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RÉCLAME-MOI
CAPTURE-MOI:VOLUME3
ANNAZAIRES
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Tabledesmatières
Mentionslégales
LaFuite
Chapitre1
Chapitre2
Chapitre3
Chapitre4
Chapitre5
Chapitre6
Chapitre7
Chapitre8
Chapitre9
Chapitre10
Chapitre11
Chapitre12
Chapitre13
Chapitre14
Chapitre15
LaPiste
Chapitre16
Chapitre17
Chapitre18
Chapitre19
Chapitre20
Chapitre21
Chapitre22
Chapitre23
Chapitre24
Chapitre25
Chapitre26
Chapitre27
Chapitre28
LeGardien
Chapitre29
Chapitre30
Chapitre31
-
Chapitre32
Chapitre33
Chapitre34
Chapitre35
Chapitre36
Chapitre37
Chapitre38
Chapitre39
Chapitre40
LaNouvelleCaptivité
Chapitre41
Chapitre42
Chapitre43
Chapitre44
Chapitre45
Chapitre46
Chapitre47
Chapitre48
Chapitre49
Chapitre50
Épilogueenprime:Nora&Julian
ExtraitdeTwistMe-L’Enlèvement
ExtraitdeLiaisonsIntimes
ExtraitdeLeslecteursdepensèe
Àproposdel’auteur
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Ceciestunroman.Lesnoms,lespersonnages,leslieuxetlesévénementsontétéimaginésparl’auteurousontutilisésdemanièrefictiveettouteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesounon,avecdesentreprisesexistantes,desévénementsoudeslieuxréelsestpurementfortuite.
Copyright©2016AnnaZairesetDimaZaleswww.annazaires.com/series/francais/
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Couverture:NajlaQamberDesignsnajlaqamberdesigns.comPhoto:LindeeRobinsonPhotographyModèles:SarahStrovenandAdamStrovenSousladirectiondeValérieDubarTraduction:JulieSimonet
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I
LAFUITE
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L
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ucas
―RÉPÈTE ? JESERREENCOREPLUSFORTLETÉLÉPHONEET JESUISSURLEPOINTDELEBROYERDANSMAMAINalorsquemon incrédulité sechangeenune ragebrûlante.Putain,qu’est-cequeçaveutdire,elle s’estenfuie?
―Jenesaispascequis’estpassé.Lavoixd’Eduardoesttendue.Noussommesrentréscheztoiilyaunedemi-heureetellen’étaitpluslà.Lesmenottesétaientsurlesoldanslabibliothèqueetlescordesavaientétécoupéesavecquelquechosedetranchant,unpetitobjet.NousavonsdemandéauxgardesdepasserlajungleaupeignefinetilsontretrouvéSanchezinconscientprèsdelabordurenorddudomaine.Ilavaitunsacrétraumatismecrânien,maisnousavonsréussiàleréveillerilyaquelquesminutes.Ilditqu’elleacroisésonchemindanslaforêt,maisqu’ellel’aprisaudépourvuetl’aassommé.C’étaitilyaplusdetroisheures.Etmaintenant,nousexaminonslesenregistrementsdesdrones,maisçan’apasl’airprometteur.
Àchaquenouvellephrasedugarde,marages’amplifie.―Commenta-t-ellepumettrelamainsur«unpetitobjettranchant»?Etcommenta-t-ellepuouvrir
lesmenottes,putain?Diegoettoiétiezcensésnepaslaquitterdesyeux…―C’est ce qu’on a fait. Eduardo semble complètement décontenancé. Après chaque repas, nous
avonsfouillésespochescommetunousl’avaisditetnousavonsplusieursfoisvérifiélasalledebains,c’estleseulendroitoùellepouvaitêtreseulesansêtreligotée.Elleadûtrouverlemoyendecacherunrasoirouunelime,maisjenesaisniquandnicomment.Soit,ellelesavaitdepuispluslongtemps,soit…
―OK,admettons-lequevousnevoussoyezpascomplètementplantés.Jerespireprofondémentpourmaîtriserlacolèrequigrondedansmapoitrine.Maintenantcequicomptec’estdetrouverdesréponsesànos questions et de découvrir où se trouvent les failles de notre système de sécurité. J’ajoute pluscalmement:deplus,commenta-t-ellepusortirdudomainesansdéclencherlesalarmesetsansqu’aucundesgardespostéssurlestoursnes’enaperçoive?Chaquecentimètredecepérimètreestsurveillé.
Ilyaunlongsilence.PuisEduardoditàvoixbasse:
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―Jenesaispascommentçasefaitqu’aucunedesalarmesnesesoitdéclenchée,maisilestpossiblequependantuneheureoudeuxcertainespartiesdeslimitesdudomainesoientrestéessanssurveillance.
―Quoi?Cettefois,jenepeuxretenirmacolère.Qu’est-cequetuveuxdire,putain?―Onamerdé,Kent,mais,jetejurequ’onnepensaitpasquelesystèmeélectroniquedesurveillance
pourraitlaisserpasserquoiquecesoit.Lejeunegardes’estmisàparlerplusvitecommes’ilvoulaitsedébarrasserdecequ’ilavaitàluidire.C’étaitjusteunepartiedepokerentrecopains.Nousnesavionspasquel’ordinateurne…
―Unepartiedepoker?Jemurmured’untonglacial.Vousfaisiezunepartiedepokeralorsquevousétiezdegarde?
― Je sais. Eduardo semble sincèrement navré.C’était stupide, c’était irresponsable et je suis sûrqu’Esguerravanousfairepasserunmauvaisquartd’heure.Nousavonsseulementpenséqu’avectoutcetéquipementçaneseraitpasgrave.C’étaitseulementunmoyendesemettredeuxoutroisheuresàl’abridelachaleurdel’après-midi,tucomprends?
Simamainpouvaitalleràl’autreboutdufiletétranglerEduardo,jeleferaisvolontiers.― Non, je ne comprends pas, ai-je laissé échapper. Pourquoi ne pas me l’expliquer bien
tranquillement?Ouencoremieux,passe-moiDiegopourqu’illefasse,lui.Ilyaencoreuninstantdesilence.Puisj’entendsDiegomedire:―Lucas,écoute,monvieux…Jenesaismêmepasquoitedire.Lavoixdugarde,d’habitudepleine
d’entrain,estlourdedeculpabilité.Jenesaispaspourquoielleadécidédepassersouscettetour,maisjesuisentrainderegarderlesenregistrementsdesdronesetc’estprécisémentcequ’elleafait.Elleestpasséesousnotrenezendirectiondel’ouestpuiselleatraversélepont.C’estcommesiellesavaitoùaller et à quel moment. Sa voix prend une nuance d’incrédulité. Comme si elle savait que nousrelâcherionsnotrevigilance.
Jemepincelehautdunez.Putain!Sicequ’ilditestvrai,lafuitedeYulianedoitrienauhasard.Quelqu’un a donné à ma captive des détails concernant notre système de sécurité, quelqu’un qui
connaîtparfaitementleshorairesdesgardes.―Est-cequ’elle avuquiquece soit ?Lapossibilité laplus logique seraitque le traître est soit
DiegosoitEduardo,maisjeconnaisbiencesdeuxjeunesgardesetilssonttroployauxettropfutéspourcegenrededoublejeu.Àpartvousdeux,est-cequequelqu’unaparléavecelle?
―Non.Entoutcas,nousn’avonsvupersonne.LavoixdeDiegose tendcommes’ildevinaitmessoupçons.Évidemment,ellepassaitunebonnepartiedelajournéetouteseule;quelqu’unapuvenircheztoiennotreabsence.
―C’estvrai.Bordel, le traîtreauraitmêmepucontacterYuliaavantmondépartpourChicago.Jeveuxquetuexamineslesenregistrementsdesdronesconcernanttoutcequis’estpasséautourdechezmoidepuisquinzejours.Siquelqu’unamisneserait-cequ’unpieddansmavéranda,jeveuxlesavoir.
―Entendu.―Bon.Etmaintenant,partezàlapoursuitedeYulia.Ellenepeutpasêtreloin.Diegoraccroche,visiblementilveutseracheterpourlabourdequ’ilsontfaite,Eduardoetlui,etje
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remetsletéléphonedansmapocheenmeforçantàlâcherprise.Ilsvontlarattraperetilsvontlaramener.J’aibesoind’ycroire,sinonjeseraihorsd’étatdetravaillercesoir.
TOUTENATTENDANTDESNOUVELLESDEDIEGO,JEM’OCCUPEDESGARDESPOURM’ASSURERQU’ILSSONTTOUSENposition dans lamaison qu’Esguerra habite pendant son séjour à Chicago. Cette demeure est dans lequartierrésidentieldePalosParketelleestbiensituéepourassurersasécurité,mais jevérifiequandmême lescamérasquiviennentd’être installéespourvoir s’iln’yapasd’anglesmortset jepasseenrevuel’horairedespatrouillesaveclesgardes.Jelefaisparcequec’estmonboulot,maisaussiparcequej’aibesoindenepaspenseràYuliaetd’oublierlacolèrequim’étouffeetmebrûlelapoitrine.
Elles’estenfuie.Jen’avaispasplustôttournélestalonsqu’elles’estprécipitéeverssonamant,versceMishaqu’ellem’aimploréd’épargner.
Elles’estenfuiealorsquedeuxjoursauparavantellem’avaitditqu’ellem’aimait.Quandj’ypense,laragequim’envahitestàlafoisviolenteetirrationnelle.Jenesaismêmepassi
c’estàmoiques’adressaient lesparolesdeYulia ;elle lesamarmonnéesdansundemi-sommeilet jen’ai pas eu l’occasion de la confronter. Et pourtant j’ai passé une nuit blanche avant de partir enmedemandantsiellem’aimeounon.
Pour la première fois de ma vie, j’ai senti que j’étais proche de quelque chose… proche dequelqu’un.
Jet’aime.Jesuisàtoi.Putain, quellementeuse ! J’ai dumal à respirer enme souvenant des tentatives deYulia pourme
manipuler,poursemettredansmespetitspapiersafinquej’acceptedesauverlaviedesonamant.Dèsledépart, elle s’est servie demoi.ÀMoscou, elle a couché avecmoi pour obtenir des renseignements,ensuiteelleafaitsemblantd’êtreunecaptivedocilepourfacilitersafuite.
LesmomentsquenousavonspartagésnecomptentpaspourYulia,etmoinonplus.Lasonneriedutéléphonequiestdansmapocheinterromptcesamèresréflexions.Je l’attrapeet je
voisquelenumérovientdudomaine.―Oui?―Onaunproblème.Diegoparled’unevoixsaccadée.Ilsemblequecettefilleavaitencoremieux
organisélemomentdesafuitequ’onnelepensait.Ilyavaitunelivraisondeprovisionsaudomainecetaprès-midietlapolicedeMirafloresvientjustederetrouverlechauffeur,ilmarchaitlelongdelarouteàquelqueskilomètresdelaville.Apparemment,ilauraitprisenstopunebelleAméricainejusteaunorddudomaine.Ilétaitpersuadéqu’ils’agissaitd’unetouristequiavaitperdusoncheminjusqu’aumomentoùelleatiréuncouteauetl’afaitsortirdelacamionnette.C’étaitilyaunpeuplusd’uneheure.
―Putain!Avecunevoiture,Yuliaatellementplusdechancederéussirànouséchapper.―FaisfouillerMirafloresetretrouvecettecamionnette.Demandedel’aideàlapoliceducoin.―C’estcequ’onfait.Jetetiensaucourant.
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Jeraccrocheetjerentredanslamaison.Lesbeaux-parentsd’Esguerraviennentdéjàd’arriverdansl’allée,ilsviennentdîneravecmonpatronetsafemmeetcen’estpaslemomentdeledéranger.Maisilfautquandmêmel’informerdecequis’estpasséetjeluienvoieparmailunmessaged’uneligne:
YuliaTzakovaestenfuite.
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ulia
DÈS QUE J’ARRIVE DANS MIRAFLORES, JE M’ARRÊTE DANS UNE STATION-SERVICE ET JE DEMANDE AU POMPISTEd’utiliserletéléphonequiestdanssapetiteboutique.Ilcomprendassezbienl’anglaispourmelaisserfaireetjecomposelenumérod’urgencequetouslesagentsd’UURconnaissentparcœur.Enattendantlacommunication,jenequittepaslaportedesyeuxetmesmainssontmoites.
DiegoetEduardoontdûs’apercevoirdemadisparition,cequiveutdirequelesgardesd’Esguerrasontàmapoursuite. J’aieudes remordsenmenaçant lechauffeurde lacamionnetteeten le forçantàdescendreduvéhicule,maisj’enavaisbesoin.Entoutétatdecause,jen’aipasdetempsàperdreavantqueleshommesd’Esguerraneretrouventmestraces,sicen’estdéjàfait.
