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Jacques Englebert Faculté de Droit et de Criminologie Directeur de l'Unité de droit judiciaire G +32-(0)476 972 864 T +32-(0)81 230 243 F +32-(0)81 390-243 [email protected]
22 mars 2015
Analyse des aspects « procédure civile » du Plan Justice présenté par le ministre Koen Geens le 18 mars 2015 Le ministre de la Justice a présenté, ce 18 mars, un Plan Justice qui reprend l’ensemble des réformes qu’il entend mener afin de faire entrer la Justice dans le XXIe siècle (n° 53). Annoncée comme une loi « pot-‐pourri » il y a quelques mois, ce Plan s’avère être « un travail de mammouth », selon les termes mêmes du ministre (par référence aux lois dites « mammouth ») (p. 3). Les propositions sont nombreuses et certaines susceptibles de modifier très sensiblement les pratiques actuelles. Il s’impose de s’interroger sur leur pertinence, leurs effets éventuels sur l’amélioration de l’administration de la justice et sur leur faisabilité. Il m’a paru important de les analyser dans le détail. Cette analyse critique étant destinée, dans un premier temps, aux étudiants de 3ème bachelier en droit de l’ULB, dans le cadre du cours de droit judiciaire privé, elle ne porte que sur la partie du Plan Justice consacrée aux réformes de la procédure civile. I. « Les mesures proposées ont pour objet de diminuer le nombre de
procédures » Le Plan suggère « une diminution du nombre de procédures […] par le biais d'une adaptation du droit de procédure civile » (p. 27 in fine). Les règles de procédure civile visent à permettre la mise en œuvre du procès civil dans le respect des droits de la défense de toutes les parties, notamment en vue de garantir le caractère contradictoire du procès et dans l’objectif d’aboutir au prononcé d’une décision judiciaire. Ce n'est donc a priori pas par le biais de règles de procédure que l'on peut utilement limiter le nombre de procédures. Ce n’est en tous cas pas la fonction des règles de procédure.
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Si l’objectif de « diminuer le nombre de procédures » est louable, il conviendrait de connaître avec précision les motifs de l'augmentation des procédures (en distinguant l'introduction d'une nouvelle procédure de l'introduction d'une voie de recours), pour tenter d’agir sur ces causes. Il parait trop simpliste d'affirmer sans autre justification que « c'est en partie dû aux recours à des procédures y compris en degré d'appel qui n'ont souvent pour seul motif que de ralentir la procédure afin de reporter un paiement ou l'exécution d'un jugement »1. On ne met pas légitimement en place des réformes aussi importantes que celles suggérées sur un tel constat, partiel (« en partie ») et qui ne semble se fonder que sur des impressions, voire des a priori tendancieux (les parties ne seraient animées que par la volonté de ralentir la procédure) qui ne se constatent pas nécessairement en pratique, et non sur des faits tangibles.
Parmi les facteurs objectifs qui pèsent sur le nombre de procédures introduites, on peut en relever quelques uns qui ne sont en rien rencontrés par le Plan Justice. 1. Des facteurs sociétaux
-‐ La judiciarisation des relations sociales : l'individualisme rend insupportable les conséquences inévitables de la vie en communauté : tout « droit » doit impérativement être respecté et sanctionné et tout conflit qui en découle doit être réglé par la voie judiciaire ;
-‐ La législation et la réglementation qui entendent régir tous les domaines de la vie2 tant
sociale que privée, dans tous ses aspects et tous ses détails : tout devient matière potentielle à procès ;
-‐ La paupérisation du barreau : le nombre toujours plus élevé d'avocats et l’absence de
numerus clausus à l’accès à la profession ont pour conséquence que l’avocat ne remplit plus suffisamment une de ses fonctions qui est d'être « le premier juge de son client », en lui déconseillant d'introduire des procédures manifestement mal fondées. Au contraire, le client devenant – particulièrement en période de récession économique – une denrée rare, l'avocat peut être tenté de l’inciter à agir en justice ou à introduire une voie de recours, sans réelle chance de succès, dans le seul but de générer des prestations ;
-‐ La déficience des formations : le nivellement par le bas de la formation universitaire3,
où la règle est que tous les étudiants doivent réussir (l'étudiant rapportant de l'argent aux universités, il ne faut surtout pas le perdre), a des conséquence directes inévitables sur la compétence des juristes, futurs avocats et magistrats ; or l'incompétence est une source évidente de procédures évitables (mauvaise analyse des problèmes, mauvais arguments soulevés, mauvaises décisions prises par le juge, etc.).
1 Outre qu'une telle justification ne vise en réalité que les voies de recours et non les nouvelles procédures,
pourtant expressément visées dans l'exemple donné par le ministre juste avant cet extrait (n° 57, p. 28). 2 Et de la mort. Le litige opposant, en France, l’épouse de Vincent Lambert aux parents de ce dernier, concernant 2 Et de la mort. Le litige opposant, en France, l’épouse de Vincent Lambert aux parents de ce dernier, concernant
son euthanasie a généré un nombre considérable de procédures jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.
3 Caractérisée par l’abaissement du seuil de « réussite » à la note de 10/20.
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D’autres facteurs ont été, à juste titre, résumés par J. de Codt, Premier Président de la Cour de cassation, dans son discours de clôture de la journée d’alerte du Pouvoir judiciaire du 20 mars 2015 : « La prolifération de normes européennes et nationales créatrices de nouveaux droits et de nouveaux recours, la précarisation d’une partie importante de la population et l’affaiblissement de la morale publique engendrent une explosion du contentieux civil, pénal, social et fiscal ». 2. Des facteurs « techniques »
-‐ La médiocrité du travail législatif et réglementaire : les lois, décrets et arrêtés mal rédigés sont des nids à procès. Les Législateurs et les Exécutifs en sont les premiers responsables : dispositifs législatifs ou réglementaires mal rédigés, incomplets, obscurs, sujets à interprétations diverses, incompatibles avec d'autres normes internes ou internationales, incohérents avec le système normatif dans lequel la norme nouvelle est censée s'insérer, etc.
Ce n'est pas neuf, particulièrement en matière de procédure : en 1989, alors qu'il annonçait une grande réforme de… la procédure civile en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire (qui allait devenir la loi du 3 août 1992 réformant le Code judiciaire), le ministre de la justice Melchior Wathelet affirmait : « il faut accepter que toute réforme proposée soit nécessairement incomplète, voire imparfaite »4.
Je récuse ce défaitisme et ce renoncement à l’excellence comme étant la norme.
Malheureusement l'annonce était prémonitoire. La loi du 3 août 1992 était largement incomplète et sur beaucoup de points, très imparfaite. Quelles en ont été les conséquences ? De très nombreuses controverses, ouvrant la porte à des « procès dans le procès », multipliant les recours et obligeant, après des années de procédure, la Cour de cassation à se prononcer dans l'espoir, souvent vain, de clore la controverse.
