Autour du « contenant - Espace passageespacepassage.com/wp-content/uploads/2014/12/... ·...

43
A A u u t t o o u u r r d d u u « « c c o o n n t t e e n n a a n n t t » » Recherche autour du dispositif art-thérapeutique et de l’enfant à troubles du comportement FORMATION D’ART-THÉRAPEUTE Centre de formation EATA - Ecole d’Art-Thérapie et d’Animation MARIE MELLIORET AT 3 - 09 Travail de mémoire final 22 septembre 2014, Centre de formation EATA

Transcript of Autour du « contenant - Espace passageespacepassage.com/wp-content/uploads/2014/12/... ·...

AAuuttoouurr dduu «« ccoonntteennaanntt »» Recherche autour du dispositif art-thérapeutique

et de l’enfant à troubles du comportement

FORMATION D’ART-THÉRAPEUTE Centre de formation EATA - Ecole d’Art-Thérapie et d’Animation

MARIE MELLIORET AT 3 - 09

Travail de mémoire final

22 septembre 2014, Centre de formation EATA

Le Prophète

Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et filles de l’appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous. Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier. Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés. L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin. Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie ; Car de même qu’il anime la flèche qui vole, il anime l’arc qui est stable.

Khalil Gibran (1956, p.19)

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 1 -

Remerciements

Un immense merci à mon amour, Patou, pour sa patience infinie, son immense soutien et son inconditionnel amour. Un immense merci à ma sœur Joëlle, pour sa présence et notre lien de cœur qui me sont si chers Un immense merci à Christine pour son amitié et les échanges qui m’ont animés pendant la réalisation de ce mémoire. Un immense merci à Valérie, Isabelle et Tabatha pour la relecture vigilante de mes écrits. Un immense merci à Finou Du Pasquier pour avoir partagé avec moi la richesse de son expérience en m’offrant sa précieuse écoute et ses conseils inestimables. Je dédie ce mémoire à tous les enfants qui portent dans leur coeur des douleurs innommables…

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 2 -

Résumé

Les enfants souffrant de troubles du comportement manifestent souvent des conduites inconstantes et agressives envers leur entourage. Derrière un sentiment d’insécurité ils recherchent des limites toujours plus vastes qui alimentent des liens instables avec leur contexte familial et social. L’accompagnement en art-thérapie se situe autour de la mise en place de « contenants » pour aider l’enfant à trouver un apaisement à ses comportements désorganisés. Dans cette étude, la psychanalyse apporte un éclairage sur la fonction « contenante » qui s’opère aux prémisses de l’enfance. Elle met en lumière l’importance de redonner à ces enfants la possibilité de revivre l’expérience du maternage primaire et de rejouer les traumatismes ou les manques affectifs au sein d’une relation empathique et sécurisante. L’accompagnement art-thérapeutique à médiations plastiques propose la mise en place d’un dispositif visant à accueillir le monde intérieur de l’enfant. Cet accompagnement se situe dans un espace de transition, entre le dedans et le dehors, où la créativité peut permettre la rencontre avec soi-même et avec l’autre. La médiation artistique et la relation thérapeutique visent à favoriser l’intégration du sentiment de sécurité chez l’enfant pour qu’il puisse faire face à sa propre destructibilité.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 3 -

Table des matières

1ère partie : Etude théorique Résumé 2

1. Introduction

1.1 Le choix d’objet d’étude 4 1.2 Élaboration de mon questionnement et mes hypothèses 5 1.3 Méthode de travail 5

2. Fondements théoriques sur les troubles du comportement chez l’enfant 2.1 Définition 6 2.2 Troubles du comportement et relation 6 2.3 Attachement et carence affective 7

3. Fondements théoriques sur le concept du « contenant » dans le développement de l’enfant 3.1 Winnicott : un environnement « suffisamment bon » 8 3.2 Bion : la « fonction contenante » 9 3.3 Anzieu : le « Moi-peau » et l’« enveloppe psychique » 10

4. Un dispositif contenant en art-thérapie 4.1 Le cadre thérapeutique comme contenant à la thérapie 12 4.2 Différents éléments contenants de la thérapie 13 4.3 L’atelier, un espace de transitions 14 4.4 La relation pour se rassembler 15 4.5 L’attitude contenante du thérapeute 15 4.6 La médiation artistique, un contenant à l’informe 16 4.7 L’œuvre comme contenant à l’invisible 17

5. Conclusion 20

2ème partie : Etude pratique

1. Introduction 21

2. Contexte institutionnel 22

3. L’art thérapie dans l’institution 22

4. Présentation du patient 4.1 Enquête sociale 22 4.2 Symptomatologie 23 4.3 Les objectifs 23

5. Description du processus 24

6. Conclusion 36

7. Conclusion générale 37

8. Bibliographie 38

9. Annexes 41

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 4 -

1ère partie : Etude théorique

1. Introduction

1.1 Le choix d’objet d’étude Le thème de cet objet d’étude traite du dispositif contenant art-thérapeutique en lien avec les enfants à troubles du comportement. En effet, c’est lors d’un stage institutionnel, durant lequel j’ai accompagné une enfant à troubles du comportement en séances d’art-thérapie individuelles, que le concept du « contenant » s’est révélé être fondamental pour ancrer ma pratique art-thérapeutique. Son comportement débordant, destructuré et parfois violent m’a mis face à des difficultés de contenir cette grande agitation. Cette situation m’a souvent bouleversée et remuée et a été source de grandes remises en question sur mon attitude d’art-thérapeute apprenante. Bien que les séances de supervision m’aient aidée à structurer l’accompagnement et m’aient permise de trouver des outils pour me rassembler et rassembler l’enfant, il me manquait des éléments pour pouvoir vivre cette expérience avec plus de sérénité.

En terminant mon stage, j’avais emmagasiné tellement d’informations face à cette expérience que je ne pouvais en retirer qu’un seul point d’étude. C’est plus tard, en relisant mes notes sur le suivi des séances, qu’une question m’est apparue : « Comment un dispositif art-thérapeutique peut aider un enfant souffrant de troubles du comportement à trouver un apaisement à ses agitations ?». Aussi, la notion du « contenant », souvent évoquée pendant mes 3 années d’études, semble être essentielle à la pratique d’art-thérapeute. C’est pourquoi il m’a semblé évident d’approfondir cette notion afin d’être, moi-même, contenue dans une pratique nourrie et enveloppée par des concepts théoriques solides.

Pendant le suivi de cette enfant, j’ai également exploré, en thérapie personnelle, les aspects de mon enfant intérieur blessé. C’est à la suite de cet accompagnement que j’ai réalisé à quel point cette patiente a été « un miroir » mettant en lumière mes propres blessures de petite fille. Aussi, j'aime à croire que la relation thérapeutique est une co-évolution, le thérapeute grandit avec le patient et que l'un est le miroir de l'autre. Comme le dit Charles Chalverat dans son article du guérisseur/blessé : « (…) l’aidant doit avoir fait l’expérience de la souffrance et avoir su la transformer en renaissance pour être à même de réveiller le guérisseur enfoui chez son patient et ainsi favoriser son processus d’auto guérison » (Chalverat, 2007, p.47). Dans ce sens, il me semble indispensable que le thérapeute soit, lui-même, installé dans une posture et une pratique stable, sécuritaire et contenante afin que le patient puisse, intégrer en lui ses qualités de contenance nécessaire pour favoriser son évolution.

Afin de répondre au mieux à cette question centrale de mon mémoire, mes recherches ont été très vite orientées vers les concepts psychanalytiques. Ces derniers soulignent l’importance du lien à la mère, d’un environnement affectif et stable pour que l’enfant se sente contenu dans une enveloppe sécurisante et puisse se développer sainement. Dans ce sens, l’accompagnement art-thérapeutique propose un dispositif aménagé de différents « contenants » qui à travers une médiation artistique et une relation empathique tente d’aider l’enfant à donner un sens à son monde intérieur et se réapproprier les parties de lui, manquantes jusque-là.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 5 -

1.2 Élaboration de mon questionnement et mes hypothèses

La question principale de mon travail est la suivante :

« Comment le dispositif art-thérapeutique peut aider un enfant ayant des troubles du comportement à trouver un apaisement à son agitation ? »

J’ai extrait quelques interrogations à partir de cette question :

Comment l’enfant peut faire l’expérience du calme en art-thérapie ? Quels sont les moyens art-thérapeutiques qui permettent à l’enfant de se rassembler et de contenir ses comportements débordants? Quelle est l'attitude thérapeutique à mettre en place pour qu’elle soit contenante ? Comment la médiation artistique peut avoir des effets thérapeutiques auprès de ces enfants agités? Quel est le rôle de l’œuvre créée face à leurs agitations?

Aussi, je propose l’hypothèse suivante : « les enfants à troubles du comportement peuvent trouver un apaisement intérieur à travers un dispositif art-thérapeutique à médiations plastiques, offrant des contenants sécurisants et stables sur lesquels ils peuvent s’étayer ».

Afin de trouver les réponses à ces questions et vérifier cette hypothèse, je propose la méthode de travail suivante.

1.3 Méthode de travail

Ce mémoire sera présenté en 2 parties :

En première partie, j’apporterai une définition des troubles du comportement chez l’enfant. J’exposerai les raisons du développement de ses troubles en lien au contexte relationnel du milieu familial ainsi que les notions de l’attachement de Bowlby et de la « tendance antisociale » de Winnicott.

En me référant aux différents auteurs psychanalystes humanistes, traitant de notions autour du « contenant » dans le développement de l’enfant, je développerai, les notions de Winnicott, notamment la « préoccupation maternelle primaire » et « l’aire intermédiaire ». Les concepts de « rêverie maternelle » et de l’ « appareil à penser les pensées » de Bion. Enfin, je citerai les concepts d’Anzieu, tels que le « Moi-peau » et l’«enveloppe psychique ».

Afin de mettre en lien les concepts psychanalytiques et l’accompagnement art-thérapeutique, je présenterai les différents éléments « contenants » qui s’articulent au sein du dispositif de la thérapie. Aussi, j’exposerai les qualités contenantes et structurantes du cadre thérapeutique, de l’atelier, de la relation thérapeutique et de l’attitude du thérapeute, de la médiation artistique et de l’oeuvre, favorisant l’enfant à symboliser ses affects et à intérioriser ses propres « contenants ».