―Allo!Unedoucevoixdefemmequimesalueenrusseramènemonattentionversletéléphone.―C’estYuliaTzakova,dis-jeendéclinantmonidentitéactuelle.Moiaussi,jerépondsenrusse.Je
suisàMirafloresenColombieetj’aibesoindeparlerimmédiatementàVasiliyObenko.―Code?J’énumèreuncertainnombredechiffrespuisjerépondsauxquestionsquemeposel’opératricepour
vérifiermonidentité.―Restezenlignes’ilvousplaît,dit-elle,puisilyauninstantdesilenceavantquejen’entendeun
clicquisignifieunenouvellecommunication.―Yulia? Je l’entendsà savoix,Obenkoadumalà le croire.Vousêtesenvie?Le rapportdes
Russesdisaitquevousétiezmorteenprison.Commentavez-vous…―Lerapportamenti.Cesontleshommesd’Esguerraquim’ontenlevée.Jegardelavoixbasseen
merendantcomptequelepompistem’examined’unairsoupçonneux.Jeluiaiditquej’étaisunetouristeaméricaineetmaintenantjeparlerussecequileplongeévidemmentdansletrouble.Écoutez,vousêtesen danger. Tous ceux qui sont liés àUUR sont en danger. Il faut vous cacher et il faut queMisha secache…
―Vousêtesauxmainsd’Esguerra?Obenkosemblehorrifié.Alorscommentpouvez-vous…
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― Je n’ai pas le temps d’expliquer. Jeme suis échappée,mais onme cherche. Vous devez vouscacher,vousettouslesmembresdevotrefamille.EtMishaaussi.Ilsvontveniràvostrousses.
―Ilsvousontfaitparler?―Oui.Ma gorge est nouée tellement je m’en veux, mais je parviens à garder un ton calme. Ils
ignorentoùvousêtesactuellement,maisilsconnaissentlesinitialesdel’agenceetlevéritablenomd’unancienagent.Cen’estqu’unequestiondetempsavantqu’ilsnevousretrouvent.
―Putain!Obenkogardeuninstantlesilencepuisildit:ilfautquenousvousexfiltrionsavantqu’ilsnevousreprennent.Enfait,ilveutdire:avantqu’ilspuissentvoussoutirerd’autresrenseignements.
―Oui.Lepompistepianotequelquechosesursonportabletoutenmejetantuncoupd’œilet jesaisqu’il
fautfairevite.J’aiunevoiture,maisj’aibesoind’aidepourquitterlepays.―Entendu.Vouspouvezvous rapprocherdeBogota?Nousallonspeut-êtrepouvoirdemander au
gouvernementvénézuéliendenousrendreserviceetdevousfairepasserlafrontièreendouce.― Je crois que ça sera possible. Le pompiste repose son portable et s’avance vers moi si bien
qu’avantderaccrocherjedisrapidement:J’yvais.Lepompisteestpresqueàcôtédemoi,lessourcilsfroncés,maisjesorsàtoutevitessedelaboutique
avantqu’iln’aitletempsdem’attraper.Jesautedanslacamionnette,jefermelaportièrederrièremoietjedémarre.Lepompistecourtderrièremoi,maisjesorsdéjàduparkingsurleschapeauxderoue.
Denouveausurlaroutejefaislepoint.Ilnerestequ’unquartd’essencedansleréservoiretilestvraisemblablequelepompisteaprévenulesautoritéscequiveutdirequelevéhiculeserarepéréplusvitequeprévu.
Ilfautquej’entrouveunautrepoursortirdeMiraflores.J’ai le cœur battant en accélérant et je pousse la vieille camionnette jusqu’à ses limites tout en
surveillantattentivementlaroute.Unkilomètre,unkilomètreetdemi,deuxkilomètres…Àchaqueinstant,monanxiétémonted’uncran.Combiendetempsmereste-t-ilencoreavantqueleshommesd’Esguerran’entendent parler de la blonde inconnue de la station-service ? Combien de temps avant qu’ils necommencentàchercherlacamionnetteavecleurssatellites?Sansdoutepasplusd’unedemi-heure.
Finalementunkilomètreplustardjevoiscequejecherchais:unpetitcheminquin’estpasgoudronnéetquisembleallerversuneferme.Enespérantquemonintuitionestbonne,jequittelarouteprincipalepourm’yengager.
Deuxoutroiscentsmètresplusloin,j’aperçoisunhangar.Ilestàunedouzainedemètressurladroiteet derrière lui se trouve un bois touffu. Je prends cette direction et je gare la camionnette derrière lehangar en la dissimulant sous les arbres. Si j’ai de la chance, elle ne sera pas repérée durant un bonmoment.
Etmaintenant,ilfautquejetrouveunautrevéhicule.Enm’éloignant du hangar, je trouve une grange avec un vieux tracteur en piteux état garé devant.
Commejenevoispersonne,jem’approchedelagrangeetj’yjetteuncoupd’œil.J’aidelachance!
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Dans la grange, il y a un petit camion. Il a l’air ancien et rouillé, mais ses vitres sont propres.Quelqu’uns’ensertdoncrégulièrement.
Enretenantmonsoufflejemeglissedanslagrangeetjem’approcheducamion.Lapremièrechosequejefaisestderegarderautoursurlesétagèrespourychercherlesclés;parfois,ilyadesgensassezbêtespourleslaisseràcôtéduvéhicule.
Malheureusement,çan’apasl’aird’êtrelecasdecefermier.Impossibledetrouverlesclés.Ehbientantpis!Jejetteuncoupd’œilautourdemoietjevoisunepierreattachéeàunboutdelino.Jel’attrapeet jem’en serspour fracasser lavitreducamion.C’estune solutionbrutale,maisçavaplusvitequed’essayerdetrafiquerlaserrure.
Etmaintenantvientleplusdifficile.Enouvrant laportièreduchauffeur, jemontesur le siègeet j’ouvre leboîtierdudémarreurqui se
trouvesouslevolant.Puisj’examinelefouillisdesfilsenespérantmesouvenircommentçamarchesansque le camion tombe en panne et sansm’électrocuter. Pendant ma formation, on a étudié les circuitsélectriques,maisjen’aijamaiseuàlefairesurleterrainetj’ignoresijevaisyarriver.Chaquevoitureest un peu différente des autres ; il n’y a pas de système de couleurs universel pour les fils et lesvéhicules anciens comme ce camion sont particulièrement compliqués. Si j’avais le choix, je nem’yrisqueraispas,maisencemomentc’estlaseulesolution.
Ilnesepasserien.J'essayedecalmerlerythmedemarespirationetjetentedifférentescombinaisonsdefils.Etàmatroisièmetentative,lemoteursemetenmarche.
Je pousse un soupir de soulagement, je ferme la portière et je sors de la grange pour rejoindre laroute.
Avecunpeudechance,lepropriétaireducamionnedécouvrirapasimmédiatementsadisparitionetj’atteindrailavillelaplusprocheavantd’avoirencorebesoindechangerdevéhicule.
TOUTENCONDUISANT,JEMEMETSÀPENSERÀLUCAS.EST-CEQUELESGARDESL’ONTPRÉVENUDEMAFUITE?EST-ilencolère?Pense-t-ilquejel’aitrahienm’enfuyant?
Je t’aime. Je suis à toi. Même maintenant je rougis en me souvenant de ces paroles que j’aiprononcéesenrêve,àmoinsqu’ilnes’agîtpasd’unrêve.Avantcettenuit-là,jenesavaispascequejeressentais,jen’avaispasréaliséàquelpointjem’étaisattachéeàmongeôlier.Ilyavaittantd’obstaclesentre nous, tant de peur, de colère et de défiance que j’ai mis du temps à comprendre cette étrangeattirance.
Àcomprendrequelquechosed’aussiirrationneletd’aussiabsurde.Tuvasmemanquer.C’estcequeLucasm’aditlelendemainmatinenmecâlinantsursesgenouxet
j’aieutouteslespeinesdumondeànepaséclaterensanglots.Savait-ilcequ’ilmefaisaitetàquelpointilmetroublaitendisantcesparolesempliesdetendresse?Etcettetendresseinattenduefaisait-ellepartiedesondiaboliqueplandevengeance?Commeunemanièreencoreplussadiquedemefairedumalsansm’infligerlemoindrebleu?
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Devantmoilaroutesebrouilleetjem’aperçoisqueleslarmesquej’airetenuescejour-làcoulentsurmonvisage, l’adrénalineprovoquéeparma fuite accentue encore ladouleurde ce souvenir. Jeneveux pas penser à lamanière dontLucasm’a fait parler, comment ilm’a déchiré le cœur alors qu’ilm’avaitpromislasécurité,maisjenepeuxpasm’enempêcher.Lessouvenirstournentenboucledansmamémoireetjen’arrivepasàleuréchapper.IlyaquelquechosedanslecomportementdeLucasdurantces derniers jours que je n’arrive pas à m’expliquer, quelque chose qui sonne faux et que j’avaisremarquésanspouvoirlecomprendrevraimentsurlemoment.
―Putain,nemesuppliepaspour le sauver, avait criéLucasquand j’ai intercédépourmon frère.C’estmoiquiailedroitdevieoudemort,pastoi.
Etiladitencored’autreschoses,deschosesquim’ontfaitmal.Etpourtantquandilm’aprisecettenuit-làiln’yavaitpasdecolèredanssescaresses.Oui,ilyavaitdudésir.Undésirfoudepossession.Cependant,pasdecolère,dumoins,paslegenredecolèreàlaquellej’auraispum’attendredelapartd’unhommemedétestantassezpourassassinerleseulmembredemafamillequimeresteencore.Etpuiscettephrase«tuvasmemanquer»lelendemainmatin.Ilyaquelquechosequinecollepas.
C’estinexplicable,saufsic’étaitdélibéré.S’ilcontinuaitàmetorturer.Jesuistellementconfusequejecommenceàavoirmalàlatêteetj’essuiemeslarmesavantdeserrer
plusfortlevolant.LesintentionsdeLucasàmonégardn’ontplusd’importance.Jemesuisenfuieetjenepeuxplusregarderenarrière.
Ilfautquej’avance.
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ucas
LEVENDREDIMATIN,JEMERÉVEILLEAVECUNMALDETÊTEÉPOUVANTABLEQUIACCENTUEENCOREMARAGE.J’AIÀpeinefermél’œil,DiegoetEduardom’onttenuaucourant,heureparheuredeleursrecherchesetilmefautdeuxcafésavantdereprendreformehumaine.
Rosaentredanslacuisineaumomentoùjevaisensortir,elleestenjeanaulieudesoncostumedebonnetraditionnel.
―OhbonjourLucas,dit-elle.Justement,jetecherchais.―Ah bon ? J’essaie de ne pas la regarder tropméchamment. Jem’en veux encore d’avoir eu à
découragerlepetitpenchantqu’elleapourmoi.Cen’estpasdelafautedeRosasimaprisonnières’estéchappéeetjeneveuxpasqu’ellesubissemamauvaisehumeur.
―LeSeñorEsguerraditquejepeuxallerexplorerlavilleaujourd’huisijeprendsungardeavecmoi,ditRosaenmeregardantavecinquiétude.Malgrémeseffortspourgardermoncalmeelleadûsentirquej'étaisencolère.Est-cequ’ilpourraityenavoirundelibre?
Jeréfléchisàcequ’ellemedemande.Franchement,laréponseestnon.JeveuxquetouslesgardesquiveillentsurlamaisondesparentsdeNorayrestentetilyaunquartd’heureEsguerram’aenvoyéunSMSpourmedire qu’il emmèneNoradansunparc, ce qui signifie qu’il aura besoind’aumoinsunedouzained’hommes.
―Jevais àChicagoaujourd’hui.Aprèsun instant de réflexion,voicima réponse : j’y ai rendez-vous.Tupeuxveniravecmoisiçane tedérangepasd’attendreunpeu.Ensuite, je t’emmèneraioù tuvoudrasetaprèsledéjeunerilyauraquelqu’und’autrepourmeremplacer,si tuveuxencoreresterenville.
―Oh,je…LapeaubronzéedeRosasemetàrougiretsesyeuxbrillentd’excitation.Tuessûrqueçanetedérangepas?Jen’aipasbesoind’yalleraujourd’huisi…
―Non,çava.Jemesouviensquemercredilajeunefillem’aditqu’ellen’étaitencorejamaisalléeauxÉtats-Unis.Jesuiscertainquetuesimpatientedevoirlavilleetçanemedérangepas.
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Peut-êtrequesacompagniemepermettradenepaspenseràYuliaetd’oublierquemaprisonnièreesttoujoursenfuite.
ROSABAVARDESANS INTERRUPTIONSURLAROUTEDECHICAGOETMERACONTETOUTESLESANECDOTESQU’ELLEAluesenlignesurlaville.
―Ettusavaisqu’elles’appellelavilleduventàcausedeshommespolitiquesquinevendentqueduvent ? dit-elle quand je m’engage dansWest Adam Street dans le centre-ville et que j’entre dans leparkingsouterraind’ungratte-cieldeverreetd’acier.Enfait,çan’arienàvoiravecleventquisouffledulac.C’estdingue,non?
―Oui,c’estincroyable,dis-jel’airabsentenjetantuncoupd’œilautéléphonequandnoussortonsdelavoiture.Jesuisdéçu,iln’yapasdenouvellesdeDiego.Enremettantletéléphonedansmapoche,jecontournelavoitureetj’ouvrelaportièrepourRosa.
―Viens,luidis-je.J’aidéjàcinqminutesderetard.Rosasedépêchederrièremoiquandjemedirigevers l’ascenseur.Ellemarchedeuxfoisplusvite
quemoietjenepeuxm’empêcherdecomparersadémarchesaccadéeaveclesenjambéesgracieusesdeYuliaquiadesilonguesjambes.Labonnen’estpasaussipetitequelafemmed’Esguerra,maisellenesemblevraimentpasgrande,surtoutdepuisquejemesuishabituéàYuliaquiaunetaillemannequin.
