Banc de caractérisation en linéarité de composants actifs par … · · 2016-05-12......
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Banc de caractérisation en linéarité de composants actifs par des mesures multi-
tons innovantes : application aux HEMTs GaN
KAHIL Si Abed Karim1,2, LAURENT Sylvain1, QUERE Raymond1, FLORIOT Didier2, DRIAD
Samira2, BRUNEL Valeria2 1Laboratoire XLIM
123, Avenue Albert Thomas
87060 Limoges, France 2United Monolithic Semiconductors
10 Avenue du Québec
91140 Villebon-sur-Yvette
E-mail : [email protected]
Résumé
Un banc load-pull multi-tons (MTLP), dédié à la
caractérisation sous-pointe de la linéarité des composants
actifs, est présenté. A titre d’illustration, nous évaluons les
performances en linéarité de trois technologies HEMT GaN
provenant de deux fonderies concurrentes. Le résultat des
caractéristiques temporelles permet d’approfondir l’analyse
de distorsion non-linéaire, mettre notamment en évidence
l’influence des effets de pièges, relativement importante dans
les composants à base GaN. Ce banc répond actuellement à
des besoins de caractérisation pour des composants promus à
des applications de télécommunication et radar. Ses
potentialités ainsi que son exploitation lui confèrent un intérêt
industrialo-scientifique certain.
1. Introduction
Les technologies à base de Nitrure de Gallium (GaN)
connaissent un essor considérable depuis une vingtaine
d’années ; le composé GaN ayant des caractéristiques
physico-électriques des plus attractives pour des
fonctions hyperfréquences de puissance. Des composants
actifs à base GaN font actuellement l’objet
d’implémentation au cœur de systèmes de
télécommunication et dispositifs radars pour lesquels des
performances accrues en linéarité sont requises. En
revanche, l’immaturité des fonderies GaN en limite la
mise en œuvre. Des effets électriques parasites, résultant
de défauts de fabrication nuisent aux performances des
composants, dont la linéarité. Par ailleurs, les bancs de
caractérisation en linéarité représentent des coûts de
développement et d’exploitation onéreux. Disposer ainsi
de nouveaux outils et méthodes d’investigation afin
d’améliorer, d’optimiser les fonderies GaN présente un
intérêt majeur. Dans ce contexte, nous présentons un banc
de mesure load-pull multi-tons, particulièrement
intéressant, tant du point de vue de ses potentialités que
de son exploitation, pour caractériser et comparer la
linéarité de composants actifs. Il permet en outre de
mener des analyses approfondies de la distorsion non-
linéaire. Une illustration pratique est proposée sur des
composants HEMT GaN. La première partie de cet article
traite de la configuration du banc. Les résultats de mesure
sont exposés en deuxième partie.
2. Présentation du banc MTLP
La mesure multi-ton permet de caractériser la linéarité
de composants actifs. Un choix pertinent de fréquences
porteuses permet en effet de relever précisément les
amplitudes et phases des porteuses et ses produits
d’intermodulation [1] ainsi que d’évaluer les critères de
linéarité les plus élaborés tels que l’ACPR, l’EVM et
NPR [2]. Notre banc est constitué d’un analyseur de
réseau large-signal (LSNA) [3] configuré pour
l’acquisition de 8 porteuses et ses produits
d’intermodulation d’ordre 3 intra/extra-bandes. Les
composantes continues des courants et tensions sont
mesurées. La fréquence centrale du signal f0 est réglée à 4
GHz (spécification télécom). Une représentation quasi-
normalisée du banc MTLP est proposée en figure 1.
Amplificateur à tube
a1
50 Ω Signal multi-tonsf0 = 4 GHz
3 dBb1 a2 b2
50 Ω
3 dB
50 Ω
Γf0
VGS VDS
Γf0
DUTTuner de Source
Tuner de Drain
Figure 1. Représentation quasi-normalisée du banc MTLP
Le signal 8 tons est défini de sorte que ses puissances
d’intermodulation d’ordre 3 ne se chevauchent ni entre-
elles ni avec les porteuses tout en annihilant l’influence
des phases relatives sur son amplitude. Nous pouvons
ainsi considérer, pour chaque porteuse, des phases
aléatoires afin de réduire considérablement le temps de
mesure. Le signal et ses principales caractéristiques sont
exposés en figure 2. La fréquence de résolution du LSNA
(fƐ = 975 Hz) résulte en une durée de trame de 1,025 ms :
temps de mesure pour un niveau de puissance.
