Chapitre II Interfaces et hypermédias...
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Chapitre II
Interfaces et hypermédias adaptatifs
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Chapitre II
Interfaces et hypermédias adaptatifs 1 Introduction ...................................................................................................................... 57 2 Adaptativité des interfaces ............................................................................................... 57
2.1 Définition ................................................................................................................. 57 2.2 Plasticité des interfaces ............................................................................................ 59 2.3 Architecture des systèmes adaptatifs........................................................................ 59
3 Modélisation du contexte ................................................................................................. 62 4 Modélisation des utilisateurs............................................................................................ 62
4.1 Définitions................................................................................................................ 62 4.2 Aspects pris en compte pour l’adaptation ................................................................ 64
4.2.1 Préférences ....................................................................................................... 64 4.2.2 Expériences et connaissances........................................................................... 65 4.2.3 Plans et Buts de l’utilisateur............................................................................. 66 4.2.4 Aptitudes cognitives......................................................................................... 67
4.3 Acquisition et représentation du modèle de l’utilisateur.......................................... 67 4.3.1 Problème d'éthique ........................................................................................... 68
5 Contrôle de l’adaptation ................................................................................................... 68 5.1 Le Qui : Initiateur de l’adaptation ............................................................................ 68 5.2 Le Quand : Temporalité de l’adaptation .................................................................. 70 5.3 Le Comment : Réalisation de l’adaptation............................................................... 70
6 Les hypermédias adaptatifs .............................................................................................. 71 6.1 Hypermédias classiques ........................................................................................... 71
6.1.1 Différentes conceptions des hypermédias ........................................................ 71 6.1.1.1 Définition structurelle .................................................................................. 71 6.1.1.2 Définition fonctionnelle ............................................................................... 72 6.1.1.3 Définition sémantique .................................................................................. 72
6.1.2 Structure des hypermédias ............................................................................... 74 6.1.2.1 Unité d'information ...................................................................................... 74 6.1.2.2 Mise en relation............................................................................................ 74 6.1.2.3 Navigation structurée ................................................................................... 74
6.2 Hypermédia adaptatif ............................................................................................... 76 6.2.1 Définition ......................................................................................................... 76 6.2.2 Adaptation du contenu et des liens................................................................... 76
6.2.2.1 Adaptation de la navigation.......................................................................... 76 6.2.2.2 Adaptation du contenu ................................................................................. 77
6.2.3 Hypermédias adaptatifs dynamiques................................................................ 78 6.2.4 XML et hypermédia ......................................................................................... 79
7 Bilan ................................................................................................................................. 81 7.1 Adaptativité en EIAH............................................................................................... 81
7.1.1 Modélisation du contexte et de l’utilisateur en EIAH...................................... 84 7.1.2 Le formateur à l’initiative des adaptations....................................................... 85
8 Conclusion........................................................................................................................ 86
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
Interfaces et hypermédias adaptatifs
1 Introduction
L’idée d’intégrer des systèmes adaptatifs dans l’enseignement n’est pas récente, elle remonte
aux années 60 (machine Autotutor Mark II) lorsque l’accent a été mis sur l’individualisation
de l’enseignement et le travail autonome de l’apprenant. Au départ, il s’agissait d’utiliser les
différents média existants de manière séquentielle (TV éducative, Radio, Film, Vidéo, etc.
…). Catano, en 1979, a été le premier à utiliser un système hypertexte (FRESS) pour
enseigner la poésie. Depuis, les recherches n’ont cessé d'intégrer les nouvelles technologies
telles que le multimédia puis l’hypermédia [Beeman el al., 1989] [Beeman el al., 1988]
[Duffy et al., 1990] [Bruillard, 1998]. Aujourd’hui, ces technologies sont mûres et devenues
indispensables dans le télé-enseignement [Rhéaume, 1993] [Martin et al., 2003]. Les
hypermédias ont, cependant, certains défauts qu’il est nécessaire de compenser [Maurer et al.,
1994]. Nous pensons que l’adaptativité est la meilleure solution pour résoudre ces problèmes.
Nous allons, , donc,, voir, dans ce chapitre, les principales caractéristiques des interfaces et
des hypermédias adaptatifs pour pouvoir, par la suite, utiliser et contribuer aux avancées dans
ce domaine.
2 Adaptativité des interfaces
2.1 Définition
L’une des premières définitions de l’adaptativité a été donnée par Eason [Eason, 1974] qui la
considère comme la mise en place d’alternatives pour les tâches peu formalisées en
fournissant différents outils parmi lesquels l’utilisateur peut choisir ceux qui lui sont utiles.
Par la suite, les recherches dans ce domaine ont souligné la variété d’utilisateurs ayant des
expériences différentes et qui peuvent, donc, avoir des difficultés plus ou moins importantes
pour appréhender l’outil informatique ou la tâche à réaliser. Le rôle de l’adaptativité, à l’instar
des IHM, est de permettre à l’utilisateur de minimiser l’effort consacré à l’exploration des
capacités du système pour optimiser l’effort nécessaire à la résolution d’un problème.
En accord avec l'approche proposée par Edmonds [Edmonds, 1981], nous distinguons trois
types de systèmes intégrant des dispositifs d’adaptation :
un système adapté dans lequel l’adaptation est l’œuvre du concepteur lui-même. Le
système prend en compte, une fois pour toutes, un profil d’utilisateur ou un groupe
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
d’utilisateurs définis préalablement à sa mise en place. Les techniques d’adaptation
sont appliquées durant la phase de conception du système (par "conception
participative" par exemple) et l’adaptation ne peut, donc, pas être propre à chaque
individu ;
un système adaptable est un système qui peut être modifié, à tout moment, sur
demande explicite de l’utilisateur qui le consulte. Celui-ci peut choisir l’aspect
physique des éléments de l’interface à l’aide par exemple de tableaux de bord. Il peut
également demander la création de macro-commandes (comme sous Windows). Dans
ce type de système, ce sont les utilisateurs qui saisissent leurs préférences, qui les
enregistrent dans un modèle qui, par la suite, n'est modifié que sur nouvelle demande
explicite de l’utilisateur ;
un système adaptatif est un système qui s’adapte de lui-même, à chaque instant, aux
besoins et les habitudes de l’utilisateur. Des mécanismes de suivi (tracking) des
comportements de l’utilisateur permettent de connaître les besoins de ce dernier en
fonction de son environnement, de son état psychologique et de ses connaissances. La
mise à jour du modèle utilisateur est réalisée par le système lui-même, par observation
des actions et des réactions de l’utilisateur (interaction avec le système).
Dans la première catégorie de systèmes (système adaptés), l’adaptation est l’œuvre du
concepteur. Les utilisateurs (ou une classe d’utilisateurs) n’interviennent pas mais sont
identifiés a priori à travers leurs besoins. Le système peut uniquement adapter son
comportement durant l’exécution à partir d’un échantillon de modèles de comportements
prédéfinis (notions de stéréotypes) qui peuvent plus ou moins pertinents.
Dans les deux autres types de systèmes, les besoins et les habitudes de l’utilisateur sont prises
en compte, mais la différence entre l’adaptabilité et l’adaptativité réside dans le fait que cette
dernière ne demande pas à l’utilisateur de se préoccuper des adaptations et de la mise à jour
de ses préférences, qui doivent, donc, être déduites des actions qu’il entreprend. Dans de tels
systèmes, l’utilisateur n’a pas à apprendre comment adapter son interface ou à mémoriser
d’éventuels langages de spécifications pour opérer les modifications nécessaires à
l’adaptation. Il peut, donc, concentrer son énergie sur le fonctionnement du logiciel et
l’accomplissement de sa tâche en espérant que le système comprenne correctement ses
objectifs et ses désirs et mémorise ces habitudes.
Cette adaptativité, évoluant d’une façon autonome par rapport à l’utilisateur, présente des
avantages manifestés mais aussi des inconvénients comme le risque de désorientation. Ceci
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs s’explique par le non respect de l’un des principes de base de l’ergonomie logicielle qui
précisant que dans un système bien conçu les mêmes actions doivent toujours provoquer les
mêmes réactions.
2.2 Plasticité des interfaces
La plasticité des interfaces est une thématique de recherche qui a émergé récemment dans la
communauté IHM française. Elle correspond à la capacité des interfaces à s’adapter à leur
contexte d’usage dans le respect de leur utilisabilité [Calvary, 2003]. Le contexte d’usage
correspond au triplet : "utilisateur, plate-forme et environnement" :
l’utilisateur est un usager représentatif du public ciblé. Il est généralement décrit par
ses capacités (physiques et cognitives), ses compétences métier et informatiques ;
la plate-forme désigne la structure matérielle et logicielle supportant l’interaction (un
assistant personnel, téléphone portable …). Sur ce type de matériel, la taille de l’écran,
les dispositifs d’interaction disponibles, les capacités de calcul et de communication
sont des éléments déterminants qui influent sur les modes d’interaction possibles ;
l’environnement se réfère à l’environnement physique dans lequel se situe
l’interaction. Il est décrit par un ensemble d’informations externes à la tâche en cours
mais susceptibles de l’influencer. Par exemple, la luminosité, le bruit, la localisation
géographique, ...