Putain,arrêtedepenseràelle.Mesmainsseserrentdansmapochealorsquej’attendsl’arrivéedel’ascenseur en prêtant une oreille distraite à Rosa qui me parle duMagnificentMile. L’espionne estcommeuneéchardesousmapeau.Endépitdetousmesefforts,jenepenseàriend’autre.Sanspouvoirm’enempêcher,jesorsmontéléphonepouryjeterunnouveaucoupd’œil.
Toujoursrien.―Alors,c’estquoicerendez-vous?demandeRosaetjem’aperçoisqu’ellemefixeenattendantma
réponse.C’estpourleSeñorEsguerra?―Non,dis-jeenremettantletéléphonedansmapoche;c’estpersonnel.―Ahbon.Ellesemblevexéeparlelaconismedemaréponseetjepousseunsoupirenmesouvenant
qu’ellenedoitpassubirleseffetsdemafrustration.Ellen’arienàvoiravecYuliaettoutecettesituationmerdique.
―J’airendez-vousavecmongestionnairedeportefeuille,dis-jeaumomentoùs’ouvrelaportedel’ascenseur.J’aijustebesoindesavoiroùensontmesinvestissements.
―Ah,jevoisditRosaensourianttandisquenousentronsdansl’ascenseur.Tuasinvesti,commeleSeñorEsguerra.
―Oui.J’appuiesurleboutondudernierétage.Cetypeestaussisongestionnaire.Faittoutenverreetenacier,l’ascenseurs’élanceverslehaut,etenmoinsd’uneminutenousarrivons
dansunhallélégantetmoderne.Pouruntypedevingt-sixansnédansunHLM,JaredWintersn’apasàseplaindre.Saréceptionniste,uneJaponaisemincedontilseraitdifficilededevinerl’âgeselèveànotrearrivée.
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―MrKent,dit-elleenmesouriantpoliment.Asseyez-vous,jevousenprie.MrWintersseraàvousdansuneminute.Puis-jevousoffrirquelquechoseàboireainsiqu’àvotrecompagne?
―Rienpourmoi,merci.Jejetteuncoupd’œilàRosa;tuvoudraisquelquechose?―Hum,non,merci,çava.Ellenequittepasdesyeuxlabaievitréeetlavillequis’étendsousnos
pieds.Avantque jen’aie le tempsdem’asseoirsur l’undesfauteuilsprèsde la fenêtre,ungrandhomme
brunsortdubureauetvientversmoi.―Désolé de vous avoir fait attendre, ditWinters enme tendant lamain. Ses yeux verts brillent
froidementderrièredeslunettessansmonture.Jeterminaisjusteunappel.―Pasdesouci,nousaussinoussommesunpeuenretard.Il sourit et je le vois jeter un coup d’œil à Rosa qui est restée debout, elle semble absolument
fascinéeparlavue.―Votrepetiteamie,j’imagine?ditWintersàvoixbasseetjesursautedesurpriseàcettequestion
personnelle.―Non,dis-jeenlesuivantendirectiondesonbureau.J’enailaresponsabilitépendantdeuxoutrois
heures.―Ahbon.Winters n’ajoute rien,mais aumoment oùnous entronsdans sonbureau jem’aperçois
qu’iljetteunnouveaucoupd’œilàRosa,commes’ilnepouvaits’enempêcher.
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―YULIATZAKOVA?Magorgesenoueetinstinctivementmamainseresserreautourducouteaucachédansmonjean.Un homme brun se tient devant moi. Il est parfaitement banal ; même ses lunettes de soleil et sa
casquettesontordinaires.Celapourraitêtren’importequidanslafouledumarchédeVillavicencio,maiscen’estpaslecas.
C’estlecontactd’ObenkoauVenezuela.―Oui,dis-jesanslâcherlecouteau.VousêtesContreras?Ilhochelatête.―Suivez-moi,jevousprie,dit-ilenrusseavecunaccentespagnol.Jelâchelemancheducouteauetjelesuisàtraverslafoule.Moiaussijeporteunecasquetteetdes
lunettes de soleil, je les ai volées en chemin dans une autre station-service, mais j’ai quand mêmel’impressionqu’onvamemontrerdudoigtenhurlant«C’estelle!C’estl’espionnerecherchéeparleshommesd’Esguerra!»
Mais àmon grand soulagement, personne ne semble vraiment faire attention àmoi. En plus de lacasquetteetdeslunettesdesoleil,j’aiachetéungrandtee-shirtetunjeantrèslargedanslamêmestation-service.Aveccesvêtementsinformesetmescheveuxcachésparlacasquette,jeressembledavantageàunadolescentqu’àunefemme.
Contrerasmeguideversunebanalecamionnettebleuegaréeaucoindelarue.―Oùestlevéhiculequivousapermisdevenirjusqu’ici?demande-t-ilquandjemonteàl’arrière.―Jel’ailaisséàunedouzainederuesd’ici,selonlesinstructionsd’Obenko,dis-je.Depuisnotre
premier contact àMiraflores, j’ai parlédeux fois avecmonpatron, ilm’a indiqué où se trouverait lerendez-vousetdonnésesordressurlaprocédureàsuivre.Jenepensepasavoirétésuivie.
―Peut-êtrepas,cependant,ilfautquenousvousexfiltrionsdeColombiedanslesprochainesheures,me dit Contreras en démarrant. Esguerra a étendu son périmètre de recherche. Votre photo est déjà
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signaléeàtouslespostes-frontière.―Alorscommentallez-vousmefairesortir?―Ilyaungrandbidonàl’arrière,ditContrerasenprenantlaroute.Etl’undesdouaniersmedoitun
service.Avecunpeudechance,çadevraitsuffire.Jehochelatêteensentantl’airfroiddelaclimatisationsurmonvisageensueur.J’aiconduittoutela
nuitennem’arrêtantquepourvoleruneautrevoitureettrouvédesvêtementset,jesuisépuisée.Surlarouteàchaque instant jem’attendaisàentendre levrombissementd’unhélicoptèreet lehurlementdessirènes.C’est unvéritablemiracle que je sois arrivée là sans encombre et je sais que la chancepeuttournerd’unmomentàl’autre.
Etpourtantmêmelapeurnepeutriencontremonépuisement.AlorsquelacamionnettedeContrerass’engage sur l’autoroute en direction du nord, je sensmes paupières se fermer et je ne résiste pas ausommeilquim’engourdit.
Jen’aibesoinquedem’assoupirquelquesminutesetensuitejepourraisfairefaceàcequim’attend.
―RÉVEILLEZ-VOUS,YULIA.L’ordrequemechuchoteContrerasm’arracheàunrêvedans lequel jeregardeunfilmavecLucas.
J’ouvrebrusquementlesyeuxenm’asseyantetenfaisantrapidementlepoint.C’estdéjàlecrépusculeetlacirculationsembleaupointmort.―Oùsommes-nous?Qu’est-cequec’estqueça?―Un barrage de police dit sèchement Contreras. Toutes les voitures sont fouillées. Cachez-vous
immédiatementdanslebidon.―Votredouaniern’estpas…―Non,noussommesencoreàvingtkilomètresdelafrontièrevénézuélienne.Jenesaispascequise
passe,maisçan’estpasbonsigne.Merde ! Je détache ma ceinture et je rampe de l’autre côté d’une petite vitre à l’arrière de la
camionnette.Commel’aditContreras,j’ytrouveunbidon,maisilal’airtroppetitpours’ycacher.Unenfantpourraityarriver,maispasunefemmedemataille.
Etpourtantdansuntourdemagieonfaitrentrern’importequidansquelquechosequial’airtroppetitpour ça. C’est le secret de la femme coupée en deux, quelqu’un de souple fait le torse et quelqu’und’autrelesjambes.
Jenesuispasaussisouplequel’assistanted’unmagicien,maisjesuisbeaucoupplusmotivée.Aprèsavoirouvertlebidon,jemecouchesurledosetjereplielesjambespouressayerderefermer
le couvercle surma tête.Après deux ou troisminutes sans y arriver jeme rends compte que ça seraimpossible :mes genoux dépassent aumoins de quinze centimètres. Pourquoi Contreras a-t-il pris unaussipetitbidon?Ilsuffiraitdequelquescentimètresdeplusetj’yarriverai.
La camionnette redémarre et jem’aperçois que nous approchons du barrage de police. Les portesarrièredelacamionnettevonts’ouvrird’uninstantàl’autreetl'onvamedécouvrir.
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Ilfautabsolumentquejemecachedansceputaindebidon.Engrinçantdesdents,jemetournesurlecôtéenessayantdecoincermesgenouxentremapoitrineet
laparoidubidon.Commeilsnetiennentpasdansunespaceaussipetit,jeretiensmonsouffleetj’essaiedenouveausanstenircomptedemesrotulesquimefontmalquandjelesheurtecontreleborddemétal.Tout en continuant à me débattre, j’entends le ton monter en espagnol et je sens que la camionnettes’arrêtedenouveau.
Noussommesarrivésaubarrage.Danstousmesétats,jemetourneetattrapelecouvercledelacaisse,jeletiresurmoid’unemain.Ilyadespas,suivispardesvoixàl'arrièredelacamionnette.Ilsvontouvrirlesportes.Le cœur battant, je me roule en boule en écrasant mes seins contre mes genoux. Malgré l’effet
anesthésiantdel’adrénaline,moncorpshurlededouleurdanscettepositionimpossible.Lecouvercleserefermesurlebidonetlesportesdelacamionnettes’ouvrent.
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MONRENDEZ-VOUSAVECWINTERSPRENDMOINSD’UNEHEURE.NOUSPASSONSENREVUEMESINVESTISSEMENTSETnousdiscutonsde laconduiteà tenirétantdonné lesdernièressecoussesdumarché.DepuisqueJaredWintersgèremonportefeuille,ill’amultipliépartrois,ildépassemaintenantlesdouzemillions,sibienque je nem’inquiète pas vraiment s’il liquide l’essentiel de mes actions et se prépare à vendre desvaleurstechnologiquesbiencotéesjusqu’ici.
―SonPDGestsurlepointd’avoirdegravesennuisaveclajustice,expliqueWintersetjeneprendspaslapeinedeluidemandercommentillesait.Ledélitd’initiésestpeut-êtreillégal,maisnoscontactsàlacommissionboursièrepermettentauxfondsdeWintersdepasseràtraverslesmaillesdufilet.
―Onparledequellesomme?Demandé-je.―Septmillions,répondWinters.Lasituationvamaltourner.―D’accord,dis-je.Allez-y.Septmillions,cen’estpasnégligeable,maissilesvaleurstechnologiquess’effondrentautantquele
penseWintersonpourraitencoremultipliermesrésultatspartroisoumêmedavantage.Nous passons encore en revue d’autres opérations boursières puis Winters me raccompagne à
l’accueiloùRosalitunmagazine.―Onyva?Ellehochelatêteenguisederéponse.Elleselève,reposelemagazinesurlatablebasseetnousadresseungrandsourireàtouslesdeux.―Toutàfait.―Encoremerci,dis-jeenmeretournantpourserrerlamaindeWinters,maiscen’estpasmoiqu’il
regarde.IlfixeRosadesyeux,sesyeuxvertsontuneexpressionétrange.―Winters?Jel’interroged’unairamusé.Illaquittealorsduregard.―Ohoui.Avecplaisir,marmonne-t-ilenmeserrantlamain,etavantquejenepuisseajouterunmot,
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ilseprécipitedanssonbureaudontilrefermelaportederrièrelui.
COMMEJEL’AIPROMISÀROSA,APRÈSCERENDEZ-VOUS JEL’EMMÈNEFAIREDESCOURSESDANSLEMAGNIFICENTMilequ’onappelleaussiMichiganAvenue.Tandisqu’elleessaiedes robesdansungrandmagasin, jem’assiedsàcôtédelacabined’essayageetjevérifieunefoisdeplussij’aidenouveauxmessages.Cettefois-ci,ilyaunpetitmotdeDiego.
Lecamionvoléa été localisédansune station-serviceprèsdeGranada.Pasd’autres véhiculesvoléspourl’instant.Selonvosinstructions,barragesdepoliceenplacesurtouteslesgrandesartères.
Jeremetsletéléphonedansmapoche,lafrustrationetlacolèremenouentleventre.Onn’atoujourspasretrouvéYuliaetellepourraitbienêtredéjàdansunautrepays.Ilestévidentqu’elleapriscontactavecsonagenceets’ilssedébrouillentbienilesttoutàfaitpossiblequ’ilssoientparvenusàl’exfiltrer.
Siçasetrouve,elleestdéjààbordd’unavionetvarejoindresonamant.―Qu’est-cequetuenpenses?demandeRosa,et jemeretournepourvoirqu’elleestsortiedela
cabined’essayageetqu’elleporteunecourterobejaunetrèsmoulante.―C’estjoli,dis-jemachinalement.Tudevraislaprendre.Objectivement,jevoisbienquecetterobe
luivabien,maisencemomentlaseulechosequim’occupel’espritc’estqueYuliavarejoindreMisha…leseulhommequ’elleaime.
―D’accord!Rosam’adresseungrandsourire.Jelaprends!Elleretournedans lacabineet jereprendsmontéléphonepourmedépêcherd’envoyerunmessage
auxhackersquienquêtentsurUUR.MêmesiYuliaestparvenueàs’enfuir,ellenevapasresterlongtempsenliberté.Jeferain’importequoipourlaretrouveretellenepourraplusjamaism’échapper.
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ulia
―DÉSOLÉDEVOUSAVOIRINFLIGÉÇA,DITCONTRERASENSOULEVANTLECOUVERCLEDUBIDON.JENEM’ATTENDAISpasàcequevoussoyezaussigrande.Jesuiscontentquevousayezpuytenir.
