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BURK UZZLE DUANE MICHALS LES KRIMS

Fondation Nationale de la Photographie.Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés

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Musée Galliera21 septembre-24 octobre1976

cette exposition a été réaliséepar Pierre de Fenoyl

co-production :Festival d'Automne à ParisFondation Nationalede la Photographie

mise en page :Roman Cieslewicz

les textes et les photographiesde ce cataloguene peuvent être reproduitssans l'autorisationde la Fondation Nationalede la Photographie.

3 entretien avec PIERRE DE EEITOYL

"La photographie, nous dit-onencore, n'est pas seulement perçue,elle est lue, rattachée plus ou moinsconsciemment par le public qui laconsomme à une réservetraditionnelle de signes : or toutsigne suppose un code, et c'est cecode (de connotations) qu'il faudraitessayer d'établir."ROLAND BARTHESLe Message photographique, in"COMMUNICATIONS" n° 1,Paris 1961.

"Aucun autre art, aucune autrescience, n'est exposé à ce suprêmedegré de mépris que chacun croitqu'il les possède d'un coup."HEGELPrincipes de la philosophie du droit,préface.Cité par Pierre BOURDIEU dansUN ART MOYEN, essai sur lesusages sociaux de la photographie.Editions de Minuit, 1961.

Pourquoi cet intérêt pour laphotographie?

C'est que la photographie est le lieud'un paradoxe : partout chez elle,elle n'a pas de chez soi; partoutprésente, elle reste inconnue. Quiconnaît l'histoire de laphotographie? Depuis 150 ans, elle abouleversé l'histoire, et on n'a pasencore vraiment conscience de savaleur irremplaçable, ne serait-ceque comme document. Nous avonsdes photographies de l'assassinatde Kennedy, si nous avions celles deRavaillac tuant Henri IV, avecquelle attention nous lesconserverions !

Le besoin de photographie seraitdonc celui d'une mémoire collectivepour le futur?

Entre autres besoins, il est certainque la photographie est unphénomène de mémorisation. Nousperdons sans cesse des traces,qu'elles soient ethnologiques,historiques ou affectives. Nousavons le sentiment de notrefragilité, du fait que nous sommesmenacés. Nous devons prendreconscience qu'il faut conserverprécieusement toute photographie.

Quelles sont pourtant lesambiguïtés de ce "document"photographique?

On admet aujourd'hui qu'elle n'estpas objective - ambiguïté quiintervient dès la prise de vue, puisau sous-titrage et à la lecture :Richard KALVAR dit : "Unephotographie est ce qu'elle a l'aird'être". "On utilise nosphotographies de bivouac en disantque c'est la guerre" disent, indignés,les photographes de Magnum.

Même deux photos successives dumême photographe peuventmontrer deux visions différentesd'une situation.

LA FONDATION NATIONALE DELA PHOTOGRAPHIE.

Quelles seront les actionsde la Fondation?

Le "fer de lance" en sera l'aide à lacréation. Il faut permettre auxphotographes qui ont un "œil", quisont inspirés, de travailler dans desconditions idéales, c'est-à-dire pourune recherche personnelle; lerésultat de leurs travaux circulerale plus possible, sous formed'expositions. Nous attendons avecimpatience le résultat d'unecommande donnée à cinqphotographes sur le thème "lesFrançais en vacances" : nousexposerons ces photographies ennovembre à Lyon, ensuite à Paris.

Quelle sera votre politique?Il faut pratiquer une ouverture touten restant exigeant, sinon vigilant,sur la qualité photographique. Dans

l'ordre, nous organiserons d'aborddes soirées où les photographesdébutants, mais prometteurspourront projeter leurs photos,ensuite des expositions de groupe,puis de groupes restreints, quatreou cinq photographes; enfin, le "oneman show" sera réservé à desphotographes dont la vision estd'un intérêt et d'une qualitéparticuliers. Il y aura également desexpositions historiques.Viennent ensuite les collections.Elles seront surtout axées sur lesmeilleures photographies résultantde nos commandes. Nous auronsainsi une collection vivanteet particulière.

