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CHAPITRE 4 Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un cristallisoir à cuve agitée 4.1 Introduction 4.1.1 Cadre UneprécipitationprendplaceauseindescolonnesBIR:laprécipitationdubicarbonatede soude. Le solide cristallin de composition NaHCO 3 est formé à partir des composés Na + et HCO - 3 présents en phase liquide. Cetransfertdematièredelaphaseliquideverslaphasesolideestunedesétapesessentielles de la fabrication du bicarbonate de soude raffiné [22]. Elle doit donc être étudiée avec soin. Lorsqu’un matériau subit une transition de phase, la dynamique du phénomène peut avoir uneinfluenceconsidérablesurlespropriétésdelanouvellephase[71].Danslecasdescolonnes BIR, une étude dynamique de la précipitation est nécessaire pour obtenir des informations sur la distribution en taille des cristaux (Crystal Size Distribution, CSD) à la sortie des colonnes. Cette distribution en taille conditionne tout le procédé en aval des colonnes et fixe aussi les potentialités d’utilisation des cristaux produits [22]. L’objectiffinald’uneétudedynamiquedelaprécipitationestlamiseaupointd’unmodèle mathématiquedelaprécipitationdubicarbonatedesodiumraffiné,envuedesonincorporation dans le modèle de colonne BIR que nous présentons au chapitre 5. Un tel modèle permettrait deprédirelaCSDdescristauxde NaHCO 3 àlasortiedescolonnesBIRetd’établiruneexpres- siondutransfertdematièreliquide-solide,enfonctiondesconditionsrégnantdanscescolonnes. La phase solide créée dans les colonnes BIR est dispersée dans la phase liquide. Dans ce cas, une description statistique de la phase dispersée est souvent utilisée pour l’étude de la dynamiquedelaprécipitation.Cettedescriptionstatistiquefaitintervenirlanotionde bilan de population. Lorsd’uneprécipitation,lacréationdelaphasesolidesedérouleendeuxétapes.Lapremière est la création d’une multitude de germes de solide au sein de la phase liquide. Cette étape est appelée germination. Elle est suivie de l’étape de croissance de ces germes [71], au cours de laquelle leur taille augmente.

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CHAPITRE 4

Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de

soude dans un cristallisoir à cuve agitée

4.1 Introduction

4.1.1 Cadre

Une précipitation prend place au sein des colonnes BIR : la précipitation du bicarbonate de

soude. Le solide cristallin de composition NaHCO3 est formé à partir des composés Na+ et

HCO−3 présents en phase liquide.

Ce transfert de matière de la phase liquide vers la phase solide est une des étapes essentielles

de la fabrication du bicarbonate de soude raffiné [22]. Elle doit donc être étudiée avec soin.

Lorsqu’un matériau subit une transition de phase, la dynamique du phénomène peut avoir

une influence considérable sur les propriétés de la nouvelle phase [71]. Dans le cas des colonnes

BIR, une étude dynamique de la précipitation est nécessaire pour obtenir des informations sur

la distribution en taille des cristaux (Crystal Size Distribution, CSD) à la sortie des colonnes.

Cette distribution en taille conditionne tout le procédé en aval des colonnes et fixe aussi les

potentialités d’utilisation des cristaux produits [22].

L’objectif final d’une étude dynamique de la précipitation est la mise au point d’un modèle

mathématique de la précipitation du bicarbonate de sodium raffiné, en vue de son incorporation

dans le modèle de colonne BIR que nous présentons au chapitre 5. Un tel modèle permettrait

de prédire la CSD des cristaux de NaHCO3 à la sortie des colonnes BIR et d’établir une expres-

sion du transfert de matière liquide-solide, en fonction des conditions régnant dans ces colonnes.

La phase solide créée dans les colonnes BIR est dispersée dans la phase liquide. Dans ce

cas, une description statistique de la phase dispersée est souvent utilisée pour l’étude de la

dynamique de la précipitation. Cette description statistique fait intervenir la notion de bilan de

population.

Lors d’une précipitation, la création de la phase solide se déroule en deux étapes. La première

est la création d’une multitude de germes de solide au sein de la phase liquide. Cette étape

est appelée germination. Elle est suivie de l’étape de croissance de ces germes [71], au cours

de laquelle leur taille augmente.

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Figure 4.1: Courbe de solubilité à 70 C dans un plan Na2CO3 (en abscisse) - NaHCO3 (en ordonnée),

séparant les états sous-saturés des états sursaturés, et représentation des états de S.

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 82

On distingue la germination secondaire de la germination primaire. La germination se-

condaire est induite par la présence d’autres cristaux dans la phase liquide, tandis que la

germination primaire désigne toute germination qui n’est pas secondaire [71]. Lorsque l’état de

régime de fonctionnement des colonnes BIR est atteint, la phase solide dispersée est présente

en permanence et la charge en solide est telle que la germination secondaire prend le pas sur

les autres formes de germination. La température, les concentrations, la charge en solide et

l’agitation au sein d’une colonne BIR en fonctionnement influencent de différentes façons les

cinétiques de germination secondaire et de croissance linéaire des cristaux, que nous notons

respectivement J et G. J s’exprime par m3 de suspension et par s, tandis que G s’exprime en

m/s.

Afin de prédire la production de bicarbonate de sodium dans les colonnes BIR et la CSD en

fonction des conditions régnant dans ces colonnes, une description qualitative et quantitative

de J et G en fonction de ces conditions est nécessaire.

Parmi les grandeurs qui influencent à la fois J et G, il y a la température, que nous notons

T , et la sursaturation de la solution, que nous notons S.

La sursaturation est une grandeur qui représente l’écart à l’équilibre thermodynamique du

système. C’est une grandeur sans dimension définie par :

S =aNa+ aHCO−

3

−KS(T )

KS(T )(4.1)

où aNa+ et aHCO−3

sont les activités de Na+ et de HCO−3 dans la solution et KS(T ) est le

produit de solubilité de NaHCO3 à la température T . Le produit de solubilité correspond au

produit des activités en Na+ et HCO−3 lorsque l’équilibre thermodynamique est atteint.

Par l’effet d’ions communs, aNa+ est fonction de la concentration de CO2−3 et de HCO−3

dans la solution.

Poser S = 0 dans l’équation (4.1) permet d’identifier une expression de la concentration

en HCO−3 existant à la saturation en fonction de la température et de la concentration en

CO2−3 : [HCO−3 ]sat = f

(

T, [CO2−3 ])

. A une température T donnée, la mise en graphique de

[HCO−3 ]sat en fonction de [CO2−3 ] dans le plan ([CO2−

3 ],[HCO−3 ]) définit une courbe, appelée

courbe de solubilité.

Nous présentons à la figure 4.1 la courbe de solubilité à 70 C dans le plan ([CO2−3 ],[HCO−3 ]).

Cette dernière a été déterminée expérimentalement par la société Solvay. Pour des raisons de

confidentialité, les échelles de l’abscisse et de l’ordonnée ne sont pas présentées.

La courbe de solubilité présentée à la figure 4.1 divise le plan ([CO2−3 ],[HCO

3 ]) en deux

régions. La région au-dessus de la courbe correspond à S > 0. La solution est dite sursaturée et

la précipitation du NaHCO3 prend place. La région en-dessous correspond à S < 0. La solution

est dite sous-saturée et le NaHCO3 reste dissous.

