économique
mondiale particulièrement difficile et certaines
difficultés plus ponctuelles de coopératives et de
certains secteurs d’activité, comme nous le verrons
ci-dessous dans le cas du groupe Mondragon.
Lorsque le dévouement des travailleurs et des
membres peut se conjuguer dans le cadre d’une
entreprise qui compte plus de cent coopératives
(Mondragon) ou plusieurs centaines (Desjardins),
les effets de ce dévouement et de l’interaction
positive sont multipliés. Les données sur ces groupes
économiques, leur chiffre d’affaires, leur rentabilité,
leur capitalisation, leurs parts de marché, leur création
d’emplois et leur longévité, que nous avons pu vérifier
sur le terrain, sont suffisamment éloquentes158.
Ces groupes coopératif doivent cependant parvenir à
un équilibre difficile entre la délégation d’attributions
démocratiquement décidée par les coopératives du
92
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
groupe, d’une part, et l’autonomie des coopératives
membres, d’autre part. Un travailleur-membre d’un
consortium de coopératives sociales en Emilie-
Romagne, qui regroupe plusieurs coopératives de
base engagées dans des services à la collectivité
et dans l’insertion par le travail de personnes
handicappées et socialement désavantagées, estime
que « nous sommes une structure très particulière…
compte tenu de la délégation de compétences
des coopératives au consortium. Je crois que ce
système est une garantie importante de durabilité
pour les coopératives »159. Par ailleurs, un travailleur-
membre de Laboral Kutxa (anciennement Caja
Laboral), la banque du groupe Mondragon, nous
expliquait que « Mondragon n’est pas une structure
verticale, c’est un réseau. Le président ne donne
pas d’ordres aux coopératives de Mondragon, il n’a
pas de mandat pour dicter ce que les coopératives
doivent faire »160. Cet équilibre est l’essence du
succès des grands groupes coopératifs. Sans cette
délégation démocratique de compétences, ces
importants ensembles entrepreneuriaux ne peuvent
fonctionner en tant que groupes d’entreprises.
Par ailleurs, sans autonomie, la dynamique
de chaque coopérative, qui s’enracine dans la
localité et dans une activité spécialisée précise,
se perdrait et son mode précis d’assurance de la
durabilité entrepreneuriale sombrerait également.
La conjugaison des deux éléments requiert un
investissement impressionnant dans la gouvernance
démocratique au niveau du groupe. Par exemple,
Mondragon organise régulièrement des congrès
auxquels chaque coopérative est représentée et
dispose de voix délibératives proportionnelles au
nombre de travailleurs-membres. « Le congrès est le
point de rencontre de l’ensemble des coopératives
et des membres du projet Mondragon. Ce qui est
présenté au congrès fait l’objet d’un processus en
chaine afin que ce qui est débattu inclue tous les
ingrédients que chaque travailleur-membre souhaite
y apporter »161.
Les groupes coopératifs peuvent également
se doter de mécanismes de solidarité entre les
coopératives qui le constituent. Un consortium de
coopératives sociales en Émilie-Romagne pratique
des transferts de fonds entre coopératives pour
résoudre des problèmes temporaires de trésorerie,
comme évoqué au Chapitre 3. Comme nous l’avons
également vu dans ce chapitre, Mondragon met
en œuvre un système qui permet aux travailleurs
d’une coopérative en difficulté d’être transférés
temporairement ou de manière permanente vers une
autre coopérative du groupe, en maintenant donc
leur motivation et le savoir-faire organisationnel
des coopératives, tout en promouvant fortement la
sécurité de l’emploi. Ces mécanismes de solidarité
93
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
renforcent en dernière instance la durabilité
économique de tout le groupe coopératif et des
coopératives qui le constituent.
Par ailleurs, une fonction complémentaire des
groupes coopératifs est d’aider à organiser des
fusions entre coopératives qui le constituent,
en essayant d’équilibrer, ici aussi, l’efficacité
économique et l’ancrage dans la collectivité. Le
consortium de coopératives sociales en Émilie-
Romagne mentionné ci-dessus a réalisé une fusion
entre les coopératives constituantes, les réduisant
de 15 à 9 au cours des dernières années. Le
Mouvement Desjardins était composé de quelque
1400 caisses au début des années 1980 et 380
actuellement. Il a assuré que cette diminution
indispensable à sa survie (notamment aux termes
des nouvelles normes Bâle 3) ne se fasse pas aux
dépens des liens étroits entre les caisses et les
régions qu’elles servent, un élément essentiel de
sa raison d’être. 1400 points de service ont été
maintenus dans toute la province de Québec ainsi
que du personnel dans les zones les plus éloignées
de la province.
ÉCOnOMIES D’ÉCHELLE PAR DES PARTEnARIATS AVEC DES EnTITÉS EXTERnES
Le maintien de services de base dans des villages
éloignés est, cependant, très difficile, et Desjardins
consent de grands efforts à cette fin comme nous
l’expliquait un salarié de la Fédération Desjardins, qui
coordonne le Mouvement: « Lorsque nous fermons
un point de service, c’est une tragédie, c’est un lieu
d’opérations de trésorerie qui disparaît, c’est la mort
du village ». En même temps, « nous avons des agences
qui réalisent cinq transactions par semaine… Ce n’est
pas rentable, nous perdons 40.000 dollars par point
de service de ce genre. Ce n’est viable ». Le Mouvement
trouve des solutions alternatives: « Par exemple, nous
tissons des partenariats avec des municipalités,
surtout dans les villages, parce qu’elles ne disposent
pas non plus de beaucoup de ressources. S’il s’agit d’un
petit village, la municipalité a un travailleur à temps
partiel, nous l’engageons pour son autre temps partiel,
il a ainsi un emploi à temps plein. C’est également vrai
avec les services postaux. … avec un peu d’imagination,
nous essayons de nous en sortir. Cela demande de la
créativité. Ce genre de villages est très répandu au
Québec »162. Cette pratique innovative, facilitée par la
créativité engendrée par l’attitude des salariés et des
membres, permet à Desjardins de maintenir sa mission
essentielle, celle de fournir des services financiers à
la population du Québec, notamment dans les villages
les plus éloignés, tout en maintenant la compétitivité
du groupe, qui est un des principaux groupes bancaires
du Canada. En maintenant l’emploi dans des régions
très éloignées, le groupe contribue au maintien de la
vie dans les villages et, donc, au maintien de l’emploi
et à la lutte contre la désertification économique des
régions les plus éloignées du Québec.
94
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
4.2. DÉFIS EnTREPREnEuRIAuX AuXQuEL EST COnFROnTÉ L’EMPLOI COOPÉRATIF
Les spécificités de l’emploi coopératif, que nous avons identifiées autour de 8 logiques
de justification au chapitre 3, sont confrontées à des défis majeurs qui pourraient
menacer la capacité des coopératives en termes d’emploi. Par ailleurs, ces spécificités
ouvrent de nouvelles possibilités pour les coopératives en répondant aux nouveaux
problèmes émergents de l’emploi.
Les principaux enjeux que, selon notre étude, l’emploi coopératif doit affronter dans le
cadre de la mondialisation actuelle et sont directement liés à la gestion du travail et de
l’emploi sont les suivants.
4.2.1. FAIRE FACE À L’InTEnSIFICATIOn DE LA COnCuRREnCE GLOBALE
Dans une économie mondialisée, les coopératives font face à une concurrence de plus en plus aigue. Pour
survivre, de nombreuses coopératives ont développé des stratégies de revalorisation, afin de rester à la hauteur
de leurs concurrents. Ces stratégies ont, cependant, engendré un processus de restructuration, notamment
dans le domaine de l’emploi. L’intensité des pressions pour restructurer, dans le cadre de la logique de justification
de l’économie évoquée au Chapitre 3, aux dépens des 7 autres logiques de justification qui y sont identifiées, est
très lourde. Céder à de telles pressions peut nuire à la compétitivité des coopératives à long terme, même si à
court terme les améliorations financières peuvent être sensibles.
L’expérience du groupe Mondragon révèle deux aspects intéressants à cet égard. Depuis le lancement de sa
stratégie d’internationalisation au début des années 1990, Mondragon a développé activement des activités
économiques dans d’autres pays en créant des unités de production proches de lieux d’assemblage de grandes
chaînes de production et a fortement souligné que cette stratégie d’internationalisation a été favorable à la
création et à la consolidation d’emplois dans le Pays Basque lui-même163. Le débat s’est alors enclenché
sur la relation avec les travailleurs de pays étrangers qui ne sont pas membres. Le groupe essaie de trouver
progressivement des solutions d’intégration des travailleurs étrangers à son système coopératif.
Le cas de la coopérative Fagor Electrodomesticos, qui est entrée en procédure de liquidation en 2013, révèle
que l’échec économique sur un marché mondialisé n’épargne pas les coopératives malgré leur bonne résilience.
Mais même dans ces cas extrêmes, le groupe est en train de gagner le pari d’organiser le transfert de la plupart
des travailleurs-membres de cette coopérative vers d’autres coopératives du groupe et s’assurer un revenu
suffisant grâce à son propre système de sécurité sociale. Fin juillet 2014, 8 mois après le début du processus
de faillite de cette coopérative, le groupe avait trouvé des solutions pour 76% de ses travailleurs-membres: des
95
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
1895 travailleurs-membres de Fagor Electrodomesticos, 1050 avaient été transférés vers d’autres coopératives
du groupe et 400 solutions individuelles de mise en préretraite avaient été conclues164. Il y a tout lieu de croire
qu’une solution interviendra pour les 24% restants de travailleurs-membres de la coopérative avant sa liquidation.
Cette expérience illustre le sérieux des défis de la concurrence mondiale et le remède que peut apporter la
structuration des différentes logiques en stratégies coopératives précises aux préjudices générés par la logique
de l’économie, au profit de la soutenabilité entrepreneuriale à long terme.
4.2.2. COMBLER LES FAIBLESSES DES COMPÉTEnCES DE GESTIOn
Lorsqu’elles donnent trop d’importance à la logique
de la famille, de l’orientation guidée par les valeurs
et de la réputation, la coopérative s’expose à des
problèmes économiques. Au fil des dernières
décennies, les coopératives se sont développées
sous l’impulsion forte de mouvements sociaux et
avec le soutien des collectivités publiques compte
tenu de leurs contributions sociales. Ce phénomène
leur a assuré un grand essor dans un grand nombre
de pays et a stimulé des notions voisines telles que
l’économie sociale et l’économie solidaire, ainsi
que l’entreprise sociale et l’entrepreneuriat social.
Mais cet enthousiasme n’est pas toujours épaulé
par des compétences de gestion suffisantes.
Une culture trop familiale au sein des effectifs et
des rémunérations trop généreuses ne peuvent
se conjuguer harmonieusement avec l’intérêt
des membres, l’augmentation des coûts étant
excessive et nuisant à la durabilité entrepreneuriale
à long terme. Une culture trop axée sur les valeurs
peut induire des décisions trop idéalistes que les
membres et la capacité économique des travailleurs
ne peuvent assumer. Une logique de la réputation
promue par les politiques publiques peut attirer la
création de coopératives par des personnes qui n’y
sont pas préparées.
La nécessité est donc profonde de renforcer
les compétences de gestion et la formation
à l’organisation, en équilibrant les impératifs
économiques imposés par le marché et les
différentes logiques de justification qui caractérisent
l’emploi coopératif 165.
Un ancien travailleur-membre d’une coopérative
de TIC en Émilie-Romagne nous déclarait à cet
égard: « Que chacun exprime son avis ne veut
pas nécessairement dire qu’il ait les compétences
adéquates. C’est surtout vrai dans de petites
entreprises où pratiquement personne n’est
compétent, n’a des capacités de gouvernance
nécessaires dans une petite entreprise (…) parce ce
que dans de petites coopératives, il n’y a pas toujours
de gestionnaire »166. La formation à l’organisation
doit corriger cet écueil.
96
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
4.2.3. RELEVER LES DÉFIS DÉMOGRAPHIQuES ET GÉnÉRATIOnnELS
Un autre défi est celui de la capacité des coopératives, notamment dans les pays industrialisés, à se réadapter
aux environnements économiques post-industriels, caractérisés par des modèles de production qui requièrent
de nombreuses compétences et un secteur des services qui se développe. C’est un sujet très débattu au sein du
groupe Mondragon dont la production industrielle la plus traditionnelle se réalise de plus en plus dans d’autres
pays.
