Cette Semaine N°86
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7/31/2019 Cette Semaine N86
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CETTE SEMAINEO n zi me an n e Tr i me str i e l 20 0 3 n 86 Pr i x l i bre ou abon n e me n t
JANVIER/FVRIER
EXPRIENCES EST-ALLEMANDES
Dans une prison pour femmes 4
Le meneur 8
La survie quotidienne 11
GRCE
Aprs les arrestations de membres du 17 Novembre 19
Menaces contre le squat Lelas Karayianni 22
DU FOND DES GELES
Communiqu de Solidarit Internationale 12
Italie Braquage conscience arme 12
Carlo Tesseri condamn 23
Espagne Communiqu et analyse dA. Casellas 14
Les matons mdecins de Teixeiro 15
Deux lettres de Yuma 16
Chypre Solidarit avec G. Karakasian 18
Sommet de Copenhague, rien... ou presque 2
Nouveaux ravages de champs dOGM 3
Anti-france vaincra 17Gnes, la fin des illusions 23
Barbares contre Empire, ou le ngrisme confondu 24
Un peu de rpression aussi Pise 26
Le visage amical de laustralie part en flammes 28
Petit guide pratique dextermination de la publicit 31
Ricardo Flores Magn (1912) 32
Dans certains quartiers, aussitt qu'un mauvais drle acommis quelque mchante action et qu'il veut chapper lapolice, il se transforme immdiatement en homme politique ;il s'crie : Vive l'anarchie !
Ce n'est pas flatteur pour l'anarchie, mais cela produit
gnralement son effet.Des gens sans aveu surgissent de toutes parts, et c'est quicognera le plus fort sur les gendarmes ou les agents.
Voyez plutt ce qui vient de passer Pantin : un certain LeGagneux va chez un restaurateur, fait un repas copieux avecun camarade, puis refuse nergiquement de payer : C'est aux bourgeois de me nourrir s'crie-t-il, je suisanarchiste.
Le restaurateur essaye de raisonner ce voleur qui entre dansune fureur violente et se met tout casser.C'est alors qu'on va chercher la garde.
Arrive un gardien de la paix nomm Belorgey, qui veut,comme c'est son devoir, arrter Le Gagneux. Mais celui-cihurle : A moi, citoyens ! Vive l'anarchie !
Et voil c'est une honte que l'on vient au secours de cemisrable ; l'agent est bouscul, meurtri, renvers, pitin.Courageusement, il se relve pourtant, et conduit enfin sonprisonnier au poste.
Le Gagneux s'empare alors d'un couteau qu'on vient de luiretirer et le plonge dans le ventre de Belorgey que l'onemporte mourant chez lui.
L'anarchiste vrai ou faux, le voleur, l'assassin certain passeraen cour d'assises, et tout donne croire que son dner luicotera plus cher qu' la carte.
Le Petit Journaln 224Dimanche 3 mars 1895
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SOMMET DE COPENHAGUE13-14 dcembre 2002
RIEN... OU PRESQUE
Cette Semaine - janvier 20032
LE SOMMET de lUnion europenne est
termin, le gouvernement danois est en
extase devant son succs auto-proclam, la
police a t flicite pour son travail bien fait par
les politiciens, par la presse tablod et par mme
certaines ONG, ce qui inclue sans surprise le
forum des ONG Stop la violence 1.
(...) Comme tou/te-s ceux/celles qui ont voyag
jusqu Copenhague ont pu sen apercevoir, la
ville tait un endroit o il tait trs difficile de
circuler, les gens taient arrts et contrls en
permanence et ce plusieurs fois. Des centaines et
des centaines dentre eux/elles ont subi uneviolation de leurs droits civilspar la police [sic]. 94
personnes ont t arrtes, toutes pour des dlits
mineurs ridicules, except quatre qui ont t
accuses de violence et condamnes rester en
prison. LAnarchist Black Cross de Copenhague
travaille actuellement avec les personnes arrtes et
les compagnons emprisonns. Jusqu prsent, la
presse a t occupe glorifier les chefs de la
police et discuter pourquoi il ny a pas eu de
voitures en feu ou de dfenseurs de la loi mutils.
Ils ont publi trs peu dinformations sur le contre-
sommet de lUnion europenne. Esprons que cela
fermera la gueule de ceux qui clament que cest la
faute des activistes si la presse ne parle pas desmanifestations pacifiques [il ny a pas eu de casse
ce sommet]. La presse ne souhaite tout simplement
pas les couvrir. Une histoire dont la presse fait part,
et qui est intressante, est une large critique contre
les flics en civil qui ont tent dinfiltrer le cortge
des anarchistes et plusieurs autres encore,
officiellement sans en avoir reu lordre (ce qui est
bien entendu un mensonge). Il y aurait maintenant
une enqute officielle contre ces flics en civil parce
quils ont galement viol linterdiction dtre
masqu. Nous ne pouvons nous empcher de
trouver un peu drle que certains de ces btards qui
nous ont attaqu puissent prsent perdre leur
boulot cause de cela ! Mais ce sont les chefs de lapolice qui on devrait foutre des coups de pied
parce quils ont donn ces ordres, bien sr ils lont
fait.
Le forum des ONG Stop la violence glorifie aussi
la police. Lundi 16 dcembre, ses organisateurs ont
offert linspecteur-chef de la police Kai Vitrup un
gros gteau pour le bon travail en commun
accompli. La Fdration anarchiste trouve cela non
seulement outrageusement grotesque, mais
galement un acte direct dinsulte pour ceux/celles
qui ont particip aux manifestations et aux actions
et qui ont t attaqu-e-s par la police, et
spcialement pour les personnes qui ont tharceles, arrtes et emprisonnes au cours du
sommet.
Lors de ce dernier, les flics ont rompu toutes les
promesses quils avait donnes ces ONG assez
naves pour entamer des ngociations avec eux, ds
le premier lieu. Ils nont pas gard de distance lors
de la manifestation [ils entouraient tout du long les
diffrents blocs], ils ont multipli les arrestations
prventives, ils ont utilis des flics en civil comme
des provocateurs (la meilleure preuve de cela est que
la police a tent darrter un des leurs parce quil
tait trop voyant) 2 et ils ont harcel sans cesse les
gens dans les rues de Copenhague. Ce nest pas
surprenant pour notre part. Nous esprons que
certaines de ces organisations ont maintenant appris
quil nest jamais possible de passer un accord avec
eux ou de leur faire confiance 3. Celles qui ne lont
pas compris peuvent aller se faire foutre !
Actuellement, quatre des ntres sont emprisonns
sous de faux prtextes. Deux sudois, un franais et
une anglaise. Ces quatre, accuss d agression sur
un officier de police ont t arrts pour justifier les
attaques de la police contre les cortges. Si vous
souhaitez leur crire des lettres de soutien, vous
pouvez les joindre par lABC de Copenhague sur :
http://www.anarchistblackcross.dk
Nous demandons la libration immdiate de tous
les prisonniers politiques [sic] de ltat policier
europen.
Quoi quil en soit, nous ne nous rendrons jamais,
cest pourquoi nous irons Thessalonique (Grce)
les 20-21 juin 2003 et nous esprons que de
nombreuses personnes qui ont manifest avec nous
Copenhague le feront aussi.
Amour et anarchie.
Fdration anarchiste du Danemark4
Notes de CS :
1. Ce cartel dordures a notamment eu pour pratique de
travailler main dans la main avec les keufs, de se pointer
sur les cortges pour jouer les mdiateurs et de ramasser
toutes les canettes pour quelles ne deviennent pas
dventuels projectiles.
2. Ce genre dexemple est prendre avec prcaution
depuis Gnes. Car sil est certain que des flics en civil se
trouvent parmi nous, leur objectif est principalement le
renseignement, notamment pour dsigner les futurs
arrts. La casse, 99.9 % (et encore) est toujours le fait
des meutiers et souligner le seul aspect de flics
provocateurs ou insister l-dessus revient conforter
lquation casse=flics. Bien entendu, un flic repr
devrait signifier un flic tabass, ce que ces mmes
meutiers nhsitent pas faire ds quils le peuvent.
3. Et mme sils respectaient leur parole, il y aurait bien
dautres raisons pour les traiter comme les ennemis quils
sont.
4. Cre peine trois mois avant le sommet, nous avons
pass un communiqu dune FA, contrairement noshabitudes. Ctait le communiqu le moins pourri sur le
thme. Une fois nest cependant pas coutume...
[Traduit de langlais par CS. Publi le 23 dcembre 2002
sur a-news]
NOUS AVONS rapidement appris que lefranais arrt tait un compagnon.Il est accus dtre rest masqu malgrlinterdiction, de stre dfendu au cours
de larrestation, les flics lui ont rajout leport dun marteau. Il a littralement tenlev du bloc anarchiste dans lequel il setrouvait par les ordures en uniforme.
Lors de son jugement le 17 dcembre,il a refus dadresser la parole la juge, adclar je ne reconnais pas ce tribunal petit-
bourgeois puis vive la rvolution ! enrepartant. Il a t maintenu en dtention.
Le 24 dcembre, lors dune demande
de mise en libert, nous avons pu assister laudience devant une juge, une greffire,
une procureure et deux matonnes pourlamener. Nous avons aussi pu obtenir unparloir larrach. Suite cette audience,seule une anglaise (qui a choisi un avocatdiffrent de celui commun tous les
autres pour voir ses chances de librationtre augmentes, et qui plus est li lglise...) et lui restent incarcrs. Comme
par hasard, ce sont les deux seuls trangershors scandinavie les derniers sudoissont sortis cette date.
Au cours de laudience du 7 janvier2003, il a prononc quelques mots contrele capitalisme. Langlaise a t condamne
un mois ferme (peine effectue enprventive) et cinq ans dinterdiction duterritoire. La date du procs a t fixe au
24 janvier. Toute notre affection et notresolidarit. Pour un suivi, consulter le sitede lABC de Copenhague.
Quelques mots
sur un des arrts
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Cette Semaine - janvier 2003 3
ELIMINATION DOGMEN TARN-ET GARONNE : COUP DOUBLE
Nous mangerons la fivre avec nos lgumes acqueux... Pourquoi unmonde moderne si de pareils poisons sinventent !
Arthur Rimbaud. Une saison en enfer
Alors que la grande majorit de la population refuse lesOGM la recherche publique et prive continue sesmanipulations, transforme le monde en un laboratoire et ses
habitants en cobayes dun nouveau dsastre venir.
Aprs le nuclaire, le sang contamin, les vaches renduesfolles, lamiante, AZF, nous nentendons pas attendre dtre lesvictimes passives de la prochaine catastrophe. Nous dnions tous les pouvoirs conomiques et politiques le droit de continuer empoisonner nos vies et la plante et incitons reprendre enmain nos liberts et nos choix, en les empchant de continuer nuire partout o nous le pouvons.