En pratique, la sursaturation S n’est pas la grandeur utilisée directement pour caractériser

l’écart à l’équilibre du système car les activités sont difficiles à évaluer. Toutefois, les activités

peuvent être approchées par les concentrations. Nous définissons alors une fonction S qui

s’exprime par :

S =[HCO−3 ] [Na

+]−KS(T )

KS(T )(4.2)

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 83

En divisant le numérateur et le dénominateur du membre de droite de l’équation (4.2) par

[Na+], nous pouvons réécrire l’équation (4.2) de la manière suivante :

S =[HCO−3 ]− [HCO−3 ]sat

(

T, [CO2−3 ])

[HCO−3 ]sat

(

T, [CO2−3 ]) (4.3)

où [HCO−3 ]sat

(

T, [CO2−3 ])

est la concentration de saturation en HCO−3 , à la température T

et avec une concentration [CO2−3 ] en ion carbonate, définie par :

[HCO−3 ]sat

(

T, [CO2−3 ])

=KS(T )

[Na+](

T, [HCO−3 ], [CO2−3 ]) (4.4)

La cinétique de germination secondaire J est également influencée par une grandeur liée à

l’agitation de la solution, que nous notons A, et par la fraction massique de solide, que nous

notons φ. La fraction massique de solide est la masse de cristaux présente dans la suspension

par unité de masse de suspension.

Les cinétiques de germination secondaire et de croissance linéaire sont classiquement mo-

délisées de la manière suivante [71] :

J = kjf(T )SbφmAq (4.5)

G= kg exp

(

Eact

RT

)

Sg (4.6)

où f(T ) est une fonction de la température et R est la constante des gaz parfaits.

Pour pouvoir déterminer qualitativement et quantitativement l’influence de la température,

des concentrations, de l’agitation et de la fraction massique de solide sur les cinétiques de

germination secondaire J et de croissance linéaire G du bicarbonate de sodium, il faut donc

identifier les fonctions et les différents paramètres de ces modèles.

Concernant J , il faut identifier une expression pour f(T ) et déterminer la nature de la

grandeur A, ainsi qu’identifier les valeurs de la constante cinétique de germination secondaire

kj , de l’exposant de la sursaturation b, de l’exposant de la fraction massique de solide m et de

l’exposant de l’agitation q. Concernant G, il faut identifier les valeurs de la constante cinétique

de croissance kg, de l’énergie d’activation Eact et de l’exposant de la sursaturation g.

4.1.2 Contribution de ce travail à l’étude des cinétiques de précipitation du

NaHCO3

Une étude expérimentale, visant à décrire l’influence de la température, de la sursaturation,

de la fraction massique de solide et de l’agitation sur la précipitation du bicarbonate de sodium,

est réalisée par Vanessa Gutierrez [72], du service de Matières et Matériaux de l’ULB.

Cette étude est réalisée au moyen d’un cristallisoir à cuve agitée, qui a été mis au point

lors d’un travail précédent [73]. Des expériences sont réalisées avec différentes conditions, dont

différentes fractions massiques de solide et différents régimes d’agitation.

Au terme d’une expérience, les cristaux obtenus sont séparés par intervalles de taille à l’aide

de tamis et les masses de cristaux se trouvant dans chaque intervalle de taille sont mesurées.

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Figure 4.2: Exemple de résultat expérimental : masses mesurées par unité de volume de suspension

dans les différents intervalles de taille.

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 84

Dans ce qui suit, nous appelons distribution en masse de cristaux l’ensemble des masses de

cristaux mesurées au terme d’une expérience, qui sont réparties par des tamis selon la taille des

cristaux dans différents intervalles de taille et sont exprimées par unité de volume de suspension.

Le résultat d’une expérience est donc une distribution en masse de cristaux, dont nous

présentons un exemple à la figure 4.2. La hauteur des barres représente la masse des cristaux,

exprimée par unité de volume de suspension, mesurée pour chacun des intervalles de taille de

cristaux notés en abscisse.

Dans ce travail, nous développons trois outils pour l’étude des cinétiques de précipi-

tation du bicarbonate de sodium dans un cristallisoir à cuve agitée et nous utilisons ces

outils pour apporter une contribution à l’étude des influences de la fraction massique

de solide et de l’agitation sur la cinétique de germination secondaire du NaHCO3.

Le premier outil est une table de calcul, réalisée avec le logiciel Excel. Cette table comprend

plusieurs feuilles de calcul synthétisant, pour chaque groupe d’expériences, les distributions en

masse de cristaux obtenues et les différentes mesures effectuées lorsque le cristallisoir fonc-

tionne à l’état de régime. A partir des mesures de la température, des concentrations et de

la distribution en masse de cristaux, les différentes grandeurs qui influencent la précipitation

peuvent être estimées et leur influence sur les cinétiques de précipitation peuvent être étudiées.

Le second outil est un ensemble de simulations de l’écoulement au sein du cristallisoir

par mécanique des fluides numérique (Computational Fluid Dynamics, CFD) pour différentes

conditions d’agitation, afin d’obtenir une caractérisation des propriétés globales et locales de

l’écoulement du liquide. En effet, la germination secondaire peut dépendre des propriétés lo-

cales de l’écoulement dans le cristallisoir [74, 75, 76]. Comme ces grandeurs sont difficilement

mesurables expérimentalement, elle sont estimées par CFD, à l’aide du logiciel Fluent 6.3.

Le troisième outil est une nouvelle méthode d’estimation des cinétiques de germination et

de croissance des cristaux de NaHCO3 à partir des résultats expérimentaux. Cette méthode

consiste à estimer, pour chaque expérience, les valeurs de J et de G conduisant, via une

modélisation de la CSD, à une distribution en masse de cristaux la plus proche de celle mesurée

expérimentalement.

Ce dernier outil sera utilisé pour la détermination des cinétiques de germination secondaire

et de croissance du NaHCO3 dans le travail de thèse de Vanessa Gutierrez.

Enfin, ces trois outils sont utilisés de façon combinée pour estimer les influences de la

fraction massique de solide et de l’agitation sur la cinétique de germination secondaire du

NaHCO3 à partir des résultats expérimentaux obtenus par Vanessa Gutierrez. Nous identifions

une expression pour A et nous estimons des valeurs pour les exposants q et m dans le modèle

de J donné par l’équation (4.5).

4.2 Présentation du système

4.2.1 Dispositif expérimental et protocole

Le cristallisoir utilisé a une capacité totale de 5 dm3. Il est thermostatisé grâce à une double

enveloppe. Toutes les expériences présentées dans ce travail sont réalisées à une température

de 45 C. Le cristallisoir est également équipé d’un tube de soutirage et de 4 chicanes. Le fond

du cristallisoir a une forme de W pour accroître la performance de l’agitation [77].

Page 8: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Figure 4.3: Schéma du dispositif expérimental.

Numéro de Li Li+1 ∆Li Lil’intervalle [µm] [µm] [µm] [µm]

1 0 36 36 18

2 36 56 20 46

3 56 63 7 59,5

4 63 90 27 76,5

5 90 112 22 101

6 112 160 48 136

7 160 200 40 180

Table 4.1: Description des intervalles de taille obtenus par les tamis.

Page 9: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 85

L’agitation est réalisée par une hélice marine à 3 pales. Cette hélice est recouverte d’une

couche de Halar afin de minimiser la précipitation du NaHCO3 à sa surface. La vitesse de

rotation de l’agitateur doit être égale ou supérieure à 600 tour par minute (tpm) pour éviter

la sédimentation des cristaux [73].

Un schéma du dispositif expérimental est présenté à la figure 4.3. Toutes les expériences

présentées dans ce travail sont réalisées de la manière suivante.

Une solution aqueuse de NaHCO3 et Na2CO3 est préparée dans un grand réservoir ther-

mostatisé à 60 C. Cette solution est claire, c’est-à-dire qu’elle ne contient pas de phase solide,

mais elle est saturée en NaHCO3. La concentration en CO2−3 de cette solution est d’environ

100mol/m3.