Par ailleurs, il semble difficile de trouver de jeunes dirigeants qui partagent un même esprit collectif et un
engagement guidé par des valeurs. Comment les coopératives peuvent-elles attirer et engendrer des dirigeants
jeunes et dynamiques qui soient capables d’innover dans la tradition coopérative en l’adaptant, et devenir ainsi
les vecteurs de leur génération et de l’avenir ? « La question générationnelle est bien réelle. L’âge moyen des
membres est de 60-70 ans. C’est un problème grave. Je suis le plus jeune au sein du conseil d’administration.
C’est un problème dont nous avons discuté. Le conseil d’administration est confronté à une stratégie politique et,
à la lecture de la liste des membres, on se rend compte que ce problème n’est pas une fiction. », nous a confié un
producteur-membre d’une coopérative agricole en Émilie-Romagne, qui ajoute: « Il y a des jeunes qui s’engagent
dans l’agriculture mais il est difficile de les engager dans les coopératives. Il est difficile de les attirer et de leur
communiquer nos principes »167.
Nous pouvons cependant envisager également que les caractéristiques des coopératives puissent être une
réponse aux questions générationnelles auxquelles sont confrontées toutes les entreprises. Nous pensons
que de nombreuses caractéristiques mises en lumière par les travailleurs des coopératives, notamment des
coopératives de travail associé, sont très semblables à celles de nombreuses entreprises innovantes dans des
secteurs émergents. Il est fondamental pour le mouvement coopératif d’apporter une réponse qui se fonde sur
un modèle entrepreneurial adéquat à ces aspirations nouvelles et innovatrices.
97
4 EMPLOI COOPÉRATIF ET ENTREPRENEURIAT COOPÉRATIF
Notons aussi que les coopératives peuvent en soi représenter une réponse aux problèmes générationnels qui
sont mentionnés au Chapitre 3. Les coopératives donnent de l’emploi à des personnes plus âgées qui souhaitent
encore travailler non seulement pour des raisons économiques mais pour participer à la vie sociale. Le constat
en a été fait dans les coopératives de travail associé, les coopératives de personnes âgées et les collectifs de
travailleurs au Japon. Dans certains pays et régions, la transition vers la forme coopérative est considérée
comme une alternative pour les entreprises dont les propriétaires se retirent sans successeurs pour prendre la
relève. Enfin, n’oublions pas les coopératives dans des pays où les jeunes sont particulièrement touchés par la
crise comme l’Espagne168.
4.2.4. TRAITER L’AnGLE MORT DE LA PROTECTIOn Du TRAVAIL
Le rôle d’intermédiaires que jouent certains types de
coopératives entre travailleurs ou producteurs et le
marché peut engendrer des problèmes importants
de protection et de sécurité sociale des travailleurs.
Bon nombre de coopératives sont accusées d’être
des instruments de licenciement, d’externalisation et
d’exploitation des travailleurs et petits producteurs.
Leur développement dans des activités du secteur
public et privé dans certains pays s’est accompagné
d’une détérioration des conditions de travail dont la
cause réside dans la perversion de la forme coopérative
et la faiblesse de la réglementation appliquée à ces
formes de travail.
Ce problème est particulièrement aigu au Brésil,
où des milliers de fausses coopératives de travail
associé (mais, à l’époque, légales), jouant le rôle
d’intermédiaires dans la prestation de travail à des
tiers sans autre service, ont vu le jour entre le milieu
des années 1990 et 2012. C’est alors qu’une nouvelle loi
sur les coopératives de travail associé a été approuvée
interdisant d’utiliser la forme coopérative pour faire de
la simple iintermédiation dans la prestation de travail.
Ce problème n’est pas seulement présent au Brésil.
Plusieurs autres pays latino-américains sont en proie
à ce problème comme la Colombie et il commence
à être même perceptible dans d’autres pays où la
réglementation des coopératives est bien développée
mais où l’emploi précaire est particulièrement élevé
comme en Italie ou en Espagne. Outre la perversion
du modèle coopératif en termes d’emploi, c’est le
caractère entrepreneurial des coopératives lui-même
qui se voit nié à travers ce phénomène.
98
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
nOTES
137. Déclaration sur l’identité coopérative de l’ACI http://ica.coop/en/whats-co-op/co-operative-identity-values-principles incluse dans la Recommandation sur la Promotion des coopératives, 2002 (n° 193) de l’OIT www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193
138. Salarié, coopérative d’assurance, Santa Fe, Argentine
139. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie
140. Travailleuse-membre, coopérative de travail associé (artisanat), Gauteng, Afrique du Sud
141. Travailleuse-membre, coopérative de travail associé (secteur manufacturier), Pays basque, Espagne
142. Coopérative de consommation Eroski, groupe Mondragon, Pays basque, Espagne
143. Ibid.
144. Salarié, coopérative médico-sociale, Gangwon, Corée du Sud
145. Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis
146. Salarié, coopérative de consommation, Émilie-Romagne, Italie
147. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie
148. Salarié 3, coopérative de consommation, Kanagawa, Japan
149. “Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés l’éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les leaders d’opinion, sur la nature et les avantages de la coopération”, Recommandation sur la Promotion des Coopératives, 2002 (N° 193); Annexe, www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:R193
150. Travailleur-membre, coopérative de consommation, Pays basque, Espagne
151. Salarié, coopérative de crédit, Gangwon, Corée
152. Le quatrième principe coopératif stipule que « Les membres allouent des excédents à toutes les finalités suivantes ou à l’une d’entre elles: développer leur coopérative, éventuellement en créant des réserves, dont une partie au moins sera indivisible », voir Recommandation sur la promotion des coopératives, 2002 (n°193) de l’OIT, Annexe
153. Salarié, Fédération des coopératives de crédit, Québec, Canada
154. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie
155. Ibid.
156. Salarié 1, coopérative de services agricoles, Wisconsin, États-Unis
157. Données recueillies lors de la visite de terrain chez AFA à San Genaro, Santa Fe, Argentine
158. Cf. www.desjardins.com et www.mondragon-corporation.com
159. Travailleur-membre, consortium de cooperatives sociales, Émilie-Romagne, Italie
160. Travailleur-membre, cooperative financière, Pays basque, Espagne
161. Interview de José Maria Aldecoa, ex-Président du Groupe Mondragon, réalisée en mars 2002 pour le documentaire produit par CECOP CICOPA-Europe ENSEMBLE – Comment les coopératives résistent à la crise ?, 33’18” à 33’41”, disponible sur: //www.together-thedocumentary.coop/
162. Salarié, Fédération de coopératives de crédit, Québec, Canada
163. Voir le documentaire Ensemble – Comment les coopératives résistent à la crise, 2012, par CECOP CICOPA-Europe, sequence sur Mondragon, see www.together-thedocumentary.coop
164. Courriel personnel de Javier Marcos, Responsable des communications du Groupe Mondragon, le 30 juillet 2014
165. Notons que l’harmonisation n’implique pas d’accorder la même importance à tous les intérêts et toutes les logiques Nous avons rencontré de nombreux cas d’harmonisation arithmétique différente d’intérêts qui paralysent les actions et suscite la méfiance mutuelle. L’harmonisation devrait être la conjugaison de l’action stratégique et du processus participatif. Ce devrait être une compétence essentielle des dirigeants de coopératives
166. Ancien travailleur-membre, coopérative de travail associé (techniques de l’information), Émilie-Romagne, Italie
167. Producteur-membre, coopérative agricole, Émilie-Romagne, Italie
168. see for example www.thenews.coop/39549/news/co-operatives/co-operatives-create-8000-new-jobs-while-unemployment-hits-record-spain/#.U71C_7HLMoA
CHAPITRE 5COnCLuSIOnS ET RECOMMAnDATIOnS
101
5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
5.1. COnCLuSIOnS
Comme nous l’avons vu au Chapitre 2, le mouvement coopératif génère de l’emploi à temps partiel
et à temps plein pour au moins 250 millions de personnes dans le monde au sein ou dans le cadre
des coopératives, ce qui représente 8,73% de l’emploi dans le monde. 223,6 millions sont des
producteurs pour compte propre (essentiellement dans l’agriculture, mais aussi dans les autres
activités primaires, ainsi que dans les activités secondaires ou tertiaires), qui exercent leurs activités
économiques dans le cadre des coopératives et 26,4 millions sont salariés ou travailleurs-membres
travaillant au sein des coopératives. Le G20 est de loin le gisement le plus important de ces emplois:
l’emploi coopératif représente presque 12% de la population active occupée de ce groupe de
pays. Bien que ces estimations soient probablement inférieures à la réalité, elles sont suffisamment
représentatives pour que l’emploi coopératif soit considéré comme un phénomène très significatif
au niveau de l’emploi dans le monde, et elles doivent faire l’objet d’études plus approfondies.
Tournons notre regard vers les 10 régions de différents pays du monde retenues pour notre travail de terrain. Un
des premiers résultats à souligner, que nous avons vu au Chapitre 3, est le ratio très élevé d’emploi coopératif
en Émilie-Romagne, où il représente près de 15% de la totalité de l’emploi, répartis dans pratiquement tous les
secteurs économiques. L’Émilie-Romagne est un des plus anciens clusters de coopératives dans le monde et un
des plus importants districts industriels en Europe, qui été capable de maintenir sa compétitivité générale malgré
la crise économique que connaît l’Italie. Le niveau particulièrement élevé d’emploi coopératif dans la région est
de bon augure pour le potentiel d’emploi du modèle coopératif ailleurs dans le monde.
En effet, rien en Émilie-Romagne n’est à ce point spécifique qu’il rendrait impossible qu’un ratio semblable
n’apparaisse ailleurs. Gangwon en Corée du Sud en est déjà à un ratio de 23% (essentiellement dans l’agriculture)
et partage peu de traits communs avec l’Émilie-Romagne, tant du point de vue de la structure économique que
des points forts des coopératives respectives. D’autres régions examinées dans le cadre du travail de terrain,
comme le Pays basque en Espagne où le ratio d’emploi coopératif est de près de 7% et la province de Santa Fe en
Argentine dont le ratio est de près de 9%, affichent elles aussi des taux élevés d’emploi coopératif.
Un autre résultat majeur de cette étude est que l’emploi coopératif se caractérise par une répartition relativement
bien équilibrée entre le milieu urbain et le milieu rural (y compris dans d’autres secteurs économiques que
l’agriculture) ainsi qu’entre de grandes métropoles et des villes plus modestes. L’exode rural, la migration de
populations de villes de dimension moyenne vers de plus grandes métropoles, et la désertification économique
de régions périphériques seraient sans doute plus prononcés si les coopératives n’avaient pas encouragé
activement la production et l’emploi au niveau local et n’avaient pas développé des économies d’échelle pour les
gens ordinaires, dépourvus de moyens. Une grande partie de l’emploi coopératif que nous avons identifié au cours
de notre travail de terrain se trouve en milieu rural et dans de petites villes, et pas uniquement dans le secteur
agricole. Cette tendance a bien évidemment un impact fort sur la durabilité de l’emploi indirect (prestataires de
biens et services, services locaux, etc.), ainsi que sur le développement régional en général.
102
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
L’emploi coopératif se caractérise souvent par
sa longévité qui a également une incidence sur
la stabilité de l’emploi indirect et stimule les
personnes engagées à dépenser davantage et plus
judicieusement, contribuant ainsi à générer une
économie locale dynamique et à opérer des choix
de plus en plus respectueux de l’environnement,
qui favorisent à terme le développement de cette
tendance.
Un aspect spécifique de la durée de l’emploi
coopératif est sa résilience, que nous avons observée
au cours de la crise mondiale qui a éclaté en 2008.
Selon nos constatations, cette résilience a été
renforcée par des facteurs propres à l’entreprise, au
système coopératif (réseaux, groupes et institutions
d’accompagnement mutualisées, etc.) ainsi qu’à une
législation et des politiques publiques ciblées.
Dans l’analyse de l’évolution de l’emploi coopératif
depuis le début des années 2000, dans un certain
nombre de pays et de régions où les données ont
été mises à notre disposition, nous avons constaté
que l’emploi coopératif a plus ou moins maintenu
au fil du temps son ratio de la population active
occupée, un élément significatif compte tenu que
de nombreuses personnes ont rejoint entre-temps
le marché du travail. Le recul des producteurs pour
compte propre dans les coopératives de production
du secteur primaire dans les pays industrialisés
semble suivre la tendance générale à la baisse de
l’emploi dans ce secteur.