En deuxième partie, j’exposerai le déploiement du processus thérapeutique en art-thérapie d’une jeune patiente à troubles du comportement. Je présenterai le contexte institutionnel, la situation et la problématique de la patiente. Puis j’apporterai le descriptif de certaines séances ciblées sur les aspects « contenants » du dispositif thérapeutique en décrivant les effets de la médiation artistique et de la relation thérapeutique ayant une influence sur les comportements de l’enfant et son agitation.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 6 -

2. Fondements théoriques sur les troubles du comportement chez l’enfant

2.1 Définition

Selon Robert Pelsser (1989), les troubles du comportement sont l’extériorisation d’un conflit psychique, d’un malaise intérieur qui demande à être évacué inconsciemment par l’enfant. Ces comportements se manifestent à travers des passages à l’acte souvent accompagnés d’une certaine forme d’agressivité contre les objets et/ou contre les personnes. Selon lui, les principaux troubles du comportement chez l’enfant sont les suivants:

le mensonge sérieux et persistant, la tricherie, la manipulation, le marchandage ; le vol à l’étalage ; la fugue répétée et l’absence du domicile familial ; le désintérêt, l’absentéisme et l’abandon scolaire ; le refus de l’autorité et la violation régulière des règlements ; l’indiscipline vis-à-vis des parents et des professeurs ; le comportement agressif : crises de colère, destruction d’objets, bagarres ; les menaces et les tentatives de suicide manipulatoires ; le non-respect des horaires imposés.

Selon lui, ces comportements perturbant les apprentissages et les relations avec l’entourage, questionnent la relation qu’a l’enfant avec son milieu familial.

2.2 Troubles du comportement et relation

Rossignol (2005), souligne que les troubles du comportement chez l’enfant sont très souvent d’ordre environnemental ; ils se situent au travers de la relation parents/enfants dans un milieu familial et social défavorisés.

Selon Pelsser (1989), il y a deux aspects fondamentaux qui se jouent au sein de cette relation : l’autorité : permet de rencontrer des balises, des points de référence pour diriger l’enfant

dans la réalité et les rapports sociaux. l’affection : permet de se sentir significatif et d’avoir une valeur aux yeux de l’autre.

Il est fréquent que les parents d’enfants caractériels manifestent des distorsions de l’autorité et de l’affection (manque ou excès). «La relation n’est pas suffisamment investie comme lieu au sein duquel l’enfant peut bénéficier d’affection et d’autorité, où il peut parler de sa vie psychique, où il peut partager du temps et des activités » (Pelsser, 1989, p.169).

Berger décrit également que « le cadre familial doit procurer la sécurité qui, avec la tendresse et l’activité libre, est un des besoins primordiaux de l’enfant » (Berger, 1970, p.196). Dans ce même sens, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, soulève que « l’insécurité ou la désorganisation de l’attachement augmente de façon notable le risque de survenue des troubles du comportement » (Inserm, 2005, p.347). Ainsi, si le cadre familial est instable, insécure, peu aimant et que le contact avec les parents est fragilisé, l’enfant peut acquérir un sentiment d’insécurité et développer un attachement superficiel dans ses relations, favorisant le développement des troubles du comportement.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 7 -

2.3 Attachement insécure et carence affective

Dans sa théorie de l’attachement, Bowlby (1969), décrit qu’un attachement sécure se met en place lorsque le nourrisson expérimente le sentiment de réconfort et de sécurité que lui donne son parent. On trouve ici les prémices de l’estime de soi et l’estime de l’autre, ce qui est défaillant chez les enfants à trouble du comportement.

Dans ce sens, Winnicott (1969) utilise le terme de « tendance antisociale » pour décrire les individus ayant des troubles du comportement. J’ai choisi de considérer ces notions car j’aime beaucoup sa vision positive sur cette problématique. En effet, selon lui, ces comportements sont un espoir ; ils sont l'expression d'une demande destinée à l'environnement qui a été défaillant et auquel l’enfant s'adresse dans le désir de combler une certaine carence affective. Ainsi, l’enfant « antisocial » est un enfant carencé. C'est-à-dire que son environnement familial ne lui a pas apporté ce dont il a eu besoin. Cette carence est liée à une « déprivation », « une perte de quelque chose de bon, qui a été positif dans l’expérience de l’enfant jusqu’à une certaine date, et qui lui a été retiré» (Winnicott, 1969, p.296). Cette perte brutale des soins est vécue comme un sevrage affectif qui a marqué sa personnalité et qu’il va vouloir (inconsciemment) retrouver et réparer par des comportements souvent difficiles. Ainsi, l’enfant ne trouvant pas un cadre suffisamment stable, contenant et sécurisant dans son environnement pouvant contenir la tension résultant de ses comportements, il manifestera des troubles du comportement.

En conclusion, lorsqu’il y a une difficulté affective liée à une perte, une rupture ou un manque dans la vie du petit enfant, il en résulte un sentiment d’instabilité et d’insécurité. Les tensions engendrées par ce malaise intérieur vont s’évacuer (inconsciemment) et se manifester par des comportements malaisés (passages à l’acte) dans sa relation à lui-même et au monde. Les qualités « contenantes » que l’enfant trouve et acquiert dans les prémices de son existence, se situent dans un contexte familial affectif, sécurisant, enveloppant dont il a besoin pour apaiser les tensions qu’il vit au cours de son développement.

3. Fondements théoriques sur le concept du « contenant » dans le développement de l’enfant

Pour expliquer le concept du « contenant » Chapelier (2011) se réfère au verbe « contenir », « contenir a le sens de « réunir ensemble » avec, dans l’histoire de ce mot, l’acceptation de réprimer, empêcher, retenir » (Chapelier, 2011, p.55).

Pour aborder cette notion du « contenant », j’utiliserais des termes tel que ; « fonction contenante » (Bion), « enveloppe psychique » (Anzieu), « Holding », « Handling » (Winnicott), qualités « contenantes », de « contenance », etc. Aussi, le « contenant » sous-entend un « contenu » que je comprends ainsi: le « contenant » ; l’attitude et les soins de la mère à l’égard de son bébé, son état de

disponibilité physique et psychique (présence, affects et émotions) et la représentation que se fait le nourrisson de son environnement.

le « contenu » ; le bébé, son monde intérieur, ses pulsions, ses affects et ses besoins.

Selon les psychanalystes tels que Winnicott, Bion et Anzieu, les troubles du comportement se manifestent lorsque le développement affectif du petit enfant a été défaillant.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 8 -

3.1 Winnicott : un environnement « suffisamment bon »

La « préoccupation maternelle primaire »

Winnicott (1969) utilise le terme « préoccupation maternelle primaire » décrivant l’état de la mère permettant de mettre tous ses sens en éveil pour offrir à son enfant un environnement « suffisamment bon » ; le plus propice pour développer son évolution. Au début de la vie, le développement du nourrisson est entièrement soumis aux soins maternels. Ses soins quotidiens adaptés, chaleureux et accompagnés de tendresse, permettent de développer des sentiments gratifiants, protégeant le bébé des expériences angoissantes de solitude et d’abandon. La mère « suffisamment bonne », comme le décrit Winnicott, répond attentivement aux besoins de son bébé, lui transmettant une attitude positive, contenante et sécurisante. Ses qualités contenantes se présentent à travers le « holding » qui est le maintien, la manière dont l’enfant est porté psychiquement et physiquement par la mère ; il permet l’acquisition du sentiment d’exister et de se sentir comme une unité différenciée. Le « handling », est le maniement, la manière dont il est traité, manipulé et soigné ; il permet le développement des fonctions mentales et l'installation de la psyché dans le corps. L’ « object-presenting » est le fait de proposer l'objet du besoin (biberon, couche,…), en même temps que l'enfant se soit exprimé comme s'il l'avait créé lui-même ; ceci lui permet de s’approprier et utiliser les objets, puis se tourner vers le monde. Ces différentes notions se situent lorsque le nourrisson est encore dépendant de la mère entraînant un fusionnement entre les deux ; l’« illusion » de n’être qu’un. La tâche de la mère est d’aider le bébé à prendre conscience de son individualité à travers l'expérience des « objets transitionnels » dans l’ « aire intermédiaire ».

L’ « aire intermédiaire »

Dans son œuvre « Jeu et réalité » (1971), Winnicott décrit l’« aire intermédiaire » comme un espace entre la mère et le bébé, permettant à ce dernier de continuer à exister sans elle. C’est le lieu où s’opère la séparation avec la mère. Dans cet espace de transition, qu’il nomme « espace transitionnel », le bébé pourra utiliser des « objets transitionnels » tels que ; chiffons, nounours, pouce, etc. pour aider à vivre cette séparation. Ceux-ci lui permettront de susciter un terrain de jeu où la créativité prend source ; un « espace potentiel » où il peut rêver, jouer et créer. Dans cette « aire de jeu » créée par la confiance dans la mère, le bébé va progressivement se sentir insatisfait des réponses apportées par la mère qu’il va ressentir comme une « désillusion », un écart structurant. Celui-ci adaptée au rythme de l’enfant et de sa mère va constituer un vrai sevrage ; c’est-à-dire inscrire le passage des soins maternels fusionnels à une relation mère/enfant individualisée et séparée. C’est à ce point particulier, lorsque cette étape est mal vécue par le bébé, que Winnicott considère le développement de la « tendance antisociale » (cf. p.7).

Lorsque cette transition se passe à travers une relation affectueuse et sécurisante l’enfant acquerra un sentiment d’estime de soi, une capacité à faire face à la frustration et l’émergence du potentiel créatif. Cela « permet au petit enfant de commencer à exister, d’avoir ses expériences, d’édifier un moi personnel, de dominer ses instincts et de faire face à toutes les difficultés inhérentes à la vie » (Winnicott, 1969, p.290). C’est pourquoi, Winnicott met l’accent sur le jeu et l’utilisation des symboles pour contenir la destructivité interne des enfants à « tendance antisociale ». Le jeu fondé sur le symbolisme « permet à l'enfant de faire l'expérience de sa réalité psychique, nécessaire pour que se développe le sens de sa propre identité et où il y trouvera l'agressivité aussi bien que l'amour » (Winnicott, 1994, p.116).

En résumé, un environnement continu et stable apporte au bébé les qualités contenantes lui permettant d’intégrer qu’il est un être différencié de la mère et du monde extérieur. Cette

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 9 -

ouverture à la réalité extérieure à lui-même est soutenue par la création d’un espace de jeu et de créativité favorisant le développement de l’espace psychique et physique.

J’ai choisi d’approfondir les notions particulièrement touchantes de Winnicott qui sont empreintes de créativité et d’enthousiasme. Winnicott se réfère beaucoup au rôle de la mère fournissant les fonctions essentielles du maternage mais il n’en exclut pas moins le rôle du père, des frères et soeurs, qui apportent également une très grande contribution au développement du nourrisson. Suite à ses travaux, Bion nommera « fonction contenante », cette qualité qui se joue dans la relation mère/bébé pour étayer la construction du sentiment d’identité.

3.2 Bion ; la « fonction contenante »

Bion (1979), nomme « fonction contenante » le rôle actif, dynamique et organisateur du sein de la mère et de sa « capacité de rêverie ». La « fonction contenante » assurée par la mère est une condition nécessaire à la construction du sentiment d’identité de l’enfant.