Δfmin = 21.48 kHz
6 dB
128 IM3 : fi+fj-fk
56 IM3 : 2fi-fj
Bande-passante Δf = 2.46 MHz
Caractéristiques du signal 8 tons• Phases des porteuses aléatoires• Δf = 2.46 MHz• Δfmin = 21.48 kHz
8 porteuses : f1 … f8P(dBm)
Figure 2. Spectre en puissance du signal 8 tons
Le signal 8 tons présente des analogies fortes avec un
signal modulé numérique en termes de dynamique et
propriétés statistiques. Il présente par exemple un facteur-
de-crête de 8.1 dB. Toute chaine de modulation ou
démodulation est exclue. De plus, aucune auto-
interférence (chevauchement fréquentiel) n’est initiée, la
linéarité peut être ainsi précisément évaluée. L’annulation
partielle des porteuses permet de générer un signal 1 ou 2
tons. De tels signaux, implémentés au sein d’une même
station sous-pointe s’avère alors très utile pour la
caractérisation de composants actifs dont nous proposons
une illustration pratique dans la partie suivante.
3. Résultats de linéarité
Notre illustration porte sur trois technologies HEMT
GaN mesurées à différentes classes AB. Les résultats de
linéarité usuels évalués au travers de mesures
mono/multi-porteuses sont présentés. Disposant des
formes d’ondes d’enveloppe, des analyses approfondies
de la distorsion non-linéaire peuvent être menées et sont
proposées dans la dernière partie de ce chapitre. Ces
analyses mettent notamment en évidence l’influence des
effets de pièges sur la linéarité.
3.1. Préliminaires
La table 1 présente les technologies HEMT GaN
étudiées.
Techno A B C
Description
commune
Longueur grille : 0.25 µm Hétérojonction AlGaN/GaN
Substrat SiC
Description
spécifique
Avec field-plate
Fonderie européenne
Sans field-plate
Fonderie européenne
Avec field-plate
Fonderie asiatique
Table 1. Description des technologies HEMT GaN
Nous exposons des résultats pour un courant de
polarisation de 10 mA/mm, correspondant à une classe
AB profonde, fréquemment appliquée pour optimiser
conjointement linéarité et rendement [4]. La figure 3 met
en évidence les impédances d’adaptation, mesurées pour
chaque technologie à 4 GHz.
+ input : Z11*(4 GHz)
X output : Z22*(4 GHz)
ZSourceTuner(4 GHz)= 19 + j40 Ω
ZLoadTuner(4 GHz) = 67 + j125 ΩTechno A
Techno B
Techno C
Techno A
Techno B
Techno C
Figure 3. Impédances d’adaptation à 4 GHz, polarisation (VDS=30 V, IDS= 10 mA/mm).
Nous supposons que les conditions d’adaptation en
puissance des trois technologies sont vérifiées, pour un
ajustement unique des tuners, en vertu du fait qu’elles
présentent des impédances d’adaptation proches. Les
tuners de drain et de source sont ajustés selon les
impédances d’adaptation de la technologie A. Nous
faisons l’hypothèse que cette impédance est constante
dans la bande-passante du signal. Une adaptation en
puissance en entrée, est favorable à la mesure de
linéarité : le générateur et l’amplificateur à tube peuvent
être mis en œuvre avec de forts reculs en puissance. La
génération de non-linéarité liée aux instrumentations est
par conséquent minimisée.
3.2. Résultats de linéarité usuels
Les critères de linéarité usuels, largement répandus, se
rapportent à des mesures n’employant pas de modulation
complexe. Nos mesures emploient effectivement des
signaux dotés de porteuses non-modulés et reposent sur la
quantification des seuls produits d’intermodulation
passifs. Nous relevons, en sortie des dispositifs :
distorsions d’amplitude (AM/AM) et de phases
(AM/PM), taux d’intermodulation d’ordre 3 (C/I3), points
de compression à 1 dB et d’interception d’ordre 3 (P1dB et
IP3). Certaines définitions sont explicitées (équations 1 et
2). Les rendements en puissance ajoutée (PAE) sont
mesurés simultanément.
