Chapitre 1. Contexte de la recherche - INSA Lyon

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Contexte de la recherche

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Contexte de la recherche

1.1 Introduction

Dans ce chapitre, nous présentons le contexte général des recherches réalisées dans le cadre de cette thèse. L’objectif de la construction d’un modèle réaliste d’un cœur battant et d’un thorax respirant nous conduit à présenter plus précisément d’une part, des éléments d’anatomie et de physiologie cardiaque et thoracique et, d’autre part, quelques exemples d’analyse d’images cardiaques susceptibles d’être évaluées par ce modèle. Il s’agit de la segmentation des structures cardiaques, la mise en correspondance de données cardiaques anatomiques et fonctionnelles, et la reconstruction d’images en tomographie dynamique. Un autre intérêt d’un tel modèle concerne la simulation d’interventions chirurgicales et la formation dans le cursus médical, en radiologie notamment.

1.2 Contexte Médical

Cette section est consacrée à la présentation de l’organe ‘cœur’, moteur de la circulation sanguine. Tout d’abord, des notions d’anatomie et de physiologie cardiaques sont introduites, en essayant de mettre en évidence les relations existantes entre l’anatomie, la dynamique contractile, l’activité électrique et la vascularisation. Les cardiopathies à l’origine d’une altération de la fonction contractile myocardique font l’objet d’une deuxième partie. Ensuite, les principaux outils d’aide au diagnostic de ces pathologies, i.e. les modalités d’imagerie cardiaque, sont brièvement présentées.

1.2.1 Anatomie et physiologie cardiaque

• Le Cœur Situé entre les deux poumons dans le médiastin antérieur, le cœur est une pompe

propulsant le sang dans l’organisme. Il est composé de quatre cavités (Figure 1-1) : deux cavités ventriculaires, le ventricule gauche (VG) et le ventricule droit (VD) et les oreillettes gauche (OG) et droite (OD). Les ventricules sont séparés par une cloison, le septum. Les ventricules et les oreillettes sont reliés par l’intermédiaire des valves : la valve mitrale à gauche et la valve tricuspide à droite.

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Figure 1-1. Anatomie du cœur selon [Netter-69]1 : Vue ouverte du cœur selon un plan de coupe

Les cavités sont entourées par un muscle, le myocarde, lui-même entouré par une membrane appelée péricarde. Les parois interne et externe du myocarde sont respectivement nommées endocarde et épicarde. La pointe du cœur est appelée apex, la partie située au niveau du plan des valves est appelée base. L’axe apex-base du ventricule gauche est appelé le grand axe et le plan qui lui est perpendiculaire est le plan petit axe. Les parois du ventricule gauche sont souvent divisées en segments myocardiques antérieur, latéral, inférieur et septal (interventriculaire) (Figure 1-2). D’autres ‘découpages’ virtuels du cœur ont été proposés notamment celui en 17 segments recommandés par l’AHA et qui correspond aux territoires alimentés par les artères coronaires [Cerqueira-02].

Figure 1-2. Représentation schématique des ventricules du coeur et des repères couramment utilisés.

Les parties droite et gauche du cœur fonctionnent normalement en parallèle :

• La partie droite reçoit des veines caves supérieure et inférieure, qui s’abouchent dans l’OD, un sang non hématosé et l’envoie depuis le VD dans les poumons par l’artère pulmonaire.

1 http://www.graphicwitness.com/netter/

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• La partie gauche du cœur reçoit par les quatre veines pulmonaires, qui s’abouchent dans l’OG, le sang oxygéné provenant des poumons, et le propulse dans la circulation générale par l’aorte.

Au repos, le cycle cardiaque dure environ 800 ms (75 battements par minute) et se décompose en deux phases : la diastole (environ 60% du cycle cardiaque) et la systole (40% du cycle cardiaque). Pendant la diastole, les ventricules se remplissent du sang provenant des oreillettes. Pendant la systole, les deux ventricules se contractent et se vident dans leurs artères respectives à raison de 5 à 6 litres par minute. La télédiastole est l’instant qui précède le début de la contraction des ventricules, la télésystole indique la fin de la contraction et le début du relâchement du muscle. Les déformations subies par le VG sont déterminées par les conditions de pré et de post-charges ainsi que par l’organisation des fibres myocardiques. De manière schématique et globale, on observe au cours de la systole cardiaque: (I) une contraction radiale de l’endocarde accompagnée d’un épaississement pariétal, (II) une torsion du myocarde autour de l’axe apex-base, (III) une contraction longitudinale le long de l’axe apex-base, le plan basal ayant tendance à s’abaisser. Dans le VD, l’orientation longitudinale des fibres entraîne un mouvement prédominant dans cette direction.

• L’activité électrique du cœur Les différentes phases d’un cycle cardiaque sont repérées par rapport à un signal

électrique global issu du cœur : l’électrocardiogramme (ECG) (Figure 1-3). L’enregistrement de l’ECG est une des premières actions réalisées après l’observation des signes cliniques chez le patient. Son analyse permet notamment de mettre en évidence des troubles du rythme cardiaque ou arythmies. Le fonctionnement du cœur à l’échelle cellulaire met en jeu des processus chimiques basés essentiellement sur l’action des ions calcium, résultant en la propagation d’une onde électrique de dépolarisation à la surface du cœur, qui va finalement engendrer la contraction effective des cellules myocardiques. Le signal ECG fait apparaître plusieurs déflexions appelées ondes. L'onde P correspond à la dépolarisation des oreillettes. Le complexe QRS constitué des trois ondes Q, R et S correspond à la dépolarisation des ventricules. Suit une onde T qui reflète la repolarisation des cellules cardiaques ventriculaires.

