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HUDRY Caroline P.E.2, I.U.F.M. de Mâcon Comment permettre à l’élève d’adopter un rapport distancié à la langue dans sa résolution de problèmes d’orthographe grammaticale ? Mémoire professionnel dirigé par Isabelle Thouvenin N° dossier 0365648U Année scolaire 2005-2006

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HUDRY Caroline P.E.2, I.U.F.M. de Mâcon

Comment permettre à l’élève d’adopter un rapport distancié à la langue dans sa résolution de problèmes

d’orthographe grammaticale ?

Mémoire professionnel dirigé par Isabelle Thouvenin N° dossier 0365648U Année scolaire 2005-2006

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SOMMAIRE

Introduction ………………………………………………………………………………..2

I- Les objectifs de l’O.R.L………………………………………………….4 1.1 Place et pratique de l’O.R.L. dans les Instructions officielles………………………….4 1.2 Les buts de l’O.R.L…………………………………………………………………….6

II- Dispositifs préalables pour permettre la formation de l’abstraction ………………………………………………………………………..8 2.1. Choix du corpus……………………………………………………………………...8 2.2 Les phases d’entrée dans l’O.R.L…………………………………………………….15 2.3 Les Ateliers de Négociation Graphique : développer des compétences métalinguistiques et métacognitives……………………………………………………………………………18 2.4 Les dictées commentées……………………………………………………………...24

III- Les techniques d’exploration dans la résolution de problèmes linguistiques…………………………………………………………………………26 3.1 « Classer »…………………………………………………………………………….27 3.2. « Manipuler les unités linguistiques »……………………………………………….30 3.3 Les phases d’interaction entre élèves…………………………………………………32 Conclusion………………………………………………………………………………35 Bibliographie Annexes Résumé

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INTRODUCTION

L’enseignement des contenus disciplinaires liés à la grammaire a connu avec les

programmes de 2002 un bouleversement important. En étant intégrés au champ disciplinaire

de l’Observation Réfléchie de la Langue au cycle 3 et à la maîtrise de la langue française au

cycle 2, l’accent est mis désormais sur une démarche qui a vocation à permettre à l’élève de

comprendre le fonctionnement de la langue. On recherche donc à susciter un savoir-faire pour

acquérir des savoirs réinvestissables. Les contenus restent globalement identiques (même si la

fréquence des faits linguistiques est clairement privilégiée) mais le changement réside dans le

fait que la démarche soutenue fait de la langue un objet d’étude à part entière.

Bien que la démarche ait été connue dans les grandes lignes avant le stage de pratique

accompagnée (en classe de C.M.1), j’ai pu, au cours de celui-ci, constater ma

méconnaissance quant à la manière de placer l’élève en position de réfléchir sur la langue. J’ai

réalisé que l’O.R.L. n’était pas uniquement l’ensemble des savoirs grammaticaux enseignés

en suivant une démarche inductive, même s’il est vrai que celle-ci participe à placer l’élève en

position d’observer de manière distanciée la langue. Elle est un champ disciplinaire du cycle 3

à part entière. Mais elle est également plus. En effet, à la lecture des programmes, on peut

remarquer qu’au cycle 2 comme au cycle 3, une réflexion sur la langue en vue d’une maîtrise

de celle-ci est fortement préconisée. Ainsi ai-je pris conscience au cours de ce stage de mes

difficultés à permettre à l’élève de résoudre les situations-problèmes proposées grâce aux

manipulations adéquates, mais aussi à développer ses compétences métalinguistiques

nécessaires. De ce fait, est venue l’idée de continuer et d’approfondir cette réflexion dans le

cadre de ce mémoire.

Nous savons que les programmes de 2002 insistent sur un travail transversal du

lire/écrire. On se doit en effet d’étudier la maîtrise de la langue dans toutes les disciplines. Or,

dans le cadre de ce mémoire, nous nous attacherons à analyser les moments spécifiques où

l’élève est en position d’observer et de réfléchir sur la langue.

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De même, nous élargirons notre réflexion au cycle 2. L’observation réfléchie de la

langue est une discipline à part entière du cycle 3. Néanmoins, de nombreux chercheurs tels

que E. Deetjen, P. Krieg et J.M. Schelcher proposent dès le cycle 2 de mettre en œuvre « une

démarche d’appropriation active des fonctionnements de la langue »1. Nous avons donc fait le

choix de mettre en place et d’analyser des séances où l’élève peut prendre la langue comme

objet d’étude en vue de résoudre des problèmes sur celle-ci.

Enfin, du fait de la non officialisation des documents d’accompagnement de l’O.R.L.

au cycle 3 par le Ministère de l’Education nationale lors de la rédaction de ce mémoire, nous

avons pris le parti de ne pas les évoquer au sein de notre travail

Dans le cadre de ce mémoire, nous chercherons, tout d’abord, pourquoi placer l’élève

en position d’observer et de réfléchir sur la langue. Puis nous verrons les dispositifs préalables

auxquels l’enseignant doit veiller afin de permettre une mise en place réussie de cette

démarche. Enfin, une analyse des techniques d’exploration de la langue sera menée quant à

leur capacité à permettre à l’élève d’adopter un regard distancié sur la langue en vue résoudre

un problème linguistique.

1 E. Deetjen, P. Krieg, J.M. Schelcher, Grammaire, Orthographe grammaticale cycle 2, p6

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I- LES OBJECTIFS DE L’O.R.L.

1.1 Place et pratique de l’O.R.L.

- Le rejet de l’enseignement traditionnel de la grammaire

L’O.R.L. constitue l’un des enseignements du domaine Langue Française et Education

littéraire au cycle 3. Elle figure parmi les grandes nouveautés des programmes de 2002. Alors

qu’elle regroupe les sous-domaines « traditionnels » grammaire, orthographe, vocabulaire et

conjugaison, elle est avant tout une démarche d’apprentissage qui s’inscrit dans un courant

engagé depuis plusieurs années par bon nombre de chercheurs comme Renée Léon ou encore

Ghislaine Haas. En effet, ces dernières rejettent fermement l’enseignement traditionnel de la

grammaire qui consistait, rappelons-le, à observer quelques exemples qui fonctionnaient

systématiquement puis à étudier la règle et à résoudre des exercices de systématisation et de

terminologie. On critique ainsi une démarche vide qui laissait peu de place aux réelles

compétences des élèves. Jacques David, d’ailleurs, explique que l’O.R.L. « tourne le dos au

simple travail d’étiquetage des objets linguistiques pour engager les élèves dans une

acquisition dynamique de connaissances stabilisées »2.

- Une démarche originale

C’est ainsi qu’avant la publication des programmes de 2002 et la naissance de l’O.R.L,

l’équipe du G.R.E.D.O. (Groupe de Recherche En Didactique de l’Orthographe) auquel

appartient Ghislaine Haas, et Renée Léon appelaient à enseigner la grammaire autrement. Les

instructions officielles disent à ce titre que ce champ disciplinaire conduit « les élèves à

examiner des productions écrites comme des objets qu’on peut décrire et dont on peut définir

les caractéristiques »3. L’une des nouveautés apportées par l’O.R.L. réside dans la mise en

place régulière d’une démarche qui permet à l’élève d’étudier les faits linguistiques par

diverses techniques d’exploration. Sur le mode de l’enseignement des sciences, en place

depuis plusieurs années avec notamment l’impulsion donnée par le biais de « la main à la

pâte », on demande à ce qu’aujourd’hui l’élève s’implique dans ses apprentissages dans un

cadre méthodologique réinvestissable dans d’autres disciplines.

2 Revue Animation et Education, numéro 178, janvier février 2004 3 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243

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Ainsi doit-il désormais constater un problème, se rendre compte d’une difficulté sur la

langue; puis, par le biais de techniques d’exploration, observer des ressemblances qui lui

permettront de dégager des règles. L’objectif n’est donc plus de rechercher l’exhaustivité, car

la langue n’est pas un système mathématique, ni même de faire de l’élève, comme le souligne

Renée Léon, un linguiste à part entière. Nous nous devons d’insister sur les régularités tout

en ne cachant pas les irrégularités du système. Mais, il s’agit avant tout, selon elle, de créer les

conditions qui suscitent « la curiosité intellectuelle »4. Elle propose, d’ailleurs, de suivre une

démarche dite inductive où l’élève a à résoudre une situation-problème, terme jusqu’à

maintenant plutôt employé pour les disciplines scientifiques.

Renée Léon préconise, en effet, de débuter la séance par un problème à résoudre, une

hypothèse à vérifier, s’appuyant sur un corpus et des critères d’observation qui « permettent

d’établir des rapprochements et des comparaisons, de procéder à des classements »5. Enfin,

elle propose de « vérifier la validité du résultat par extension ».Cette démarche a été soutenue

par bon nombre de chercheurs comme Marie-Laure Bourguignon, ou Ghislaine Haas.

Mais l’autre nouveauté apportée par les instructions officielles est l’horaire hebdomadaire

accordé à l’O.R.L. qui est, rappelons-le, d’une heure et demie à deux heures maximum.

Beaucoup d’enseignants ont été (ou le sont encore) déroutés par la nouvelle organisation que

cela suppose. En effet, la maîtrise de la langue devenue transversale permet de travailler à

travers toutes les disciplines la contextualisation des faits linguistiques étudiés.

Marie-Laure Bourguignon6 redéfinit l’O.R.L. à travers la démarche préconisée par Renée

Léon. Elle rappelle, en effet, que pour placer l’élève en apprentissage, il faut lui faire suivre

quatre étapes. Il doit, dans un premier temps, découvrir l’objet d’étude dans sa réalité, donc

l’observer, le décrire, l’analyser, l’interroger. Puis, il doit déduire de cette observation des

règles de fonctionnement. Dans un troisième temps, il doit mettre en œuvre la compétence

nouvellement acquise. Enfin, il lui faut réinvestir cette compétence de manière automatique.

Selon elle, l’O.R.L. s’intéresse particulièrement à la première phase alors qu’avant les

programmes de 2002 l’attention portait essentiellement sur les phases 2 et 3. La modification

essentielle est là, l’O.R.L. est un enseignement réservé à l’examen de la langue considérée

comme « un objet d’étude »7. Francis Grossman dit, à ce titre, que « c’est une nouvelle façon

de repenser les problèmes linguistiques en réunifiant les champs de la langue et en donnant du

4 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243 5 Renée Léon, Enseigner la grammaire et le vocabulaire à l’école, Hachette éducation 6 Revue Animation et Education, numéro 178

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sens à l’enseignement grammatical »8. L’intelligence de l’enfant, ses capacités de réflexion

sont réellement sollicitées. Ainsi, les chercheurs tels que Renée Léon, Ghislaine Haas ou

encore Claude Vargas cautionnent cette démarche qu’ils pensent plus motivante et plus

efficace car elle permet à l’élève de s’investir davantage.

L’O.R.L. est donc un enseignement spécifique où l’élève se trouve face à un problème

sur la langue à résoudre. Pour ce faire, il dispose d’un corpus et de consignes faisant appel

des manipulations qui lui permettront de constater des ressemblances et des différences en vue

de l’élaboration de la règle. A ce titre, les instructions officielles disent clairement que les

élèves « comparent des éléments linguistiques divers (textes, phrases, mots…) pour en

dégager de façon précise les ressemblances et les différences »9. Il saura, souhaite-on,

réinvestir ses acquis dans des situations contextualisées. D’ailleurs, la mobilisation des acquis

en contexte pourra se faire au sein d’autres disciplines.

L’O.R.L. est donc un moment privilégié où l’élève se trouve en situation de réfléchir sur

la langue en vue de résoudre un problème qu’il a constaté lui-même afin de dégager la règle et

être en mesure de réinvestir celle-ci. L’élève se trouve au cœur d’une démarche

décontextualisée où il est l’acteur de ses apprentissages qui a vocation à réinvestir ses acquis

de manière contextualisée. En classe de grande section, par exemple, les élèves avaient appris

en encoder des mots qu’ils allaient ensuite écrire dans un texte en dictée à l’adulte. Désormais

l’intérêt porte donc davantage sur le processus que sur les connaissances comme le disaient

Ghislaine Haas mais aussi Danièle Cogis.