La plasticité apparaît ainsi comme une forme d’adaptation puisqu’elle mobilise un processus
de type Evènement Réaction dans lequel l’évènement correspond à un changement survenu
dans le contexte d’usage (utilisateur et/ou plate-forme et/ou environnement) et la réaction
dénote les mesures mises en œuvre, en réponse, par le système et/ou l’utilisateur pour
préserver l’utilisabilité du système. Par analogie avec la plasticité des matériaux qui, sans
rompre, s’étirent et se contractent au gré de la sollicitation, la plasticité d’une interface dénote
sa capacité à s’adapter aux variations et aux changements dans le respect de son utilisabilité.
Les différences de ressources matérielles disponibles (taille de l’écran ou présence ou non de
clavier), lors d'une interaction personne-système, sont traitées au cas par cas lorsqu'elles sont
peu nombreuses. Par contre cela est impossible lorsque la multiplicité des contextes d’usage
devient trop importante, l’utilisation d’interfaces plastiques devient alors incontournable.
2.3 Architecture des systèmes adaptatifs
L’adaptativité nécessite de disposer de mécanismes permettant de choisir les modifications
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs nécessaires sur l’interface à partir d’observations effectuées sur le triplet : utilisateur, plate-
forme, environnement. Pour cela, il est nécessaire que le système contienne une modélisation
interne de chacune des parties de ce triplet et dispose d’un mécanisme de suivi de leur
évolution au cours du temps. Benyon [Benyon, 1993] a proposé l’une des premières
architectures informatiques permettant l’adaptation (Figure 2.1). Cette architecture comporte
essentiellement trois modèles : un modèle utilisateur, un modèle du domaine et un modèle
d’interaction. La majorité des systèmes actuels se sont fortement inspirés de cette architecture
tout en essayant de lui ajouter ou d’améliorer certains de ses composants.
Comme le montre la figure 2.1, le modèle utilisateur est décomposable en sous modules que
nous détaillerons plus loin (§ 4.). Le modèle du domaine caractérise le contexte, il dépend du
but et des objectifs visés par l’application. Il peut également dépendre des fonctionnalités que
le logiciel offre pour réaliser les tâches courantes. Enfin, le modèle d’interaction est le cœur
du système, il s'appuie sur les deux modèles précédents pour produire des décisions de
réaction telles que : comment présenter les informations et interfaces ? Quel est le moment
approprié pour fournir des indications ? Jusqu’où laisser l’utilisateur s’enfoncer sur une fausse
piste ?
Figure 2.1. Architecture d’un système adaptatif selon [Benyon, 1993]
Le choix des adaptations à effectuer s’appuie souvent sur un mécanisme d’inférences utilisant
la trace des actions de l’utilisateur. Cette trace peut être enregistrée dans un ou plusieurs
historiques propres à chaque utilisateur. L’historique permet au système de construire un
modèle utilisateur qui sert de base à la détermination des adaptations utiles. A ce stade, il
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs convient de rappeler la distinction faite par Crow [Crow et al., 1993] entre les modèles
d’utilisateurs perspectifs et les modèles descriptifs. Les modèles perspectifs contiennent des
hypothèses sur les connaissances de l’utilisateur, sur ses plans et ses buts, sur ses préférences,
et sur ses connaissances erronées et ses aptitudes. Les modèles descriptifs contiennent
simplement des observations obtenues en consultant l’historique : par exemple, séquences
répétées, le nombre d’erreurs, une demande d’aide ou paramètres fournis. Les premiers
peuvent paraître irréalisables car même entre experts d’un même domaine d’application, les
modèles cognitifs proposés par chacun sont différents. En revanche, les modèles descriptifs,
basés sur l'expérimentation et apprentissage), sont beaucoup plus simples à construire, et sont
souvent suffisants pour la réalisation des adaptations. Aujourd’hui, la construction du modèle
utilisateur et la détermination des adaptations à effectuer, reposent, donc, la plupart du temps
sur le contenu d’un modèle descriptif et sur l’utilisation d’heuristiques.
On peut également noter les différences entre le triplet : environnement, utilisateur et plate-
forme proposé par les chercheurs travaillant sur la plasticité des IHM et l’architecture décrite
figure 2.1. Nous avons synthétisé les deux approches dans la figure 2.2 qui résume notre
manière de modéliser l’architecture d’un système adaptatif en tenant compte des travaux
réalisés sur l’adaptativité mais aussi sur les recherches en plasticité plus récentes.
Modèle de l’utilisateur
Modèle de l’environnement
Modèle de la plate-forme
Modèle du domaine
Modèle de l’interaction
Générateur d’interfaces Evaluation du contexte courant
Règles d’ergonomie et critères d’utilisabilité
Bibliothèque de composants d’interfaces (widgets,
information, documents)
Figure 2.2. Architecture d’un système adaptatif
L’utilisation des méthodes de "modélisation" des utilisateurs est maintenant très en vogue
dans les sites marchands et les sites rémunérés par la publicité. Ces sites sauvegardent des
informations pertinentes à propos de l’utilisateur et en déduisent son profil avant de lui
proposer des produits ou des bannières publicitaires correspondants à ses goûts supposés
(opportunité de l'identification). Ceci est considéré par plusieurs auteurs comme le premier
réel succès à grande échelle des systèmes adaptatifs.
Les principaux éléments à prendre en compte lors de la mise en place d'une adaptivité, sont la
sélection des aspects du contexte (modélisation du contexte) à prendre en considération et la
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs sélection des caractéristiques qui peuvent être différentes (modèle de l’utilisateur) pour des
utilisateurs différents (ou pour le même utilisateur à des moments différents).
3 Modélisation du contexte
Nous regroupons sous le terme contexte tout ce qui ne concerne pas directement l’utilisateur
mais qui peut influer sur les adaptations devant avoir lieu. Nous avons vu (§ 2.2.) que les
recherches en plasticité des interfaces permettent de mettre en place des mécanismes donnant
la possibilité au système de modifier son apparence automatiquement en fonction des
périphériques disponibles, de leurs caractéristiques, ou en fonction de l’environnement, …
Nous avons vu que le modèle du domaine est la composante qui permet au système adaptatif
de savoir ce que doit connaître l’utilisateur sur le système pour pouvoir utiliser l’application
de manière optimale. Ce modèle doit, donc, être défini par un ou plusieurs experts du domaine
et de la tâche à effectuer. Dans notre cas, les experts sont des enseignants. Nous allons, donc,
expliciter les différents formalismes qui permettent de représenter ce type de modèle pour, par
la suite, pouvoir spécifier comment les enseignants peuvent représenter les connaissances
qu’ils désirent transmettre.
La majorité des systèmes adaptatifs utilisent une modélisation complexe du domaine avec
différents types de concepts représentés par des objets interconnectés. Ce modèle structurel
correspond ainsi à un réseau de concepts. Les concepts sont reliés entre eux formant ainsi un
réseau sémantique représentant la structure des connaissances du domaine. Ces concepts
peuvent être nommés différemment dans les différents systèmes (sujet, élément de
connaissance, objets, …) mais, dans tous les cas, ils ne sont que des pièces élémentaires
d’informations dans un domaine de connaissances donné. Certains systèmes utilisent une
forme simplifiée du modèle structurel [Boyle, 1994] [Zeiliger, 1993] sans aucun lien entre les
concepts. Cette modélisation du domaine a été très utilisée et étudiée dans le cadre de l’EIAH
pour stocker des informations sur les connaissances à fournir aux apprenants.
4 Modélisation des utilisateurs
4.1 Définitions
"Un modèle utilisateur est une connaissance à propos de l’utilisateur explicitement ou
implicitement codée, utilisée par le système afin d’améliorer son interaction". [Höök, 1996]
[Espinoza et al., 1996].
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs En 1983, Elaine RICH [Rich, 1983] distingue différentes manières de modéliser l’utilisateur :
modèle explicite / implicite ;
modèle individuel / stéréotype / générique.
modèle à court terme / long terme / statique / dynamique ;
Les modèles implicitement codés sont les modèles utilisateurs types insérés par le concepteur
dans le système tandis que les modèles explicites codent les informations acquises à propos de
l’utilisateur dans un module séparé. Les modèles implicites se basent sur une classification
des utilisateurs. Il faut, alors, poser les bonnes questions à l'utilisateur ses préférences et ses
connaissances pour l'affecter à une des classes. Cependant, comme le souligne Rich [Rich,
1989], les individus ne sont pas des sources fiables d’informations à propos d’eux-mêmes. De
plus, les modèles implicites sont difficiles à modifier quand une nouvelle information sur
l’utilisateur est mise en valeur comme étant une meilleure alternative.