Figure 1-3. Illustration d’un électrocardiogramme

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• Vascularisation du cœur La vascularisation du cœur est assurée par deux artères dites coronaires, ainsi

nommées parce qu’elles entourent le cœur, comme une couronne, à partir de la jonction aorto-ventriculaire (Figure 1-4). L’artère coronaire gauche, la plus importante des deux coronaires, est issue du bord gauche de l’aorte et se divise en deux branches après un tronc d’origine très court : la branche inter-ventriculaire antérieure (IVA) et la branche circonflexe. La branche IVA descend le long de la paroi antérieure, entre les deux ventricules jusqu’aux environs de l’apex. La branche circonflexe chemine entre l’oreillette et le ventricule gauches, pour finir sur la face postéro-latérale du ventricule gauche. L’artère coronaire droite est issue du bord droit de l’aorte ascendante, passe par le sillon auriculo-ventriculaire et se termine sur la face postérieure du cœur.

Figure 1-4. La vascularisation du cœur

1.2.2 Ischémie myocardique et ses conséquences

• Ischémie myocardique Le cœur apporte le sang oxygéné à tout l’organisme, mais doit également assurer sa

propre perfusion grâce aux artères coronaires. L’adaptation à une demande accrue au cours de l’effort ne peut se faire que par l’augmentation du débit sanguin. Pour expulser le sang dans tout le corps, le myocarde a besoin d’énergie, qu’il trouve dans des substrats spécifiques présents dans le sang. La réduction de l’apport sanguin qui peut se produire lors de l’obstruction d’une artère coronaire (la pathologie vasculaire associée est l’athérosclérose) entraîne une suite de conséquences connue sous le nom de cascade ischémique. En simplifiant, l’ischémie myocardique désigne la diminution ou l’arrêt de l’apport en sang et consécutivement en oxygène dans un territoire donné suite à l’occlusion d’une artère coronaire. Le territoire tissulaire lésé voit ses propriétés modifiées en termes de métabolisme et de mécanique, et altère le fonctionnement global de la pompe cardiaque. Si l’absence

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d’irrigation se prolonge, les cellules meurent et les tissus nécrosent, engendrant l’infarctus du myocarde.

• La viabilité myocardique L’ischémie myocardique est le résultat d’un déséquilibre entre perfusion, métabolisme

oxydatif et fonction contractile myocardiques, consécutif à une insuffisance de la perfusion dans un territoire cardiaque. Une ischémie prolongée, due par exemple à une sténose coronarienne, peut entraîner la nécrose des tissus et déclencher un infarctus. L’état de la région myocardique atteinte est cependant réversible selon les délais de re-perfusion et l’action de la circulation collatérale, d’où la notion importante de viabilité des tissus. Une définition de la viabilité est la suivante : un tissu sujet à une perfusion insuffisante est dit viable s’il retrouve sa fonction après re-perfusion [Janier-98]. On comprend l’intérêt de disposer de méthodes qui permettent d’estimer la viabilité des tissus myocardiques de façon non invasive en particulier à partir de différentes modalités d’imagerie cardiaque.

1.2.3 Imagerie cardiaque

L’imagerie cardiaque dans sa diversité joue un rôle fondamental dans le diagnostic et le traitement des pathologies cardiaques. La plupart d’entre elles consistent à recueillir des coupes du cœur dans différentes orientations. De la bonne prescription des coupes dépend la qualité des paramètres qui peuvent être estimés. Nous commencerons donc par présenter les plans de coupe ‘classiques’ et une nomenclature commune puis nous passerons en revue les principales techniques d’imagerie cardiaque.

• Prescription des plans de coupes Le rapport rédigé par le groupe ‘Mise en correspondance et segmentation du

myocarde’ de l'American Heart Association [Cerqueira-02], établit des recommandations pour l’acquisition en imagerie tomographique du cœur. Ces recommandations ont été proposées pour faciliter la comparaison de résultats pour une même modalité ou pour des modalités d’imagerie cardiaque différentes. Elles sont issues d’un consensus pour la définition de l’orientation du cœur, la dénomination des plans cardiaques, le nombre de segments du myocarde, la prescription et l’épaisseur des coupes du cœur en vue de l’affichage et de l’analyse, une nomenclature et la localisation des segments en relation avec les territoires irrigués par chaque artère coronaire. Ces recommandations sont applicables pour l’imagerie de la perfusion du myocarde, ainsi que pour l’imagerie de la fonction contractile.

Le rapport recommande de présenter le cœur en fonction du grand axe du cœur, défini par l’axe reliant l’apex et le centre du plan de la valve mitrale. Les plans de coupe seront réalisés à 90° les uns en fonction des autres selon cet axe (Figure 1-5). On définit ainsi le plan

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de coupe en petit axe (short axis en anglais), orthogonal au grand axe, et les plans de coupe en grand-axe vertical et horizontal (long axis).

Figure 1-5. Définition de l’orientation des plans de coupe du cœur en petit axe et en grand axe [Cerqueira-

02].

En imagerie tomographique, le rapport préconise un découpage en 16 segments

répartis sur 3 niveaux de coupe petit-axe (Figure 1-6, un 17ième segment représentant l’apex). Le ventricule gauche est donc imagé au niveau de la base, à un niveau médian de la cavité et au niveau de l’apex. Ces coupes sont segmentées de manière à concorder avec les territoires anatomiques et les 3 principales artères coronaires les irriguant. Les noms des segments myocardiques sont alors définis pour chaque niveau de coupe en fonction de leur position relative par rapport au grand-axe suivant la circonférence.

1

2

3

4

6

5

1- Antérieur

2- Antéro-septal

3- Inféro-septal

6- Antéro-latéral

5- Inféro-latéral

4- Inférieur

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7- Antérieur

8- Antéro-septal

9- Inféro-septal

12- Antéro-latéral

11- Inféro-latéral

10- Inférieur

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13- Antérieur

14- Septal 16- Latéral

15- Inférieur

Coupe basale Coupe médiane Coupe apicale

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1

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1- Antérieur

2- Antéro-septal

3- Inféro-septal

6- Antéro-latéral

5- Inféro-latéral

4- Inférieur

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7- Antérieur

8- Antéro-septal

9- Inféro-septal

12- Antéro-latéral

11- Inféro-latéral

10- Inférieur

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14 16

13

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13- Antérieur

14- Septal 16- Latéral

15- Inférieur

Coupe basale Coupe médiane Coupe apicale

Figure 1-6. Dénominations préconisées des segments cardiaques pour les 3 niveaux de coupe en petit axe

[Cerqueira-02].