Exemples : -‐ entre 1993 et 2007 (date de la seconde réforme en profondeur de la procédure
civile), la Cour de cassation a rendu cinq arrêts (différents!) sur la question de savoir quelle formalité devait être accomplie par les parties lorsqu'elles se « communiquent » leurs conclusions dès lors que la formalité n'était pas expressément visée par la loi5 ;
-‐ les conséquences de l'oubli d'un délai pour conclure, sur les délais subséquents (« théorie des dominos ») ont divisé la doctrine et la jurisprudence, en ce compris celle de la Cour de cassation, pendant des années, dès lors que le texte légal n'envisageait pas expressément cette hypothèse6 ;
-‐ la question de savoir si une partie qui n'avait pas pris de conclusions pouvait néanmoins plaider à l'audience, non réglée par la loi « imparfaite » a divisé la doctrine et la jurisprudence pendant des années, alimentant « les procès dans le procès » ;
4 M. Wathelet, « Discours de clôture des travaux », L'arriéré judiciaire, Actes du colloque tenu au Sénat le 26 mai
1989, éd. Sénat de Belgique, 1989, p. 142. 5 Sur cette controverse et la jurisprudence chaotique de la Cour de cassation, voy. J. Englebert, « Requiem pour
l'article 745, alinéa 2, du Code judiciaire », note sous Cass. 9 décembre 2005, J.T., 2006, pp. 5 à 9. 6 Voy. J. Englebert, « La mise en état des causes et l’audience des plaidoiries », Le procès civil accéléré ?, Larcier,
2007, pp. 153 et 154.
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-‐ la réglementation introduite en 2007 (loi du 21 avril 2007 et AR du 26 octobre 2007) concernant l'indemnité de procédure (intervention forfaitaire dans les frais d'avocats mise à charge de la partie qui perd son procès) a suscité et suscite encore de très nombreuses controverses qui divisent la doctrine et la jurisprudence et qui, comme le ministre Geens le constate lui-‐même doit encore faire l'objet de nombreux arrêts de la Cour constitutionnelle.
Le législateur, quelque soit la qualité de ses textes, n'évitera jamais totalement le risque qu'une controverse surgisse sur l'application de telle ou telle autre disposition. Il doit néanmoins veiller à ne pas alimenter ces controverses en produisant des textes de la plus haute qualité possible7. Il suffit de lire les avis de la section de législation du Conseil d’État pour constater que telle n'est pas la norme.
-‐ L'incapacité du juge à prononcer une décision qui tranche le litige de façon convaincante pour toutes les parties.
A cet égard la qualité de la motivation des décisions de justice est essentielle. Mieux une décision sera motivée, plus elle incitera le justiciable à renoncer à la contester et plus il sera enclin à l'accepter comme vérité judiciaire. Il convient donc d'investir dans la motivation. La proposition du ministre de mettre en place « une motivation plus simple » n’est donc pas un bon signal. De même, une collégialité effective (c'est-‐à-‐dire des sièges composés de trois magistrats qui délibèrent effectivement ensemble sur tous les dossiers) est une source essentielle de la qualité des décisions et donc de leur motivation. A cet égard, il s'impose de généraliser cette collégialité (et non de la supprimer totalement comme le suggère le ministre), spécialement dans l'objectif poursuivi de revaloriser l'instance et de réduire les voies de recours.
3. Des facteurs organisationnels Le ministre insiste pour le maintien de l'égalité de traitement des justiciables. Or, cette égalité est, dans les faits, déjà parfois bafouée. Elle l’est par le fait que l’arriéré judiciaire ne frappe pas de la même façon toutes les juridictions, ni tous les contentieux. Elle l’est aussi dans la façon dont sont traités certains contentieux. Comment par exemple justifier qu'une chambre de la cour d'appel de Bruxelles consacre la plus grande part de ses audiences aux seuls contentieux qui opposent les opérateurs télécoms entre eux. Ainsi récemment (octobre et novembre 2014), dans le cadre d'un litige de concurrence entre Belgacom, Mobistar et Base, la 9ème chambre de la cour d'appel a fixé trente (30) audiences (soit au total 90h00 d'audience), uniquement pour les plaidoiries des avocats de ces trois sociétés dans un seul dossier (voir pièce jointe). Tout ce temps réservé à ces trois sociétés l'est nécessairement au détriment de l'ensemble des autres justiciables.
7 On ne peut évidemment pas faire reproche aux avocats de tirer profit de ces textes imparfaits pour assurer la
mission qui leur a été confiée : faire gagner ou ne pas faire perdre leurs clients.
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II. « Débat sur les tâches essentielles » Les propositions formulées p. 27 du Plan (n° 54) n'appellent pas d'observations et doivent être approuvées. Il faut en effet décharger le pouvoir judiciaire de tâches périphériques qui peuvent parfaitement être accomplies, sans moins-‐value, par d’autres entités. D'autres tâches administratives remplies par les greffes et/ou les magistrats pourraient sans doute être identifiées. III. « Moins de recours »
1. Mesures proposées Le Plan suggère de « régler autant que possible les affaires en première instance » (p. 28). Pour ce faire, il entend limiter l'exercice de l'appel de trois façons :
-‐ « Nous exclurons autant que possible les demandes supplémentaires qui ne seront formulées qu'en degré d'appel » (n° 59). La notion de « demande supplémentaire » est inconnue en droit judiciaire. Sans doute la proposition vise-‐t-‐elle à limiter la possibilité d'introduire pour la première fois en appel des demandes incidentes (demande nouvelle, demande reconventionnelle, demande en intervention) qui n'ont pas été préalablement soulevées en première instance. Si tel est le but poursuivi, il n'est pas en soi critiquable mais il doit alors s'intégrer dans une réflexion plus large sur une redéfinition complète de la nature et de l'objet de l'appel (voy. infra). Il conviendrait aussi d'évaluer les conséquences qu'une telle mesure pourra avoir sur l'introduction de nouvelles procédures : la demande incidente « nouvelle » qui ne peut plus être introduite en appel, pourrait justifier l'introduction d'une nouvelle procédure en instance ; dans ce cas, l'effet de la mesure est nul.
-‐ Il est suggéré de ne plus autoriser l'appel contre des jugements interlocutoires portant
sur des mesures provisoires ou d'instruction8 séparément de l'appel « sur le fond ». Il s'agit de la généralisation d'une mesure mise en place par la loi du 3 août 1992 qui a limité le droit de faire appel contre une décision sur la compétence du juge en obligeant d'attendre un jugement « définitif » 9 . Cette mesure, en raison de sa rédaction bancale, a suscité elle-‐même de nombreuses difficultés d'application. Le législateur veillera dès lors à être particulièrement précis dans l'énoncé de la règle nouvelle.
8 La question de savoir si les autres décisions, notamment sur une exception de procédure, prises en cours
d’instances sont également visées par cette mesure, reste posée. La proposition devra donc être précisée. 9 On sera attentif au fait qu’en droit de la procédure civile, un jugement « définitif » n'est pas nécessairement un
jugement qui règle définitivement le litige quant au fond. Il s'agit d'une décision par laquelle le juge vide sa saisine sur une question litigieuse, cette question pouvant ne porter que sur la procédure.