Nous ne laisserons pas le capitalisme, les bricoleursirresponsables de la technoscience et les politiciens nousimposer impunment leur recherche du profit tout prix et leurmainmise sur les lments de base de la vie, transforms ennouvelles marchandises.
Nous avons donc procd quelques nettoyages proximitde deux laboratoires, dabord chez CAUSSADE SEMENCES CAYRAC, le 9 juin 2002, dans des essais dhybrides colza-ravenelle gntiquement modifis pour rsister au dsherbant base de glufosinate, puis chez PIONEER MONTECH, le 16juillet 2002, sur des essais en plein champ dhybrides et delignes de tournesol gntiquement modifis.
Signalons ceux qui (s) illusionnent sur le contrle citoyen deleur empoisonnement quaucun de ces essais navait t affichen mairie.
Ajoutons au pouvoir du refus, le refus des pouvoirs qui nousalinent.
On Gnralise la Mutinerie
Les Obscurs anti-scientistes, le retour
[Texte reu seulement mi-dcembre 2002 au journal. Le prcdentcommuniqu des Obscurs anti-scientistes, qui taient dj intervenus Cayrac le 24 aot 2001, a t publi dans CS #83, p.34]
NETTOYAGE DE LA PARCELLE OGM
MONSANTO LAFRANAISE (82)Le site dexprimentation en plein champ portant sur du masgntiquement manipul pour rsister lherbicide base deglyphosate et crois avec un autre mas OGM secrtant delinsecticide contre la pyrale a t nettoy dans la nuit du 22 au23 aot 2002.
Malgr lopposition de la population locale, les promoteurs desOGM veulent nous imposer leurs nuisances gnres par unmodle dagriculture industrielle suicidaire.
Nous refusons le contrle gntique de la vie, qui conu en
laboratoire et mis en place par lconomie et les politiques,stend aux animaux et aux humains avec son lot de dsastres venir.
Les pyrales enrages[Texte reu en dcembre 2002]
RENRIESEL A T CONDAMN huit mois de prison avec sursis Agen poursabotage dans une usine Novartis, au civil Toulouse pour sabotage dans
une station Monsanto et six mois ferme Montpellier (annulant le
prcdent sursis de huit mois) pour destruction de riz transgnique le 5 juin 1999
dans un centre de recherche dEtat, le CIRAD. Le 19 novembre 2002, la Cour de
Cassation, validant des jugements prcdents, la dfinitivement condamn
sous rserve de sa demande de non rvocation du sursis de Nrac 14 mois
de prison ferme, 7 622 euros damende et 12 103 euros de dommages et intrts
et de frais. Le bouffon Bov a pris les mmes peines et la Confdration Paysanne
demande dsormais une grce au Prsident de la Rpublique.
Depuis mardi, la Confdration paysanne lance une campagne pour
demander la grce de Jos Bov et la vtre. Etes-vous daccord ?
Ren Riesel : Je suis formellement oppos ce quon demande ma grce maplace. Et dans mon cas, cette demande ne sera jamais faite. Je trouveparfaitement rpugnant de demander une grce, car il est hors de question queje me renie. Jassume les risques que jai pris, au nom du combat critique que jemne.(...)Vous vous tiez pourtant jusquici associ au combat men contre les
OGM ?RR : Jai particip lorganisation de la caravane intercontinentale qui a agi auCirad : cest moi qui avait amen les Indiens pendant que Jos Bov amenait lesjournalistes. La confdration y tait minoritaire, et il y avait de nombreuxinorganiss. Le crtinisme mdiatique de ces gens-l nous a amen en appel, oje suis all seul et o on a pris du ferme. On avait port un coup significatif enattaquant le Cirad, un laboratoire dEtat, et non une institution prive. Aprs larprobation unanime de lEtat et des chercheurs, laffaire McDo est arriveopportunment pour noyer le poisson. Mais moi, je nai pas fait lire Chirac, euxoui. Je nai rien leur demander.
extrait duMidi Libredu vendredi 22 novembre 2002
[Le passage omis contient les embrouilles juridiques de Riesel avec la Conf par huissier,
tout comme il use de son avocat pour demander des rectificatifs aux journaux, montrantpar l ses propres limites]
Note lattention de M Henri Leclerc,
Ligue des droits de lhomme
Il est somme toute bien normal que ce qui subsiste des valeurs lgues parlhistoire la gauche porte la Ligue des droits de lhomme dfendre un M.Bov, qui fait manifestement partie de la famille. Il suffit de me lire pour savoirquune telle opration savrerait plus hasardeuse mon gard. Il devrait en effettre vident que je ne suis pour ma part pas dispos tenter dchapper lincarcration nimporte quel prix.
Il doit ltre aussi que je ne veux nullement gner la repentance par
procuration de M. Bov. A la seule condition, sans mentionner tout ce quimoppose par ailleurs aux tenants du progressisme, de ne pas me voirsubrepticement inclus dans la dfense don ne sait quelles liberts syndicales ouquelque tentative de repltrer les gauches heureusement dcaties.
Ren Riesel,25 novembre 2002
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LE GROUPE NAMENLOS [Sans nom] de
Berlin tait l'poque compos d'une
femme la batterie et d'une chanteuse.
C'tait quelque chose d'extraordinaire et ces
femmes qui jouaient dans un groupe punk m'ont
fortement impressionne. Les autres filles punks
n'taient souvent que la copine de untel et il tait
difficile pour beaucoup de femmes de se faireune place dans ce milieu. Il fallait avoir une
grande gueule, ce que j'avais.
Mita, la batteuse, avait l'air d'un petit
garon, elle ressemblait au personnage de
Struwelpeter avec ses cheveux en dsordre et
son pantalon de cuir . Elle tait aussi un peu
comme une " sale punk ".
L'un des titres du groupe tait " les nazis
sont de retour Berlin Est". Ils l'avaient crit en
raction tous ces citoyens qui n'arrtaient pas
de parler de gazer les punks et de rpter qu'une
telle chose n'aurait jamais exist sous Adolf.
Lorsque nous sommes allEs Berlin [en
1983], nous avons appris que Jana, Mita et A.Micha avaient atterri en taule cause de cette
chanson.
Nous tions vraiment nervEs qu'il /elles
soient tombes pour ce texte car on nous traitait
vraiment comme il/elles le disaient et ces
espces de types avec leurs slogans fascistodes
n'taient pour nous rien d'autre que des nazis.
De retour Leipzig, nous nous sommes dit
qu'il nous fallait vraiment faire quelque chose !
Les bombages faisaient en quelque sorte partie
de notre quotidien de punk et nous avions envie
d'en faire depuis des lustres, mais cela ne
marchait jamais. Il ne s'agissait pas seulementde " dgradation du bien public et de
vagabondage ", c'tait aussi, selon le contenu de
ce l'on pouvait crire, un acte politique. Mais
soit nous n'avions pas de bombe de peinture,
d'ailleurs on n'en trouvait pratiquement pas dans
le commerce, soit on n'arrivait
pas se retrouver avec les
personnes avec qui on en
avait discut. Enfin, nous
ne savions pas non plus
exactement ce que nous
voulions bomber. En
principe, on avait pourtanttoujours quelque chose
dire et on trouvait redire
tout. Une fois, j'tais chez
Fleischer, qui faisait une fte
Grnau, cette nouvelle zone
d'habitation. Nous avons
bu et nous avons discut
de finir quand mme par
faire quelque chose pour
celui et celles de Berlin. "Allons
faire des bombages ! " avons nous dit et les
autres ont rpondu : " arrtez vos conneries ! "
car nous tions plutt bourrEs. Mais je suis
part ie avec Ratte, Krzner et Fleischer.Fleischer tait quelqu'un de simple, de trs drle
et de dynamique et il tait prt pour tout ce qui
avait trait l'action, mais ses motivations
n'taient pas particulirement d'ordre politique.
En tant que punk, il tait simplement toujours en
premire ligne. Je connaissais bien Ratte et
Krzner est venu avec nous parce que c'est lui
qui s'tait procur les bombes de peinture.
Nous avons cherch un mur blanc et tagu
"Librez Jana, Mita et Micha ! ".
Le fait de bomber m'a fait un effet buf. Le
cliquetis des bombes m'enivrait littralement.
Cela avait quelque chose d'trangement
aventureux et de dangereux. A l'poque, nousvoulions vraiment tre radicaux et consquentEs
en toute chose. Nous pensions que toute
personne complice du systme tait coupable.
Nous avons continu notre chemin et nous
ne voulions plus nous arrter. Nous avons
bomb chaque mur, mme celui
de ces idiotes maisons peintes.
Partout nous bombions des
signes anarchistes, le nom
du groupe " Wutanfall",
" Etat policier " et des
paroles des chansons
polit iques du groupe" Slime ". Nous avons
continu monter et y
avons toujours pris plus
de plaisir. Nous avons
mme commenc
bomber des voitures.
Dessus, nous avons
tagu " la proprit
c'est le vol " et " la
voiture, c'est de la
merde, un symbole
social et la chose la plus sacre pour le petit
bourgeois ". Ensuite, Ratte a arrt de faire les
voitures. Krtzner, lui, est seulement venu avecnous mais il n'a rien fait.
Nous tions totalement insouciantEs et nous
avons dlir de plus en plus. Nous tions soulEs
et nous nous sommes mis plein de bombe sur les
bras et nous avons continu dambuler sans
but particulier. J'aurais prfr renverser les
bagnoles et leur foutre le feu. Je voulais que
Grnau brle tout entier.
C'est l'ge de quatorze ans que j'ai compris
qu'il y avait d'autres manires de vivre. Au
march aux puces j'ai rencontr des jeunes aux
cheveux longs que je n'avais encore jamais vus
et les flics ont fait dgager l'un d'entre eux en letabassant coups de matraques. Il m'a fait
normment de peine et j'ai tout de suite t du
ct des cheveux longs. Par hasard, j'ai ensuite
fait la connaissance de l'un d'entre eux dont je
suis tombe immdiatement amoureuse et c'est
Expriences est-allemandesdans les annes 80
t c -d s t d r a a p c l v d L C r s d t a l cM d B e 1 d u p h p c u d o l s o a c
o a p l ( C v d l v n f c q n a p d
e l e l ( l d A m o e e O l dc d m e c d e b m q l r d d b e l q l Ee t i p l d d p u o o a d c l c d f e a l
d n r
p d r d a K n m a c q l n s b p t p l ld l o l p d l c m b p u l q E n s s e d d n v c E m d u c q p s a i n m q l
b m s l f m q s l s d t e t C j q s v v e pp s b a l f l d f o a d m d f a d m s d l
n q p q l r b t s e p a u s d c e d d
Cette Semaine - janvier 20034
LIBERT POURJANA, MITA ET A-MICHA !