Fonction de la « capacité de rêverie »

« La capacité de rêverie », est un état d’esprit réceptif de la mère capable d’accueillir et comprendre toutes les sensations désagréables du bébé; c’est l’expression de son amour pour lui. « (…) la rêverie est un état d’esprit réceptif à tout objet aimé, un état d’esprit capable, autrement dit, d’accueillir les identifications projectives du nourrisson, qu’elles soient ressenties par lui comme bonnes ou mauvaises. Bref, la rêverie est un facteur de la fonction alpha de la mère » (Bion, 1979, p.54). La « capacité de rêverie » de la mère est semblable à la « préoccupation maternelle primaire », car ces deux notions supposent un maintien de l’attention de la mère au besoin du bébé.

La « Fonction alpha » de la mère

Bion (1979) décrit qu’au début de la vie, le bébé vit des stimulations dont il est submergé en permanence, à l’intérieur de son corps et autour de lui. Son psychisme n’est pas suffisamment formé pour contenir et traiter ses émotions et ses sensations. Pour se protéger de ces agressions il va projeter à l’extérieur, dans le psychisme de sa mère, ces éléments perturbateurs non-pensables : les « éléments-béta ». La « fonction alpha », apportée par une attitude affective, protège le bébé des excitations intolérables et transforme ces contenus non-pensables en éléments disponibles par la pensée : les « éléments alpha ». De ce fait, la mère acceptant d’être un « bon sein contenant », c’est-à-dire, un sein nourricier accompagné par la mise en mots des émotions impensables du bébé, pourra penser les pulsions du bébé et leurs donner du sens et une forme stable. Les « éléments-béta » devenus « éléments-alpha » seront assimilables psychiquement par le nourrisson. « La transformation des « éléments-bêta » par ce contenant externe est un préalable pour que l’enfant puisse introjecter dans un espace psychique des éléments pensables » (Houzel, 1987, p.49). Ainsi, la « fonction alpha» de la mère, permettant l’accueil et la métabolisation des éléments angoissants, favorisera le bébé à développer son activité de penser.

Fonction de l’ « appareil à penser les pensées »

La fonction de l’ « appareil à penser les pensées » me semble similaire à l’ « aire transitionnelle » de Winnicott puisqu’elle permet, par le processus de symbolisation, la différenciation intérieur/extérieur favorisant l’enfant à construire son individualité. Cette fonction de l’ « appareil à penser les pensées » met en lien ce qui est projeté par l’enfant, le « contenu » et l’objet qui le contient, le « contenant ». Il y a « l’idée d’un

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 10 -

contenant dans lequel un objet est projeté et l’idée d’un objet qui peut être projeté dans un contenant, objet que je désignerais par le terme contenu » (Bion, 1979, p.110). Lorsque la relation entre la mère et son bébé et la métabolisation des « relations contenant-contenu » se passent de manière fructueuse, le bébé pourra intérioriser en lui la « fonction alpha » ; il va, à son tour, contenir ses propres ressentis par le processus de symbolisation, c’est-à-dire par la mise en mots, en image et en pensée. Ainsi, il pourra « penser ses pensées » par lui-même et développer son « appareil à penser ses pensées ».

A contrario, si l’ « appareil psychique » ne peut pas assimiler les « éléments-bêta », ils seront ré-introjectés (réincorporer) directement. L’angoisse qui en résulte peut conduire à trouver des solutions extrêmes pour la décharger par le recours à une addiction, au passage à l’acte envers soi-même et les autres, ou à la somatisation.

En résumé, la mère assure un contenant au bébé, par son sein et par sa « capacité de rêverie ». Cette « fonction contenante » soutenue d’abord par la mère, va permettre au bébé de progressivement l’intérioriser et pouvoir transformer ses affects et élaborer sa capacité de penser par lui-même. Ce concept de Bion me paraît essentiel pour appréhender la thérapie avec les enfants à troubles du comportement et comprendre la manière dont s’articulent les « contenu-contenant » que l’on retrouvera par la suite dans le dispositif art-thérapeutique.

Anzieu, a lui aussi, apporté des éléments de compréhension dans la construction des contenants psychiques du nourrisson par le concept du « Moi-peau » et de l’ « enveloppe psychique ».

3.3 Anzieu ; l’ « appareil psychique »

Selon Anzieu (1985), l’ « appareil psychique » permet l’organisation de la pensée et l’autonomie de l’individu ; il se construit à partir d’un lieu d’échange qu’il définit de « Moi-peau » entre l’expérience du corps et de la pensée.

Le concept de « Moi-peau »

Le « Moi-peau » est une enveloppe qui sépare et relie le monde interne et externe du bébé ; il permet de contenir et d’élaborer ses expériences tout en le protégeant des excitations internes trop fortes et des agressions du monde extérieur. « Par Moi-peau, je désigne une figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps » (Anzieu, 1985, p39). Le « Moi-peau » se construit dans la phase de fusion mère/enfant, où ils font « peau commune ». A travers les expériences tactiles et sensorielles, le « Moi-peau » aide le bébé à se différencier de la mère. Afin d’expliquer cela, Anzieu (1985) a développé 9 fonctions du « Moi-peau » desquelles j’exposerai les quatre plus étroitement liées au sujet du « contenant » :

la fonction de « maintenance » permet au bébé de se constituer un axe de verticalité le préparant à une vie psychique à soi. Elle permet d’intérioriser le soutien de la mère et ainsi de maintenir son psychisme dans un état d’unité et de solidité. Elle s’exerce grâce au « holding » de Winnicott (cf.p.8), la manière dont la mère soutient le bébé.

la fonction « contenante » permet de contenir et d’élaborer les pulsions afin de les rendre tolérables et bénéfiques. Elle s’exerce à partir du « handling » de Winnicott (cf.p.8), la manière dont la mère prend soin de l’enfant. Ses soins, semblables à un sac contenant, lui permettront de se sentir contenu. Cette fonction me paraît comparable à la « rêverie maternelle » de Bion (cf.p.9) ; elle est un « contenant » transformant et restituant le « contenu » (éléments perturbateurs du bébé) en quelque chose de représentable.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 11 -

la fonction de « pare-excitation » permet d’éviter le débordement pulsionnel et participe à déplacer une partie de l’énergie psychique vers l’activité de penser. Elle filtre ce qui est à l’extérieur vers l’intérieur, limitant les excitations et stimulations, et protège contre les agressions physiques. La mère exerce cette fonction jusqu’à ce que l’enfant puisse peu à peu acquérir sa propre barrière de protection. Je vois une similitude avec la « fonction alpha » de Bion (cf.p.9) protégeant le psychisme du bébé contre les émotions déstabilisantes afin qu’il puisse construire son propre contenant psychique.

la fonction « d’inscription des traces » permet l’inscription des traces sensorielles tactiles et la conservation des expériences que notre psychisme reçoit par la peau et par le sens du toucher. Elle est renforcée par l’«object-presenting» de Winnicott (cf.p.8) ; la manière dont la mère présente les objets au bébé amenant une première idée de la réalité du monde extérieur s’imprimant sur la peau. Elle est un support à la symbolisation et organisateur des pensées.

Lors d’une relation sécurisante d’attachement et par l’expérience de la surface du corps, le bébé va pouvoir sentir son corps, le concevoir, en éprouver ses limites, être capable de différencier son intérieur de son extérieur et élaborer ses pulsions. Il va percevoir sa peau comme une surface qui délimite le dedans du dehors et comme une enveloppe qui lui apporte un sentiment d’intégrité. Pendant cette étape d’intériorisation, le bébé reconnaît sa propre peau comme un propre « Moi », séparé de sa mère. Ce « Moi-peau » construit apportant au bébé le sentiment d’être un être unique, se produit a travers l’expérience de différents types d’enveloppes: enveloppes tactiles, enveloppes sonores, visuelles, olfactives. Celles-ci, intégrées par le nourrisson, constituent une « enveloppe psychique ».

Le concept d’ « enveloppe psychique »

L’« enveloppe psychique » décrit par Anzieu (1994) est une frontière psychique qui filtre les stimuli extérieurs, permet les échanges internes et externes et favorise la différenciation dedans-dehors. L’ « enveloppe psychique », semblable au processus «relation contenant-contenu » de Bion (cf.p.10), transforme les turbulences psychiques en une stabilité constructive grâce au psychisme de la mère en relation étroite et attentionnée avec celui du bébé. Cette expérience contenante va permettre au bébé de contenir, d’élaborer et de symboliser ses propres contenus psychiques et intérioriser progressivement sa propre « enveloppe psychique ». Ce processus lui permet de développer un « appareil psychique » mature, un espace pour créer ses propres pensées.

Selon Anzieu (1985), l’ « enveloppe psychique » tient une fonction enveloppante, limitatrice et contenante si elle est stable, souple et perméable, pouvant mettre au contact le psychisme du bébé avec le monde extérieur et permettre aux informations de circuler et de se transformer. Par conséquent, s’il y a des carences dans la relation mère/bébé, que le bébé ne peut pas s’identifier et se différencier totalement de sa mère, que les excitations pulsionnelles et les angoisses ne sont pas suffisamment filtrées et contenues, la constitution de l’ « enveloppe psychique » peut être défaillante. Ceci risque d’engendrer une insuffisance de la fonction « contenante » et de « pare-excitation » du « Moi-peau ». Cette défaillance peut entraver l’acquisition d’un sentiment d’identité insuffisamment autonome et ainsi conduire l’enfant à développer différentes formes d’agressivité et activer le risque d’apparition de trouble du comportement.

En résumé, les différentes fonctions du « Moi-peau » visent à maintenir le psychisme du bébé dans un état d’unité, le protéger contre les agressions, l’aider à organiser ses propres pensées et construire ses propres contenants psychiques. Leurs aspects contenants et structurants vont permettre au nourrisson de construire son « enveloppe psychique » personnelle et édifier son identité sur celle-ci.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 12 -

En conclusion, Winnicott, Bion et Anzieu ont chacun développé leurs visions sur le sujet du « contenant » de manières différentes et complémentaires. Je tiens à souligner que, de par leur complexité, ces concepts ont été considérablement synthétisés. Ces trois auteurs, mettent en avant l’importance d’une relation mère/bébé répondant affectueusement au besoin du nourrisson pour favoriser ses étapes de différenciation et l’acquisition d’un sentiment de sécurité permettant le processus d’individuation et de maturité. De plus, c’est autour de ces échanges contenu/contenant carentiels que des troubles du comportements peuvent se former.

Winnicott utilise l’ « aire intermédiaire » et l’ « objet transitionnel » comme moyen d’acquisition d’un « Moi » mature et séparé. Anzieu, quant à lui, propose l’expérience du corps, par le « Moi-peau » et la construction de l’« enveloppe psychique » pour que le nourrisson se différencie de sa mère. Pour Bion, c’est grâce à la « capacité de rêverie » de la mère et sa « fonction alpha » que le bébé va développer son « appareil à penser les pensées » pour se penser lui-même et s’individualiser progressivement.