Jepousseungémissementquandilmetiredelà,j’aidescrampesaprèsavoirpasséuneheuredansceminusculebidon.Mesgenouxnesontplusqu’unseulbleuetmacolonnevertébralemefaitmaltantelleaété coincée contre les parois dubidon.Mais je suis envie et j’ai traversé la frontièrevénézuélienne,doncçaenvalaitlapeine.
―Cen’estpasgrave,dis-jeenfaisantundemi-tourdetête.Moncoumefaitmaltellementqu'ilestraide,maisaprèsunbonmassageçaira.Lapoliceetlesdouaniersn’yontvuquedufeu.Ilsn’ontmêmepaseul’idéederegardercequ’ilyavaitdanslebidon.
Contrerashochelatête.―C’estpourquoijel’aichoisi.Ilsembletroppetitafinquequelqu’unpuisses’ycacher,maisquand
onleveutvraiment…Ilhausselesépaules.―Ouais. Je tourne de nouveau la tête en demi-cercle pour essayer de réveillermesmuscles. Et
maintenantqu’est-cequ’onfait?―Maintenant,onvousmetdansl’avion.Obenkoadéjàtoutarrangé.Etdemain,vousdevriezêtreà
Kiev,saineetsauve.
NOUS NE METTONS QU’UNE HEURE DE ROUTE POUR REJOINDRE LE PETIT TERRAIN D’AVIATION ET, NOUS NOUSarrêtonsàcôtéd’unvieilappareil.
―Nousyvoilà!ditContreras.Àpartirdemaintenant,lesvôtresvontprendrelerelais.―Merci,dis-jeetilhochelatêtelorsquej’ouvrelaportière.―Bonne chance ! dit-il en russe avec son accent espagnol et je lui souris avant de sauter de la
camionnetteetdemehâterversl’avion.
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Tandisque jemonte lesmarchesde lapasserelle,unhommed’âgemoyenen sort etmebloque lepassage.
―Code?Dit-illamainsurlagâchette.Aprèsuncoupd’œilprudentverssonarmejeluidonnemonnumérod’identification.Techniquement,
m’éliminer équivaudrait àme soustraire aux hommes d’Esguerra ; je ne pourrai plus divulguer aucunautresecretd’UUR.Enfait,ceseraitunemeilleuresolution…
Avantquemonesprit n’ait le tempsdepoursuivredans cettedirection, l’hommebaisse lamain ets’écartepourmelaissermonteràbord.
― Bienvenue, Yulia Borisovna, dit-il en se servant de mon véritable patronyme, nous sommesheureuxquevousvousensoyeztirée.
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ucas
ÀPARTIRDESAMEDIMATIN,JESUISCONVAINCUQUEYULIADOITÊTREDERETOURENUKRAINE.DIEGOETEDUARDOontpusuivresestracesjusqu’auVenezuela,maisensuiteelleadisparu.
― Je pense qu’elle a quitté le pays, ditEduardo quand je l’appelle pour avoir des nouvelles.Unavionprivéenregistrédansunesociété-écranasoumisunplandevolpourMexico,maisilnesemblepasyavoiratterri.Cedevaitêtresesacolytesetsic’estlecaselleestbienpartie.
― Ce n’est pas encore prouvé. Continuez les recherches, leur dis-je tout en sachant qu’il avraisemblablementraison.
Yulias’estenfuieetpouravoirlemoindreespoirdelareprendreilfautélargirlechampd’actionetfaireappelàcertainsdenoscontactsàl’étranger.
Je me demande s’il faut informer Esguerra de tout cela, mais je décide d’attendre dimanche.Aujourd’hui, c’est le vingtième anniversaire de sa femme et je sais qu’il n’est pas d’humeur à êtredérangé.La seule chose qui compte pourmonpatron c’est de donner àNora tout ce qu’elle désire, ycomprisunevisitedansunnight-clubàlamodeaucentredeChicago.
―Vousvousrendezcomptequeceseraunvraicauchemardesécurisercetendroitn’est-cepas?Luidis-jequandilmeparledecettesortieaudéjeuner.Ilyauratropdemonde.Etunsamedisoir…
―Oui,jesais,répondEsguerra.Maisc’estcequeNoram’ademandé,nousdevonsdonctrouverunmoyend’yarriver.
Nouspassonslesdeuxheuresquisuiventàexaminerleplandunight-clubetàdécideroùpostertousnos gardes. Il est peu vraisemblable que les ennemis d’Esguerra en entendent parler puisque ça s’estdécidéauderniermoment,maisnousdécidonsquandmêmedemettredestireursd’éliteenpositionsurlesbâtimentsdesalentoursetd’avoird’autresgardesdanstoutlequartier.Monrôleconsisteraàresterdans lavoitureetàconserverunœilsur l’entréedunight-clubaucasoùundangersurviendraitdececôté.Nouspréparonségalementunplanpourassurer lasécuritéaurestaurantoùEsguerraetsafemmeirontdîneravantdeserendreaunight-club.
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―Oh,j’allaisoublier,ditEsguerraaumomentdeterminer.NoraveutqueRosasejoigneànousaunight-club.Tupourrasdemanderàl’undesgardesdel’yemmener?
―Oui, je crois, dis-je après unmoment de réflexion.Thomaspeut l’y conduire avant de prendrepositionauboutdelarue.
―C‘estparfait.Esguerraselève.Àcesoir.Ilsortdelapièceetjevaisdehorspourtransmettremesconsignesauxgardes.
LEDÎNERD’ESGUERRASEPASSESANSENCOMBREETENSUITEJELECONDUISAVECNORAAUNIGHT-CLUB.ROSALESYattenddéjà,elleportelarobejaunequ’elleaachetéeavecmoi.DèsqueNorasortdelavoiture,Rosacourtverselleetj’entendslesdeuxjeunesfemmesparleravecanimationenentrantdanslaboîtedenuit.Esguerralessuit,ilsemblelégèrementamusé,etjerestedanslavoitureenmepréparantpourunelonguesoiréebienennuyeuse.
Environ une heure plus tard tandis que je mange un sandwich que j’avais apporté je vérifie mesmessages.Jesuissoulagédevoirqu’ilyadesnouvellesdeshackers.
Nousavons finalement réussi à franchir les pare-feudugouvernement ukrainien et à déchiffrercertains dossiers. UUR est l’acronyme de Ukrainskoye Upravleniye Razvedki c’est-à-direapproximativement«ServicesSecretsUkrainiens».C’estungrouped’espionnageclandestinétablienraisonde la corruption de la principale agence d’espionnage, il a des liens étroits avec laRussie.NousessayonsmaintenantdedécoderunmessagequipourraitnousmeneràdeuxagentsenactivitéetàunbureauàKiev.
Avecunsombresourire, j’écrismaréponseet jeremetsletéléphonedansmapoche.Cen’estplusqu’unequestionde temps, l’organisationdeYuliavadisparaître.Etquandçasera faitellen’auraplusnullepartoùaller,pluspersonnepourl’aider.
Plusd’amantsàretrouver.Jeserrelesdentsetjeressensuneviolentejalousiemetranspercer.Yuliapourraitdéjàêtreaveclui,
avecsonMisha.Ilpourraitmêmelatenirdanssesbrasàl’instantmême.Ilpourraitmêmeêtreentraindelabaiser.Cette penséeme rend fou furieux. S’il était devantmoimaintenant, je le tuerais demesmains et
j’obligeraisYuliaàyassister.Ceseraitsapunitionpoursadernièretrahison.Lesonetlavibrationdemontéléphoneinterrompentmesidéesdevengeance.Jel’attrape,etenlisant
lemessaged’Esguerramonsangseglace.NoraetRosaontétéattaquées,ditlemessage.Rosaaétéenlevée.Jeparsàsapoursuite.Préviens
lesautres.
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ulia
L’ODEURFAMILIÈREDESGAZD’ÉCHAPPEMENTETDULILASEMPLITMESNARINESTANDISQUELAVOITURESEFAUFILEdanslesruesaniméesdeKiev.Jen’aijamaisvuceluiqu’Obenkoaenvoyémeprendreàl’aéroportetilneparlepasbeaucoup,cequimepermetderegarderlavilleoùj’aivécuetsuivimaformationpendantcinqans.
―Nous n’allons pas à l’Institut ? Je pose cette question au chauffeur quand la voiture prend unedirectioninattendue.
―Non,répondl’homme.Jevaisvousmettreàl’abri.―Obenkoysera?Lechauffeurhochelatête.―Ilvousattend.―Parfait.Jerespireprofondémentpourcalmermesnerfs.Jedevraisêtresoulagéed’êtreici,maisà
laplacejesuistendueetanxieuse.Etcen’estpasseulementparcequej’aimerdéetmisl’organisationenpéril.Obenkon’estpastendrequandonéchoue,maislefaitqu’ilm’aitexfiltréedeColombieaulieudemetuermerassureàcesujet.
Non,laprincipalesourcedemonanxiétéestlevidequejesensenmoi,unesouffrancequis’amplifieavecchaqueheurepasséeloindeLucas.J’ai l’impressiond’êtreenmanque,saufqueçavoudraitdirequeLucasestmadrogueetça,jerefusedel’accepter.
Ce que j’ai commencé de ressentir pourmon geôlier disparaîtra. Il le faut, parce qu’il n’y a pasd’autrealternative.
Lucasetmoic’estfinipourdebon.―Nousy sommes, dit le chauffeur en s’arrêtant devant un immeublemodestedequatre étages. Il
ressembleàtouslesautresimmeublesduvoisinage:vieux,enmauvaisétat,lafaçadecouverteduplâtrejaunâtredel’èresoviétique.Icionsentdavantageleparfumdeslilas,ilvientd’unparcquisetrouvedel’autre côté de la rue. Dans n’importe quelle autre circonstance, j’aurais aimé sentir ce parfum que
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j’associeauprintemps,maisaujourd’hui ilmerappelle la jungleque j’ai laisséederrièremoietdoncceluiquim’yretenaitprisonnière.
Le chauffeur gare la voiture le long du trottoir etme conduit dans l’immeuble. Il faut prendre unescalier,lamontéed’escalierestaussidélabréequel’extérieurdubâtiment.Aupremierétagej’entendscrieretjesensuneodeurd’urineetdevomi.
―Quisontlesgensdupremierétage?Jeposecettequestionenarrivantdevantunappartementdusecond.Ilsnefontpaspartiedel’organisation?
―Non,ilspassenttropdetempsàsesoûlerpours’occuperdenous.Jen’aipasletempsdeposerd’autresquestionsparcequelaportes’ouvreetjevoisunhommeaux
cheveuxnoirsdansl’embrasure.Songrandfrontestplisséetlatensionfaitgrimacerseslèvresminces.―Entrez,Yulia, ditVasiliy Obenko en reculant pourme laisser entrer. Nous avons beaucoup de
chosesànousdire.
PENDANT LES DEUX HEURES SUIVANTES, JE SUBIS UN INTERROGATOIRE AUSSI PÉNIBLE QUE TOUT CE QUE J’AI PUendurerdanslaprisonrusse.Enplusd’Obenkoilyadeuxagentshautplacésd’UUR,SokovetMatyenko.Commemonpatronilsontlaquarantaineetdesannéesd’entraînementontaguerrileurcorpspourenfairedesarmesredoutables.Ilssontassistouslestroisenfacedemoiderrièrelatabledelacuisineetilsmeposentdesquestionsàtourderôle.Ilsveulenttoutsavoir,desdétailsdemonévasionauxinformationsquej’aiprécisémentdonnéesàLucasàproposd’UUR.
―Jenecomprendstoujourspascommentilestparvenuàvousfaireparler,ditObenkoquandj’aifinideracontermonhistoire.Commentsavait-ilcequis’estpasséavecKirill?
Monvisagebrûledehonte.―Ill’asuàcaused’uncauchemarquej’aifait.Etàcausedesconfidencesquej’aifaitesensuiteà
Lucas,maisjeneledispas.Jeneveuxpasquemonpatronsachequ’ilavaitraisonàmonsujetdepuisledébut,quepourleschosesimportantesjenepouvaiscontrôlermesémotions.
―Etdanscecauchemarvous…vousavezparlédevotreentraîneur?C’estSokovquimeposecettequestion, la dureté de son expression montre clairement qu’il ne croit pas mon histoire. Vous avezl’habitudedeparlerendormant,YuliaBorisovna?
―Non,maislescirconstancesn’étaientpasvraimenthabituelles.Jefaisdemonmieuxpournepassemblerêtresurladéfensive.J’étaisprisonnièreetplacéedansdessituationsquiontdéclenchéquelquechosechezmoi,quidéclencheraientquelquechosechezn’importequellefemmeayantsubiuneagression.
―Etquellesétaientexactementcessituations?Matyenkom’interrompt.Vousnesemblezpasavoirétéparticulièrementmaltraitée.
Jeréprimeuneréponsepleinedecolère.―Jen’aipasétéphysiquementtorturéeouprivéedenourriture,jevousl’aidéjàdit.Maréponseest
prononcéed’unevoixcalme.LesméthodesdeKentétaientplutôtd’ordrepsychologique.Ehoui,c‘étaitengrandepartiedûaufaitquejeluiplaisais.D’oùledéclenchementdecescauchemars.