Cette solution est pompée et est injectée en continu dans le cristallisoir, avec un débit Q

constant d’environ 9,2 dm3/h. Avant d’entrer dans le cristallisoir, cette solution passe dans

un échangeur de chaleur, qui diminue sa température jusqu’à 45 C (température à laquelle le

cristallisoir est thermostatisé). Le volume de solution dans le cristallisoir est de 4 dm3. Cette

solution est prélevée en continu du cristallisoir, avec un débit identique au débit d’injection de

solution claire. Nous notons τ le temps de séjour moyen dans le cristallisoir. Il est évalué par :

τ =V

Q(4.7)

Après un certain temps, appelé temps d’induction, des cristaux de NaHCO3 apparaissent

dans la solution. Une suspension est obtenue, c’est-à-dire un mélange de liquide et de solide.

La germination secondaire et la croissance des cristaux de NaHCO3 prennent place dans le

cristallisoir. Un état de régime est atteint après environ 4 h.

Lorsque celui-ci est atteint, les concentrations en HCO−3 et en CO2−3 dans la solution du

cristallisoir sont mesurées par titrage. La sursaturation S est alors estimée par l’équation (4.3).

Nous avons S ≈ 7 10−2.

Le cristallisoir est ensuite vidé et le solide est séparé du liquide par filtration. Les cristaux

prélevés sont lavés à l’éthanol et séchés.

Ces cristaux sont ensuite tamisés. Ils passent successivement sur des tamis dont la taille

des orifices est de plus en plus petite. Les cristaux sont ainsi classifiés selon sept intervalles de

taille.

Les cristaux dont la deuxième plus grande taille est comprise entre Li et Li+1 correspondent

à l’intervalle i. Nous présentons à la table 4.1 la description des différents intervalles de taille.

∆Li et Li sont respectivement la largeur et la taille centrale de l’intervalle de taille i (pour

i= 1, . . . ,7) :

∆Li = Li+1−Li (4.8)

Li =Li+Li+1

2(4.9)

La masse de cristaux correspondant à chaque intervalle de taille est alors mesurée. Nous

obtenons donc une distribution en masse de cristaux dans les différents intervalles de taille des

tamis, dont un exemple est présenté à la figure 4.2.

Des conditions expérimentales spécifiques sont utilisées pour l’étude de l’influence de φ

sur J . La fraction massique de solide maximale qu’il est possible d’atteindre, via le refroidisse-

ment d’une solution claire, est très inférieure à celle qui existe en conditions industrielles. Afin

d’obtenir des valeurs plus élevées de la fraction massique de solide dans le cristallisoir, tout en

Page 10: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Type

d’étude

Ensemencement Temps de Diamètre Vitesse

Qens ce séjour τ de l’hélice de rotation

[dm3/h] [m−1m−3] [min] [cm] [tpm]

Fraction

massique

6 3,32 1012 16

8 6005 6,26 1012 17

5 1,1 1013 17

Agitation 26

8 600

Non 8 870

10 600

Table 4.2: Description des expériences.

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 86

maintenant plus ou moins constants les autres paramètres, un ensemencement continu de la

solution d’entrée est donc réalisé.

Une suspension contenant des cristaux dont la CSD est bien définie est injectée dans

le cristallisoir en parallèle avec la solution d’alimentation à un débit constant Qens, comme

représenté au schéma de la figure 4.3. Le temps de séjour moyen dans le cristallisoir est alors

évalué par :

τ =V

Q+Qens(4.10)

La CSD de l’ensemencement est caractérisée par le paramètre ce, que nous détaillons à la

section 4.2.2 (voir équation (4.15)). Les valeurs de Qens et de ce sont présentées à la table

4.2. Cette suspension est saturée en NaHCO3 et sa température est de 45 C.

Concernant l’étude de l’influence de l’écoulement sur J , trois conditions d’agitation diffé-

rentes sont réalisées. Deux hélices sont utilisées. L’une a un diamètre de 8 cm et l’autre a un

diamètre de 10 cm. L’hélice de 10 cm est utilisée avec une vitesse de rotation de 600 tpm,

tandis que l’hélice de 8 cm est utilisée avec une vitesse de rotation de 600 et de 870 tpm.

Comme nous le montrons ultérieurement (table 4.5), cette dernière vitesse de rotation est

choisie de manière à ce que la puissance volumique fournie par l’agitateur à la suspension soit

à peu près la même que celle fournie par l’hélice de 10 cm tournant à 600 tpm.

Les différentes conditions expérimentales sont résumées à la table 4.2.

4.2.2 Modélisation de la phase solide dans le cristallisoir

La phase solide dans le cristallisoir est modélisée mathématiquement par une équation de

bilan de population (Population Balance Equation, PBE), développée par Randolph et Larson

[78]. Il s’agit d’une équation aux dérivées partielles du premier ordre.

Les cristaux présents dans le cristallisoir sont décrits par une grandeur caractéristique, que

nous notons L et qui correspond à la deuxième plus grande taille des cristaux. Nous supposons

qu’un germe possède une taille nulle. Nous notons c(L,t) la CSD des cristaux présents dans le

cristallisoir à l’instant t. c(L,t)dL est le nombre de cristaux, par unité de volume de suspension,

ayant, au temps t, une taille comprise dans l’intervalle [L,L+dL].

Nous supposons que le cristallisoir est parfaitement mélangé et que le volume de suspension

est constant. La vitesse de croissance linéaire des cristaux (G) est supposée indépendante de

la taille des cristaux. Nous supposons également que l’état stationnaire est atteint (les dérivées

temporelles apparaissant dans les équations de bilan sont donc nulles) et qu’il n’y a pas de

fracture ou d’agglomération des cristaux.

Suivant qu’il y ait un ensemencement continu ou pas se superposant à l’injection de solution

claire, c(L) est la solution de deux PBE différentes.

Sans ensemencement

Lorsqu’il n’y a pas d’ensemencement de la solution d’alimentation, la CSD à l’état station-

naire est donnée par la solution de [73, 78, 79] :

dc(L)

dL=−c(L)

Gτ(4.11)

où τ est calculé par l’équation (4.7).

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 87

Le nombre de germe de taille L= 0 est donné par [78] :

c(0) =J

G(4.12)

La solution analytique de (4.11) avec la condition (4.12) s’écrit :

c(L) =J

Gexp

(

L

)

(4.13)

Avec ensemencement

Quand un ensemencement continu est superposé à l’injection de solution claire, la CSD à

l’état stationnaire est donné par la solution de :

dc(L)

dL=

1

G

(

c(L)

τ+Qens

Vcens(L)

)

(4.14)

où V est le volume de suspension dans le cristallisoir et cens(L) est la CSD de l’ensemencement.

τ est calculé par l’équation (4.10).

cens(L) est approchée par :

cens(L) = ceh(L−L1)h(L2−L) (4.15)

h(L) est la fonction d’Heaviside, L1=63µm et L2=90µm.

Les valeurs numériques de ce et de Qens pour les différentes expériences sont données à la

table 4.2.

La solution analytique de (4.14) avec la condition (4.12) s’écrit :

c(L) =J

Gexp

(

L

)

+ceQens

(

(

exp

(

L1−L

)

−1

)

h(L−L1)

(

exp

(

L2−L

)

−1

)

h(L−L2)

)

(4.16)

4.2.3 Méthode classique d’estimation des cinétiques de précipitation

Les mesures de la masse de cristaux dans différents intervalles de taille permettent d’es-

timer la cinétique de croissance G et la cinétique de germination secondaire J . On procède

classiquement de la manière suivante.

AppelonsM(i)exp la masse de cristaux mesurée correspondant au ième intervalle de taille (voir

table 4.1) par unité de volume de suspension. Les cristaux dans cet intervalle ont donc une

deuxième plus grande taille comprise entre Li et Li+1.

Si Li est suffisamment proche de Li+1, M(i)exp peut être approché par :

M (i)exp ≈ kV ρcrc(Li)L

3i∆Li (4.17)

où ρcr est la masse volumique des cristaux de NaHCO3 et kV leur facteur de forme.