1.2. Les buts assignés à l’O.R.L.

Pour quelles raisons avoir mis en place une telle démarche où l’on enseigne les mêmes

contenus mais d’une manière si différente ? Telle est la question que se pose en particulier

Danièle Cogis: « Mais comment faire accéder les élèves à des savoirs formels à un âge où la

capacité d’abstraction est en pleine formation (…) ? »10. Les instructions officielles apportent

une réponse : « L’observation réfléchie de la langue française conduit les élèves à examiner

des productions écrites comme des objets qu’on peut décrire et dont on peut définir les

caractéristiques (…). L’observation réfléchie de la langue française doit être un moment de

7 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?, p243 8 Revue Animation et Education, numéro 178 9 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243

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découverte visant à développer la curiosité des élèves et leur maîtrise du langage. »11 Ainsi,

recherche-t-on à ce que l’élève s’implique véritablement à comprendre le fonctionnement de

la langue. Désormais la démarche intellectuelle de l’élève est réellement prise en compte.

D’ailleurs, la démarche proposée par Ghislaine Haas et l’équipe du G.R.E.D.O. corrobore à

cette direction. En effet, elle en appelle à l’intelligence et à la capacité de réflexion des élèves

en suivant deux pans.

Tout d’abord, elle cherche à développer chez l’élève les compétences métalinguistiques

qui lui permettront de comprendre le fonctionnement de la langue. Ainsi suscite-on de cette

façon à une prise de distance vis-à-vis de la langue qui le rende capable « d’identifier les

fonctionnements linguistiques et de les expliquer »12. En développant sa conscience

grammaticale, on donne à l’élève les armes pour maîtriser l’orthographe. A ce titre, Ghislaine

Haas conseille d’ « éveiller chez l’élève la curiosité du fonctionnement de la langue dans un

état d’esprit qui se rapproche des démarches d’éveil au langage »13. L’enseignant doit, donc,

penser un dispositif qui place l’élève en position de s’impliquer dans la résolution d’un

problème portant sur la langue en manipulant celle-ci. L’élève doit prendre du recul, travailler

de manière décontextualisée afin de comprendre le fonctionnement de la langue. D’ailleurs,

Francis Grossman cautionne ce parti pris en écrivant : « (…) il est important pour lui (l’élève)

de chercher à comprendre comment fonctionne la langue, de l’observer »14.

De plus, Ghislaine Haas et l’équipe du G.R.E.D.O. soutiennent une deuxième direction

qui consiste à développer chez l’élève ses compétences métacognitives. Cela suppose de

permettre à l’élève de prendre conscience des stratégies qu’il utilise pour résoudre un

problème qu’il se pose et « plus généralement de la façon dont il apprend ou peut

apprendre »15.

Le but est donc là : rendre l’élève capable de raisonner sur la langue ce qui paraît

indispensable pour orthographier. Il doit sans cesse se demander : comment est-ce que je peux

faire pour écrire cela ? Or cette question ne va pas de soi. Il s’agit d’un véritable apprentissage

à mener dès les petites classes et à répéter sans cesse par la suite.

L’enseignant doit donc veiller à la régularité de la pratique de ce raisonnement en toutes

situations. Les horaires, du cycle 3 en particulier, permettent la transversalité du lire/écrire. En

10 Danièle Cogis, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, p325 11 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243 12 Ghislaine Haas, Apprendre, comprendre l’orthographe autrement de la maternelle eu lycée, C.R.D.P. Bourgogne 13 Ghislaine Haas, Apprendre, comprendre l’orthographe autrement de la maternelle au lycée, C.R.D.P. Bourgogne 14 Revue Animation et Education, numéro 178

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effet, il doit mettre en place des situations où l’élève lit et écrit au minimum deux heures par

jour. Cela suppose donc, comme le disent les instructions officielles, que la maîtrise de la

langue soit transversale. L’enseignant peut donc privilégier le travail de recherche et

compréhension d’une notion en O.R.L. et systématiser leurs acquis au sein d’une autre

discipline.

A terme, l’objectif est que l’élève maîtrise la langue française. Rappelons que les

programmes font de celle-ci « la priorité des priorités »16. Mais pour ce faire, l’enseignant doit

créer un dispositif qui place l’élève en position d’observer de manière réfléchie la langue. Et

en premier lieu, il doit veiller au choix important du corpus sur lequel le travail de recherche

se fera.

II- DISPOSITIFS PREALABLES POUR PERMETTRE LA

FORMATION DE L’ABSTRACTION

2.1. Le choix du corpus

Le choix du corpus peut paraître anecdotique. Or, très vite, lors de la mise en place d’une

séance d’O.R.L., on se rend compte de son importance.

Le corpus est le support sur lequel va porter l’observation des faits de langue. Celui-ci

peut être de natures très différentes. Les instructions officielles parlent des « éléments

linguistiques divers (texte, phrase, mot…) »17. Il est important en amont de déterminer

l’échelle sur laquelle il est préférable de travailler selon la notion étudiée.

-Déterminer l’échelle linguistique adéquate selon la notion étudiée

Au cours du second stage en responsabilité en classe de C.E.2, nous étudions l’imparfait

(sa morphologie et ses valeurs). Un choix a dû s’opérer quant à l’échelle à privilégier.

Commençant la séquence sur l’étude de la morphologie des verbes conjugués à ce temps, il

semblait préférable de proposer aux élèves un corpus de référence. Aussi, ai-je donné des

pages de tableaux de conjugaison ne contenant que des verbes fréquents de la langue (dire,

15 Ghislaine Haas, Orthographe au quotidien, p14 16 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p203 17 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243

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faire, prendre,…) conformément aux instructions officielles. Les élèves devaient opérer des

comparaisons afin de trouver les terminaisons et étudier le radical des verbes. Ce corpus avait

l’avantage d’initier dans le même temps les élèves à se servir de tableaux de conjugaison, ce

qui n’est pas encore évident en C.E.2, et à effectuer à des manipulations.

Afin d’étudier les valeurs de l’imparfait et du passé composé, il semblait, en revanche,

plus adéquat de recourir à un support à l’échelle textuelle. En effet, la lecture du texte aidait

considérablement à la perception des nuances de sens pour définir les valeurs de ces deux

temps par comparaison. De ce fait, j’ai proposé à ces élèves un texte dans lequel les verbes

étaient conjugués à l’imparfait et au passé composé. Celui-ci avait l’inconvénient d’être

méconnu des élèves mais correspondait à l’objectif de la séance. D’autant qu’aucun des textes

travaillés ensemble dans toutes les disciplines ne contenaient de verbes conjugués à ces

temps.

Il est donc important de proposer aux élèves des corpus à une échelle correspondante à la

notion étudiée. Cela suppose de la part de l’enseignant une connaissance fine des faits

linguistiques afin d’opérer des choix didactiques efficients.

Mais, il doit aussi, pour placer l’élève en situation recherche, proposer des corpus

résistants.

- Des corpus résistants

Francis Grossman conseille aux enseignants de proposer aux élèves des corpus qui

doivent être construits c’est-à-dire qui doivent comporter « des exemples évidents qui

permettent d’observer des régularités et des exemples moins évidents dont la résolution

nécessite une réflexion plus complexe sur la langue »18 et permettent de traiter les

irrégularités. Cette remarque m’a été faite à l’issue d’une visite en classe de C.E.2.

En effet, en étudiant en grammaire le genre des noms, j’ai voulu à travers cette première

séance montrer aux élèves que la majorité des noms dans la langue française sont porteurs

d’un genre fixe contrairement à ce que laisseraient croire bon nombre de manuels sur le sujet.

Les élèves avaient, dans un premier temps, un petit texte inspiré d’une parodie du conte des

Trois petits cochons.

18 Revue Animation et Education, numéro 178

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Essaie de transformer le genre des noms.

Le loup voulait entrer dans la troisième maison pour demander du sucre pour la tarte de sa

grand-mère. Mais la porte restait fermée.

Tout d’abord, les élèves avaient à souligner les noms communs puis à procéder à des

transformations. Nous avons repris collectivement l’exercice. Les élèves devaient de cette

manière se rendre compte que quelques noms de la langue française ne varient pas en genre.

Ce texte comporte le nom « la porte ». Il aurait peut-être été, après coup, plus intéressant

de rajouter le mot « porte » comme verbe. Ou mieux, il aurait été pertinent de proposer des

homographes comme un livre (masculin) et une livre (féminin).Cela aurait eu le mérite

comme le disait Francis Grossman d’apporter aux élèves un corpus comportant des exemples

moins évidents.

- Choisir des corpus motivants

Dans une démarche O.R.L., puisque l’on place l’élève en position d’observer la langue, il

paraît important de lui proposer des corpus motivants qui aient du sens pour lui. En effet, en

lui proposant une activité ludique, l’élève joue tout en manipulant la langue. Il s’investit dans

l’activité en adoptant un regard distancié sur celle-ci.

Ainsi, ai-je proposé, lors du premier stage en responsabilité, aux élèves de grande section,

un jeu du pendu au tableau pour les exercices d’encodage. Ce support ludique a été très bien

accueilli par les élèves qui se prenaient au jeu. De plus, l’organisation pédagogique

privilégiant l’oral et le collectif, la recherche de l’écriture d’un mot provoquait un réel élan de

la part de tous. En début de séance, j’ai proposé aux élèves qu’ils trouvent par eux-mêmes

l’écriture de quelques mots. Je leur ai écrit au tableau le nombre de traits correspondants au

nombre de lettres du mot recherché. Les élèves devaient, dans un premier temps, s’exercer à

une discrimination auditive fine. Puis lorsqu’ils se mettaient d’accord sur un phonème, ils

devaient rechercher dans les mots-étiquettes connus (collés constamment au tableau)

l’écriture de celui-ci. Ce support constituait une réelle aide à l’encodage. Il permettait une

première observation réfléchie de la langue par une analyse analogique de celle-ci. De plus, il

donnait des indices aux élèves en leur indiquant combien de lettres comprend un phonème.

D’ailleurs, cela pouvait tant les aider que les dérouter parfois. Mais comme le disait Francis

Grossman, il est important de proposer aux élèves des corpus avec des exemples évidents et

des exemples moins évidents.

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Lors d’une séance d’encodage, j’ai indiqué aux élèves qu’ils devaient trouver l’écriture

du mot « sapin ». Après l’encodage des [s], [a], [p], ils se sont rendu compte qu’un phonème

contenait deux lettres. Un élève m’a fait remarquer que je m’étais trompée. Un autre lui a

rappelé que le son [on] contient deux lettres. Globalement, par rapport à l’encodage des autres

phonèmes, le son [in]a été difficile à trouver. Les élèves avaient tendance à s’aider surtout des

mots-étiquettes qu’ils avaient appris depuis le début de l’année et qui concernaient la rentrée

scolaire puis l’automne. Aucun n’a pensé aux étiquettes des prénoms alors qu’il y avait, en

grande section, des enfants qui s’appelaient Benjamin et Quentin. Au bout d’un certain temps,

je leur ai indiqué qu’ils pouvaient s’aider des prénoms de la classe. Ils ont pu ainsi trouver

l’écriture de sapin.

Le recours à ce support a permis aux élèves de réaliser cette activité d’encodage. Il a donc été

déterminant. Il a rendu les élèves motivés par l’activité. Eux qui n’étaient pas encore

autonomes dans l’usage de l’écriture se trouvaient dans l’opportunité de déterminer l’écriture

de mots que je leur proposais. Disons que ce support a endossé plusieurs rôles importants : il

était à la fois un jeu (les élèves ont trouvé du plaisir dans cette activité), une aide (il leur a

permis de procéder à l’encodage en faisant le lien entre la discrimination auditive et les

graphies correspondantes). On pouvait par ce corpus permettre une première approche de

l’observation réfléchie de la langue, une gymnastique intellectuelle concernant celle-ci en

plaçant les élèves dans une situation-problème où la manipulation qui allait les aider est

l’analogie.