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Le but annoncé est d'éviter des appels interjetés uniquement « pour ralentir le
traitement de l'affaire ». Or, il n'est pas certain – pour autant que ce but soit avéré – que de tels appels ralentissent le traitement du dossier dès lors que 1°) les mesures d’instruction sont de plein droit exécutoires par provision en sorte que l’appel n’aura pas d’effet suspensif sur la mesure ordonnée par le premier juge, qui pourra donc se poursuivre parallèlement à l’instruction de l’appel, et 2°) par l'effet dévolutif de l'appel, même si l'appel ne porte que sur un jugement interlocutoire, il saisit le juge d'appel (sauf exceptions) de l'ensemble du litige dont le premier juge est dès lors définitivement dessaisi. Si on prend en compte, pour analyser la durée de la procédure, tant le procès en première instance que celui, éventuellement poursuivi en appel, la règle actuelle de l'effet dévolutif de l'appel a pour effet d'accélérer la procédure dans son ensemble puisque par un effet d’absorption des demandes, elle fait obstacle à la poursuite de la procédure de première instance10.
C'est en réalité cet effet dévolutif que le Plan entend combattre puisque le ministre
précise : « La première instance s'en trouve en outre revalorisée, en ce sens que le fond de l'affaire n'est plus évoqué pour la première fois en degré d'appel ». A nouveau une telle mesure doit s'intégrer dans une réflexion plus large sur le sens procédural que l'on entend encore réserver à l'appel (voy. infra).
-‐ Le Plan propose la suppression de l'effet suspensif de l'appel (sauf exception) et
l'inversion de la règle actuelle : l'appel ne serait plus suspensif de l'exécution de la décision attaquée, sauf si la loi ou le juge en décide autrement.
Cette proposition doit être approuvée. Elle est proposée de longue date par la doctrine. Elle permet de combattre les appels dilatoires introduits dans le seul but de suspendre l’exécution de la décision d’instance. Il s'impose néanmoins de préciser qu'il s'agira toujours d'une exécution provisoire (puisque le titre exécutoire pourrait être réformé en appel), qui se fait aux risques et périls de la partie qui la poursuit (avec donc en cas de réformation, obligation de restitution et de réparation). Le cas échéant, l’exécution provisoire devra être assortie de garanties, qui sont déjà prévue par la loi11
2. Appréciation : une réforme incomplète Il s’agit de mesures partielles dont certaines ne sont justifiables (suppression du droit d’introduire des demandes nouvelles en appel) que si l’on revoit la fonction même de l’appel. Dès lors, si l'on veut, comme le souhaite le ministre, réellement faire entrer la justice dans le XXIe siècle, une réflexion plus globale sur le sens et la fonction de l'appel s'impose. Cette réflexion a en réalité déjà eu lieu. 10 Par l’effet dévolutif de l’appel, le juge d’appel est saisi de l’ensemble du litige, c’est-‐à-‐dire des points qui ont
déjà été tranché par le premier juge et qui sont précisément critiqués par l’appel mais également de tous les aspects de la demande que le premier juge n’avait pas encore abordés.
11 Le juge qui prononce l’exécution provisoire peut assortir celle-‐ci de l’obligation pour la partie poursuivante de fournir une caution (art. 1346 à 1351 C. jud.) ou le droit pour la partie qui doit s’exécuter provisoirement de cantonner (art. 1403 à 1407bis C. jud.).
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Depuis plusieurs années, la doctrine en droit judiciaire, réfléchit à une limitation de la portée de la procédure d'appel. Au cour d’un colloque sur le thème Repenser l’appel, tenu à Gand en mai 201112, le constat a été fait qu'une réforme de l'appel s'impose en raison de l'arriéré judiciaire que connaissent plusieurs cours d'appels où en 2011, mais la situation ne s'est pas améliorée, les délais de fixation pouvaient aller jusqu'à trois voir cinq ans13. Toutes les mesures suggérées par le ministre étaient déjà proposées dans les actes de ce colloque14. L'essentiel n'est toutefois pas dans ces mesures, mais bien dans le choix préalable, que le ministre ne fait pas, entre une procédure d'appel comprise comme étant « une voie d'achèvement » du procès, qui permet en réalité de refaire intégralement le procès (en introduisant en appel des nouveaux éléments, de fait et de droit ainsi que de nouvelles demandes), ce qui est le système actuel, et l'appel « voie de correction » de la décision d'instance (système prévalent notamment en Allemagne et en Italie) où la fonction du juge d'appel se restreint à la correction des erreurs procédurales ou matérielles commises par le premier juge15. 3. Justification d’une redéfinition de la fonction de l’appel Plus rien ne distingue aujourd'hui le juge d'instance du juge d'appel. Ce ne sont pas nécessairement les magistrats les plus compétents ou les plus expérimentés qui sont nommés conseillers à la cour d'appel. Les arrêts des cours d'appel ne sont pas nécessairement systématiquement mieux motivés que les jugements d'instances. Rien ne justifie, dans de telles circonstances, qu'un deuxième débat, complet, puisse être refait en appel et que la décision du juge d'appel s'impose à celle du juge d'instance. Le ministre en fait l’aveu lorsqu’il propose que « les juges devraient pouvoir être nommés à titre complémentaire aux grades de promotion de conseiller ou de juge de paix, ce qui […] permet […] de siéger en tant que conseiller unique ou en tant que juge de paix dirigeant dans une justice de paix » (n° 381). On comprend donc qu’un magistrat d’instance peut aussi bien siéger, concomitamment à sa fonction de juge d’instance, en cour d’appel qu’en justice de paix. Ce serait révolutionnaire. Mais cela démontre qu’il n’y a plus, entre ces magistrats, la moindre différence16.
12 Colloque du Centre Inter-‐Universitaire de droit judiciaire, du 5 mai 2011, Repenser l'appel, éd. La Charte, 2012,
272 p. 13 P. Taelman, « Avant-‐propos », Repenser l’appel, op. cit., p. VII. Dans « l’exposé des motifs » du projet de loi
modifiant le Code judiciaire, devenu la loi du 3 août 1992, le ministre de la justice de l’époque écrivait déjà : le « système très libéral qui permet l’appel pour presque la totalité des litiges n’est concevable que si les juridictions, particulièrement les cours d’appel, ne sont pas surchargées et ne connaissant pas d’arriéré. Or, la situation dramatique des fixations devant les cours d’appel impose de modifier le Code judiciaire sur ce point » (Doc. Sénat, 1198-‐1 (1990-‐1991), p. 6). C’était il y a 25 ans !