Soulignons également qu’une des raisons majeures
pour le maintien du ratio d’emploi coopératif depuis
le début des années 2000 dans certains pays clé
en termes de présence des coopératives, comme
la France, l’Italie et l’Espagne, est la croissance
importante de l’emploi dans les coopératives de
travail associé, les coopératives sociales (ou leur
équivalent) et les coopératives multi-sociétaires,
poussant à la hausse la moyenne de l’emploi
coopératif. Cette forte croissance de l’emploi
est dans une large mesure due aux stratégies de
coopération étroite entre coopératives au niveau
méso. Dans un certain nombre d’autres pays
et régions, bien que les coopératives de travail
associé et les coopératives sociales présentent
encore des niveaux d’emploi plus modestes,
elles se développent rapidement. Par ailleurs, la
grande diversité des secteurs économiques dans
lesquels les coopératives de travail associé et les
coopératives sociales sont engagées en regard
d’autres types de coopératives les convertit en
terrain de mise à l’épreuve de l’entrepreneuriat
coopératif et de l’emploi coopératif en général.
D’autres caractéristiques non négligeables
sont l’accélération de l’insertion par le travail
de personnes handicapées ou socialement
désavantagées, à savoir des emplois qui sont
particulièrement difficile à créer et/ou à consolider,
ainsi que l’intensification des restructurations
d’entreprises en crise ou sans successeurs
en coopératives de travail associé, maintenant
et consolidant ainsi des milliers d’emploi.
Lorsqu’elles sont gérées professionnellement,
et avec l’environnement adéquat en termes de
services d’appui aux entreprises, ces processus de
restructuration ont un taux de survie au terme de 3
ou 5 ans qui est supérieur à celui des entreprises en
général, malgré la prise de risques. Elles sauvent de
nombreux emplois, en créent de nouveaux grâce à
leur croissance renouvelées lorsqu’elles deviennent
coopératives. Une attention particulière devrait
être consacrée au potentiel important d’emploi des
coopératives de travail associé et sociales, en tant
que tel, mais aussi parce qu’une partie de cet emploi
concerne des cas très difficiles.
Les ratios entre contrats permanents et
temporaires, l’équilibre hommes-femmes et la
structure de l’âge sont des dimensions qui suivent
103
5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
les tendances sectorielles et nationales, sauf lorsque
les coopératives ont pour mission de répondre
précisément à des besoins d’équilibre hommes-
femmes ou dictés par l’âge comme l’illustrent
bien le mouvement SEWA en Inde, qui développe
des coopératives pour assurer l’émancipation
économique de femmes, ou encore les coopératives
de personnes âgées au Japon, dont la mission est la
prestation de services à une société vieillissante.
La gestion des RH dans les coopératives, même si elle
peut paraître suivre les normes conventionnelles,
est une conjugaison de ces normes et des pratiques
coopératives. Le travail de terrain a notamment
révélé une vision plus centrée sur la personne et une
importance particulière attribuée à la gestion des
relations entre les travailleurs et les autres parties
prenantes. C’est la raison pour laquelle, lors du
recrutement, les paramètres classiques et l’exigence
pour les candidats à l’emploi de comprendre ou
d’apprendre rapidement le mode de fonctionnement
des coopératives sont des dimensions indissociables.
Dans certains groupes coopératifs, nous avons
constaté que le redéploiement temporaire
ou permanent de travailleurs qui, à partir de
coopératives ayant du personnel en excès, sont
transférés vers des coopératives qui en manquent
a valorisé sensiblement la sécurité de l’emploi. Ces
processus exigent un niveau élevé de coordination et
une gestion de haut niveau des RH.
Nous avons observé que la rémunération des salariés
et des travailleurs-membres est du même ordre
de grandeur, voire plus élevée que dans d’autres
entreprises du même secteur et du même pays, et elle
est souvent assortie de compensations matérielles
ou non-matérielles que les personnes interviewées
estiment très importantes. L’écart salarial est
généralement moindre dans les coopératives que
dans d’autres types d’entreprises, et pose parfois un
problème d’embauche de gérants très qualifiés.
La protection sociale et la sécurité au travail
correspondent aux normes en vigueur dans le
secteur ou au niveau national pour les salariés. La
protection sociale des travailleurs-membres dépend
du statut que leur octroie la réglementation du
pays concerné. En Amérique latine, les travailleurs-
membres ont souvent un statut d’indépendants et
jouissent donc d’une protection sociale inférieure
à celle des salariés. Dans d’autres pays, ils sont
considérés comme des salariés et jouissent du
même niveau de protection sociale. Dans certains
pays où les coopératives de travail associé et les
coopératives sociales sont une réalité importante,
tels que l’Italie, l’Espagne et la France, les
travailleurs-membres ont un statut spécial qui leur
assure la même protection sociale que les salariés.
La protection sociale des producteurs indépendants
qui sont membres de coopératives suit dans une
large mesure les conditions nationales pour les
travailleurs indépendants.
Nous avons défini un ensemble de 8 logiques de
justification clés, propres à l’emploi au sein et dans
le cadre des coopératives. Elles concernent le travail
ou l’activité économique, et la conceptualisation
de l’employeur et du salarié ainsi que les relations
entre les membres du personnel, d’une part, et
entre le personnel et la communauté environnante,
d’autre part. Ces logiques de justification sont, en
l’occurrence: 1) l’importance de la participation
sur le lieu de travail; 2) un environnement de travail
de type familial; 3) la raison d’être économique
de l’entreprise; 4) la recherche d’une meilleure
efficacité; 5) un type de flexibilité partagée; 6) la
fierté et la réputation; 7) l’orientation guidée par des
valeurs pratiquées sur le lieu de travail; et 8) l’identité
par l’identification avec la coopérative. Bien que
certaines de ces logiques de justification soient plus
présentes dans certains types de coopératives ou
dans certaines régions, elles tendent à se conjuguer
pour créer un ensemble unique qui différencie
104
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
l’expérience de l’emploi coopératif de celle d’autres
salariés ou indépendants qui n’entrent pas dans le
cadre d’entreprises coopératives.
Comme nous l’avons expliqué au Chapitre 4, cette
conjugaison de logiques de justification à l’œuvre
dans l’emploi coopératif n’est pas présentée
comme le résultat d’un examen sociologique ou
un simple facteur de qualité de l’emploi, mais
elle est étroitement associée au type distinctif
d’entrepreneuriat qui prévaut dans les coopératives.
Ces 8 logiques de justification tendent à engendrer
des attitudes de la part des salariés, travailleurs-
membres et/ou producteurs indépendants qui
accordent une importance particulière aux besoins
des clients, à la responsabilité économique, à
une dynamique de confiance, à l’autonomie et à la
capacité d’initiative ainsi qu’à un esprit de pionnier et
innovateur; tous ces indicateurs comportementaux
ont une incidence positive sur la santé économique de
l’entreprise. Assurer de bonnes bases à l’application
du 5ème principe coopératif sur l’éducation et la
formation consolide l’avantage compétitif des
coopératives. Ces logiques expliquent par ailleurs le
fait que les coopératives favorisent la constitution
de réserves financières saines et un niveau élevé de
formalisation de l’emploi, qui sont deux éléments
fondamentaux pour une bonne résilience des
coopératives en temps de crise et le succès de leurs
stratégies d’entreprises à long terme.
Ces caractéristiques de l’emploi coopératif semblent
être propices à une interaction positive entre le
personnel des coopératives, leurs producteurs-
membres et leurs usagers-membres. Dans certains
cas, cette dynamique enclenche la création de
coopératives multi-sociétaires qui regroupent
plusieurs parties prenantes au sein d’une même
structure de gouvernance comme elles se sont
développées en Espagne, au Québec et en France et,
dans une certaine mesure, au sein des coopératives
sociales en Italie.
Les économies d’échelle sont particulièrement
recherchées au sein des coopératives depuis la
mutualisation de services jusqu’à la structuration de
groupes coopératifs. La dynamique qu’elles insufflent
tend à renforcer les logiques de justification
de l’emploi coopératif évoquées ci-dessus, et à
engendrer de ce fait un cercle vertueux.
Par ailleurs, l’étude a permis de découvrir quatre défis entrepreneuriaux majeurs pour l’avenir
proche. Premièrement, comment maintenir l’avantage coopératif, y compris les caractéristiques
de l’emploi coopératif mentionnées plus haut, dans une concurrence globale de plus en plus
intense ? Deuxièmement, comment construire de solides compétences de gestion, notamment
en matière de gestion des RH ? Troisièmement, comment relever le défi démographique et
générationnel, s’adapter aux nouveaux paysages post-industriels, à une population vieillissante
et au renouvellement générationnel dans les coopératives ? Quatrièmement, à l’heure d’une
flexibilité et précarité croissante de l’emploi, le danger d’abuser du modèle coopératif pour
échapper aux coûts du travail dans les entreprises en général et mettre en œuvre des accords
de sous-traitance sans autonomie entrepreneuriale, doit être évité pour sauvegarder le modèle
coopératif, y compris en tant qu’entreprise.
105
5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Les résultats de cette étude renforcent les cinq
piliers (participation, identité, durabilité, capital et
cadre juridique) du Plan d’action pour une Décennie
des Coopératives de l’ACI169. La participation et
l’identité ont été identifiées comme 2 des 8 logiques
de justification à travers lesquelles nous avons
caractérisé qualitativement l’emploi coopératif.
La durabilité et le capital ont été mentionnés au
chapitre 4 lorsque nous avons discuté comment
l’emploi coopératif et l’entrepreneuriat coopératif se
renforcent mutuellement. La nécessité d’un cadre
juridique et de politiques publiques appropriés a été
mentionnée à plusieurs reprises dans l’étude, et est
un des principaux objets des recommandations dans
la prochaine et dernière section ci-dessous.
En tout état de cause, le phénomène de l’emploi coopératif est suffisamment significatif,
quantitativement et qualitativement, pour que les organisations internationales, les gouvernements,
les syndicats, les organisations d’employeurs, les ONG, les universités et le mouvement coopératif
lui-même dressent un bilan de l’expérience d’emploi de longue date et de la résilience aux crises
mondiales, notamment en matière de maintien et de renforcement de l’emploi, qui caractérise les
coopératives. Le mouvement coopératif est parvenu à devenir un employeur clé dans le monde et
son potentiel de développement de l’emploi n’a assurément pas encore été pleinement exploité.
Les recommandations suivantes ont pour finalité d’accroître ce potentiel afin de répondre
aux quatre défis entrepreneuriaux que nous avons évoqué plus haut, et permettre ainsi aux
coopératives de répondre efficacement aux besoins de l’emploi au 21ème siècle.
5.2. RECOMMAnDATIOnS
Compte tenu des difficultés persistantes à se remettre de la récente crise financière, y compris le chômage,
la précarité de l’emploi, et l’aggravation des inégalités de revenus, encourager les coopératives qui aident à
créer et à conserver l’emploi décent et durable est essentiel. Les recommandations ci-dessous sont le résultat
de cette étude que CICOPA a menée pendant 15 mois partout dans le monde et dans différents secteurs
coopératifs. Les pays et régions qui suivent les approches recommandées ont tendance à avoir des secteurs
coopératifs florissants qui créent et maintiennent l’emploi de manière efficace.
Actuellement, l’interaction entre les différents acteurs, à savoir les organisations internationales, les
gouvernements à différents niveaux, les syndicats, les organisations d’employeurs, les organisations de la
société civile, les universités et les organisations du mouvement coopératif est fondamentale pour générer
le changement. Les recommandations suivantes requièrent donc la coopération de tous ces acteurs qui sont
invités à apporter leur contribution spécifique.
106
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
5.2.1. POLITIQuE DE L’EMPLOI ET STATISTIQuES
Les recommandations ci-dessous sont en concordance avec la Recommandation (n°193) sur la promotion des
cooperatives, 2002 de l’OIT, ci après R193 de l’OIT, qui a été approuvée de façon pratiquement unanime entre
gouvernements, organisations d’employeurs et syndicats du monde entier et qui établit que “Des mesures
devraient être adoptées pour promouvoir le potentiel des coopératives dans tous les pays, quel que soit leur niveau
de développement, afin d’aider celles-ci et leurs adhérents à… créer et développer des activités génératrices de
revenus et des emplois décents et durables” (art 4.(a))170.