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LesdeuxagentséchangentdesregardsetObenkomeregardeenfronçantlessourcils.―Alorsilvousavioléeetc’estcequiadéclenchécescauchemars?―Il…Magorge se serreau souvenirde la réaction incontrôlabledemoncorpsdans lesbrasde
Lucas.C’étaitl’ensembledelasituation.Jenel’aipasbienmaîtrisée.Denouveau,lesagentsseregardentpuisMatyenkodit:―Parlez-nousdavantagedelafemmequivousaaidéeàvousenfuir.Vousavezditqu’elles’appelait
comment?Faisantappelà toutceque j’aidepatience je racontemes rencontresavecRosapour la troisième
fois. Après ça Sokov me demande de raconter de nouveau mon évasion, minute par minute, puis,Matyenkom’interrogesurl’organisationdusystèmedesécuritédudomained’Esguerra.
―Écoutez,leurdis-jeaprèsuneautreheured’interrogatoireininterrompu,jevousaidittoutcequejesais.Quoiquevouspensiezdemoi,l’agenceestvraimentmenacée.L’organisationd’Esguerraadéjàdémantelédesréseauxentiersdeterroristes,et ilssontànostrousses.Sivousavezprévudesmesuresd’urgence,c’estlemomentdelesappliquer.Mettez-vousensécurité,vousetvosfamilles.
Obenkom’examineunmomentpuishochelatête.―Onafinipouraujourd’hui,dit-ilense tournantvers lesdeuxautres.Yuliaest fatiguéeaprèsce
longvoyage.Nousreprendronsdemain.Lesdeuxhommess’envontetjem’écroulesurlachaise,mesentantencoreplusvidequ’avant.
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DÈSQUE J’AI LU LE SMS D’ESGUERRA, J’ENVOIE UNMESSAGE RADIO AUX GARDES ET J’ORDONNE À LAMOITIÉd’entreeuxd’alleràlaboîtedenuit.Aucunn’aremarquéquoiquecesoitdesuspect,cequisignifiequelamenace, quelle que soit la forme qu’elle ait prise, est venue de l’intérieur du night-club et pas del’extérieur commeon aurait pu s’y attendre.Aumoment où jemehâte à l’intérieur, je reçois un autremessaged’Esguerra:
ReprisRosa.Suivrele4x4blanc.Immédiatement,jeprévienslesgardesdelefaireetc’estalorsquejereçoisunnouveaumessage:Amènelavoituredansl’alléesituéederrière.Jedémarreetmeprécipiteàtoutevitesseautourdupâtédemaisonsaurisquederenverserdeuxou
troispiétons.L’alléequisetrouvederrièrelaboîtedenuitestsombreetpuelesorduresetl’urine,maisj’aiàpeineletempsdem’enrendrecompte.Jedescendsdevoiturequandj’apprendsquemeshommesontrepéréle4x4etlesuivent.Jevaisleurdonnerdenouvellesinstructionsquandlaportedelaboîtedenuits’ouvreetqueNoraensort,tenantRosadanssesbras.Esguerralessuit,levisagegrimaçantderage.Àlalumièredespharesquiillumineleursvisages,jecomprendspourquoi.
Lesdeuxfemmessonttremblantes,levisagepâleetcouvertdelarmes.Maisc’estl’étatdeRosaquime rend fou. Sa robe jaune vif est déchirée, tachée de sang et un côté de son visage est terriblementtuméfié.
Lajeunefillevientd’êtreviolemmentagressée,exactementcommeYuliailyaseptans.Un nuage pourprem’empêche de voir. Je sais quema réaction est disproportionnée, je connais à
peineRosa,maisjenepeuxpasm’enempêcher.Jevoisunejeunefillevulnérabledequinzeansdontlecorpsmince a étémartyrisé, elle saigne, et en voyant la honte et le désespoir sur le visage deRosa,savoirqueYuliaasubilemêmesortmedonneenviedevomir.
―Quelssalauds!Mavoixestpleinederage.Jecontournelavoiturepourouvrir laportière.Cesputainsdesalauds.Ilsvontmourir,putain!
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―Oui, ils vontmourir, dit sombrementEsguerra,mais je ne l’écoutepas.Tendant lesmainsversRosajelaprendsdoucementdesbrasdeNora.Lafemmed’Esguerranesemblepasaussimalenpoint,maiselleestvisiblementbouleversée.Rosasanglotetandisquejelaconduisverslavoitureetjefaisdemonmieuxpourlatraiteravecdouceur,pourlaréconfortercommejen’aipaspuréconforterYuliailyasilongtemps.
Tandis que j’attache sa ceinture, j’entends Esguerra prononcer le nom de sa femme, sa voix estétrangementtendue,etjemeretournepourvoirNoraprostréeàcôtédelavoiture.
Le bébé, je comprends immédiatement enme souvenant qu’elle est enceinte,maisEsguerra lametdanslavoitureethurleauchauffeurd’allertoutdesuiteàl’hôpital.
NOUSARRIVONS À L’HÔPITAL EN UN TEMPS RECORD, MAIS BIEN AVANT QU’ESGUERRA N’ARRIVE DANS LA SALLEd’attentejesaisquelebébén’apassurvécu.Ilyavaittropdesangdanslavoiture.
―Jesuisnavré,dis-jeenvoyantlevisagedemonpatron.Ilestanéanti.CommentvaNora?―Onaarrêtél’hémorragie.Esguerraparled’unevoixrauque.Elleveutrentreràlamaison,c’estce
qu’onvafaire.EtonemmèneaussiRosa.Jehochela tête.J’aidità l’hôpitalquej'étais lepetitamideRosa, j’aidonceurégulièrementdes
nouvellessursonétat.Commeprévu,ellea refuséde faireunedépositionetpuisquesesblessuresnemettentpassavieendangerellen’apasbesoindepasserlanuitàl’hôpital.
―Entendu,dis-je.VousvousoccupezdevotrefemmeetmoideRosa.Esguerra retourneauprèsdeNoraet jeprendscontact avecnotreéquipede«nettoyeurs»en leur
donnant des instructions pour ce qu’ils devront faire du type inanimé qu’ils ont trouvé au night-club.D’aprèscequej’aipureconstituerselonlesexplicationshystériquesdeRosa,elleaétéattaquéedansunearrière-salledelaboîtedenuitpardeuxhommesaveclesquelselleavaitdanséauparavant.Noraluiestvenueenaideenassommantuntroisièmetypequigardaitlapièce.Esguerraestarrivéinextremisetatuél’undesagresseurs,maisl’autreavaitentraînéRosadanssavoitureetenauraitabuséàsontoursiEsguerrane l’avait pas sauvée.C’est lui qui s’est enfuidans le4x4dont je recherche actuellement laplaqued’immatriculation.
Quandnousconnaîtronssonidentité,lechauffeurdu4x4seraunhommemort.AprèsavoirremismonportabledansmapochejevaischercherRosa.Enentrantdanssachambre,je
la trouve assise sur son lit en tenue d’infirmière ; le personnel de l’hôpital a dû la lui donner pourremplacer sa robe déchirée. Elle est roulée en boule et son visage est pâle et couvert de bleus. Denouveau,l’imagedeYuliametraversel’espritetj’aibesoindereprendremonsoufflepourmaîtrisermarage.
Jem’approchedoucementdulit.― Je suis navré, dis-je à voix basse en la prenant par le coude pour l’aider à se lever.Vraiment
navré.Tupeuxmarcheroutupréfèresquejeteporte?―Jepeuxmarcher,çava.Elleparled’unevoiximperceptible,rendueplusaigüeparl’anxiétéeten
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laissantretombermamainjemerendscomptequ’ellenesupportepasquejelatouche.Évidemment,çanevapas,çan’estpasvrai,maisjeneleluifaispasremarquer.Jemecontentede
ralentirpourêtreàsonrythmeetjelaconduisverslavoiture.
UNEHEUREAPRÈSNOTREARRIVÉEDANSLADEMEURED’ESGUERRA,MONPATRONDESCENDAUSALONOÙJEL’ATTENDSpourluidonnerlesdernièresnouvelles.
―OùestRosa?demande-t-il.Savoixestcalme,ellenelaisserientrahirdelapeinequejelisdanssesyeux.Ilséparetouslesproblèmespouraffrontercequis’estpasséetchoisitdeseconcentrersurcequ’ilfautfaireplutôtquedes’attardersurl’irrémédiable.
―Elledort,dis-jeenmelevantducanapé.Jeluiaidonnéunsomnifèreetj’aifaitensortequ’elleprenneunedouche.
―Bon.Merci.Esguerratraverselapiècepourvenirversmoi.Etmaintenant,dis-moitout.―L’équipede«nettoyeurs»s’estoccupéeducorpsetaattrapélegaminqueNoraaassommédans
lehall,dis-je.Ilslegardentencaptivitédansunhangarquej’ailouésurlarivesud.―Bon.Etlavoitureblanche?―Noshommes sontparvenusà la suivre jusqu’àunquartier résidentieldegratte-cielsducentre-
ville.C’est alors qu’elle a disparudans ungarage et ils ont décidé d’arrêter leur poursuite. J’ai déjàretrouvésaplaqued’immatriculation.
―Et?―Etilsembleraitquenousayonsunproblème,dis-je.Est-cequelenomdePatrickSullivanvousdit
quelquechose?Esguerrafroncedessourcils.―Cenommeditquelquechose,maisjenesaisplusquoi.―LesSullivancontrôlentlamoitiédelaville,dis-jeenrelatantcequejeviensd’apprendredenotre
plusrécentennemi.Prostitution,drogue,armes,etc.Ilsysontmouillésjusqu'aucou.PatrickSullivanestlechefdefamilleetilatousleshommespolitiquesainsiquetoutelapolicedeChicagodanssapoche.
―Ahd’accord !Esguerra semble s’en souvenirmaintenant.Et qu’est-cequePatrickSullivan a àvoiravectoutça?
Jeleluiexplique:―Iladeuxfils;ouplutôtilavaitdeuxfils.BrianetSean.Aumomentoùnousparlons,Brianbaigne
dansdelasoudedanscehangarquej’ailouéetSeanestlepropriétairedu4x4blanc.―Jevois,ditEsguerraetjesaisqu’ilpenselamêmechosequemoi.L’identité et les relations des violeurs compliquent les choses, mais elles expliquent également
pourquoiilss’ensontprisàRosadansunlieupublic.Ilsontl’habitudequeleurgangsterdepèrelestired’affaireet ilsn’ont jamais imaginéqu’ils risquaientdesemesureràquelqu’und’aussidangereuxquelui.
―Parailleursdis-jetandisqu’Esguerraassimiletoutça,legaminquenousgardonsaufraisdansle
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hangar est leur cousin de dix-sept ans, le neveu de Sullivan. Il s’appelle Jimmy.Apparemment, il estprochedesdeuxfrères.Ouplutôtilenétaitproche.
Esguerraplissesesyeuxbleus.― Ont-ils la moindre idée de qui nous sommes ? Auraient-ils pu s’en prendre à Rosa pour
m’atteindrepersonnellement?―Non,jenecroispas.Unenouvelleboufféederagemefaitserrerlamâchoire.LesfrèresSullivan
ontunlourdpasséaveclesfemmes.Ilslesdroguentpourlesvioler,agressionssexuelles,violscollectifsd’étudiantes,lalisteestsansfin.Sansl’interventiondeleurpère,ilspourriraientdéjàenprison.
―Jevois.Esguerrafaitfroidementlagrimace.Ehbien,quandnousenauronsterminéaveceuxilsregretterontdenepasyavoirété.
Jehochelatête.Dèsquej’aiapprispourPatrickSullivan,j’aisuquenousétionsenguerre.―Dois-jerassembleruneéquipedechoc?Enluiposantcettequestion,jesensuneimpatienceque
jeconnaisbien.Ilyalongtempsquejenemesuispasbattu.―Non,pasencore,ditEsguerra.Ilseretourneetvaverslafenêtre.J’ignorecequ’ilregarde,maisil
conserve lesilencependantplusd’uneminuteavantdeseretournerversmoi.JeveuxqueNoraetsesparentssoientaudomaineavantquenousnefassionsquoiquecesoit,dit-il.Etjelisladurerésolutionsursonvisage.SeanSullivanneperdrienpourattendre.Pourlemoment,nousallonsnousconcentrersurleneveu.
―D’accord.J’inclinelatête.Jem’enoccupetoutdesuite.
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LAPREMIÈRENUITQUEJEPASSEDANSLAMAISONOÙJESUISCACHÉEESTAGITÉE,JEMERÉVEILLETOUTESLESDEUXoutroisheuresaprèsavoirfaitdescauchemars.Jenemesouvienspasdesdétailsprécis,maisjesaisqueLucasyest,ainsiquemonfrère.Lesscènessontflouesdansmonesprit,maisjemesouviensdequelquesbribes,ilyadestrains,deslézards,descoupsdefeu,etenarrière-planledélicatparfumdeslilas.
Verscinqheuresdumatin,jerenonceàmerendormir.Jemelève,jemetsunerobedechambreetjechercheoùestlacuisinepourmefaireunetassedethé.Obenkoyest,illitlejournaletàmonarrivéeillèvesesyeuxcouleurnoisette,leregardvif,malgrél’heurematinale.
―Le décalage horaire ? demande-t-il, et je hoche la tête.Autant expliquer comme ça l’état danslequeljesuis.
―Vousvoulezduthé?Jeluienoffreenversantdel’eaudansunebouilloireetenlaposantsurlacuisinière.