En outre, Anzieu et Winnicott mettent en lien la relation mère/bébé à celle du thérapeute/patient. Le rôle facilitateur de la mère dans le développement de l'enfant est semblable à celui de l'analyste permettant au patient d’expérimenter une évolution favorable afin de retrouver un sentiment d’unicité et d’indépendance. Ce travail peut s’élaborer au sein d’un dispositif art-thérapeutique spécifique mettant à disposition un environnement thérapeutique stable et contenant.

4. Un dispositif contenant en art-thérapie

Selon le dictionnaire Robert, l’art-thérapie est « un accompagnement thérapeutique de personnes mises en position de création de sorte que leur parcours d’œuvre en oeuvre fasse processus de transformation d’elles-mêmes » (Cité par Klein, 2012, p.106). Afin de créer une enveloppe sécurisante pour que le patient puisse exprimer ses contenus psychiques en toute liberté et accéder à un processus de transformation, il est indispensable d’offrir un dispositif « contenant ».

Le terme « dispositif » désigne l’ensemble des éléments spatio-temporels s’inscrivant dans la thérapie comme le temps des séances, l'espace de la thérapie, les mouvements des personnes, impliquant les objets et les médiations artistiques qui sont des éléments centraux en art-thérapie. Ces éléments du dispositif sont contenus dans un « cadre thérapeutique » afin que les protagonistes de la thérapie se sentent contenus dans une enveloppe suffisamment fiable facilitant l’évolution de la thérapie.

4.1 Le cadre thérapeutique, comme contenant à la thérapie

Selon Sternis, le cadre thérapeutique apparaît comme « (…) le nécessaire « contenant » du processus psychothérapeutique, qui permet à la relation thérapeutique de se développer et à ce processus d’exister » (Sternis, 1997, p.40). Pour Anzieu (1994), il est semblable à l’« enveloppe psychique » (cf.p.12), un « contenant » qui favorise le travail du « contenu » (le monde intérieur du patient). Il a pour but de favoriser le patient à vivre des expériences structurantes qui ont pu être manquantes dans son passé. Ce cadre est défini par des règles insérées au sein du dispositif pratique de la thérapie (horaire, durée, lieu, espace, etc.). Celles-ci permettent au patient de communiquer les images sensorielles qu’il reçoit et filtrer les émotions aussi bien du patient que celles du thérapeute. Par la qualité de « pare-excitation » du cadre, la projection des ressentis et des émotions du patient, nommée « transfert», pourra

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 13 -

être mise en jeu dans la relation thérapeutique et permettre son élaboration. L’activité des émotions et projections inconscientes est appelée « phénomènes transférentiels ».

Dans ce sens, selon Bion, le cadre va permettre au thérapeute d’assurer une contenance du « transfert » afin de les transformer, par sa « capacité de rêverie » (cf.p.9), tout en résistant à la destruction. « Le trait essentiel, c’est la survivance de l’analyste ainsi que l’intégrité de la technique psychanalytique » (Cité par Sternis, 1997, p.33). Le cadre a la fonction de protéger le thérapeute de son « contre-transfert » (réactions aux projections inconscientes du patient), des angoisses du patient et du désir de guérison. Le cadre «lui permet de supporter l’informe et l’attente » (Sternis, 1997, p.30).

Pour Winnicott le cadre thérapeutique doit être « suffisamment bon », souple, ferme et stable pour que les tensions du patient puissent y être déposées en sécurité. Ce cadre est la somme de tous les éléments du dispositif et « reproduit les techniques primitives de maternage » (Winnicott, 1969, p.260). Il est structuré par des règles spécifiques tout en assurant un « holding » (cf.p.8) des soins psychiques enveloppant les besoins du patient.

En résumé, le cadre thérapeutique est un contenant favorisant l’élaboration du processus thérapeutique du patient. Il est un contenant pour le thérapeute lui permettant de contenir et transformer les éléments transférentiels de la thérapie afin d’aider le patient à exprimer son monde intérieur en sécurité. Dans ce cadre s’organisent différents éléments contenants de la thérapie.

4.2 Différents éléments contenants de la thérapie

L’institution représente une enveloppe symbolique contenante soutenant les projets thérapeutiques au sein d’une loi commune. Elle assure la continuité de l’atelier, la crédibilité du thérapeute et le respect des règles proposées. Le patient peut alors projeter ses pulsions et les « déposer dans l’institution qui doit à son tour montrer ses qualités de contenance (limiter, élaborer, transformer…). Cependant, avec l’utilisation d’une contenance symbolique maintenant acceptable, à savoir la loi respectée et admise par tous » (Chapelier, 2011, p.65).

Les connaissances théoriques sont un contenant important car elles permettent de nourrir la pensée et d’élaborer le travail des hypothèses, pour mieux « penser » le patient (Bion). Selon Abdoucheli-Dejours (2011), la supervision a des effets contenants et élaboratifs qui aident à nourrir un espace sain dans la relation. Par sa neutralité, elle donne l’occasion d’un retour de réflexion sur la pratique, sur soi-même, en analysant les « phénomènes transférentiels ». Dans ce sens, Klein souligne qu’il est nécessaire, en plus des supervisions, « de continuer un travail important sur soi-même pour que ces problématiques personnelles n’encombrent pas l’espace entre le thérapeute et le patient » (Klein, 2012, p.207). Aussi, une thérapie personnelle est un contenant pour le thérapeute, lui permettant de rentrer en résonance avec le patient et d’analyser son propre ressenti « contre-transférentiel ».

Les éléments ci-dessous se trouvent dans un dispositif spécifiquement art-thérapeutique et seront développés plus loin:

Le thérapeute a aussi une fonction contenante, permettant au patient de se découvrir, de se dévoiler inconsciemment à travers ses créations artistiques. Celles-ci donneront la possibilité de se réunifier et de se recréer symboliquement de création en création pour accéder à une éventuelle transformation de soi. Selon Chouvier, pour qu’un travail à médiations artistiques, comme le propose l’art-thérapie, puisse être thérapeutique, il est primordial de mettre en place un dispositif défini et stable qui soit en évolution avec les protagonistes de la thérapie. « Ce qui est décisif, c’est la mise en place d’un dispositif rigoureux avec des consignes claires et précises » (Chouvier, 2011, p.37). Ces dernières amènent des repères stables sur lesquels le

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 14 -

patient peut s’appuyer en toute sécurité pour que l’atelier d’art-thérapie puisse être un contenant aux expériences du patient.

J’emprunte le schéma ci-après, de Catherine Starkier (2010), qui représente les différents éléments du dispositif art-thérapeutique mentionnés ci-dessus ayant une fonction contenante:

La contenance pour le patient La contenance pour le thérapeute

4.3 L’atelier, un espace de transitions

Pour Winnicott, l’espace thérapeutique se situe dans un espace de « transition » entre l’extérieur et l’intérieur, entre la réalité et l’imaginaire. Ainsi, l’atelier d’art-thérapie est semblable à « l’espace transitionnel » (cf.p.8) car il assure un espace-temps privilégié, où le patient, une fois en confiance avec le thérapeute, peut vivre des expériences créatives et ludiques. Selon lui, le lieu de thérapie doit être chaleureux. « Une pièce calme, à l’abri de bruits inattendus, sans être un tombeau de silence d’où sont exclus tous les bruits habituels de la vie d’une maison » (Winnicott, 1969, p.258).

Anzieu définit l’espace thérapeutique comme « une niche écologique relativement protégée ». (Anzieu, 1994, p.139). Il explique l’importance du dispositif matériel comme les lumières, la température, le bruit de l’atelier pour protéger, tempérer et contenir les stimulations extérieures. Par cette fonction de « pare-excitation » (cf.p.11), le patient pourra porter son attention sur son monde intérieur. Houzel (1987), s’appuyant sur les travaux d’Anzieu, souligne que l’espace-temps, dans lequel le cadre des séances se tient, doit être stable et cohérent afin d’assurer un espace de construction et d’élaboration pour le patient.

Dans son travail avec les enfants, Arno Stern décrit l’atelier comme « un lieu où jeu et travail sont synonymes. Le jeu est sérieux et le travail agréable » (Stern, 1970, p.19). Cet espace de création doit contenir l’enfant dans un cadre de travail sécurisant, organisé et régulier, où règne la liberté et l’ordre. Ceci, afin que l’enfant instable trouve une discipline lui permettant d’être créateur et d’accomplir une tâche visant à réduire ses comportements difficiles.

En résumé, l’atelier d’art-thérapie est un espace sécurisant, un contenant, qui permet les échanges entre le thérapeute et le patient, la mise en lumière des émotions envahissantes et les angoisses impensables pour les transformer en quelque chose de représentable. C’est au sein d’une relation de confiance que peuvent se déployer et évoluer ces transformations.

Institution

Atelier (lieu et cadre)

Thérapeute

Œuvre crée

Patient

Institution

Prise de notes/supervision

Cadre théorique

Thérapie personnelle

Thérapeute

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 15 -

4.4 La relation pour se rassembler

Winnicott (2004) souligne que l’enfant à « tendance antisociale », a besoin de vivre « dans un cercle d’amour et de fermeté afin de ne pas trop craindre ses propres pensées et son imagination, ce qui entraverait son développement affectif » (Winnicott, 2004, p.70). Ainsi, il préconise une thérapie individuelle qui tente de terminer son développement affectif en toute stabilité, en créant un « espace potentiel » (cf.p.8), une aire de séparation remplie par l’activité créatrice. « C’est une stabilité nouvelle fournie par l’environnement qui a une valeur thérapeutique » (Winnicott, 2004, p.98).

Dans « Jeu et réalité » (1971), il souligne que la relation thérapeute/patient, semblable à celle de mère/bébé, donne la possibilité à l’enfant de redécouvrir les soins infantiles. Au sein d’une relation de confiance et de fiabilité, il pourra rejouer les carences vécues dans sa prime enfance et expérimenter une sorte de fusion avec le thérapeute provoquant de la haine et de la colère qui appartient à sa carence. Il décrit cette expérience comme « une régression à un état de dépendance » (Winnicott, 1971, p.188). C’est par l’élaboration de ces « phénomènes transférentiels » (cf.p.13) provoqués par cette relation particulière, que l’enfant va pouvoir se rassembler et s’édifier. « Dans ces conditions très particulières, l’individu peut se rassembler et exister comme unité, non comme une défense contre l’angoisse, mais comme l’expérience de JE SUIS, je suis en vie, je suis moi-même » (Winnicott, 1971, p.80).