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• Modalités d’imagerie cardiaque Les progrès récents dans les modalités d’imagerie permettent l’étude de plus en plus

riche de l’anatomie et des fonctions du système cardio-vasculaire. Les principales modalités d'imagerie cardio-vasculaire sont : l’angiographie par rayons X, la tomodensitométrie à rayons X (Computed Tomography ou CT en anglais), l’imagerie ultrasonore ou échographie (Ultrasound ou US en anglais), l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM ou MRI, Magnetic Resonance Imaging en anglais), la Tomographie par Émission de Positon (TEP ou PET, Positron Emission Tomography en anglais), la Tomographie d’Émission Monophotonique (TEMP ou SPECT, Single Photon Emission CT en anglais). Je vais brièvement décrire ces différentes modalités en fonction des informations qu’elles peuvent respectivement apporter et des principales utilisations. Une description plus détaillée peut être trouvée par exemple dans [Dacher-04, Revel-04]. On trouve également dans [Delhay-06a] une présentation de ces méthodes et des techniques pour l’imagerie dynamique d’organes en mouvement.

L’angiographie par rayons X est réalisée de manière courante afin de dépister une

pathologie coronarienne à l’origine d’une ischémie myocardique ou des anomalies des grands vaisseaux. Les rayons X émis par une source et atténués par le milieu à imager sont recueillis par un amplificateur de luminance (ou de brillance). L’imagerie des vaisseaux requiert l’injection d’un produit de contraste iodé par l’intermédiaire d’un cathéter introduit dans une artère afin d’obtenir un bon contraste dans les structures vasculaires. L’angiographie avec amplificateur de brillance permet de localiser des rétrécissements vasculaires, d’apprécier la sévérité et la diffusion de l’atteinte artérielle coronaire ainsi qu’un éventuel traitement par angioplastie (dilatation de l’artère par un ballon). Elle est aussi incontournable pour la pose de prothèses vasculaires (stents) et la réparation de vaisseaux lésés car elle permet un suivi en temps réel des différentes étapes de l’intervention. Un exemple d'angiographie coronaire est présenté en Figure 1-7. Le principe appliqué aux cavités cardiaques, connu sous le nom de ventriculographie, permet d’estimer le volume du ventricule gauche (VG) aux instants de télédiastole et télésystole et d’obtenir un paramètre caractérisant l’efficacité globale de la pompe cardiaque appelé fraction d’éjection.

Figure 1-7. Exemple d’angiographie des coronaires.

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Le tomodensitométrie à rayons X est une technique elle aussi basée sur les rayons X et leur absorption par les tissus. La technique emploie un faisceau de rayons X étroitement collimaté pour irradier une tranche du corps. Le rayonnement transmis suivant chaque ligne de projection est détecté par un certain nombre de photomultiplicateurs. L’ensemble des projections recueillies au cours de la rotation de l’ensemble source-détecteurs autour du patient est exploité pour la reconstruction d’une coupe bi-dimensionnelle. La tomodensitométrie à rayons X produit des images anatomiques avec une résolution spatiale généralement élevée (<1mm) et un bon contraste entre les structures osseuses et les structures molles, facilement identifiables sur l’échelle des intensités codée en unités Hounsfield. Pour l’imagerie des organes mobiles cependant, des artéfacts cinétiques peuvent affecter la qualité des images. En effet, l’acquisition des projections ne peut-être réalisée suffisamment rapidement pour imager le cœur battant ou le thorax au cours de la respiration. Il faut donc demander au patient de bloquer sa respiration et avoir recours à des techniques de synchronisation à l’ECG. Les applications principales de la tomodensitométrie en imagerie cardiaque concernent l’étude de l’anatomie des structures cardiaques et vasculaires, l'évaluation des volumes et masses cardiaques, de la dynamique du coeur et l'évaluation des maladies aortiques et péricardiques. Un exemple d’images acquises en tomodensitométrie est donné en Figure 1-8.

Figure 1-8. Coupe du cœur obtenue en tomodensitométrie (Philips system, CHU L. PRADEL Lyon)

résolution= 0.44 x 0.44 mm, épaisseur de coupe=0.67mm.

L’imagerie ultrasonore (US) repose sur la réponse acoustique des milieux excités par

une onde ultrasonore. La réaction est bien évidemment caractéristique du milieu. L’imagerie ultrasonore est très utilisée pour l’examen du coeur (échocardiographie) car très répandue du fait de son coût plus réduit par rapport à la majorité des autres techniques et de son caractère jugé non traumatisant pour le patient. Un de ses intérêts repose sur sa rapidité qui permet d’obtenir l’information en quasi temps-réel. Il y a trois ‘modes’ d'échocardiographie : le mode M, le mode B et le mode Doppler. L’échographie de Mode M (Mouvement) ou TM (Temps-Mouvement) fournit une vue selon une direction unique (profondeur) dans le cœur au cours du temps. Le Mode B utilise soit une matrice de transducteurs ultrasonores (sonde linéaire) soit un transducteur unique orientable (sonde sectorielle) qui permet d’analyser un plan de

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coupe 2D. L’échographie Doppler permet l’étude des flux, notamment sanguins (direction et vitesse), à partir des variations de fréquence entre les ondes émises et reçues. L’échocardiographie permet d’évaluer le volume des cavités cardiaques, l’épaisseur des parois, la fonction ventriculaire gauche (mode B au repos et sous stimulation) et les pathologies valvulaires (mode Doppler). Cette modalité fournit des images dont le contenu est moins net par rapport à d’autres modalités d’imagerie en particulier à cause de la présence de motifs spécifiques appelé ‘speckle’. La Figure 1-9 illustre une image échographique du coeur. Les acquisitions en trans-thoracique limitent la visualisation du cœur à certaines incidences. Cette limitation peut être contournée par l’échocardiographie trans-œsophagienne, technique cependant invasive pour laquelle une sonde ultrasonore est introduite dans l’œsophage. La perfusion cardiaque peut être étudiée en échocardiographie de contraste après injection dans le sang de micro-bulles afin de détecter un passage anormal du sang vers une cavité du cœur (shunt intra-cardiaque) ou de détecter des zones du myocarde non perfusées, témoignant d'une ischémie myocardique.