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ainsi que je suis arrive la discothque de
Gnthersdorf. C'est l que se retrouvaient les
cheveux longs et que j'ai connu les types les plus
politiques qui soient, et qui, ds notre premire
rencontre, ont commenc parler d'amour libre,
d'anarchie et autres choses. Au dbut, a m'a
mise compltement KO. Tout cela me semblait
la fois dangereux et super beau. Ils m'ont
emmene avec eux dans des ftes et m'ont fait
entrer dans des cercles o l'on discutait
d'anarchie et o l'on disait quel point tout ici
tait injuste et absurde et comment on pouvait yrsister. Tout est all trs vite, en moins de deux,
car dans ces milieux il te fallait simplement tre
politique, sinon tu te plantais. Au dbut, je
voulais plaire, naturellement, tout simplement
me faire une place. C'est tout d'abord pour en
imposer ces hommes intressants que je me
suis occupe de ces affaires politiques. Ensuite,
j'ai bien sr fini par trouver ma propre
dynamique. Et ces gens m'ont aussi permis de
connatre les punks.
" Ah, c'est toi ! " m'a dit Menzel, le
lendemain, en venant m'arrter au travail. " Si
j'avais su, j'aurais pris mes menottes ". La
police criminelle avait appel sur mon lieu detravail et demand une certaine Cornlia. Bien
sr, j'ai immdiatement pass plein de coups de
fil pour me trouver un alibi mais ni ma mre, ni
mes amies n'ont voulu m'en donner un. Une
collgue de travail m'a donn des cigarettes et
un peu d'argent, ensuite nous sommes partis
dans la trabbi de Menzel. Comme d'habitude, il
y avait un casque de chantier dans le
compartiment chapeaux, tenue de camouflage
oblige !
Dans la Beethovenstrasse, on m'a fait
dcliner mon identit et on a commenc
m'interroger.
A ce moment l, je trouvais tout a pluttintressant. J'tais aussi assez insolente car je
pensais : tu n'as que 17 ans, ils vont peut-tre
te garder un ou deux jours mais tu n'iras
certainement pas en prison, pas pour a, au pire
ils te mettront en maison de correction.
Lors de l'interrogatoire, ils ont dit que les
autres avaient dj tout avou et qu'il tait
absurde de me taire. J'ai pens : " tu connais le
truc ". Tout a tait tellement absurde, comme
dans un film. Il y avait le gentil flic et le
mchant et ils essayaient de te faire tomber. Mes
doigts taient pleins de peinture et je n'avais pas
d'alibi ; en fait tout tait clair. Il s'agissait pour
eux de savoir qui avait bomb quoi et pourquoi.Entre temps, ils ont perquisitionn ma chambre
chez mes parents. Ils ont tout pris : les affiches,
les photos, les textes de Biermann sur une
pochette de disque, des t-shirts dessins, tous
mes journaux intimes, tous mes pomes et un
porte-monnaie avec des inscriptions, tout !
Ensuite, des fins dissuasives, ils ont expos
tout cela lors de la fte de la presse suivante,
dans le pavillon de la Stasi
[Staatssicherheitpolizei, police politique] du
parc des expositions. Ca a t extrmement
pnible pour moi, car a n'avait absolument rien
voir avec ma priode punk. A part cela, ils
avaient expos un sac US qu'un punk avaitdcor au stylo bille. A un autre, ils avaient pris
un tee-shirt de l'ouest portant l'inscription " Du
pain pour le monde ! ". Malheureusement, les
punks n'ont pas eu l'autorisation d'entrer dans le
parc des expositions et nous n'avons pas pu voir
cela de nos propres yeux. Menzel voulait
naturellement savoir si j'avais couch avec tous
les hommes mentionns dans mon journal
intime. C'tait un type curant et mielleux . Il
nous balanait directement dans la gueule : " je
vous foutrais tous en taule ! ". Il a fini par avoir
raison. Il est revenu vers 10 heures en agitant le
mandat d'arrt : " bon, allez, c'est parti ! En
avant pour la taule ! " Avant le dpart pour la
Kstnerstrasse pour la dtention prventive, il
m'a conseill de regarder une dernire fois le
ciel, car je ne le reverrai pas de si tt. Jen'arrivais toujours pas y croire. Ce n'est que
lorsque je me suis retrouve devant la juge de la
prventive que j'ai compris qu' prsent c'tait
srieux. Cette conne m'a dit qu'elle avait
examin mon dossier et constat que la
dtention prventive tait ncessaire. On m'a
signifi que j'tais accuse de menes contre
l'Etat, dgradation, vagabondage, diffamation
publique, ainsi de suite Ds le dpart, ils en
ont fait une affaire politique.
Quatre jours avant le procs, le procureur en
charge de l'affaire est tomb malade. Ca a t
une grande chance pour nous. Nous avons eu
droit un procureur trs jeune, relativementcorrect ou, tout au moins, pas trop terrible.
En prventive, j'tais avec une femme trs
sensible et intelligente. Ca m'a beaucoup aide.
Elle tait en taule pour tentative de fuir la RDA
et a ensuite t libre. Par hasard, celui qui tait
accus d'tre son complice se trouvait dans la
mme cellule que Ratte.
A elle, j'ai tout racont. Je ne pouvais rien
faire d'autre dans cette situation. Je n'aurais pas
russi fermer ma gueule pendant tout ce temps
l, pas cet ge.
Au dbut, j'tais compltement intimide.
J'avais peur et je ne savais pas comment mecomporter. Quel ennui ! Il n'y avait ni radio, ni
tl et un seul journal. Il n'y avait rien faire. Il
tait interdit de rester allonge et il n'y avait
qu'une heure de promenade. Les interrogatoires
constituaient notre unique distraction. C'taient
des interrogatoires de la Stasi : " voulez vous
travailler avec nous ? " " Non ! " et je m'en
prenais directement une dans la gueule de la part
de vrais prolos, de monsieurs muscles aux bras
tatous. C'taient trois jeunes hommes qui
ressemblaient d'anciens taulards. Ils me
montraient des photos sur lesquelles je devais
reconnatre des gens. Ils taient abrutis au point
de ne pas se rendre compte que je ne mereconnaissais pas moi-mme sur les photos
Ensuite en arrivait un autre qui voulait que
j'accepte que mes pomes soient dtruits.
Comme j'ai refus, ils les ont quand mme
dtruits, mais sans mon accord.
Toutes les deux semaines, on me prtait deux
livres que je ne choisissais pas, de vraies merdes
qui parlaient d'Erika et Hans et Hans s'en va
l'arme et comment leur amour reste intact,
voil les merdes qu'ils racontaient. Pourtant, j'en
ai aussi reu quelques uns qui taient vraiment
bons, Anna Seghers par exemple. Je ne l'aurai
jamais lue dehors. J'ai mme lu " Das neues
Deutschland " [journal quotidien dEtat de
RDA], en entier ! Comme j'tais jeune, une fois
on m'a mme donn des fruits, quelle
rcompense ! J'ai crue mourir de joie. On m'atoujours confisqu l'argent que m'envoyaient
mes parents, sauf une fois 15 marks. Avec a j'ai
cantin des cigarettes, de la moutarde et de la
limonade. Une autre fois, mes parents m'ont
apport du " nudossi ", ce nutella de l'est qu'on
ne trouvait jamais nulle part. L, on a fait la fte
dans la cellule. C'en tait une de fte ! Il ne se
passait jamais rien, c'est pour a que l'on se
concentrait ainsi sur la bouffe. Sur la bouffe et
sur son corps. Mais ensuite, j'ai appris trs vite
ce qui se passe en taule et ce qu'il est possible de
faire. Tous les soirs, j'ai cri aussi loin que
possible " Bonne nuit ! " Ratte et Fleischer,
de toutes mes forces, par dessus toute la cour,jusqu'au btiment des hommes. Fleischer et
Ratte ont toujours rpondu mes appels.
Finalement, on m'a attribue deux nouvelles
codtenues qui se trouvaient l pour
"comportement asocial". A partir de ce moment
l, c'est parti fond. Pendant deux semaines,
nous avons anim toute la taule, gueul travers
les couloirs, imit la tl. Nous avons fait tout ce
qui tait interdit et ramen nos grandes gueules.
J'ai normment ri en prventive. Quoi de plus
logique que d'avoir eu les ides les plus folles
dans cette situation exceptionnelle? Ca a dur
jusqu' ce qu'ils nous sparent.
Ils m'ont mise ensuite avec les " asociales "les plus terribles parce qu'ils pensaient que la
pire peine qu'ils pouvaient m'infliger taient de
me placer avec des gens " au niveau zro ".
Comme j'avais 17 ans, on ne pouvait pas me
mettre l'isolement et on m'avait dj coll
toutes les autres punitions. L, il m'a fallu
couter longueur de journe des histoires de
prostitues, de pipes et de sodomie.
Ca a march. Pendant une semaine je ne me
suis pas faite choppe crier, ni en faisant
passer des trucs par balancier et j'ai demand
ce qu'on me remette avec des gens
" normaux ".
Le procs a commenc quatre mois aprs. Il a
entirement tourn autour du fait dtre punk.
Lavocate, que mavaient procure mes amies
les Leutzscher, a tout de suite dit que je navais
pas beaucoup de chance de men sortir. Je nai
tabli aucun rapport de confiance avec elle
parce que je ne savais pas comment se droulait
un procs. Je me suis dit quelle tait elle aussi
une sorte de Stasi.
Au cours du procs, jai d aller durgence
aux toilettes. Lorsque je me suis assise sur la
cuvette, je nai pas pu faire car les policiers se
tenaient face moi. Ctait vraiment infernal. Je
narrivais plus me concentrer sur rien et jaipens : a mest compltement gal ce que je
vais prendre, lessentiel cest que je puisse aller
aux toilettes ! Deux semaines plus tard lorsquil
a fallu y retourner pour le verdict, jai t
tonne quon me sorte de cellule au pas de
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course, quon me fasse entrer puis sortir du
panier salade les menottes aux poignets,
billonne et toujours en courant. Nous sommes
passs de la Bernhard-Gring-strasse au
tribunal. L, jai pu apercevoir tous mes amis
qui taient posts lentre. Lorsquils nous ont
vu, ils ont symboliquement lev le poing en
lair, ce qui ma beaucoup rjouie. Ils ne
pouvaient pas crier, on les aurait immdiatement
fait sortir pour a. Il tait dj assez dangereux
de se trouver runis cet endroit juste pour
nous.Bien entendu, ils avaient choisi la plus petite
salle. Mes meilleurs amis taient lextrieur.
Rotz a fait un scandale en demandant pourquoi
on lui interdisait dentrer au tribunal en bleu de
travail alors quil tait un travailleur dans le
pays des travailleurs et paysans. Mon pre avait
mis exprs un jeans dchir avec une vieille
veste et, quand il est entr, il a galement lev le
poing vers moi. Cela a beaucoup compt pour
moi.