Dans ce sens, Gaspari-Carriere (2001), explique que dans la thérapie, l’enfant a besoin d’une période de stagnation pendant laquelle il va mettre en échec les médiations et confronte les limites du cadre. Ceci afin de mettre à l’épreuve le lien, la patience et le caractère inconditionnel du thérapeute cherchant à se protéger de la crainte d’abandon. C’est par la régularité des rencontres, les interventions rassurantes et maternantes du thérapeute et par le maintien du lien mis à l’épreuve dans la relation, que l’enfant peut reconstruire ce lien affectif manquant. « C’est à l’instant où le thérapeute est sur le point d’abandonner, et seulement lorsque l’enfant aura reçu la preuve qu’il est en mesure de dominer son désappointement, que les choses pourront bouger pour lui » (Gaspari-Carriere, 2001, p.214).

En résumé, une relation thérapeutique de confiance permet de rejouer les expériences de la prime enfance et leurs élaborations de manière sécurisante. Ceci pour que l’enfant puisse se rassembler, se reconstruire et créer des liens relationnels plus stables et empathiques. Pour parvenir à cette élaboration, le thérapeute doit mettre en place une attitude spécifique.

4.5 L'attitude contenante du thérapeute

Selon Winnicott, (1969), l’enfant cherche une stabilité de l’environnement pouvant supporter ses comportements impulsifs (cf. chapitre 2.3) et « (…) une attitude humaine qui, parce qu’on peut s’y fier, donne à l’individu la liberté de bouger, d’agir et de s’exciter » (Winnicott, 1969, p.296). Cette attitude contenante est manifestée par le « holding » (cf.p.9) du thérapeute.

Selon Houzel (1987), l’attitude du thérapeute est semblable à l’ « enveloppe psychique » (cf.p.11) qu’il décrit comme « bisexuelle », contenant un pôle maternel et un pôle paternel. Pour que le thérapeute puisse avoir lui aussi une « fonction contenante » pouvant accueillir et résister à la psyché du patient, il lui faut intégrer ces deux aspects. « Les qualités de réceptivité et de souplesse du contenant se situent au pôle maternel, alors que celles de consistance et de solidité, au pôle paternel » (Houzel, 1987, p.47).

En s’appuyant sur les travaux de Bion, Nadia Kacha (2011) pense qu’un thérapeute contenant propose une présence, une solidité psychique et une cohérence. Il tient une « fonction contenante », représentant la capacité du thérapeute à accueillir le vécu difficile et les

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 16 -

perturbations du patient. « Tout l’art du thérapeute est dans cette faculté de tenir fermement la main tout en passant un message de chaleur et d’empathie » (Kacha, 2011, p. 96). De ce fait, il est une fonction de support et de fermeté aussi bien qu’une capacité d’attention et de « rêverie » (cf.p10) accompagnée de chaleur, autorisant le patient à déposer en lui ses angoisses. Ainsi, il tient un rôle de conteneur des angoisses et un rôle de symbolisation pouvant redonner les affects sous forme assimilable pour que le patient puisse progressivement se penser lui-même et devenir plus autonome. Dans ce sens, Stitelmann (2002) émet l’hypothèse que le thérapeute ainsi que la médiation artistique, de par leurs « fonctions contenantes », permettraient au patient de les développer et les intégrer en lui.

Dans une vision art-thérapeutique, Klein explique que l’attitude du thérapeute doit faire preuve d’un état de disponibilité et d’accueil de l’inconnu, de l’autre et de la forme qui surgit et qu’il aide à compléter. Cette présence permet à la personne de s’appuyer dessus pour construire elle-même sa propre présence. Il est nécessaire que le thérapeute se situe dans une bonne distance, hors de ses problématiques personnelles pour que le patient puisse se rencontrer dans sa propre vérité. Le thérapeute devenant un contenant à cette vérité qu’il saisit intuitivement et la traduit par une intervention verbale, corporelle, sonore ou par la proposition d’une médiation artistique. « Dans le contenu, le thérapeute s’offre comme contenant pour ce qu’il ressent intuitivement de l’autre » (Klein, 2012, p. 209).

En résumé, l’attitude thérapeutique demande une capacité de s’ajuster aux conflits du patient, de les apaiser, les structurer et les contenir afin que ce dernier puisse, progressivement, le faire lui-même pour construire un monde interne contenant. Cette autonomie s’acquière par l’expression du monde intérieur dans un processus de symbolisation mis en mouvement par différentes médiations artistiques.

4.6 La médiation artistique, un contenant à l’informe

L’ aspect fondamental de l’art-thérapie réside dans l’utilisation de médiations artistiques telles que la peinture, le dessin, la terre, l’écriture, les contes, etc. « La médiation est le fondement même de l’art-thérapie » (Klein, 2012, p. 107). Elle permet d’exprimer symboliquement et de concrétiser les aspects transférentiels (cf.p.13) du patient dans une production artistique.

Selon Brun (2011), la rencontre avec les différentes médiations réactive des angoisses inimaginables des expériences primitives de la personne. Par l’interaction avec le thérapeute et les médiations sensorielles, les sensations et les émotions peuvent être symbolisées et avoir un sens. « Le travail thérapeutique en médiation va donc permettre, d’ une part, d’inscrire l’expression pulsionnelle dans une forme de langage sensori-moteur, langage du corps et de l’acte, d’autre part, de lui donner sens, et de transformer ainsi les projections des enfants en messages signifiants » (Brun, 2011, p.85).

Pour Roussillon (2011), la médiation artistique apporte un sentiment de continuité car elle permet d’accueillir, de contenir, de « porter » les contenus psychiques et de les rendre symbolisables, intégrables à mettre en sens. De ce fait, il faut que le patient puisse trouver ou que le thérapeute lui propose un médium qui lui permette de créer pour symboliser sa psyché, afin que ses aspects pulsionnels puissent être « transférés » dans une matière perceptive « créable », puis mis en forme en un objet médiateur.

Dans le mouvement d’ « abstraction lyrique », Wassily Kandinsky utilise également les médiations (les couleurs de la peinture) pour donner accès aux sens. Selon lui, la couleur provoque des émotions sur tout le corps et les formes peuvent les accentuer. « Il associe, dans l’art la couleur et la forme, tous deux libres, pour exprimer ses émotions » (Fride R.Carrassat, 1999, p. 119). Aussi, c’est dans l’émergence spontanée des formes et dans leur

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 17 -

transformation, à travers la médiation, que l’émotion peut se vivre et les images de l’esprit peuvent apparaître à l’artiste.

Selon Winnicott (1971), il est essentiel qu’en thérapie le patient expérimente l’état particulier de la « non-intégration », c’est-à-dire, l’état dans lequel on ne se donne aucun but, état d’absence de forme. Il doit être accueilli dans cet état de non-sens, pour qu’il puisse devenir créatif et se découvrir lui-même. Cet informe peut ensuite prendre une forme stable à travers la médiation artistique. Sternis (2002) résume ceci en décrivant qu’il y a tout d’abord un fond, où réside l’expérience de l’informe sur lequel la personne peut étayer sa pensée qui va devenir un « matériau », une forme. « Le fond pousse vers la forme et la forme initie le fond » (Sternis, 2002, p.211). Ainsi, c’est à partir de l’expérience avec la matière que s’organise la sensorialité, la forme et la pensée.

En résumé, la médiation artistique accompagnée de la relation thérapeutique, donne accès au sens et permet l’émergence des pensées, émotions et pulsions non symbolisées du patient. En accueillant ces contenants psychiques abstraits, la médiation est un contenant à l’informe, au vide, au chaos et au non-sens pour laisser émerger une forme perceptible, une œuvre.

4.7 L’œuvre comme contenant à l’invisible

Lors de ses crises dépressives, l’artiste peintre Vincent Van Gogh était de ces premiers artistes à projeter ses émotions dans ses œuvres en utilisant la matière pour mettre en relation les couleurs et les formes. « Chez Van Gogh, c’est l’expression directe de l’exaltation même de l’esprit de l’artiste » (Gombrich, 2001, p.548). Son œuvre, « Le Ciel étoilé », « exprime toute la violence de sa psychologie troublée. Les arbres prennent la forme de flammes alors que le ciel et les étoiles tourbillonnent dans une vision cosmique » (Lewandowski, 2006).

Pour les artistes du « symbolisme » comme Edward Munch, l’œuvre est un support à l’expression d’une idée profonde symbolisée en forme. Munch, ayant tendance à la dépression nerveuse, pouvait exprimer, dans l’œuvre d’art, ses traumatismes, sa souffrance, sa violence et sa colère. « La peinture devient pour Munch le support du mal de vivre. Le désespoir se fait création » (Fride R.Carrassat, 1999, p.94). L’oeuvre intitulée « Le Cri », symbolisant l'homme moderne emporté par une crise d'angoisse existentielle, « vise à exprimer la transformation de toutes nos émotions sous l’influence d’une émotion soudaine » (Gombrich, 2001, p.564).

Pour Kandinsky (Henry, 2010), la peinture permet d’exprimer les pulsions intérieures en formes abstraites. Ces formes font sentir leurs influences sur son auteur, comme une vérité, imposant le peintre à l’exprimer

E. Munch « Le Cri » (1893)

V. Van Gogh « Le Ciel Etoilé » (1889)

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 18 -

profondément. Ainsi, l’oeuvre est un contenant au contenu des formes rendant visible l’invisible restituant quelque chose qui se trouvait perdu.

Selon Gombrich (2001), les artistes du « surréalisme » tentent de créer de nouvelles réalités, comme nous le faisons dans nos rêves. Ils cherchent à révéler et remonter à la surface, ce qui est enfoui dans notre inconscient. Selon Dali (1983), souffrant de troubles de la personnalité, l’œuvre peinte révèle la nature profonde de la réalité des images inconscientes, en symbolisant ses délires afin de les rendre pensables et analysables.

Pour Jackson Pollock, précurseur de l’ « expressionnisme abstrait », peindre est une tentative « désespérée pour surmonter son malaise existentiel et tenter de donner sens à sa vie » (Roy, 2010, p.69). Il développe l’« action painting », visant à s’abandonner à l’expression naturelle et spontanée de l’être. Sa technique appelée « dripping » permet, à travers le corps en mouvement et la peinture sortant d’un fond de boîte percée, « la mise en scène de son état psychique et physique, conscient et inconscient » (Fride R.Carrassat, 1999, p.157). Cette technique tient une fonction libératrice et cathartique (extériorisation d’affects refoulés). L’œuvre et le corps servent de « décharge » à l’activité émotionnelle permettant de communiquer ses émotions et exprimer son univers intérieur.

En ce sens, en psychanalyse Guillaumin (1987) s’appuie sur les recherches d’Anzieu pour décrire que l’oeuvre naît d’un désir urgent de rassembler les tensions intérieures, les réintérioriser, les réparer ou les cicatriser. Elle sert à « produire activement quelque chose qui rétablira au dehors et par le dehors l’ordre perdu du dedans » (Guillaumin, 1987, p.175). Par son effet « miroir », le patient « réintériorise et traite à nouveau les messages que l’œuvre lui renvoie à chaque moment de son élaboration » (Guillaumin, 1987, p.176). Ce travail répété permet d’ordonner et de réparer l’ « enveloppe psychique » (cf.p.12), où se logent les fantasmes intolérants du créateur.