Figure 1-9. Image ultrasonore cardiaque de mode B (vue 4 cavités)

En imagerie nucléaire, un traceur contenant des isotopes radioactifs est administré au patient. Les isotopes vont se fixer différemment selon les tissus et émettre des rayonnements détectés pour reconstruire la carte de la concentration du traceur dans le corps. Il s’agit donc d’une imagerie d’émission par rapport aux imageries de transmission comme la tomodensitométrie. Deux modalités sont principalement utilisées en cardio-vasculaire. Elles reposent toutes deux sur une reconstruction de plans de coupe 2D par des techniques de reconstruction tomographique à partir de projections, similaires à la tomodensitométrie.

La Tomographie d’Emission Mono-Photonique (TEMP ou SPECT, Single Photon

Emission Computed Tomography en anglais), détecte le rayonnement γ collimaté sur des cristaux issu de radioisotopes comme le technetium 99mTc ou le thallium 201TI. Cette modalité permet d’étudier le métabolisme, la fonction contractile et la perfusion myocardique. La Tomographie par Emission de Positon (TEP ou PET, Positron Emission Tomography en

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anglais) détecte les coïncidences de photons résultant de l’annihilation d’un positon émis et d’un électron libre. La TEP est considérée comme la technique de référence pour la mesure de la perfusion. Elle permet d’étudier le métabolisme glucidique avec injection de déoxyglucose marqué au fluor [18F] (TEP-FDG). L’acquisition peut être synchronisée sur l’ECG afin d’obtenir une séquence dynamique de la fixation du traceur au cours du cycle cardiaque. Les imageurs TEP restent peu répandus puisqu’ils nécessitent la présence d’un cyclotron pour la production des radioéléments à courte durée de vie.

La reconstruction d’images dans ces deux techniques intègre diverses corrections d’artéfacts. Les résolutions spatiales sont de l’ordre de quelques millimètres.

La mesure de l’activité magnéto-électrique du cœur est assez spécifique. Elle repose

sur l’enregistrement de signaux externes et la reconstruction éventuelle de l’activité au niveau du cœur par la résolution d’un problème inverse. L’ECG en est la forme la plus simple et produit un signal 1D représentant l’activité électrique globale du cœur, obtenu en général à partir de 12 dérivations, ou sa version vectorielle, le vectocardiogramme, qui représente l’évolution du vecteur cardiaque instantanée dans l’espace au cours du cycle. D’autres dispositifs invasifs sont basés sur des enveloppes d’électrodes (‘chaussettes’) introduites par un cathéter directement dans les cavités [McVeigh-01]. Ce type d’examen se pratique sur des animaux. L’imagerie électrocardiographique repose sur la mesure de potentiels sur un grand nombre d’électrodes à la surface du torse (gilet) et la reconstruction des potentiels au niveau du cœur à partir d’une modélisation précise de l’anatomie thoracique du patient [Rudy-03]. Ces techniques de cartographie du champ électrique cardiaque ont permis d’avancer dans la compréhension de la propagation de l’activité électrique dans le myocarde. En Magnétocardiographie (MCG), la mesure sur le torse du patient de champs magnétiques faibles émis par le coeur et engendrés par des courants électriques parcourant les cellules actives du muscle cardiaque permet là encore par des méthodes inverses régularisées, et à partir d’une reconstruction précise de l’anatomie des structures thoraciques, le calcul des densités de courant cardiaques. Cette méthode est totalement non invasive et des études ont montré son intérêt pour la détection d’anomalies du rythme et d’ischémies (avec une épreuve d’effort) [Hänninen-01].

Parmi ces modalités, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) cardiaque jouent

un rôle privilégié. L’IRM permet par la variété de ses séquences l’étude de l’anatomie cardiaque et vasculaire et diverses fonctions comme notamment le mouvement du cœur avec le cine-IRM et l’IRM de marquage tissulaire, la perfusion myocardique qui traduit la circulation du sang dans le myocarde, la nécrose tissulaire avec les séquence de rehaussement tardif (late enhancement). D’un coût élevé, les systèmes d’IRM restent surtout localisés dans les grands centres hospitaliers. Les principes physiques de l’IRM sont complexes. L’IRM

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repose sur les propriétés magnétiques de la matière et plus particulièrement du proton, présent dans l’eau des tissus. Plongé dans un champ magnétique statique intense, les moments magnétiques ont tendance à s’aligner selon la direction du champ. Un champ magnétique est alors appliqué qui vient perturber provisoirement les moments magnétiques. C’est le signal reçu par une antenne lors de la suppression de ce champ de perturbation qui est caractéristique du tissu. La reconstruction des images met en jeu des gradients de champ de codage et de lecture afin d’identifier la localisation spatiale des réponses. Les séquences IRM définissent les caractéristiques de l’excitation des tissus et permettent de jouer sur la pondération, liée aux temps de relaxation T1 et T2. Elles sont très nombreuses et font la grande richesse de l’IRM : séquences en écho de spin, écho de gradient, FLAIR, FLASH, Dense, perfusion, marquage tissulaire, etc. Chaque séquence met en valeur un aspect particulier de part la pondération de la séquence en T1, T2 ou densité de protons.

L'IRM est une modalité considérée comme non invasive avec cependant quelques contre indications (pacemaker ou clips). Elle fournit des plans de coupe 2D sous n’importe quelle incidence ou des images 3D avec une résolution spatiale élevée (<mm).