Ils ont prononc le jugement si vite que je
nai pas vraiment compris ce quils disaient.
Fleischer a pris 10 mois, Ratte 7, Krtzner 8 et
moi 9. Immdiatement, on nous a tir lextrieur de la salle. Mon pre a encore cri
quelque chose, mais nous tions dj en train de
parcourir les couloirs du tribunal, menottes aux
poignets, jusqu la cour. Jai cri en direction
de Fleischer : mais quest-ce quils font ?.
Ctait comme si on allait nous pendre sur
linstant. En ralit, on nous a juste fait passer
trs rapidement par la porte de derrire parce
que nos amiEs nous attendaient la sortie.
A ce moment, ils ont eu peur de nous et a a
t un sentiment trs agrable.
Jai fait le trajet jusquau centre de dtention
pour excuter la peine, en compagnie des deuxfemmes avec qui je mtais si bien entendue.
Cela signifiait : encore trois jours la
Kstnerstrasse. Nous nous en rjouissions
davance. Mais celle-ci sest rvle beaucoup
plus dure que nous le pensions.
De mon exprience la Beethovenstrasse,
javais gard lide quon pouvait se permettre
pas mal de choses, mais l, jai pu constater le
pouvoir quont les flics. Je me disais, ici ils
peuvent ainsi tassassiner sans que personne ne
le remarque. Ici, il y avait des matonnes dun
tout autre genre, des femmes assez vieilles, de
vraies portes de prison avec leurs cheveux bien
tirs, et avec des surnoms tels que nazie ousurveillante de camp de concentration.
Lorsque jai cri quelque chose, une fois, des
matonnes sont venues, mont tire par les
cheveux et mont fait ainsi tomber du lit den
haut. Je me suis crase contre le sol en pierres.
La douleur tait atroce. Pour me punir, on ma
ordonn de cirer le couloir. Jai refus en
arguant quil ltait dj, alors elles mont
menotte un lit dans une cellule sans fentre.
Deux heures aprs, elles mont redemand la
mme chose puis, devant un nouveau refus,
mont enferme dans la salle des douches et
attache un tuyau. Il y avait des traces de
merde partout et jai presque vomi sur moi.Comme je gueulais, elles ont inond la pice et
mont laisse avec de leau jusquaux chevilles.
Mes mains et mes pieds ont fini par devenir
bleus, et je me demandais ce qui allait se passer.
Lorsquelles sont finalement revenues me
chercher, on ma fait enfiler de grosses
chaussettes et une veste pour que tout cela ne se
voit pas : jtais transfre.
En prventive, lambiance tait la
camaraderie. Les dtenues sentraidaient, nouspartagions tout et nous nous sommes donnes
du courage. Elles mont dit que a se passerait
bien pour moi, que jirai au quartier des mineurs
et que dans tous les cas, jarriverai bien
mimposer : toi, avec ta grande gueule, tu ten
sortiras partout. Tu nas pas avoir peur.
On nous a transfr bord de lexpress
Otto-Grotewohl dans un wagon de
prisonnires qui contenait trs peu de places,
presque un wagon bestiaux. On nous a fait
traverser la gare menottes aux poignets comme
de grandes dlinquantes. Nous avons alors pris
cong les unes des autres car nous allions
chacune dans une taule diffrente. A part moi,personne ne savait o elle allait. Jtais
transfre Hohenleuben, la seule prison pour
femmes mineures.
Je men suis sincrement rjouie. Des
jeunes ! Seulement des jeunes filles dans le
groupe ! Avec elles, je vais pouvoir bavarder
tranquillement !
Hohenleuben tait un grand btiment neuf
dot de grandes pices claires avec fentres, trs
diffrente en cela des autres taules. De la cellule
darrive, on nous tenait encore une semaine
lcart du groupe, jai entendu courir dans le
couloir, des chuchotements, et des files qui
criaient des choses sympathiques. Javaislimpression dtre en camp de vacances.
On ma donn des fringues horribles, une
jupe raide, de grosses chaussettes et un foulard
carreau (pour se le mettre sur la tte). On se
ressemblait toutes. Lorsque je suis arrive dans
la cour, elles ont toutes accouru vers moi, me
demandant do je venais et pourquoi jtais l.
Je leur ai racont ce que javais bomb mais
elles ne mont pas cru. On ne prend pas si peu
pour une chose pareille mont-elles rpondu.
Tu dbloques, tu mens, tu nes mme pas
punk ; elles ont commenc me chercher, me
donnant des coups de pied dans les tibias et me
bousculant. Je ne comprenais plus rien.A partir de ce moment l, je nai plus voulu
sortir dans la cour ni me rendre aux repas car
javais terriblement peur. Les filles me jetaient
de la bouffe, me saluaient par un Heil Hitler,
me menaaient travers la porte de la cellule et
je ne savais absolument pas ce quelles me
voulaient. Les mineures taient trs diffrentes
des autres dtenues. Il ny avait ni de mres ni
de personnes plus ges parmi elles qui auraient
pu se trouver l pour des dlits conomiques.
Ici, les filles venaient toutes de foyers ou de
maisons de correction et avaient un terrible
besoin dtre au centre du monde. Il rgnait une
atmosphre follement explosive. Lorsque je suis
arrive dans mon groupe, javais horriblement
peur. Elles voulaient que je me comporte bien
afin que le groupe ne se fasse pas tancer oupunir. Je me demandais si elles ntaient pas
cingles et o javais bien pu tomber.
Parmi les femmes, il y avait la soi-disante
lite. Cest elles qui dterminaient qui se
prenait une baffe dans la tronche, cest elles
quon devait cder un pourcentage de ses
paquets, cest encore elles qui contrlaient ce
qui se passait entre les filles. Il faut dire que les
matonnes ne sintressaient pas aux accrochages
entre dtenues. Dailleurs, personne naurait
jamais appel une matonne. Ctait tabou,
particulirement lorsque cela concernait le
groupe dlite, huit filles, de vraies cogneuses
qui staient autoproclames membres de cegroupe. Ds le dbut, elles sont venues de voir
et lune delle ma dit : Bien, maintenant tu me
baises les pieds. Sur le moment, jai pens : si
tu le fais une fois, alors tu devras le faire tout le
temps. Ne le fais pas, quoi quil advienne. Je
savais quaprs une telle chose, je naurais plus
jamais pu me regarder en face. Malgr tout,
jaurais prfr le faire, le courage nest pas
venu de moi, mais de la raison.
Je leur ai rpondu que je ne comprenais pas
ce quelle voulait et quelle devait me le
montrer. Lorsquelle se mit genoux et me
montra ce quelle voulait, je lui demandais si
elle navait pas limpression davoir lair con.Elle sest relev, ma regarde et ma dit :
tu es OK.
Mais cela ne voulait rien dire. Ce nest pas
pour cela que javais une meilleure position, a
navait simplement t quun heureux hasard. Il
fallait lutter jour aprs jour pour se faire sa
place.
Jusqu Nol, je nai pas prononc un seul
mot lintrieur du groupe. Les filles se
faisaient des cadeaux et bien sr, je nai rien
reu. Puis, lheure du repas, est arriv un
groupe de prisonnires majeures qui se
trouvaient aussi Hohenleuben. Parmi elles se
trouvait Maria qui mapportait un trs gros sacplein de cadeaux. Quelques prisonnires avaient
fait une collecte pour que jai aussi quelque
chose Nol, elles avaient remarqu que jtais
toujours seule. Jai remerci Maria de tout mon
cur. Je la connaissais trs bien du milieu de
Leipzig, ctait une hippie. Elle tait trs
respecte parmi les 400 dtenues adultes
dHohenleuben, ctait une des grandes
gueules. Le fait de moffrir un cadeau ma
procur un grand respect chez les filles, et Maria
signifiait aussi clairement au groupe dlite :
foutez lui la paix !.
En taule, il a fallu que je commence unapprentissage de couturire. Il y avait des cours
et des discussions sur des thmes politiques. L,
on nous expliquait quel point nous avions
enfreint la loi, on discutait de sport quon ne
pratique que pour lEtat, on mettait lamour
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lesbien plus bas que terre et nous parlions des
lections. Je dis que javais 17 ans et que je
navais jamais eu le droit de vote. Je navais
jamais pu voter pour dire si je voulais dun Etat
ou pas mais que javais quand mme t
condamne par ses lois. Jaimerai bien vivre
dans un autre pays avec dautres lois, ai-je
conclu pour provoquer, puis je me suis
directement fait virer de la salle.
Lorsque jai t transbahute dans une
cellule o toutes avaient t lcole [cest--
dire vcues ailleurs quenfermes] et o aucunene faisait partie de l lite, jai pens pouvoir
faire bouger les choses. Quand quelque chose est
de la merde, bien sr que tu veux faire changer
les choses. Ca a commenc par des bagarres pour
ne pas faire mon lit, cirer les chaussures, ne pas
faire chier les nouvelles arrivantes. Nous avons
essay de saper le pouvoir du groupe dlite et ce
fut comme dans un roman policier. Il fallait tre
prudentes car celui-ci ne devait rien en savoir.
Nous ne pouvions nous permettre une
confrontation ouverte, sinon a foirerait et
aucune fille naurait accept dy participer. L,
jai fait preuve dune diplomatie hors pair, genre
nous sommes toutes dans le mme bateau.Ensuite, je me suis aussi rapproche de la
meneuse du groupe dlite, jai fait appel son
sens de la justice. Je lui tais sympathique parce
que je me montrais sincre. Mais il ne fallait pas
exagrer, on pouvait perdre sa position la
moindre occasion. Ctait trs frquent.
Cela a fini par porter ses fruits. Ca ntait pas
aussi dur quau dbut, lorsque je suis arrive.
Bien sr, les baffes partaient de temps autre.
Mais lorsquon rglait une affaire concernant une
fille, celle-ci participait la discussion, ce qui
tait avantageux quant au rsultat de la dcision.
Un autre point : nous devions nous-mme
noter notre comportement en taule. Je me mettaistoujours la mme sale note car a mtait gal. Je
men foutais davoir le droit de regarder la
tlvision ou pas. Ils ne pouvaient pas non plus
nous mettre ternellement lisolement.
Finalement, les matonnes ont essay de mettre la
pression par le biais du groupe. Si lune dentre
vous a une sale note, aucune ne pourra regarder
la tl !. Mais force, il est arriv un moment
o personne dans notre groupe nen a plus rien eu
foutre, et le chantage des ducatrices est tomb
leau.
Il y avait aussi les punitions collectives.
Lorsque par hasard jai t lane du groupe, on
ma demand de faire descendre lescaliercorrectement mon groupe. Nous lavons donc
redescendu, mais elles ont voulu
nous le faire refaire cinq fois. Jai
regard les filles, et nous lavons
refus avec dtermination. Cest
pour nous chercher, ai-je dit. On
nous a immdiatement interdit de
rfectoire et enfermes dans la salle
de garde pour mutinerie. On nous a
punies rester cellules fermes.