- Des corpus contextualisés

De même, il paraît intéressant afin de donner du sens aux apprentissages de recourir à des

corpus contextualisés qui répondent à un problème rencontré ou du moins qui soutiennent un

projet en cours.

De ce fait, en classe de grande section, j’ai proposé aux élèves d’encoder des mots qui

allaient nous servir à rédiger un texte grâce à la dictée à l’adulte. Le projet consistait à

raconter à la maîtresse titulaire l’après-midi passé au spectacle de Noël. Pour ce faire, les

élèves devaient trouver d’autres mot-étiquettes comme père noël, musique, noël. Le même

procédé que celui cité plus haut a été utilisé. L’aspect intéressant est que les élèves avaient à

se servir de leurs propres supports pour écrire ces mots et contribuer, d’un point de vue

orthographique, à la rédaction du récit. A l’issue de l’activité, les élèves ont été fiers de

montrer qu’ils avaient su écrire des mots du récit collectif.

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Pour autant, il semble relativement aisé de proposer des corpus contextualisés au sein de

petites classes. On peut émettre l’hypothèse qu’il n’y a pas d’exigences aussi spécifiques

qu’au cycle 3.

En classe de C.E.2, lors de la première séance sur le genre des noms, j’ai soumis aux

élèves un petit texte19 que j’avais repris et transformé d’un album que nous avions étudié dans

le cadre d’un projet en littérature La vérité sur l’affaire des trois petits cochons. Ce corpus

était donc bien connu des élèves. Ils ne venaient pas résoudre un problème rencontré durant la

rédaction de leur parodie de conte. Ce texte entrait simplement en correspondance avec le

projet. Ils aimaient particulièrement cet album. Il semblait donc intéressant de leur proposer

un corpus connu et motivant. Cela pouvait, d’ailleurs, faciliter l’observation réfléchie de la

langue concernant l’étude de la variation ou non du genre des noms. Les élèves qui

possédaient encore des difficultés de lecture n’avaient pas une barrière quant à la

compréhension et l’appréhension du corpus.

- Choisir des corpus authentiques ou des corpus transformés pour les usages

scolaires ?

Mais ce corpus utilisé en classe de C.E.2 pose un autre problème que j’avais d’ailleurs

rencontré dès le stage de pratique accompagnée en classe de C.M.1. Vaut-il mieux privilégier

des corpus authentiques ou des corpus fabriqués par l’enseignant pour les besoins et les

objectifs de la séance ? Comme il a été dit précédemment, j’ai utilisé un corpus connu mais

légèrement transformé pour que nous puissions atteindre les objectifs énoncés au début de la

séance.

Les chercheurs en didactique de la grammaire tendent, en grande majorité, à soutenir

l’usage de corpus authentiques. Il est vrai que cela donne plus de sens aux apprentissages. En

travaillant sur de vrais textes, on habitue l’élève à être confronté à des écrits de référence. On

l’éduque dans le même temps à la nécessaire rigueur qui préside tout acte de lecture. Cela

constitue un objectif important des programmes de 2002. D’ailleurs les documents

d’accompagnement Lire/écrire au cycle 3 insistent sur le fait que l’élève doit être confronté

dans « toutes les disciplines à (…) des écrits de nature différente : œuvres de fiction, récits

historiques, descriptions géographiques, comptes rendus d’expériences scientifiques et des

écrits mathématiques ».

19 cf texte p10 du mémoire

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13

En stage de pratique accompagnée, j’ai pu constater que l’enseignante titulaire recourait à

de vrais textes littéraires. Mais, lorsque j’ai mené une séance en O.R.L. concernant la pluralité

des terminaisons des verbes du troisième groupe au présent de l’indicatif, j’ai recherché au

sein d’un manuel, qui constituait un recueil de documents, un corpus qui pouvait convenir.

Les objectifs spécifiques de la séance étaient de rendre les élèves capables de constater, par

comparaison, la pluralité des terminaisons de ces verbes en vue de les conjuguer correctement

en procédant par analogie. Cette séance était donc dense. La recherche du corpus était donc

délicate puisqu’il fallait trouver un texte assez exhaustif au vu des objectifs poursuivis. J’ai

trouvé finalement un texte inconnu des élèves, extrait de l’ouvrage Le livre de la tour Eiffel de

S. Girardot20. Il s’agit d’une biographie historique racontée au présent de l’indicatif. Mais

toutes les terminaisons différentes des verbes du troisième groupe conjugués aux personnes

du singulier n’étaient pas présentes. De ce fait, j’ai pris la résolution de modifier de texte

littéraire sans entraver le sens afin d’atteindre mes objectifs. Il fallait que les élèves aient

rencontré tous les possibles pour qu’eux-mêmes, dans un deuxième temps, puissent conjuguer

correctement des verbes du troisième groupe par analogie.

Ceci pose la question de la validité des corpus exhaustifs pour placer les élèves en

position d’observer la langue. Rappelons que Jacques David disait : « Ces corpus doivent être

les plus exhaustifs possibles et déterminer précisément le problème grammatical à

résoudre »21. Pourtant, il apparaît que la plupart des chercheurs ne partagent pas cet avis.

Ghislaine Haas, d’ailleurs, écrivait : « Cela implique évidemment l’abandon de tout souci

d’exhaustivité »22.

Ainsi, il apparaît que, désormais, la démarche O.R.L. avec le créneau horaire imposé,

l’enseignant doit faire le pas de se satisfaire de ne pas tout voir. On peut en trace écrite écrire :

« Pour le moment, nous savons que… ». Cela permet à la fois vis-à-vis de l’élève et des

parents de montrer qu’on prend le parti de montrer que nous n’avons appris qu’un élément de

la règle.

Au cours du second stage en responsabilité, en classe de C.E.2, la prise en compte de

la nécessité de recourir à des supports authentiques a été davantage pensée. En effet, au cours

d’une séquence portant sur la morphologie des verbes conjugués à l’imparfait et en particulier

20 Annexe I 21 Revue Animation et Education, numéro 178 22 G. Haas, Apprendre, comprendre l’orthographe autrement de la maternelle au lycée, p60

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14

au cours de la première séance, j’ai soumis aux élèves un ensemble de tableaux de

conjugaison23 tiré d’un recueil qui regroupait volontairement les verbes fréquents de la langue

française. Les élèves devaient, en binôme, observer les tableaux et, à l’aide d’un

questionnaire, trouver la morphologie des verbes à ce temps. Il paraissait intéressant de leur

proposer ce type de corpus. En effet, il est authentique (tous les temps et les modes y étaient

présents). Cela entraîne les enfants à se servir d’un répertoire de référence et à observer la

langue pour résoudre un problème posé.

Au début de la séance, les élèves étaient assez déroutés par la densité du corpus. Trois

pages recto-verso leur avaient été distribuées. Nous avions pris le temps d’observer et

analyser sa présentation. J’ai veillé à ce que tous aient bien trouvé les conjugaisons de

l’imparfait. Il s’est avéré que ce temps était tout à fait nécessaire même si les élèves n’ont pas

rencontré de difficultés particulières. Mais un temps d’appréhension d’un corpus difficile, en

début de cycle 3, était nécessaire. Cela comptait quant à leur capacité à observer la langue, à

s’employer à comparer.

Lors d’une séquence portant sur le genre des noms (au cours du second stage en

responsabilité), l’objectif principal de la première séance était de rendre les élèves capables de

savoir que la majorité des noms ne varient pas en genre. Pour ce faire, j’ai proposé aux élèves,

en m’aidant de l’ouvrage de Ghislaine Haas L’orthographe au quotidien, une double page de

leur dictionnaire Le Robert junior.24 Les élèves avaient à relever les noms communs et essayer

de faire varier leur genre. Là encore, le corpus était difficile à appréhender. Le dictionnaire

est un support de référence dont la maîtrise est une compétence à atteindre en fin de cycle 3.

Voyant que les élèves avaient utilisé brillamment les tableaux de conjugaison, j’ai pensé

qu’ils n’allaient pas rencontrer de difficultés particulières. Je n’ai pas prévu le même temps

que la séance précédente à la découverte de ce corpus. Or, il s’est avéré que ce moment aurait

été nécessaire. Et alors qu’ils étaient en activité, de nombreuses questions m’ont été posées

comme par exemple : « Qu’est-ce que ça veut dire adj. ? », « Qu’est-ce que ça veut dire

n.m.? ». Je me suis rendu compte qu’un temps approfondi d’analyse du corpus aurait dû se

mettre en place dès le début de la séance. Seuls quelques élèves m’ont interpellé pour poser

ces questions. Cependant, pour que tous puissent se trouver en position de réfléchir sur la

langue, il aurait fallu y penser sur ce moment. J’ai donc dû redéfinir ces sigles pour qu’aucun

des élèves ne soit pénalisé.

23 Annexe II 24 Annexe III

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15

-Conclusion

L’utilisation de corpus dans le cadre d’une démarche O.R.L. pour placer l’élève en

position de réfléchir sur la langue s’avère donc capitale. Son rôle n’est pas à minimiser. Des

choix par l’enseignant sont à opérer selon les objectifs poursuivis. Mais on peut, d’ores et

déjà, remarquer que la question de l’exhaustivité n’est pas un critère majeur. En effet, cela

est-il réellement important pour placer les élèves en situation d’observer les faits

linguistiques de proposer un corpus qui présente tous les cas possibles? Il paraît intéressant de

respecter certains principes en proposant aux élèves des corpus motivants c’est-à-dire

authentiques, en lien avec un projet en cours qui permettent d’acquérir les compétences

énoncées. Puisque l’on place l’élève en position d’acteur de ses apprentissages où il est appelé

à observer, manipuler la langue, le choix du support est donc important. Il doit préparer

l’élève dans sa résolution du problème énoncé. Il constitue le support, le matériau de base

dans la construction de son savoir.

Mais des dispositifs pédagogiques ont aussi un rôle capital comme préalable à toute

démarche O.R.L. La phase d’entrée, tout d’abord, va aider l’élève à cerner les problèmes à

résoudre sur la langue.

2.2 Les phases d’entrée dans l’observation réfléchie de la langue

Il n’est pas toujours fait référence à des phases d’entrée dans les écrits concernant

l’O.R.L. Pourtant, dans une démarche qui privilégie une démarche inductive où l’élève est en

situation d’observer et de réfléchir sur la langue, celles-ci ne doivent pas être sous-estimées.

En effet, leur rôle n’est pas moindre.

Une phase d’entrée au sein de la séquence doit amener les élèves à déceler le problème

qui va lui être posé. Et lui permettre d’orienter ses recherches.

Le rôle de l’enseignant est ici majeur. C’est lui qui mène l’activité. Il anime cette

phase où le groupe classe est face au maître et au tableau. Il doit veiller à réactualiser les

notions dont les élèves auront besoin pour résoudre la situation-problème posée. Il s’agit donc

d’une phase importante dans une démarche inductive. Ghislaine Haas, en particulier, n’y fait

pas clairement référence. Cependant, durant cette première étape, on présente à l’élève les

critères d’analyse qui guideront sa recherche. Ainsi, comme l’écrit Renée Léon, « tout dépend

des choix qui ont été faits au départ : corpus d’observation, méthodologie et critères

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d’analyse »25. Il s’agit donc de préparer l’élève à sa position d’acteur de ses apprentissages. Il

s’exerce déjà à des manipulations. En ce sens, on commence à le placer en situation

d’observer et de réfléchir sur la langue. Mais, comme nous l’avons déjà dit, l’enseignant est

présent. L’activité est assez directive. Il est chargé de traiter les éventuelles incertitudes de

l’élève. On lui facilite donc son entrée dans le problème.

Cette phase est généralement courte (globalement dix minutes) où l’élève s’exerce à

des premières manipulations sur la langue mais de façon directive et dans le but de préparer la

résolution de problème.

Sans s’investir dans un inventaire des phases d’entrée que j’ai pu mettre en place, je

m’attacherai à traiter une séance qui m’a fait prendre conscience de l’importance de cette

étape pour les élèves.