L’IRM cardiaque permet l’étude de l'anatomie du cœur en 3D mais également de son mouvement avec des séquences dynamiques (cinétique des parois endo et épicardiques, déformation du myocarde au cours du cycle cardiaque), ou de la perfusion. La qualité des images par RM cardiaques peut être affectée par un grand nombre de facteurs, notamment:

• Le mouvement permanent dans les trois dimensions que le cœur subit au cours du cycle cardiaque ;

• Les artefacts dus au mouvement respiratoire. Ceux-ci peuvent se produire lors d’acquisitions en respiration libre, créant un flou cinétique, ou quand une ou plusieurs coupes sont acquises au cours d’apnées différentes. Dans ce cas, les coupes résultantes peuvent correspondre à des phases respiratoires différentes et donc à des niveaux anatomiques différents.

L’acquisition d’une image d’une séquence nécessitant plusieurs cycles respiratoires, sa reconstruction est généralement synchronisée à l’ECG. L’onde R de l’ECG sert de référence pour l’échantillonnage du cycle cardiaque (Figure 1-10). Elle correspond au début de la phase de contraction du cœur. La première coupe de la séquence est acquise après un court intervalle de temps, tretard. Les coupes suivantes sont acquises consécutivement suivant un délai fixe toffset. Une autre possibilité est la post-synchronisation (retrospective gating), l’acquisition d’information s’effectue sans interruption sur plusieurs cycles. Puis, le signal ECG est utilisé pour assigner rétrospectivement les données aux différents instants dans le cycle cardiaque. Pour compenser le mouvement respiratoire, on demande au patient, quand c’est possible, de retenir sa respiration pendant 10 à 15 secondes selon son rythme cardiaque. L’apnée est généralement requise pour chaque niveau de coupe. Les séquences les plus récentes permettent l’acquisition de quelques niveaux (19 niveaux) dans la même apnée. Si

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l’apnée répétée n’est pas possible, on peut avoir recours aux techniques d’écho navigation. On désigne une région de référence au niveau d’un des dômes diaphragmiques. Le suivi du mouvement du dôme au cours du temps permet d’introduire une synchronisation et de trier les données acquises en fonction de la phase respiratoire.

R R

P Q

toffset

DiastoleSystole

TS

tdelai

1er cycle cardiaque

QP

nième cycle

cardiaque2ième cycle cardiaque

1ère

Mesure 2ième

Mesure Coupes complètes /

1er instant du CC

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n

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DiastoleSystole

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1er cycle cardiaque

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cardiaque2ième cycle cardiaque

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DiastoleSystole

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R R

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1ère

Mesure 2ième

Mesure Coupes complètes /

1er instant du CC

1

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3

n

1234567

n

Figure 1-10. Acquisition d’images par RM cardiaques synchronisée à l’ECG : tdelai représente le décalage entre

le pic de l’onde R et le début de l’enregistrement des données ; toffset représente la résolution temporelle de la

série dynamique

En IRM cardiaque anatomique, on distingue généralement les séquences en fonction

de l’intensité du sang dans les cavités. Les techniques en ‘sang noir’ (black blood) sont reconnues pour bien mettre en évidence les contours du cœur mais du fait des motifs préparatoires sont peu adaptées pour des acquisitions dynamiques. Les séquences en Dual Echo, Fast Spin Echo (FSE) et Turbo Spin Echo (TSE) sont des variantes de la séquence en écho de spin et sont normalement employées pour la contourage anatomique du médiastin et des gros vaisseaux. A l’inverse, les techniques en ‘sang blanc’ permettent d’étudier les 2 aspects. Les séquences Fast Low-Angle Shot (FLASH), Turbo-FLASH, Turbo Field Echo (TFE) et Echo Planar Imaging (EPI) sont des variantes de la séquence en écho de gradient. Elles sont employées pour l’acquisition des coronaires, l’évaluation de la fonction ventriculaire, l’évaluation de la perfusion myocardique et de l’état des valves. Les séquences SSFP (steady-state free precession) sont un autre type de séquences qui résulte a priori en un

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meilleur contraste entre la cavité ventriculaire et le myocarde et entre le myocarde et la graisse de l’épicarde. Ces séquences ont été et font l’objet de nombreuses évaluations en radiologie [Kunz-05]. Le principal inconvénient de ces approches est le temps d’acquisition et le fait de devoir réaliser une succession d’acquisitions pour couvrir l’ensemble du cœur en 3D. Pour chaque niveau de coupe, on demande au patient de maintenir une apnée le temps de l’acquisition des images. D’un niveau à l’autre, la localisation du cœur peut alors être un peu différente ce qui rend la reconstruction 3D de l’anatomie problématique. Des séquences récentes tentent de palier ce problème [Peters-04].

L’étude fine du mouvement est cependant assez difficile à partir de séquences d’images anatomiques. Certaines pathologies cardiaques requièrent en effet de pouvoir quantifier les anomalies de mouvement localement. La technique d’IRM de marquage tissulaire [Zerhouni-88, Axel-89a, Axel-02, Axel-03] (MR tagging en anglais) est une séquence importante pour l’étude de la fonction contractile cardiaque. Le principe est d’utiliser les propriétés de l’IRM pour imposer un motif de marquage sur le cœur qui persiste assez longtemps pour se déformer avec le mouvement du cœur (Figure 1-11).

(a)

(b)

Figure 1-11. Exemple d’images par RM de marquage tissulaire. (a) télé-diastole, (b) télé-systole

L’analyse de la déformation du motif renseigne donc sur le mouvement du cœur. Les

séquences de marquage tissulaire les plus connues sont: Spatial Modulation of Magnetisation (SPAMM) [Zerhouni-88, Axel-89a, Axel-89], Complementary Spatial Modulation of Magnetisation (CSPAMM) [Fischer-93] et Delays Alternating with Nutations for Tailored Excitation (DANTE) [Mosher-90]. Des méthodes rapides ont été proposées pour réduire les effets du mouvement cardiaque sur la qualité d'image comme les séquences Simultaneous Acquisition of Spatial Harmonics (SMASH) [Sonka-01] and sensitivity encoding (SENSE) [Pruessmann-99] et augmenter la persistance du marquage [Ryf -04] (combinaison CSPAMM et acquisition spiralée dans l’espace des k). Une technique alternative est proposée avec l’IRM de contraste de phase et en particulier les séquences d’encodage de déplacement avec échos stimulés (DENSE, Displacement encoding with stimulated echoes et fast-DENSE [Aletras-99a, Aletras-99]). Par rapport à l’IRM de marquage tissulaire, ce type de technique permet

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Contexte de la recherche

une estimation dense du mouvement avec une plus grande résolution spatiale. Elle semble cependant plus sensible au bruit pour l’estimation des déformations.