Pas d'exposition à thème?Si bien sûr, mais pour être parfaite,une exposition de ce type demandebeaucoup de temps. Il y en aura,jepensejune par an. Dès l'annéeprochaine, nous allons préparerpour 1978-79 une grande expositionsur "la photographie de guerre", desorigines de la photographie à nosjours : de FENTON en Crimée àMAC CULLIN au Liban.

Les manifestations seront-elleséclatées?La Fondation est à Lyon. A partir decette ville, où demeureront lescollections, la documentation, ettout ce qui pourra servir à l'étudede la photographie, les expositionsdevront circuler le plus possible,dans les écoles, les comitésd'entreprise, les Maisons de laCulture, les Musées.

Pensez-vous contribuer à briserl'esprit élitiste, à élargir le public?Ce serait fantastique si 20 000personnes en France connaissaientDiane Arbus ou Eugène Bellocq (parexemple) au lieu des 3 000 actuels.Car il y a, en photographie,d'étranges phénomènes dedésinformation. Certains pionniersimportants sont complètementignorés. Les photographes sontdans la situation d'un musicien àqui l'on cacherait l'existence deMozart ou de Satie. Le photographeamateur n'a pas d'épreuve deréférence, c'est pourquoi il est aussisatisfait de ses couchers de soleil.Et puis j'ai assez entendu à proposd'une photo : "c'est beau, on diraitun tableau"! La photographie est unart autonome, qui n'a pas à secomparer à autre chose. Onpourrait cependant direironiquement que l'hyperréalisme acontribué à faire apprécier laphotographie!

L'AMERIQUE ET TROISPHOTOGRAPHES

Pourquoi, pour cette premièreexposition, avoir choisi desphotographes américains?L'exposition est coproduite avec leFestival d'Automne, qui cette année

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est axé sur les Etats-Unis. Enexposant KRIMS, MICHALS,UZZLE, je crois montrer ce qui estle plus significatif d'une nouvelleécriture visuelle, existant surtoutaux Etats-Unis.

Qu'entendez-vous par nouvelleécriture visuelle?Après Gene SMITH,CARTIER-BRESSON, KERTESZ, ilse produit en photographie unecharnière. Certains, commeFRIEDLANDER, Robert FRANCK,Bill KLEIN, se mettent à utiliser laphoto autrement, sans référencesau passé, sans se plier à des canonsesthétiques. C'était déjà en routechez KERTESZ. Et à partir de là, onne peut plus parler de "style", maisil y a naissance d'une pluralitéd'écritures visuelles.

LA PHOTOGRAPHIE, ACTECULTUREL

En conclusion?La photo doit être faite par tous. Jeveux dire qu'elle doit pouvoirdonner un plaisir de création àbeaucoup. Car c'est un des actesculturels les plus partagés quisoient, ce le plus souventinconsciemment. Le clic-clac necesse pas. A chaque seconde du jouret de la nuit, une photo est prise aumonde. Dans quelques années, nefaudra-t-il pas réécrire toutel'histoire de l'art moderne enfonction de l'apport souterrain de laphotographie?

Est-ce spécifique à l'Amérique?Montrer des photographesaméricains, n'est-ce pas colporterun mythe?Si on ne montrait que desphotographes américains, oui. Maisnous montrerons d'autresphotographes, d'autresphotographies. Il n'y a pas d'"école"américaine, hongroise ou française,mais des individus; pas de "jeunes"ou "vieux" photographes, mais desphotographies.

Ne court-on pas le risque, surtoutavec Les KRIMS, de voir fleurircinquante petits imitateurs?Us imiteront la forme, pas le fond.Chez lui, chaque photographie a unematuration assez longue, met à jourdes phantasmes profonds. S'il enétait de même chez ses imitateurs,leurs formes seraient forcémentplus personnelles, différentes dessiennes.

Pourriez-vous dire quelques motsde Burk UZZLE, peu connu enFrance?~

Ses images sont construites à partirde l'environnement. Ce sont destopographies, des constats d'uneAmérique sous cellophanerappelant l'atmosphère du"Cauchemar Climatisé".L'imagination est froide, très forte.Quand l'homme est présent, ilrenforce paradoxalement lesentiment de dépersonnalisation.