En outre, Doron (1987) considère que l’objet créé est un « conteneur de pensées » permettant à la réalité interne, projetée à l’extérieur, de renforcer le monde interne en

S. Dali « Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade

une seconde avant l’éveil » (1944)

W. Kandinsky « Yellow-Red-Blue » (1925)

J. Pollock « Autumn Rhythm », No. 30, (1950)

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 19 -

utilisant l’œuvre comme contenant des émotions. « Il devient alors un conteneur psychique, dont la modification provoque en retour un réaménagement interne » (Doron, 1987, p.196). L’oeuvre permet de renvoyer à l’intérieur de la personne, ce qu’elle a projeté à l’extérieur tout en se laissant traverser par les messages que cette réalité lui renvoie. C’est dans cette étape que le psychisme se transforme.

Selon Houzel (1987), en référence aux travaux de Bion, l’œuvre peut être représentée comme le sein de la mère, tel un « objet attracteur» contenant (cf.p.10) permettant de donner une forme stable, une signification aux pulsions du bébé. Stitelmann (2002) soumet l’hypothèse que lorsqu’il y a projection d’« éléments bêta » du patient, dans la forme créée contenante accompagnée de la « rêverie » du thérapeute, des transformations peuvent s’opérer.

Pour Chouvier (2011), l’œuvre artistique est semblable à « l’objet transitionnel » de Winnicott (cf.p.8), un objet intermédiaire entre la réalité interne et la réalité externe du sujet. Ceci car l’oeuvre engage une confrontation avec le matériau et une relation entre « fond-forme » et « contenant-contenu ». Selon lui, (1998) la matière permet d’inscrire l’activité de symbolisation dans un processus signifiant vers des formes de plus en plus construites et organisées. Ainsi, dans cette confrontation avec la matière, l’oeuvre devient un contenant aux pulsions projetées à l’extérieur, dans une forme consistante et réelle, dévoilant les parties psychiques cachées du patient.

En résumé, l’œuvre étant un objet extérieur du sujet qui met en relation et rassemble sa réalité interne et externe. Elle est un contenant aux projections symboliques de sa réalité intérieure et de son monde pulsionnel. Grâce à sa forme concrète, elle rend visible cet informe et permet d’en percevoir sa réalité et d’en donner du sens visant à renforcer, ordonner et réparer le monde intérieur du patient.

En conclusion, le dispositif art-thérapeutique est semblable à une enveloppe contenante car il délimite les espaces dedans/dehors, filtre les stimulations, contient les angoisses, permet la symbolisation, transforme les projections et les émotions du patient en ressources. Un dispositif art-thérapeutique contenant est possible grâce à la mise en place des différents contenants tels que : le cadre thérapeutique, l’atelier, l’attitude du thérapeute dans la relation thérapeute/patient, la médiation artistique et l’œuvre. Au sein d’un dispositif stable, ces contenants ont pour fonction d’encourager la décharge et la métabolisation des états pulsionnels de la personne afin de favoriser son évolution.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 20 -

5. Conclusion

Au cours de ce travail de recherche, j’ai découvert la dimension psychanalytique qui m’était peu connue et semblait être d’une grande complexité. Il m’a fallu de la persévérance, de la patience pour les « digérer » et les intérioriser. Cependant, j’ai trouvé passionnant d’approfondir ces concepts m’ouvrant un nouveau champ de raisonnement et de compréhension autour des aspects « contenant » qui se manifestent aux sources de l’expérience humaine.

Les notions de Winnicott sur l’ « aire intermédiaire » ainsi que sa vision d’appréhender l’enfant en thérapie, s’avèrent être une base pour notre métier. J’ai particulièrement été touchée par les notions de Bion, plus spécifiquement par la « capacité de rêverie » et la « fonction alpha » du thérapeute me paraissant être un pilier de compréhension dans l’accompagnement de personnes, plus en particulier pour les enfants ayant des troubles du comportement. En outre, j’ai été nourrie par les travaux d’Anzieu notamment le concept du « Moi-peau », qui implique le corps et sa sensorialité afin d’apporter une autre dimension au travail thérapeutique. Certains concepts comme celui du « Corps de l’œuvre » d’Anzieu n’ont pas pu être exposés dans ce travail mais méritent d’être parcourus. Malgré leurs différences et complémentarités, ces trois auteurs m’ont étés essentiels dans la compréhension du « contenant ».

Aussi, cette recherche théorique, a grandement éclairci mon questionnement principal : « Comment le dispositif art-thérapeutique peut aider un enfant ayant des troubles du comportement à trouver un apaisement à son agitation ? ». A présent, je comprends l’aspect thérapeutique de la mise à disposition de multiples contenants au sein du dispositif art-thérapeutique, afin d’amener le sujet à symboliser son agitation innommable, ses pensées impensables, ses affects douloureux pour qu’il puisse en donner une forme tolérable. Il s’agit de lui offrir la possibilité d’être accueilli au sein d’un lieu et d’une relation faisant office d’enveloppe contenante, afin qu’il intègre, en lui-même, ces aspects sécurisants et stables. Ceci pourra l’aider à construire ses propres contenants psychiques, à contenir ses comportements débordants et favoriser son évolution.

Ce travail thérapeutique se produit à travers les différentes médiations plastiques et visuelles proposées dans un espace de jeu et de créativité qui aidera l’enfant à projeter son monde intérieur. En ce point particulier, je comprends l’importance de la médiation artistique s’offrant comme un contenant qui accueille la réalité informe émergeant de l’intérieur. Elle permet l’accès aux affects et leur donne une forme. De ce fait, l’œuvre, au fur et à mesure de son élaboration, révèle à l’enfant sa réalité intérieure et donne un sens à ses aspects non assimilés pour qu’il puisse les réintérioriser de manière sécurisante et constructive.

Les différentes références artistiques telles que ; Vincent Van Gogh, Wassily Kandinsky, Edward Munch, Salvador Dalì et Jackson Pollock témoignent également que la médiation et l’oeuvre artistique sont un support au mal de vivre. Elles représentent des contenants à l’expression de l’univers intérieur de l’artiste et restituent une réalité, une vérité qui donne du sens à leur vie.

Afin de mettre en lien ces recherches théoriques avec la pratique, je propose de découvrir, dans la deuxième partie du mémoire, l’évolution du processus thérapeutique d’une enfant à troubles du comportement. Nous verrons la manière dont se déploient les différents « contenants » et la façon dont ils agissent sur les comportements de l’enfant.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 21 -

2ème partie : Etude pratique

1. Introduction

Dans cette étude pratique, j’expose l’évolution du processus thérapeutique d’une fillette de 8 ans à troubles du comportement que j’ai suivie en séances individuelles d’art-thérapie en tant que stagiaire, pendant 11 mois, soit 32 séances individuelles de 1h15 par semaine. Je donne une description du contexte institutionnel, de la place de l’art-thérapie dans l’institution et une présentation de la patiente. Ainsi, afin de mieux comprendre la façon dont s’animent les éléments contenants au sein du processus thérapeutique, j’ai sélectionné 8 séances qui traitent au mieux les notions du « contenant » rencontrées dans la thérapie.

Lors de cet accompagnement, mes objectifs personnels ont été les suivants : Intégrer la pratique et comprendre les aspects de l’attitude art-thérapeutique ; découvrir diverses médiations artistiques et leurs effets thérapeutiques ; apprendre sur la problématique des troubles du comportement chez l’enfant ; apprendre à collaborer avec les services interdisciplinaires d’un cadre institutionnel.

Afin de soutenir ma pratique, je me suis appuyée sur les trois principes opératoires que propose Stitelmann (2002) en art-thérapie. Ces principes sont liés aux effets de la matière, au processus de créativité, à la dimension relationnelle. Ceux-ci permettent au thérapeute de développer son intervention, en observant leurs influences dans l’évolution du processus thérapeutique. Dans ce sens, lors de ce suivi art-thérapeutique, mes observations se sont orientées autour des interactions du patient et sa relation au cadre thérapeutique, à la matière, à la créativité et à l’objet créé, et sa relation au thérapeute.

En outre, lors du suivi de cette enfant, j’ai mis à disposition plusieurs médiations artistiques dans le but de faciliter son expression et l’élaboration de son processus créatif. Ces derniers ont engendrés diverses conséquences influant ses comportements. De plus, mon rôle de stagiaire consistant à accompagner et orienter son processus thérapeutique, a activé des réactions surprenantes permettant d’éveiller et rejouer les difficultés relationnelles de l’enfant.

Dans le cadre de cet accompagnement à médiation, il a été question de tenter d’appréhender, de manière symbolique, les problématiques de l’enfant. Au sein de la relation et du travail de la création, ainsi qu’à travers son imaginaire et sa créativité, l’enfant a pu se rencontrer, révélant petit à petit son monde intérieur. Cependant, mon intention s’est plus particulièrement portée sur les éléments permettant à la patiente de créer des repères constructifs et ainsi intégrer en elle les aspects « contenants » du dispositif de la thérapie dans le but de contenir ses agitations et de devenir plus autonome.

Dans ce sens, j’aime la vision que porte Boyer-Labrouche, sur l’effet du travail art-thérapeutique, lorsqu’elle soutient que l’art-thérapie permet, « grâce à sa valeur de contenant, de reconstruire les limites de dedans-dehors. Elle stimule la créativité et l’imaginaire et a un effet anxiolytique (rassurant), par la confiance en soi regagnée. Elle améliore ou même restaure la relation avec les autres » (Cité par Marthaler, 2002, p.288). Ainsi, c’est en lien avec cette pensée emplie d’enthousiasme et d’espoir que j’aborde à nouveau cette aventure.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 22 -

2. Contexte institutionnel

L’institution répond aux besoins des mineurs en difficulté ayant déjà été confrontés à plusieurs échecs ou devant surmonter des problématiques scolaires, personnelles ou familiales. La structure accueille des enfants en âge scolaire. L’objectif de l’institution est d’offrir aux enfants un cadre sécurisant, enveloppant, leur permettant de pallier à leurs souffrances psychiques et morales et leur permettre de redémarrer un processus évolutif en intégrant, si possible, la dynamique familiale. Dans ce sens, l’encadrement institutionnel offre un soutien pluridisciplinaire constitué d’un corps enseignant, d’une équipe éducative et d’un suivi médico-thérapeutique : pédopsychiatrie, psychothérapie, art-thérapie, logopédie et psychomotricité. Tous œuvrent en réseau systémique, prenant en compte le travail avec les familles.