En effet, en classe de C.M.1, j’ai mené une séance de grammaire portant sur la

pluralité des terminaisons des verbes du troisième groupe conjugués aux personnes du

singulier au présent de l’indicatif. L’objectif spécifique était de rendre les élèves capables de

procéder par analogie pour conjuguer correctement les verbes du troisième groupe. Cette

séance ressortait donc à la fois de la conjugaison et de l’orthographe. La phase d’entrée

consistait à souligner les verbes conjugués d’un texte26 et à donner leur infinitif. J’ai demandé

aux élèves, à l’issue de cette première étape, à quelle personne sont conjugués ces verbes et à

quel temps. On le voit, de cette façon, j’ai pu vérifier que les élèves ont tous disposé du même

support (les verbes conjugués) et qu’ils ont tous repéré la personne et le temps avec lesquels

sont conjugués ces verbes. Puis les élèves devaient conjuguer ces verbes aux première et

deuxième personnes du singulier.

A partir de là, je leur ai demandé ce qu’ils constataient à propos de ces terminaisons.

Après ces interrogations, je leur ai indiqué que tous ces verbes appartiennent au troisième

groupe. Puis la phase de recherche proprement dite a commencé.

Ainsi, cette phase a des points communs avec celle qui la suit. Mais, l’enseignant est

présent. Et alors que l’objectif de la séance, rappelons-le, était de procéder par analogie pour

conjuguer correctement les verbes du troisième groupe au présent de l’indicatif aux personnes

du singulier, je me suis assurée que les élèves disposaient tous du même matériel afin de

25 Renée Léon, Enseigner la grammaire et le vocabulaire à l’école, p49 26 Annexe I

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constater la diversité des terminaisons. Cela était capital avant d’engager une situation-

problème portant sur le sujet.

Lorsque j’ai bâti cette séance, il me paraissait important que les élèves aient bien

connaissance de la particularité du troisième groupe avant de leur demander de conjuguer

certains de ces verbes. C’est à ce moment que j’ai compris l’importance de cette phase. Elle

est courte mais elle m’a permis d’avoir la certitude que les élèves aient bien tous le même

matériel en main pour entrer dans la phase de recherche.

Une autre situation liée à une phase d’entrée est venue confirmer cette constatation.

Au cours de mon second stage en responsabilité, en classe de C.E.2, j’ai mené une séance (la

première de la séquence) sur le genre des noms. J’ai proposé aux élèves de souligner les noms

communs présents dans ce texte27 avec leur déterminant.

En passant dans les rangs, il est apparu que certains élèves avaient souligné

« troisième ». Cela montre que pour eux, soit le déterminant précède toujours le nom, soit ils

confondent l’adjectif et le nom. J’ai pu de cette manière me rendre compte que tous n’avaient

pas repéré uniquement les noms communs. Pourtant, ils avaient, toujours dans de cette phase,

à tenter de faire varier le genre de ces derniers. Le professeur d’I.U.F.M. qui était présent lors

de cette séance m’a fait remarquer qu’il aurait été intéressant d’interroger les élèves qui

avaient souligné « troisième ». En effet, cela aurait permis de rebondir sur cette erreur pour

réfléchir avec toute la classe. Car, il est vrai que l’intérêt de cette phase est d’éclaircir, de faire

naître les connaissances des élèves. Elle permet, aussi, de s’appuyer sur leurs représentations.

Et cet oubli de ma part a eu des répercussions, ensuite, lors de la phase de recherche en tant

que telle. Alors que je leur avais demandé de souligner les noms communs au sein d’une

double page de dictionnaire un certain nombre ont souligné aussi les adjectifs.

La particularité de ce support, comme nous l’avons déjà évoqué, a sans doute

déstabilisé quelques élèves. Mais il paraît incontestable que le fait d’oublier d’indiquer qu’il

ne fallait pas souligner « troisième » a contribué à embrouiller certains élèves lors de la phase

suivante. D’autant plus qu’ils devaient résoudre une situation-problème reposant sur un

corpus assez difficile. Cette erreur a ralenti les élèves dans leur recherche. On le voit, cette

phase d’entrée étant brève, doit être efficace. Il est capital pour le maître qui l’anime de passer

dans les rangs ou de trouver un dispositif pédagogique qui lui permette d’avoir une vue

d’ensemble des réussites et des erreurs de chacun des élèves.

27 cf texte p10 du mémoire

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18

Ainsi, si cela était à refaire, je tâcherais d’interroger, en premier lieu, les élèves ayant

commis une erreur. Cela engrange un débat dans la classe qui permet de la corriger. De cette

façon, je serais plus convaincue de placer les élèves en situation d’adopter un regard distancié

par rapport à la langue.

Mais cette condition n’est pas unique. Il faut aussi que la phase d’entrée corresponde à

la phase de recherche avec manipulations de la langue. S’il n’y a pas de réelles

complémentarités entre ces deux étapes, ce travail ne sert à rien. En effet, au cours d’une

séance menée en classe de C.M.1 (à l’occasion du stage en pratique accompagnée) dont

l’objectif était de rendre les élèves capables d’accorder correctement le verbe au chef du

groupe-sujet, j’ai mis en place une phase d’entrée qui ne correspondait pas à l’objectif. J’avais

proposé de regrouper tous les G.S. soulignés dans un texte pour mettre en valeur les G.S. avec

un complément du nom avant de commencer la phase de recherche. L’E.M.F. présente lors de

cette séance m’avait fait remarqué que ce travail n’avait pas été utile et n’avait pas contribué à

préparer les élèves pour la phase qui suivait. Et cela souligne toute l’importance de la

réflexion des points que doit aborder la phase d’entrée. Elle doit réellement préparer l’élève à

être acteur de ses apprentissages. Son importance ne doit donc pas être sous-estimée. De plus,

l’intervention de l’enseignant est capitale. Il se doit d’être très présent dans sa gestion de

l’exercice mais aussi dans sa capacité à voir où en est l’élève dans ses apprentissages.

Ces deux pans sont donc essentiels :

-la complémentarité entre la phase d’entrée et la phase de recherche

- la présence du maître qui réactualise les savoirs nécessaires de tous les élèves pour

les placer en position d’observer activement la langue.

Mais pour permettre une entrée réussie dans une démarche O.R.L., l’enseignant doit

veiller, aussi, à développer les compétences métalinguistiques et métacognitives de l’élève.

L’atelier de négociation graphique s’avère être un exercice tout à fait approprié.

2.3. Les ateliers de négociation graphique

Il s’agit là d’une activité originale mise en place par l’équipe du G.R.E.D.O. (Groupe de

recherche en didactique de l’orthographe) dont l’une des membres est Ghislaine Haas.

L’atelier de négociation graphique fait partie d’un dispositif qui a vocation à enseigner

l’orthographe autrement. Celui-ci a, d’ailleurs, été pensé avant les programmes de 2002 et la

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19

naissance de l’O.R.L. Mais il correspond à un courant existant déjà depuis quelques années

qui proposait de cesser l’enseignement traditionnel et appelait à donner plus d’initiative à

l’élève dans son apprentissage de la maîtrise de la langue en le plaçant autant que faire se peut

en position d’adopter un regard distancié sur la langue comme le ferait un linguiste. Renée

Léon ou encore Jacques David ont soutenu cette idée.

- Les Ateliers de Négociation Graphique (A.N.G.)

L’atelier de négociation graphique fait partie d’une démarche, fruit de recherches de

didacticiens de l’orthgraphe, qui est « articulé autour de quatre axes : la découverte des

systèmes d’écriture dans leurs aspects historiques, culturels, linguistiques, des activités de

systématisation destinées à travailler systématiquement les différents aspects du plurisystème

(ortghographique), puis une activité de classement d’erreurs sur les productions des élèves qui

donne lieu à un codage individualisé utilisé dans la production d’écrit et des ateliers de

négociation graphique »28. Le G.R.E.D.O. justifie ce dispositif en donnant son but : « leur

permettre de porter un regard distancié sur le fonctionnement de leur propre écriture »29.

Ainsi, il apparaît bien que cette démarche et ses objectifs correspondent en tous points à

ceux émis pour l’O.R.L. dans les instructions officielles. Rappelons qu’il y est

écrit: « l’observation réfléchie de la langue française conduit les élèves à examiner des

productions écrites comme des objets qu’on peut décrire et dont on peut définir les

caractéristiques »30.

- Ses objectifs

On recherche, par cette démarche, à ce que l’élève prenne du recul, adopte un regard

distancié sur la langue. On veut développer chez lui un nouvel état d’esprit. Ou disons plutôt

que l’on élargit aux disciplines du français la façon de réfléchir déjà recherchée au sein des

matières scientifiques. Ghislaine Haas écrivait, d’ailleurs, que l’on se doit de « déplacer le

centre d’attention du produit sur le processus »31. Ce n’est pas le résultat final qui compte,

(cela ne veut pas dire que l’on s’en désintéresse) mais le raisonnement qui a permis d’y

parvenir. La prise en compte de l’élève et de ses capacités d’abstraction est tout à fait

manifeste dans cette démarche. On permet une réelle prise de parole des élèves et un

28 G. Haas, Apprendre, comprendre l’orthographe autrement de la maternelle au lycée, p60 29 G. Haas, Apprendre, comprendre l’orthographe autrement de la maternelle au lycée, p59 30 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243 31 G. Haas, Orthographe au quotidien, p15

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développement, une prise de conscience des raisonnements utilisés. Cela paraît capital pour

l’élève afin de lui permettre cette prise de distance vis-à-vis de la langue.

Si l’on veut qu’il prenne ce recul, on se doit d’entraîner ses compétences métacognitives

et métalinguistiques. Ghislaine Haas soutient le développement des compétences

métacognitives car cela permet, dit-elle, de « rendre les élèves conscients des stratégies qu’ils

utilisent, et plus généralement de la façon dont ils apprennent »32 et des compétences

métalinguistiques car « nous cherchons à développer chez l’élève une prise de distance vis-à-

vis de la langue qui le rende capable d’identifier les fonctionnements linguistiques »33. Il

s’agit, dès lors, de développer la capacité de raisonnement de l’élève. Pour ce faire, l’atelier

de négociation graphique s’avère être un outil important pour l’enseignant.

- Le déroulement d’un atelier de négociation graphique

L’objectif à atteindre est que tous les élèves se posent la question : «Comment est-ce que

je peux faire pour écrire cela ? ». On entraîne, dès lors, leurs compétences métacognitives.

L’A.N.G. est une nouvelle activité orthographique. Le G.R.E.D.O. l’a proposé après avoir

dénoncé l’inefficacité de la dictée traditionnelle à faire progresser les élèves. Ce groupe de

recherche conseille de ne pas le mettre en place hebdomadairement mais deux fois par

période.

Ghislaine Haas préconise de suivre un protocole assez précis. Elle conseille de diviser la

classe en petits groupes de cinq à six élèves. Un groupe travaille dans l’atelier avec

l’enseignant pendant que les autres sont en autonomie. Les groupes se succèdent les uns après

les autres. En classe de C.E.2, les élèves étaient dix-huit. J’ai donc divisé la classe en trois

groupes. Un groupe commençait avec moi dans l’A.N.G. alors que les deux autres groupes

devaient faire des exercices de conjugaison en attendant leur tour.

L’A.N.G. débute par l’indication importante que l’intérêt de cet exercice n’est pas de

trouver la bonne orthographe mais les questions que l’on doit se poser pour graphier

correctement les mots. Puis l’enseignant dicte un petit texte fabriqué par lui-même portant sur

des notions sur lesquelles il voudrait voir les élèves réfléchir. Le texte que j’avais fabriqué

était constitué de deux phrases. Les élèves ne le connaissaient pas. Il y avait un nom propre

que j’ai écrit au tableau.

32 G. Haas, Orthographe au quotidien, p14 33 G. Haas, Orthographe au quotidien, p14

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21

Badaboum était une bête qui vivait dans une épaisse forêt tropicale. Un matin, il est entré dans

un verger et il a vu de grandes caisses d’oranges.