Lieux vidés plutôt que vides, scènesjuste quittées, on pourrait lesappeler des "vues indirectes"Et les deux autres?Alors qu'UZZLE est photographe,on peut dire que MICHALS etKRIMS utilisent la photographie.KRIMS aurait pu être peintre, etMICHALS est avant tout poète.

Propos recueillis et transcrits parCAROLE NAGGARLYON, le 18.06.76.

-UUX\X\. UZ-IZJJLI

LA PHOTOGRAPHIE ET L'ARTDU MOTO-CROSSENTRETIEN AVEC BURK UZZLE

Depuis la publication de votre livre"Landscapes" en 1974, quelledirection pensez-vous que votretravail a pris?

"Landscapes" était le résultat demon contact avec le travaild'hommes tels que HenriCartier-Bresson et Elliott Erwitt.La photo était toujours centrée surun sujet, sans rien avoir dejournalistique. Mais à présent, jetrouve trop simpliste le fait quel'humeur et le contenu desphotographies se rapportenttoujours au sujet : j'ai décidé decontrôler le sujet, au lieu de melaisser contrôler par lui.Mon idée, c'était d'apprendre à voird'une manière différente, apprendreà faire une réelle synthèse deschoses, à mettre les objetsensemble. Apprendre à créer lefantôme d'un objet. Essayer de fixerla qualité spirituelle d'objets quin'avaient pas été perçus de cettemanière jusque-là.J'ai alors réalisé que je pouvaisredescendre dans la rue, et fairemes photographies là, que j'étaiscapable de réaliser visuellement letype de combinaisons que je voyais :c'était plus que suffisant pour mepermettre de continuer. L'acte devoir est sans limites. Bien que jen'aie rien en commun avecCartier-Bresson, j'ai pourtantappris de lui à limiter mespossibilités techniques et à mediscipliner en fonction de ce que jetransporte et de mon centred'intérêt. Cela ouvre énormémentde portes. On sait beaucoup mieuxoù on devrait en être. Comme ça, onse promène simplement avec unLeica et un objectif normal, parfoisun 35 mm et c'est tout.

Lorsque vous parlez de préjugésphotographiques, à quoi faites-vousallusion?C'est lié à ma formationjournalistique. Vues sous cet angle,mes photos ne se rapportentmaintenant à rien : si je lesapportais à mon ancien patron deLIFE, il me dirait : "Eh bien ellessont très belles, mais ne se passe-t-ilrien dans ces photographies?"Quant à moi, la première fois quej'ai vu les nus de Bill Brandt, j'ai étéchoqué par le fait qu'il déformaitd'aussi belles formes.Mais c'était il y a longtemps et j'aigrandi depuis... Alors j'ai rentrémes préjugés, je sors et je m'amuse.Comme je n'ai pas besoin de vivrede ce genre de photographies, celame laisse libre.

J

Duane Michals essaie dephotographier l'invisible. Est-ceaussi votre préoccupation lorsquevous dites que votre travail estspirituel?Oui, sauf qu'il le fait de manièrebeaucoup plus littérale. Ilreprésente les manifestationsinvisibles.Je n'ai avec l'image aucune relationintellectuelle avant ou pendant leprocessus de prise de vue. CommeDuane se consacre aux séquences,le processus intellectuel estnécessaire. Mais dans la rue, je voisdu spirituel dans la relation entreun arbre et du béton. Cette relationa une auréole, une qualitéindéfinissable qui ne peut seformuler verbalement : et c'estprécisément cela que j'essaie detraiter dans ces photographies.

Pouvez-vous prendre des photospour vous et vos clients en mêmetemps?J'essaie de ne pas le faire. Maisaprès avoir travaillé pour quelqu'unpendant une journée, il m'arrived'utiliser des perceptions quiproviennent de mon contact avec,par exemple, un certain typed'usine. Cela me permet detravailler très rapidement : toutesces photos ont été prises très vite,mais je n'en prends pas beaucoup :en travaillant tous les après-midi dela semaine dernière à Seattle, jen'ai fait que neuf bobines de film,dont seulement quinze photosseront tirées.J'ai l'impression de travailler dansun domaine - les sites industriels etla rue - auquel personne nes'intéresse en ce moment : ce quiplaît aux gens actuellement, c'estl'instantané ou le graphisme. Pourmoi, l'instantané est un cul-de-sac;quant au graphisme, ce n'est pas enphotographiant un immeuble blancau clair de lune que cela marchera.