―Non,merci.Ilm’examineetjemedemandecequ’ilvoit.Unetraîtresse?Uneratée?Quelqu’unquiestdésormaisdavantageunproblèmequ’unatout?Autrefois,cequemonpatronpensaitdemoiavaitde l’importance, jedésiraisqu’il soit satisfaitdemoicommeje l’avaisdésiréavecmesparents,maismaintenantçam’estbienégal.
Uneseulechosecomptepourmoicematin.―Etmonfrère,dis-jeenm’asseyantaprèsm’êtrefaitunetassed’EarlGrey.Commentva-t-il?Où
setrouvelafamilledevotresœurmaintenant?―Ilssontensécurité.Obenkorepliesonjournal.Nouslesavonsfaitdéménager.―Avez-vousdenouvellesphotosàmemontrer?Jeluiposelaquestionenessayantdenepasavoir
l’airtropanxieuse.―Non.Obenkopousseunsoupir.Nouspensionsquevousaviezdisparu,etquandvousnousavez
contactéscen’étaitpasvraimentlaprioritédeprendredesphotos,j’enaipeur.Pourcachermadéception,j’avaleunegorgéedethébrûlant.
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―Jevois.Obenkopousseunnouveausoupir.―Yulia…çafaitonzeans.IlfautoublierMisha.Votrefrèreauneviesansvous.― Je sais bien, mais je ne pense pas que quelques photos de temps en temps soient trop vous
demander. Le ton de ma voix est plus dur que je ne le souhaitais. Ce n’est pas comme si je vousdemandaisdelevoir…Jem’arrêteàcetteidée.Ehbien,enfaitpuisquevousn’avezpasdephotos,jepourraispeut-êtrelevoirdeloin,dis-jeensentantmonpoulss’accélérersousl’effetdel’excitation.Jepourraisprendredesjumellesouuntélescope.Iln’ensauraitrien.
Leregardd’Obenkosedurcit.―Nousenavonsdéjàparlé,Yulia.Voussavezpourquoivousnepouvezpaslevoir.―Parcequeçaintensifieraitl’attachementirrationnelquejeressenspourlui,dis-jeenrépétantses
propresmots.Oui, je saisquec’estcequevousm’avezdit,mais jenesuispasd’accord. J’auraispumourir en prison en Russie ou être torturée à mort par Esguerra. Le fait que je sois encore iciaujourd’hui…
―N’arienàvoiravecMishaniavec l’accordquenousavonspassé ilyaonzeans,ditObenko.Vousavezmerdédanscettemission.Àcausedevous,votrefrèreadûêtredéraciné,ilafallulechangerd’école,iladûabandonnersesamis.Cen’estpaslemomentd’avoirdesexigences.
Mesdoigtsseresserrentautourdematasse.―Cenesontpasdesexigences,dis-jed’untoncalme.C’estunequestion.Jesaisquec’estdema
fautesinoussommesdanscettesituation,etj’ensuisdésolée.Maisjenevoispaslerapport.J’aipassésix ans à Moscou à faire exactement tout ce que vous vouliez. Je vous ai fourni beaucoup derenseignements utiles. Tout ce que je vous demande en échange est de voir mon frère de loin. Je nem’approcheraipasdelui,jeneluiadresseraipaslaparole,jemecontenteraideleregarder.Pourquoiest-cequeçaposeproblème?
Obenkoselève.―Buvezvotrethé,Yulia,dit-ilsansrépondreàmaquestion.Ilyaurauneautreséancededébriefing
àonzeheures.
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JEPASSELANUITÀASSURERLACOORDINATIONAVECL’ÉQUIPEDES«NETTOYEURS»ETÀPRÉPARERNOTREDÉPART.S’ilyaquelquechosedepositifdanscedésastre,c’estquenousallonsrentrerplustôtqueprévuetquebientôtjepourrairechercherYuliasansêtrepréoccupéparuneautretâche.
Maisd’abord,ilfautréglerlasituationici.JecommenceparpréparerunpetitdéjeunerpourRosaquin’estpassortiedesachambrecematin.
Audépart,jesuistentédeluifaireunsandwich,maisjedécidedetentermachanceetdeluifaireuneomelettecommecellesqueYuliapréparaitdevantmoi.Aprèsdeuxtentatives, jeréussisquelquechosequiressembleauxplatsdélicieuxdeYulia.Etçan’estpasmauvaisdutout,jem’enaperçoisenlagoûtantavantdemettrelamoitiédel’omelettesuruneassiettepourl’apporteràRosa.
Tenantl’assietted’unemainjefrappeàlaportedeRosa.Aprèsdeuxoutroisminutes,j’entendsdespaset ellevientouvrir.Elleporteun long tee-shirt informeet àmongrand soulagement sesyeux sontsecs,maislescontusionssursonvisagesontencorepiresqu’hier.
―Salut,dis-jeavecunsourirecontraint.J’aifaituneomelette.Tuenveux?Elleclignedesyeuxd’unairsurpris.―Oh,biensûr,merci.Elleprendl’assietteetyjetteuncoupd’œil.Maisçaal’airdélicieux,merci,
Lucas.―Avecplaisir.J’examinesesblessuresetleurvuemenoueleventre.Commenttesens-tu?Ellerougitetdétournelesyeux.―Bien.―Entendu.Jecomprendsqu’ellesouhaiteresterseuleetjeluidis:situasbesoindequoiquece
soit,dis-le-moi.Etjeretourneàlacuisine.J’aibesoindedéjeuneràmontouravantdem’attaqueràlatâchesuivante.
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QUANDESGUERRASORTDECHEZLUI,TOUTESTPRÊT.―J’aiamenélecousinici,dis-jequandmonpatronsortdansl’allée.J’aipenséquevousn’auriez
pasenvied’alleràChicagoaujourd’hui.―Parfait.Unelueursombrebrilledansleregardd’Esguerra.Oùest-il?―Danscettecamionnette.Jemontredudoigtunecamionnettenoiregaréederrièrelesarbres,leplus
loinpossibledesvoisins.NousyallonsensembleetEsguerramedemande:―Est-cequ’ilacommencéàparler?―Ilnousadonnélecoded’accèsdugaragedesoncousinetdesascenseursdel’immeuble,dis-je.
Le faireparlern’apasétédifficile. J’aipensévous laisser le restede l’interrogatoireaucasoùvousvoudriezluiparlerenpersonne.
―Tuasbienfait.C’estexactementcequejesouhaite.Ens’approchantdelacamionnette,Esguerraouvrelaportièrearrièreetjetteuncoupd’œilàl’intérieurquiestdansl’obscurité.
Jesaiscequ'ilvoit:unadolescentmaigrequiestbâillonnéetdontlespiedsetlesmainssontligotésderrière ledos.C’est le troisième typede labande, celuiqueNoraaassomméhier.Deuxdesgardesl’ontdéjàcuisinéetmaintenantilestprêtpourEsguerra.
Monpatronneperdpasdetemps.Ilmontedanslacamionnette,seretourneversmoietdemande:―Ilestinsonorisé?Jehochelatête.―Àenviron90%.Jesensl’odeurd’urineetdesueuràl’intérieuretjesaisqu’ellesserontbientôt
noyéesparlapuanteurmétalliquedusang.―Bon,ditEsguerra,çadevraitsuffire.Il referme les portières de la camionnette et s’enferme avec le garçon. Uneminute plus tard, les
plaintesetleshurlementsdesavictimemeparviennent.Jem’efforcedenepaslesentendreetjelaisseEsguerras’amusertoutenlisantledernierrapportquej’aireçudeDiegoetd’Eduardo.Ilsontretrouvélatraced’unavionprivéquiaatterriàKiev,YuliaadoncdéfinitivementquittélaColombie.
Jetransmetscequ’atrouvéDiegoauxhackersetquandEsguerraenaterminéj’enveloppelecorpsdel’adolescentdansunsacplastiqueetj’envoieunmessageaux«nettoyeurs»pourqu’ilsviennent.
UNEDEMI-HEURE PLUS TARD, JEME DIRIGE VERS LAMAISON QUANDMON PORTABLE SEMET À VIBRER, C’EST UNmessaged’Esguerra.
Ilyadunouveau.Ilfautavancernotredépart.Monniveaud’adrénalinenefaitqu’unbond.Enentrantdanslamaison,jetombesurEsguerradansle
hall.―Qu’est-cequis’estpassé?― J’ai reçu unmessage de Frank, notre contact à la CIA, dit Esguerra en rejetant en arrière ses
cheveuxmouillés.IladûprendreunedouchepoursedébarrasserdusangduneveuSullivan.Unportrait-
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robotdeNora,deRosaetdemoi-mêmeaétéenvoyéaubureaudeFBIduquartier,çadoitvenirdufrèreSullivanqui s’est enfuidans le 4x4 blanc. J’imagine que les Sullivan vont bientôt découvrir qui noussommesetétantdonnécequenousavonsfaitàl’autrefrèredanslaboîtedenuitetaucousincematin…Ilneterminepassaphrase,maisiln’enapasbesoin.
EsguerraetmoisavonsquePatrickSullivanvoudravoirlesangcouler.―JevaisenvoyerThomaspréparerl’avion,dis-je.VouspensezquelesparentsdeNoraserontprêts
àpartirdansuneheure?―Ilsn’aurontpaslechoix,ditEsguerra.Jeveuxquelesfemmeseteuxsoientpartisavantquenous
nefassionsquoiquecesoit.―Combiendegardesdevons-nousmettredansl’avionaveceux?―Quatre,encasdebesoin,répondEsguerraaprèsavoirréfléchiuninstant.Lesautrespeuventrester
etferontpartiedenotreéquipedechoc.―D’accord.Jevaisledireauxautresetm’assurerqueRosaseraprêteàpartir.
NOUS ARRIVONS EN FORCE CHEZ LES BEAUX-PARENTS D’ESGUERRA, NOTRE LIMOUSINE EST SUIVIE DE SEPT 4X4blindés àborddesquels il y a vingt-trois gardes.Lesvoisinsnous regardentbouchebée et je sensunlégeramusementàlapenséedesparentsdeNoratentantd’expliquerçaauxgensqu’ilsconnaissentdanslequartier.Jesuiscertainquecesbravesgensd’OakLawnontentendudirequeNoraestmariéeavecuntrafiquantd’armes,maisentendredesrumeursetvoiruntelspectacle,cen’estpaspareil.
Commeonpouvaits’yattendre,lesparentsnesontpasencoreprêtssibienqu’Esguerraetsafemmevontleschercher.RosarestedanslavoitureenexpliquantàNoraqu’elleneveutpasdéranger.
Unefoisseulstouslesdeux,jemeretourneetjeregardeRosaàtraverslavitrequiséparel’avantdel’arrièredelalimousine.
―Voudrais-tude lamusique?Dis-je,maiselle secoue la têteensignedenégation.Ellegarde lesilence,ellesecontentederegarderfixementdehors,etjesuissûrqu’ellepenseàcequiestarrivéhier.
Nevoulant pas lui faire de peine je remonte la vitre de séparation etmets ce temps à profit pourvérifieroùenestl’avion.Thomasm’assurequ’ilestprêtàpartir,jevérifiedoncmesarmes,unM16quejeporteenbandoulièreetunGlock26attachéàl’unedemesjambes.J’aimeraisêtreencoremieuxarmé,maisc’estmoiquiconduis.Heureusement,Esguerraatoutunarsenalsousl’undessièges.J’espèrequ’onn’enaurapasbesoin,maisilfautêtreprêtsic’estnécessaire.
Environquaranteminutesplustard,Esguerrasortdelamaisonentraînantuneénormevalise.IlestsuiviparlepèredeNoraquiporteuneautrevaliseetfinalementparNoraetsamère.
Bien qu’il y ait encore beaucoup de place à l’arrière, Rosa monte s’asseoir devant avec moi enexpliquantqu’elleveutdonnerplusdeplaceauxquatreautres.
―Çanetedérangepas,n’est-cepas?demande-t-elleenmejetantuncoupd’œiletjelarassured’unsourire.
― Non, je t’en prie, assieds-toi. De nouveau, je remonte la vitre de séparation et je démarre.
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Commenttesens-tu?― Bien. Elle parle à voix basse, mais sans trembler. Je n’insiste pas et nous conduisons
tranquillementensilencependantunmoment.Rosanereprendlaparolequ’aumomentoùnousquittonslaroutepourrejoindrel’autoroute.
―Lucas,dit-elleàvoixbasse,jevoudraistedemanderunservice.Surpris,jeluijetteuncoupd’œilavantdemeconcentrerdenouveausurlaroute.―Dequois’agit-il?― Si jamais c’était possible… Sa voix se brise. Si jamais vous les retrouvez, je veux y être.
D’accord?Jeveuxseulementêtrelà.Ellen’enditpasplus,maisj’aicompris.Etjeluifaiscettepromesse:―C’estd’accord.Jeferaiensortequetusoisprésentequandonteferajustice.―Merci…commence-t-elle,mais,aumêmemomentj’entrevoisquelquechosedanslerétroviseuret
moncœurs’emballe.Sur la route étroite, notre 4x4 est suivi par toute une procession de voitures et elles vont nous
rattraper.J’appuie sur l’accélérateur en sentant monter l’adrénaline. La limousine s’élance d’un coup, elle
accélèreàunevitessefolleetj’abaisselavitredeséparationpourcroiserleregardd’Esguerradanslerétroviseur.
―Noussommessuivis,dis-jelaconiquement.Ilssontànostroussesetilsontmislepaquet.