En temps normal, les cellules taient
ouvertes et on pouvait naviguer dans
les couloirs cest cette possibilit
qui tait supprime. Nous avonsalors dcid de retourner cette
situation en la rendant tellement
agrable quelle ferait plir denvie
celles qui resteraient lextrieur et
de leur donner envie de nous
rejoindre. Nous allions faire gerber les
matonnes !
Nous avons alors dvelopp des trsors
dimagination, jou, fait du sport, cri (de joie).
On a russi soccuper quatre jours durant puis
la dynamique de groupe est retombe, certaines
ont prfr ressortir et regarder Winnetou la
tlvision.
La taule a galement t pour moi une
exprience positive. Jai appris ce que lon peut
supporter, quel point on peut aller loin dans ses
refus, quel courage on peut avoir et ses limites.Jai vu combien les gens sont injustes, combien
ils peuvent tre faux et intriguants. Tout cela, je
ne le connaissais pas cet ge l, javais toujours
eu de bon amis, jai appris quil ny a pas que de
bonnes personnes. Mais dun autre ct, jai
aussi compris que ces personnes ne sont pas
mchantes, mais quelles le sont devenues.
Cest vraiment fou, ce que certaines filles ont
vcu. Je me suis aussi rendu compte quau fond
de moi je suis trs lche, et que tout ce que jai
fait de courageux, je lai fait uniquement par
raison. Tu dois faire a maintenant ! Tu dois
agir justement sinon tu ne pourras plus te
supporter et les autres dehors non plus. Et cettedcision, je ne la regrette pas. Je me suis toujours
dit : mes amies me voient de lextrieur, et tu
dois dire ou faire cela.
Lorsque je suis sortie, je nai pas arrt de
pleurer. Ctait terrible pour moi de savoir que
toutes les files taient encore l-dedans. Ma
libration ne ma pas calme. Jtais certes
dehors, mais cet enfermement ne me quittait pas.
Ce sentiment a dur des annes et des dcennies.
Lide que des filles restaient toujours l-bas ma
compltement bousille. Jen ai rv des nuits
entires.
Le lendemain de ma sortie, je suis alle laWilhemshhe pour retrouver mes amies. L-bas,
on a commenc par mapprendre qui tait en
prison et qui tait lOuest. Ma meilleure amie
tait en taule, tous les Leutzscher en prison, mon
copain de lpoque lOuest. Rien ntait
vraiment beau.
Le soir, ils ont organis une fte de
bienvenue. Ca ma fait trs plaisir. Les jours
suivants, jai pass tout mon temps avec Ratte.
Nous avons uniquement discut de notre
exprience de taule, nous nous sommes raconts
toutes nos histoires et avons chang toutes nos
impressions.
Un an aprs cette libration, je suisretourne avec Chris, une fille avec qui je mtais
lie damiti en prison, Hohenleuben pour
rendre visite un prof, le seul qui ntait pas
comme les autres et qui nous donnait un peu
despoir. Il tait comme un oasis dans cet ocan
de merde, et essayait de rgler les problmes
quil y avait entre nous en dehors des matonnes.
Il nous a port de lintrt et nous traitait comme
des personnes normales. Jaimais bien ce prof, et
il avait pris trs gentiment cong de moi. Il tait
classe, et je me suis toujours demande pourquoi
cette personne travaillait l-dedans.
A Hohenleuben, a a t la panique gnrale.Nous avons t immdiatement reconnues car
tout le monde dans ce village avait un lien
quelconque avec la prison. Ctait le seul
employeur important pour eux. On nous a
vites. Ils ont probablement pens que nous
voulions nous venger ou commettre un attentat.
Nous essayions en fait de trouver o habitait ce
prof. Il rsidait dans une petite maison, et nous a
invit entrer boire un caf aprs avoir
bredouill. Bien entendu, nous voulions parler de
la prison avec lui. Nous sommes alors allEs
nous promener parce quil supposait que son
appartement tait sur coute. Il nous a racont
son parcours, que la taule payait bien les profs,que les jeunes enferms taient en quelque sorte
un dfi pour lui. Bien sr, il ne pouvait pas nous
dire tout ce qui le faisait gerber dans ce systme.
Il ne savait pas ce que nous ferions de telles
infos, mais il a clairement laiss paratre quil
considrait beaucoup de choses trs graves. Il
avait bien remarqu que son travail ne servait
rien et que toutes les files taient rcidivistes. Il
tait vraiment flipp, mais a limpressionnait
tout de mme que nous soyons revenues pour le
voir.
Lorsque jai t libre, on ma aussi remise
les lettres de Mita, dans lesquelles elle mcrivait
en personne pour me dire quelle trouvaitcompltement incroyable que jai bomb tout
cela pour eux. Elle ma crit plusieurs fois et ma
toujours fait passer le bonjour. Je crois quelle a
simul la folie et reu une peine moins lourde
que Jana. Jana a pass quelques mois en taule
dans la prison de femmes de Hoheneck rserve
aux politiques et est reste ma copine.
On a continu jouer la chanson Les nazis
sont de retour Berlin-est.
Texte de Connie M.
(ne en 1966)
[Traduit de lallemand par L. Tir de
Haare auf Krawall, Jugendsubkultur
in Leipzig 1980 bis 1991,
Connewitzer Verlagsbuchhandlung,
pp. 84-93 (292 pages), t 1999]
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8/32
TOUT A COMMENC par les vieux. Ils
frquentaient tous ces concerts de blues.A cette poque [mi-70], le punk
nexistait pas encore. Ensuite, ils ont vieilli, ont
arrt daller aux concerts pour traner dans les
bars et se sont rsigns.
Avoir les cheveux longs tait dj
lpoque une forme dopposition. Ctait
suffisant en soi, cest la raison pour laquelle ils
coupaient les cheveux aux gens. Avant nous, a
arrivait dj. Tu navais pas le droit daller
lcole avec des cheveux longs, ctait une
forme dopposition que lon exprimait plus
individuellement. Par la suite, nous navons
plus utilis ce moyen, nous navons plus laiss
pousser nos cheveux de manire si provocanteparce que beaucoup de gens le faisaient dj. Il
y avait dautres faons de faire quelque chose.
On sest plus tourn vers lextrieur, la vie
publique.
Mais nous navions pas grand chose voir
avec le reste de la RDA [Allemagne de lEst].
Bien sr, nous connaissions beaucoup de monde,
mais notre proche environnement tait Leipzig.
Ailleurs, il ne se passait presque rien ou sinon
essentiellement entre universitaires, avec
Biermann [chanteur contestataire qui sera
expuls en 1976] et compagnie. Ctait un
autre niveau, 10 000 pieds au dessus de nous
pour ainsi dire. A lpoque, certaines chosespassaient galement par lEglise, avec Bettina
Wegner [chanteuse lyrique interdite de scne
partir de 1968, sinstallera lOuest en 1983] et
autres, mais nous refusions dtre lis ceux-l.
Au dbut des annes 80, Leipzig tait un
bastion pour des gens qui ne voulaient rien avoir
faire avec la classe dirigeante. Le milieu de
Leipzig sest agrandi et la Stasi na absolument
plus rien compris. Ils taient compltement
surmens parce quil y avait trop de gens. Dans
les meilleurs moments, nous pouvions nous
retrouver une centaine de personnes. Avant que
le Moderna [bar du centre-ville avec une petite
scne] sur la Sachsenplatz ne soit ferm vers1980, ctait le lieu de rendez-vous principal. Le
Moderna est simplement trs central et grand.
Mais je ny allais pas souvent, car nous navions
pas grand chose faire avec les vieux hippies.
Nous avons donc cr notre propre projet et
squatt une maison partir de laquelle tout sest
pass.
CRATION DUN NOUVEAU MILIEU
Je suis entr lpoque dans le milieu par les
groupes de blues. Il y avait toujours des concerts
de ce type donns par des groupes de RDA. Un
autre lieu de rencontre taient les jubils de
quelque ville que ce soit, avec de grandes
manifestations publiques, de la bire et de la
musique live. De telles ftes taient bien sr
loccasion de faire de la provocation.
Celle des mille ans dAltenbourg en 1974 a
t trs importante pour beaucoup. Ctait autemps du Moderna. Pour ce jubil, une vraie
grosse fte a t organise, avec des milliers de
personnes. Des jeunes sont venus de partout,
notamment parce que beaucoup de groupes
allaient y jouer.
A Altenbourg, il y a eu dnormes meutes
et une baston gnrale contre les flics sest
dveloppe, mme sil na jamais t clair si elle
navait pas t dclenche par la Stasi.
Beaucoup de gens se sont fait arrter. Mais il ne
sagissait l que de banalits parce que
quelquun avait sorti un drapeau allemand (de
lOuest). Certaines personnes en avaient chez
elles. Puis les flics se sont interposs, pluspersonne ne savait de quoi il sagissait, la fin
a sest de toute faon transform en bataille
range contre la Stasi et les keufs.
Ds lors, Altenbourg
a t le premier
vnement dont les
gens ont parl
entre eux et
partir duquel
ils se sont
rapprochs.
Les jubils
qui avaient
toujours lieu droite gauche
sont devenus de
vrais rendez-vous
auxquels tous allaient. On se
donnait des rencarts qui tournaient loccasion
de concerts ou de ftes. Mais ces vnements
culturels ntaient en fait que des prtextes pour
se rencontrer. La plupart du temps, a en restait
au stade de la rencontre, beaucoup de gens se
contentaient de se bourrer la gueule l-bas, ce
qui a toujours t un dfaut du milieu. Pourtant,
il tait aussi possible de rencontrer des
personnes qui ntaient pas si accros et avec
lesquelles on pourrait faire des choses.Le fait de bouger sest ensuite gnralis
mais sest transpos dans nos propres villes. A
Leipzig, nous avons mme organis un petit
rassemblement, invit quelques groupes afin de
ne pas toujours utiliser les rails de lEtat et de ne
pas rester dpendants des jubils. Ces
rencontres dcentralises taient naturellement
moins grandes et on ne se retrouvait plus
uniquement cause de groupes de musique
quelconques mais pour organiser dautres
choses ensemble.
Le milieu de Leipzig stait au milieu des
annes 70 dvelopp partir de ces ftes de
villes. Tout passait par le Moderna et par les
personnes plus ges qui avaient dj 30 ans.
Scartant de la ligne officielle, certains
directeurs de clubs proches du milieu ont aussi
organis quelques concerts : le Jrgen
Schmidtchen Schnefeld, le Jger
Leutzsch et la Haus Leipzig, mais celle-ci est nouveau rentre dans le rang par la suite. Il y
avait aussi sporadiquement des vnements
Taucha. Il y avait galement les discothques,
nous allions toujours Gnthersdorf. Cest dans
tous ces lieux que sest retrouve la nouvelle
gnration, cest l que nous avons fait
connaissance.