Page 14: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Figure 4.4: Estimation de J et G par détermination de la droite de régression linéaire des points

obtenus en portant ln(

c(Li))

(en ordonnée) en fonction de Li (en abscisse).

Paramètres régulés Constantes

T (K) MMNaHCO3(g/mol)

Q (dm3/h) MMNa2CO3(g/mol)

V (dm3) ρcr (kg/dm3)

Ω (tpm) kV (−)

dh (cm) Np (−)

Qens (dm3/h)

ce m−1m3)

τ (s)

Table 4.3: Tableau de la feuille Excel contenant les paramètres régulés et les constantes pour une série

d’expériences donnée.

Page 15: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 88

Le facteur de forme est un paramètre tel que kV L3 est le volume d’un cristal de taille

caractéristique L. Dans le cas d’un cristal de forme sphérique, par exemple, kV vautπ6 .

La valeur du kV des cristaux de NaHCO3 est déterminée expérimentalement en pesant un

nombre connu de cristaux dont la distribution en taille est étroite [80]. La valeur identifiée est

kV = 0,66.

L’équation (4.17) peut se réécrire :

c(Li)≈M

(i)exp

kV ρcrL3i∆Li

(4.18)

En prenant le logarithme de l’équation 4.13, nous obtenons l’expression suivante :

ln(c(L)) = ln

(

J

G

)

L

Gτ(4.19)

Nous constatons donc que si nous portons en graphique le logarithme de c(Li) en fonction de

Li, pour i allant de 1 à 7, nous obtenons un ensemble de points disposés plus ou moins selon

une droite.

Par la détermination de la droite de régression linéaire de ces points [79], nous obtenons

une estimation de G et de J . G est estimé via la pente de la droite de régression et J est

estimé via l’ordonnée à l’origine. Nous présentons à la figure 4.4 un exemple d’estimation de

J et G par la méthode classique.

Comme nous le constatons dans le développement ci-dessus, cette approche présente deux

inconvénients importants.

D’une part, elle nécessite une transformation des résultats expérimentaux, ce qui implique

nécessairement une approximation. Celle-ci est d’autant moins précise que l’intervalle de taille

est grand. En outre, l’utilisation du logarithme tend à "gommer" artificiellement les variations

des c(Li) en fonction des cinétiques de précipitation.

D’autre part, la phase solide doit pouvoir être modélisée par une PBE ayant la forme

de l’équation (4.13), ce qui n’est pas le cas lorsqu’il y a un ensemencement continu de la

suspension dans le cristallisoir.

Nous développons donc une nouvelle méthode permettant d’extraire J et G à partir des

résultats expérimentaux. Cette nouvelle méthode est présentée à la section 4.3.3. Elle se veut

plus générale que la méthode classique car la phase solide peut être modélisée par une PBE

de n’importe quelle forme. De plus, elle ne nécessite pas de transformation des résultats expé-

rimentaux ni l’utilisation du logarithme.

4.3 Développement des outils

4.3.1 Table Excel

L’ensemble des données expérimentales sont synthétisées dans un fichier Excel. Nous uti-

lisons une feuille de calcul pour chaque série d’expériences. Une série d’expériences est carac-

térisée par les paramètres régulés utilisés. Ils sont entrés dans la feuille de calcul de la manière

présentée à la table 4.3.

Page 16: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

N

Grandeurs mesurées Grandeurs déduites

Liquide d’alimentation Corrélations ou tables

Tal (K) ρl,al (kg/dm3)

[NaHCO3]al (g/kg) [NaHCO3]sat (g/kg)

[Na2CO3]al (g/kg) Calculs

Suspension dans le cristallisoir QM (kg/h)

[NaHCO3] (g/kg) mtot (g)

[Na2CO3] (g/kg) φ (−)

ρl (kg/dm3) ρsusp (kg/dm3)

m1 (g) S (−)

m2 (g) M(1)exp (kg/m3)

m3 (g) M(2)exp (kg/m3)

m4 (g) M(3)exp (kg/m3)

m5 (g) M(4)exp (kg/m3)

m6 (g) M(5)exp (kg/m3)

m7 (g) M(6)exp (kg/m3)

m8 (g) M(7)exp (kg/m3)

Centrant (mol/h)

Csortant (mol/h)

∆C (mol/h)

Table 4.4: Tableau de la feuille Excel contenant les mesures et les grandeurs déduites pour une expé-

rience d’une série donnée.

Page 17: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 89

Comme mentionné précédemment, T est la température dans le cristallisoir, Q est le débit

volumique d’alimentation, V est le volume de suspension dans le cristallisoir et τ est le temps

de séjour moyen. τ est calculé par l’équation (4.10) s’il y a un ensemencement continu de

l’alimentation et par l’équation (4.7) dans le cas contraire. Ω est la vitesse de rotation de

l’agitateur, exprimée en tpm. dh est le diamètre de l’hélice.

Nous notons également les constantes nécessaires pour les calculs ultérieurs de la manière

suivante. MMNaHCO3et MMNa2CO3

sont respectivement les masses molaires du NaHCO3

et du Na2CO3. kV est le facteur de forme des cristaux de NaHCO3 et Np est le nombre de

puissance de l’hélice.

Au cours de chaque expérience d’une série, des mesures sont réalisées.

Nous notons les grandeurs suivantes : Tal est la température initiale de la solution d’ali-

mentation (avant passage dans l’échangeur de chaleur). Cette grandeur est mesurée par un

thermocouple et vaut 60 C. [NaHCO3]al et [Na2CO3]al sont respectivement les concentrations

en NaHCO3 et en Na2CO3 de la solution d’alimentation, exprimée en g par kg de solution.

[NaHCO3]al et [Na2CO3]al sont mesurés par titrage.

[NaHCO3] et [Na2CO3] sont respectivement les concentrations en NaHCO3 et Na2CO3

de la solution dans le cristallisoir. Ces grandeurs sont mesurées par titrage et sont exprimées

en g par kg de solution. ρl est la masse volumique du liquide dans le cristallisoir, exprimée

en kg/dm3. Cette grandeur est mesurée à l’aide d’un densimètre. mi, pour i= 1, . . . ,7 est la

masse de cristaux mesurée correspondant à l’intervalle de taille i, qui est caractérisé par Li et

∆Li (voir table 4.1). m8 est la masse des cristaux dont la taille est supérieure à 200 µm.

Ces différentes grandeurs sont consignées dans un tableau, dont un exemple est présenté

à la table 4.4.

Les mesures sont utilisées pour déduire les grandeurs présentées à la colonne de droite de

la table 4.4, que nous notons de la manière suivante. ρl,al est la masse volumique de la solution

d’alimentation. Elle est calculée en fonction de la température Tal et des concentrations dans

le liquide d’alimentation [NaHCO3]al et [Na2CO3]al par une corrélation fournie par Solvay.

[NaHCO3]sat est la concentration de NaHCO3 à saturation pour la température T et la

concentration en Na2CO3 dans le cristallisoir. [NaHCO3]sat est déterminée à partir des courbes

de solubilité fournies par Solvay.

Nous notons QM le débit massique du liquide d’alimentation, exprimé en kg/h. QM se

calcule par :

QM = ρl,alQ (4.20)

Nous notons mtot la masse totale de cristaux présents dans la suspension lorsque le cristallisoir

est à l’état de régime :

mtot =8∑

i=1

mi (4.21)

La fraction massique de solide φ est calculée par :

φ=10−3mtot

10−3mtot +ρlV(4.22)

Nous pouvons en déduire la masse volumique de la suspension :

ρsusp =ρl ρcr

ρlφ+ρcr (1−φ)(4.23)

Page 18: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Figure 4.5: Géométrie du cristallisoir à cuve agitée équipé de l’hélice de 8 cm de diamètre, générée

avec le logiciel Gambit.