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―BAYU-BAYUSHKI-BAYU,NELOZHISYANAKRAYU…MAMÈREMECHANTEUNEBERCEUSERUSSEETJEMEGLISSEPLUSprofondémentsouslacouverture.Pridyotseren’kiyvolchok,iukusitzabochok…
Savoixsonnefauxetlesparolesdécriventunloupgrisquivamemordrelesflanssijem’approchetropprèsduborddulit,maislamélodieestdouceetréconfortante,commelesouriredemamère.Jem’yprélasseetjelasavoureaussilongtempsquepossible,maisàchaquemotlavoixdemamèredevientdeplusenplusimperceptiblejusqu’àdisparaîtrecomplètement.
Iln’yaplusquelesilenceetunvidefroidetsombre.Jemurmure:―Neparspas,maman,resteàlamaison.NevapaschezGrand-Pèrecesoir.Jet’enprie,resteàla
maison.Maisiln’yapasderéponse.Iln’yaurajamaisderéponse.Iln’yaquel’obscuritéetlespleursde
Misha.Iladelafièvreetilréclamesesparents.Jeleprendsdansmesbraspourlebercer,sentirsonpoidsdepetitgarçonmerassuredanscetocéand’obscurité.
―Net’inquiètepas,Mishen’ka.Toutvabien,nousallonsnousensortir,jevaisprendresoindetoi.Nousallonsnousensortir,jetelepromets.
Mais il continuedepleurer. Il pleure toute lanuit.Seshurlementsdeviennenthystériquesquand ladirectriced’écolevientlechercherlelendemainmatinetjesaisqu’elleluiafaitmal.J’aivulesbleussursesjambesquandilestsortidesonbureauhiersoir.Elleluiafaitmal,ellel’atraumatisé.Depuisiln’apascessédepleurer.
―Non,neleprenezpas!JeluttepourretenirMisha,maisellemerepousseetemmènemonfrèreavecelle.Jelapoursuis,maisdeuxgarçonsplusgrandsmebloquentlarouteens’interposantentreelleetmoi.
―Arrête,ditl’und’eux.C’estinutile.Sesyeuxsonttoutnoirs,commel’obscuritéquim’entoureetjemesenstourbillonner.Jesuisperdue,
tellementperduedanscetteobscurité.
-
―J’aiunepropositionàtefaire,Yulia.Unhommerevêtud’uncostumemesourit,sesyeuxnoisettesont froids, son regard calculateur. Un marché si vous voulez. Tu n’es pas trop jeune pour faire unmarché,si?
Jerelèvelementonetjecroisesonregard.―J’aionzeans.Jepeuxfairecequejeveux.“Bayu-bayushki-bayu,nelozhisyanakrayu…”― C’est de ta faute, sale pute. Des mains s’emparent brutalement de moi et m’entraînent dans
l’obscurité.Toutestdetafaute.“Pridyotseren’kiyvolchok,iukusitzabochok…”Lamélodiedisparaîtdenouveauetjepleure,jepleuretoutenmedébattantetenm’enfonçantencore
davantagedansl’obscurité.―Parlez-moideceprogramme.Desbrasvigoureuxm’attrapentetm’emprisonnentcontreuncorpsd’hommemusclé. Jesaisque je
devrais être terrifiée,mais en relevant lesyeuxet en croisant le regardpâlede cethommeunedoucechaleurm’envahit.Sonvisageestdur,chacundesestraitssemblesculptédanslapierre,maissesyeuxgris-bleu ont une chaleur que je n’ai pas vue depuis des années. J’y lis une promesse de sécurité, etquelquechosed’autreencore.
Quelquechosequejedésiredetoutemonâme.―Lucas…Jetendséperdumentlesmainsverslui.Jet’enprie,baise-moi.Jet’enprie…Ilplongeenmoisagrossevergequim’étire,metransperce,etsonardeurfaitdisparaîtrelefroidqui
étaitencorelà.Jebrûleetçanemesuffitpas,j’enveuxencoreplus.Jeluimurmure:―Jet’aime,etmesongless’enfoncentdanssondosmusclé.Jet’aime,Lucas.―Yulia.Savoixestfroideetdistantequandilditmonnom.Yulia,c’estl’heure.―Jet’enprie…Jelesupplieenessayantdeleretenir,maisilcommencedéjààdisparaître.Jet’en
prie,neparspas,resteavecmoi.―Yulia.Unemainseposesurmonépaule.Réveillez-vous.Àboutde souffle, jem’assiedsdans le lit et je fixe le regard froidd’Obenko.Moncœurbat à se
rompreetjesuislégèrementcouvertedesueur.Entournantlatête,jevoislepapierpeintquisedécolleparendroitetlalumièregrisequitraverselavitresaledelafenêtre.Lucasn’estpaslà,iln’yapersonnepourmesauverdel’obscurité.
Je suis dans ma chambre, dans la maison où je suis cachée, et j’ai dû me rendormir avant ledébriefing.
―Est-cequeje…j’aiparlé?Jeposecettequestionenessayantdecalmermarespiration.Monrêvecommencedéjààdisparaîtredemamémoire,maislesbribesquirestentsuffisentàmenouerl’estomac.
―Non.Levisaged’Obenkoresteimpassible.Vousauriezdû?―Non,biensûrquenon.Lesbattementsfrénétiquesdemoncœurcommencentàsecalmer.Donnez-
moiuneminutepourmerafraîchiretj’arrivetoutdesuite.―Entendu.Obenkosortetjem’enrouledanslacouvertureenquêtedumoindreréconfortpossible.
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ENENTENDANTRETENTIRLESCOUPSDEFEU,JEJETTEUNCOUPD’ŒILDANSLERÉTROVISEURETJEVOISNOSGARDEStirersurlesvéhiculeslancésàlapoursuitedeleurs4x4.Uneballefrappeleflancdenotrevoitureetjezigzagueafinquelalimousinesoitplusdifficileàatteindre.Àl’arrière,lesparentsdeNorasesontmisàhurlerdepaniqueetEsguerrasautedesonsiègepourprendrelesarmes.
Bordeldemerde!Mamains’agrippeauvolant.Çan’estpaspossible!Pasavecdescivils.Esguerraetmoisommesàlahauteur,maispasRosaniNora,etencoremoinssesparents.Sijamaisilleurarrivaitquelquechose…J’accélèreencoreplusetjedépasseles160km/heure.
Encoredescoupsdefeu.Jevoisnoshommeséchangerdescoupsdefeuaveclespoursuivants.Toutaubout,l’unedesvoituresdeSullivanrentredansl’unedesnôtresetlaforceàquitterlaroute,puisilyaunenouvellefusilladeavantquele4x4deSullivannequittelarouteetserenverse.
Unautrevéhiculerattrapel’undenos4x4etluirentrededansàsontour.Derrièrelui,ilyaaumoinsunedouzainedevéhicules,des4x4,descamionnettesetdesHummerséquipésdeporte-grenades.
Non,pasunedouzaine.Ilsontaumoinsquinzeouseizevéhiculesetnousn’enavonsquehuit.Bordeldemerde ! J’accélère encore et j’arrive à 180 km/heure. Il faudrait aller encore plus vite,
maislalimousineblindéeesttroplourde.Elleestconçuepourlasécurité,paspourfairedelavitesse.Àl’arrière,undenos4x4estprojetéenl’airetexplose.Ladétonationestassourdissante,maisjefais
commesiderienn’était,toutemaconcentrationestfixéesurlaroutedevantmoi.Cen’estpaslemomentdepenserauxhommesquenousvenonsdeperdreniàleursfamilles.
Afinquenousayonsunechancedenousentirer,jedoisresterconcentré.―Lucas!Rosaal’airdepaniquer.Lucas,c’est…―Oui,c’estunbarragedepolice.Jedoiséleverlavoixpourcouvrirlevacarmedescoupsdefeuet
des explosions. Quatre voitures de police nous barrent la route et elles sont entourées de brigadesd’interventionspéciale.Ilsnousattendent,cequiveutdirequ’ilssontdemècheavecSullivan.
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Àl’arrièreJulianhurlequelquechoseàNoraetdanslerétroviseurjelevoissortirdesgiletspare-ballesetunfusillance-grenades.
―Ilfautforcerlebarrage.Jehurlesanscesserd’accélérer.Nousn’ensommesplusqu’àquelquessecondes,lalimousinesejetteàtoutevitessesurlebarrage.Jeladirigeentredeuxvoituresdepolice,l’intervalle est réduit, mais pour cette manœuvre le poids considérable de la voiture blindée est unavantage.JecrieàRosa:
―Agrippe-toi!Enrentrantdanslesvoituresdepolice,l’impactduchocnouspropulseenavant.Jesenslaceinture
merentrerdanslecorps,j’entendslesballesdesbrigadesd’interventionfrapperlescôtésetlesvitresdenotre voiture,mais nous sommespassés et la limousine continued’avancer laissant derrière elle deuxvoituresquiserentrentdedansetquiexplosent.
CesvoituressontàSullivan,jem’enrendscompteavecsoulagementuninstantplustard.D’aprèsceque jevoisdans le rétroviseur,nos4x4n’ontpasété touchés.Àcôtédemoi,Rosaest lividedepeur,maisnesemblepasblessée.
Avantdepouvoirreprendremonsouffle,j’entendsuneexplosionassourdissanteetjevoiss’envolerlavoituredepolicequiexplose.Elleatterritsurlecôtéetsemetàflamberpuisl’undesHummersdeSullivan lui rentre dedans. Il y a une nouvelle explosion puis une camionnette appartenant à Sullivanquittelaroute.J’aiunsouriresauvageenvoyantEsguerradeboutaumilieudelalimousine,latêteetlesépaulesquidépassentdutoitouvrant.
Monpatrondoitseservirdulance-grenadesdenotrearsenal.Ilyauneautredétonationquandil tire,maiscettefois-ciaucunvéhiculeennemin’esttouché.Àla
place,undesHummersfaitunzigzaget rentredansundenos4x4et jevois levéhiculedesgardesseretourneretquitterlaroute.
Merde!Majubilations’évanouit.SiEsguerran’arrivepasàtirerjuste,noussommesfoutus.Commepourrépondreàmespensées,ilyauneautredétonationetl’unedescamionnettesdeSullivan
explosederrièrenous.Deux4x4deSullivanluirentrentdedans,maismasatisfactionestdecourteduréelorsque j’entends des balles frapper notre voiture. En poussant des jurons, je tourne le volant etcommenceàzigzaguerd’unbordàl’autre.
Contrairementàlalimousine,lecrâned’Esguerran’estpasblindé.Agrippéauvolant,jemarmonne:―Allez,Esguerra,tireleurdessus!Boom!Un4x4deSullivanvientd’exploseretceluiquilesuivaitaquittélaroute.―Ilvayarriver,ditRosad’unevoixtremblante,ilneleurrestequequatrevoitures.Jejetteuncoupd’œildanslerétroviseurpourvérifiersiellearaison.Sixvéhiculesennemiscontre
cinqdenotrecôté.Nousavonsencoreunechancedegagner.Tout à coup, j’aperçois des flammes dans le rétroviseur. Deux de nos 4x4 ont volé en l’air et je
réalisequelesHummerslesontfrappés.Merde,merde,merde,etmerde!―Allez,Esguerra!Surlevolant,lesjointuresdemesmainssonttoutesblanches.Vas-y,putain!
-
Boom!L’undesHummersquittelaroute,delafumées’échappedesoncapot.― Le Señor Esguerra les a touchés ! La voix de Rosa s’emplit d’une joie folle. Lucas, il les a
touchés!Jen’aipasletempsdeluirépondre,l’unedesvoituresennemiesperdlecontrôleetrentredansune
autre.Noshommesdoiventavoirabattulechauffeur.―Iln’enresteplusquetrois,Lucas!Trois!Rosaestsurlepointdesautersursonsiègeetjeréalise
quel’adrénalinelarendeuphorique.Au-delàd’uncertainpoint,oncessed’avoirpeurettoutn’estplusqu’unjeu,c’estunedroguecommeuneautre.C’estcequicréeunetelledépendanceaudanger,entoutcaspourmoi.
C’estlaproximitédelamortquimedonnel’impressiond’êtrevraimentvivant.Maisjeréalisebrusquementquecen’estplusvrai.Aujourd’hui,monivresseestmoinsforte,elleest
atténuéeparmoninquiétudepournoscivilsetparmaraged’avoirperdudeshommes.L’excitationestremplacéeparunesombredéterminationàsurvivre.
ÀvivrepourrattraperYuliaetavoirl’impressiond’êtrevivantd’uneautremanière.―Lucas!Toutàcoup,Rosasembletendue.Lucas,tuasvu?―Quoi ?Dis-je avantd’entendre le légervrombissementd’unhélicoptère, un son reconnaissable
entretous.―C’estunhélicoptèredelapolice,ditRosadontlavoixs’estremiseàtrembler.Lucas,pourquoiy
a-t-ilunhélicoptère?Au lieude lui répondre, j’appuieà fondsur l’accélérateur. Iln’yaquedeuxpossibilités : soit les
autoritésonteuventdecequisepasse,soitcesontd’autresflicspourris.Jeparieraispourlaseconde,cequiveutdirequenoussommesvraimentfoutus.D’aprèsmescalculs,Esguerran’aplusqu’unegrenadeàtireretilluiseraimpossiblededescendrecethélicoptère.