Le modèle générique suppose une population homogène d’utilisateurs ; c’est-à-dire que tous
les utilisateurs d’une même classe générique sont traités de la même façon. Le modèle
individuel essaie de modéliser l’information spécifique à chaque utilisateur. Le modèle
stéréotype se situe entre ces deux modèles. Selon Rich [Rich, 1979] un stéréotype est un
cluster de caractéristiques liables entre elles. Si le stéréotype est activé par des actions de
l’utilisateur, celui-ci sera activé dans son intégralité même si le déclencheur ne concerne
qu’un aspect particulier du stéréotype.
Les modèles à long terme gardent uniquement les caractéristiques stables de l’utilisateur
tandis que les modèles à court terme conservent le but courant de l’utilisateur. Nous pouvons,
aussi, distinguer les modèles statiques, qui resteront les mêmes durant toute une session, des
modèles dynamiques qui changent durant les sessions en fonction des actions de l’utilisateur.
En complément, certains chercheurs en IHM proposent de faire la distinction entre un modèle
utilisateur et un modèle du discours. Selon [Wahlster, 1991], un modèle utilisateur et un
modèle du discours peuvent être définis comme suit :
"Un modèle utilisateur est une source de connaissance contenant des suppositions explicites à
propos de tous les aspects des utilisateurs qui peuvent être pertinents dans le dialogue du
système".
"Un modèle de discours est une source de connaissance qui contient la description
syntaxique, sémantique et pragmatique du dialogue avec le système". [Höök, 1996]
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs Cette définition est plus pertinente si le système est un système communicant en langage
naturel ou un système multimodal incluant le langage comme une de ses modalités. Par
exemple, Careninni et Moore [Careninni et al., 1993] présentent le modèle discours comme
un modèle qui conserve le discours précédent dans le but de fournir un contexte qui aide à
déterminer comment générer les explications idoines dans le dialogue avec l’utilisateur.
4.2 Aspects pris en compte pour l’adaptation
Il est possible de distinguer plusieurs catégories de caractéristiques pour décrire les attitudes
d’un utilisateur ou d’un groupe d’utilisateurs. Il est, donc, opportun de diviser le modèle
utilisateur en différentes parties. Kaas [Kaas, 1993] utilisent les catégories : plans et buts,
aptitudes, attitudes et connaissances ou croyances. Pour leur part [Brown et al., 1989],
divisent les variations humaines en : aptitudes psychomotrices, possibilités d’appréhension et
de compréhension, explications, motifs, besoins, stratégies et possibilités cognitives, et
préférences. Pour le découpage du modèle utilisateur, nous distinguons les différentes
modélisations ayant été proposées : [Delestre, 2001] [Habieb et al., 2003]
préférences ;
expériences et connaissances ;
plans et buts courants ;
aptitudes cognitives.
4.2.1 Préférences
Les préférences de l’utilisateur représentent bien souvent l’unique information sauvegardée à
son sujet. Elles diffèrent des autres composantes du modèle utilisateur par plusieurs aspects :
les préférences ne peuvent pas être déduites par le système, l’utilisateur doit informer celui-ci
directement ou indirectement (par simple rétroaction) sur ses préférences (comme par
exemple le choix d'une version textuelle d'un cours sans animations sonores). On parle, alors,
plutôt d’adaptabilité que d’adaptativité, bien que parfois, les systèmes adaptatifs puissent
généraliser les préférences de l’utilisateur et les appliquer dans de nouveaux contextes
[Amstrong, 1995] [Boy, 1991] [Mathé, 1998]. Une autre caractéristique spécifique de la
modélisation des préférences est le moyen de représentation. Tandis que les autres parties du
modèle utilisateur figurent symboliquement, les préférences sont presque toujours
représentées et calculées numériquement [Kaplan, 1993] [Katsumoto, 1996]. Le numérique
présente des avantages par rapport au symbolique : il donne la possibilité de combiner
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs certains modèles utilisateurs ou d’accumuler les préférences d’un groupe d’utilisateurs
spécifiques.
4.2.2 Expériences et connaissances
Par expérience de l’utilisateur, nous entendons toute information liée à l’expérience passée de
celui-ci sans lien avec le domaine abordé par l’application. Ceci inclut la profession de
l’utilisateur, sa formation, son point de vue ainsi que ses objectifs. Ceci comprend, également,
la familiarité de l’utilisateur avec la structure et le fonctionnement de l’outil et sa faculté
d’exploiter les fonctionnalités offertes. L’expérience est souvent modélisée par un stéréotype
(Metadoc, Anatom Tutor, EPIAM, C_Book) qui peut être obtenu à l’aide d’une
expérimentation [Pérez, 1995][Vassiliva, 1998], à partir d’entretiens ou de l’étude du cursus.
METADOC, par exemple, utilise deux dimensions de classification et deux ensembles de
stéréotypes (novices et débutants, intermédiaires et experts). Un stéréotype pour représenter
les connaissances de l’utilisateur à propos des concepts généraux de l’information et un autre
pour représenter les connaissances de l’utilisateur en UNIX. Un utilisateur particulier est,
ensuite, modélisé en l'assignant à des stéréotypes pour chaque dimension de classification (par
exemple, intermédiaire dans les concepts généraux, novice en UNIX).
[Borgman, 1989] a fourni une liste des caractéristiques qui se sont montrées pertinentes
concernant l’expérience d’un utilisateur. Les facteurs évoqués par Borgman sont l’âge, le
genre et la personnalité. La plupart des études montrent que l’expérience dans l’utilisation de
l’ordinateur est l’un des facteurs influençant le plus les performances de l’utilisateur [Ben,
1993]. Egan [Egan, 1988] identifie un cluster de facteurs qu’il nomme aptitudes techniques et
qui rejoint les conclusions précédentes.
La connaissance de l’utilisateur apparaît comme la caractéristique la plus importante dans les
systèmes adaptatifs existants. La majorité des techniques de présentation adaptatives utilisent
les connaissances de l’utilisateur comme source d’adaptation. La connaissance est une
variable propre à chaque utilisateur, ceci veut dire qu’un système adaptatif qui utilise les
connaissances de l’utilisateur doit gérer les changements d’état de celles-ci et mettre à jour le
modèle utilisateur en permanence.
Les modèles de recouvrement (overlay model) [Clancey, 1979] [Shapiro, 1987] utilisent
l’idée de représenter les connaissances de l’utilisateur comme une partie du modèle du
domaine. Pour chaque utilisateur, un modèle individuel en couche stocke des valeurs qui sont
une estimation du niveau de connaissance de chaque concept. Cela peut être juste une valeur
65
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs binaire (connu, inconnu), une mesure qualitative (bon, moyen, faible) ou une mesure
quantitative comme une probabilité que l’utilisateur connaisse ce concept. Un modèle de
recouvrement des connaissances de l’utilisateur peut, donc, être présenté comme un ensemble
de paires “concept - valeur ”, une paire pour chaque concept du domaine. Les modèles de
recouvrement sont puissants et flexibles, ils peuvent mesurer les connaissances de l’utilisateur
sur différents sujets.
4.2.3 Plans et Buts de l’utilisateur
Un autre axe de recherche se concentre sur les buts et les plans de l’utilisateur plutôt que sur
ses connaissances. Le but est un état que l’utilisateur désire atteindre alors que le plan est un
jalonnement d’actions ou d’événements devant être produits pour atteindre ce but. Si nous
connaissons le plan de l’utilisateur, nous pouvons dire s'il est imparfait ou optimal. Dans ce
genre de système, les plans et les buts de l'ensemble des utilisateurs doivent être
préenregistrés, et le plan d’un utilisateur particulier doit correspondre à un plan prévu dans
cette librairie de plans. L’adaptation se produit lorsqu’une rétroaction est fournie à
l’utilisateur à propos de son plan (erroné ou optimal) lui expliquant comment il doit procéder
dans la suite [Breuker, 1990] [Pollack, 1990]. Le but de l’utilisateur ou la tâche qui lui est
assigné est une caractéristique qui est liée au contexte du travail de l’utilisateur. Selon le type
de système, il peut s’agir d’un travail (dans les systèmes applicatifs), d’une recherche (dans
les systèmes d’extraction de connaissances) ou de la résolution d’un problème (dans les
systèmes éducatifs). Dans tous les cas, le but est la réponse aux questions : pourquoi
l’utilisateur utilise-t-il le système ? Qu’est ce qu’il veut réaliser actuellement ?