POLITIQuES ACTIVES Du MARCHÉ Du TRAVAIL
Les autorités publiques devraient inclure l’emploi coopératif dans leurs politiques actives du marché du
travail, en coopération étroite avec les organisations coopératives, et notamment:
A mettre en œuvre des mesures d’information et de formation au modèle coopératif
pour les entrepreneurs potentiels et demandeurs d’emploi, pour les comptables et
chambres de commerce, ainsi que tous les acteurs qui sont autant d’entrepreneurs ou
de demandeurs d’emploi potentiels;
A octroyer des subsides aux entrepreneurs et demandeurs d’emploi potentiels qui
créent ou rejoignent des coopératives comme, par exemple, prévoir le versement des
allocations de chômage sous forme d’une somme forfaitaire correspondant à deux
années d’indemnités (comme le pago único en Espagne) ou le maintien dégressif de
ces indemnités de chômage au cours de la période de création de l’activité économique
(comme le prévoient les dispositions dont bénéficient les coopératives d’activité et
d’emploi en France), ou encore consentir des investissements publics complémentaires
à ceux des membres (comme le prévoit la loi Marcora en Italie). À condition que
l’environnement d’appui aux entreprises dans le système coopératif national est
suffisamment solide, ces subsides se sont révélés être un investissement plutôt qu’un
coût, compte tenu notamment des taxes que la nouvelle coopérative paiera.
CADRE nORMATIF
Les États devraient assurer un cadre normatif adéquat et promouvoir le soutien aux entreprises lors
de la création de coopératives, quel qu’en soit le type ou le secteur, en favorisant celles qui génèrent
plus d’emplois et investissent dans l’amélioration des compétences, en accord avec la R193 de l’OIT qui
établit que “les gouvernements devraient mettre en place une politique et un cadre juridique favorables,
conformes à la nature et à la fonction des coopératives et fondés sur les valeurs et principes coopératifs”
107
5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
(Art. 6). Autant tous les secteurs coopératifs sont générateurs d’emploi et devraient être activement
promus, une attention particulière devrait être consacrée aux categories suivantes de cooperatives,
qui sont caractérisées par un taux particulièrement élevé de génération et de consolidation de l’emploi.
A les coopératives de production du secteur primaire et des autres secteurs, du
ramassage des déchets aux services à domicile en passant par la menuiserie et le
commerce, sans oublier les coopératives de professionnels tels que celles entre
médecins, personnel infirmier, etc.;
A les coopératives de travail associé, et plus particulièrement les transmissions
d’entreprises aux employés (voir 5.2.2. ci-dessous); et les coopératives sociales, tant
pour leur capacité à intégrer par le travail les personnes désavantagées, que pour celle
de fournir des services à la collectivité (santé, éducation, environnement, services
sociaux, logement, développement local, etc.), notamment les coopératives multi-
sociétaires.
RECuEIL ET GESTIOn DE DOnnÉES
Comme pour tout autre politique de l’emploi, les données statistiques sont indispensables pour analyser
les tendances nationales et internationales de l’emploi coopératif, et concevoir des politiques publiques
adéquates. Les estimations de l’emploi coopératif fournies dans cette étude sont plus que suffisantes
pour demander que des mesures soient prises à cet égard. Un modèle d’entreprise qui génère plus de 8%
de l’emploi mondial, et près de 12% de l’emploi dans le G20, devrait rapidement devenir l’objet d’études
statistiques nationales et internationales.
Les gouvernements devraient progressivement établir des données statistiques consolidées sur les
salariés et les travailleurs-membres qui travaillent au sein des coopératives, ainsi que sur les producteurs
indépendants de biens et de services qui travaillent dans le cadre des coopératives, en accord avec la
R193 de l’OIT qui établit que “Les politiques nationales devraient notamment …chercher à améliorer les
statistiques nationales sur les coopératives en vue de leur utilisation pour l’élaboration et la mise en oeuvre
de politiques de développement” (Art. 8. 1) (l)). Ces statistiques devraient se ventiler notamment en fonction
de l’âge, du sexe, du type de contrat de travail et du ratio entre travailleurs permanents et temporaires.
Les pouvoirs publics concernés devraient étudier la longévité de l’emploi coopératif dans le cadre d’études
de cas régionaux. Une initiative de ce genre devrait prévoir d’y engager les organisations coopératives,
des universités et des instituts de recherche. La classification sectorielle devrait suivre le système ISIC
(International Standard Industrial Classification of All Economic Activities) des Nations Unies 171.
Au niveau international, l’OIT devrait consolider des statistiques sur la base des statistiques nationales.
108
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
5.2.2. EnTREPREnEuRIAT
Ce deuxième ensemble de recommandations a pour finalité de développer les différents aspects de
l’entrepreneuriat qui peuvent être propices à la création et à la stabilité de l’emploi au sein et dans le cadre des
coopératives. Elles vont dans le sens de la R193 de l’OIT, qui indique que les coopératives et leurs membres
devraient être aidées à “créer et développer des activités génératrices de revenus et des emplois décents et
durables”, “ mettre en valeur les ressources humaines et développer la connaissance des valeurs, avantages
et bienfaits du mouvement coopératif par le biais de l’éducation et de la formation”, “ développer leur potentiel
économique, y compris leur capacité d’entreprendre et leurs aptitudes à la gestion”, “renforcer la compétitivité
et accéder aux marchés et aux financements institutionnels” et “accroître l’épargne et l’investissement” (Art 4,
(a)-(f)).
PROMOTIOn DE LA PARTICIPATIOn DES SALARIÉS, DES TRAVAILLEuRS-MEMBRES ET DES PRODuCTEuRS InDÉPEnDAnTS DAnS LE CADRE DES COOPÉRATIVES
Les coopératives et leurs organisations devraient investir davantage dans la formation et l’éducation
des salariés des coopératives et, notamment, dans les modes d’interaction entre salariés et membres
compte tenu qu’il ne s’agit pas d’un coût mais d’un investissement dans la dynamique entrepreneuriale.
Les coopératives et leurs organisations devraient, par ailleurs, encourager l’engagement et la participation
du personnel, qui ont démontré leur viabilité entrepreneuriale grâce à la meilleure productivité et capacité
d’innovation qu’ils entraînent.
Les organisations de coopératives devraient favoriser le développement de coopératives multi-sociétaires
qui promeuvent l’intégration, parmi les membres, du personnel, des producteurs, des usagers et des autres
parties prenantes. Les gouvernements devraient approuver des législations qui règlementent ces types de
coopératives en s’inspirant des cadres juridiques en place dans plusieurs pays où elles ont démontré leurs
avantages en termes d’innovation organisationnelle.
Au-delà de la priorité donnée aux salariés de coopératives, aux travailleurs-membres et aux producteurs-
membres indépendants, une attention plus grande devrait être prêtée à la formation et à l’inclusion
d’usagers-membres dans les coopératives d’usagers et multi-sociétaires. Ceci est fondamental pour
assurer le succès à long terme de ces coopératives, les usagers-membres renforçant le caractère
économique et la capacité de génération d’emplois dans leurs coopératives. Les coopératives d’usagers et
leurs fédérations devraient donc se concentrer sur cet objectif clé.
109
5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
PROMOTIOn D’ORGAnISATIOnS nATIOnALES ET RÉGIOnALES DE COOPÉRATIVES ET DE LEuRS InSTITuTIOnS D’ACCOMPAGnEMEnT ÉCOnOMIQuE
Les autorités publiques devraient promouvoir la création et le renforcement d’organisations
coopératives dans tous les secteurs de l’économie, à même de négocier des politiques publiques
et des réglementations, tout en développement un rôle d’accompagnement entrepreneurial, en
fournissant de la formation et de l’appui-conseil aux coopératives de base sur des questions
juridiques, des informations sur le marché, la planification économique, les questions de l’emploi
coopératif, les start-ups, l’innovation, l’internationalisation etc. Le cas échéant, elles devraient
également promouvoir des organisations coopératives et des institutions d’appui-conseil
entrepreneuriales spécialisées au niveau régional.
PROMOTIOn DE TRAnSMISSIOnS D’EnTREPRISES AuX TRAVAILLEuRS
Pourvu que les politiques publiques et les cadres normatifs appropriés existent, comme la loi sur
l’économie sociale et solidaire votée récemment en France, le mouvement coopératif est à même de
réaliser efficacement et sur une échelle conséquente des restructurations d’entreprises sans successeurs
et d’entreprises en crise qu’il transforme en coopératives. Le potentiel de telles transmissions dépend
de l’existence du savoir-faire d’organisations coopératives et de professionnels et d’entités spécialisés.
L’accès à ce savoir-faire devrait donc faire partie intégrante des politiques et des partenariats.
La formation et l’information devraient également être mises à la disposition des juristes, des comptables,
des juges et des syndicalistes qui sont engagés dans les transmissions d’entreprises.
PROMOTIOn DES GROuPES COOPÉRATIFS
Les organisations coopératives devraient prêter une importance particulière à la constitution de groupes
coopératifs, à savoir des groupements horizontaux d’entreprises coopératives, y compris au niveau de
la formation et l’éducation impartie aux membres et aux travailleurs à cette fin. Ces regroupements, en
permettant des économies d’échelle qui valorisent les capacités entrepreneuriales, génèrent et renforcent
l’emploi coopératif. Les cadres juridiques devraient donc en permettre l’avènement et le développement.
Les groupes coopératifs devraient être encouragés à coordonner le redéploiement temporaire ou
permanent du personnel d’une coopérative vers d’autres coopératives constituantes du groupe en cas de
nécéssité, comme le réalise le groupe Mondragon.
110
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
COnSTITuTIOn DE RÉSERVES ET D’InSTRuMEnTS FInAnCIERS nOn BAnCAIRES
La régulation, les politiques et les systèmes privés de promotion de réserves financières dans les coopératives
et d’instruments financiers mutualisés entre coopératives (capital propre, prêts et mécanismes de garantie)
pour le développement de nouvelles coopératives et de coopératives existantes, devraient être valorisés.
Un bon exemple nous est fourni par la loi italienne 59/1992 qui prévoit que 3% de tous les excédents des
coopératives soient obligatoirement versés à des fonds destinés au développement de coopératives.
PROMOTIOn DE L’EnTREPREnEuRIAT COOPÉRATIF PARMI LES JEunES
Des politiques ciblées, ainsi que des mesures et des programmes de soutien en coopération avec
les organisations coopératives, devraient encourager l’emploi coopératif et la création de start-ups
coopératives parmi les jeunes. L’enjeu n’est pas uniquement de fournir de l’emploi aux jeunes mais
aussi d’assurer la relève entre générations au sein des coopératives dans les secteurs traditionnels et
émergents. L’entrepreneuriat des jeunes peut aussi soutenir l’innovation et l’adaptation au changement
dans les coopératives.
Les organisations coopératives devraient renforcer leur collaboration et leurs partenariats avec
des universités et de grandes écoles de commerce pour combler le manque de connaissances des
coopératives chez les jeunes.
PROMOTIOn DE L’EnTREPREnEuRIAT COOPÉRATIF PARMI LES FEMMES
Des politiques ciblées, des mesures et programmes de soutien en coopération avec les organisations
coopératives devraient encourager l’emploi et l’entrepreneuriat coopératifs parmi les femmes, en
concordance avec la R193 de l’OIT qui établit qu’ « Une attention particulière devrait être apportée
à l’accroissement de la participation des femmes à tous les niveaux du mouvement coopératif,
particulièrement au niveau de la gestion et de la direction » (Art. 7. (3)).
Par ailleurs, des mesures et politiques concernant l’emploi à temps partiel, des pratiques tendant à
assurer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et la non-discrimination devraient
s’appliquer en insistant plus précisément sur l’égalité hommes-femmes et l’importance de femmes
actives dans toutes les coopératives.
111
5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
5.2.3. nORMES Du TRAVAIL, TRAnSITIOn VERS L’ÉCOnOMIE FORMELLE, PROTECTIOn SOCIALE ET LuTTE COnTRE LES PSEuDO-COOPÉRATIVES
nORMES Du TRAVAIL
L’emploi dans les coopératives devrait respecter les normes du travail établies dans la Recommandation
193 de l’OIT sur la Promotion des coopératives, par l’intermédiaire de politiques nationales adéquates: « Les
politiques nationales devraient notamment… promouvoir les normes fondamentales du travail de l’OIT et la
Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail pour tous les travailleurs des
coopératives sans distinction d’aucune sorte » (Art. 8 (1) (a).