14 Voy. spécialement la note de MM. M. Dewart, G. de Leval et F. Georges, « Optimalisation institutionnelle et fonctionnelle de l'appel », pp. 187 et s., qui suggéraient notamment :
-‐ la revalorisation du premier degré de juridiction et la généralisation de l'exécution provisoire -‐ la généralisation de l'appel postposé. De même plusieurs auteurs proposaient des limitations à l'introduction de demandes incidentes nouvelles en
appel. 15 J. van Compernolle, « Repenser l'appel : réflexions conclusives », spécialement le point II « la fonction du
recours d'appel », Repenser l’appel, op. cit., p. 242. 16 Cette idée, particulièrement saugrenue, de faire siéger un juge d’instance en appel, en plus de ses fonctions au
sein du tribunal, est confirmée au n° 337 du Plan, où il est précisé que la « mobilité externe devient ainsi
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Le système actuel ne substitue en définitive que la subjectivité d’un juge à celle d’un autre. Il est dès lors injustifiable et indéfendable. Face à cette réalité et dès lors que le double degré de juridiction n’est pas un droit fondamental, le seul véritable progrès qui constituerait une réelle (r)évolution, consiste a définitivement abandonner, au civil, l'appel en tant que voie d'achèvement du procès (comme un deuxième « round ») pour n'en faire qu'une voie de correction des erreurs procédurales et matérielles du premier juge. Seul ce choix fondamental permet 1°) de véritablement revaloriser l'instance, obligeant les parties (et leur conseil) à un salutaire effort de concentration du débat, qui leur impose « de produire dès la première instance tous les éléments factuels et juridiques de leur litige »17 et 2°) de dégager les moyens nécessaires (notamment humains) pour effectivement revaloriser l'instance qui passe inévitablement par la généralisation des chambres collégiales. IV. Limitation des mesures d'instructions Incidemment à propos de l'appel, le Plan précise que « les mesures d'instruction ne pourront plus être ordonnées que dans les cas et dans la mesure où cela s'avèrent vraiment nécessaire » (n° 50, in fine). Manifestement, le ministre ignore qu'à l'occasion de la réforme du droit de l'expertise, par la loi du 15 mai 2007 (qui a dû faire l'objet d'une loi dite « de réparation » du 30 septembre 2009), le législateur a introduit un nouvel article 875bis dans le Code judiciaire, imposant le caractère subsidiaire des mesures d'instruction : « Le juge limite le choix de la mesure d'instruction à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en privilégiant la mesure la plus simple, la plus rapide et la moins onéreuse ». Avant d'encore réformer un régime qui a été fondamentalement revu en 2007 et 2009, il conviendrait d’évaluer les conséquences pratiques qu'une telle règle a eue sur les mesures d'instruction. V. « Pas de procédure avec un titre exécutoire » Le Plan suggère que les « autorités et autres organismes de droit public » cessent d'introduire des procédures judiciaires en vue de l'obtention d'un titre exécutoire alors qu'elles peuvent se délivrer à elle-‐même un tel titre (telle une contrainte). Cette mesure n'appelle pas d'observation si ce n'est qu'on perçoit difficilement le sens exact de la dernière précision donnée, qui manque singulièrement de clarté18.
possible au sein de juridictions de type identique ou différent, au sein d’un degré de juridiction identique ou différent ainsi que dans ou en dehors de son propre ressort. […]. ».
17 J. van Compernolle, Repenser l’appel, op. cit., p. 242. 18 Qui se lit comme suit : « Les autorités et organismes sont dissuadés d'initier, en pareil cas [note : c'est-‐à-‐dire
lorsqu'ils peuvent s'auto-‐délivrer un titre exécutoire], une procédure devant le tribunal, en renvoyant systématiquement à eux pour l'ensemble des frais de justice, en sorte qu'une indemnité de procédure ne doit jamais être payée par le défendeur, même si celui-‐ci succombe » (sic).
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VI. « Moins de procédures devant le juge de paix et le tribunal de la famille » Il est suggéré de dispenser les parties d'introduire une procédure judiciaire dans une série d'hypothèses où l'intervention du juge n'apporterait pas de réelle plus-‐value et/ou où les droits des parties ne risquent pas d'être violés. Dans son principe, cette démarche n'est pas critiquable. Il reste à vérifier auprès des spécialistes des matières concernées, si les propositions faites correspondent bien aux hypothèses visées ci-‐dessus. VII. « Réforme en profondeur de la procédure civile » 1. Rappel des principes et des réformes déjà intervenues La procédure civile est fondée sur un Code (le Code judiciaire) rédigé dans les années soixante et qui est entré en vigueur en 1970. Il était le fruit d'un travail préparatoire d'une grande ampleur qui avait été réalisé sous la direction et l'impulsion du professeur Charles Van Reephinghen et poursuivi, au décès de celui-‐ci, par le professeur Maurice Krings. La nécessité de réformer ce Code, essentiellement en vue de combattre l'arriéré judiciaire, s'est faite sentir dès le début des années quatre-‐vingts. Une première réforme substantielle a fait l'objet de la loi du 3 juin 1992 modifiant le Code judiciaire. Quinze années après cette première réforme, le législateur a fait le constat de l'échec de celle-‐ci, en tous cas au regard du but poursuivi de combattre l'arriéré judiciaire. Une deuxième réforme, à nouveau d’importance, a en conséquence été votée le 26 avril 2007. Il conviendrait à présent, selon le ministre, de « réformer la procédure civile en profondeur ». Au vu de l'historique précité, il s'impose d'être prudent et de procéder avant toute nouvelle réforme de la procédure à une évaluation des règles actuellement en place. La prudence s’impose d’autant plus qu’on ne voit pas, dans les propositions faites, comment se concrétisera cette « réforme en profondeur ». Sauf, apparemment, par l’informatisation (voy. infra). Le ministre devrait donc clarifier son propos au plus vite. 2. Annonce d’une simplification de la procédure « La procédure civile sera simplifiée sur différents points de manière à éviter au maximum les formalités inutiles ». On ne peut qu'applaudir des deux mains une telle déclaration tout en s'interrogeant sur les raisons qui auraient incité, par le passé, le législateur à mettre en place des « formalités inutiles » qu'il conviendrait à présent de supprimer. Le ministre précise dans sa note qu'une « personne qui a raison doit avoir gain de cause de la manière la plus simple, la plus rapide et la moins onéreuse possible ». Cette vision particulièrement simpliste du contentieux suscite par contre de vives inquiétudes quant aux mesures qui seront effectivement proposées pour « simplifier » la procédure. En effet, bien malin est celui qui peut à l'avance désigner « la personne qui a raison ». C'est précisément parce que les prétentions des parties sont controversées, en fait et/ou en droit, qu'un procès faisant appel à l'arbitrage d'un tiers (le juge) est nécessaire.