Ressentez-vous une affinité avecd'autres photographes actuels?Les gens me comparent à CharlesHarbutt, mais il se rattacheraitplutôt à Lee Friedlander : tout estsymbole pour lui.Mon travail est plus plastique, c'estdavantage une appréciation sur lecomportement des choses. Quandj'arrive sur un site industriel,j'observe ses caractéristiquesformelles avec l'intention de faireune belle photo. Le résultat peutêtre affreux, mais c'est en tous casune confrontation directe avec lesite. J'essaie de travailler demanière différente d'Eggelston :pour paraphraser le critique duNew York Times, Hilton Kramer,les photographies d'Eggelston mesemblent beaucoup trop neutres en

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UZZLE

termes de goût et d'approche, aussibien émotionnellementqu'intellectuellement.

Comment est né votre intérêt pourla moto?En 1967, peu après que j'aie quittéLife et sois entré chez Magnum,mon fils a commencé à s'intéresserà la moto. Après un certain temps,je me suis mis à en faire aussi, et àles photographier.Pour une course de cross country, ilfaut passer beaucoup de temps seul,5 à 6 heures par jour pendant 2 ou3 jours. La réussite est fonction ducourage, de la détermination, de lacapacité à comprendre le terrain, del'interprétation des vicissitudes dela piste. Il faut apprendre à réagir, àimproviser selon les circonstancesde manière positive et créative : cecis'applique également à laphotographie.

Avez-vous lu "Zen and the art ofmotor cycle maintenance" (Le Zenet l'art de la moto)?Oui. Dans les dernières pages, celadevient un peu lourd. Je ne ressenspas le besoin de tous ces mots : jepense que l'on peut faire ça toutsimplement en faisant de la moto.La moto m'a donné une sorted'humilité. Cela apprend, parexemple, les moments oû la volonténe peut vous conduire plus loin,mais oû l'inspiration le peut; ceuxoû le savoir et l'expérience peuventvous faire surmonter les obstaclesbeaucoup mieux que la seuleaudace. On travaille avec deséquilibres, des sentiments, desréactions quand on fait de la moto.C'est, comme la photographie, uneexpérience sensuelle.

Quels sont les gens qui vous ontle plus influencé?Les gens qui ont le plus d'influencesur moi ne sont pas tousphotographes. Parmi lesphotographes, il y a Cartier-Bressonet Harry Callahan. Parmi les autres,Edward Hopper, Giacometti etMatisse.

Propos recueillis parNANCY STEVENSle 15 août 1976.Traduction Rachel Weil.

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nENTRETIEN AVECDUANE MICHALS.

VOIR : qu'est-ce que cela signifiepour vous?"Nous sommes dans une situationinextricable. Les choses les plusimportantes : le temps, la mémoire,la mort... nous ne pouvons pas les"voir". Ce n'est donc pas "regarder"qui est la clé, mais "être conscient".Je "suis" moi-même l'événement. Je"suis" l'expérience : chaque choseque je regarde change en fonctionde moi. Si je prends de l'alcool, unedrogue, si je suis fatigué, ou aveugle,ce sera une autre expérience. C'estpourquoi je ne photographie pas lavie des autres, je ne cherche pas àl'extérieur ce qui est en moi.

Photographier l'invisible?L'image doit aller au-delà del'aspect extérieur, superficiel,au-delà des apparences; elle doitinterroger, réveiller au lieu derassurer, d'endormir. Et c'est trèsdifficile parce que la photo nous estfamilière : on photographie des genset on est content quand ils sontressemblants mais on ne sait pas cequ'ils pensent de la vie, de lareligion, du sexe, des chosesessentielles...

La photo ne "dit" rien...Elle ne "dit" rien, elle n'apporterien : c'est nous qui lui attribuonsce que nous voulons, ce que nousnous rappelons, ce que nous avonsen nous. Comme la "madeleine" deProust.C'est pourquoi elle dit tout et rien àla fois.La photographie d'un enfant quipleure est bouleversante, mais nousne saurons pas "pourquoi" il pleure.De même, lorsqu'on photographieune femme, la guerre, unévénement, cela ne prend aucuneffort de reconnaître la beauté, lasouffrance, la peur, le bizarre : celava de soi et on ne peut pas lemanquer. Mais il est plus dur de sedemander ce que l'on ressentdevant l'événement, pourquoi ilnous émeut, et cela on ne peut pasle photographier.