Outre le mouvement, l’IRM permet aussi d’étudier la perfusion myocardique, les nécroses tissulaires avec les séquences de réhaussement tardif. On peut aussi envisager dans un futur plus ou moins proche de pouvoir disposer de séquences en IRM de diffusion pour l’étude de l’orientation des fibres myocardiques in vivo à l’image de ce qui ce fait actuellement pour le cerveau.

La Figure 1-12 illustre les principaux objectifs d’étude en imagerie cardio-vasculaire et les techniques d’imagerie associées.

Anatomie cardiaque (IRM, US, Scanner X)

Activité électro-magnétique

(MCG, ECG)

Dynamique cardiaque (IRM, IRM de

marquage tissulaire, US)

Perfusion(IRM, TEP, US, TEMP)

Métabolisme (TEP)

Anatomie Fonctions

Anatomie Vasculaire (US, scintigraphie, angiographie)

Anatomie cardiaque (IRM, US, Scanner X)

Anatomie cardiaque (IRM, US, Scanner X)

Activité électro-magnétique

(MCG, ECG)

Activité électro-magnétique

(MCG, ECG)

Dynamique cardiaque (IRM, IRM de

marquage tissulaire, US)

Dynamique cardiaque (IRM, IRM de

marquage tissulaire, US)

Perfusion(IRM, TEP, US, TEMP)

Perfusion(IRM, TEP, US, TEMP)

Métabolisme (TEP)

Métabolisme (TEP)

Anatomie Fonctions

Anatomie Vasculaire (US, scintigraphie, angiographie)

Anatomie Vasculaire (US, scintigraphie, angiographie)

Figure 1-12. Étude de l’anatomie et des fonctions cardio-vasculaires en imagerie

1.3 Aide à l’analyse d’images cardiaques

L’information produite par les imageurs est dans un premier temps appréciée qualitativement par le médecin. Dans bien des situations, l’exploitation quantitative des informations requiert le développement de méthodes d’analyse des images. Dans ce sens, les nouvelles générations d’imageurs intègrent de plus de plus de fonctionnalités d’aide à l’analyse mais qui restent généralement assez sommaires. Un des objectifs principaux du laboratoire est de développer de nouveaux outils d’analyse d’images plus performants et rapides qui génèrent des paramètres à visée diagnostique ou pour l’évaluation d’une thérapie tout en limitant les interventions de l’utilisateur. Dans le contexte de l’imagerie cardio-vasculaire, il s’agit par exemple d’extraire automatiquement la forme du cœur ou les vaisseaux dans les images, d’estimer le mouvement dans des séquences dynamiques, de mettre en correspondance diverses données anatomiques et fonctionnelles, etc. L’équipe travaille dans ces objectifs et plus généralement dans l’optique de l’élaboration de méthodes de construction de modèles individualisés de cœur à partir d’images multi-modales acquises chez le patient, qui intègrent divers paramètres fonctionnels (dépendant des acquisitions disponibles): description de l’anatomie par des maillages, descripteurs globaux de la fonction

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Contexte de la recherche

cardiaque (volumes, masses, fraction d’éjection) mais aussi locaux (déformations), paramètres caractérisant le métabolisme, l’état de viabilité des tissus (nécrose). En pratique, les véritables études multi-modalités, impliquant des acquisitions dans des modalités différentes, sont réalisables dans le cadre de projets de recherche cliniques (PHRC) assez lourds à mettre en œuvre. Elles posent le problème du recrutement de patients et de la mise en place de protocoles stricts qui ne permettent pas toujours d’assurer l’obtention d’images dans des conditions qui permettent leur confrontation et leur superposition. Les géométries d’acquisition sont en général très différentes entre les modalités et le ‘recalage’ intermodalités demande la mise au point d’une solution pour chaque cas. C’est pourquoi, dans une première étape, nous privilégierons la construction de modèles intégratifs à partir de données issues de l’IRM pour l’étude de l’anatomie et du mouvement du coeur. Nous illustrons ci-après 4 situations d’analyse d’images cardiaques pour lesquelles un modèle numérique de cœur battant présente un intérêt.

1.3.1 Segmentation des structures cardiaques

En routine clinique, l’extraction des structures cardiaques dans les images par RM est réalisée par le radiologue assisté des outils logiciels disponibles sur la console de l’imageur. Cependant, la grande quantité d’images délivrées par l’IRM, par exemple, pour un examen du coeur en 3-D rend cette opération longue, fastidieuse et dépendante de l’utilisateur. Ainsi, l’examen multicoupes et multiphases du coeur produit couramment 7 niveaux de coupe et 25 phases par coupe, soit un total de 175 images. Ce nombre est multiplié d’autant s’il est nécessaire de réaliser des acquisitions complémentaires sous stimulation pharmacologique. Ceci justifie pleinement le développement de méthodes automatisées de segmentation des images.