Page 19: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 90

La sursaturation S est estimée par :

S =[NaHCO3]− [NaHCO3]sat

[NaHCO3]sat(4.24)

La masse de cristaux par unité de volume de suspension M(i)exp correspondant à l’intervalle

de taille i, pour i= 1, . . . ,7, est calculée par :

M (i)exp =

10−3miV

(4.25)

Enfin, nous effectuons un bilan de matière sur la quantité de carbone dans le cristallisoir

pour vérifier si la quantité de matière entrante est bien égale à la quantité de matière sortante.

Nous supposons que le débit massique de sortie est égal au débit massique d’entrée. Dès lors,

le débit total de carbone sortant, noté Centrant et exprimé en mol/h, est calculé par :

Centrant =QM

(

[NaHCO3]al

MMNaHCO3

+[Na2CO3]al

MMNa2CO3

)

(4.26)

De même, le débit total de carbone sortant, noté Csortant et exprimé en mol/h, est calculé

par :

Csortant =QM

((

[NaHCO3]

MMNaHCO3

+[Na2CO3]

MMNa2CO3

)

(1−φ)+φ

MMNaHCO3

)

(4.27)

Le bilan matière est satisfait si Centrant = Csortant. En pratique, il n’est jamais satisfait ; un

écart subsiste toujours. Nous notons ∆C l’écart au bilan de matière. Il se calcule par :

∆C = Centrant−Csortant (4.28)

Sur l’ensemble des expériences, nous observons que Csortant est généralement inférieur de

10 et 15 % par rapport à Centrant. Ceci est dû à un phénomène de classification des cristaux

dans le cristallisoir.

Les tableaux des résultats expérimentaux utilisés dans ce travail sont présentés à l’annexe

E.

4.3.2 Caractérisation de l’écoulement dans le cristallisoir

Une grandeur, notée A, qui corrèle l’écoulement dans le cristallisoir à la cinétique de germi-

nation secondaire, doit être déterminée. Etant donné que les propriétés locales de l’écoulement

sont difficilement mesurables expérimentalement, ces propriétés sont estimées à partir de la

résolution des équations de Navier-Stokes, de la continuité et d’un modèle de turbulence avec

un logiciel de mécanique des fluides numérique. Dans ce qui suit, nous parlons de simulation

CFD pour désigner cette résolution. La CFD permet de caractériser globalement et localement

l’écoulement dans le cristallisoir.

Etant donné que deux hélices différentes sont utilisées, deux géométries distinctes sont

générées, ainsi que leur maillage, à l’aide du logiciel Gambit 2.3.16. Nous présentons à la figure

4.5 la géométrie du cristallisoir avec l’hélice de 8 cm de diamètre.

Page 20: CHAPITRE 4 Contributionàl ...
Page 21: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 91

Un maillage tétraédrique est utilisé. Il est généré en utilisant le schéma de maillage

Tet/Hybrid et le type de maillage TGrid est sélectionné.

Le fluide est séparé en deux zones distinctes : une zone appelée rotor, délimitant un volume

autour de l’hélice à l’intérieur du tube de soutirage, et une zone appelée stator, constituant le

reste du volume de fluide.

Les gradients de vitesse les plus importants sont cantonnés dans la zone rotor par la pré-

sence du tube de soutirage. Pour cette raison, nous générons un maillage plus dense dans la

zone rotor que dans la zone stator. La taille moyenne des mailles dans la zone rotor est de 2

mm, tandis que celle des mailles dans la zone stator est de 4 mm. Ces paramètres génèrent un

maillage d’environ 680 000 mailles.

Les géométries et leur maillage sont exportés vers le logiciel Fluent 6.3.26. Ce logiciel

est utilisé pour résoudre les équations de Navier-Stokes, de la continuité et d’un modèle de

turbulence dans le volume de fluide du cristallisoir.

Les simulations sont réalisées en utilisant l’approche sliding mesh [50]. Au sein de la zone

rotor, les équations sont exprimées dans un repère rattaché au maillage. Ce repère est en

rotation autour de l’axe de l’hélice. La vitesse de rotation du repère de la zone rotor correspond

à la vitesse de rotation de l’hélice (le mouvement relatif de l’hélice par rapport à ce repère

est donc nul). Au sein de la zone stator, les équations sont exprimées dans un repère fixe et

rattaché au maillage.

Une opération de définition d’interface doit être réalisée dans Fluent afin de connecter

le maillage mobile de la zone rotor avec le maillage fixe de la zone stator, en spécifiant une

interface au niveau des surfaces communes aux deux zones.

Le modèle k− ε realizable instationnaire [50, 81] est sélectionné pour la modélisation de

la turbulence. Le pas de temps utilisé est le temps nécessaire pour que l’hélice effectue une

rotation de 2 autour de son axe. Les choix des schémas de discrétisation, du solveur et des

paramètres de contrôle des solutions sont ceux proposés par défaut par le logiciel.

Ces choix font partie des règles de bonnes pratiques identifiées notamment dans les guides

d’utilisation du logiciel Fluent [50].

Signalons toutefois que l’objectif de ce travail n’est pas d’identifier les conditions optimales

de simulation de l’écoulement dans le cristallisoir. Le but de ces simulations est d’estimer cer-

tains paramètres caractéristiques de l’écoulement et d’identifier une possible corrélation avec

les cinétiques de germination secondaire estimées sur base des distributions en masse de cris-

taux mesurées.

Les résultats de simulation sont analysés lorsque la moyenne volumique de l’énergie ciné-

tique turbulente atteint un état stationnaire. Cet état est atteint après 10 tours d’hélice. Le

temps de calcul est d’environ 10 jours.

4.3.3 Développement d’une nouvelle méthode d’estimation des cinétiques de

précipitation

Principe de la méthode

Le principe général de cette nouvelle méthode est d’"amener" un modèle à simuler des

grandeurs se comparant directement aux mesures expérimentales, sans transformation de ces

dernières.

Page 22: CHAPITRE 4 Contributionàl ...
Page 23: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 92

Si les valeurs de J et de G sont connues, la CSD peut être calculée. Notons c(L,J,G) la

CSD pour des valeurs de J et de G données. Lorsqu’il n’y a pas d’ensemencement continu

dans le cristallisoir, c(L,J,G) est calculé à partir de l’équation (4.13), tandis que lorsqu’il y a

un ensemencement continu, c(L,J,G) est calculé à partir de l’équation (4.16).

Si la fonction c(L,J,G) est connue, la distribution en masse de cristaux peut être estimée.

En effet, la masse théorique de cristaux correspondant au ième intervalle de taille, pour des

valeurs de J et de G données, peut se calculer par :

M(i)th (J,G) = kV ρcr

∫ Li+1

Li

c(L,J,G)L3dL (4.29)

En calculantM(i)th (J,G) pour chacun des intervalles de taille, nous obtenons une distribution

en masse de cristaux simulée, pour des valeurs de J et de G données. Cette distribution simulée

est ensuite comparée à la distribution en masse de cristaux mesurée expérimentalement.

L’idée de cette nouvelle méthode est, dès lors, d’estimer les valeurs de J et de G qui

conduisent à une distribution de masse simulée reproduisant le plus fidèlement possible la

distribution en masse expérimentale.

Développement de la fonction d’estimation

La procédure pour estimer les valeurs de J et G conduisant à la distribution en masse

de cristaux simulée la plus proche de la distribution en masse de cristaux expérimentale est

basée sur une optimisation paramétrique au sens des moindres carrés non linéaires [64, 65].

Elle consiste à minimiser la somme du carré des écarts entre M(i)th et M

(i)exp sur l’ensemble des

intervalles de taille.

Nous définissons une fonction de coût :

CF (J,G) =∑

i

(

M (i)exp−M

(i)th (J,G)

)2(4.30)

Le principe de cette méthode est donc d’identifier les valeurs de J et de G qui conduisent

à une minimisation de la valeur de la fonction de coût CF (J,G).