Finalement, un changement sest produit
Leipzig, on a vu apparatre des gens plus jeunes
qui taient moins lis au milieu du Moderna et
plus lis entre eux. Ils ne se contentaient pas de
rester assis au bar, mais ont essay plus ou
moins de crer quelque chose par eux-mme.
Nous voulions rendre cette ville un peu plusintressante et ne plus tre obligs de nous
traner ces manifestations organises par la
FDJ [Freie Deutsche Jugend organisation de
jeunes du Parti]. A un moment, a a march.
PREMIRES INITIATIVES
Au dbut, nous ntions quun petit groupe
denviron seize personnes. Nous nous
retrouvions une fois par semaine pour
rflchir ce que nous pourrions faire. La
plupart du temps, nous organisions des
actions fun, juste pour faire chier les gens
de la Stasi. Personne dentre nous navaitdpos de demande de sortie du pays [ce qui
signifiait une surveillance de la Stasi et un
moyen de chantage].
Une fois, nous avons achet de la craie que
nous avions rpartie sur la Sachsenplatz. Les
passants pouvaient crire ou dessiner ce quils
voulaient. Ctait vers 1980 [lauteur vient
davoir 18 ans]. On naurait jamais imagin que
cela prenne de telles proportions et que la place
soit immdiatement remplie. Pourtant cest ce
qui sest finalement pass. Tous ont vu quon
commenait crire cet endroit, ceux du
Moderna aussi, et tout le monde sy est mis.
Il ny avait aucun flic sur la place, ils ont tcompltement surpris. Il ne sest rien pass
jusquau soir. Il y eu ensuite une centaine
darrestations. Ils ont tout photographi, tous
ceux dont ils avaient les noms ont t arrts et
ils sont alls les chercher chez eux aussi bien
quen discothque !
On a tous atterris dans la Harkortstrasse
[immeubles de la Stasi et de la police criminelle]
o tout un tage tait rserv ce genre de
choses. Tout le milieu tait l-bas, dans les
cellules, en attente dans les couloirs et tous
avaient de ce fait encore plus de liens ensemble.
Chacun a t condamn quelque chose, une
amende de 100 marks ou autre. Jai d en raquer
160 parce que javais achet la craie.
Normalement, on aurait d finir en taule pour une
histoire pareille parce quil y avait des crits trs
durs pour le rgime sur la Sachsenplatz.
Personnellement, je pense que jai bnfici
Cette Semaine - janvier 20038
LE MENEUR
t q u p q v d 1 1 p t l p d s a l c d n mr L L v d l a c o d c e d d a d P m a
m s d f i d t c e o u s A p d p r i o s u E q l p d m d m L i s d n
-
7/31/2019 Cette Semaine N86
9/32
dune sorte de protection parce que ma mre
travaillait comme secrtaire au Parti. Elle
connaissait donc tous les bonzes du MfS
[Ministerium fr Staatssicherheit, ministre de
lIntrieur] grce leurs runions. Cest ce qui
ma toujours donn une libert plus relative et la
possibilit de faire plein de trucs. Cela na dur
que le temps o ma mre tait au Parti.
Lorsquelle la quitt, on ma galement mis en
taule.
Dans cette affaire, on sen est simplement
sortis avec des amendes et des avertissements. Parla suite, nous avons toujours fait trs attention ce
que personne ne tombe par imprudence au cours
de telles actions.
OPPOSITION OUVERTE ET RPRESSION
De plus en plus de personnes se retrouvaient
rgulirement, il sagissait dun cercle
denviron cent personnes. Nous nous
retrouvions un jour fixe chaque semaine dans
une partie du parc Clara Zetkin. Ces
rencontres ntaient possibles qu lair libre
car personne ne connaissait dendroit o aller.
On ne pouvait pas le faire dans les clubs[sortes de Maisons de la Jeunesse] car il fallait
sinscrire et nous ne voulions rien annoncer.
Cest lune des raisons pour lesquelles nous
avons cherch plus tard un squat.
Lors de ces rencontres, nous avions
toujours un thme prcis. Parfois ctait la
lecture dun livre, une autre un jeu tout simple,
chaque fois une activit diffrente, et a a dur
comme cela vraiment longtemps. Tout le
monde pouvait passer, et ainsi toujours plus de
personnes nous ont rejoint.
A partir de ce cercle, nous avons ensuite
organis des manifestations sauvages, comme
par exemple contre linstallation de missiles
nuclaires. Notre opinion tait que si lOuest
devait y renoncer [comme le demandait le
rgime], lEst devait aussi le faire. Nous
luttions non seulement contre ces missiles,
mais aussi contre lensemble de la
militarisation lEst.
Mais la manifestation est partie en vrille.
Nous avions fait au pralable une runion dans
la cour intrieure de la fac de Vorfeld. Parmi les
huit personnes stait gliss un informateur. Tout a
explos. Quelques personnes ont t arrtes. Sur
la Sachsenplatz, ils ont boucl les rues
sauvagement et ils nous ont encercl avec leurs
boucliers. A cause du thme [de grandes manifs
avaient lieu en Allemagne de lOuest contre
linstallation des missiles Pershing de lOTAN], ils
ne pouvaient pas faire grand chose contre nous. Ils
nous ont laiss partir en nous avertissant que ctait
la dernire fois. Mais nous avons continu en nous
greffant sur des manifestations officielles du
centre-ville, comme les dfils du carnaval. Prs de
deux-cent personnes de chez nous y participaient
chaque anne ; il sagissait plutt de parades de
fous o nous ridiculisions les connards de la Stasi.
A chaque fois, nous changions de thme en
parodiant larme ou dautres institutions.
Par la suite, nous avons imprim des tracts
clandestins distribus dans le parc Clara Zetkin ou
glisss dans les botes aux lettres. Ils ont fait des
petits : ces tracts furent comme les prcurseurs de
ceux qui ont fleuri sur la colonne Morris quon a
install un jour en 1989 sur la Karl-Marx Platz,
devant la Gewandhaus. Il sagissait de petits bouts
de papier tirs environ mille exemplaires sur
lesquels se trouvaient des rendez-vous et des infos
sur les choses que nous avions faites. Mille tait
pour nous lpoque un nombre norme car il
nexistait pas de magasins de photocopies, ni rien
dautre. Tout tait fait de faon assez conspirative :
nous connaissions un imprimeur, nous lui avons
donn les textes, il imprimait les tracts quelque part
et me les repassait. Nous ne tenions pas du tout
savoir o et comment il ralisait cette tche. Tout
fonctionnait bien durant cette priode, jusqu ceque nous appelions nouveau une manifestation
et que la Stasi y cible des personnes prcises. L,
ils se sont plants en proposant au seul dentre nous
qui avait fait une demande de sortie de le faire
passer de lautre ct du mur sil racontait tout.
Mais il a ferm sa gueule.
Pendant des annes, nous nous sommes
retrouvs rgulirement pour rflchir ensemble
ce qui ne nous convenait pas et sur le comment
faire contre ce rgime. Nous ne sommes plus alls
ces concerts comme auparavant, ceux auxquels se
rendaient les vieux hippies, nous avons prfr
organiser nos propres initiatives. Nous ne nous
sommes pas dfinis comme des hippies, pas
vraiment ! Ils avaient assez dtruit leur raison
coups de bitures. Ctait assez courant lEst que
beaucoup cherchent leur salut au troquet. Ca a
vraiment rendu des gens fous. Puis notre groupe a
commenc devenir de plus en plus dangereux,
des gens se faisaient arrter sans cesse et il est
devenu vident que la prison nous pendait au nez.
Les grandes runions ont donc stopp, les activits
ne se passaient plus de faon si centrale et se sont
dplaces au fur et mesure dans les quartiers.
Lavantage tait que tout ntait plus si anonyme,
que les individus se connaissaient mieux entre eux.
Ces cercles sont devenus trs ferms car il rgnait
une peur terrible des infiltrs. Cest aussi ce quils
recherchaient, que nous nous clations ainsi en
plusieurs groupuscules.
LHISTOIRE DU SQUAT
Lhistoire de notre squat est donc assez simple.
A lpoque, ctait vraiment dingue dans le quartier
est de Leipzig. Tout ce quartier tait pourri et
beaucoup de maisons taient vides. Comme la
plupart dentre nous navait pas dappartement,
nous avons pris une maison que nous avons
amnag de bric et de broc. Nous sommes rests l
presque deux annes, au dbut clandestinement et
ensuite de faon plus ouverte. Dans notre rue, la
Erich-Feld-Strasse, il y avait dj de nombreuxsquats. Aucun navait de contrat de location.
Au dbut, lorsque tout se faisait discrtement,
on ne les a pas drangs. Ils pensaient quon se
contentait simplement dhabiter l : il y avait pas
mal dappartements o les gens ne payaient pas de
loyer et sans quil leur soit officiellement attribu.
Les flics ne savaient pas non plus qui avait la
permission ou pas, sauf lorsquun voisin te
balanait la KWV [Kommunale
Wohnungsverwaltung, rgie communale des
habitations]. De toutes faon, ici on ne pouvait
normalement pas texpulser sans tattribuer un
autre logement, cest la raison pour laquelle il
tait si facile de squatter des maisons malgr le
rgime. Ils ne pouvaient pas te jeter la rue,
ctait impossible. Il ny avait officiellement pas
de SDF en Allemagne de lEst et ils ne tenaient
pas en avoir sur les bras.
Quand ils nous ont dcouvert, ils ne nous ont
donc tout dabord pas expulss, aucunE dentre
nous nayant dautre logement ; la pnurie leur
rendait la tche impossible sils avaient d tous
nous expulser/reloger. Ils ont alors mis la
pression : lun dentre nous a d retourner vivre
chez ses parents 25 ans, alors quil ne les
frquentait plus depuis des annes. Un autre a
d retourner vivre chez sa femme alors quils
taient divorcs. Les flics appelaient un camion,
chargeaient toutes leurs affaires, puis les
expdiaient la dernire adresse connue. Dans
ces cas, expulss ainsi, nous retournions
chaque fois dans le squat. De guerre lasse, nous
avons pu y rester un peu.
Ce qui nous distinguait des autres groupes, cest
que nous tenions conserver les pratiques
davant et donc de ne pas se sparer des autres :
nous avons fait une sorte de travail ouvert et tout le
monde pouvait passer. Nous avions demble
rserv des pices libres pour les mettre la
disposition dactivits. Tout le monde avait la
possibilit dorganiser des choses dans la pice
commune. Il y avait par exemple des
Bhagwanjnger dans la maison den face. Personne
ne savait ce que ctait et ils nous lont expliqu
[lauteur nen dit pas plus sur ce que cest]. Tout ce
que nous ne connaissions pas nous intressait,
jusqu ce que nous ralisions de quel truc il
sagissait. Nous avons aussi tourn un film en super
8. On avait russi se procurer une camra et
prvenu une foule de copains. Lide tait de faire
un film ironique sur le quartier est et sur nos faons
de vivre. Suite une perquisition peu de temps
aprs, il a t perdu. Nous lavions tourn pour rien.