L’intérêt de ce support est qu’il se compose de verbes conjugués à l’imparfait et au

passé composé. Cela permettait de voir où se situent les élèves dans leur capacité à réfléchir

sur des éléments connus. Il comportait, de même, des groupes nominaux avec des adjectifs

épithètes. Cette notion avait été, aussi, vue en classe. J’espérais, de cette façon, observer leur

faculté à se poser des questions sur l’accord de l’adjectif avec le nom. Enfin, le mot « verger »

était choisi pour étudier la façon dont ils allaient appréhender ce mot : un nom, un verbe ?

J’ai dicté ce texte aux élèves. Puis je le leur ai relu. Ils disposaient d’un temps de

relecture et de réflexion.

Ensuite, commence une nouvelle phase où l’enseignant cible un point précis sur lequel

il voudrait faire réfléchir explicitement les élèves34. Face aux productions, j’ai demandé au

premier groupe : « Comment avez-vous fait pour écrire « tropicale » car vous ne l’avez tous

écrit de la même façon ? ». Les élèves avaient écrit « tropical » ou « tropicale ». Le débat

allait donc porter dans un premier temps sur le fait de mettre un « e » ou non. La plupart

d’entre eux avaient, d’ailleurs, choisi l’écriture « tropical ». Je leur ai demandé pourquoi. Au

début de la discussion, ils soutenaient que l’on entend [al] donc qu’il n’y a pas de raison

d’écrire autre chose que « al » sinon, d’après eux, l’écriture « ale » se prononcerait autrement.

J’ai, par la suite, interrogé un élève en retrait dans le débat qui lui proposait d’écrire

« tropicale » car disait-il « on met un « e » car il y a « une » avant ». Les autres étaient

d’accord pour dire que « forêt » est féminin mais le problème sur le son les poussait à se

cantonner sur leurs propositions. Il fallut donc insister sur ce fait en leur demandant si tous les

mots de la langue française qui se finit par un « e » s’entendent. Ils étaient d’accord pour

admettre que le prénom Alexandre (élève de la classe) se finit par « e » pourtant on ne

l’entend pas. Cependant, les élèves n’arrivaient visiblement pas à se mettre d’accord. Pour la

grande majorité de ce groupe, il fallait écrire « tropical » même s’il s’accorde avec « forêt »

qui est féminin.

Le groupe 2 s’est aussi penché sur ce problème. La plupart avaient écrit « tropical ».

Un seul avait écrit « tropicale ». Pourtant, très vite, les élèves ont fait usage de leurs savoirs

grammaticaux. Il a été évoqué le fait que « tropicale » est un adjectif et qu’il s’accorde avec

34 Annexes IV, V, VI, VII

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22

« forêt » qui est un nom féminin car il y a le déterminant « une » avant. Ils étaient d’accord

pour dire qu’il fallait écrire « tropicale » mais un doute est survenu lorsqu’un élève a émis

l’hypothèse qu’il s’agit d’une exception.

Le groupe 3 a, là encore, en majorité écrit « tropical ». Le débat a, dès lors, commencé.

Un très bon élève de la classe a proposé rapidement que « tropical » est un adjectif qui devrait

s’accorder avec forêt, nom féminin. Mais que, dans ce cas, il s’agit d’une exception. Les

autres semblaient assez d’accord avec son hypothèse et n’ont pas émis d’autres propositions

malgré mes insistances. Ils étaient tous d’accord.

Ainsi, il paraît intéressant d’analyser ce premier point sur lequel les élèves ont tous

débattu. Tout d’abord, il m’a paru étonnant que la thèse de l’exception ait été prononcée au

sein du groupe 2 et soutenue très rapidement au sein du groupe 3 au point d’avoir clos le sujet

dès l’entrée dans le débat. Après réflexion, plusieurs explications peuvent être émises. Tout

d’abord, l’organisation pédagogique peut avoir joué un rôle. Les élèves n’avaient pas

l’habitude de cet exercice. Ils savaient qu’ils étaient enregistrés. Les tables de la classe avaient

été déplacées. Et, les élèves étaient divisés en groupes. Ils semblaient très intrigués et

enthousiasmés par cet exercice. Du coup, pour obtenir le silence des groupes non participants

sur le moment, des exercices à effectuer en autonomie leur avait été proposés. Seulement, ils

pouvaient tout entendre du débat malgré le fait que le coin que j’avais attribué pour le

déroulement de l’A.N.G. était bien délimité et en retrait par rapport à la classe. Je pense que la

thèse de l’exception a pu être reprise en groupe 3 de cette façon.

L’autre explication est que l’élève qui a repris, au sein du groupe 3, cette hypothèse

était le très bon élève de la classe. Son aura auprès des autres élèves a sans doute contribué à

entériner le débat sur ce sujet. Le rôle de l’enseignant est ici majeur. Il se doit de veiller à la

bonne gestion du débat et ne pas laisser les bons élèves monopoliser la discussion. Seulement,

dans ce cas, le débat venait à peine de commencer. Lui seul voulait prendre la parole. Ainsi,

me suis-je faite surprendre dans ce premier temps mais j’ai veillé à cela pour la suite du débat.

La dernière hypothèse à laquelle j’ai pensé est que les bons élèves sont toujours

satisfaits de montrer qu’ils connaissent les exceptions. Cela contribue à nourrir leur aura vis-

à-vis des autres élèves de la classe. Ainsi, même s’ils connaissent la règle (pratiquement tous

avaient reconnu que « tropicale » est un adjectif qui s’accorde avec « forêt », nom féminin

que l’on reconnaît car il a le déterminant « une » devant), les bons élèves préfèrent soutenir la

thèse de l’exception qui doit certainement leur être une réponse plus profonde, plus mature.

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23

Mais cela peut venir aussi de nombreuses séances de grammaire qui portent davantage sur les

exceptions que sur les régularités. Voilà, me semble-t-il, pour quelles raisons cet élève a clos

rapidement la discussion concernant ce point. Il a été influencé et il a orienté les autres. Cela

n’est pas forcément un élément qui nuit à l’A.N.G. Seulement, il est important que tous

puissent s’exprimer, énoncer les questions qu’ils se posent durant le débat. Il paraît important

de ne pas laisser la parole aux bons élèves dès le début. Il est vrai que la plupart d’entre eux

sont à l’aise à l’oral et ne craignent pas de prendre la parole dès le début. Il est donc important

d’y veiller.

Le deuxième point sur lequel les trois groupes ont débattu concerne l’écriture de

« verger ». Certains ont écrit « verger » et les autres « vergé ».

Le premier groupe s’est interrogé sur ce point. Ils ont émis l’hypothèse que la bonne

écriture est « verger » car c’est masculin. Ils se sont posé des questions mais ils n’arrivaient

pas à justifier l’écriture choisie. Il est vrai qu’il est délicat de dire en classe : c’est parce que

c’est un nom qui s’écrit comme ça. Ils soutenaient leur écriture en disant que « verger » est

masculin donc il s’écrit « vergé ».

Le groupe 2 s’est aussi penché sur le problème. Une élève a dit qu’elle a pensé à

remplacer verger par « avait » pour vérifier si « verger » est un verbe ou non. Je lui ai

demandé de redire la phrase en suivant cette manipulation. Elle s’est rendu compte que la

phrase n’avait plus de sens. Du coup, elle a maintenu que verger s’écrit « vergé » car ce n’est

pas un verbe. Dès lors, je leur ai demandé à quelle classe de mot appartient ce mot. Ils ont

répondu que c’est un nom. Un autre a dit qu’il n’était pas d’accord. Pour lui, il s’agissait d’un

participe passé car l’écriture choisie est « é ». Un seul élève a maintenu l’idée que verger

s’écrit « verger » car c’est un nom qui s’écrit comme un verbe. Les autres étaient d’accord

pour dire que verger n’est pas un verbe donc il s’écrit « é ».

Avec le groupe 3, le même type de discussion et d’hypothèses a été apporté. Mais plus

d’élèves ont dit qu’ils ont écrit « verger » parce que « c’est un nom qui s’écrit comme ça ».

Je ne m’attacherai pas à analyser tous les points abordés durant cet A.N.G. mais ceux

exposés plus haut sont tout à fait révélateurs des capacités des élèves et du déroulement de

cet atelier. Une fois le débat avec le troisième groupe terminé, j’ai affiché les synthèses

rédigées en dictée à l’adulte au sein de chacun des groupes et je les ai lues à toute la classe. Il

est apparu que pratiquement tous avaient rencontré les mêmes difficultés mais que tous ne

s’étaient pas posé les mêmes questions pour soutenir une écriture. Les élèves ont été étonnés

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24

de cela. Puis je leur ai distribué le texte original et je leur ai laissé un temps pour comparer

celui-ci avec leur production. Les élèves qui avaient soutenu la thèse de l’exception ont été

étonnés de voir que « tropicale » n’en est pas une.

- Bilan :

J’ai été particulièrement étonnée par leur capacité à utiliser dans une discussion des

termes grammaticaux pour justifier leur choix d’écriture. Il est intéressant de voir à quel point

l’A.N.G. travaille les compétences métalinguistiques. Pour soutenir leurs propositions, ils

recourent assez facilement à la grammaire (règles et termes). Et cela, rappelons-le, est bien

un des objectifs de ce dispositif. Car pour qu’ils puissent prendre du recul vis-à-vis de la

langue, ils doivent développer leurs compétences métalinguistiques. Il est incontestable aussi

de faire le constat que cet exercice développe chez l’élève ses compétences métacognitives.

L’élève prend conscience de sa façon de réfléchir, des questions qu’il se pose lorsqu’il se

trouve en position d’orthographier un texte. On forge chez lui un processus « méta » qui lui

sera nécessaire pour réviser un texte mais, avant cela, pour résoudre un problème sur la langue

en situation.

L’organisation pédagogique, on l’a vu, joue un rôle important dans le déroulement d’un

A.N.G. Les élèves en autonomie, intrigués par le dispositif mis en place, ont eu tendance à

écouter à celui-ci. D’une certaine façon, ils y ont participé. Lors du prochain A.N.G. que je

mettrais en place au cours de ma carrière, je tâcherais de donner plus d’importance aux

exercices donnés à effectuer en autonomie. En effet, les élèves savaient que ces derniers

avaient pour rôle majeur de les occuper en attendant leur passage dans l’atelier. Du coup, cela

a sans doute contribué à ce que les groupes 2 et 3 participent très discrètement à l’A.N.G. Il

faudrait peut-être leur dire que l’ensemble des exercices est à effectuer. La procédure est un

peu directive. Néanmoins, elle aurait le mérite de placer davantage en autonomie ces élèves. Il

faut dire que cette classe n’avait jamais effectué cet atelier. Il est donc très possible que si le

dispositif avait déjà été pratiqué plusieurs fois dans l’année, cela aurait sans doute atténué

l’excitation et l’intrigue qui l’entouraient.

2.4. Les dictées commentées.

Il existe, on le sait, plusieurs autres formes de dictées que celle traditionnelle où le

maître dicte le texte, le relit et corrige. Car, aujourd’hui, celle-ci n’a plus bonne presse. Des

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chercheurs tels que Ghislaine Haas et le G.R.E.D.O. l’ont critiquée, pas tant dans sa forme

mais davantage dans sa capacité à faire progresser l’élève. Depuis plusieurs années

maintenant, les didacticiens de l’orthographe ont travaillé sur cet exercice et en ont proposé

différentes formes selon les objectifs poursuivis par l’enseignant.

Je ne me suis pas intéressée à toutes les formes de dictées au cours des stages

effectués, par manque de temps en particulier. Mais, j’ai voulu, en raison du sujet sur lequel je

travaillais dans le cadre de ce mémoire professionnel, mettre en place une dictée que l’on

pourrait qualifier de « commentée ». Elle consiste à dicter aux élèves un texte qui reprend ou

soulève plusieurs notions grammaticales. Puis, le maître lit une première fois le texte. A

l’issue de cette lecture, il interroge les élèves afin de vérifier que tous aient bien compris le

texte. On sait à quel point l’appréhension du corpus est importante pour permettre la prise de

distance vis-à-vis de la langue. Eux-mêmes peuvent demander, ensuite, ce que signifie tel ou

tel mot.