Le but de l’utilisateur est une composante éphémère : il change d’une session à une autre,
voire plusieurs fois au cours d’une session de travail. Dans certains systèmes, il est
raisonnable de distinguer les buts bas niveau ou locaux qui peuvent changer très souvent, des
buts et tâches généraux (haut niveau) qui sont plus stables. Par exemple, dans les systèmes
éducatifs, le but d’apprentissage est le but haut niveau tandis que la résolution d’un problème
est un but bas niveau qui change plusieurs fois dans une session. Le but de l’utilisateur peut
être considéré comme une caractéristique très importante de l’utilisateur à un instant donné.
Le but courant de l’utilisateur est souvent modélisé par un moyen similaire à la modélisation
de ses connaissances. Dans ce cas, le système supporte un ensemble de tâches et de buts
susceptibles d’apparaître et les buts courants de l’utilisateur sont représentés par un ensemble
de paires “but - valeur ” où la valeur est la probabilité que le but correspondant soit le but
courant de l’utilisateur.
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs 4.2.4 Aptitudes cognitives
Plusieurs études montrent que les traits de personnalité des utilisateurs ont, également, une
forte influence sur leur capacité à effectuer efficacement des tâches [Dufresne, 2000]
[Borgman, 1989].
Il y a un large spectre de caractéristiques cognitives qui peuvent être pertinentes pour
modéliser un utilisateur. Les caractéristiques suivantes ont été discutées dans la littérature :
Aptitudes cognitives sensorielles : aptitude verbale, aptitude spatiale, aptitude
mathématique et logique [Benyon, 1993] [Egan, 1988] et aptitudes kinesthésique ;
Style cognitif : Impulsivité, réflexion, les objets de dépendance et ceux
d’indépendance [Egan, 1988] [Waern, 1996] ;
Les traits de personnalité : introversion, extraversion [Waern, 1996].
Malheureusement, il existe très peu de résultats significatifs concernant l’usage de ses
caractéristiques dans les systèmes adaptatifs. De plus, les tentatives de tels systèmes basés sur
les caractéristiques cognitives individuelles des utilisateurs se heurtent à la difficulté de mise
en place de capteurs capables d’acquérir ces caractéristiques et la difficulté de conception de
règles d’adaptation utilisant ces critères.
4.3 Acquisition et représentation du modèle de l’utilisateur
Le problème de l’acquisition du modèle utilisateur peut être scindé en un problème technique
et un problème relative à l’interaction système / utilisateur. Les problèmes techniques
impliquent des questions de représentation, de maintenance et de mise à jour du modèle. Le
choix de la représentation informatique du modèle dépend de plusieurs facteurs : le domaine
d’application, le but de l’adaptation, la population des utilisateurs, le langage d’interaction. En
fonction de quoi le modèle utilisateur sera, par exemple, représenté par :
un réseau sémantique des connaissances individuelles de l’utilisateur comme sous-
ensemble du réseau des concepts ;
une librairie de plans ;
une librairie d’erreurs susceptibles d’être réalisées dans les systèmes tutoriels.
…
Si l’approche "réseau sémantique" est choisie lors de l’implémentation, il est souvent supposé
que les utilisateurs apprennent des concepts dans un ordre naturel, prédéfini, qui peut être
67
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs modélisé par un ensemble de règles.
L’approche "librairie de plans" a été critiquée pour sa difficulté d’implémentation dans un cas
réel. En effet, le nombre de plans possibles subit une explosion combinatoire. Le problème se
ramène à trouver un compromis entre un nombre de plans qui soit suffisant, pour créer un
système utile, et qui ne dépasse pas un certain seuil de complexité.
Si l’approche "librairie d’erreurs" est choisie, l’implémentation vise à étudier dans le d'étail
les actions de l’usager pour détecter et diagnostiquer toutes les formes connues de mauvaise
assimilation. Cette tâche n’est pas simple.
L’autre difficulté concerne l’analyse des interactions homme-machine afin d’obtenir
l’information personnelle la plus correcte et la plus fiable. Dans la plupart des cas les
interactions produites par un usager sont enregistrées dans un fichier historique qui est ensuite
analysé afin de détecter des enchaînements d'actions typiques pour lesquels des réactions ou
rétroactions du système ont été prédéfinis.
4.3.1 Problème d'éthique
Pour conclure cette partie, il est nécessaire de préciser que l’acquisition des connaissances
peut poser un problème d’éthique. En effet, Jarvinen [Jarvinen, 1993] relève un certain
nombre d’inconvénients dans la construction et l’utilisation des modèles utilisateurs contenant
des informations personnelles. Les débats autour de cette modélisation ont certainement
marqué la fin des années quatre-vingts. Des positions, souvent, idéologiques ont été prises :
certains auteurs soutenant l’impossibilité de constituer, dans une machine, une réplique
crédible de l’état de connaissances d’un utilisateur. Les chercheurs ont été unanimes dans la
reconnaissance de l’énorme difficulté d’une telle modélisation. La question de fond est de
savoir si un système peut être adapté aux besoins de l’utilisateur sans une modélisation
complète de celui-ci.
5 Contrôle de l’adaptation
5.1 Le Qui : Initiateur de l’adaptation
Le contrôle de l’adaptation est un autre facteur important qui influence la conception du
système et le contenu des différents modèles sous-jacents. Selon [Malinowski et al., 1992],
nous pouvons diviser le contrôle de l’adaptativité en quatre aspects différents :
Qui prend l’initiative de l’adaptation ?
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
Qui propose les changements à réaliser ?
Qui choisit parmi les propositions ?
Qui exécute le choix ?
Dans la plupart des systèmes, seulement deux agents peuvent contrôler l’adaptation :
l’utilisateur (l'apprenant dans un système d'apprentissage) et le système. Le tableau 2.1 montre
un schéma de classification avec quatre exemples basés sur ces quatre aspects.
Système Utilisateur
Initiative x
Proposition x
Décision x
Exécution x
Auto-adaptation contrôlée par l'utilisateur
Système Utilisateur
Initiative x
Proposition x
Décision x
Exécution x x
Adaptation Système Utilisateur
Initiative x x
Proposition x
Décision x
Exécution x
Auto-adaptation (adaptativité)
Tableau 2.1. Classification du contrôle de l’adaptation [Malinowski et al., 1992]
Dans un cas extrême, nous avons un système adaptable, c’est-à-dire, un système qui autorise
l’utilisateur à l'adapter d’un point de vue "Interface". C’est le système qui contrôle
l’adaptation. A l’autre extrémité, nous pouvons trouver des systèmes auto-adaptatifs : en effet,
ils observent les interactions Homme-Machine et décident s’ils doivent adapter l’interface. Le
69
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs système KNOME [Kobsa, 1994] est un exemple de ce dernier cas : il observe l’utilisateur,
décide de s’adapter et génère alors des explications adéquates. Un exemple de système auto-
adaptatif contrôlé par l’utilisateur est le système hypermédia adaptatif HYNECOSUM
[Vassileva, 94]. Il analyse ses caractéristiques durant une session et, avant le début de la
nouvelle session, lui demande s’il est autorisé à insérer des suppositions dans son modèle.
5.2 Le Quand : Temporalité de l’adaptation
Un autre aspect concerne la sélection du moment propice pour effectuer une adaptation. Les
trois éventualités suivantes sont distinguées :
le système peut changer, immédiatement, au moment où l’utilisateur le demande
le système prévient l’utilisateur avant l’adaptation : il lui donne l’occasion de
comprendre son comportement ;
le système évolue tout le temps sans prévenir ; le risque est de ne jamais atteindre une
situation stable : dès que le système s’adapte l’utilisateur peut être amené à changer et
vice-versa.
Une adaptation entre les sessions nécessite, réellement, que les caractéristiques de l’utilisateur
persistent à long terme et que les adaptations faites soient elles aussi persistantes à long terme.
5.3 Le Comment : Réalisation de l’adaptation
La plupart du temps le contrôle de l’adaptation est réalisé à l’aide d’un moteur d’inférences
sur des données (modèle utilisateur, domaine, plate-forme, environnement) et sur une base de
règles pour produire une ou plusieurs actions sur l’interface courante (boucle Action
Réaction). Les règles d’inférence du type "si condition alors action" sont majoritairement
utilisées. Les difficultés résident dans la mise en place de ces règles.
Les capteurs à l’origine du changement peuvent être appelés initiateurs. En réponse, des
effecteurs remodèlent l’interface pour l’adapter au nouveau contexte. Certains chercheurs
proposent de définir des domaines de plasticité dans lesquels l’interface peut être adaptée par
déformation. Par domaine de plasticité, on entend l’ensemble des contextes d’usage pour
lesquels l’interface reste opérationnelle et utilisable [Calvary, 2004]. La rupture survient dès
lors que le nouveau contexte est situé au-delà de ce domaine de plasticité. On utilise des seuils
pour matérialiser cette frontière de plasticité au delà de laquelle un changement de contexte
est nécessaire.