COnDITIOnS DE TRAVAIL ET PROTECTIOn SOCIALE
Les organisations coopératives devraient développer un dialogue avec les organisations syndicales et les
pouvoirs publics sur les conditions de travail. Les défis qui se posent actuellement, tels que les conditions
d’emploi précaire, les travailleurs intermittents et les bas salaires dans certains secteurs économiques,
ne peuvent être relevés par les seules coopératives et exigent une coopération systémique entre tous les
acteurs concernés au niveau national.
L’intégration complète et officielle des organisations coopératives au processus de négociation collective,
comme c’est le cas en Italie, est d’une importance majeure. Elle permet de négocier en fonction des
besoins spécifiques des coopératives.
Les personnes ayant un statut de travailleurs pour compte propre qui travaillent dans ou dans le cadre des
coopératives, qu’ils soient travailleurs-membres ou producteurs-membres, devraient être assurés d’un
niveau de protection sociale satisfaisant. Les coopératives devraient, le cas échéant, travailler étroitement
avec les pouvoirs publics pour construire un cadre juridique approprié prévoyant une protection sociale
adéquate.
Les organisations coopératives devraient promouvoir des régimes de protection sociale complémentaires
comme l’ont fait SEWA en Inde et Mondragon en Espagne.
112
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
FORMALISATIOn DE L’ÉCOnOMIE
La croissance des coopératives et le potentiel qu’elles offrent de transition vers l’économie formelle et
l’emploi formel devraient être reconnus clairement au niveau national et international, comme le souligne
la R193 de l’OIT: « Les gouvernements devraient promouvoir le rôle important des coopératives dans la
transformation d’activités qui ne sont souvent que des activités de survie marginales (parfois désignées
par les termes «économie informelle») en un travail bénéficiant d’une protection juridique et qui s’intègre
pleinement à la vie économique » (Art. 9).
Les pouvoirs publics devraient simplifier les procédures administratives et en faciliter l’accès pour les
coopératives, notamment pour les personnes moins qualifiées et plus particulièrement dans des pays où
l’économie informelle et l’emploi informel sont largement répandus, voire prédominants.
LA LuTTE COnTRE LES PSEuDO-COOPÉRATIVES
Se limiter à un rôle de simples prestataires intermédiaires de travailleurs à des tiers, en fournissant une main-
d’œuvre flexibilisée, sans la moindre stratégie économique autonome, tout en le justifiant par l’emprunt
de la dénomination de coopérative devrait être illégal en application de la R 193 de l’OIT qui établit que:
« Les politiques nationales devraient notamment… faire en sorte que les coopératives ne puissent pas être
créées ou être utilisées aux fins de se soustraire à la législation du travail et ne servent pas à établir des
relations de travail déguisées et lutter contre les pseudo-coopératives violant les droits des travailleurs, en
veillant à ce que le droit du travail soit appliqué dans toutes les entreprises » (art 8 (1) (b)).
5.2.4.
ÉDuCATIOn, FORMATIOn ET RECHERCHE SuR L’EMPLOI COOPÉRATIF
Les systèmes d’éducation nationale devraient promouvoir l’éducation et la formation sur l’emploi coopératif,
en accord avec la R193 de l’OIT qui établit que: « Les politiques nationales devraient notamment … promouvoir
l’enseignement des principes et pratiques coopératifs et la formation y relative, à tous les niveaux appropriés
des systèmes nationaux d’éducation et de formation et dans l’ensemble de la société » (Art. 8. (1) (f). L’éducation
et la formation coopératives devrait se concentrer particulièrement sur les études sur l’entreprise et sur la
gestion des RH, et devraient être accompagnées par de la recherché dans ces disciplines. Les coopératives
devraient développer des pratiques innovatrices en matière de gestion des RH.
5.2.5.
POLITIQuE DE DÉVELOPPEMEnT
Les pouvoirs publics devraient mettre au cœur de leurs politiques de développement régional le modèle
coopératif. Le travail de terrain réalisé dans le cadre de cette étude a révélé dans quelle mesure une présence
coopérative coordonnée et suffisamment dense a été un facteur essentiel du succès de la transformation
économique de régions comme le Québec, l’Émilie-Romagne et le Pays basque. Les efforts consentis en
ce sens n’ont jamais été un coût mais un investissement couronné de succès. Un effort particulier devrait
être entrepris pour combattre la désertification économique des régions les plus éloignées.
La promotion et le développement des coopératives devraient figurer dans l’Agenda du développement
après 2015 et être mis en œuvre par tous les États membres des Nations Unies en tant que vecteur d’un
emploi inclusif, stable et durable.
nOTES
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5 CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
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AnnEXE 1DOnnÉES nATIOnALES
121
ANNEXE 1 - DONNÉES NATIONALES
LISTE DES DOnnÉES nATIOnALES AVEC SOuRCES
PAYS
RÉGIOn Du MOnDE /GROuPE DE PAYS
EMPLOYÉSTRAVAILLEuRS-
MEMBRESPRODuCTEuRS-
MEMBRES AnnÉE SOuRCES REMARQuES
AFRIQuE Du SuD
G20/AF N.A N.A N.A
ALGERIE AF 20.000 N.A CEPES, 2012
ALLEMAGnE G20/EU 890.133 1.700.000 2012Communication de Dirk Lehnhoff, DGRV
ARABIE SAOuDITE
G20/AS N.A
ARGEnTInE G20/AM 87.486 177.568 112.086 2008 INAES, 2008
AuSTRALIE G20/OC 26.038 34.592 2010Australian Bureau of Statistics, 2012
Seulement les principals 100 coopératives
AuTRICHE UE 61.999 185.000 2010Comité économique et social européen, 2012
BELGIQuE UE 13.547 N.A 2009Comité économique et social européen, 2012
BOTSWAnA AF 998 Coop Africa, 2009
BRÉSIL G20/AM 296.286 259.035 1.114.467 2011
Diretriz Nacional de Monitoramento e Desenvolvimento de Cooperativas, SESCOOP, 2012
BuLGARIE UE 41.300 20.000 240.000 2010Comité économique et social européen, 2012
CAnADA G20/AM 155.427 5.490 520.000 2009 Industry Canada, 2013
CHILI AM N.A 5.098 61.771 2004Departamento de Cooperativas del Ministerio de Economia de Chile, 2004
CHInE G20/AS 2.090.000 650.000 160.000.000 2013
Communication de Ge Shuyan, All China Federation of Supply and Marketing Cooperatives; Communication de Zhang Xiaowu, All China Federation of Handicraft Industry Cooperatives
CHYPRE UE 5067 N.A 2009Comité économique et social européen, 2012
COLOMBIE AM 126.696 386.138 111.358 2012 Confecoop, 2013
CORÉE Du SuD G20/AS 123.482 1.141 2.642.8262011- 2014
Korean Federation of Community Credit Cooperatives, 2013: Korean Statistical Information Service: Portail des cooperatives, Corée
Sauf cooperatives de consommation
COSTA RICA AM 17.595 18.201 15.113 2012 Infocoop, 2012
CROATIE UE 3.565 2009Comité économique et social européen, 2012
DAnEMARK UE 70.757 4.803 99.000 2009Comité économique et social européen, 2012
122
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
PAYS
RÉGIOn Du MOnDE /GROuPE DE PAYS
EMPLOYÉSTRAVAILLEuRS-
MEMBRESPRODuCTEuRS-
MEMBRES AnnÉE SOuRCES REMARQuES
EGYPTE AF 866.000 3.617.730 2008
CEPES, 2012; Ministry of Agriculture, Central Department for Cooperatives, donnée non publiée, Central Agricultural Cooperative Union, Technical Affairs, donnée non publiée, Ministry of Agriculture and Land Reclamation, Land Reclamation Division, General Administration of Cooperative, Environmental and Social Services, donnée non publiée
ESPAGnE UE 290.797 221.844 1.174.0702008- 2012
Comité économique et social européen, 2012;
CEPES (site web)
ESTOnIE UE 9.850 N.A 2009Comité économique et social européen, 2012
ETATS unIS G20/AM 967.080 55.140 854.7002007- 2011
UWCC, 2009: USDA, 2012
ETHIOPIE AF 81.651 115.079 Coop Africa, 2009
FInLAnDE UE 92.600 1.500 167.100 2010Comité économique et social européen, 2012
FRAnCE G20/EU 547.365 38.326 928.000 2010 CoopFR, 2012
GRÈCE EU 14.983 713.714 2010Comité économique et social européen, 2012
GuATEMALA AM N.A 6.781 83.541 2008 INACOP, 2011
HOnGRIE EU 85.682 N.A 2009Comité économique et social européen, 2012
InDE G20/AS 1.215.627 6.845.701 31.291.7142009- 2010
National Cooperative Union of India, 2012
InDOnÉSIE G20/AS 473.604 N.A 2012Ministry of cooperative (site web)
IRAn AS 2.201.228 483.673 1.732.137 Iran Central Chamber of Co-operatives
IRLAnDE EU 43.328 187.7272003- 2005
Comité économique et social européen, 2012
ITALE G20/ UE 1.042.490 703.879 749.441 2011 EURICSE, 2014: CICOPA 2013a
JAPOn G20/AS 571.117 19.986 4.827.1042009- 2014
Japanese Consumers’ Cooperative Union, 2013: CICOPA, 2013b: Portail des statistiques officielles du Japon: Zenrosai (site web): Rokin bank (site web): Credit union (site web): Shinkin bank (site web)
JORDAnIE AS 4.000 N.A 2011 CEPES, 2012
KEnYA AF 303.455 1.500.000 Coop Africa, 2009
LETTOnIE UE 440 7.430 2009Comité économique et social européen, 2012
LITuAnIE UE 8.971 10.670 2009Comité économique et social européen, 2012
LuXEMBOuRG UE 1.933 N.AComité économique et social européen, 2012
MALAISIE AS N.A 141.004 595.500 2012Portail official, Malaysia Co-operative Societies Commission
123
ANNEXE 1 - DONNÉES NATIONALES
PAYS
RÉGIOn Du MOnDE /GROuPE DE PAYS
EMPLOYÉSTRAVAILLEuRS-
MEMBRESPRODuCTEuRS-
MEMBRES AnnÉE SOuRCES REMARQuES
MALTE UE 250 N.A 2009Comité économique et social européen, 2012
MAROC AF 34.630 353.4942008- 2012
CEPES, 2012: Office du Développement de la Coopération (site web)
MEXIQuE G20/AM 41.184 N.A N.A 2013Communication Juan Gerardo Dominguez Carrasco
Information partielle
MOnGOLIE AS N.A 6716 11.836 2012National Statistical Office of Mongolia, 2013
nÉPAL AS 60.000 700.000 2013Department of cooperative, 2013
nIGERIA AF 100.000
Communication du Dr. D. A. Okolo, Directeur federal des cooperatives, Gouvernement du Nigeria
nORVÈGE Europe Non-UE
22.500 N.A Eurocoop (site web)Seulement
cooperatives de consommation
OuGAnDA AF 10.524 68.909 Coop Africa, 2009
PAnAMA AM N.A 1.833 3.544 2010 IPACOOP, 2013
PARAGuAY AM 13.952 567 21.339 2012Conpacoop, 2012; Collection de données CICOPA 2014
PAYS BAS UE 184.053 806.000 2009Comité économique et social européen, 2012
PEROu AM 6.902 1.218 *** 2008Ministerio de la Produccion, INEI, 2010
Information partielle
PHILIPPInES AS 259.527 1.218 145.098 2013Cooperative Development Authority (site web)
POLOGnE UE 400.000 5.207 2009Comité économique et social européen, 2012
PORTuGAL UE 51.391 85.285 409.594 2009Comité économique et social européen, 2012
RÉPuBLIQuE DOMInICAInE
AM 50.189 3.572 21.801 2009 IDECOOP, 2011
REPuBLIQuE TCHÈQuE
UE 58.178 5.022 1.143.000 2010
Comité économique et social européen, 2012
Association des cooperatives agricole de la Republique tchèque (site web)
ROuMAnIE UE 34.373 58.497 2009Comité économique et social européen, 2012
ROYAuME unI G20/UE 236.000 5.234 158.438 2010 Co-operatives UK, 2011
RuSSIE G20/Non UE Europe
235.000 1.100.000 2013Communication by Evgeny Suzdaltsev, Centrosojuz
RWAnDA AF 8.657 Coop Africa, 2009
SInGAPOuR AS 14.000Communication de Dolly Goh, SNCF
SLOVAQuIE UE 26.090 1.600 78.0682009-2010
Comité économique et social européen, 2012
SLOVÉnIE UE 3.428 2009Comité économique et social européen, 2012
SuÈDE UE 80.264 96.552 275.000 2010Comité économique et social européen, 2012
124
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
PAYS
RÉGIOn Du MOnDE /GROuPE DE PAYS
EMPLOYÉSTRAVAILLEuRS-
MEMBRESPRODuCTEuRS-
MEMBRES AnnÉE SOuRCES REMARQuES
SWAzILAnD AF 395 Coop Africa, 2009
TAnzAnIE AF 34.949 Coop Africa, 2009
TuRQuIE G20/AS 98.968 2.463.026 2012Communication de Huseyin Polat, National Cooperative Union of Turkey
uKRAInEEurope
Non-UE54.872 Eurocoop (site web)
Seulement cooperatives de consommation
uRuGuAY AM N.A 12.000 20.000 2004 CUDECOOP, 2004
VEnEzuELA AM *** 476.967 108.529 2004 SUNACOOP, 2006
VIETnAM AS 622.560 51.066 340.699Communication de Tran Thu Hang, Vietnam Cooperative Alliance
zAMBIE AF 6.252 60.000 Coop Africa, 2009
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AnnEXE 2InFORMATIOnS DE BASE SuR LES 10 RÉGIOnS EXAMInÉES Au COuRS Du TRAVAIL DE TERRAIn
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
AHMEDABAD (GuJARAT), InDE
POPuLATIOn (2011): 7,214,225 (8ème district sur 640)
SuPERFICIE: 8,707 km2
CAPITALE: Ahmedabad
Le district d’Ahmedabad se confond avec la ville du même nom et ses environs. La ville d’Ahmedabad est la
capitale de l’état du Gujarat, sur la côte occidentale de l’Inde. Le district d’Ahmedabad est un des 33 districts
de l’état du Gujarat, qui compte 5% de la population indienne, 16% de sa production industrielle et 22% de ses
exportations. Entre 2001-2002 et 2011-2012, le PIB de l’état a connu un taux de croissance moyen de 10 pour cent
par an. Cette expansion de l’économie de l’état est largement due à la croissance du secteur des services et du
secteur manufacturier. La production du secteur primaire de l’état occupe une part de 11% de la production du
secteur primaire de l’Inde.