Ensuite, le maître dicte le texte35, phrase par phrase. En classe de C.E.2, les élèves

avaient visiblement l’habitude de préparer des mots ou des notions grammaticales avant la

dictée qui reprenait ces éléments, chose que je ne leur ai pas proposée.

J’ai donc choisi de leur dicter un texte assez long (une dizaine de lignes) puisqu’ils

connaissaient déjà le fond de l’histoire qui faisait référence à une parodie du conte des Trois

petits cochons, La Vérité sur l’affaire des trois petits cochons sur laquelle ils travaillaient dans

le cadre d’un projet en littérature et en arts visuels. Le texte ne contenait pas, de plus, de mots

très difficiles. Ce texte comportait des verbes conjugués à l’imparfait. Cela permettait de

vérifier leur capacité à réinvestir une notion travaillée pendant la semaine. Les élèves savaient

que tous les verbes étaient conjugués à ce temps.

Les points importants tels que l’accord sujet-verbe, les accords dans le groupe nominal

ont fait l’objet d’une attention particulière. Le dispositif consistait à demander aux élèves :

« Quelle question doit-on se poser pour trouver comment écrire… ? ». Je leur avais, au

préalable, indiqué clairement que je n’attendais pas qu’ils me donnent oralement la réponse

mais seulement la (ou les) question(s) adéquate(s) à se poser pour s’aider. Par exemple, pour

écrire « Le loup allait… », je leur ai demandé : « Comment faire pour écrire correctement

allait ? ». Un élève a répondu : « Il faut l’accorder avec le loup parce que c’est le loup qui va

dans la maison. » J’ai, dès lors, demandé : « Oui, mais qu’est-ce que le mot allait ? ». Un

autre a proposé : « C’est le verbe aller. » Cette procédure a été utilisée pour pratiquement tous

35 Annexe VIII

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les verbes conjugués. Celle-ci peut paraître laborieuse. Néanmoins, il est important pour des

élèves de ce niveau de leur faire prendre l’habitude de se poser des questions sur la langue

jusqu’à ce que cela devienne un automatisme.

De même, pour orthographier les verbes à l’infinitif « entrer » et « demander », je les

ai interrogés pour savoir à quoi il fallait penser pour trouver leur orthographe. Un élève a

proposé de remplacer ces verbes par « faire ». Mais, il ne semblait, ni lui ni les autres

d’ailleurs, savoir pourquoi. Il s’agissait visiblement d’un savoir mnémotechnique qu’on leur

avait sans doute présenté sans en expliquer la validité.

Pour écrire la phrase, « Mais rien ne permettait l’ouverture de la porte », les élèves ont

eu des difficultés à marquer l’accord sujet-verbe. Il est vrai que cet accord, en raison du

concept du rien, est complexe à appréhender pour des élèves de cet âge. Il a fallu les guider en

leur demandant quel était le sujet et s’il était singulier ou pluriel.

-Bilan :

L’objectif n’était donc pas de leur « mâcher » le travail puisque ce que l’on recherche

est de rendre les élèves plus responsables dans leur maîtrise de la langue. Mais, par ce biais,

on pense les habituer à se poser des questions sur la langue. On sollicite à la fois leurs

compétences métalinguistiques et surtout métacognitives.

Comme pour l’atelier de négociation graphique, on s’intéresse davantage au processus,

à leur capacité d’abstraction nécessaire pour que les manipulations qu’ils seront amenés à

effectuer dans le cadre des séances d’O.R.L. pour résoudre des situations-problèmes trouvent

comme principal allié ces questions, cette gymnastique de l’esprit qu’ils sont capables de

développer.

III- LES TECHNIQUES D’EXPLORATION DANS LA

RESOLUTION DE PROBLEMES LINGUISTIQUES

Avant-propos :

Comme nous l’avons déjà indiqué, l’O.R.L. est le moment spécifique où l’élève se

trouve en situation d’observer, de réfléchir sur la langue. Pour ce faire, il doit être préparé à

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développer ses compétences métalinguistiques et métacognitives, outils indispensables pour

lui permettre de mener une réelle observation réfléchie de la langue. L’enseignant lui a

préparé un corpus sur lequel vont être menées la phase de recherche et une phase d’entrée qui

lui a permis de cerner le problème et de réactualiser les savoirs nécessaires.

Cette fois, l’élève se trouve face à un problème à résoudre. Il est acteur de ses

apprentissages où il doit étudier la langue comme objet d’étude à part entière. Il doit « agir,

(…) démonter et remonter la phrase (…) comme le cylindre ou le parallélépipède en

géométrie »36. L’élève est seul ou en groupes pour permettre les interactions entre pairs.

L’enseignant a, dès lors, un rôle mineur mais pas nul (à la différence de la phase d’entrée par

exemple). Des techniques d’exploration, choisies par l’enseignant, vont lui permettre de

résoudre, par lui-même, et d’aboutir à la règle.

Durant cette partie, nous ne nous attacherons pas à commenter et analyser toutes les

phases de recherche que j’ai mises en place durant les différents stages mais uniquement

celles qui sont représentatives. De même, nous suivrons un plan qui reprend les techniques

d’exploration des instructions officielles.

3.1 « Classer »37

Tout d’abord, rappelons que les instructions officielles disent que « pour faciliter cette

observation, quelques techniques d’exploration du langage doivent être régulièrement

utilisées : classer (des textes, des phrases, des mots, des graphies) en justifiant les classements

réalisés par des indices précis (…) »38. Cette technique d’exploration contribue aussi à

développer les compétences métalinguistiques de l’élève. Pour résoudre un problème où il

doit recourir à celle-ci, il doit observer la langue, tenir compte de critères d’observation,

opérer des choix, trouver des points communs et des différences. Et on sait que cette dernière

est une compétence spécifique à faire acquérir dans le cadre de l’O.R.L. Selon le niveau, on

attendra que l’élève constitue des catégories en utilisant des critères équivalents.

En classe de C.M.1, au cours du stage de pratique accompagnée, les élèves d’un bon

niveau baignaient dans une démarche O.R.L. J’ai mené une séance dont l’objectif principal

était de rendre les élèves capables de reconnaître le chef dans le groupe nominal afin

36 Henri Bassis in J. Dion et M. Serpereau, Grammaire, conjugaison, orthographe cycle 3, p 43 37 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p 243 38 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243

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d’accorder correctement le verbe avec celui-ci. En phase d’entrée, les élèves avaient souligné

tous les groupes nominaux d’une couleur et les verbes d’une autre. J’ai choisi de leur

demander d’opérer un classement de ces derniers afin qu’ils puissent constater qu’il y avait

dans ce texte deux types de G.N. : des G.N. en expansion et des G.N. avec un ou deux mots. Il

me semblait intéressant qu’ils constatent par eux-mêmes, en binôme, ces deux catégories

avant d’étudier le « chef » du G.N., qu’ils voient la spécificité des G.N. en expansion.

Pourtant, cette phase ne s’est pas déroulée comme je l’entendais au départ. En passant

dans les rangs, je me suis rendu compte que les élèves avaient rapidement trouvé des

classements possibles. Mais, je ne leur avais pas indiqué dans la consigne de trouver tous les

classements envisageables. Pourtant, tous les groupes proposaient bon nombre de classements

comme les G.N. singuliers et les G.N. pluriels, les G.N. féminins et les G.N. masculins, le

G.N. « qui » et les autres,… Ces propositions n’étaient pas fausses mais ne correspondaient

pas à mes attentes. Ces résultats étaient révélateurs de plusieurs éléments qui se sont déroulés

en amont. Tout d’abord, nous étions en début d’année et l’enseignante titulaire avait mis en

place une séance d’O.R.L. sur l’accord sujet/ verbe où ils avaient à trouver tous les critères de

classement des groupes sujet (ce qui était justifié au vu des objectifs assignés à cette séance).

Cela a sans doute contribué à ce que les élèves agissent ainsi. Mais, ce n’est pas l’unique

raison. En effet, après coup, il me semble que ma consigne était trop vague : « Vous allez

cette fois classer ces groupes sujets ». D’autant plus que l’objectif de cette activité n’était pas,

en premier lieu, d’entraîner les élèves à cette démarche intellectuelle. Je ne leur demandais

pas d’observer la langue pour trouver la démarche. En effet, si on leur demande de classer des

faits linguistiques sans indiquer les critères de classement, on vise, dès lors, à travailler la

manipulation. Et, les élèves se trouvant devant une consigne si vague ont suivi une consigne

qui s’en rapprochait, qu’ils connaissaient.

Dès lors, j’ai récolté leurs réponses au tableau. Aucun groupe n’a proposé

spontanément le classement G.S. courts / G.S. longs. Je leur ai demandé d’observer

attentivement tous les G.S. soulignés. Une élève a dit : « Il y a des groupes sujets avec

plusieurs mots et d’autres avec deux mots ou encore avec un mot ». Dès lors, je me suis

empressé de leur montrer la pertinence de cette remarque, en leur indiquant que les autres

classements n’étaient pas faux, mais que par rapport à ce répertoire de G.S. celui qui

correspondait le plus à celui-ci était bien la proposition faite par cette élève. Après cela, je

leur ai demandé de regarder le lien, à l’intérieur de chaque G.S., qu’il y avait entre les noms et

le verbe. Ils ont très rapidement remarqué qu’ils existent une hiérarchie dans le G.S., un chef

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de groupe (qu’une élève a appelé « celui qui décide l’accord »). Ils ont trouvé tous les chefs

de G.S. puis nous avons rédigé la trace écrite ensemble.

Après coup, plusieurs remarques sont à dire. Tout d’abord, les élèves ont compris que,

dans un groupe sujet en expansion (avec un complément du nom), il existe un chef qui impose

l’accord du verbe avec lui-même. Mais la démarche que j’avais conçue, la situation recherche

que je leur avais proposée, étaient à revoir. Je leur avais demandé de rechercher les critères de

classement de tous les G.S. répertoriés. Ainsi, ils devaient s’employer à trouver les différences

et les ressemblances comme cela est demandé dans les programmes. Mais, au lieu d’opérer

des choix quant aux classements, ils ont comparé les G.S. pour proposer des classements. Ils

n’ont donc pas décidé de celui qui était le plus pertinent. Pour la simple et bonne raison que je

ne leur avais pas indiqué qu’ils devaient en trouver un qui correspondait à notre répertoire. Et

il est vrai que ma consigne incitait à ce résultat.

Si ce cas se représenterait, je leur demanderais de se mettre d’accord pour trouver un

classement (en leur spécifiant bien que l’activité demandée est différente que celle effectuée

auparavant) par rapport à ce répertoire. Bien connaître la classe est capitale aussi quant à la

consigne adéquate à émettre. En effet, se projeter dans ce que les élèves seraient susceptibles

de faire semble être un procédé sûr même si on ne peut évidemment pas tout prévoir.

Le classement en soi n’a pas empêché les élèves d’observer la langue ; ils ont atteint

l’objectif principal de la séance. Mais, la consigne qui l’accompagnait a entaché cette phase

de recherche. Du fait qu’ils avaient à trouver le critère de classement avant de procéder au

classement en tant que tel, il était important de bien veiller à la consigne émise.

De même, en classe de C.E.2, au cours d’une séance sur le genre des noms communs,

les élèves avaient à classer les noms soulignés au sein d’une photocopie d’une double de page

de dictionnaire entre les noms qui varient en genre et ceux qui ont un genre fixe. Cette fois, à

la différence de la séance analysée plus haut, les élèves possédaient les critères de classement.

Mais le support était différent (il s’agissait d’un support de référence, difficile encore à

appréhender à cet âge). Les élèves n’avaient pas le même âge et n’étaient pas baignés depuis

le début de l’année dans une démarche O.R.L. L’objectif de la séance était aussi différent.