Pour estimer la valeur CF (J,G) pour des valeurs de J et de G données, les valeurs de

M(i)th (J,G), pour i allant de 1 à 7, doivent être calculées.

En absence d’ensemencement continu, c(L) s’exprime par l’équation (4.13). L’intégrale

dans l’équation (4.29) peut être évaluée symboliquement, ce qui conduit à l’expression sui-

vante :

M(i)th (J,G) = kV ρcrJG

(

exp

(

LiGτ

)

(

L3i +3GL2

i τ +6G2Liτ2 +6G3τ3

)

−exp

(

Li+1

)

(

L3i+1 +3GL2

i+1τ +6G2Li+1τ2 +6G3τ3

)

)

(4.31)

Par contre, s’il y a un ensemencement continu superposé à l’alimentation, c(L) s’exprime

par l’équation (4.16). L’intégrale dans l’équation (4.29) peut également être évaluée symboli-

quement, mais l’expression obtenue peut mener à des instabilités numériques dans la suite de

la procédure. C’est pourquoi l’équation (4.29) est estimée numériquement dans cette méthode.

Page 24: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Figure 4.6: Courbes de niveaux de la surface générée par les valeurs de la fonction de coût calculées

pour une matrice de valeurs de J (en abscisse) et G (en ordonnée) - hélice de 8 cm - 600 tpm - pas

d’ensemencement.

Figure 4.7: Comparaison des méthodes en terme de distribution en masse de cristaux dans les intervalles

de taille - pas d’ensemencement - hélice de 8 cm - 600 tpm.

Page 25: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 93

Minimisation de la fonction de coût

Les valeurs de J et de G qui minimisent la fonction de coût CF (J,G) sont notées Jfit et

Gfit. Leur valeur sont estimées en utilisant le programme de minimisation lsqnonlin du logiciel

Matlab 7.

Partant d’une estimation initiale de J et de G (par exemple, les valeurs estimées en utilisant

la méthode classique présentée en 4.2.3), la fonction c(L) est déterminée et la masse théorique

de cristaux correspondant à chaque intervalle de taille est estimée. La fonction de coût est

ensuite calculée.

Le programme lsqnonlin modifie alors les valeurs courantes de J et de G. Il calcule à nou-

veau la valeur de CF et la compare avec la valeur calculée à l’étape précédente. Le programme

ajuste itérativement les valeurs de J et G afin de diminuer la valeur de CF , jusqu’à atteindre

un minimum.

Afin de vérifier la validité de la solution obtenue par lsqnonlin, une matrice de valeurs de

J et de G est générée et CF est estimée pour chaque paire de valeurs. Une surface de coût

est ainsi générée. Jfit et Gfit sont les coordonnées du minimum de la surface de coût.

Nous présentons à la figure 4.6 les courbes de niveaux de la surface de coût en fonction

de J et de G. Les conditions de cette expérience sont les suivantes : pas d’ensemencement

continu dans le cristallisoir, hélice de 8 cm de diamètre et vitesse de rotation à 600 tpm. Nous

vérifions bien que les coordonnées du minimum de la surface de coût sont identiques au couple

(Jfit,Gfit) calculé par le programme lsqnonlin. Nous présentons également sur cette figure le

point correspondant au couple de valeurs de J et de G identifié par la méthode classique.

Comparaison avec la méthode classique

Nous comparons à la figure 4.7 les distributions en masse mesurées, simulées avec les

valeurs de J et de G calculées par la nouvelle méthode et simulées avec les valeurs de J et

de G identifiées par la méthode classique. Remarquons que les deux méthodes d’extraction

des cinétiques de précipitation ne peuvent être comparées que pour les mesures réalisées sans

ensemencement continu dans le cristallisoir.

Comparativement à la méthode classique, cette nouvelle méthode devrait mener à des

estimations de J et de G plus proches de leur valeur réelle car elle ne nécessite pas de transfor-

mation des résultats expérimentaux (voir section 4.2.3). La PBE est résolue, analytiquement

ou numériquement, pour simuler la distribution en masse de cristaux correspondant aux inter-

valles de taille expérimentaux, c’est-à-dire aux intervalles de taille des tamis. Les valeurs de J

et de G qui minimisent les écarts entre mesures et simulations sont estimées. En outre, nous

obtenons directement une quantification des écarts entre la distribution en masse mesurée et

celle simulée avec le couple (Jfit,Gfit) via la valeur de la fonction de coût.

De plus, cette méthode est utilisable tant que l’intégrale apparaissant dans l’équation (4.29)

est évaluable numériquement. Elle peut donc être utilisée pour estimer les cinétiques de préci-

pitation à partir de la mesure de la distribution en masse de cristaux obtenue pour n’importe

quel type d’expérience (avec ou sans ensemencement), ou encore pour extraire les paramètres

cinétiques d’autres formes de PBE que celles utilisées dans ce travail.

A titre d’exemple, nous présentons à la figure 4.8 la comparaison des distributions en masse

mesurées et simulées avec les valeurs de J et de G calculées par la nouvelle méthode, pour

une expérience réalisée avec un ensemencement continu du cristallisoir.

Page 26: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Figure 4.8: Comparaison des distributions en masse de cristaux mesurées et simulées avec les valeurs

de J et de G calculées par la nouvelle méthode avec ensemencement continu du cristallisoir - Qens =

6dm3/h - ce = 3,32m−1m−3 - hélice de 8 cm - 600 tpm.

Figure 4.9: Vitesse de germination secondaire J en fonction de la fraction massique de solide φ.

Page 27: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 94

4.4 Exploitation des outils développés

4.4.1 Introduction

Les trois outils que nous développons dans ce travail sont utilisés de façon combinée pour

estimer les influences de la fraction massique de solide et de l’agitation sur la cinétique de

germination secondaire du NaHCO3 à partir de résultats expérimentaux obtenus par Vanessa

Gutierrez.

Ces résultats expérimentaux, synthétisés dans des tableaux Excel, sont présentés à l’annexe

E.

4.4.2 Contribution à l’étude de l’influence de la fraction massique de solide

Plusieurs études montrent que la fraction massique de solide affecte la cinétique de germi-

nation secondaire en augmentant le nombre de germes stables [82, 83, 84, 85, 86]. Ceci est

lié au fait qu’un nombre plus important de cristaux promeut les chocs cristaux-cristaux ou les

chocs entre les cristaux et des éléments du cristallisoir, conduisant à la formation de nouveaux

germes par rupture des cristaux suite aux collisions.

L’exposant de la fraction massique de solide dans l’expression (4.5), noté m, peut être es-

timé graphiquement. En effet, si nous prenons le logarithme de l’équation (4.5), nous obtenons

l’expression suivante :

ln(J) =m ln(φ)+ ln(kjf(T )SbAq) (4.32)

Si nous portons en graphique le logarithme des valeurs de J , estimées à partir des résultats

expérimentaux par la nouvelle méthode (étant donné que la solution est ensemencée), en

fonction du logarithme des valeurs de φ correspondantes, nous obtenons une série de points

disposés plus ou moins selon une droite.

Nous pouvons obtenir une estimation de la valeur de m à partir de la pente de la droite de

régression linéaire de ces points. Cette représentation graphique est présentée à la figure 4.9.

L’exposant m=1,4 est mesuré.

D’après la littérature, une valeur de m proche de 1 suggère que la source principale de

germination secondaire est un mécanisme de choc entre les cristaux et l’agitateur, tandis

qu’une valeur proche de 2 indique un mécanisme lié aux chocs cristaux-cristaux [77, 80].

La valeur m=1,4 que nous obtenons suggère que le mécanisme de germination secondaire

est intermédiaire entre les chocs cristaux-cristaux et cristaux-agitateur.