70
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs 6 Les hypermédias adaptatifs
Depuis quelques années, les hypermédias ont ouvert un nouveau champ de recherche dans le
domaine des systèmes adaptatifs. Cet engouement s’explique par le principal atout de ces
systèmes, c’est à dire la non linéarité, qui est malheureusement vite devenue un inconvénient
majeur. Des études ont montré que l’usager pouvait se perdre rapidement dans l'hyper-espace.
De ce fait, on a cherché à guider l’utilisateur dans son cheminement en fonction de ses
objectifs, de ses connaissances et de ses préférences en modifiant, aussi bien, le contenu des
pages que les liens entre les documents. De là, est née l’idée de construire des systèmes
nommés les hypermédias adaptatifs dont l’objectif principal est d'accroître les fonctionnalités
du système en le personnalisant et de proposer de nouvelles méthodes d'accès à l'information.
Les premiers systèmes datent de 1990 [Böcker, 1990] mais la plupart des systèmes ont été
développés durant ces onze dernières années (1993-2004).
Avant d'aborder le problème de la conception des hypermédias adaptatifs, nous présentons les
principales notions à connaître sur les hypermédias classiques. Nous pourrons voir ensuite les
travaux qui ont été réalisés pour les rendre adaptatifs.
6.1 Hypermédias classiques
6.1.1 Différentes conceptions des hypermédias
L'idée de l'hypertexte est antérieure à l'informatique, on l'attribue à Bush qui avait pensé un
système de consultation non linéaire de l'information [Bush, 1945] et qui définissait, donc,
sommairement un hypertexte comme un ensemble de documents destiné à une consultation
non linéaire. Lorsque les documents ne sont pas composés uniquement de texte (mais
également d'images, de sons, de vidéos, etc.), on parle d'hypermédia. De manière plus
approfondie, le terme hypermédia peut être défini suivant trois points de vue [Delestre, 2002]
: celui de sa structure (la définition structurelle), celui de l’interaction entre l’utilisateur et le
système (définition fonctionnelle) ou encore du point de vue de la sémantique (définition
sémantique). Nous allons voir ces trois définitions ainsi que leurs intérêts respectifs.
6.1.1.1 Définition structurelle
Balasubramanian [Balasubramanian, 1994] définit basiquement un hypertexte comme un
système (graphe) composé de nœuds et de liens entre ces nœuds. Nous distinguons les nœuds
qui sont à l’origine du lien (on parle de références) et les nœuds qui sont les destinations des
liens (on parle de référés). Les liens peuvent être plus ou moins complexes : ils peuvent être
71
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs unidirectionnels (permettant d’aller d’une page à une autre) ou bidirectionnels, afin de
faciliter le retour au point de départ. Ils peuvent aussi être typés afin de spécifier la
sémantique du lien. Enfin les liens peuvent être disposés n’importe où dans une page.
Toutefois, leurs rôles peuvent parfois être définis, d’une part, par leur position dans le
document, d’autre part, par la sémantique de la page (par exemple, si la page est une page
d’index, les liens seront des index). Ce sont ces liens qui définissent l’architecture du graphe
que l’on nommera l’hyper-espace. L’intérêt de cette définition et de mettre en évidence le fait
de disposer d’un outil de modélisation efficace et bien maîtrisé (les graphes) pour travailler
sur les hyper-espaces.
6.1.1.2 Définition fonctionnelle
L’hypertexte peut être considéré comme étant un procédé informatique permettant d’associer
une entité (souvent minimale, c’est-à-dire un mot, une portion d’image ou une icône) à une
autre entité (souvent plus étendue comme un paragraphe, une image ou une page). Ce
mécanisme permet, donc, à l’utilisateur de se diriger librement dans l’information en activant,
à l’aide d’un pointeur une zone du document qui est l’origine d’une association. Ainsi,
l’utilisateur peut immédiatement atteindre une autre partie de l’hyperespace. Il n’est, donc,
plus obligé de suivre le cheminement prévu par l’auteur, il définit son parcours en fonction de
ses envies et de ses centres d’intérêts. Rhéaume [Rhéaume, 1993] parle, alors, de document
virtuel, qui n'est jamais globalement perceptible. Un hypertexte devient un document
interactif dans lequel le lecteur tient une place prépondérante. Cependant, il est à noter
qu’actuellement les systèmes hypermédias impliquent essentiellement une interaction
utilisateur système d'information. Cette définition privilégie la problématique de la
présentation des informations (IHM) et dénote de l’aspect éphémère et aléatoire des
informations présentées dans les hypermédias.
6.1.1.3 Définition sémantique
Nanard [Nanard, 1995] indique qu’épistémologiquement le mot hypertexte signifie "plus que
du texte". Le mot “plus” ne signifie pas, pour cet auteur, plusieurs textes interconnectés, mais
une entité qui est la combinaison de deux concepts :
un ensemble de documents ;
une connaissance.
La concrétisation la plus pauvre de cette deuxième notion (la connaissance) est le lien inscrit à
l’intérieur de l’ensemble de documents. A contrario, la forme la plus élaborée de cette
72
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs connaissance peut être générée par un système complexe se basant sur une modélisation du
domaine et sur une modélisation de l’utilisateur.
Conceptuellement, on peut considérer que chaque nœud regroupe un ensemble d’unités
élémentaires de pensée pour exprimer un raisonnement ou des structures mentales de plus
haut niveau. Une analogie peut être faite avec la documentation imprimée, en comparant ce
concept à la plus petite entité logique regroupant un ensemble de paragraphes.
En typant les objets, il est possible d’enrichir la modélisation des hypermédias en ajoutant une
sémantique aux nœuds (ce qui permet de mieux les classifier les nœuds) [Nanard, 1998].
L'hypermédia peut être vu comme un couplage entre un ensemble de ressources et un
ensemble de connaissances sur ces ressources, via un mécanisme d'ancrage, permettant divers
types de parcours (dont la navigation). La couche représentant les connaissances ancrées sur
un ensemble de ressources (avec éventuellement la possibilité de décrire plusieurs couches de
connaissances sur un même ensemble de documents) est particulièrement importante. La
qualité de la description de ces connaissances et de la gestion de leur ancrage dans les
ressources conditionnent l'interprétation que pourra en faire un utilisateur dans des tâches de
compréhension et d'accès à l'information. Par ailleurs, le lien ne doit pas se restreindre à un
mécanisme de référence statique, mais doit être considéré comme un mécanisme de
représentation de relations entre deux entités de l’hypermédia (en particulier deux nœuds).
Selon la sémantique choisie, ces relations peuvent exprimer des inclusions, des références
croisées, des séquences pour définir une structure logique de documents ou même des
relations fonctionnelles entre les nœuds. Un hypermédia ne se résume, donc, pas à la simple
juxtaposition dans un réseau de documents (les nœuds du réseau) et de liens (les arêtes du
réseau) permettant un parcours non linéaire de la base. La figure 2.3 représente le modèle type
de système hypermédia [Nanard, 1995] [Balasubramanian, 1996] tel que nous venons de le
définir.
Figure 2.3. Sémantique dans les hypermédias
73
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs 6.1.2 Structure des hypermédias
6.1.2.1 Unité d'information
Le nœud est l'unité minimale d'information d'un hypertexte. Pour préciser la grosseur d'un
module ou sa quantité d'information, on parle de granularité. La multiplication des nœuds ou
la fragmentation de l'information peut engendrer une désorientation et une confusion. Chaque
module ou nœud comprend, idéalement, une seule idée ou concept qui peut s'accrocher à
d'autres (par des liens) qui lui sont naturellement connexes ou à d'autres qui dépendent du
choix de l'usager. Les nœuds connexes peuvent être des exemples, des idées connexes ou
nouvelles. Toute séquence ou tout agencement de nœuds est, donc, possible. Le support d'un
nœud d'information peut être une page, un écran, une carte, une partie d'écran appelée fenêtre,
si l'information est textuelle. Si l'information n'est pas uniquement textuelle, le support d'un
nœud peut être un graphique, une animation, une image, une séquence vidéo ou audio ou un
autre élément externe comme une maquette. L'information contenue dans un nœud et la
granularité de celui-ci peuvent, la plupart du temps, être définies par le concepteur.
6.1.2.2 Mise en relation
L'ensemble des liens permet de construire les structures d’un document virtuel. Le type de
relation entre des nœuds n’est pas souvent indiqué. Comme l'usager est maître des liens qu'il
active, il contrôle la séquence de l'information qui lui est présentée. Dans la structure d'un
document, il y a au moins deux types de liens: les liens référentiels et les liens
organisationnels. Le lien référentiel uni ou bi-directionnel est celui qui établit la relation entre
un élément inscrit dans un nœud et un élément de référence inscrit dans un nœud destinataire.