Les coopératives, tous secteurs confondus, sont présentes actuellement dans quelque 99% des villages du pays
et 71% des ménages en milieu rural sont membres. Au Gujarat, on dénombre 16.044 coopératives dans plusieurs
secteurs comme l’agriculture, la production laitière, la pêche, le crédit, la consommation, le logement, l’industrie,
les transports, l’irrigation, l’électricité, etc. Dans l’industrie agricole et laitière, les coopératives jouent un rôle
important. La Self-Employed Women’s Association (SEWA), qui organise de nombreuses activités économiques
sous forme de coopératives pour des femmes travaillant pour compte propre, a vu le jour au Gujarat en 1972 et a
encore 30% de ses membres dans cet état.
Les coopératives sont régies par des législations fédérales mais aussi de l’état du Gujarat, plus précisément la loi
de 1961. La mise en œuvre de cette loi est assurée par le Département des coopératives de l’état. 25 sièges de
l’association sont répartis dans le district, chacun ayant un bureau qui figure au registre des sociétés coopératives
du district.
129
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
130
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
PAYS BASQuE, ESPAGnE
POPuLATIOn (2011): 2,185,405 (7ème sur 19 régions)
SuPERFICIE: 7,234 km2
CAPITALE: Vitoria-Gasteiz
Le Pays basque est une communauté autonome du Nord de l’Espagne. La région est très industrialisée et a
développé une importante industrie métallurgique depuis la fin du Moyen Âge que justifient ses ressources
considérables en fer et en bois. Ces activités économiques ont décliné au cours des crises économiques des
années 1970 et 1980, ce qui a permis le développement du secteur des services et des nouvelles technologies.
Les industries de service sont également très développées, comme le tourisme et les services financiers. Au
cours de la dernière décennie, le Pays basque a su maintenir des taux de croissance non négligeables ainsi que de
bons niveaux de PIB par habitant. La région a également mieux résisté à la récente crise financière et économique
que les autres régions d’Espagne.
Les premières coopératives ont vu le jour au Pays basque sous forme de coopératives de consommation à la
fin du 19ème siècle. Les coopératives de travail associé se sont surtout développées depuis les années 1950,
notamment grâce à l’essor du groupe Mondragon, actuellement un des plus grands groupes économiques du
pays. En 2012, ce groupe représentait 3,7% des emplois au Pays basque.
Konfekoop (la Confédération basque des coopératives) est une organisation de fédérations sectorielles basques
de coopératives (consommation, agriculture, transport routier, travail, éducation, coopératives bancaires).
Konfekoop représente 868 coopératives de la région. L’organisme de coopération entre le mouvement coopératif
et le gouvernement régional est le CSCE-EKGK (Conseil suprême basque des coopératives) institué par la loi
basque de 1982 sur les coopératives. Il a joué un rôle décisif dans la création de fédérations de coopératives.
Une caractéristique de la législation espagnole sur les coopératives est l’importance des compétences législatives
déléguées aux régions, « comunidades autónomas ». Les coopératives du Pays basque sont régies par la Loi 4/1993
de la « comunidad autónoma » basque. Bien qu’il n’y ait pas de différences substantielles entre les différentes lois
qui régissent les coopératives au sein des « comunidades autónomas », la fiscalité est sensiblement différente
suivant les régions.
131
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
ÉMILIE-ROMAGnE, ITALIE
POPuLATIOn (2010): 4,429,766 (6ème région sur 20)
SuPERFICIE: 22,446 km2
CAPITALE: Bologne
L’Émilie-Romagne est située au centre-nord de l’Italie. C’est une des principales régions agricoles du pays.
L’élevage et la production laitière y sont extensifs, et la région dispose d’une importante industrie de transformation
alimentaire et de conditionnement des aliments. La fabrication de voitures et de camions, d’équipements agricoles,
de produits chimiques et pharmaceutiques, de céramiques et de vêtements y est également significative. Son
modèle économique repose sur des clusters et réseaux de petites entreprises au sein desquels les coopératives
jouent un grand rôle. Ce modèle est connu sous le nom de « modèle émilien ». Bologne est un véritable nœud de
communications et d’échanges commerciaux entre le Nord et le Sud de l’Italie, et la région dispose de bonnes
connexions ferroviaires et autoroutières.
Bien que l’histoire des coopératives remonte, dans la région, au 19ème siècle, leur développement s’est accéléré
depuis la Seconde Guerre mondiale grâce à une étroite collaboration entre le gouvernement régional et la société
civile, notamment le mouvement coopératif et les organisations syndicales. Tous les types de coopératives
(agricoles, de consommation, de pêche, de crédit, d’habitation, de travail associé, sociales, etc.) sont actifs dans
la région. Les secteurs dans lesquels les coopératives sont les mieux implantées sont le commerce de détail, la
construction, la production agricole, le logement, le secteur manufacturier et les services sociaux. Dans certains
secteurs comme l’agriculture, la construction et le commerce de détail, les coopératives prédominent.
Le mouvement coopératif italien est dirigé par des organisations fédérales, comme Legacoop, Confcooperative
et AGCI, qui pendant longtemps se sont identifiées à de grandes tendances politiques mais depuis peu coopèrent
de plus en plus au sein de l’Alleanza delle Cooperative Italiane (Alliance des coopératives italiennes).
Les coopératives sont régies par le droit national mais le gouvernement régional a développé des politiques
publiques en leur faveur. La politique économique du gouvernement régional en faveur des coopératives et des
PME a mis en place tout un système solide d’accompagnement pour promouvoir la coopération entre petites
entreprises de plusieurs secteurs économiques, dans lequel le modèle coopératif est un outil important de
coopération entre entreprises.
132
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
GAnGWOn, CORÉE Du SuD
POPuLATIOn (2012): 1,551,531 (8ème région sur 17)
SuPERFICIE: 20,569 km2
CAPITALE: Chuncheon
Située au Nord-Est de la Corée du Sud, Gangwon est une des provinces les moins industrialisées du pays.
Quatre cinquièmes de la superficie de la province sont occupés par des forêts qui sont exploitées ainsi que les
abondantes ressources minérales. D’autres activités économiques ont pu se développer grâce à l’établissement
de centrales hydroélectriques et thermoélectriques. Les eaux y sont riches en poissons. Suite à la fermeture des
mines de charbon dans le Sud de la province dans les années 1990, le tourisme est devenu le secteur économique
le plus important.
En raison de la situation géographique de la province, tous les types de coopératives du secteur primaire ont connu
une croissance florissante qu’il s’agisse des coopératives agricoles, sylvicoles et de pêche. Les coopératives,
notamment de crédit, ont reçu un important soutien de l’Eglise catholique sous la dictature pendant les années
1970, comme un instrument pédagogique de démocratisation. Les premières coopératives de consommation de
Corée du Sud ont été organisées dans les régions rurales du Sud de la province par des militants défenseurs de
la démocratie dans les années 1970 et 1980. Wonju, une ville située dans le Sud de la province, est qualifiée de
centre du mouvement coopératif coréen.
La province ne dispose pas d’organisations faîtières. Les premiers secteurs dans lesquels les coopératives ont vu
le jour (agriculture, pêche, sylviculture, crédit, notamment de proximité) ont leurs propres fédérations régionales
ou un siège régional de leurs fédérations nationales. Les nouveaux types de coopératives émergentes comme
celles de consommation, de travail associé et sociales, les deux derniers types ayant été légalement reconnus par
la nouvelle loi de 2012 sur les coopératives, n’ont pas encore de réseaux régionaux. Cependant, ces coopératives
participent activement au mouvement de l’économie sociale de la province, qui est coordonné conjointement par
la société civile et les pouvoirs publics.
Il n’existe pas de législation régionale spécifique sur les coopératives. Récemment, le gouvernement provincial
a créé le Centre d’appui à l’économie sociale de Gangwon qui offre différents programmes d’accompagnement
des coopératives et d’autres types d’organisations de l’économie sociale telles que des entreprises sociales,
villageoises etc.
133
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
GAuTEnG, AFRIQuE Du SuD
POPuLATIOn (2011): 12,272,263 (1ère province sur 9)
SuPERRFICIE: 18,178 km2 (9ème province sur 9)
CAPITALE: Johannesburg
Gauteng est une province du Nord-Est de l’Afrique du Sud. Si c’est la plus petite province du pays, elle compte
la population la plus nombreuse et occupe la première place dans les activités économiques du pays grâce
essentiellement à la présence de villes telles que Johannesburg et Pretoria, la capitale administrative de l’Afrique
du sud. Si l’urbanisation de la province est considérable, elle a conservé un peu d’agriculture, de cultures
maraîchères et de production laitière. Les activités minières, industrielles, commerciales et financière que génère
sa grande richesse minière ont transformé la province en un centre économique important du pays.
Le secteur coopératif est, depuis le début du 20ème siècle, un vecteur économique bien établi. Se sont tout
d’abord créées des coopératives agricoles dominées par les Blancs. Les coopératives agricoles détenues par
la population noire ont été promues par le gouvernement dans les années 1970 et 1980 dans le cadre des plans
économiques du régime de l’apartheid pour les « homelands ». Outre les coopératives détenues et contrôlées par
les Blancs, des organisations syndicales – faisant fi de l’appartenance à une race – ont essayé de développer des
coopératives dans les années 1980. À la fin de l’apartheid, les gouvernements tant au niveau fédéral que provincial
ont encouragé de plus en plus le secteur en promulguant plusieurs mesures qui lui étaient favorables. La nouvelle
loi sur les coopératives, n° 14 de 2005, a stimulé l’enregistrement de nouvelles coopératives détenues par la
population noire et par des femmes. Elles ont pris la forme de coopératives de travail associé. En 2009, 20% des
coopératives sud-africaines se trouvaient dans la province de Gauteng, la province se hissait au deuxième rang,
derrière celle de KwaZulu-Natal qui en accueillait 26%.