Le classement39 devait, dans ce cas, les aider à constater par eux-mêmes, en

s’appuyant sur une page de dictionnaire prise au hasard, que la grande majorité des noms

communs de la langue française sont porteurs d’un genre fixe et arbitraire qui n’a rien à voir

39 Annexe IX

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30

avec les sexes masculin et féminin. Nous sommes parvenus à atteindre cet objectif. Une

colonne était particulièrement remplie alors que l’autre ne l’était pas. Ils ont pu, de cette

façon, constater ce fait très rapidement. Le classement a été, dans ce cas, une manipulation qui

venait en seconder une autre, la transformation en genre. Ils devaient tenir compte du résultat

donné par la transformation pour décider de la place à accorder au mot au sein du tableau pour

ensuite déduire que la majorité des noms ont un genre fixe et arbitraire.

-Bilan :

Ces deux expériences ont prouvé l’intérêt des classements qui permettent à l’élève de

comparer des faits linguistiques pour trouver des critères communs puis d’opérer des choix

quant à la catégorie à laquelle ceux-ci se rattachent. L’élève se trouve bien en situation,

comme le dit le site internet orlf.free.fr, d’agir sur des « éléments linguistiques en dégageant

des caractéristiques qu’il s’approprie ».

3.2. « Manipuler des unités linguistiques »40

Les instructions officielles parlent d’un deuxième type de techniques d’exploration du

langage qui sont les manipulations des « unités linguistiques (mots, phrases, textes) »41. On

attend, en effet, à ce que les élèves sachent « savoir effectuer certaines opérations de

déplacement, remplacement, expansion, réduction, d’où apparaîtront des ressemblances et

différences entre les objets étudiés »42. L’élève agit, de cette façon, sur le langage. Henri

Bassis dit même que « leur acquisition (des notions, concepts, et règles de fonctionnement) ne

peut être que découverte et auto-construction, conquête, à partir de manipulations opératoires

nombreuses, répétées et diverses – où il ne faut pas regarder, mais où il faut agir soi-même,

avec ses doigts. »43 Cet auteur va donc bien dans le même sens que les programmes. L’élève

doit être actif dans son apprentissage. Il doit être sollicité mais d’une façon particulière : on

recherche l’abstraction par des activités « manuelles ». Tel un physicien (par exemple), il

cherche à comprendre en manipulant, en testant. La pratique trouve ici une place majeure.

Mais, en plus de cela, Henri Bassis préconise d’ajouter une dimension ludique où « jeu et

travail se confondent et où la joie de la découverte débouche sur la conquête de

40 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p244 41 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243 42 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p244

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l’abstraction »44. Il s’agit de placer l’élève en situation de recherche comme il l’est en

mathématiques « où c’est la pratique manipulée de situations additives dont l’accumulation

permettra la naissance de l’abstraction opératoire »45. L’élève doit manipuler des unités

linguistiques mais de façon régulière. Et c’est bien l’une des principales nouveautés de ces

programmes, le créneau hebdomadaire accordée à l’O.R.L. en cycle 3. Ce sont pendant ces

heure et demie à deux heures qu’il doit chaque semaine s’exercer à décortiquer la langue pour

comprendre son fonctionnement en vue de la maîtrise de celle-ci.

L’enseignant a la possibilité de recourir à une diversité de manipulations. Il est

important de respecter cette règle. Mais cela dépend des objectifs, des notions que l’on étudie.

Pourtant, au cours de mes différents stages, j’ai souvent demandé aux élèves de procéder par

analogie pour acquérir une notion visée. L’intérêt de l’analogie est que les élèves doivent déjà

observer les unités linguistiques, posséder tous les critères d’observation en décelant les

ressemblances et différences avant d’opérer des choix quant au modèle auquel se rattache telle

ou telle unité linguistique. L’élève doit déjà cerner au moins partiellement la règle lorsqu’il

procède par analogie. Mais c’est seulement à l’issue de l’activité qu’il sera pleinement en

mesure de déduire celle-ci.

En classe de C.E.2, j’ai mené une séance portant sur la construction de l’imparfait.

L’objectif était de rendre les élèves capables de trouver la construction des verbes conjugués à

ce temps à toutes les personnes. Pour ce faire, après la phase d’entrée, ils devaient, en binôme,

trouver les conjugaisons de l’imparfait au sein de tableaux de conjugaison. Ils disposaient de

photocopies des conjugaisons des verbes les plus fréquents comme cela est demandé par les

instructions officielles. Puis, à l’aide d’un questionnaire, ils avaient à trouver les terminaisons

de ces verbes, à déterminer si elles sont différentes selon le groupe auquel ils appartiennent.

Ensuite, ils devaient étudier46 et comparer le radical des verbes à l’imparfait et ceux au

présent de l’indicatif (mais cela ne leur était pas indiquer) pour trouver à quel radical la

morphologie des verbes conjugués à l’imparfait correspondait (le radical des verbes conjugués

à la première personne du pluriel sauf pour être) et observer, dans un deuxième temps, s’il

diffère selon les personnes et les groupes. Après avoir répondu à ces questions, ils devaient

procéder par analogie pour conjuguer correctement d’autres verbes. De cette manière, ils

avaient trouvé par eux-mêmes la morphologie des verbes conjugués à l’imparfait en ayant agi,

43 Henri Bassis in J. Dion et M. Serpereau, Grammaire, conjugaison, orthographe cycle 3, p 43 44 H. Bassis in J. Dion et M. Serpereau, Grammaire, conjugaison, orthographe cycle 3, p 43 45 H. Bassis in J. Dion et M. Serpereau, Grammaire, conjugaison, orthographe cycle 3, p 43

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comme le disait Henri Bassis. Par une démarche inductive où ils ont été amenés à manipuler

la langue, ils ont pu comparer toutes les conjugaisons à l’imparfait entre elles et celles-ci avec

les autres temps (pour trouver comment construire leur radical). Ils étaient actifs dans leurs

apprentissages et, dans le même temps, ils ont pu manipuler des unités linguistiques (des

verbes conjugués).

D’autres séances menées en grande section sur l’encodage de mots, les élèves devaient

procéder là encore par l’analogie. En effet, après avoir discriminé auditivement un mot, ils

trouvaient la graphie correspondante en s’appuyant sur un jeu du pendu. Ils devaient ainsi

comparer les phonèmes recherchés avec ceux connus présents au sein des mots-étiquettes

affichés en classe qui leur servaient de référence. A la différence de la procédure citée plus

haut, cette fois le critère d’observation qui allait conduire la recherche est un support oral. La

manipulation se faisait à l’oral puis à l’écrit. Il s’agissait donc de comparer des sons et déduire

leur graphie. Mais les élèves rencontraient parfois des problèmes. En effet, lorsqu’un

phonème peut correspondre à plusieurs graphies, il était déstabilisant pour eux d’admettre que

cela constituait une réalité assez courante dans la langue française.

-Bilan :

Il est indéniable que l’usage de manipulations diverses d’unités linguistiques est

important dans la conquête de l’abstraction recherchée chez l’élève. Mais, le choix les

concernant dépend des objectifs poursuivis, des notions étudiées. En effet, par exemple,

l’étude des groupes formant la phrase peut amener le recours à des remplacements, des

déplacements. Cette diversité permet d’entraîner les élèves à une certaine souplesse d’esprit et

empêcher les pratiques automatiques qui vont à l’encontre de l’objectif assigné. Il faut

susciter, comme le disent les programmes, « la curiosité intellectuelle »47 des élèves et, dans

le même temps, leur proposer des manipulations qui correspondent à la recherche à effectuer.

Cependant, au cours de mes stages, je n’ai pu explorer toutes ces manipulations auprès des

élèves.

46 Annexe X 47 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243

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33

3.3 Les phases d’interaction entre les élèves

Il est peut-être étonnant de placer ce sujet à cet endroit de la réflexion. En effet, ces

moments d’interaction sont multiples tout au long de la démarche O.R.L. Les élèves peuvent

confronter leurs réflexions dès les phases d’entrée, puis au cours des phases de recherche et

lors des mises en commun. Mais, il semble plus intéressant d’évoquer, dans le cadre qui est le

nôtre, les moments où les élèves sont en groupes en train d’observer et d’agir sur la langue.

L’intérêt de ces confrontations entre élèves est dans les justifications qui

accompagnent toute prise de décision. Ils doivent souvent agir ensemble, tester des

manipulations ensemble et déduire les savoirs à retenir. Il est, dès lors, de bon ton de

permettre ces temps où ils explorent, décortiquent à plusieurs la langue. C’est tout l’intérêt,

d’ailleurs, de recourir à une démarche inductive dans ce cadre où l’objectif poursuivi est que

l’élève adopte un regard distancié sur celle-ci. Il paraît, donc, important de privilégier des

travaux de groupes lorsqu’on place l’élève en position de douter puis d’agir pour résoudre le

problème. En se justifiant, il est amené à développer « une argumentation

métalinguistique »48. Il travaille donc le raisonnement en même temps qu’il manipule la

langue dont les bénéfices viendront renforcer celui-ci.

Pour permettre une réelle confrontation entre les élèves, il est important, et cela m’est

apparu durant mes différents stages, de veiller aux groupes que l’on forme. En effet, lors de

l’atelier de négociation graphique que j’ai mis en place en C.E.2 un très bon élève avait clos

rapidement une argumentation par l’aura qu’il avait au sein du groupe. Après coup, il semble

qu’il aurait été judicieux de placer dans ce groupe un élève du même niveau que lui qui aurait

pu le contredire ou en tout cas débattre avec lui. Une élève qui était aussi d’un bon niveau

était à ses côtés mais elle disait ne pas avoir d’avis sur le sujet. Dès lors, l’enseignant se doit

de relancer les élèves durant ces moments, ce à quoi je me suis employée, mais cet élève

semblait tellement en confiance dès le début de l’atelier (le premier auquel les élèves

participaient). Je savais que cet élève avait ce tempérament. Il aurait donc fallu un élève qui

soit comme lui non impressionné par le dispositif (ce qui n’était pas le cas de tous).

Globalement, je recourais souvent aux travaux en binôme durant les phases de

recherche. Ce dispositif me semblait intéressant puisque, en C.E.2 en particulier où les élèves

ne baignaient pas dans une démarche O.R.L., il permettait des interactions sans susciter

d’éventuels débordements. La recherche en groupes est, d’ailleurs, un réel travail. Il faut

48 G. Haas, Orthographe au quotidien, p19

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prendre en compte l’avis de l’autre tout en s’imposant soi-même. Il faut être convaincant sans

inhiber son binôme. Durant les phases d’exploration de la langue, l’argumentation par le biais

des manipulations à effectuer est un outil privilégié de l’élève pour adopter un regard

distancié sur la langue, comprendre le système en vue de réinvestir plus aisément les acquis

que l’il a construits.

-Bilan :

En confrontant ces savoirs, en agissant sur la langue pour résoudre un problème

linguistique par diverses manipulations, l’élève comme le dit Danièle Cogis, construit « des

conduites psychocognitives fondamentales, nécessaires à l’acquisition des savoirs »49. Ainsi,

ces actions ont un rôle fondamental dans le processus d’apprentissage. Elles contribuent à

développer ses capacités métacognitives.

49 D. Cogis, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, p347

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35

CONCLUSION

Au terme de notre parcours, on peut affirmer que concevoir des séances

d’apprentissage pour permettre une observation réfléchie de la langue n’est pas chose facile

car on prend en considération la langue qui est un objet d’étude complexe et les processus

d’apprentissage des élèves.

D’autant que l’on recherche qu’ils adoptent un regard distancié sur la langue afin de

comprendre le fonctionnement de la langue et à terme de réinvestir leurs acquis en toutes

situations.

Pour ce faire, le processus d’apprentissage devient le centre de la démarche. Les

attitudes intellectuelles sont cette fois réellement prises en compte. On développe ses

compétences métalinguistiques et métacognitives. Aussi, on l’entraîne à explorer la langue par

des manipulations diverses d’unités linguistiques.

Mais, toutes ces actions, comme le souligne Danièle Cogis, ont « une double face, à la

fois matérielle et mentale »50. L’élève agit tout en effectuant des opérations cognitives.