La segmentation des structures cardiaques a suscité une littérature très abondante comme en témoigne la synthèse bibliographique proposée dans [Suri-00]. Pour autant, la segmentation des images cardiaques n’a pas encore trouvé de méthode définitive. Les difficultés sont principalement liées au mouvement permanent du cœur qui induit des artefacts dans la plupart des modalités. La cadence élevée d’acquisition d’images ultrasonores est contre balancée par la qualité médiocre des images. A l’inverse, la qualité des images par RM est en général bonne mais le nombre de phases est limité et conditionné par une synchronisation à l’ECG. Un des avantage de l’IRM est de pouvoir réaliser des plans de coupe dans des orientations quelconques et accéder ainsi à une information 3D. Néanmoins, la reconstruction du cœur en 3D n’est pas directement accessible pour le radiologue. C’est pourquoi, les développements actuels portent sur le développement de méthodes automatisées de segmentation en 3D et au cours du cycle cardiaque. Ces méthodes deviennent assez sophistiquées et tentent d’intégrer de l’information a priori relative à la forme générale du cœur et sa variabilité. Les techniques de modèles déformables ont été largement utilisées

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Contexte de la recherche

[Terzopoulos-88, Gupta-93, Young-94, Metaxas-96, Montagnat-97, Rueckert-97a, Acharya-98, Lötjönen-98, Ferrant-01, Suri-06, Clarysse-95]. Nous avons ainsi développé au laboratoire le modèle de Gabarit Déformable Elastique (GDE) appliqué à la segmentation simultanée des deux ventricules du cœur [Pham-02]. Ce modèle a été ensuite étendu à l’élasticité non linéaire pour le rendre moins dépendant de l’initialisation avec l’introduction de schémas numériques convergents dans le cadre de la thèse de Y. Rouchdy [Rouchdy-05]. Plusieurs équipes tentent de s’appuyer sur des atlas obtenus par l’étude statistique d’une base de cas. Il s’agit de la mise en œuvre des modèles actifs de formes [Cootes-95] et des modèles actifs d’apparence [Cootes-01]. Ces derniers ont été utilisés pour la segmentation d’images par RM 2D statiques [Mitchell-01] et 3D [Mitchell-02]. La méthode présentée dans [Kaus-04] combine à un modèle déformable à 2 surfaces couplées (endocarde et épicarde), un modèle statistique obtenu par apprentissage sur des données images annotées et un modèle paramétrique des profils à niveau de gris. L’inconvénient de ces approches réside dans la construction du modèle a priori avec la nécessité d’établir une correspondance point à point entre les différents exemples. Cette mise en correspondance peut être aidée par un recalage non rigide [Frangi-02, Lötjönen-05]. Aussi, la question de la représentativité de la base d’apprentissage est posée. Ces bases sont en général constituées d’un nombre d’exemples limité, or l’on sait la grande variabilité inter-individuelle rencontrée chez des sujets sains sans considérer les nombreuses pathologies. L’enjeu concerne maintenant le traitement de séquences dynamiques 2D/3D. Pour cela, il est maintenant admis la nécessité d’introduire des contraintes temporelles [Lorenzo-Valdés-02, Montagnat-05]. C’est ce que l’équipe tente de réaliser dans le cadre de travaux en cours [Haddad-05c, Delhay-06a, Delhay-06]. L’évaluation des méthodes de segmentation est bien entendu fondamentale pour envisager une utilisation en clinique. Pour l’évaluation de la précision, les contours obtenus par l’algorithme de segmentation sont généralement comparés à ceux définis manuellement par un ou plusieurs experts grâce à des mesures d’aires en 2D, de volumes en 3D, de distance entre contours. L’évaluation peut également porter sur la reproductibilité en faisant varier les conditions initiales. Des mesures globales portant sur les volumes, par exemple, ne sont pas très représentatives de la qualité d’une segmentation, des mesures plus locales sont donc à privilégier. Dans ce type d’évaluation, l’expert est considéré comme apportant la vérité terrain (gold standard) et il est alors nécessaire de faire intervenir plusieurs experts pour tenir compte de la variabilité inter-observateurs. Une alternative serait de disposer d’un modèle numérique réaliste (organes+images) qui tiendrait lieu de référence. Les paramètres de ce modèle permettraient de faire varier les conditions expérimentales : géométries et dynamiques cardiaques, conditions d’acquisition et qualité des images. C’est dans cet optique que se situent nos travaux.

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Contexte de la recherche

1.3.2 Estimation du mouvement du coeur

Comme nous l’avons dit certaines pathologies cardio-vasculaires ont un impact sur le mouvement du cœur qui peut être étudié par l’imagerie. Cependant, l’analyse quantitative du mouvement requiert des outils de traitement qui font encore l’objet de recherche. Dans ce cadre, les techniques développées sont issues du traitement de l’image avec les méthodes de flux optique [Gorce-94, Gorce-97, Mikic-98, Vemuri-98, Dougherty-99, Prince-00] ou sont spécifiques au type d’images considéré. Le cas de l’analyse des images en IRM de marquage tissulaire a suscité de nombreux travaux avec des approches d’abord orientées sur l’extraction du motif de marquage [Guttman-97, Deng-04] jusqu’à des méthodes tentant de limiter l’intervention de l’utilisateur avec les approches fréquentielles [Osman-99, Osman-00] et par recalage d’images [Amini-91, Chandrashekara-04, Rougon-05], par exemple. D’un traitement image par image, la tendance actuelle est d’envisager l’estimation sur l’ensemble d’une séquence dynamique avec la prise en compte de contraintes de régularisation spatiales et temporelles [Delhay-06]. L’estimation du mouvement dans les 3 directions d’espace et dans le temps peut aboutir à des méthodes présentant un coût calcul élevé et justifier un travail sur la parallèlisation des algorithmes et le recours à des moyens de calcul importants. L’évaluation des méthodes est là aussi un point clé. Pas plus que pour la segmentation, nous ne disposons d’une référence à laquelle comparer les algorithmes développés. Un modèle numérique et dynamique intégrant l’information du mouvement réel constituerait une plateforme pour l’évaluation des méthodes. Ce modèle doit, bien sûr, présenter un mouvement le plus réaliste possible.