Après que fut voué à l’échec l’organisation nationale faîtière des coopératives, le mouvement a été promu par
des ONG telles que le Co-operative and Policy Alternative Centre (COPAC) qui est actif sur tout le territoire
national mais a son siège dans la province de Gauteng, ainsi que par des organisations sectorielles telles que des
coopératives de crédit.
Les coopératives sont régies par le droit national. Le gouvernement provincial met à la disposition plusieurs
programmes de soutien aux coopératives par l’intermédiaire de Gauteng Enterprise Propellor (GEP). Ces
programmes collaborent étroitement avec des programmes coordonnés au niveau national par le Département
du commerce et de l’industrie dans le cadre de la « Integrated Strategy on the Development and Promotion of
Co-operatives ».
134
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
KAnAGAWA, JAPOn
POPuLATIOn (2010): 9,029,996 (2ème préfecture sur 47)
SuPERFICIE: 2,415.84 km2
CAPITALE: Yokohama
Kanagawa est située au Sud de Tokyo, confinée entre la Baie de Tokyo à l’Est et l’océan Pacifique au Sud. La moitié
orientale de la préfecture correspond à la région Sud-Ouest de la zone métropolitaine de Tokyo-Yokohama et sa
côte orientale représente une partie importante de la zone industrielle de Keihin. L’intérieur de la préfecture est
une région agricole de production floricole et laitière pour le marché de Tokyo. Le port de Misaki dans la ville de
Miura est un grand centre de pêche de thon et de bonite. Fin des années 1970, la population a considérablement
augmenté dans la préfecture sous la pression de l’expansion industrielle et de l’urbanisation.
À l’instar du Japon en général, un mouvement coopératif diversifié et équilibré s’est développé dans la
préfecture. Dans le secteur primaire, les coopératives agricoles, sylvicoles et de pêche ont joué un grand rôle en
coopération avec les ministères concernés. Les coopératives de consommation et les collectifs de travailleurs,
nés des coopératives de consommation, ont connu une croissance rapide et sont particulièrement forts dans
la préfecture. Des coopératives de travail associé et de personnes âgées sont également implantées. Il existe
deux types de coopératives de crédit et d’autres organisations financières coopératives.
Le mouvement coopératif de Kanagawa a développé des caractéristiques distinctes depuis le milieu des années
1980, comparé au mouvement coopératif japonais en général, avec la création de l’Association de coopération
entre coopératives de Kanagawa, qui a été lancée dans le cadre de la coopération entre les coopératives agricoles,
de pêche et de consommation. Cette initiative a beaucoup grandi depuis la création du Comité de planification
régionale de Kanagawa lors de l’Année internationale des coopératives en 2012 et elle est aujourd’hui en train de
devenir le Réseau coopératif de Kanagawa.
Presque tous les types de coopératives au Japon sont régis par la législation nationale en vigueur dans le
secteur auquel elles appartiennent. Par contre, les coopératives de travail associé et les collectifs de travailleurs
n’ont pas encore de statut légal propre. Il y a peu de programmes de soutien direct aux coopératives mais les
coopératives sont considérées comme des acteurs importants par les politiques publiques qui s’adressent à
certains secteurs économiques tels que le secteur primaire et le secteur financier.
135
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
PARAíBA, BRÉSIL
POPuLATIOn (2012): 3,815,171 (13ème état sur 27)
SuPERFICIE: 56,584.6 km2
CAPITALE: João Pessoa
Le Paraíba est un état du Nord-Est du Brésil qui est beaucoup plus pauvre et moins développé que le Sud
industrialisé. Cependant, depuis le début de ce siècle, le Nord-Est a été le témoin d’un développement rapide
grâce aux investissements de l’état. À la différence du reste du Nord-Est, la culture de la canne à sucre y est
presque inexistante pour des raisons géographiques (relief accidenté). Les secteurs importants de l’économie
sont l’élevage, la production textile et l’artisanat traditionnel.
Le mouvement coopératif y est relativement faible, si on le compare avec les états du Sud. Cependant, sa croissance
est constante, dans la foulée du développement économique du Nord-Est du pays. Les principaux secteurs dans
lesquels s’implantent les coopératives sont la santé, l’industrie, les services, l’artisanat (notamment, traditionnel),
l’agriculture et les produits laitiers, ainsi que les transports suivis par le secteur du crédit, des entreprises d’utilité
publique et l’éducation.
La principale organisation coopérative du Paraíba est OCB-Paraíba, l’organisation régionale d’OCB, la plus
importante organisation de coopératives du Brésil. UNISOL, une autre grande organisation de coopératives du
Brésil, est aussi active au Paraíba. Unimed do Brasil, un groupe coopératif de soins de santé dispose également
d’une section importante au Paraíba.
Dans le cadre du système d’OCB mais tout en jouissant d’une certaine autonomie, le système SESCOOP se
consacre à la formation et est financé par un petit pourcentage prélevé sur les salaires des travailleurs des
coopératives. SESCOOP est la version coopérative de SEBRAE destiné aux PME du pays.
Le Brésil a une loi qui régit les coopératives de tous les secteurs. Elle a été approuvée sous le régime militaire, avant
que ne soit établie la constitution démocratique dans les années 1980. En 2012, une loi consacrée uniquement
aux coopératives de travail associé était approuvée, après 8 années de discussions. Bien qu’il aurait été plus
logique de réformer en premier lieu la loi sur les coopératives en général, il a été jugé plus facile et plus urgent
d’approuver une loi sur les coopératives de travail associé pour limiter la prolifération de fausses coopératives
de travail associé (en réalité, des agences de prestation de travail flexibilisé) qui minait littéralement le champ des
coopératives au Brésil.
136
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
QuÉBEC, CAnADA
POPuLATIOn (2011): 7, 903,001 (2ème des 13 provinces et territoires)
SuPERFICIE: 1,542,056 km2
CAPITALE: Ville de Québec
Le Québec est une province située dans la partie orientale et centrale du Canada. C’est la seule province
essentiellement francophone, dont la langue officielle est le français. Le secteur de la connaissance et les
industries de pointe, telles que l’industrie aérospatiale, les technologies de l’information et les logiciels, le
multimédia occupent une part importante dans l’économie québécoise. Les ressources naturelles comme
les mines et forêts représentent une part significative de l’économie. Avec l’agriculture et la pêche, l’industrie
agroalimentaire occupe une place non négligeable.
Le mouvement coopératif a joué un rôle fondamental dans l’histoire économique, sociale et politique du Québec.
Depuis le début du 20ème siècle, les coopératives de crédit organisées par le mouvement Desjardins et les
coopératives agricoles se sont développées en structurant leur propre secteur dans la société québécoise
et ont été chefs de file du développement des coopératives en général. Entre 1930 et 1945, des réseaux de
coopératives se sont créés dans d’autres secteurs comme la pêche, la sylviculture, la consommation alimentaire,
l’achat de fournitures scolaires et les services funéraires. Le développement de coopératives de travail associé
et de coopératives de consommation s’est intensifié dans les années 1980 dans certaines régions, en étroite
collaboration avec les organisations syndicales. Depuis la fin des années 1980, de nouveaux types de coopératives,
telles que les coopératives actionnaires et celles de solidarité voient le jour.
Le Conseil supérieur de la coopération a été fondé en 1940 par les dirigeants de différents syndicats et groupes
de coopératives. Il s’est transformé en Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) qui est
composé de 17 fédérations sectorielles qui en sont membres à part entière.
Le partenariat de longue date entre le mouvement coopératif et le gouvernement du Québec est un des facteurs
du succès du mouvement coopératif dans la province. Au sein de ce gouvernement, la Direction du développement
des coopératives du Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation est responsable
de l’appui aux coopératives et du respect de la loi qui régit les coopératives au Québec. Le gouvernement du
Québec offre plusieurs programmes financiers et un accompagnement technique aux coopératives en partenariat
avec le mouvement coopératif. Les coopératives de développement régional, essentiellement financées par le
gouvernement, jouent un rôle crucial dans ce soutien technique.
137
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
SAnTA FE, ARGEnTInE
POPuLATIOn (2010): 3,194, 537 (3ème province sur 24)
SuPERFICIE: 133,007 km2
CAPITALE: Santa Fe de la Vera Cruz
Santa Fe est une province de plaines dans le Nord-Est de l’Argentine. Économiquement, elle occupe la deuxième
place, notamment grâce à son développement agricole (10% du PIB de la province) et son industrie (22%). Elle
offre un véritable paysage de pampa parsemé de champs de blé, de maïs, de tournesols et de soja. Elle dispose
de nombreux ports céréaliers le long de ses principaux fleuves qui rejoignent le fleuve Rio de la Plata pour se
jeter dans l’océan Atlantique, au Sud de Buenos Aires. Santa Fe a 21% de terres cultivables. Elles permettent de
nourrir un cheptel de 6,5 millions d’animaux. Les principales industries sont associées à l’agriculture: industries
agroalimentaires (farine, huile, produits laitiers) et équipements agricoles. L’industrie métallurgique y est aussi
importante notamment à Villa Constitución où est établi Acindar.
Santa Fe est la province argentine qui connaît la densité la plus élevée de coopératives. Les premières
coopératives y ont été établies dans les premières années du 20ème siècle, souvent par des immigrants italiens
qui y ont introduit la notion même de coopérative. Les coopératives sont surtout agricoles, plus particulièrement
céréalières, laitières et de soja. Un autre secteur significatif est celui des assurances, avec SANCOR Seguros et
La Segunda qui figurent parmi les assureurs les plus importants du pays; ils ont tous deux leur siège à Santa Fe
et ont la plupart de leurs membres dans la province. Une caractéristique importante en Argentine en général
et à Santa Fe en particulier est le poids des coopératives d’utilité publique engagées dans la distribution de
l’eau, de l’électricité et des services de téléphonie. Les premières coopératives de ces secteurs ont vu le jour
dans cette province et ils figurent actuellement parmi les plus forts au niveau national. Enfin, les coopératives
de travail associé sont en plein essor depuis 2002. Elles sont plus de 700 actuellement.
Il y a 3 confédérations de coopératives dans le pays: Coninagro qui regroupe les coopératives agricoles,
Cooperar qui est une confédération intersectorielle et la CNCT qui fédère les coopératives de travail associé.
Elles ont leur siège à Buenos Aires. Elles coopèrent de plus en plus ensemble.
Les coopératives en Argentine sont régies par une loi intersectorielle, et sont enregistrées et promues par
l’organisme de l’économie sociale INAES du gouvernement central. La province de Santa Fe a également un
organisme en charge des coopératives. La plupart des politiques de promotion sont décidées au niveau central.
138
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
WISCOnSIn, ETATS unIS
POPuLATIOn (2012): 5,726,398 (20ème état sur 50)
SuPERFICIE: 169,639 km2
CAPITALE: Madison
Le Wisconsin est un des états situés au Nord et centre des États-Unis. Son économie est diversifiée bien que trois
secteurs dominent dans des régions précises: le secteur manufacturier dans la ceinture industrielle du Sud-Est,
l’agriculture – notamment, la production laitière – dans les 2/3 du Sud de l’état, le tourisme et les loisirs dans le
Nord, où les arbres sont toujours verts et les lacs nombreux.
Les coopératives jouent depuis longtemps un rôle important dans l’économie rurale de l’état. La première
mutuelle d’assurance urbaine s’y est créée en zone urbaine vers le milieu du 19ème siècle. Au début du 20ème
siècle, une part importante de la fabrication de la crème et du fromage était détenue par les agriculteurs
organisés en coopératives. Dans les années 1930, les coopératives de services de téléphonie et de distribution de
l’électricité ont fourni ces services de base aux régions rurales. Les sièges de Credit Union National Association
(CUNA), CUNA Mutual group et du World Council of Credit Union se trouvent à Madison, capitale de l’état. Les
coopératives de travail associé, les coopératives de consommation et de logement sont très actives et très
proches des mouvements de base. Selon une étude du Centre pour les coopératives de l’Université de Wisconsin,
le Wisconsin serait le deuxième état en ordre d’importance à accueillir des coopératives et compterait 2,7 millions
de membres.
Le Cooperative Network est une organisation intersectorielle qui représente plus de 600 coopératives du
Wisconsin et du Minnesota. Il existe également des réseaux sectoriels et sous-régionaux de coopératives tels
que la Dane Cooperative Alliance dans le comté de Dane.