L’enseignant peut donc proposer des activités où l’objectif principal est le développement des

compétences métacognitives et métalinguistiques comme les ateliers de négociation graphique

et les dictées commentées. Mais même lorsqu’il demande à l’élève de procéder à des

manipulations pour résoudre un problème sur la langue, ses actions ont des conséquences

matérielles mais aussi cognitives.

Je suis donc arrivée à la conclusion que l’enseignant doit veiller à respecter plusieurs

paramètres pour que l’élève ait ce rapport distancié à la langue :

- proposer diverses manipulations pour que l’action choisie débouche parfaitement sur

le savoir visé et pour empêcher tout automatisme. Car chaque manipulation a des

conséquences cognitives. Il est donc important de connaître cette pluralité et y

recourir.

- Proposer des séances motivantes qui aient du sens pour eux. Cela passe par le choix

du corpus, le moment où intervient la réflexion, des activités qui correspondent bien

aux objectifs.

- Prendre en compte la spécificité des élèves lors des travaux de groupes

50 D. Cogis, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, p347

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- Proposer des corpus qui contiennent des exemples évidents et des exemples qui le

sont moins. Il ne faut pas cacher à l’élève les difficultés de la langue. De plus, on

cherche à susciter sa « curiosité intellectuelle »51.

Ainsi, ces programmes de 2002 ont-ils repris les volontés affichées par le courant de « la

main à la pâte » qui cherchait à mettre en avant des démarches réflexives. Dès lors, on

s’intéresse particulièrement au processus d’apprentissage, aux attitudes de curiosité. L’élève

est l’acteur de ses apprentissages. Et cette fois, pour toutes les notions grammaticales (au sens

large), on recherche, comme le fait remarquer Danièle Cogis, à ce que l’élève dise

« comment » et non plus uniquement « quoi »52.

51 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? p243 52 D. Cogis, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, p348

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BIBLIOGRAPHIE

Textes officiels : S.C.E.R.E.N., Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? , XO Editions C.N.D.P., 2003. S.C.E.R.E.N., Les documents d’accompagnement Lire et écrire au cycle 3, XO Editions C.N.D.P. Ouvrages : -Danièle COGIS, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, Collection Pédagogie et formation, Delagrave, 2005. -Eliane DEETJEN, Philippe KRIEG et Jean-Marie SCHELCHER, Grammaire, orthographe grammaticale cycle2, Bordas pédagogie, 2001. -Jeanne DION et Marie SERPEREAU, Grammaire, conjugaison, orthographe cycle3, Bordas pédagogie, 2005. -Ghislaine HAAS (sous la direction), Apprendre, comprendre l’orthographe autrement de la maternelle au lycée, S.C.E.R.E.N. C.R.D.P. Bourgogne, 2002. -Ghislaine HAAS, Orthographe au quotidien cycle 3, C.R.D.P. Bourgogne, 2004. - Renée LEON, Enseigner la grammaire et le vocabulaire à l’école, Hachette Education, 1998. Revue pédagogique : Animation et Education, numéro 178, janvier-février 2004 Sites internet : www.prepaclasse.net./orlf www.ac-nice.fr http://orlf.free.fr

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ANNEXES

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I

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II

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III

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IV

Extraits de l’atelier de négociation graphique effectué en classe de C.E.2 en mars 2006-04 Dictée : Badaboum était une bête qui vivait dans une épaisse forêt tropicale. Un matin, il est entré dans un verger et il a vu de grandes caisses d’oranges. Groupe 1 : -Indication par la maîtresse que l’intérêt de cet exercice n’est pas de trouver la bonne orthographe mais les questions que l’on se pose pour orthographier les mots. - Dictée - Affichage de chacune des productions Puis commence la discussion. Maîtresse : Je remarque que vous n’avez pas tous écrit de la même façon « tropicale ». Certains l’ont écrit « tropical » et d’autres « tropicale ». Alors, à quoi avez-vous pensé pour écrire ce mot ? Alexandre : Une épaisse forêt tropicale. M : Oui, mais à quoi as-tu pensé pour écrire ce mot ? Elisa : Il faut écrire « al » à la fin. M : Pourquoi ? Elisa : Parce que ça finit en [al]. M : Les autres qu’en pensez vous ? Alexandre : Non c’est « ale » à la fin. (il insiste sur le son e à la fin). M : Pourquoi ? Approfondis ce que tu penses. Alexandre : C’est une forêt tropicale. Donc « forêt » avec un « t » et « tropicale » avec un « e ». M : Les autres ? Alexandre : « e » car c’est « une ». Laura : C’est « al » parce que c’est pas au féminin. M : Comment on peut le savoir ? Laura : Si il y a « une » alors c’est « e ». M : Et ici ? Laura : Là, c’est pas pareil. M : Stevy, et toi ? Stevy : C’est « e » parce que devant il y a « une ». Donc c’est féminin. M : Florian ? Florian : C’est « al » car on entend [al] M : Donc tu penses que ça s’écrivait « tropicale » on entendrait le « e ». Florian : Oui. Laura : Oui, on entend [al] donc ça s’écrit « al ». M : Mais le prénom Alexandre s’écrit avec un « e » à la fin. Florian : Oui, on l’entend pas le « e ». M : Stevy, quelle question tu t’es posée ? Stevy : Qu’est-ce qui est tropical ? C’est la forêt. Donc c’est féminin donc « tropicale ». M : Visiblement, vous n’êtes pas tous d’accord. M : Pour écrire le mot « verger ». Il y a deux orthographes qui ressortent de vos productions. Elisa : Je me suis dis que c’est masculin donc il fallait l’écrire « verger ».M : Les autres ?

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V

Les autres : On est d’accord. M : Pourtant, deux élèves ont écrit « vergé ». Florian : Oui mais je me suis trompé. M : Mais à quoi tu as pensé pour écrire « vergé ». Florian : Je sais pas mais je me suis trompé. M : Et toi Alexandre, qu’as-tu pensé ? Alexandre : (il hausse les épaules). Le reste de l’atelier porte sur « été » ou « était » et sur « de grandes caisses d’oranges ». Bilan : M : Je vais faire la synthèse de ce que vous avez proposé. Pour écrire « tropicale ». Alexandre : On ne sait pas. Si c’est « tropical ». Stevy : Non. M : Vous n’êtes pas d’accord. M : Pour écrire « verger » vous êtes d’accord. (…) Groupe 2 : -Indication par la maîtresse que l’intérêt de cet exercice n’est pas de trouver la bonne orthographe mais les questions que l’on se pose pour orthographier les mots. - Dictée - Affichage de chacune des productions Puis commence la discussion. M : A quoi avez-vous pensé pour écrire « tropicale ». Romain : « tropicale » c’est féminin. M : Pourquoi ? Hector : La forêt est tropicale. Margaux : La forêt c’est féminin. M : Pourquoi ? Margaux : A cause de « la ». M : Oui mais ici ? Margaux : Il faut regarder s’il y a « une » ou « la » devant. Donc « une forêt » c’est féminin. M : « tropicale » appartient à quelle classe de mots ? C’est un nom ? Hector : C’est un adjectif. M : Et toi, Nicolas, qu’en penses-tu ? Nicolas : Il s’accorde avec le déterminant « une ». Justine : Je dois me demander si « forêt » est tropicale. Hector : On peut dire « des pays tropicaux ». M : Oui mais ici, on ne parle pas de pays tropicaux. Hector : Pour écrire « tropicale », il faut l’accorder avec « forêt ». M : Les autres ? Nicolas : En fait je crois que c’est une exception. M : Les autres ? Hector : Moi je pense pas.

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VI

(plus de réponses ) M : Et « verger », quelles questions vous vous êtes posées ? Justine : On peut le remplacer par « avait ». M : Lis la phrase en faisant ce remplacement. Justine : Un matin, il est entré dans un avait. M : Alors, ça se dit ? Justine : Non. M : Pourquoi tu as voulu faire cela ? Justine : Pour vérifier « é » ou « er ». Alex : Donc c’est un verbe. Nicolas : Non c’est un nom Justine : C’est « é » car si c’était un verbe, on aurait écrit « er » mais là c’est un nom. Alex : En fait c’est un participe passé. Mais je sais pas pourquoi. M : Comment on peut vérifier si c’est un nom ? Justine : Il y a « un « avant ». M : Aucun nom se termine par « er » ? Alex : J’ai vu dans Les Trois petits cochons que « verger » s’écrit « verger ». La suite de l’atelier a porté sur « vu » ou « vue » et sur l’écriture « de grandes caisses d’oranges ». Bilan : M : Pour « tropicale », vous ne vous êtes pas mis d’accord. Pour « verger », vous êtes d’accord pour dire que c’est un nom mais vous n’êtes pas d’accord pour l’écrire. ( …) Groupe 3 : -Indication par la maîtresse que l’intérêt de cet exercice n’est pas de trouver la bonne orthographe mais les questions que l’on se pose pour orthographier les mots. - Dictée - Affichage de chacune des productions Puis commence la discussion. M : A quoi avez-vous pensé pour écrire « tropicale » ? Bastien : Moi, je sais. C’est « tropical ». C’est un adjectif qui s’accorde avec « forêt » qui est féminin. Mais là il ne s’accorde pas parce que c’est une exception. M: Harmony, toi, tu as écrit « tropicale ». Quelle question tu t’es posée ? Harmony : Je ne sais pas. Peut-être que c’est une exception. M : Tu dois bien de souvenir pourquoi tu as écrit « tropicale » ? Harmony : Non. M : Les autres ? Leila : C’est une exception. M : C’est ce que tu t’es dit ? Leila : Je crois. Bastien : Moi, je suis sûr.

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VII

M : Et quelles questions vous vous êtes posées pour écrire « verger » ? Sara : Je me suis dit qu’il fallait le remplacer par « faire ». M : Pourquoi ? Sara : On ne peut pas dire « faire ». M : Et toi, Harmony ? (pas de réponse) Leila : J’ai remplacé par « manger ». M : Tu penses que ça marche avec ce verbe ? Liela : Non Bastien : Elle a raison. M : On peut remplacer par tous les verbes à l’infinitif ? Bastien : Non, peut-être pas tous ? M : Alors, lesquels ? (pas de réponse) M : « Manger » est un verbe de quel groupe ? Bastien : Du premier. M : Alors ? Bastien : « entrer », « il est entré ». Ah oui, il faut que ce soit un verbe du troisième groupe. M : Uniquement ? Bastien : Oui Leila : « partir », « il est parti ». M : Et toi, Louis ? Louis : Je ne sais pas. Je crois que j’ai écrit au hasard. Bastien : C’est une exception aussi. Moi, je l’ai écrit « er » parce que je savais déjà l’écrire depuis longtemps. Leila : « é » mais j’ai hésité ? M : Avec quoi et pourquoi ? Leila : J’ai hésité. M : Harmony ? Harmony : J’ai écris « verger ». M : Pourquoi ? Harmony : Ce n’est pas un verbe mais il s’écrit « verger ». Sara : On ne sait pas. Le reste de l’atelier a porté sur « vu » ou « vue ». Bilan : M : « tropical » vous êtes d’accord pour l’écrire « tropical » car c’est, d’après vous une exception. En revanche, vous n’êtes pas d’accord pour écrire « verger ». Vous pensez que ce n’est pas un verbe mais vous ne savez pas comment l’écrire. (…)

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VIII

Dictée

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IX

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Sujet : Comment permettre à l’élève d’adopter un rapport distancié à la langue dans sa résolution de problèmes d’orthographe grammaticale Résumé :

Les instructions officielles de 2002 font de la maîtrise de la langue, « la priorité des

priorités ». Ainsi, pour permettre à l’élève de résoudre des problèmes d’orthographe

grammaticale, il convient, désormais, que l’élève prenne la langue comme un objet d’étude à

part entière. Grâce à des techniques d’exploration, on développe ses compétences

métacognitives et métalinguistiques lui permettant d’adopter un regard distancié sur la langue.

Mots clés : observation, réfléchie, langue, regard distancié