La circulation entre ces nœuds passe alors par une même relation à deux sens. Le lien
organisationnel, comme son nom l'indique, touche la structure ou la hiérarchie d'un hypertexte
construit sous forme d'arbre: Le nœud parent (une définition) est relié par un lien
organisationnel à un nœud enfant (un exemple, une application, etc.). Les liens sont la base de
la navigation qui est davantage pré-organisée ou plus libre, précisément selon le type de liens.
Là aussi, c’est au concepteur d’organiser les liens et leurs types pour relier les différentes
informations.
6.1.2.3 Navigation structurée
A cause de la liberté laissée à l'usager, il y a parfois lieu de suivre un cheminement suggéré
par le concepteur. Le cheminement est une séquence ou une sélection de noeuds d'information
74
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs pertinents pour un objectif donné. Tout comme l'auteur d'un livre suggère de lire son oeuvre
de la première à la dernière page, le concepteur d'un hypermédia peut proposer un
cheminement sous forme de menu ou de carte des itinéraires. Pour l'usager qui n'a pas
d'objectifs précis de navigation en tête, un tour guidé peut être offert en guise, par exemple, de
sentier tutoriel. Les sentiers sont des adaptations de l'information aux besoins ou aux
caractéristiques individuelles des usagers. Par exemple, des sentiers plus graphiques peuvent
être offerts aux usagers qui appréhendent mieux les représentations visuelles ou des sentiers
au vocabulaire plus simple peuvent convenir à ceux qui apprennent une nouvelle langue. Le
cheminement peut aussi désigner le parcours de navigation effectivement suivi par un usager
au travers d’un hypermédia, de manière à pouvoir retourner à des nœuds vus antérieurement.
Cette trace du cheminement est très utile : par exemple, pour un enseignant au moment
d'évaluer le cheminement d'un apprenant, ou simplement pour tout usager comme mode
personnel de lecture et de navigation. Dans ce dernier cas, le cheminement peut être
volontairement marqué par des signets qui permettent, à l'usager de retourner à des endroits
spécifiques. Ces signets offrent, également, la possibilité de se retrouver dans un
cheminement qui s'étale sur plusieurs sessions. De nombreux modèles hypermédia, plus ou
moins formels, ont été développés au cours de ces dernières années pour décrire la structure
temporelle des hyperdocuments. Une classification détaillée de ces modèles, identifiant un
certain nombre d’avantages et d’inconvénients pour chaque catégorie, a été proposée par
[Blakowski et al., 1996]. Notamment, les approches dites "Interval-based Specifications" qui
permettent au moyen de différents opérateurs sur les intervalles temporels, caractérisant la
présentation de médias élémentaires, de définir les contraintes de synchronisation minimales à
respecter au niveau d’un document virtuellement composé [Wahlster, 1994].
Au delà des facilités offertes pour la description des contraintes temporelles à satisfaire lors
de la présentation d’un document hypermédia, le modèle doit également offrir un ensemble de
facilités de composition permettant d’éditer et de mettre à jour un tel document. Par
conséquent, la distinction entre la définition du type d’un objet (média simple ou composé) et
une instanciation particulière de présentation de cet objet (incluant tout un ensemble de
paramètres de présentation, dont des paramètres temporels) est essentielle lorsque l’on veut un
système adaptatif.
75
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs 6.2 Hypermédia adaptatif
6.2.1 Définition
Etant donné la jeunesse de ce domaine de recherche, le concept de système hypermédia
adaptatif n’a pas été encore complètement défini. Néanmoins, nous utiliserons la définition
donnée par Peter Brusilovsky que nous avons traduit en français :
"Par systèmes hypermédias adaptatifs, nous désignons tout système hypermédia et hypertexte
qui reflète certaines caractéristiques de l’utilisateur dans le modèle utilisateur et applique ce
modèle pour adapter des aspects visibles et variés du système à l’utilisateur". [Brusilovsky,
1996]
Selon cette définition, un hypermédia adaptatif doit satisfaire trois critères. Il doit être un
système d'information dont l'interface est un hypermédia. Il doit contenir un modèle
utilisateur et il doit être capable d’utiliser ce modèle pour adapter l’hypermédia. Toujours
selon Brusilovsky [Brusilovsky, 1998], l’hypermédia adaptatif est utile quand le système est
appelé à être utilisé par des personnes ayant des connaissances différentes ou des buts
différents et quand l’hyper-espace est étendu. Dans les systèmes actuels, l’objectif est toujours
de filtrer l’information afin de limiter la dimension de l’hyper-espace utile. Selon nous, il faut
ajouter à cette définition les aspects environnement et plate-forme qui peuvent également être
vus comme des déclencheurs d’adaptation.
6.2.2 Adaptation du contenu et des liens
Il est possible d’adapter le contenu des pages, les liens présents dans celles-ci et la navigation.
Deux classes différentes d’adaptation ont, donc, été définies et nous parlerons de support de
navigation adaptatif et de présentation adaptative.
6.2.2.1 Adaptation de la navigation
L'objectif de l'adaptation de la navigation est d'aider l’utilisateur à trouver son chemin dans
l’hyper-espace en agissant sur la façon dont les liens lui sont présentés.
Différentes techniques ont été développées au fil des années, le guidage direct,
l'ordonnancement des liens (le tri), le masquage de liens, l'annotation des liens ou encore
l'adaptation à la carte [Brusilovsky, 2003]. Le guidage direct est la technique de base utilisée
régulièrement puisqu’elle est simple à mettre en œuvre. Elle se base la plupart du temps sur
l’ajout d’un lien "suivant" qui permet d’accéder à la page la plus en adéquation avec les
76
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs objectifs de l’utilisateur dans le contexte courant. Les problèmes sont, alors, le risque de
diminuer considérablement la capacité d’exploration et d’augmenter la passivité de l’usager
puisque le système tend à devenir complètement linéaire.
L’ordonnancement des liens vise à les afficher les liens suivant un ordre définissant leur
intérêt ou leur qualité (comme dans "google"). L’inconvénient majeur de cette technique est
que l’on ne peut pas l’utiliser avec des liens contextuels, c’est à dire pour ceux se situant à
l’intérieur d’une phrase.
Le masquage de liens consiste à supprimer ceux qui sont en inadéquation avec les objectifs de
l’utilisateur. Comme la méthode précédente, cela peut entraîner une certaine désorientation
chez l’utilisateur.
L’annotation des liens donne plus de responsabilité à l'usager puisqu'on lui laisse le choix
d’activer les liens mais en y adjoignant une explication sur le contenu de la page cible pour
chacun. Ces annotations peuvent apparaître sous forme de bulles visibles dans le navigateur
lors du survol des liens par la souris. Les annotations sont plus efficaces lorsqu’elles
dépendent du contexte et du modèle de l’utilisateur.
Les cartes adaptatives permettent de fournir à l’utilisateur l’organisation de l’hyper-espace
sous forme textuelle (arbre hiérarchique) ou sous forme graphique plus ou moins simplifiée en
fonction de son profil.
6.2.2.2 Adaptation du contenu
Le but de la plupart des méthodes classiques d’adaptation de contenu (appelées aussi
méthodes à explication additionnelle) est de cacher, à l’utilisateur, quelques parties
d’information à propos d’un concept particulier qui n’est pas pertinent pour l’utilisateur à un
instant donné. Par exemple, des détails très bas niveau peuvent être masqués à un utilisateur
ayant un niveau de connaissance limité dans le domaine. Inversement, des explications
additionnelles peuvent être présentées à des novices. En terme général, en plus de la
présentation de base, certaines catégories d’utilisateurs peuvent recevoir des informations
supplémentaires conçues spécialement pour eux. Cette méthode est utilisée dans de nombreux
systèmes : MetaDoc [Boyle, 1994], KN-AHS [Kobsa, 1994], Item/IP [Brusilovsky, 1992] et
EPIAM [De Rosis, 93]. Une variante de cette méthode consiste à masquer à l’utilisateur
certaines parties d’informations qui ne sont pas pertinentes vis à vis du but courant de
l’utilisateur [Höök, 1996].
Il est, également, possible de définir des pré-requis ; ainsi avant de présenter une information,
77
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs le système insère des explications sur tous les concepts pré-requis qui ne sont pas
suffisamment maîtrisées par l’utilisateur. Cette méthode est utilisée dans lisp-Critic [Fisher,
1990] et C_BOOK [Kay et al., 1994]. Une seconde méthode est basée sur la mise en place de
liens entre concepts similaires : si un concept similaire à celui déjà connu doit être présenté,
l’utilisateur a une explication comparative qui souligne les similarités et les différences entre
les concepts courants et ceux déjà assimilés. Ces explications comparatives sont
particulièrement efficaces dans le domaine de l’EAO.
Une autre méthode appelée "variante d’explication" défend l’hypothèse qu’il faut prévoir
différentes présentations des informations pour différents types d’utilisateurs. Dans cette
méthode, le concepteur produit plusieurs variantes de pages et l’utilisateur reçoit la variante
de page correspondant à son modèle.