L'incapacité de l'image à traduirel'émotion de celui qui regarde :est-ce là la limite de laphotographie?Absolument. On peut photographiersa mère mais pas les sentiments quel'on a pour elle. On peutphotographier le fait d'une mort,(et il est probable que l'image nousbouleversera), mais cela nerenseigne pas sur l'émotion que l'on

DUAEE MICHALSa d'un deuil. Une image peutmontrer la surface d'une émotionque l'on a d'un deuil. Une imagepeut montrer la surface d'uneémotion mais pas ce qui est àl'intérieur. Je ne crois pas auxportraits, enfin très peu, car lesgens ne sont pas aussi simplesqu'une image, ils ne peuvent pasêtre saisis entièrement en uninstant, ils peuvent pleurer à unmoment, puis rire, être en colère oumentir à un autre moment : on necapture pas si facilement l'âme dequelqu'un.On peut photographier ce qui sepasse mais pas ce qui se passe aufond de soi. Et c'est là le plusimportant. Les yeux ne sont qu'uneinfime partie de notre expérience, eten photographie je ne peuxqu'essayer de suggérer, sanspréciser la vérité de l'expérience.

Est-ce pour cette raison que vousorganisez maintenant vos photos enséquences ou que vous les encadrezd'un texte écrit?

J'ai commencé à faire des séquencescar ce qui m'émouvait ne pouvaitpas être dit en une image. Tout estcontinuité, rien n'est isolé. Je nesuis pas intéressé par un instantmais par toute l'expérience. Jepense qu'il faut toujours aller plusloin, s'affranchir, se libérersoi-même : avec les séquences, j'aipu étendre le moment. Puis j'aivoulu aller encore plus loin, saisirdes émotions plus subtiles et j'aicommencé à ajouter une phrasepuis à écrire tout un texte. C'estconstamment un procédé dem'affranchir pour être moi-même.Et c'est aussi rencontrer d'autrespossibilités d'échecs, ce qui est trèsimportant car l'échec réveille, forceà réagir.

Ces textes changent la fonction dela photo, ils n'ont rien à voir avecdes légendes...La photo devient partie del'expérience avec l'écrit. Elle n'estplus un événement isolé.Ordinairement les photos sonttoujours en relation avec des textesmais une légende a pour rôle dedéfinir le contenu de l'image alorsque moi j'écris ce qui ne peut pasêtre vu par la photo.D'ailleurs le fait de prendre la photoest la partie la plus simple. Lacomposition est instinctive, et je neme préoccupe ni du style ni de latechnique qu'il faut oublier quandon la possède. Le plus dur est"avant" la photo : arriver à ce que jesens, l'approfondir.

Vos photos sont mises en scène :est-ce un désir de contrôler, d'êtreresponsable?

Je veux tout contrôler, je veuxcommuniquer quelque chose, jeveux que l'on sache exactement cedont je parle : mes photos sont desinventions de mon expérience, ellesn'auraient jamais existé sans que jeles conçoive. J'emploie lespersonnages comme des acteurs etje regarde à l'intérieur ce que lereporter regarde à l'extérieur.Le reportage repose sur le hasard,et l'événement existe, que lereporter soit là ou pas. Moi,j'invente l'événement : c'est lamême différence qu'entre unreporter et un romancier. Mais je neveux pas dire que l'un ait raison surl'autre, je veux dire simplementqu'il y a d'autres possibilités. Lesreporters ont dominé laphotographie pendant longtemps,ils devraient être contents que lechamp de la photo s'élargisse.

Ce refus d'un engagement parrapport à la réalité extérieure, quel'on retrouve chez beaucoup dephotographes américains, leconcevez-vous comme une fuite horsd'une situation politique et socialeinextricable?Je ne crois pas que les photographesaient abandonné la politique maisils se sont engagés dans desquestions plus larges,métaphysiques, éternelles alors queles événements historiques ne lesont pas : ils passent et rien nechange vraiment quoi que l'on fasse.Les photographes sont toujours"concernés" mais par autre chose,et il semble plus sain de retourner àdes questions essentielles.