4.4.3 Contribution à l’étude de l’influence de l’agitation

Les cinétiques de précipitation sont influencées par l’écoulement dans le cristallisoir [77,

83, 85, 87], mais le paramètre d’écoulement auquel la cinétique de germination secondaire est

reliée n’est pas clairement défini.

Dans certains cas, il est suffisant de corréler la cinétique de germination secondaire avec la

puissance volumique fournie par l’agitateur à la suspension dans le cristallisoir. Cette grandeur

peut être estimée par l’expression suivante [82, 87, 88] :

P =NPρsuspω

3d5hV

(4.33)

Page 28: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Conditions Puissance fournie [W/m3] NP,Fluent J moyen

d’agitation Eq. (4.33) CFD [-] [m−3s−1]

hélice 8 cm315 459 0,56 9,3 106

600 tpm

hélice 8 cm962 1397 0,56 1,3 107

870 tpm

hélice 10 cm962 1235 0,49 2,2 107

600 tpm

Table 4.5: Puissance volumique fournie, nombre de puissance et moyenne des cinétiques de germination

pour les différents types d’expériences dans l’étude de l’influence de l’agitation.

Page 29: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 95

NP est le nombre de puissance de l’agitateur, ρsusp est la masse volumique de la suspension

(en kg/m3), ω est la vitesse en rotation de l’agitateur (exprimée en tour par seconde) et dhest son diamètre (en m).

La valeur moyenne du nombre de puissance trouvée dans la littérature pour une hélice

marine à trois pales est Np = 0,35 [4, 77]. Cette valeur générique n’est vraisemblablement pas

la plus adaptée au cas d’un cristallisoir muni d’un tube de soutirage.

A partir du résultat d’une simulation de l’écoulement par CFD, nous pouvons estimer la

puissance fournie par l’agitateur à la suspension, par unité de volume de suspension, que nous

notons PFluent. Cette grandeur est calculée via l’équation suivante :

PFluent =2π

héliceCaxe(þr)dS(þr) (4.34)

où Caxe(þr) est la composante selon l’axe de rotation de l’hélice du couple de forces, par unité

de surface, appliqué par l’hélice sur le liquide, au niveau d’un point de l’hélice repéré par le

vecteur þr.

Les puissances fournies à la suspension estimées par l’équation (4.33) sont comparées aux

puissances fournies estimées par Fluent par l’équation (4.34). Les résultats sont présentés à la

table 4.5.

Nous observons un accord raisonnable entre les puissances volumiques estimées via le

nombre de puissance et via les simulations Fluent. Les différences entre les deux méthodes

n’excèdent pas 30 %.

Les valeurs moyennes des estimations de J pour chaque type d’expérience (calculées à

partir des résultats expérimentaux présentés à l’annexe E) sont présentées à la table 4.5. Nous

observons clairement que les moyennes des cinétiques de germination secondaire ne sont pas

corrélées aux valeurs de puissances volumiques fournies.

Nous présentons également à la table 4.5 les nombres de puissance des deux hélices, recal-

culés à partir des puissances estimées par CFD via l’équation :

NP,Fluent =PFluentV

ρsuspω3d5h(4.35)

Nous constatons que les valeurs de NP,Fluent sont légèrement supérieures à la valeur générique

de 0,35 issue de la littérature. Comme ces deux hélices ne sont pas en similitude géométrique,

il n’est pas étonnant de constater que les valeurs de NP,Fluent des deux hélices sont différentes.

Par contre, pour une même hélice (celle de 8 cm de diamètre), les simulations à des vitesses

de rotation différentes conduisent à la même valeur de NP,Fluent.

Si nous prenons le logarithme de l’équation (4.5), nous obtenons l’expression suivante :

ln(J) = q ln(A)+ ln(kjf(T )Sbφm) (4.36)

où A est une grandeur liée à l’écoulement.

A partir des résultats de simulation, nous estimons plusieurs paramètres globaux et locaux

de l’écoulement, tels que le débit de pompage de l’hélice, la moyenne volumique du taux de

dissipation de l’énergie cinétique turbulente au voisinage de l’hélice et la vitesse du liquide à

l’extrémité des pales de l’hélice.

Nous portons ensuite en graphique le logarithme de J , déduit des expériences avec la

nouvelle méthode, en fonction du logarithme de ces différentes grandeurs. Si la cinétique de

Page 30: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

Figure 4.10: Vitesse de germination secondaire J en fonction du taux de dissipation de l’énergie

cinétique turbulente à l’extrémité des pales de l’hélice εbout de pale.

Figure 4.11: Contour du taux de dissipation turbulente (en bleu : ∼3 m2/s3 - en rouge : ∼118 m2/s3)

à la surface de l’hélice calculée par Fluent - 10 cm de diamètre - rotation à 600 tpm.

Page 31: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 96

germination secondaire est corrélée à une de ces grandeurs, les points ainsi obtenus doivent

pouvoir être approchés par une droite de régression linéaire.

Nous cherchons le paramètre d’agitation conduisant au coefficient de régression linéaire le

plus proche de 1.

Nous identifions quelques paramètres corrélés à la cinétique de germination secondaire. Il

s’agit du taux de dissipation de l’énergie cinétique turbulente ε (en m2/s3), de la taille des

micro-échelles de Kolmogorov lK (en m) et de la fréquence de relaxation tourbillonnaire fK(en s−1), au niveau de l’extrémité des pales de l’hélice.

lK et fK peuvent s’exprimer par [74] :

lK =4

ν3

ε(4.37)

fK =ε

k(4.38)

où ν est la viscosité cinématique du liquide (en m2/s) et k est l’énergie cinétique turbulente

du liquide (en m2/s2).

Comme lK et fK sont tous deux des fonctions de ε, la grandeur A, corrélée à la cinétique

de germination secondaire, est donc une fonction du taux de dissipation de l’énergie cinétique

turbulente à l’extrémité des pales de l’hélice, que nous notons εbout de pale. Si nous posons

A= εbout de pale, l’équation 4.36 se réécrit donc :

ln(J) = q ln(εbout de pale)+ ln(kjf(T )Sbφm) (4.39)

La représentation graphique des points obtenus en portant le logarithme de J , déduit des

expériences, en fonction du logarithme de εbout de pale est présentée à la figure 4.10. Nous

constatons que ces points sont disposés approximativement selon une droite.

Nous pouvons identifier graphiquement l’exposant q apparaissant dans l’expression (4.5)

par la pente de la droite de régression linéaire de ces points. La valeur identifiée est q = 0,3.

Nous pouvons interpréter ce résultat de la manière suivante. Comme nous le mention-

nons précédemment, le mécanisme à la source de la germination secondaire semble être un

mécanisme intermédiaire entre les chocs cristaux-cristaux et les chocs cristaux-agitateur.

L’extrémité des pales de l’hélice est la zone la plus proche de l’intérieur du tube de soutirage,

contre lequel une partie des cristaux est projetée.

De plus, l’estimation par CFD montre que la dissipation d’énergie est très importante dans

cette zone. C’est à cet endroit que se trouvent les plus petits tourbillons. Ces derniers induisent

des chocs entre les cristaux, et les plus petits tourbillons induisent les fréquences de collisions

les plus élevées [74].

Par conséquent, la zone à l’extrémité des pales de l’hélice semble être la source principale

de germination secondaire, par les mécanismes de chocs cristaux-cristaux, cristaux-hélice et

cristaux-tube de soutirage.

Nous présentons à la figure 4.11 les niveaux relatifs du taux de dissipation de l’énergie

cinétique turbulente ε sur la surface de l’hélice. Les zones en rouge correspondent aux zones

où la valeur de ε est grande (le maximum est d’environ 118 m2/s3), tandis que les zones en

bleu correspondent aux zones où la valeur de ε est faible (le minimum est d’environ 3 m2/s3).