6.2.3 Hypermédias adaptatifs dynamiques
Afin d’améliorer la qualité de l’adaptation et de prendre en compte instantanément des
nouvelles données, les recherches se sont orientées depuis quelques années vers les
hypermédias adaptatifs dynamiques. La principale caractéristique de ces systèmes est d’offrir
un hyper-espace virtuel. Le système n’est plus constitué de pages et de liens prédéfinis. Il est
construit dynamiquement (figure 2.4). L’architecture de ces systèmes contient alors deux
modules supplémentaires qui sont : une base d’objets multimédias ou d’objets d’interaction et
le générateur de pages ou d’interfaces.
Le modèle du domaine, comme pour la dernière génération des hypermédias adaptatifs, est
défini en fonction de l’architecture globale du système. Le modèle utilisateur permet de
sélectionner les différents objets à présenter. La base d’objets contient tous les éléments, en
relation avec le domaine, et pouvant être inclus dans le document à afficher. Le générateur de
pages fonctionne de la même manière qu’un moteur SQL, c’est-à-dire, qu’en tenant compte
des différents paramètres, il génère et affiche, d’une manière transparente pour l’utilisateur,
les objets appropriés et structurés correctement dans la page, conformément à la requête faite
en fonction du contexte (Figure 2.4)
78
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
Figure 2.4. Architecture et principe d’un système hypermédia dynamique [Laroussi, 2001]
Il y a souvent correspondance entre les nœuds du modèle du domaine et les pages de
l’hypermédia virtuel, ainsi qu’entre les relations de ce modèle et les liens de l’hypermédia
virtuel. L’utilisation d’un tel système apporte plusieurs avantages. Tout d’abord, l’adjonction,
d’un nouveau, support peut être prise en compte immédiatement, puisque les pages du
système sont construites dynamiquement et ne sont pas préenregistrées. Ensuite, les
concepteurs de l’hypermédia ne sont pas obligés de penser à la façon d’agencer les différents
documents, ils doivent juste définir l’architecture générale du système (le modèle du domaine)
et déterminer, récupérer ou créer les documents qui vont servir à présenter chaque concept.
Bien que cette technologie soit à ce jour peu répandue, le travail que nous avons réalisé entre
dans cette catégorie de systèmes.
Nous avons vu qu’il était nécessaire d’introduire de la sémantique supplémentaire dans les
hyper-espaces pour permettre l'adaptation. Cette tâche s'est simplifiée récemment grâce à
l’utilisation de la technologie XML (Méta données, RDF, Web sémantique…).
6.2.4 XML et hypermédia
Le langage HTML est un langage assez simple pour avoir rendu les hypermédia très
largement accessibles. Ses règles sont si claires et si nettes que l'on a mis au point des
logiciels permettant de composer des documents HTML sans aucune connaissance préalable
du langage. Et c'est sans doute l'une des raisons principales de l'explosion récente du Web.
Cependant, HTML n'est pas sans poser quelques problèmes. En premier lieu, il est trop
restrictif. HTML n’est en fait qu’un avatar de SGML restreint à un ensemble donné de règles.
79
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs Et cette restriction rend la description de documents complexes plus difficile qu’avec SGML
standard. L’autre problème majeur vient de ce que HTML, avec le temps, a été de plus en plus
orienté vers la présentation du contenu, plutôt que vers sa description. On sait que les feuilles
de style, en séparant explicitement contenu et présentation, apportaient un début de remède à
cette "crise d'identité". Mais les feuilles de style sont une innovation récente, et il s'écoulera
sans doute pas mal de temps avant que HTML ne soit complètement débarrassé des balises de
mise en forme.
XML peut être la solution à tous ces problèmes. Le langage XML est exclusivement destiné à
la description du contenu. Il s'agit en outre d'un langage extrêmement flexible qui :
Fournit une description plus précise du contenu du document en acceptant un
ensemble de balises extensibles. Les implémenteurs XML peuvent définir leurs
propres ensembles de balises. La précision de ces descriptions revient à
l'implémenteur ;
Permet de valider le contenu d'un document à l'aide une grammaire standardisée : le
contenu et la structure d'un document XML est défini par sa grammaire ;
Facilite l'échange de documents entre utilisateurs et applications
Prend en charge la recherche avancée : la recherche dans un document XML est plus
facile car la structure et le sens du contenu sont identifiés (comme défini dans la
grammaire). L'une des conditions des documents XML est qu'ils doivent être
syntaxiquement corrects. Ceci implique entre autre qu'à chaque balise d'ouverture
corresponde une balise de fermeture. Ce critère facilite l'analyse et la manipulation des
documents. Les grammaires déterminent la structure et le contenu des documents
XML ; elles peuvent être utilisées pour effectuer des recherches plus poussées ;
Distingue la structure du document, du contenu et de la présentation : la distinction a
toute son importance lorsque le contenu de documents Web doit être généré
dynamiquement à l'aide de programmes. Tout comme les feuilles de styles en cascade
en HTML, les feuilles de styles XSL contrôlent la présentation des documents XML.
Le fait de placer le contrôle de la présentation dans un fichier distinct du contenu
permet de créer plusieurs vues pour un document XML sans changer ce dernier. Le
contenu peut être présenté à plusieurs utilisateurs sous différentes formes ;
Optimise la réponse utilisateur, la charge réseau et la charge serveur : les
implémentations XML peuvent commander au serveur Web l'envoi d'un document
80
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
XML et ses feuilles de styles XSL associées au client. Chaque feuille de styles peut
fournir une vue différente de tout ou partie des données du document. L'utilisateur
sélectionne la feuille de styles à appliquer. Le passage d'une vue (feuille de styles) à
l'autre n'implique pas l'envoi d'une autre requête au serveur.
Ce que l'on peut retenir des points précédents, c'est qu'XML offre autant de possibilités pour
la conception des hypermédias, en ne représentant que la structure et le contenu des
documents/données. Un document XML est indépendant de sa présentation, de tout type de
traitement et de toute application. La présentation des documents XML est spécifiée de façon
externe par des feuilles de style, Sans modification, un même document peut être présenté de
différentes façons selon les utilisateurs, ce qui permet de faciliter l'adaptation.
7 Bilan
7.1 Adaptativité en EIAH
Brusilovsky [Brusilovsky, 1996] propose un schéma qui résume les différents aspects des
systèmes adaptatifs. Nous avons complété ce schéma en fonction des remarques que nous
avons fait tout au long de ce chapitre ; la figure 2.5 représente ce qui nous semble important
de retenir sur l’adaptativité pour mieux comprendre nos choix futurs.
81
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
82
i
Sélectionner l’information qui doit être présentée a nsi que sa présentation
Individuel
Caractéristiques de l’utilisateur
Modèle d’interaction (forme)
Stéréotype
Adaptation
Architecture
Qui Utilisateur
Système
Comment
Basculer entre différents styles et interfaces d’interaction
Suggérer des commandes, des plans
Suggérer des paramétrages d’une fonction sélectionnée
Détecter des erreurs ou des plans non optimaux
Attribuer dynamiquement l’exécution d’une tache soit à l’utilisateur soit au système
Granularité
Modèle utilisateur
Modèle domaine
Quand Avant la première session
Au cours des sessions A la fin des sessions Avant/après des fonctions prédéfinies
En continu
A des instants prédéfinis
Dans des situations prédéfinies A la demande de l’utilisateur
Buts et plans
Préférences Connaissances Aptitudes
Plateforme / Environnement
Services
Données
Support d’information (fond)
Systèmes adaptatifs
Figure 2.5. Les aspects relatifs aux systèmes adaptatifs.
Parmi les intérêts de l'utilisation de systèmes adaptatifs dans l'éducation se trouvent la facilité
et la rapidité d'accès à l'information pertinente, dans une base d’informations, aussi vaste et
complexe qu'elle soit. L'apprenant est, de plus, plus libre. Il peut accéder directement à une
information et choisir le niveau de détail qu'il souhaite atteindre :
Navigation : l’apprenant navigue à travers les nœuds et les liens jusqu'à satisfaire
pleinement sa curiosité ou son besoin ;
Accès spatial direct : certains systèmes hypermédias offrent la possibilité d'avoir une
vue (cartographie) panoramique ou partielle des informations. Dans cette vue, les
nœuds et les liens portent des labels qui reflètent leurs contenus et leurs associations.
Ainsi, l'apprenant localise l'information qu'il peut consulter par simple désignation ;
Recherche de contenu : cette opportunité permet à l'apprenant d'interroger la base de
connaissances selon les informations contenues. Une telle fonction de recherche est
Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs
similaire à la mémoire "associative" de l'être humain. La base d'information doit, donc,
être indexée selon des attributs de recherche pertinents (méta-données XML).