1.3.3 Mise en correspondance de données cardiaques

fonctionnelles

Dans le cadre de l’étude de la viabilité myocardique, la combinaison de données fonctionnelles implique de trouver des moyens de mettre en correspondance des territoires analogues imagés dans différentes modalités. En routine clinique, cette mise en correspondance est le plus souvent réalisée mentalement par les médecins. Des méthodes de recalage automatique sont développées dans le but d’offrir une meilleure précision, une reproductibilité de la procédure, et un gain de temps non négligeable. Le recalage d’images cardiaques est un problème difficile pour au moins trois raisons : 1. le coeur est en perpétuel mouvement, sans compter le mouvement respiratoire, 2. on ne dispose que de très peu de structures anatomiques significatives pour le recalage, 3. les images acquises présentent des caractéristiques très différentes (résolutions spatiale et temporelle, en particulier). Des méthodes ont été développées pour le recalage intermodalités en imagerie cardiaque en vue de la confrontation d’informations anatomiques (IRM) et fonctionnelles métaboliques (TEP) et electro-magnétiques (MCG) [Mäkelä-03]. Dans le même objectif d’évaluation, Nicoleta

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Contexte de la recherche

Pauna a développé dans le cadre de sa thèse une procédure d’évaluation de méthodes de recalage rigide en imagerie cardiaque TEP et IRM [Pauna-04]. Cette procédure repose sur un modèle numérique du thorax et du cœur et la simulation d’images TEP. Elle permet de comparer les méthodes de recalage en termes de précision. Sa limitation est de ne pas prendre en compte les mouvements des structures thoraciques et cardiaques.

1.3.4 Reconstruction en tomographie dynamique

La tomographie dynamique vise à reconstruire des images 3D dynamiques d’organes en mouvement à partir d’acquisitions réalisées en continu et des rotations ultra-rapides de l’ensemble source-détecteurs. Diverses stratégies peuvent être envisagées pour limiter les effets du mouvement en modifiant soit le protocole d’acquisition des données et/ou l’algorithme de reconstruction des images [Grangeat-02, Bonnet-03]. Une possibilité est par exemple d’exploiter le mouvement estimé à partir de données peu résolues pour compenser les images à pleine résolution. L’efficacité de telles stratégies peut se mesurer grâce à la combinaison d’un modèle réaliste anatomique et d’un simulateur d’images à rayons X. Ce principe a été démontré dans [Clarysse-01]. Le réalisme de la géométrie des structures et de leur mouvement était cependant assez discutable.

1.4 Simulateurs interventionnels et pédagogiques

La formation et l’entraînement représentent un autre intérêt des simulateurs. Il est ainsi possible, sans risque, de découvrir un contexte et de se familiariser à de nouvelles pratiques ou de nouveaux gestes. La modélisation réaliste des formes et des fonctions des organes humains permet d'élargir le champ d'application de ces simulateurs, depuis la planification de la chirurgie interventionelle classique jusqu’à la chirurgie robotisée minimalement invasive en enrichissant la perception du praticien d’informations virtuelles complémentaires [Coste-Maniere-04, Kanade-06]. Des images dans différentes modalités peuvent être facilement générées à partir de la position de l’instrument.

1.5 Modélisation des organes

La modélisation d’un organe peut concerner la forme et son fonctionnement. Elle peut s’envisager à différentes échelles : de la cellule à l’organe. Elle s’appuie sur des représentations de nature diverse : discrète ou continue, paramétrique ou non. Au niveau le plus fin, de nombreux modèles fonctionnels de la cellule cardiaque ont été proposés. Ainsi, Sachse [Sachse-04] recense une trentaine de modèles de l’électrophysiologie de la cellule cardiaque. Ces modèles font intervenir de nombreux mécanismes d’échanges chimiques et peuvent être d’une grande complexité. Des travaux récents visent à intégrer ces modèles cellulaires pour constituer des portions de tissus, voire l’organe complet [Nickerson-01]. Cette

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approche directe ‘bottom-up’ de bio-ingénierie, qui s’appuie sur des allers-retours permanents entre expérimentations et modélisation mathématique, est extrêmement utile pour la compréhension intime de la physiologie cellulaire et peut ouvrir des pistes pour de nouveaux traitements ou médicaments. Le but ultime serait de réaliser l’intégration cellulaire individuellement pour chaque patient à partir de mesures réalisées en imagerie médicale, notamment. Cette approche repose sur un bouclage ‘mesures-modèle-quantification’ en vue de produire des paramètres physiologiques patient-spécifiques exploitables en pratique clinique. C’est l’objet de recherches actuelles s’appuyant pour l’instant sur des modèles cellulaires simplifiés [Chapelle-03, Sachse-04] et des lois de comportement idéalisées [Papademetris-01, Sermesant-03]. Cette approche, très élégante, est d’une grande complexité et nécessitera sans doute de nombreuses années avant les premières retombées sur le versant clinique. Notons que certains auteurs préconisent plutôt une modélisation orientée objectif et proposent de s’appuyer sur des mesures classiques chez le patient et des modèles globaux adaptés pour mettre en évidence certaines pathologies. T. Arts a ainsi introduit un modèle de la dynamique cardiaque et de la circulation systémique et pulmonaire qui s’appuie sur des paramètres hémodynamiques standards et qui pourrait être utilisé pour la simulation de pathologies circulatoires et prédire l’effet de traitements [Arts-05]. Une autre approche indirecte (Top-to-Bottom) consiste à réaliser des mesures chez le patient et de calculer des paramètres sans s’appuyer nécessairement sur un modèle physiologique. C’est très souvent la démarche adoptée par défaut en analyse d’images médicales. Des approches hybrides, faisant intervenir plus ou moins des connaissances a priori, sont cependant nombreuses et la frontière entre elles n’est pas très évidente à situer.

Notre approche vise à utiliser le plus possible les informations fournies par les

modalités d’imagerie pour construire un modèle numérique réaliste du cœur battant et du thorax respirant. Elle est dans ce sens à ranger du côté des approches que nous avons appelées indirectes. Notre modèle inclut une représentation de l’anatomie et de la dynamique des structures thoraciques et cardiaques obtenues à partir de données acquises chez un sujet sain. Nous verrons qu’il est possible d’en simuler l’imagerie (IRM et TEP notamment). Le modèle numérique résultant de l’intégration de l’ensemble de ces éléments constitue une référence pour l’évaluation de méthodes de segmentation, d’estimation de mouvement du cœur, de recalage multi-modalités et de reconstruction d’images. Le principe d’un tel modèle avait été introduit dans [Pauna-04] pour l’évaluation de méthodes de recalage rigides IRM-TEP mais en statique et avec moins de structures anatomiques prises en compte.

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