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Il est évidemment regrettable qu'un ministre, lui-‐même avocat depuis de nombreuses années, puisse passer à côté d’une telle évidence. 3. Analyse critique de la « réforme en profondeur » en préparation Sur la « réforme en profondeur » de la procédure qu’il annonce (n° 66), le Plan ne dit en définitive pas grand-‐chose. 3.1 Le ministre promet un « environnement informatique moderne » Cette promesse ne trompera personne. Deux lois, visant à l'informatisation de la procédure civile ont déjà été votées par le parlement, les 10 juillet et 5 août 2006 (projet Phénix). Malgré les espoirs qu'elles ont fait naître, ces lois ne sont jamais entrées en vigueur19. Le ministre ne nous en voudra dès lors pas pour notre scepticisme face à de belles promesses, toujours réitérées depuis 2006. Jamais exécutées. Il comprendra qu'on jugera l'informatisation de la procédure sur ces actes. D'autant plus qu'au même moment le ministre annonce une réduction des dépenses relatives à l'informatique20. Une informatisation est toutefois annoncée comme certaine. Un projet-‐pilote devrait être mis en place avec les tribunaux de commerce dès 2015. Plusieurs informations quant à cette informatisation sont données par le Plan. 3.1.1 Les applications d'aide au traitement des affaires « L'informatique » devrait à l’avenir jouer un rôle important, notamment dans la prise de décision par le juge. Il est en effet annoncé que « l'examen et le jugement d'une affaire seront soutenus au maximum par des applications informatiques » (n° 66). Les juges seront ainsi « assistés » par des programmes informatiques « soutenant » l'examen de l'affaire et la prise de décision. On comprend que la note du ministre évoque une « réforme radicale ». Un projet pilote est prévu au sein des tribunaux de commerce, dès 2015. Le cauchemar annoncé par certains21 deviendrait ainsi réalité : si tout va bien, nous plaideront devant des robots dans quelques années. Mais il ne sera évidemment même plus nécessaire de plaider, puisque c'est bien connu, l'informatique est infaillible. 19 Démentant ainsi la prédiction pleine d'enthousiasme du professeur D. Mougenot qui écrivait, en 2007 : « on
peut affirmer que ces lois entreront en vigueur , au plus tard le 1er janvier 2009, mais probablement avant, au fur et à mesure du déploiement du projet Phénix » (« Le Code judiciaire à l'épreuve du cyberespace : une réforme réussie ? », publiée dans les acte du colloque du 8 février 2007, Phénix – Les tribunaux à l'ère électronique, Bruylant, 2007, 249 p.).
20 Dans un article publié dans La Libre du 17 mars, le Conseil consultatif de la magistrature relève que le budget pour les dépenses diverses relatives à l'informatique est passé de 21,153 millions (2014) à 16,546 millions (2015).
21 Voy. les brefs mais interpelants développements sous l'éditorial du président de l'OBFG (AVOCATS.BE), dans La Tribune Flash du 16 mars 2015 (http://us2.campaign-‐archive2.com/?u=d552fd66716b81b8fb8f922cc&id =3760b72f5b&e=349f055437 ).
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3.1.2 La généralisation des communications numériques Cette généralisation des communications numériques authentifiées était déjà prévue dans le projet Phénix. C’est évidemment un préalable à toute informatisation de la justice. Elle doit être mise en place sans délai. 3.1.3 Le programme « ICT-‐Justice » Le plan d'informatisation de la justice et son financement sont décrits dans un chapitre spécifique du Plan, à partir du n° 280. 3.2 Le ministre annonce une réforme de la mise en état 3.2.1 Notions La mise d'une cause en état d'être plaidée est la période du procès pendant laquelle les parties échangent les pièces et leurs conclusions qui contiennent leur argumentation en fait et en droit. Cette phase du procès qui a contenu de très importants retards par le passé, dès lors qu'il n'existait pas, jusqu'à la réforme précitée de 1992, de délais contraignants permettant de forcer une partie récalcitrante à collaborer à cette mise en état du dossier, était au centre des réformes, tant de 1992 que de 2007. Le système actuel est le suivant :
-‐ dans toutes les affaires introduites, un calendrier contraignant d'échange de conclusions est fixé par le juge qui fixe, en même temps, la date de l'audience à laquelle la cause sera plaidée (c'est la mise en état judiciaire) ;
-‐ par exception, les parties peuvent de commun accord renoncer à un tel calendrier contraignant et décider de mettre la cause en état sans délai contraignant (c'est la mise en état amiable). Elles doivent alors solliciter conjointement le renvoi de leur affaire au rôle général (ce qui équivaut à une remise sine die) ; elles ne pourront demander la fixation d'une audience pour plaider que lorsqu'elles auront échangé, entre elles, toutes leurs conclusions.
En pratique, dans la très grande majorité des cas, la procédure fait l'objet d'une mise en état judiciaire. Dans cette hypothèse, soit le juge acte le nombre de conclusions échangées et les délais convenus entre les parties (mise en état judiciaire consensuelle), soit à défaut d'accord, il doit lui-‐même fixer le nombre de conclusions et les délais (mise en état judiciaire contraignante). Dans les deux cas, les délais sont contraignants et le juge fixe par ailleurs la date de l'audience des plaidoiries. 3.2.2 Annonce d’une optimalisation et d’une simplification de la phase de mise en état Le Plan annonce en effet que cette phase de la procédure sera « sensiblement optimalisée et simplifiée » (n° 66). Comment ?
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1°) « L'intervention du juge dans les aspects administratifs de cette phase sera réduite
autant que possible » Actuellement, le juge doit prononcer une ordonnance de mise en état. Il agit là dans le cadre de sa fonction juridictionnelle. Cette ordonnance est notifiée aux parties par le greffe, sauf si les parties y renoncent. On ne voit dès lors pas quelle est l'intervention actuelle du juge dans les « aspects administratifs » de la mise en état ? Comme on l'avait suggéré en 2007, sans doute faudrait-‐il revenir « aux bonnes pratiques » d'avant l'entrée en vigueur de la loi de 2007 et permettre au juge de simplement faire acter les délais, soit convenus, soit imposés aux parties, à la feuille d'audience, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une ordonnance. Une simple copie de cette feuille d'audience pourrait être envoyée aux parties lorsque les délais n'ont pas été actés ou décidés en leur présence. 2°) « un calendrier légal et contraignant » La simplification se fera en réalité par la suppression a priori de l’intervention du juge dans la fixation du calendrier d'échange des conclusions. En effet, la note précise qu’ « une première étape concrète visant à rendre plus efficace la 'mise en état' de l'affaire consiste à se baser sur un calendrier des conclusions légal et contraignant qui dépend du timing de l'audience de plaidoiries, comme c'est déjà le cas pour le Conseil d’État et la Cour constitutionnelle22 ». Les délais pour conclure seraient donc à l'avenir fixés par la loi. Ce n'est que « si des circonstances particulières inhérentes à l'affaire le requièrent [que] le juge pourra adapter ce calendrier légal ». Cette proposition témoigne d'une méconnaissance totale de la pratique et des problèmes rencontrés au quotidien dans la mise en état des causes et doit être très fermement combattue :
-‐ D'abord, elle est pratiquement irréaliste. Le ministre précise en effet qu'il faut prendre en compte le « timing de l'audience de plaidoiries »23 pour fixer les délais pour conclure. On en déduit que plus la date pour l'audience de plaidoiries sera éloignée dans le temps, plus les délais de mise en état seront allongés24. On perçoit mal comment, en pratique, la loi – donc en termes généraux – va pouvoir fixer les délais pour conclure en tenant compte de ce « timing de l'audience de plaidoirie », dès lors que ce « timing » n'est évidemment pas le même d'une juridiction à l'autre ni même, au sein d'une même juridiction, d'une chambre à l'autre. Il dépend en effet de l'état de l'arriéré judiciaire au sein de chaque juridiction.