Une autre fois, nous avons accroch des
banderoles sur la faade de notre maison lors du 1er
Mai. A cette date, le journal dEtat contenait les
rsolutions, numrotes de une cinquante, quil
convenait de prendre. Nous avons alors affich de
faon satirique des rsolutions sur la baraque en
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ruine comme Embellir nos villes et nos
quartiers. Les banderoles sont bien restes
trois heures. Puis il y a eu une gigantesque
bousculade, la police a bloqu la rue et les
pompiers ont dcroch les banderoles. Nous
avons tous/toutes t embarquEs. Comme
nous avions emport avec nous le journal,
Neues Deutschland, nous avons
simplement dclar : Quy pouvons-
nous si cette baraque en ruine a lair si
naze ?. Aprs cette action, les flics sont
devenus de plus en plus violents, ilspassaient presque tous les jours, raflant
tout le monde, ptant tout. Nous avons
fini par nous rsoudre abandonner le
lieu. Les personnes qui vivaient
ensemble se sont disperses aux quatre
coins de la ville. La sparation sest
faite toute seule car il arrive toujours
un temps o chacunE veut une chose
diffrente. Mais ils nont jamais russi
nous faire clater. Aujourdhui
encore, je vois des personnes de cette
poque.
LARME
A 18 ans, aprs laction de la
Sachsenplatz, jai d aller
larme. Ils mont envoy au
service car cela leur permettait de
mloigner pendant au moins un
an et demi. Lorsque jai reu mon
ordre dincorporation, je me suis
enfui en Bulgarie o je suis
rest trois mois. A mon retour,
ils mont arrt et confisqu le
passeport puis interdit de quitter
le territoire. A la session suivante
lanne daprs, jai d y aller.
A vrai dire, je ne voulais pas
aller chez les Bausoldaten
[rgiment de gnie militaire, sans
armes, rserv aux insoumis ou
objecteurs] parce que je trouvais a
trop con. Ils mont affect de force
dans ce bataillon 99, une unit
punitive. Ils nous faisaient faire un
travail en usine que plus personne
neffectuait. Cest ainsi que nous avons
travaill dans un boui-boui empoisonn
Leuna [ple ptro-chimique de RDA].
Nous tions tous l pour des motifs diffrents,
chacun stant fait remarquer dune faon ou dune
autre. Mme les off iciers avaient t muts pour
raisons disciplinaires.
A larme, javais galement affaire la
Stasi. Ils ont voulu menfermer dans la taule
militaire de Schwedt pour refus dobir,
dsertion et tout le bataclan. Le plus stupide,
cest que lorsque tu sors de Schwedt, il te faut
rattraper le temps perdu pour le service et la
merde recommence zro. On rentre alors dans
un cercle infernal. Connaissant cela avant le
procs , jai simul un sui cide et me sui s
retrouv linfirmerie. Mais pour les soldats et
les subalternes, il nexistait pas dinfirmerie
militaire, seuls les officiers y avaient droit.
Lhpital civil ma foutu la porte car ils
taient embarrasss par mon cas. Dans le fond,
javais vis juste, je sortais sans internement
avec une sorte de certificat de fou qui allait
mviter Schwedt. De retour dans mon unit,
je nai plus rien fait daut re que rester assis
ou servir table en attendant dtre
dmobilis.
Quand je suis rentr, jai rejoint des
amis dans un squat.
PARTIR OU RESTER
Au dbut, nous dbordions plutt
dnergie. Nous pensions pouvoir
provoquer des choses, au moinsconstruire notre propre espace
dans une partie de la ville.
Nous avons longtemps
essay dagir avec la
popula tion, not amment lors
dactions ludiques destines
provoquer quelque chose. Mais
un moment, nous en avons
eu ras-le-bol. Les gens taient
si stupides. Il ny avait plus
rien faire avec eux. Ctait
grave, frustrant et cest aussi
une des raisons pour
lesquelles tant de personnesvoulaient se barrer. Ce ntait ni
cause des flics, ni cause de
toute cette violence dEtat, mais
cause de la population si
limite. Avec elle, il tait
impossible de briser quoi que
ce soit.
Nous avons vra iment
essay des annes durant, mais
ensuite a a t de pire en pire
avec cette ambiance de dlation.
Le simple fait de thabiller
autrement te faisait remarquer, tu
tais dj estampill.
Certaines personnes qui
ont habit avec nous ont dit
nous allons passer par la voie
officielle et sont volontairement
entres au Parti pour y changer
quelque chose. Elles voulaient se cogner la
tte contre les murs jusqu ce que a
bouge, mais a na pas march.
Ce que nous navons jamais fait, cest de
crer consciemment des groupes clandestins.
Nous tions solidaires les unEs des autres,
mais nous ne voulions pas crer de parti ou
dorganisation de rsistance. Nous navions
pas l intention de crer cela, mme si certainEs
y ont certainement pens... On voit aujourdhui
ce qui est sorti de tous ces mouvements
citoyens et de ces partis alternatifs.
Javais 21 ans lorsquil y a eu ces
occupations dambassades Berlin-est, et les
flics ont vraiment russi tout faire clater [en
1983] : certainEs voulaient rester l, dautres
quitter le pays. Comme tant de personnes sont
par ties, jai pri s le train en marche et
finalement mon tour dpos une demande de
sortie.
Javais galement dautres raisons. Priv
de passeport, je devais rester dans une
habitation prcise o la Stasi tournait en
permanence, rentrant dans lappartement tout
bout de champ sans aucun scrupule. Pourtant,
je nai jamais rien fait spcialement pour me
faire expulser de RDA.
Tant que ma mre tait au Parti, je profitais
dune petite libert. Quand ils lont jete, ils
mont prcis que si je ne changeais pas, cest
la prison qui mattendait. Ils mont alors coll
un an ferme pour un truc mont de toutes
pices, complicit de fuite. Ils ont util is un
agent eux qui a prtendu vouloir senfuir. Il
mavait laiss des affaires quil ne pouvait pas
emporter et l, ils mont coinc pour
complicit. Dautres personnes sont aussi
tombes dans cette histoire, bien sr on a
jamais revu ce type.LOuest na jamais t pour nous ni une
vitrine, ni une image idale. Il y avait bien ces
braillards qui taient dans lopposit ion juste
cause de la sparation en deux de lAllemagne,
mais ceci nexistait pas chez nous.
Fin 1970/dbut 80, ctait lpoque des
squats Berlin-ouest. Ctait remarquable pour
nous dans le sens o les contradictions quils
posaient dans la soci t bourgeoise tai ent
semblables aux ntres. Ca nous semblait juste.
A cette poque, les vnements de l-bas nous
servaient donc de base comparative.
Comme il se passait beaucoup de choses
Berlin-ouest, beaucoup de personnes y sontalles aprs avoir russi passer de lautre
ct. A Kreutzberg, il y avait des maisons
entires pleines de gens de lEst. Les gens
avaient certes le mur derrire eux, mais ce qui
se passait les touchait encore ; comme ils ne
pouvaient rien y faire, ils se sont de plus en
plus engags l ouest.
LA STASI NE LCHE PAS LAFFAIRE
Quand lhistoire avec la Stasi a commenc,
javais 17 ans. Quand jai migr , jen avais
24. En vivant des annes durant avec ces gens,
tu fais attention tout faire de manire un peu
illgale, tre prudent, mais tu nas plus peur.
Ils peuvent tarrter chaque jour, faire comme
ils veulent. Cest aussi ce quils ont fait. Et
cest ainsi que nous avons vcu.
Lorsquils sont devenus vraiment
dangereux, je nai plus eu dautre issue que de
partir le plus vite poss ible. L, ja i alors
compris que non seulement ils me feraient
croupir en taule mais quils me buteraient aussi
peut-tre au coin dune rue.
Ils sont arrivs en pleine nuit, ils ont
enfonc les portes, un mlange de flics de base
et de civils, tel point que je savais plus qui
tait qui. Une fois, ils mont ligot, tran en
bas et fail li me balancer travers la vitre. Lun
deux a gueul : balancez ce porc travers la
vitre !. Ils mont ligot tous les membres et
voulaient vraiment me balancer. Quils nous
foutent des coups en permanence, ctait
habituel, mais avec les mthodes nazies quils
ont employes par la suite, jai vraiment eu
peur. Ils mont dsign comme un meneur. Je
connaissais beaucoup de monde et mon nom est
apparu de nombreuses fois au cours de divers
interrogatoires. Pour eux il fallait toujours un
coupable, jamais un groupe, il fallait toujours
que quelquun ait tout influenc. Cest la
raison pour laquelle quelquun tait toujours
plus puni que les autres.
Lorsquils mont arrt une autre fois, ils
ont tent de menfermer en psychiatrie. L,
quand tu y es, tu nen ressors jamais. Ils
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savaient que javais dj eu affaire
linfirmerie larme et voulaient
my enfoncer. Ils mont fait
comprendre quils me prenaient pour
un fou et quils profiteraient de la
moindre occasion pour me mettre
hors circuit en menfermant. Le MfS
[ministre de lintrieur, Stasi] ma
fait un certificat psychiatrique pour
mviter un jugement, tout mon
avantage ! Mais ils ont encore une
fois laiss tomb, ils voulaientsurtout meffrayer.
Aprs de telles preuves,
beaucoup de personnes se sont
retires. Pas mal se sont replies sur
leur demande de sortie et nont plus
vcu que pour a. Dautres sont
rentres dans le systme de vie
bourgeoise, el les se sont maries, etc.
A la fin, en 1982, il ne restait plus
beaucoup de monde parmi nous. Il
nous manquait ce fameux soutien, car
on a jamais russi se mettre au clair
avec la population normale. Ceux-
l, ils vivaient leur vie en RDA. Tu
ne pouvais rien y changer, au
contraire, ils te tombaient sur le
rble.
LA SERVITUDE VOLONTAIRE
Comme je ne trouvais de boulot nulle
part , la Stasi ma oblig accepter un
travail compltement stupide dans le
btiment.