Faites-vous de la politique?Oui, je m'efforce d'être "à gauche",socialiste. Mais je ne crois pas quel'appareil photo change quelquechose parce que le pouvoir del'image n'a rien à voir avec lepouvoir réel. Si vous êtes vraimentengagé, je crois que vous laisseztomber l'appareil et vous prenez unfusil, une pierre, vous "faites"quelque chose mais vous ne prenezpas une photo.Certains reporters n'ont qu'uneidée : prendre une photodramatique, et ils utilisent des gens,ils ne sont pas responsables de cequ'ils font d'eux. Ils sontspectateurs des tragédies. Moi jecrois que si vous voulez changer lemonde, vous devez vous changervous-même.

Cela renvoie à une sorted'individualisme où tout tourneautour de soi. Vos photos sont-ellesune recherche des autres ou devous?

Je ne suis pas d'une autre planète :quand je parle de moi, je parle de

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MICHALS

nous. Les questions dont je parleintéressent d'autres gens aussi carelles sont essentielles.Simplement, je crois à la rechercheindividuelle. Vous voyez, je ne saispas ce qu'est la photo, je ne sais pasce qu'est ma vie, mais je tente de ledéfinir. Ce que je veux, c'est faireconnaître de plus en plusprécisément une émotion spécifiquequi m'intéresse. Je veux que lacommunication s'établisse entrevous et moi, que vous sachiez ce queje pense. Je veux devenirtransparent. Je crois que c'est leseul don qu'on puisse faire.

Vous parlez de la photo de façon trèsaffective, et l'émotion semblel'emporter sur la part visuelle...Je préfère encore toucher les genspar l'émotion. La photo n'est qu'unvéhicule pour une idée, unsentiment et elle ne m'intéresse pasen tant qu'objet, ou matière. Laplupart des photos sont trèsennuyeuses car elles ne touchentque vos yeux, pas votre esprit. Pasvos sentiments.

THE CREATION, 1971séquence de sept photographies 12 15

Vous êtes concerné par les questionsmétaphysiques. Vousintéressez-vous aux philosophiesorientales?Oui, beaucoup. Au Zen et auBouddhisme en particulier. Je penseque c'est la vérité.Tout est distraction : gagner del'argent, faire l'amour,photographier, sont distractionsdes questions essentielles qui sontde savoir ce qu'est la vie.

Mais la photo peut aider à pénétrerces questions?Oui, en tout cas je l'utilise pourmoi-même dans ce sens. Alors quela plupart des gens l'utilisent pourrenforcer la distraction : ils nequestionnent pas la distraction, ilsla photographient. Ils ne vontjamais au but.Avec mes photos je m'explique àmoi-même mes expériences. C'estcomme dire quelque chose à voixhaute.

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LESLIE KRIMSPRÉLIMINAIRES D'USAGE.

Décor : la ville de Buffalo, dansl'état de New York. Une ville terne.Les Kr-ims vit de son enseignementà la State University.

J'ai commencé à faire du dessin etde la gravure puis j'ai découvert laphoto et cela m'a semblé bien plusintéressant : c'était beaucoup plusdirect, plus rapide, dit Les Krims.

Il est né en 1943 d'une famille juivetrès modeste et il a suivi les coursde la Cooper Union de New York.En 1964 il obtient le grade debachelier, disent les biographies...Une histoire enregistrée, une vieépinglée. Mais le doute s'installedans une photographie : Les Krimsrevêtu d'une toge, étudiant sage etbrillant.

En réalité nous ne portions pas cevêtement. Le photographe l'avaitapporté "pour la photo".La photo-preuve, la photo-témoin,celle qui a le pouvoir de faire croirealors qu'elle ne dit rien ou trop,alors qu'elle peut-être construite oudétournée. Les photos de Les Krimsen sont la preuve. Contre-preuve.Mimétisme qui utilise, démontre,dénonce la manipulation de l'image.

UNE INTRIGUE A TIROIRS.

Le travail de Krims procède d'uneévolution rigoureuse à travers des"séries" d'images qui sont des idéesreliées entre elles sans pour autantréaliser d'histoire finie. Le cheminparcouru est celui del'enregistrement direct d'uneréalité à la mise en scène d'unesituation.