Page 32: CHAPITRE 4 Contributionàl ...
Page 33: CHAPITRE 4 Contributionàl ...

4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 97

4.5 Conclusions

Dans ce chapitre, nous présentons le développement de trois outils destinés à l’étude des

cinétiques de précipitation du bicarbonate de sodium. Ces trois outils sont développés dans

le cadre d’une collaboration avec le service de Matières et Matériaux de l’ULB. Ces outils

sont également utilisés pour une étude de l’influence de la fraction massique de solide et de

l’agitation sur la cinétique de germination secondaire du NaHCO3.

Des expériences, visant à qualifier et à quantifier l’influence de la température, des concen-

trations, de l’agitation et de la fraction massique de solide sur les cinétiques de précipitation

du bicarbonate de sodium, sont réalisées par Vanessa Gutierrez, au moyen d’un cristallisoir

à cuve agitée. Les résultats expérimentaux se présentent sous la forme d’une distribution en

masse de cristaux correspondant à différents intervalles de taille. Les cinétiques de germination

secondaire (notée J) et de croissance linéaire (notée G) des cristaux de NaHCO3 peuvent être

déduites de ces distributions en masse de cristaux.

Le premier outil est une table de calcul, réalisée avec le logiciel Excel, permettant de

synthétiser l’ensemble des résultats de mesures. Ces dernières permettent notamment d’estimer

les conditions régnant dans le cristallisoir pour les comparer aux estimations des cinétiques de

précipitation.

Le deuxième outil est un ensemble de simulations par CFD de l’écoulement du liquide au

sein du cristallisoir. Le but est d’estimer des propriétés globales et locales de l’écoulement afin

d’identifier une corrélation entre une de ces grandeurs et la cinétique de germination secondaire.

Ces simulations sont réalisées à l’aide du logiciel Fluent.

Le dernier outil est une nouvelle méthode d’extraction des cinétiques de précipitation J et

G, sur base de résultats expérimentaux. Le principe de cette méthode est d’amener le modèle

à reproduire, le plus fidèlement possible, les résultats expérimentaux. Cette méthode consiste

à trouver les valeurs de J et de G qui minimisent l’écart quadratique entre les distributions

en masse de cristaux mesurées et simulées. Nous utilisons cette méthode avec la fonction de

minimisation lsqnonlin du logiciel Matlab 7. Cet outil sera utilisé par Vanessa Gutierrez dans

le cadre sa thèse de doctorat.

Les outils développés sont également utilisés pour extraire des informations qualitatives et

quantitatives sur les influences de l’agitation et de la fraction massique de solide sur la cinétique

de germination secondaire J , à partir des résultats expérimentaux de Vanessa Gutierrez.

Concernant l’étude de l’influence de la fraction massique de solide, son exposant dans

le modèle de J est estimé et la valeur trouvée est m = 1,4, ce qui suggère un mécanisme

intermédiaire entre les chocs cristaux-cristaux et cristaux-agitateur.

Concernant l’étude de l’influence de l’écoulement, la combinaison des mesures expérimen-

tales et des simulations par CFD de l’écoulement dans le cristallisoir permet d’identifier la

nature de la grandeur corrélant J à l’agitation. Cette grandeur est le taux de dissipation de

l’énergie cinétique turbulente à l’extrémité des pales de l’hélice. L’exposant de ce terme dans

le modèle de J est estimé à q = 0,3.

Les outils développés dans ce travail seront utilisés ultérieurement pour comprendre la

précipitation du NaHCO3 dans les colonnes à bulles industrielles. Dans ces colonnes, la dissi-

pation globale de puissance est similaire (entre 600 et 1000W/m3) mais les propriétés locales

de l’écoulement sont vraisemblablement différentes. L’écoulement du liquide est provoqué uni-

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 98

quement par l’écoulement du gaz ; aucun agitateur n’est présent à l’intérieur des colonnes BIR.

De plus, les fractions massiques de solide atteintes sont bien plus élevées (environ 0,2 kg de

cristaux par kg de suspension). Les exposants identifiés dans ce travail sont donc, à priori,

valable uniquement pour le cristallisoir à cuve agitée.

Des études expérimentales de la précipitation du NaHCO3 seront donc réalisées par Vanessa

Gutierrez au sein d’une colonne à bulles de laboratoire (1 m de hauteur et 13 cm de diamètre)

récemment mise au point. A l’aide des trois outils développés dans ce travail, la même démarche

pourra être utilisée pour réaliser ces études et obtenir des résultats valables pour les colonnes

à bulles : estimation des cinétiques de germination secondaire et de croissance des cristaux de

NaHCO3, identification de la grandeur A à laquelle la cinétique de germination secondaire est

corrélée et estimation des valeurs des exposants m et q.

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 99

Notations

[ ] concentration molm−3

a activité −

A grandeur liée à l’écoulement du liquide dans le cristallisoir −

c distribution en taille de cristaux m−3m−1

ce taille moyenne des cristaux de l’ensemencement par unité de taille

de cristal

m−3m−1

cens CSD des cristaux de l’ensemencement m−3m−1

Caxe composante selon l’axe de rotation du couple de force par unité de

surface appliqué par l’hélice sur le liquide

Nm−1

Centrant débit de carbone entrant dans le cristallisoir molh−1

Csortant débit de carbone sortant du cristallisoir molh−1

CF fonction de coût kg2m−6

dh diamètre de l’hélice m

Eact énergie d’activation de la cinétique de croissance Jmol−1K−1

f(T ) fonction de la température −

fK fréquence de relaxation tourbillonnaire s−1

G vitesse de croissance linéaire des cristaux ms−1

h fonction d’Heaviside −

i numéro d’intervalle de taille −

J vitesse de germination secondaire des cristaux m−3s−1

k énergie cinétique turbulente m2s−2

kg constante cinétique de croissance ms−1

kj constante cinétique de germination m−3s−1

kV facteur de forme des cristaux de NaHCO3 −

KS produit de solubilité mol2m−6

lK taille de la micro-échelle de Kolmogorov m

L taille caractéristique de cristal m

Li taille caractéristique du tamis i m

Li taille moyenne de l’intervalle de taille i m

mi masse de cristaux dans l’intervalle de taille i g

mtot masse totale de cristaux g

M(i)exp masse de cristaux mesurée par unité de volume de suspension dans

l’intervalle de taille i

kgm−3

M(i)th masse de cristaux simulée par unité de volume de suspension dans

l’intervalle de taille i

kgm−3

MM masse molaire gmol−1

Np nombre de puissance −

P puissance volumique fournie au liquide par l’agitateur Wm−3

Q débit volumique d’alimentation m3s−1

QM débit massique d’alimentation kgh−1

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4 . Contribution à l’étude de la précipitation du bicarbonate de soude dans un

cristallisoir à cuve agitée 100

Qens débit volumique d’ensemencement m3s−1

þr vecteur repérant un point sur l’hélice m

R constante des gaz parfaits Jmol−1K−1

S sursaturation −

S approximation de la sursaturation −

T température absolue K

V volume m3

Lettres grecques

∆Li taille de l’intervalle de taille i m

∆C écart au bilan de carbone entrant et sortant du cristallisoir molh−1

ε énergie cinétique turbulente m2s−3

ν viscosité cinématique m2s−1

φ fraction massique de solide −

ρ masse volumique kgm3

τ temps de séjour moyen s

ω vitesse de rotation tps

Ω vitesse de rotation tpm

Indices

al alimentation

bout de pale à l’extrémité des pales de l’hélice

cr cristaux de NaHCO3

fit ajusté

Fluent estimé par Fluent

l liquide

sat à saturation

susp suspension

Exposant

b exposant de S dans l’expression de J (équation (4.5))

g exposant de S dans l’expression de G (équation (4.6))

m exposant de φ dans l’expression de J (équation (4.5))

q exposant de A dans l’expression de J (équation (4.5))

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