Ceux-l et leur brigadier mont
aussi foutu une pression totale. Je ne
correspondais pas du tout limage
de leur Brigade, et ils avaient peur de
ne pas pouvoir devenirBrigade du
travail socialiste [qui permet
dobtenir une prime, lie
lobtention dobjectifs et
lexemplarit de la camaraderie,
symbole de lhomme nouveau, au
sein de la brigade]. Cest chaque
fois ce dont ils mont prvenu. Nos
rapports taient vraiment tendus. Je
leur disais daller se faire foutre avec
toute leur merde. Dans ces brigades,
il y avait toujours quelquun avec qui
on pouvait discuter raisonnablement
mme si tous les autres portaient des
illres. Ils taient tout simplement
rouges, rouges en bouffer de la
pail le. Ce ntaient mme pas des
collaborateurs zls du systme, ils
ne savaient mme pas ce quils
faisaient. Ils ne voyaient que leur
peti t confor t, rien de plus. Ctaient
typiquement ceux qui retournaient
leur veste et qui, lorsque a a t un
peu plus mal pour eux, cracheraient
ensuite sur la RDA, soudainement
devenue de la merde. Les mmes qui
peu de temps avant criaient encore
Hourra !. Ctaient typiquement
les citoyens qui, mis sous pression,
pensaient quils avaient t out int rt
se dissocier des autres.
La socit toute entire tait
conue pour a : fous les autres dans
la merde et a ira mieux pour toi. Ils
nont pas rflchi plus loin que cela.
Jtais marqu au fer rouge du fait
mme que la Stasi mavait forc
accepter ce travail. Je navais rien
ajouter. Cest ainsi qutaient les
rapports, tu navais rien faire dans
leurs relations.
Il y avait cependant toujours
quelques personnes diffrentes.Lorsque jai travaill dans une
librairie, il y avait des personnes qui
se contentaient simplement de faire
leur boulot. Ils ne rvaient pas de
devenir des chefs au Parti et ne
faisaient pas de lche. Mais ceci
nexistait que dans les petites usines.
Dans les autres, il y avait forcment
une ligne centrale et cette hirarchie
o lon marche sur les autres pour
que lensemble corresponde aux
attentes officielles.
Il tait mme parfois possible de
discuter avec quelques fidles du
Parti. Ma mre y tait aussi. Mais
elle ny croyait pas de cette manire
totalitaire de merde. Les autres, ceux
qui ne collaboraient pas, taient tout
de suite des ennemis dEtat. A
lpoque, il suffisait davoir fait
quelque chose qui ne leur plaisait
pas. Tu tais pour ou contre. Il ny
avait rien entre. Si tu nallais pas
voter, cest que tu tais contre la
RDA et tu tais traitE comme telLE.
Qui nest pas pour est contre tait
la devise de Mielke [chef de la Stasi ].
Je suis parti en 1987, ctait
justement une phase de stagnation.
Ils avaient expuls ou enferm
tellement de gens quil ne se passait
plus grand chose Leipzig, comme
un reflet de cette vague de
rpression. Cela a repris en 1988/89,
quand tous les groupes de lEglise
ont saut dans le vide et occup les
espaces que nous avions rempli
prcdemment [le mur est tomb en
octobre 1989].
Gurke
(n en 1962)
[Traduit de lallemand par L. Tir de
Haare auf Krawall, Jugendsubkultur in
Leipzig 1980 bis 1991, Connewitzer
Verlagsbuchhandlung, pp. 27-33 (292
pages), t 1999]
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LA SURVIE QUOTIDIENNE LA FIN DES ANNES 60
EN 1968, NOUS AVIONS tous entre 18 et 25 ans. Aujourdhui, ilmest dsormais difficile de dire si ne pas travailler relevait duculte ou si ctait tout simplement un moyen de se soustraire cestravaux stupides, car comme de toutes faons 90 % dentre nousstaient dj fait remarquer dans le mauvais sens du terme, noustions certains de ne devenir ni tudiants [situation rserve auxjeunes dociles par le Parti] ni dobtenir ce qui convient de nommertravail satisfaisant. Jai par exemple boss comme serveuse dansun bar, fait des tartines dans une cuisine et mme des gardes denuit en psychiatrie. Un autre a travaill chez le marchand decharbon. Nous faisions de petits boulots de temps autre, nonpas parce que nous le voulions, mais parce que la Stasi aimaitparticulirement lancer des enqutes pour comportementasocial et faire enfermer pour des annes les indsirables.
Lorsque nous remarquions quils recommenaient sintresser nous, quils nous convoquaient, que a sentait leroussi, nous cherchions vite un nouveau petit job. On trouvaittoujours un truc pour bosser en RDA, quelque chose
dinvitablement chiant. Ca permettait dvacuer lenqute unmoment.Nous nous sommes balads de taf en taf tout en essayant de
fuir le plus possible ces tristes obligations.Au milieu des annes 70, nous avions appris quon pouvait
trs bien sen tirer en fabricant des babioles, vestes et pantalonstricots main, cest--dire ces articles quon ne pouvait se procurerde manire lgale. Ds lors, tout a bien march pour nous, tout aumoins financirement. Mais vrai dire, ce ntait pas une questiondargent. Il navait pas le rle quil a aujourdhui. De toutesmanires, dans les communauts [tablies en squat] il y avaittoujours une ou deux personnes qui devaient justement allerbosser, en fonction de la surveillance.
Nous tions huit vivre dans notre maison, deux travaillaient.
Nous mettions tout largent que nous possdions dans une caissecommune. Sinon, il y avait la petite criminalit habituelle : volerdes vivres dans les supermarchs fonctionnait trs bien. On nenous a pas chop une seule fois. Nous avons tous chourr commedes corbeaux, nous prenions ces trucs parce que nous pensionsque cette maudite socit nous devait quelque chose, pas parceque nous navions pas les moyens de lacheter. Dailleurs tout taitridiculement peu cher Nous avons vraiment bien russi nous ensortir, parce que nous tions aussi relativement modestes et pleindimagination. Le loyer slevait 22,70 DM, ce qui divis par troisfaisait peu. Les autres habitantEs ne payaient naturellement rien la socit HLM. Celle-ci navait mme pas russi installer descompteurs, et lorsque ce fut fait, ils furent immdiatement casss.En cinq ans, ils nont rien remarqu, mme si on faisait tout cela
larrach.
Ilona(ne en 1950)
[Traduit du mme livre que prcdemment, extrait p.18]
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JE SUIS UN HOMME LIBRE, et commehomme libre, je suis all faire unbraquage. Je suis libre, mme maintenantalors que j'cris derrire les barreauxd'une prison sordide, monument de ladmocratie rpressive de l'Etat.
Je suis libre parce que je suis hors desmurs gris surveills par les fidles chiensen uniforme, je suis loin des barbelsrouills, parce que je vis dans chaque actede rbellion, je fais partie de chaquervolutionnaire, de chaque proltaire, dechaque exploit.
Il y en a qui pensent que la solution leurproblme est d'enfermer certains d'entrenous (toujours trop malheureusement !)dans ces quelques mtres carrs, en nousprivant de la libert de nos corps, mais ilsne comprennent pas que la libert ne
rside pas les corps.Est-ce que l'employe qui, tous les matins,va son bureau qu'elle hait parce qu'elleest victime du chantage de ceux qui luidonnent un salaire misrable poursurvivre, est libre ? Est-ce que l'ouvrier, lacuisinire, le mineur, l 'enseignant,victimes du mme chantage vendre bas prix leur corps sur un talage dumarch du travail sont libres ?
En quoi sont-ils/elles diffrentEs desprostitues qu'ils/elles dnigrent tant, cesgens bien ?
Est-ce que la fille, l'enfant, dont laconscience, la moralit, la sexualit sontquotidiennement viols par la moraletordue et religieuse qui imprgne chaqueparcelle de notre socit, sont libres ?
Est-ce que mon pre tait libre lorsqu'il aabandonn sa langue pour utiliser celle dupatron ? Est-ce que ma mre tait librequand, pour me soustraire l'exclusion et la violence de l'imprialisme italien, ellea dcid de ne pas menseigner notrelangue ?
Et pourtant le monde est remplid'hommes et de femmes libres commetous ceux-l, femmes et hommes qui ne serendent mme pas compte que leur celluleest bien plus petite que la mienne, parcequ'elle ne dpasse pas leur piderme : ilssont la fois prisonniers et leur propreprison prisonniers d'eux-mmes. Leursailes sont englues par un liquide visqueuxet liberticide que les Etats rpandent surles individus, communauts, pour lesempcher de voler et d'observer lesmonstruosits qu'ils accomplissent sur laterre
Nous, dlinquants, malfrats, hors-la-loi,nous ne sommes pas un problme pour lasocit, mais un fruit de son problme,nous sommes ses enfants : nous sommes
fils de l'ingalit et de l'injustice lgalise,et tant qu'il y aura un monde bas surl'ingalit, nous serons l, ses fils, enpromenade de par le monde, toujoursprts se rapproprier ce qui est nous.
Tant que le systme actuel engendrera
des souffrances, il y aura des mainssouffrantes prtes s'armer contre luipour tre libres. Tant que tout celacontinuera exister, il y aura desconsciences prtes comploter, subvertiret attaquer l'existant.
Ce sont ces mains et ces consciences,armes par la volont de combattre, quime donnent aujourd'hui, ici en taule, laforce de vivre et de lutter avec la certitudeque, demain, nous serons encoreensemble, unis dans cette mme lutte ;que nous continuerons encore, cte
cte, dans le futur, parce qu'il nousappartient.
Je vous embrasse.
Solidarit avec tous les camaradespoursuivis, perquisitionns, perscuts parl'imprialisme bourgeoisPour la fin du 41bis [les prisons spcialesitaliennes] et de tous les rgimesd'incarcration spciaux dans le mondePour la libration immdiate de tous lesmalades en phase terminale ou qui ontune maladie gravePour la libration immdiate de ceux quiont pass vingt ans en prison
La lutte n'est pas un devoir moral mais leplus sublime des plaisirs
Torre Nura,de la prison de Badhe karros.
[Le 9 fvrier 2001, Michele Deroma,Federico Pais, Riccardo Sotgia et SalvatoreNurra ont t arrts au cours dubraquage d'une bijouterie Luras(Sardaigne). Le 13 juillet 2001, Federico,
Torre et Ricardo ont pris 5 ans et quatremois, Michele a pris 7 ans et quatre moisplus un an de contrle judiciaire (il a prisplus parce que rcidiviste). L'appel a eulieu le 15 janvier 2002 et a confirm lespeines]
Traduit de litalien, tir de Su Gazetinu (viaMelas 24 - 09040 Guasila (CA) - Italie), n5,janvier/fvrier 2002, p12
On peut leur crire :
Salvatore Nurra et Michele Deroma Carcere Badhe karros 08100 Nuoro
Federico Pais Carcere Buoncamino 09126 Cagliari
Riccardo Sorgia a t transfr fin 2002, nousnavons pas sa nouvelle adresse.
Cette Semaine - janvier 200312
Ce texte sign Solidarit Internationale est paru (enespagnol) dans le journal "Obrer Prisoner", et vise engager une discussion avec les prisonnier-e-s en luttecontre le FIES, sur la stratgie et les mthodes dvelopper pour appuyer leur combat. Suit une listed'acti