22 Dès lors qu'elles ne connaissent que de contentieux objectifs, la comparaison avec la procédure devant ces
deux juridictions n'est pas pertinente. 23 On présume que cette expression vise la date de l’audience des plaidoiries. 24 Ce qui n'est pas du tout la règle devant le Conseil d’État ou la Cour constitutionnelle !
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-‐ Ensuite, comme j'ai déjà eu l'occasion de souligner en 2007, ce n'est évidemment pas la date de l'audience qui doit seule influencer le calendrier de mise en état mais bien, à titre principal, la nature et la complexité de l'affaire. Les délais nécessaires (tant leur nombre que leur durée) ne seront pas les mêmes pour telle affaire, simple, qui n'oppose que deux parties, que pour telle autre affaire, complexe, qui oppose quatre ou cinq parties (voire plus). L'urgence de la cause devrait également être prise en compte, spécialement dans le cadre des procédures en référé, comme en référé ou en saisies. La situation des parties et les éventuelles difficultés de communication avec leurs conseils sont également des éléments à prendre en compte. C'est précisément parce que la loi ne peut évidemment pas envisager toutes les hypothèses, innombrables et variées dans la pratique, que le législateur a laissé le soin au juge, soit sur accord des parties, soit après avoir pu entendre leurs observations, de fixer ce calendrier qui variera donc nécessairement d'une affaire à l'autre. Si un tel système de délais « légaux » était mis en place, gageons que les juges seront saisis d'innombrables demandes en adaptation de ces délais aux circonstances de leur cause, rendant la simplification souhaitée illusoire dès lors qu'il appartiendra nécessairement au juge de répondre à ces demandes. Sauf erreur, le système actuel ne soulève plus de difficulté majeure et je comprends mal les raisons qui justifieraient qu'on le change.
-‐ Enfin, l'Exécutif persiste dans sa mauvaise foi (déjà dénoncée lors de la réforme de
2007) en affirmant que grâce à ces modifications proposées à la phase de mise en état, « le traitement des affaires s'en trouvera accéléré ». C'est totalement inexact et le ministre ne peut pas l'ignorer. Seul le raccourcissement des délais de fixation (c'est-‐à-‐dire la possibilité de disposer d'une audience libre pour plaider son affaire plus rapidement qu'actuellement) permet effectivement d'accélérer le traitement des dossiers. Sur ce point précis (comment va-‐t-‐on faire, en réduisant les moyens, pour fixer plus rapidement des audiences ?), le Plan du ministre est muet et ne contient aucune proposition, comme c'était déjà le cas en 1992 et en 200725.
4. Les dangers de l’informatisation Il faut peut-‐être trouver dans l'informatisation annoncée de la justice les raisons de cet aménagement de la mise en état que la pratique actuelle ne rend en rien nécessaire. En effet, la référence à l’application informatique devant aider les juges dans « l’examen et le jugement » de la cause se trouve dans la paragraphe (n° 66) consacré à la réforme de la procédure et en particulier de la mise en état. Par ailleurs, évoquant la mise en place du projet pilote précité dans les tribunaux de commerce, le ministre précise que « l'introduction de 25 Il est par ailleurs hautement fantaisiste d'écrire que la fixation de délais légaux pour l'échange des conclusions
« responsabilisera les parties et leurs avocats lors de la préparation de l'audience de plaidoiries ». Et qu'il « sera impossible de faire s'éterniser le traitement de l'affaire en raison de circonstances qui n'ont aucun rapport avec l'affaire même ». Outre qu'on ne voit pas le rapport entre cette constatation et la mesure préconisée, force est de constater qu'avec les mesures mises en place en 1992 et surtout en 2007 il est déjà possible d'empêcher que la mise en état de la cause s'éternise.
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l'application ‘NEW 2.0’ ira de pair avec l'introduction de la nouvelle procédure civile de mise en état qui sera appliquée dans cette première phase dans les tribunaux de commerce. La composante wrokflow de l'application ‘NEW 2.0’ offrira le support spécifique nécessaire à cette nouvelle procédure afin de garantir une efficacité maximale pour toutes les personnes concernées ». Cette phase est annoncée pour 2016. Ces précisions permettent de comprendre que le projet de réforme de la mise en état des causes est déjà bien plus avancé que ne le laisse entendre les quelques développements sibyllins repris au n° 66 de la note. Je m'interroge sur les motifs de cette rétention d'informations. Une information complète doit être donnée. Faut-‐il comprendre que les délais de mise en état seront fixés « légalement » par un programme informatique qui, sur base des données encodées, déterminera automatiquement le calendrier d’échange de conclusions, supplantant l’accord des parties ? Se verra-‐t-‐on répondre un jour, lorsque les parties demanderont d’aménager ce calendrier informatique que « ce n’est pas possible parce que le programme ne le permet pas » ? Est-‐ce là le progrès et la simplification annoncée par le ministre ? Voici donc autant de questions actuellement sans réponse mais qui suscitent de légitimes inquiétudes. Enfin, un dernier aspect des réformes annoncées m’interpelle : pourquoi le projet-‐pilote de cette nouvelle mise en état n’est-‐il pas poursuivi au tribunal de première instance, exclusivement avec des juges professionnels, principalement concernés par la gestion de la mise en état et parfaitement conscient des exigences du contradictoire, plutôt qu’au tribunal de commerce, devant des juges parfois moins concernés par le respect stricte de la procédure ? Mais poser la question est peut-‐être y répondre. VIII. Réforme du régime des « vices de forme » Le Plan évoque une nouvelle réforme de l'article 867 du Code judiciaire26. Ce ne sera que la quatrième depuis 1992 ! Actuellement, la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée que si la loi le prévoit expressément (art. 860 Code judiciaire) et pour autant que la partie qui invoque cette nullité justifie que le non respect de la formalité lui a causé un grief (article 861) (sauf dans quelques hypothèses visées à l'article 862 pour lesquelles le grief est présumé). La loi prévoit par ailleurs plusieurs cas de couverture de la sanction de nullité (qui ne pourra dès lors pas être prononcée) :
-‐ pour toutes les nullités relatives (qui ne sont pas d'ordre public), elles sont couvertes si l'argument n'a pas été soulevé avant tout autre moyen (c'est-‐à-‐dire comme premier argument dans les premières conclusions) (art. 864, al. 1er) ;
-‐ pour les nullités absolues (concernant les formalités pour lesquelles il ne faut pas prouver de grief), elles sont couvertes si elles n'ont pas été soulevées avant qu'un jugement ne soit prononcé (art. 864, al. 2) ;
-‐ pour une des formalités qui suscite le plus de problèmes, la signature d’un acte, une couverture spéciale a été introduite par un article de la loi du 10 juillet 2006 entré en vigueur le 1er janvier 2013 (nouvel art. 863 C. jud.), qui écarte radicalement la nullité : « Dans tous les cas où la signature est nécessaire pour qu'un acte de procédure soit
26 Qui est encore un bel exemple de l'incompétence du législateur qui a dû s'y prendre à trois fois (loi du 3 août
1992, loi du 23 novembre 1998 et loi du 26 avril 2007) pour arriver au texte actuel qui reste imparfait.