―Qu’est-cequ’onvafaire?Rosapanique,c’estclair.Lucas,qu’est-cequ’onva…―Tais-toi ! J’appuie encore sur l’accélérateur enme concentrant sur le bâtiment qui se dessine
devantnous.Noussommespresquearrivésà l’aéroportprivéetsinouspouvonsyentrer ilnousresteencoreunechance.JecrieàEsguerra:
―Jefoncesurlehangar!Etd’ungrandcoupdevolant,jetourneàdroiteendirectiondubâtiment.Danslemêmetemps,j’accélèreunefoisdeplus,lalimousineestàfond.Nousvolonsverslehangar,
maisinexorablementlegrondementdel’hélicoptèrecontinuedeserapprocher.Boom ! Une explosion résonne dans mes oreilles et instinctivement je donne un à-coup avant de
redresserlavoitureetd’accélérerdenouveau.Derrièrenous,undenos4x4sedirigesurunautreetilsserentrentdedansavecdescrissementsdepneusavantdequitterlaroute.
―Ilsluionttirédessus.Rosan’apasl’aird’ycroire.Oh,MonDieu,Lucas,l’hélicoptèreleuratirédessus.
Jesecouelatêtepouressayerdemedébarrasserdutintementdansmesoreilles,maisavantqu’ilnedisparaisseilyaunenouvelleexplosion,elleestassourdissante.
LeHummerquinoussuits’enflamme,contrenousilneresteplusquedeux4x4etl’hélicoptère.
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Esguerraaréussisonderniercoup.Avantquejepuissereprendremonsouffle,lalimousinereçoitunchocviolent.Jen’yvoisplusrien,
la tête me tourne, le bourdonnement dans mes oreilles devient un gémissement aigu qui me donne letournis.Seulesdesdécenniesd’entraînementmepermettentdegarderlesmainssurlevolantetquandjeretrouvelavuejem’aperçoisqueRosapoussedeshurlements.
―Nousavonsététouchés,Lucas,nousavonsététouchés!Putain,ellearaison.Ilyadelafuméequis’échappedel’arrièredelavoitureetlavitrearrièrea
voléenéclats.―Est-ceque...Esguerraetsafamille…Jecommencecettephrased’unevoixrauqueavantdevoir
Esguerra apparaître dans le rétroviseur. Il est couvert de sang, mais il est clair qu’il est vivant. EnrelevantNoraquiétaitausol,illuitendunAK-47.Derrièreelle,sesparentsontl’airabasourdisetsontcouvertsdesangeuxaussi,maisilsn’ontpasperduconnaissance.
Nous sommes presque dans le hangar maintenant si bien que je ralentis. À l’arrière, j’entendsEsguerradonnerdesinstructionsàsafemme.Ilveutqu’elleprennesesparentsavecelleetqu’ilscourentensembleversl’aviondèsquelavoitures’arrêtera.
―Tuvascouriraveceux,Rosa,tum’entends?Dis-jesansquitterlaroutedesyeux.Tuvassortirdelavoitureetcourir.
―D-d’accord!J’ail’impressionqu’elleestsurlepointdefairedel’hyperventilation.Nousrenversonslesportesduhangaretjefreined’uncoup,lalimousines’arrêteavecuncrissement
depneus.―Cours,Rosa!Jeluihurlecetordreenouvrantmaceinture,elleseprécipiteau-dehorsetmoiaussi
aprèsavoirattrapémonM16.―Vas-y,Nora!hurleEsguerraderrièremoienouvrantlaportièrearrière.Vas-ytoutdesuite!Ducoindel’œil,jevoisRosacourirderrièreNoraetsesparents,maisavantd’avoirpum’assurer
qu’ilsontatteintl’avionun4x4desSullivanarriveentrombedanslehangar.J’ouvrelefeuetEsguerraaussi.Lepare-brisedu4x4vole enéclats aumomentoù il piledevantnousetoùdeshommesarmésen
sortent.JecrieàEsguerra:―Recule!Vaderrièrelalimousine!Jeveuxlecouvrir,puisc’estluiquimecouvrequandjeplonge
àmontourderrièrelalimousine.―Prêt?Dis-jeet, ilmefaitsignede la tête.Ensynchronisantnosgestes,noussortonschacunde
notrecôtéetnoustironsplusieursrafalesavantdeplongerànouveau.―QuatredemoinsditEsguerraenrechargeantsonM16.Jecroisqu’iln’enresteplusqu’un.―Couvre-moi, dis-je et je commence à contourner la limousine en rampant. Je sens la sueurme
couler dans les yeux, j’avance sur le ventre tandis qu’Esguerra tire sur le 4x4 pour faire diversion.J’attendsaumoinsuneminuteavantdetrouverlebonmomentpuisjetiresurl’assaillant.
Laballel’atteintaucouetfaitjaillirungeyserdesang.Jemerelèveenhaletant.Aprèslevacarmeincessantdelabataille,lesilencemedonnel’impression
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d’êtredevenusourd.―Beautravail,ditEsguerraensortantdederrièrelalimousine.Maintenantsileshommesquinous
restentontle…―Julian!Del’autrecôtéduhangar,NorabranditsonAK-47au-dessusdelatête.Elleestradieuse.
Parici!Viens,allons-y!Levisaged’Esguerras’éclaired’unimmensesourirequandillavoitcourirdanssadirection,puisje
suisprojetéenl’airparunnuagedefeu.
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Y
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ulia
LASECONDESÉANCEDE«DÉBRIEFING»ESTENCOREPLUSDUREQUELAPREMIÈRE.OBENKOETLESDEUXAGENTSveulentque je reviennesurchacunedemesconversationsavecLucasetque jedécrivechacundenosmomentsensembleendétail.Ilsveulentsavoircommentilmeligotait,àquelmomentilm’adonnédesvêtements,cequ’ilmepréparaitàmanger,quelssontsesgoûtssexuels.Audébut,jecoopère,maisaprèsun moment je commence à répondre de manière évasive. Je ne supporte pas de voir ces hommesdisséquer ma relation avec mon ancien geôlier. Je ne veux pas qu’ils découvrent les sentiments quej’éprouvepourLucasniqu’ilsconnaissentmesfantasmesàsonégard.Lesdouxmomentsquenousavonsvécusetcequ’ilm’apromis,toutcelan’appartientqu’àmoiseule.
Cequis’estpassépendantmacaptivitéétaitmaletpervers,maisçacompte,entoutcasçacomptepourmoi.
―Yulia,ditObenkoaprèsunenouvelleréponseévasivedemapart.Ceciestimportant.Celuiaveclequel vous avez passé quinze jours est le second d’Esguerra. D’après ce que vous nous dites, il nesemble pas que ce soit Esguerra qui mène cette poursuite contre nous. Il est essentiel que nouscomprenionsexactementcequ’ilveutetcommentilpense.
―Jevousaidéjàdittoutcequejesais.J’essaiedenepaslaissertransparaîtremafrustration.Quevoulez-vousdeplusdemoi?
―Lavérité,toutsimplement,YuliaBorisovna.Matyenkomejetteunregardpénétrant.C’estKentquivousaenvoyéici?C’estpourluiquevoustravaillezmaintenant?
― Quoi ? J’en reste bouche bée. Vous plaisantez ? C’est moi qui vous ai prévenu. Vous croyezsincèrementquejepourraistrahirlafamilleadoptivedemonfrère?
―Jenesaispas,YuliaBorisovna.L’expressiondeMatyenkon’apaschangé.Vouspourriezlefaire?Jemelève.―Si je travaillais pour lui pourquoi vous dirais-je qu’ilm’a soutiré ces informations ?Un agent
doublenevousdiraitpasqu’elleaparlé,elleviendraitàvousenhéroïne,pasenratée.
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ÀcôtédeMatyenko,Sokovcroiselesbras.―Toutdépenddel’intelligencedecetagentdouble,YuliaBorisovna.Lesmeilleursonttoujoursune
histoireàraconter.JemetourneversObenko.―C’estaussicequevouscroyez?Quejevousaitrahi?―Non,Yulia.Monpatronestimpassible.Sic’étaitlecas,vousseriezdéjàmorte.Maisjepenseque
vousnouscachezquelquechose.C’estvrai?―Non.Jesoutienssonregard.Jevousaitoutdit.Jenesaisriend’autrequipuissevousaider.Obenkoserreleslèvres,maisilhochelatête.―Alorsd’accord.Nousenavonsfinipouraujourd’hui.
APRÈSLEDÉPARTDEMATYENKOETDESOKOVJERETOURNEDANSMACHAMBREAVECUNMALDETÊTEÉPOUVANTABLE.Jecroisqu’Obenkoétaitsincère:s’ilpensaitquej'étaisunagentdouble,ilm’auraitdéjàtuée.
Après avoir survécu à la prison russe et à l’enlèvement par les hommes d’Esguerra, je risque demourirauxmainsdemescollègues.
Bizarrement,cettepenséenemefaitpasgrand-chose.Levideglacialquiaenvahimoncœuratténuetout,mêmelapeur.Maintenantquejesuisicietquej’aifaittoutcequiestenmonpouvoirpourassurerlasécuritédemonfrère,monpropresortm’estcomplètementindifférent.MêmelesouvenirdelacruautédeLucasme semble lointain et affaibli, comme si ça s’était passé il y a des années et nonpas il y aquelquesjours.
Deretourdansmachambrejemecoucheetjem’enrouledanslacouverture,maissansarriveràmeréchauffer.
Unseulêtrepourraitchasserlefroid,etilestàdesmilliersdekilomètresdemoi.
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L
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ucas
RAT-A-TAT-TAT!Lesviolentesdénotationsdescoupsdefeutraversentl’obscuritéetmeramènentàmoi.Ilmesemble
quemoncerveaunagedansunépaisbrouillardvisqueux.En gémissant, je roule sur le ventre, j’ai tellement mal au crâne que j’ai envie de vomir. Où est
Jackson?Qu’est-ilarrivé?Nousétionsenpatrouilleetensuite...Putain!Sans tenir compte demonmal de tête, je commence à ramper sur le sable pourm’éloigner de la
fusillade.J’aimalpartout,desgrainsdesableirritentmesyeuxetemplissentmespoumons.Ilmesemblequejesuisfaitdesable,quemapeauvasedésintégrerdansleventâpreetmordant.
Encoredescoupsdefeu,puisuncridedouleur.Lapeurmeserrelecœur.―Jackson?―Jesuistouché.LavoixdeJacksonestbriséeparlapanique.Ohputain,Kent,ilsm’onteu.―Tiensbon!Jeretourneenrampantverslefeuentraînantmonfusildésormaisinutile.J’aiépuisé
toutesmesmunitionscinqminutesaprèsledébutdel’embuscade,maisjeneveuxpaslaisserd’armesàl’ennemi.J’aidemandédel’aide.Onarrive.
Jacksontousse,maissatouxvireaugargouillis.Troptard,Kent.Putain,c’esttroptard.Retourneàl’abri.
―Ferme-la.Jerampedeplusbelle,lapâlelueurdelaluneillumineunpetitmonticulejusteàcôtédenotreHumveequis’estretourné.LavoixdeJacksonvientdecettedirection,jesaisqueçadoitêtrelui.Allez,tiensbon!
― Ils ne… Ils ne viendront pas,Kent.Maintenant, Jackson peine à respirer.La balle doit l’avoirtouchéaupoumon.Roberts…C’estcequ’ilvoulait.C’estluiquiadonnél’ordre.
―Qu’est-cequeturacontes?J’arriveenfinprèsdelui,maisquandjeletouchejenesensquedeschairshumidesetdesosbrisés.Jeretirelamain.Putain,Jackson,tajambe…
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―Tu dois… Jackson inspire avec un nouveau gargouillis… partir. Ils vont faire tout sauter s’ilsarrivent.Roberts, il…Jel’aiprissur lefait.J’allais ledénoncer.Cenesontpas les talibans.Robertsétaitaucourant…Ilaunetouxgrasse.Ilsavaitquenousserionsici.C’estdesafaute.
―Arrête!Onvas’ensortir.Cen’estpaslemomentderéfléchiràcequemeditJacksonnid’entirerlesconséquences.Notreofficiersupérieurn’apaspunoustrahirdecettefaçon.C‘estimpossible.Allez,tiensbon,monvieux.
―Trop tard. De nouveaux gargouillismêlés de sifflements s’échappent de la bouche de Jacksonquandj’essaiedenouveaudeletoucher.Roberts…ils’étrangleetjesensunliquidechaudmerecouvrirlesmainsquandjeluiappuiesurleventre.
―Jackson, resteavecmoi.Moncœur semet àbattre commeun fou.Pas Jackson, çanepeutpasarriver à Jackson. J’appuie plus fort sur sa blessure pour essayer d’arrêter l’hémorragie. Allez, monvieux,resteavecmoi.Onvabientôtavoirdel’aide;
―Va-t’en!LemarmonnementdeJacksonestpresqueinaudible.Ilvatetuer…Ilfrissonneetjesenslemomentprécisoùçaarrive.Soncorpsdevient inerteet lapuanteurdesboyauxquisevidentemplitl’air.
―Jackson!Unemaintoujoursposéesursonventrejeplacel’autresursoncou,maisiln’yaplusdepouls.
C’estfini.Monmeilleuramiestmort.Rat-a-tat-tat!La fusillade a repris et mon cerveau est de nouveau enrobé dans le brouillard. Et il fait chaud,
beaucouppluschaudqu’ilneledevraitlanuitdansledésert.Cettechaleurmeconsume,ellemedévorecomme…
Bordeldemerde,j’aiprisfeu!Jeme jette sur le côté, je roule surmoi-même jusqu’à ce que cette chaleur brûlante diminue. J’ai
horriblementmalauxcôtesetlatêtemetourne,maislesflammesquimeléchaientlapeauontdisparu.Enhalet