Aux États-Unis, les coopératives ne jouissent pas d’un statut légal identique au niveau fédéral. Les personnes qui
souhaitent s’organiser en coopérative dans le Wisconsin peuvent créer une entreprise coopérative aux termes
du Chapitre 185 ou une association coopérative sans personnalité morale aux termes du Chapitre 193 des Codes
de l’état du Wisconsin.
139
ANNEXE 2 - INFORMATIONS DE BASE SUR LES 10 RÉGIONS EXAMINÉES AU COURS DU TRAVAIL DE TERRAIN
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Wisconsin – The Power of Cooperative Action, Madison: UWCC
ÉMILIE-ROMAGnE
Restakis, J. 2007, The Emilian Model – Profile of a Co-operative Economy
PAYS BASQuE
OCDE, 2011, Examens de l’OCDE sur l’innovation régionale: Pays basque, Espagne
Zevi, A., Zanotti, A., Soulage, F. and Zelaia, A., 2011, Beyond the Crisis: Cooperatives, Work,
Finance – Generating Wealth for the Long Term, Bruxelles: Publication CECOP
Informations soumises par Mondragon Corporation, Incidencia de Mondragon en el Euskadi
y Navarra
AnnEXE 3LISTE DES InTERVIEWS
141
ANNEXE 3 - LISTE DES INTERVIEWS
PAYS RÉGIOn nOM DE LA COOPÉRATIVE
TYPE DE COOPÉRATIVE
ACTIVITÉ PRInCIPALE
STATuT DE L’InTERVIEWÉ S
EXE
AGE REMARQuES
AFRIQuE Du SuD Gauteng
Tswelelane BakeryCoopérative de travail associé
BoulangerieTravailleur-
membreF senior
Twanano Paper Manufacturing
Coopérative de travail associé
Artisanat, agriculture
Travailleur-membre
F junior
Hlanganani agricultrural
worker cooperative
Coopérative de travail associé
Agriculture Travailleur-
membreM moyen
Pretorium trustCoopérative
d’usagersCrédit Salarié M senior
COREE Du SuD Gangwon
NonghyupFédération de
cooperatives de production
Agriculture, banque
Producteur-membre
M moyen
NonghyupFédération de
cooperatives de production
Agriculture, banque
Salarié M moyen
Wonju food cooperative
Coopérative sociale
Restauration Salariée F junior
Wonju medical cooperative
Coopérative d’usagers
Services médicaux
Salarié M moyen
Balkeum Credit Union
Coopérative d’usagers
Banque Salarié M moyen
JAPOn Kanagawa
Seikastu-Club consumer
cooperative
Coopérative d’usagers
Distribution de nourriture
biologiqueSalarié M junior
Collective interview
Coopérative d’usagers
Distribution de nourriture
biologiqueSalarié M junior
Coopérative d’usagers
Distribution de nourriture
biologiqueSalariée F junior
Center Jigyodan Kanagawa Region
Office
Fédération régionale de
coopératives de travail associé
Fédération régionale
Travailleur-membre
M junior
KokojiCoopérative de travail associé
Soins à la personne
Travailleur-membre
F moyen
Kanagawa senior cooperative
Coopérative sociale
Soins à la personne
Travailleur-membre
F moyen
Workers’ Collective Mutual Insurance
co., ltd
Coopérative de travail associé
AssuranceTravailleur-
membreF senior
Collective interviewCoopérative de
travail associéAssurance
Travailleur-membre
F moyen
142
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
PAYS RÉGIOn nOM DE LA COOPÉRATIVE
TYPE DE COOPÉRATIVE
ACTIVITÉ PRInCIPALE
STATuT DE L’InTERVIEWÉ S
EXE
AGE REMARQuES
ARGEnTInE Santa Fe
SANCOR LacteosCoopérative de
productionProduits laitiers Salarié M senior
SANCOR SegurosCoopérative
d’usagersAssurance Salarié M junior
Cooperativa de Provisión de Agua Potable Sunchales
Coopérative d’usagers
Fourniture d’eau potable
Salariée F junior
FecotelFédération de coopératives
d’usagers
Services de télé- communications
Salarié M moyen
Agricultores Federados Argentinos
Coopérative de production
AgricultureProducteur-
membreF moyen
FESCOE (Santa Fe Federation of Electricity
Cooperatives)
Fédération de coopératives
d’usagers
Fourniture d’électricité
Salarié M junior
7 de mayo worker cooperative
Coopérative de travail associé
MetallurgieTravailleur-
membreM junior
Interview collectif
Coopérative de travail associé
MetallurgieTravailleur-
membreM senior
BRAzIL Paraiba
CoapecalCoopérative de
productionProduits laitiers Salarié M moyen
Taxi cooperative João Pessoa
Coopérative de production
TaxiProducteur-
membreM junior
Coop ExtremoCoopérative de
productionTransport et
tourismeProducteur-
membreM junior
CoopapelCoopérative de travail associé
PapierTravailleur-
membreM senior
Women’s handicraft
cooperative As Cabritas
Coopérative de production
ArtisanatProducteur-
membreF senior
Handicraft cooperative
Coopérative de production
ArtisanatProducteur-
membreF moyen
143
ANNEXE 3 - LISTE DES INTERVIEWS
PAYS RÉGIOn nOM DE LA COOPÉRATIVE
TYPE DE COOPÉRATIVE
ACTIVITÉ PRInCIPALE
STATuT DE L’InTERVIEWÉ S
EXE
AGE REMARQuES
ITALIEEmilie-
Romagne
CMC RavennaCoopérative de travail associé
ConstructionTravailleur-
membreF moyen
EVOLUZIONI WEBCoopérative de travail associé
TICEx-travailleur-
membreM moyen
COMACER Bagnacavallo
Coopérative de production
AgricultureProducteur-
membreM moyen
RAFAR Multiservice
Coopérative de travail associé
Multi-services Salarié M senior
CREDITO COOPERATIVO
Coopérative d’usagers
Banque Salarié M junior
Lavoratori del Mare Coopérative de
productionPêche
Producteur-membre
M senior
Coop AdriaticaCoopérative
d’usagersDistribution Salarié M moyen
Consorzio Solco Imola
Consortium de coopératives
socialesServices sociaux
Travailleur-membre
M moyen
ZEROCENTOCoopérative
socialeServices sociaux
Travailleur-membre
F junior
ESPAGnE Pays basque
Behi-alde Koop.E.Coopérative de travail associé
Produits laitiersTravailleur-
membreM senior
Mondragon Assembly S.Coop
Coopérative de travail associé
ManufactureTravailleur-
membreM moyen
Eroski Coopérative
d’usagers et de travail associé
DistributionTravailleur-
membreF moyen
Urkide Koop.E.Coopérative de travail associé
EducationTravailleur-
membreM moyen
Laboral Kutxa Koop.E.
Coopérative d’usagers et de travail associé
BanqueTravailleur-
membreM moyen
Fagor Arrasate Koop.E.
Coopérative de travail associé
ManufactureTravailleur-
membreM junior
Garlan S.Coop.Coopérative de
productionAgriculture
Producteur-membre
M moyen
Arizmendi Koop.E.Coopérative de travail associé
EducationTravailleur-
membreM senior
144
LES COOPÉRATIVES ET L’EMPLOI: UN RAPPORT MONDIAL
PAYS RÉGIOn nOM DE LA COOPÉRATIVE
TYPE DE COOPÉRATIVE
ACTIVITÉ PRInCIPALE
STATuT DE L’InTERVIEWÉ S
EXE
AGE REMARQuES
CAnADA Québec
Desjardins Federation
Groupe de coopératives
d’usagers Banque Salariée F moyen
Constructions ensemble
Coopérative de travail associé
ConstructionTravailleur-
membreM senior
Coopérative funéraire des Deux
Rives
Coopérative d’usagers
Services funéraires
Salariée M senior
La coop Fédérée Coopérative de
productionAgriculture
Producteur-membre
M senior
NovaideCoopérative
socialeServices à la
personneSalariée M senior
ETATS unIS Wisconsin
Isthumus
Coopérative de
travail associéIngégnérie
Travailleur-
membreM moyen
Coopérative de
travail associéIngégnérie Salariée F moyen
Landmark
Coopérative de
productionAgriculture Salarié M moyen
Coopérative de
productionAgriculture Salariée F junior
Union cab
Coopérative de
travail associéTaxi
Travailleur-
membreM senior
Coopérative de
travail associéTaxi
Travailleur-
membreM moyen
145
ANNEXE 3 - LISTE DES INTERVIEWS
PAYS RÉGIOn nOM DE LA COOPÉRATIVE
TYPE DE COOPÉRATIVE
ACTIVITÉ PRInCIPALE
STATuT DE L’InTERVIEWÉ S
EXE
AGE REMARQuES
ETATS unIS Wisconsin
Organic Valley
Coopérative de
production
Produits
laitiers,
céréales
Salarié M moyen
Collective
interviewCoopérative de
production
Produits
laitiers,
céréales
Salarié F senior
Center Point
Counseling
Coopérative de
travail associéSanté mentale
Travailleur-
membreM moyen
Collective
interview
Coopérative de
travail associéSanté mentale
Travailleur-
membreM moyen
Coopérative de
travail associéSanté mentale Salariée F moyen
CUNA Mutual
Group
Filiale d’une
fédération de
cooperatives
d’usagers
Assurance Salariée F junior
InDE Ahmedabad
Gitanjali
Coopérative de
travail associéManufacture
Travailleur-
membreF junior
Coopérative de
travail associéManufacture
Travailleur-
membreF moyen
Coopérative de
travail associéManufacture
Travailleur-
membreF moyen
Rachayata coop
Coopérative de
travail associéConstruction
Travailleur-
membreF moyen
Coopérative de
travail associéConstruction
Travailleur-
membreF moyen
Shaishav Balsewa
Child care
Coopérative de
travail associéSoins à l’enfant
Travailleur-
membreF senior
PHOTOS
147
PHOTOS
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Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba
Emilia Romagna, Italie par © Ken Welsh
Coop Adriatica, Italie
SEWA, Inde
Cooperativa Telefónica de San Genaro, Argentine
Coopnatural, Brésil
Union Cab, États-Unis
SEWA, Inde
Image d’archive de Confcooperative Emilia-Romagna
SEWA, Inde
Coop Adratica, Italie
Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba
Wonju Medical Cooperative, Corée du Sud
Tswelelane Bakery, Afrique du Sud
CoopAdratica, Italie
Organic Valley, États-Unis
Cooperar 7 de mayo, Argentine
Wonju Food Cooperative, Corée du Sud
Mouvement Desjardins, Canada par © Claude Cote
SEWA, Inde
Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba
AFA, Argentine
Corporation Mondragon, Espagne
Corporation Mondragon, Espagne par © Lydie Nesvadba
À PROPOS DE CICOPA
CICOPA, une organisation sectorielle de l’Alliance Coopérative internationale, représente les
coopératives industrielles et de services dans le monde entier. Beaucoup de ces coopératives
sont des coopératives de travail associé, c’est-à-dire, des coopératives où les membres sont les
travailleurs de l’entreprise et qui se caractérisent par un type de relation de travail particulier, appelé
“travail associé”, différent de celui des salariés traditionnels ou des indépendants. Une typologie
nouvelle et croissante de coopératives représentées par CICOPA sont les coopératives sociales,
à savoir des coopératives dont la mission est la production de biens et services d’intérêt général.
CICOPA représente également les cooperatives de producteurs indépendants actifs dans l’industrie
et les services.
À PROPOS Du MOuVEMEnT DESJARDInS
Avec ses 45 000 employés, le Mouvement Desjardins est le premier groupe financier coopératif au
Canada et le quatrième au monde, avec un actif de 222 milliards de dollars. Il figure parmi les 100
meilleurs employeurs au Canada selon le palmarès établi par Mediacorp Canada. Pour répondre aux
besoins diversifiés de ses membres et clients, particuliers comme entreprises, sa gamme complète
de produits et de services est offerte par son vaste réseau de points de service, ses plateformes
virtuelles et ses filiales présentes à l’échelle canadienne. Considéré, en Amérique du Nord, comme la
quatrième institution financière la plus sûre selon le magazine Global Finance et la plus solide selon
l’agence d’information financière Bloomberg, Desjardins affiche des ratios de capital et des cotes
de crédit parmi les meilleurs de l’industrie. De concert avec l’Alliance coopérative internationale, le
Mouvement Desjardins accueillera, à Québec, le Sommet international des coopératives, du 6 au 9
octobre 2014.
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