3. L’art-thérapie dans l’institution

L’objectif de l’art-thérapie est de favoriser la reconstruction et l’évolution du processus de maturité et d’autonomie de l’enfant. Elle a pour but d’aider les enfants à évoluer sur le plan physique, émotionnel et relationnel en prenant contact avec leur intériorité dans un espace privilégié, sécurisant et contenant. Ceci afin de travailler sur la reconstruction de l’enfant et du lien d’attachement, de favoriser la communication, l’ouverture et l’estime de soi et d’explorer la créativité à travers des outils plastiques et visuels.

La prise en charge art-thérapeutique de l’institution existant depuis plusieurs années et assurée pat une art-thérapeute attitrée, répond à une demande faite en accord avec l’enfant, ses parents et l’équipe interdisciplinaire. Elle propose un espace individuel à raison d’une séance par semaine. L’atelier se situe dans une maison accueillant les enfants qui dorment pendant la semaine à l’institution. Le suivi de la prise en charge se réévalue grâce aux éléments observés lors des séances, aux informations rassemblées lors des colloques et aux synthèses interdisciplinaires.

4. Présentation du patient

4.1 Enquête sociale

Afin de préserver l’intégrité de la patiente, j’utiliserai un prénom fictif : Sophie.

Sophie a 8 ans, est issue d’une famille recomposée. Elle a deux grands frères âgés de 20 et 17 ans, les 3 enfants étant nés de 3 pères différents. Le père de Sophie a quitté brusquement le foyer lorsqu’elle avait 3 ans. Il serait parti à l’étranger à la suite d’une plainte déposée contre lui par la mère, dénonçant avoir été filmée dans son intimité. Celui-ci disposant d’un casier judiciaire (toxico-dépendance), il risquait la prison. Il paraît que Sophie a beaucoup pleuré ce père auquel elle n’a pas pu dire au revoir. Elle avait toutefois gardé contact avec la fille aînée de son père, elle-même âgée de 22 ans, mais qui a récemment coupé les ponts, plongeant ainsi Sophie dans une grande tristesse. Pendant les week-ends, Sophie et sa maman vivent avec l’ami de cette dernière et ses deux filles qu’elle considère comme sa famille.

Sophie est entrée à l’institution il y a une année sous la pression de l’école qui estimait qu’elle avait besoin d’un encadrement adapté au vu de ses comportements très difficiles en classe. Elle est suive par un pédopsychiatre et entreprend une hypnose ericksonienne une fois par mois.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 23 -

Suite à une évaluation de la situation de Sophie avec la famille et le réseau institutionnel, on constate qu’elle a encore du mal à faire confiance et lâcher ses comportements caractériels. Il est donc favorable qu’elle continue à progresser dans un cadre sécurisant et stable l’aidant à construire son estime de soi et la relation avec les autres. Lors d’un colloque, la sensibilité créative de Sophie est évoquée ainsi que la suggestion d’un suivi art-thérapeutique, en accord avec Sophie elle-même demandeuse de venir à l’atelier, et sa maman. Il a été décidé d’un accompagnement de 10 séances pour commencer, et par la suite, réévaluer les objectifs lors d’un bilan.

4.2 Symptomatologie

Sophie n’a pas été diagnostiquée cliniquement et ne prend aucune médication. Elle montre de grandes difficultés relationnelles autant avec les adultes qu’avec ses camarades. Selon l’institution, elle présente des troubles de l’attachement, une tendance abandonnique, des défenses maniaques à fond dépressif et des troubles du comportement caractériels. Le pédopsychiatre précise qu’elle souffre d’une dépression enfantine (mauvaise estime de soi-même, tristesse, aucune envie) depuis le départ soudain de son père.

Ces comportements se traduisent ainsi : rupture du lien avec l’adulte et besoin d’exclusivité, agitation quasi permanente, attitudes agressives, attitudes rebelles et de contrôle, débordement des limites, euphorie, causticité, provocations jusqu'à confrontation, insultes et vulgarité, flux de parole, difficulté de concentration, trouble de l’apprentissage, intolérance à la frustration, difficulté à gérer les moments de transition.

4.3 Les objectifs art-thérapeutiques

Les objectifs de Sophie ont été établis par l’équipe interdisciplinaire, l’art-thérapeute de l’institution et moi-même :

favoriser l’extériorité de ses affects de manière symbolique. Un dispositif contenant et sécurisant lui permettant d’accéder à la symbolisation des émotions, des pulsions et l’aider à contenir son agitation et réduire ses comportements d’opposition qui entravent son apprentissage et la relation aux autres.

expérimenter et construire un lien sain et positif avec l’adulte. Un travail individuel continu et stable autour de l’abandon pourrait l’aider à instaurer une relation saine et de confiance dans le respect de soi-même et de l’autre. Cela pourrait l’aider à tolérer ses angoisses de séparation, ses frustrations et ses échecs.

nourrir son potentiel créatif et augmenter l’estime d’elle-même. A travers les médiations artistiques, les activités ludiques et libres, elle pourrait trouver une satisfaction à travailler dans le plaisir et développer ses propres ressources.

Afin d’ajuster l’évolution des objectifs en lien avec mes observations et hypothèses, j’ai été suivie en supervision toutes les 4 séances.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 24 -

5. Description du processus art-thérapeutique

La feuille comme contenant 1ère séance - 29 août

Sophie est une fillette au visage souriant, à la démarche rapide et à l’attitude droite et agitée. En début de séance, je lui expose les éléments du cadre thérapeutique afin d’instaurer une enveloppe sécurisante et contenante (cf. chapitre 4.1) :

les raisons de la prise en charge ; les règles d’atelier : le respect des lieux, des horaires, du matériel, des œuvres, de l’autre

et de soi-même. Le devenir de l’œuvre et la confidentialité ; la présentation des différentes médiations artistiques.

Dans un second temps, je lui propose de créer un cartable faisant office d’un premier contenant dans lequel elle pourra y déposer ses œuvres.

Pendant la création, Sophie reste debout en parlant continuellement, employant un vocabulaire vulgaire mais elle semble être un peu plus pausée, à l’aise et avoir du plaisir à peindre. Ses gestes sont très vifs, saccadés et les coups de pinceaux sont imprécis et agressifs sur la feuille. Dans l’œuvre, son nom est quasiment illisible, entouré par des fragments irréguliers qui prennent tout l’espace contenu par une limitation (traits roses). En fin de séance, n’ayant pas de sanitaires dans l’atelier, Sophie sort pour se laver les mains dans les toilettes et s’y cache, ce qui alimente grandement son agitation. La séance se clôture dans l’excitation, me laisse un sentiment d’inaccomplissement et d’impuissance.

Hypothèses : comme le décrit Muret (1983), « La peinture permet un contact avec l’élément humide, collant, élastique, qui entre en résonance avec des expériences infantiles très précoces de la personne » (Muret, 1983, p.74). Dans ce sens, l’action de peindre est semblable à un « défouloir » (Sternis, 1997, p.109) permettant de stimuler les « éléments bêta » (cf.p.9), les pulsions archaïques non intégrées, pour les amener vers une décharge ce qui explique les gestes agressifs de Sophie sur sa feuille. Selon Tisseron (2003), l’image, toujours délimitée par un cadre, a un pouvoir de « contenance ». L’image créée engage l’intériorisation d’un cadre contenant qui contient et transforme les pensées, les états psychiques et physiques en aspect représentable. Ainsi, l’aspect contenant de la feuille a accueilli et rassemblé les contenus psychiques déstructurés et ainsi amoindri l’agitation de Sophie. Aussi, dans son œuvre, les fragments irréguliers peuvent symboliser son agitation, son désordre psychique, ses pulsions non intégrées existant dans son « enveloppe psychique » (cf.p.12) symbolisée par ce contour rose, à la fois présente et divisée.

L’atelier ayant le rôle d’une « niche » (cf.p.16), est protégée des stimulations extérieures qui tempèrent et contiennent celles du patient, tiennent une fonction de « pare-excitation ». Ainsi, sortir des murs de l’atelier a pu réactiver l’agitation de l’enfant.

Regard autocritique : afin de vérifier mes interprétations et leur donner du sens, j’aurais pu questionner la patiente autour des éléments de son œuvre.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 25 -

Le geste créateur comme contenant 4ème séance- 12 septembre

Sophie, intéressée par une main en argile qui sèche sous la table, fait la demande de travailler avec la terre. Elle crée des formes qu’elle détruit. Au fur et à mesure qu’elle manipule la matière, l’œuvre devient de plus en plus abstraite, déstructurée. Elle tient des propos vulgaires et tente de se faire mal avec des objets pour travailler la terre. Elle tape avec violence dans le morceau d’argile et fait un gros trou dans lequel elle patauge en se badigeonnant les mains et poignets tout en exprimant sa jouissance. Très excitée, elle veut sortir de l’atelier pour se laver les mains mais je lui demande de finir sa création avant. Contrariée, elle pose malicieusement ses empreintes sur la porte et les armoires. A cet instant, je sors une feuille de papier afin qu’elle puisse les y déposer dessus. De manière réfléchie et concentrée, elle tapisse toute la surface de la feuille, qui a l’effet de calmer son agitation. Ses comportements éclatés, agressifs et d’opposition me déstabilisent et me submergent. Je me sens épuisée par l’énergie dépensée pour tenter de garder le contrôle du cadre.

Hypothèses : pour Muret (1983), la matière est évocatrice de régression et a pour effet un retour aux états archaïques du développement. Le contact avec l’argile, qui est une matière humide et organique, rappelle le souvenir de la caverne utérine et les expériences infantiles très précoces. Ainsi, « le patient en mêlant ses mains à la couleur ou à la terre retrouve parfois ce contact informel et fusionnel » (Muret, 1983, p.74). Dans le cas de Sophie, ce retour a pu engendrer des angoisses et faire resurgir ses parties imaginaires et indicibles tout en expérimentant une certaine jouissance à son contact. « La matière est non seulement porteuse de symboles mais source de plaisir : plaisir de toucher, palper, pétrir, barbouiller, enduire, gâcher, caresser » (Muret, 1983, p.76). Selon Anzieu, lors d’une création il y a « un premier mouvement régressif, lié à une crise intérieure et mobilisant des fantasmes archaïques » (Cité par Chapelier, 2011, p.56). Mais en partant d’éléments désorganisés, de l’informe (cf.p.17) et de la destructivité, il s’agit d’aller dans un travail organisateur visant à saisir et rassembler, par la matière, ces éléments psychiques en quelque chose de représentable. Aussi, Doron (1987) explique que le geste créateur est « un filtre contenant le chaos des perceptions internes de soi, tout en réaménageant les limites du Moi-peau » (Doron, 1987, p. 198). Ces premiers gestes spontanés jetés ou projetés en dehors de soi, dans une œuvre, engagent un réaménagement interne (cf.p.19). Ainsi, par la qualité contenante du geste créateur, l’œuvre a pu devenir un « conteneur de pensées » (cf.p.19) soutenant le psychisme de Sophie calmant son excitation.