"Les petites gens d'Amérique" :un "document" sur les nains,comme l'entendent les reporters, ouun jeu de mot, comme le sous-entendr "ultime minorité"...

"Les tueurs de daim" : un meurtreou un bienfait écologique? la photone dit rien, nous interprêtons.

L'incroyable affaire des meurtres-aux-gâteaux-de-froment : uneconstruction de scènes imaginairesà partir de l'observation de photosde police.

Pendant ces projets, je continuais àfaire des images seules mais àl'époque il semblait plus intéressantde publier mon travail, c'estpourquoi j'ai choisi ces séries quis'adaptaient plus à l'édition. J'aitout contrôlé moi-même, sanséditeur car j'avais été trompéauparavant, et cela me permettaitde diffuser ces photos à bon marché.

Beaucoup de gens sont choqués parle contenu violent, agressif, de laplupart de vos images...

LES KRIMSOui, on me dit sexiste ou onm'accuse de cruauté, mais je necomprends pas pourquoi. Je n'aijamais fait de mal à personne. Laphoto n'est pas la réalité, elle n'estqu'une image et ne nous informeque sur elle-même : elle n'est qu'uneinformation visuelle. Le sens quechacun peut lui donner, je ne veuxpas m'en occuper. Je ne m'occupeque de faire l'image.

PHOTO-TRANSFORMATION.

Maintenant Les Krims construitdes scènes imaginaires. Il utilise unappareil à développementinstantané qui permet de travaillerl'image après son développement,comme une peinture. On peutmodifier les contours, l'espace,dessiner dans la photo, créer desillusions.

J'ai décidé d'appeler mon procédéFICTION car c'est un mot employédans d'autres domaines de l'artcomme la littérature et cela mesemblait approprié pour décrire larelation entre mes images et lemonde réel comme pour lesdifférencier d'autres images quiproposent de montrer le fait plutôtque l'imaginaire.

Comment travaillez-vous ?J'ai une idée précise que j'écris dansun carnet. Puis je dessine un petitsketch pour indication visuelle etcela peut rester ainsi pendant desmois ou des années jusqu'à ce que jedécide de le faire. Je dois alorschercher les éléments, lesconstruire, réunir les personnesdont j'ai besoin.

Souvent c'est votre mère qui pose :comment a-t-elle accepté d'être nue ?La première fois, j'avais besoin d'unmodèle et je n'avais pas d'argent. Jene sais pas vraiment si ellecomprend ce que je fais, mais elle aun tempérament d'artiste.

IMAGE.

Le fait que la photo nécessite laprésence d'une réalité extérieure,même si celle-ci est composée, alorsque la peinture peut traduiredirectement une idée et un universimaginaire, cela changel'expérience...

Le peintre peut lui aussi travaillersur la réalité extérieure; et j'ai vudes lithographies du XIX® siècle,avec une grande variété de couleurs,si réalistes qu'elles ressemblaient àdes photos : elles avaient le mêmepouvoir d'illusion.

En fait en photo comme en peintureon crée des objets d'illusion pardeux méthodes différentes, mais leprocédé est mineur.Ce que les gens ne comprennent pas,c'est que l'image photographiquefonctionne exactement de la mêmefaçon qu'une peinture : toutes deuxsont des objets, elles sont abstraites.

16 17elles sont vues par les yeux etl'intelligence sensible. La seuledifférence est la vitesse del'exécution. Et de même qu'il seraitabsurde de refuser l'aide d'unordinateur qui résoud en quelquessecondes des problèmesmathématiques qui prendraientnormalement des années, sousprétexte que "ce n'est pas fait à lamain", pas "naturel", il serait aussistupide de rejeter l'appareil photo.