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valable, l'absence de signature peut être régularisée à l'audience ou dans un délai fixé par le juge » ;
-‐ enfin, pour toutes les nullités, l'article 867 prévoit qu'elles sont couvertes si la partie qui est responsable de l'acte entaché de nullité peut prouver que nonobstant le mauvais accomplissement de la formalité, le but que la loi assigne à l'acte litigieux a bien été atteint.
En pratique, il sera établi que le but de la loi a été atteint en prouvant que la partie qui invoque la nullité n'a pas de grief. Eu égard à l'article 867, dans le régime actuel, la partie qui soulève la nullité d'un acte devra donc toujours prouver que cette nullité lui cause un grief (soit en application de l'article 861, soit pour s'opposer à la couverture de l'article 867). La proposition formulée par le ministre correspond donc à la situation actuelle. Elle est sans objet. IX. « Motivation simplifiée » De longue date, revient régulièrement l'idée de simplifier l'obligation qui s'impose aux juges de motiver leurs décisions. Cela a notamment été le cas avec la suggestion de recourir à la « motivation positive ». J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le mal qu'il convenait de penser de cette « fausse bonne idée »27. La motivation revient donc sur le tapis par une voie détournée. Il s'agirait d'imposer « une structure fixe pour les conclusions » (sic), « mais sans utiliser un formulaire type » (c'est déjà ça!). Grâce à la « structure fixe » des conclusions, il est suggéré que l'on va faciliter le travail de motivation des juges qui devront répondre « suivant la même structure aux moyens invoqués ». C'est une revendication persistante de certains magistrats qui veulent imposer aux parties une présentation structurée et/ou un récapitulatif de leurs moyens, tout en limitant l'obligation de motivation du juge à la réponse à ces seuls moyens expressément identifiés. Le but étant de dispenser le juge de « rechercher » lui-‐même les moyens des parties, au risque en plus d'en oublier (et dès lors de prêter le flanc à une cassation). Cette revendication de certains magistrats ne s’explique que pour certains contentieux, particulièrement complexes, qui génère des conclusions très volumineuses, au sein desquels un moyen peut être subtilement « masqué ». Pour la très grande majorité des contentieux, une telle revendication est totalement sans objet. Il faut y avoir égard quand on légifère et ne pas prendre comme point de départ une situation exceptionnelle pour régler uniformément tous les contentieux. Cette suggestion d’une « modélisation des conclusions » a déjà été sévèrement critiquée, notamment par le conseiller émérite à la Cour de cassation Claude Parmentier, qui souligne l'incompatibilité d'une telle règle avec la mission essentielle du juge qui est d'appliquer la règle de droit aux faits qui lui sont soumis. Rappelant qu'il appartient au juge de « rechercher, appréhender, interpréter la règle de droit et, partant, au besoin, relever d'office un moyen de
27 « La motivation positive : une fausse bonne idée pour lutter contre l’arriéré judiciaire », Le droit judiciaire en
effervescence, éd. Jeune Barreau Bruxelles, 2007, pp. 127 à 145.
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droit, c'est-‐à-‐dire faire spontanément application au litige de la règle de droit qu'aucune des parties n'invoquaient »28. Cette suggestion serait par ailleurs incompatible avec une règle essentielle selon laquelle les parties ne sont pas obligées de qualifier en droit les faits qu'elles soumettent au juge29. Généraliser une « structure fixe » des conclusions ou abandonner le principe précité selon lequel les parties n’ont pas l’obligation de qualifier les faits, aurait pour conséquence de rendre parfaitement illusoire la possibilité pour les parties d’encore se défendre elles-‐mêmes (ce qui reste assez fréquent pour certains contentieux). Enfin pourquoi faudrait-‐il imposer au juge de répondre aux moyens développés par les parties en respectant la même structure qui pourrait se révéler parfaitement incohérente ou incomplète. On n’y voit dès lors aucun progrès. Au contraire, comme souligné en introduction de cette analyse, il convient de renforcer la motivation et sa qualité pour tendre à l'apaisement et à l'acceptation de l'œuvre de justice que constitue le jugement. X. « jugement par défaut » Le Plan suggère de limiter l'obligation de contrôle du juge statuant par défaut à un « contrôle marginal ». Sous réserve de la vérification de la régularité de la procédure et essentiellement de ce qu'il ressort des pièces du dossier que la partie défaillante a effectivement été touchée par l'acte introductif d'instance (en d'autres termes, que c'est « volontairement » que la partie absente fait défaut et non pas parce qu'elle serait dans l'ignorance de l'existence de la procédure), on peut admettre qu'à ce premier stade de la procédure le contrôle du juge ne soit que « marginal ». D'autant plus qu'il est suggéré, à l'inverse de l'appel, de conserver à l'opposition son effet suspensif. Enfin, la péremption du jugement par défaut non signifié dans l'année est une scorie de l'histoire qu'il convient en effet de supprimer. XI. « Limitation de l'intervention du ministère public » En matière civile, le ministère public à une compétence d'avis. Cet avis est obligatoire pour certains contentieux limitativement énumérés30.
28 « Le devoir de motivation et les conclusions », Le pli judiciaire, n° 26, décembre 2013, p. 6. 29 On rappellera que lors de l’introduction du nouvel alinéa premier à l’article 744, qui énonce que « Les
conclusions doivent formuler expressément les prétentions du concluant ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée », il a été expressément indiqué qu’il ne s’agissait que d’une recommandation visant à inciter une telle attitude mais que l’absence de formulation des moyens en droit n’était soumise à aucune sanction.
30 L'art. 764 C. jud. énonce (dans sa version fédérale) : Sauf devant le juge de paix, le juge des référés et le juge des saisies, sont, à peine de nullité, communiquées au ministère public : 1° les demandes relatives à l'état des personnes, lorsque des mineurs ou des incapables sont en cause; 2° les demandes relatives à la déclaration d'absence et à la déclaration judiciaire de décès, à la tutelle d'un mineur, à l'administration des biens d'une personne qui fait l'objet d'une mesure de protection prise en application de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux;
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Par ailleurs, « Le ministère public reçoit communication de toutes les autres causes et y siège lorsqu'il le juge convenable; le tribunal ou la cour peut aussi l'ordonner d'office » (art. 764 C. jud. in fine). L'idée du Plan est de supprimer les cas d'avis obligatoires et de laisser à la seule appréciation du ministère public les causes dans lesquelles il entendra donner un avis. Vu les manques d'effectifs et les autres priorités auxquelles il doit faire face, on peut, si cette réforme passe, pronostiquer sans trop de risques de se tromper, que le ministère public ne donnera plus aucun avis en matière civile. Si cette absence d'avis ne suscitera aucun problème dans la majorité des cas, il reste des matières – spécialement lorsque l'intérêts des mineurs est en cause -‐ où l'absence d'avis (et donc de présence) du ministère public pourra poser véritablement problème. L'intérêt des avis du ministère public a été souligné par le professeur J. van Compernolle31. Il est évidemment regrettable qu'on se prive de la plus-‐value que son intervention était de nature à apporter à l'œuvre de justice, pour de strictes raisons budgétaires. Il s'agit sans doute du point final d'une longue évolution, visant depuis plus de vingt ans, uniquement pour des raisons budgétaires, à réduire le rôle d'avis du ministère public au civil32. XII. « Généralisation du juge unique » Le Plan du ministre est muet quant à la plus-‐value que cette mesure apporterait à la l'administration de la justice. Cette plus-‐value est évidemment inexistante. La mesure n'est justifiée, une fois encore, que par des raisons d'économie. Les restrictions des moyens humains imposées au pouvoir judiciaire, notamment par le fait que l'Exécutif ne respecte pas les cadres votés par le Parlement et envisage de ne pas remplacer plusieurs centaines de magistrats, l'oblige à généraliser les sièges à juge unique. Ce qui permet de tenir trois audiences à la place d'une seule.