3
)(
)(
)(3
IMW attsi
porteusesW attsi
fPout
fPout
dBcI
C
Equation 1. Définition du taux d’intermodulation d’ordre 3
)arg()(/1
2
a
bPMAM
Equation 2. Définition de la distorsion de phase AM / PM.
1a et2b sont respectivement les ondes de puissances
(complexes) incidentes en entrée et réfléchie en sortie du dispositif.
La distorsion d’amplitude est simplement représentée par
le gain en puissance. Elle peut, de même que la distorsion
de phase, être mesurée à chaque fréquence porteuse ou
selon une moyenne de chacune d’entre-elles. Nous
traçons dans un premier temps les courbes de gain en
puissance (moyenné) et PAE (figure 4). Les profils de
gain admettent une augmentation locale avant
compression, phénomène fréquemment observé pour les
classes de polarisation profondes, expliquant des valeurs
relativement élevées de P1dB.
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
5 10 15 20 25 30 35
Gain en puissance
(dB)
Pout (dBm)
Techno ATechno BTechno C
1 ton2 tons8 tons
353637383940414243444546474849505152
29 30 31 32 33 34
PAE (%)
Pout (dBm)
Techno ATechno BTechno C
1 ton2 tons8 tons
Figure 4. Gain en puissance (dB) et PAE (%) en fonction de la puissance de sortie Pout (dBm). L’intervalle est limité autour des maximums de PAE.
Plus grand est le nombre de tons, moindre est la
puissance de saturation, en raison de facteurs-de-crête
plus élevés. La technologie A présente plus de gain, le
banc étant optimisé en puissance pour celle-ci. Les
valeurs de PAE avoisinent 50 %. Un signal télécom
moderne se compose d’une multitude de porteuses
soumises à modulation complexe (amplitude et phase
conjointe). Par ailleurs, les distorsions de phases sont
particulièrement nuisibles au bon fonctionnement des
radars à haute-résolution. A ce titre, la superposition des
tracés de distorsions d’amplitude et phase à chaque
fréquence porteuse illustre la dispersion intra-bande
initiée par les dispositifs sous test et ses implications au
niveau système ; le résultat issu de mesure 8 tons est
représenté figure 5.
838587899193959799101103105107109
101112131415161718192021
-4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 16 19 21 23 24 26 28 29 30 31 32
AM/PM ( °)AM/AM (dB)
Pout (dBm)
Techno ATechno BTechno C
f1
f8
f1
f8
Figure 5. Tracés des AM/AM (dB) et AM/PM (°) à chaque fréquence porteuse fi (i = 1 8, mesure 8 tons) en fonction de la puissance de sortie Pout (dBm).
Les critères de C/I3, P1dB et IP3 sont présentés dans la
figure 6. Les profils de C/I3 ne sont pas linéaires à bas-
niveaux de puissance. De plus, les valeurs de P1dB sont
plus élevées que les IP3, Ces résultats contredisent les
soubassements théoriques de ces critères, rendant leurs
applications insuffisantes, voir inadaptées, pour
caractériser la linéarité des composants actifs à état
solide. Elles permettent toutefois de classifier
primairement des technologies; des critères de linéarité
plus élaborés devant être évaluées en complément.
202530354045505560657075
-5 0 5 10 15 20 25 30 35
C/I3 (dBc)
Pout (dBm)
Techno ATechno BTechno C 2 tones
8 tones
33,4 34 32,7
28,67
32,66
22,164
Techno A Techno B Techno C
IP3
(dBm)
P1dB
(dBm)
Figure 6. Tracés des C/I3 et résultats P1dB et IP3
3.3. Analyse approfondie de la distorsion non-
linéaire
Un traitement distinct des données de mesures
‘brutes’, nous permet de visualiser les formes d’ondes
d’enveloppe, mener ainsi des analyses complémentaires
de linéarité. Nous restreignons dès à présent l’exposé à
des mesures 8 tons portées sur la technologie A. La
comparaison des caractéristiques d’enveloppe avec leurs
équivalents fréquentiels est donnée en figure 7. En
moyenne, les caractéristiques d’enveloppe et
fréquentielles se confondent, nous assurons ainsi que le
passage dans le domaine temporel n’est pas biaisé. Le
caractère dispersif des tracés rend compte de l’influence
des effets de pièges, exacerbés à fort niveaux de
puissance (moyenne), ce qui peut être à l’origine de
dérives temporelles telles que la désadaptation en entrée.