Dans ce cas, comment réagissez-vousdevant des photos de reportage?Je peux être ému dans un certainsens si c'est une bonne photo. Maisj'ai déjà vu ce genre de travail avant,je ne vois rien de nouveau, rien queje n'ai pensé avant. Ces photos netraduisent qu'une infinie petitedose de réalité, une illusion deréalité. Elles auraient pu êtreconstruites. Aussi, elles ont unlangage codé que je connais. Or lelangage de l'image est infini et ilserait absurde de le limiter à unvocabulaire de cinquante mots. Jeveux l'élargir.Je n'ai rien contre ces photos et jepeux aimer beaucoup certaines maison a fait trop de déclarationsdidactiques à leur propos. On aenfermé la photo dans cesdéfinitions.C'est pourquoi je tiens à faire desimages qui n'ont jamais été vuesavant. Pour le spectateur, ce doitêtre une nouvelle information, unenouvelle vision. Alors les gens sontembarrassés, ils ne savent pas quoien faire, ils ne savent pas de quoices images parlent. Car elles neparlent que d'elles-mêmes.

CONTRE-ENQUETE : UNATELIER DE TRAVAIL.

Je deviendrai millionnaire : MarieMadeleine m'est apparue, un Nikondans une main et l'autre tendue...

Le plus sérieusement du mondeLes Krims commence ainsi son"workshop". Il se tient derrière unetable, pas de compromission, ne pasfaire croire que... Il réunit les signesdu travail et de la sainteté : le bluejean est irréprochable, la barbe etles lunettes sont celles d'unétudiant trop sage, mais la têteporte l'auréole d'une cheveluredense et frisée. Silence, il parle. Lavoix est posée, calculée, maniaque.La parole d'un gourou. Il propose de"guérir" les élèves par opposition deses propres photos de famille sur"l'endroit du corps où ils ont le plusmal". Silence, ils posent et lui prendla photo. Rite. Il exorcise.

Interview :MARTINE VOYEUX.

LESLIE KRIMSLISTE DE PHOTOGRAPHIES

1. This Image Costs $ 50. 1975.(From Photo-Currency Séries:"This Image Costs $ 1., $ 5., $ 10.,$ 20., $ 50., $ 100., $ 500.,$1000., $5000., $10,000.").

2. String Breast Displacement.1970/71.

3. Magnified Heat Sources. 1974.

4. Banana Monkeyland. 1974.

5. Floured Pièce Outlines. 1971.

6. Plane Traversing PhotographieLandscape. 1971.

7. Aérosol Fiction. 1969.

8. G.I. Joe Wounded And InFiâmes Fleeing The Giant NudeMonster. 1975.

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KRIMS

9. Tokyo Fiction No. 2 '(With Flexible Hoses). 1975.

10. Tokyo Fiction No. 3(With Skyline). 1975.

11. Tokyo Fiction No. 4(Bondage With Monsters). 1975.

12. Columbia Kansas PrimitivesReady To Vacation. 1975.

13. A Painting Within APhotograph. 1070/71.

14. Tokyo Fiction No. 1.(With Draped Paper). 1975.

15. Pretending To Whisper TheWord "Death". 1971.

16. On Point Pussy Leap. 1971.

17. Mom'sSnaps. 1972.

18. New False Teeth Profile. 1971.

19. Mother With Head Being

Measured By Giant Calipers.1971. 20

20. Hook-er. 1974.

21. The Nostalgia Miracle Shirt.1970/71.

22. The Resuit Of LivingIn A Dark Basement While NotLooking For Work. 1971.

23. Self Opération Fiction.1970/71.

24. Human Being AsA Pièce Of Sculpture. 1969.

25. Nude With Stuffed OwlBeing Photographed By WomanWith Bag Over Her Head. 1974.

26. Comix. 1974.

27. Study For MeatgrinderTriangle Fiction. 1974.

31. You Can Do It With A Lewyt.1970/71.

32. Nude Airflow Test Area. 1971.

33. From Séries: Balancing 2iUnusual Objects On The Back OfA Nude, No. 1.1971.

34. Untitled. 1968.

35. Making An Impression.1970/71.

36. Jew Woman. 1970/71.

37. Broom Optical Illusion. 1974.

38. Leaf Pièce With Stuffed Cat.1970.

39. From Séries: Pis s Portraits(Les Krims). 1973.

40. Decoy Pièce For DuckHunters. 1974.

41. Untitled. 1970/71.

42. The Static Electric EffectOf Minnie Mouse On MickeyMouse Balloons. 1968.

43. Illusion DesignedTo Ridicule Minor Mystics. 1970.

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