3° les demandes relatives aux actes de l'état civil; 4° les demandes en matière civile, mues en raison d'un délit de presse; 5° les demandes d'inscription en faux civil; 6° les demandes en requête civile; 7° les demandes de récusation; 8° les demandes en réorganisation judiciaire, en déclaration de faillite, en report de la date de cessation de paiement ainsi que les demandes de révocation d'un plan de réorganisation et en clôture de la faillite; 9° (...); 10° les demandes prévues aux articles 578, 11°, 580, 2°, 3°, 6° à 18°, 581, 2°, 3°, 9° et 10°, 582, 1°, 2°, 6°, 8° et 9°, 583 et 587septies; 11° toutes les demandes dont la communication au ministère public est prévue par les lois spéciales. 12° les demandes fondées sur la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination; 12° les recours relatifs au changement de sexe d'une personne (NB : pour l'insertion du 12° dans l'article 764, le législateur n'a pas tenu compte qu'un point 12° avait déjà été inséré par la loi du 10 lai 2007) 13° les demandes fondées sur la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie; 14° les demandes fondées sur la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes.
31 « L'avis du ministère public dans le procès civil : déclin ou revalorisation ? », Questions de droit judiciaire inspirées de l' « affaire Fortis », Larcier, 2011, pp. 177 à 186.
32 Voyez déjà les propositions formulées dans les années '80 par le « groupe de travail Meeus », reprises par la loi de 1992 (J. Englebert, « La loi du 3 août 1992 modifiant le Code judiciaire », Journal des Procès, n° 232, 5 février 1993, p. 20).
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Comme je l'ai souligné en introduction, cette mesure contredit radicalement la prétendue volonté de revaloriser l'instance. Elle est par ailleurs incompatible avec la réduction des possibilités d'interjeter appel. Trop d'exemples illustrent les erreurs que peut commettre le juge unique, voire les errements dans lesquels il peut se perdre. Ceci au seul préjudice du justiciable. Préjudice irréparable lorsque l'appel est limité. Sans doute le ministre a-‐t-‐il oublié les effets néfastes des lois des 19 et 25 juillet 1985 qui avaient déjà généralisé le juge unique et sur lesquelles le législateur était revenu en 1992 en réintroduisant une dose certaine de collégialité. Une réforme de l'appel tel que préconisé ci-‐avant permettrait de dégager les cadres humains nécessaires pour généraliser la collégialité au niveau de l'instance. La règle minimale qui devrait impérativement être maintenue est qu'en toute matière, la cause sera attribuée à une chambre collégiale si l'une des parties en fait la demande. XIII. « Les créances incontestées » La Plan prévoit de mettre en place une procédure non judiciaire pour le recouvrement des créances incontestées : « Dans cette nouvelle procédure, l'huissier de justice sera habilité à émettre un titre exécutoire après autorisation, par voie électronique, d'une autorité centrale » (n° 74). La seule véritable question que pose ce système est celle de la définition de la notion de « créance incontestée ». En effet, il est indispensable qu'elle ne soit effectivement et en parfaite connaissance de cause pas contestée mais aussi pas contestable pour qu'un tel système puisse être admis. Quelques précisions quant à la nature de l’ « autorité centrale » chargée d’autoriser l’huissier à se délivrer un tel titre exécutoire seraient par ailleurs les bienvenues. XIV. Délocalisation du traitement administratif des règlements collectifs de dettes Dans son principe, cette mesure n'est pas critiquable. Une plateforme électronique devrait être mise en place pour gérer les dossiers et la procédure sera réécrite. Il est précisé que « cette approche permettra de réduire la charge de travail dans les greffes du tribunal du travail, vu qu'ils ne devront plus prendre en charge la gestion de ces dossiers ». Qui assumera à l'avenir cette gestion ? Les barreaux ! En effet, la note précise qu'il « sera demandé aux associations des barreaux de mettre en place et de gérer cette plateforme ». Il convient de vérifier si une telle gestion entre dans les compétences des barreaux et quels moyens leur seront alloués pour l’assumer.
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XV. Révision des règles concernant les indemnités de procédure Le ministre envisage une adaptation et une simplification de cette matière à la lumière des arrêts de la Cour constitutionnelle. Mais dès lors que celle-‐ci est encore saisie de nombreux recours en cette matière, il suggère d'attendre que tous les arrêts soient rendus avant d'envisager une intervention législative. Ce faisant, il me semble qu'il laisse les controverses se développer, dans des dossiers en cours, sans réel intérêt si à l'avenir le texte légal était revu. Sauf si le ministre n’a lui-‐même pas une vision précise du contenu de la simplification qu’il annonce, il m’apparaît plus efficace que cette réforme soit mise en place le plus rapidement possible (sous réserve évidemment de l’analyse du contenu des propositions). XVI. Conclusions Sur les aspects concernant la « procédure civile », le Plan Justice du ministre de la justice reprend, pour l'essentiel, des idées ou des mesures déjà mises en œuvre, sans réel succès, par les réformes antérieures (essentiellement les lois de 1992 et 2007) et donne l'impression de vouloir faire « du neuf avec du vieux », sur base de constatations partielles, voire tendancieuses et en faisant l'impasse sur une analyse sérieuse des raisons de l'inflation des procédures. Il suffit de relire les travaux parlementaires et les commentaires des lois citées dans la présente analyse pour se rendre compte que la généralisation du juge unique, la limitation de l'appel, la réduction de la compétence d'avis du ministère public, la réforme de la mise en état, la réforme de la théorie des nullités, la motivation des jugements, l'informatisation de la justice, etc., sont toutes des mesures qui ont déjà été – partiellement parfois – mises en œuvre. Seule une informatisation effective mais respectueuse des droits des parties et du rôle essentiel que doit jouer le juge, c’est-‐à-‐dire une informatisation au service de la justice et non l’inverse (or il n’est pas certain que telle soit bien l’intention), et une transformation radicale de l'appel, constitueraient un réel et significatif progrès. Il faudra être attentif à la mise en œuvre effective des réformes annoncées dans ce Plan. Dont certaines restent encore, à ce stade, fort nébuleuses. Jacques Englebert Avocat Professeur à l'ULB Directeur de l'Unité de droit judiciaire
0476 972 864 [email protected]