Figure 7. Gain en puissance et coefficients de réflexion en entrée/charge pour trois niveaux de puissance moyenne. Les caractéristiques fréquentielles sont repérés par des majuscules.
La fonction de distribution statistique, désignée par
l’expression anglaise ‘Complementary Cumulative
Distribution Function’ (CCDF), de la puissance
instantanée d’enveloppe de sortie est représentée pour
deux niveaux de puissance (figure 8). L’enveloppe voit sa
dynamique évoluer de sorte que le facteur-de-crête
(repéré PAPR) chute de 3.8 dB à forte puissance, les
sollicitations à des étages de compression étant à l’origine
d’écrêtages temporel, de distorsion d’amplitude.
LP pout
HP pout
LP PAPRHP PAPR
3.8 dB
= - 4 dBm (LP) = 31 dBm (HP)
CCDF (%)
Peak-to-Average (dB)
Figure 8. CCDF de la puissance instantanée d’enveloppe en sortie à bas et forts niveaux de puissance moyenne.
Les chronogrammes des puissances instantanées
d’enveloppe, en entrée et en sortie du dispositif, sont
représentés à deux niveaux de puissance moyenne (figure
9), révélant des distorsions d’amplitude et phase à fort
régime.
pin(mW)
pin(W)
pout(mW)
pout(W)
= -4 dBm
= 31 dBm
Figure 9. Puissances instantanées d’enveloppe à bas/ forts niveaux de puissance moyenne. pin(out) est la puissance instantanée d’enveloppe en entrée (charge).
Les régimes à forte puissance, bien que favorables au
rendement (PAE) nuisent à l’intégrité des signaux du
point de vue de la distorsion non-linéaire en amplitude et
phase. Les représentations temporelles nous permettent
ainsi d’étudier les phénomènes non-linéaires de manière
complémentaire, sinon approfondie, vis-à-vis des critères
usuels basés sur une stricte lecture fréquentielle des
signaux. L’influence d’effets parasites tels que les pièges
peut être analysée.
4. Conclusion
Un banc load-pull multi-tons, dédié à la
caractérisation de composants actifs, est présenté. Sa
configuration est optimisée pour des mesures 8 tons. La
mesure étant réalisée sous-pointe avec des signaux
émulant la modulation télécom ; toute chaine de
modulation/démodulation proscrite par ailleurs, confère
au banc un intérêt certain pour caractériser et étudier la
linéarité des composants actifs dans des cadres
industriels. Des mesures sur technologies HEMT GaN,
provenant de deux fonderies concurrentes, sont enfin
présentées; l’analyse des signaux temporels d’enveloppe
permettant d’appréhender plus précisément la distorsion
non-linéaire, notamment l’influence des effets de pièges.
Références
[1] J. P. Teyssier, J. Sombrin, R. Quere, S. Laurent, et F.
Gizard, « A test set-up for the analysis of multi-tone
intermodulation in microwave devices », in Microwave
Measurement Conference (ARFTG), 2014 84th ARFTG,
2014, p. 1‑3.
[2] R. J. Westcott, « Investigation of multiple f.m./f.d.m.
carriers through a satellite t.w.t. operating near to
saturation », Proc. Inst. Electr. Eng., vol. 114, no 6, p.
726‑740, juin 1967.
[3] F. De Groote, J.-P. Teyssier, J. Verspecht, et J. Faraj,
« High power on-wafer capabilities of a time domain load-
pull setup », in Microwave Symposium Digest, 2008 IEEE
MTT-S International, 2008, p. 100‑102.
[4] J. X. Qiu, A. M. Darwish, E. A. Viveiros, K. Kingkeo, et
H. A. Hung, « Linearity Characterization and Optimization
of Millimeter-Wave GaN HEMTs », IEEE Trans. Microw.
Theory Tech., vol. 59, no 12, p. 3419‑3427, déc. 2011.