La composante hypertexte améliore la qualité des enseignements par leur structure. Elle aide
l’apprenant à mieux se représenter la connaissance, à mieux appréhender les tenants et les
aboutissant de chaque concept. La non linéarité de la progression de l’apprenant l’oblige à se
construire sa connaissance en créant des connexions entre les concepts. Comme le dit Nadeau
[Nadeau, 1997] : l’apprentissage, comme la pensée, ne se fait pas par idées isolées mais par
des relations significatives ou associatives entre idées… , donc, l’hypermédia devient un outil
de structuration de la pensée. On retrouve ici les théories constructivistes ou l’apprenant
apprend en interagissant avec le système. Les hypermédias favorisent la pensée associative,
l’initiative de l’apprenant et les collaborations entre utilisateurs (travail en groupe,
discussions, …).
Le second intérêt majeur des hypermédias tient dans leurs modes de présentation de
l’information notamment grâce à l’usage du multimédia. Pour l’ensemble de la communauté
scientifique, il semblait logique d’utiliser des données multimédias dans les systèmes
éducatifs ; on se basait sur des hypothèses telles que : plus on stimule nos sens simultanément
plus l’information est assimilée et comprise.
Quelques études ont, alors, essayé de vérifier ces hypothèses. Ainsi, Hoogeveen [Hoogeveen,
1995] a mis en évidence quelques attributs ou critères définissant la qualité des données
multimédias. Il a ensuite étudié l’aspect cognitif de chacun de ses critères. Par exemple :
niveau de multimédia utilsé (level of multimediality) qui a moins d’importance que
l’on pourrait le croire ;
niveau d’interactivité (level of interactivity) dont l’importance a été clairement
démontrée ;
l'usage simultané de plusieurs médias (level of congruence) dont l’intérêt a été prouvé.
Toutefois cette juxtaposition de médias est difficile à mettre en place et aucune
méthodologie n’a été élaborée pour obtenir de bon résultat.
On peut en conclure que l’utilisation d’éléments multimédias en adéquation avec l’apprenant,
va augmenter la convivialité des systèmes éducatifs et donc faciliter la construction des
connaissances.
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs 7.1.1 Modélisation du contexte et de l’utilisateur en EIAH
Lors de l’utilisation de systèmes adaptatifs dans un cadre éducatif, le modèle du domaine
correspond au domaine des connaissances à enseigner. Ces connaissances bénéficient des
techniques de représentation des connaissances issues de l’I.A. (règles de production, réseaux
sémantiques, frame, etc.) [Morik, 1989] [Chappel et al., 1993]. Le module d’expertise
contient, donc, une base de connaissances relative au domaine à enseigner. Dans certains
systèmes, les règles tutorielles qui permettent de diriger une session d’enseignement sont
aussi représentées dans le modèle du domaine.
Le modèle utilisateur contient classiquement des informations sur les connaissances de
l’utilisateur (ce qu’il sait) sur ses traits personnels, ses préférences et plus aléatoirement son
but. Bien que, les chercheurs s’attardent beaucoup sur la modélisation des connaissances et
passent les autres parties du modèle sous silence, deux principaux types de modèles de
l’utilisateur peuvent être rencontrés :
le modèle de recouvrement ;
le modèle de perturbation.
Dans le premier cas, nous avons déjà vu que les connaissances de l’apprenant étaient
considérées comme un sous-ensemble des connaissances du système. Notons que la faiblesse
principale de ce modèle est qu’il ne permet pas de représenter les connaissances erronées de
l’utilisateur.
Le second a un potentiel de représentation plus large. En effet, les connaissances et les
aptitudes de l’apprenant sont considérées comme une perturbation des connaissances de
l’expert (l’enseignant), et non comme un sous-ensemble de ces connaissances. Il existe à ce
jour essentiellement deux types de modèles de perturbation. Le premier, proposé par Bruton
dans DEBUGGY [Takeushi et al., 1988] et appelé «Buggy model », consiste à associer à
chaque connaissance un ensemble de règles erronées (mal-rules) dérivées de l’expérience des
enseignants. Le modèle de l’étudiant est obtenu en remplaçant les règles correctes par les
règles erronées qui, lorsqu’elles sont appliquées, conduisent à la réponse de l’apprenant. Or,
comme il peut y avoir plusieurs interprétations possibles d’une réponse (plusieurs règles
erronées qui conduisent à la réponse fournie par l’apprenant), le système procède par
génération de problèmes de discrimination, qu’il pose à l’apprenant pour connaître
exactement les règles erronées que ce dernier a utilisées. Le second type de modèle de
perturbation, utilisé par exemple dans le système BOCK développé à l’Institut technologique
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs de Kyushu au Japon [Takeushi et al., 1988], est basé sur la méthode MIS de Shapiro [Shapiro,
1987] pour inférer le modèle de l’utilisateur. Il contient des connaissances erronées qui ne
sont pas contenues dans le système comme pour le «buggy model», elles sont obtenues par
application de perturbations aux connaissances de l’expert en utilisant celles d’ordre tutoriel.
7.1.2 Le formateur à l’initiative des adaptations
Nous avons déjà indiqué, dans le chapitre 1, l’importance que nous accordons au formateur
lors d’un apprentissage qu’il soit médiatisé ou non. Dans ce chapitre, nous venons de voir
qu’il fallait que le système puisse utiliser immédiatement toute nouvelle connaissance sur
l’utilisateur (l'apprenant) ou sur le contexte pour optimiser la présentation des nouvelles
connaissances. Ceci correspond à l’une des caractéristiques d’un bon enseignant, il doit, par
exemple, utiliser un maximum l’actualité pour agrémenter son cours. Dans sa démarche
pédagogique, le formateur définit la structure interne de son cours. Bien que guidé par des
documents pédagogiques tels que des manuels scolaires, c’est l’enseignant qui détermine ses
stratégies pédagogiques. On peut appréhender l’organisation d’un apprentissage suivant deux
points de vues. Tout d’abord l’aspect macroscopique qui définit les relations pouvant exister
entre les différents modules d’une formation. Puis, l’aspect microscopique qui définit les
relations pouvant exister entre les notions introduites dans un module donné. Une fois que le
formateur a bien déterminé les notions présentes, ainsi que les relations qui les unissent, il doit
construire physiquement le cours, c’est-à-dire organiser, pour chaque notion, les différents
matériaux didactiques qui supporteront l’enseignement. Apparaissent, alors, deux concepts
importants que sont le public cible et la réutilisation des matériaux pédagogiques. Le public
visé détermine l’approche pédagogique que l’enseignant devra suivre (par exemple approche
"top down" ou "bottom up"). L’approche pédagogique choisie aura une influence d’une part,
sur la présentation des notions et d’autres part, sur le choix des medias présentant ces notions.
On voit bien ici avec quelle attention et quelle précision doivent être réalisés les supports de
formation.
Les systèmes adaptatifs, par l’intermédiaire du modèle du domaine, donnent la possibilité aux
enseignants de mieux structurer leur travail. Ils peuvent ainsi, penser mûrement leurs activités
pédagogiques en travaillant tout d’abord, à l’organisation des connaissances à transmettre et
dans un second temps, à la meilleure manière de les exposer. Nous relevons ici un point clé de
notre approche : selon nous, c’est au formatuer qu’il incombe de mettre en place les règles de
structuration des données et des services au sein des activités pédagogiques qu’il désire
proposer. Il doit pouvoir concevoir, sélectionner, modifier, paramétrer lui-même les
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Chapitre II Interfaces et hypermédias adaptatifs ressources pédagogiques qu’il désire utiliser durant l’activité pédagogique. Il doit pouvoir
définir comment les informations et les objets d’interaction devront s’adapter, en fonction des
objectifs, du contexte et du profil de l’apprenant. Il doit, pour cela, avoir défini clairement les
connaissances qu’il désire faire passer durant chaque activité. Le système que nous désirons
construire devra fournir toutes les fonctionnalités nécessaires pour que les formateurs puissent
réaliser toutes ses tâches de manière conviviale.
Le problème auquel nous sommes confrontés n’est, alors, plus de construire un modèle du
domaine, un modèle de l’apprenant et un moteur d’inférence pour une application tutorielle
donnée mais celui de concevoir et de construire des méta-modèles qui fonctionneront quels
que soient les disciplines, les apprenants et les formateurs.
8 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons défini le concept d’adaptativité, ses différentes déclinaisons et
les différents systèmes adaptatifs existants. Nous avons vu ensuite comment les hypermédias
adaptatifs tentent de remédier aux inconvénients de l’hypermédia classique. Nous avons
présenté dans ces systèmes les différentes méthodes et techniques recensées dans la littérature
et qui permettent de fournir une adaptativité des liens et du contenu. Ce chapitre n’étant pas
exhaustif et n’ayant pas traité toutes les approches inhérentes aux domaines, le lecteur
désirant approfondir ses connaissances peut consulter les références bibliographiques
mentionnées dans ce chapitre.
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