Regard autocritique : la supervision me rappelle l’importance de mettre en place un dispositif visant à rassembler les comportements pulsionnels de Sophie et l’amener vers la continuité. Ceci en créant un espace-temps contenant constituant une sorte d’enveloppe symbolique pour le patient, lui permettant alors d’explorer sa réalité intérieure et focaliser son attention sur un centre au sein d’un travail constructif. « C’est grâce à ce contenant qu’il pourra faire jouer sa créativité, laisser tomber quelques défenses sociales et exprimer des émotions » (Boyer-Labrouche, 2002, p.39). Ainsi, je vais aménager des rituels et des consignes afin de structurer la séance plutôt que de laisser faire une exploration sensorielle sans limite qui disperse davantage.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 26 -

Prod.2

Prod.1

La constance de l’oeuvre et le jeu symbolique comme contenant 5- 9ème séances, 12 septembre - 14 novembre

Afin de soutenir la continuité, je propose à Sophie de créer des animaux à partir des empreintes de ses mains. De cela, elle peint un lapin avec divers personnages (prod.1). Puis elle crée une montgolfière (prod.2) qui est représentée dans sa peinture. Sophie transgresse le cadre, en défiant les consignes et les règles. Ces attitudes sont hystériformes, elle bouge continuellement, ses idées sont décousues et s’exprime par des flux de paroles. Devant la frustration, elle active des réactions agressives et irrespectueuses : elle donne des coups sur le thérapeute, utilisant un vocabulaire vulgaire et une attitude provocatrice « ça fait chier, t’as rien compris, t’es bête ou quoi, etc.. ». Elle est peu attentive à ses œuvres et exprime l’envie de les détruire. Pendant la création, ses gestes sont nerveux et vifs. Elle est brutale avec le matériel, casse, gribouille, déchire et jette par terre. Ces états éclatés me confrontent jusqu'à remettre en cause mes capacités d’art-thérapeute. Face à ces attitudes rebelles, je me sens fatiguée, perdue et parfois impuissante. J’ai l’impression de perdre le contrôle du cadre que je tente difficilement de maintenir. Dans ses œuvres, les traits sont bruts et imprécis produisant un aspect déstructuré voir inquiétant. Elle y expose les thèmes d’« agressivité » et « vulgarité » qui font office de « protection ». Elle évoque également la « mort » et la peur d’ « abandon ».

Atelier de réflexion, 11 novembre : Sophie interpelle toute l’équipe interdisciplinaire en vue de la stagnation de l’évolution de ses comportements et son apprentissage scolaire (1

an de retard). Dans tous les lieux, elle est très agitée et vulgaire. Etant donné ses comportements rebelles qui perturbent l’apprentissage des autres élèves et épuisent la maîtresse, il est décidé de la placer dans différentes classes, afin de lui permettre d’expérimenter d’autres attitudes hors des enjeux relationnels. Aussi, le pédopsychiatre précise le départ inattendu de l’ami actuel de sa mère, qui a pu réactualiser sa dépression et réactiver sa tristesse et ses comportements éclatés.

Durant la 9ème séance, je lui propose de raconter l’histoire des personnages de sa peinture, qu’elle dessine au crayon gris (prod.3). En se laissant inspirer par son imaginaire et en jouant avec la montgolfière, elle les fait vivre dans tout l’espace de l’atelier. Pendant qu’elle raconte son histoire, je la retranscris sur une feuille (cf.p.41). Elle met en scène des personnages aux identités doubles et ambiguës, à la fois agressifs et bienveillants. Le contexte, d’abord heureux, où cohabitent amour et amitié, devient alors conflictuel et violent provoquant une rupture dans laquelle existent peur de la perte et mort. En fin de séance et pour la 1ère fois, Sophie exprime une grande satisfaction et fierté face à son œuvre (la montgolfière) et part dans un état de contentement et de sérénité. Cette séance est, pour moi, comme un souffle. C’est un moment magnifique de la voir jouer dans le plaisir, la légèreté et le calme !

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 27 -

Hypothèses : j’observe que les séances sont plus structurées grâce au thème de travail et aux productions sur lesquelles nous pouvons nous appuyer afin de favoriser une stabilité et une continuité. Comme le décrit Chouvier, « un thème donné a des ressources insoupçonnées » (Chouvier 2011, p.76). Il permet au patient de s’investir dans un processus de création continu, progressif et persistant permettant le « transfert » des pulsions. Selon Klein (2012), les productions ont pour effet de porter les contradictions et les ambivalences du patient afin de les « unifier ». Ainsi, par la continuité du processus de création accompagné par mes interventions maternantes, Sophie a pu ressentir une constance et une résistance à ses élans de défense. Cette enveloppe suffisamment contenante lui a permis d’accéder à l’« espace potentiel » (cf.p.9), où elle a projeté ses éléments transférentiels qui l’habitent en les faisant circuler dans le jeu. En outre, Winnicott précise que le jeu symbolique (cf.p.9) permet de contenir la destructivité de l’enfant. « Dès que l'enfant peut utiliser une chose pour en représenter une autre, la violence des conflits liés à une réalité pénible s'apaise » (Winnicott, 2004, p.33). Ainsi, à travers la continuité des productions et le jeu symbolique, Sophie a pu transférer ses éléments pulsionnels de son histoire, apaisant ses agitations et apportant une grande satisfaction. Cette démarche montre sa capacité à sublimer ses émotions et à créer avec constance et continuité. J’ai également remarqué qu’après les vacances, Sophie est plus excitée, ce qui l’indispose davantage à se concentrer sur un travail. La séparation due aux vacances affaiblit le lien qui est déjà fragilisé et mis à l’épreuve.

Regard autocritique : j’observe qu’une attitude ferme contient l’agitation, me rappelant d’équilibrer les deux « pôles » de l’attitude thérapeutique (cf.p.13). En effet, je ressens le besoin d’investir davantage les aspects du « pôle paternel », moins développés, soit la solidité et la consistance. Dans ce sens, selon Muret, pour que l’enfant puisse apprivoiser la matière pour élaborer autour de ses contenus psychiques, il faut que « l’art-thérapeute soit une bonne mère sachant doser permissivité et discipline » (Muret, 1983, p.76).

Le « holding » du thérapeute et la médiation comme contenant 10 -11ème séances, 22 -28 novembre

Lors de la 10ème séance, nous prenons un temps pour faire le bilan de son processus thérapeutique. À la fin du bilan, Sophie s’impatiente, jette un crayon à travers l’atelier et place une paire de ciseaux sous son nez en menaçant de se couper si je ne vais pas le ramasser. Elle exprime : « j’ai envie de me trucider, j’ai envie de mort pour moi et toutes les personnes de l’institution sauf Annick (sa maîtresse) et toi ». Afin qu’elle puisse déposer sa colère, je lui donne une feuille de papier qu’elle déchire en petits morceaux puis les gribouille, chiffonne, jette. Je les rassemble et les colle sur une feuille. Puis elle se met sous la table en position fœtale avec son pouce dans la bouche, comme un bébé. Je me place près d’elle et l’enveloppe

Lapinou le-tout-gentil, le lapin

Minouchatt, l’oiseau

Putain de chiotte, la poule « Vous allez tous mourir »

Prod.3

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 28 -

Prod.5

d’une couverture. En lui caressant le dos je verbalise ses émotions : « tu as beaucoup de colère ça ne doit pas être facile ce que tu vis au quotidien, tu as le droit d’être en colère ici ». En fin de séance, elle demande à prendre le crayon qu’elle a tenu dans sa main durant cette expérience et part très calme. Malgré l’intensité de cette séance, je me sens sereine car je suis restée centrée sur elle sans m’être emportée par ses menaces et ses émotions. J’ai été touchée par sa capacité à exprimer sa colère puis se laisser recevoir de la tendresse.

Lors de la séance suivante, je lui propose de créer une boîte à « colère » (prod.5) dans laquelle elle peut y déposer ses ressentis ainsi que les morceaux de papiers rassemblés la séance passée. Pendant la création, elle est agitée, a des gestes brusques et fait tomber un stylo par terre, mais elle s’excuse et va le ramasser. Puis, elle écrit sur un petit papier qu’elle me donne: « Je t’aime beaucoup comme art-thérapeute et toi est-ce que tu m’aimes ? Réponse : oui ou non ». L’œuvre terminée, elle exprime l’envie de faire « dodo » (en référence à l’expérience de régression). Je l’invite à s’installer sur des coussins et l’enveloppe dans une couverture pour lui conter le « Petit Poucet » de Perrault. Sophie est ravie, pendant 20 minutes elle reste immobile et silencieuse me regardant attentivement avec émerveillement. C’est la 1ère fois qu’elle expérimente un long moment de plaisir, de calme et d’attention. Ce moment de partage me réjouit beaucoup et me procure une grande joie!

Hypothèse : les « transferts » (cf.p.13) de Sophie se jouent davantage dans la relation car, à cause des nombreux échecs qu’elle a connus, elle a besoin de mettre à l’épreuve le lien (mis en échec des médiations et confrontation des limites du cadre) afin de se protéger de la crainte d’abandon (cf.p.15). Comme le rappelle Winnicott, l’enfant cherche une stabilité de l’environnement pouvant supporter ses comportements impulsifs (cf.p.7) par une attitude humaine fiable lui donnant la liberté de bouger et de s’exciter (cf.p.16). Cette attitude contenante manifestée par mon « holding» a permis à Sophie de rejouer ses carences affectives habitées par la haine et la colère, à travers une régression (cf.p.15) et un état fusionnel. De ce fait, le crayon qu’elle veut emmener, fait penser à l’ « objet transitionnel » (cf.p.9) qui symbolise la continuité de la présence de l’autre facilitant la séparation après la fusion vécue. En outre, verbaliser ses affects a permis de les rendre signifiants (cf.p.9) et donner du sens à ce qu’elle vit. Aussi, la médiation a permis la symbolisation de ses états archaïques dans les petits morceaux de papier déchirés. Les rassembler sur un fond (feuilles de papier) stable a permis de leur donner une forme plus rassurante (cf.p.17). La médiation, permettant la création d’une boîte, a également créé un contenant symbolique enveloppant ses contenus pulsionnels.

La médiation du conte traduit le matériel inconscient de façon symbolique. « Dans le conte, les phénomènes psychiques internes sont matérialisés sous une forme symbolique » (Bettelheim, 1976, p.61). Les personnages et les événements des contes illustrent les conflits intérieurs de l’enfant par lesquels il peut s’identifier et faire resurgir ses angoisses archaïques et terrifiantes en sécurité. Selon Guérin (1982), le conte tient une fonction « conteneur »; une « fonction de transformation des affects ou des objets non pensés, parce que destructeurs du penser lui-même, en représentations tolérables : davantage encore en représentations capables d’engendrer des représentations » (Cité par Kaës, 2004, p.11). Selon lui, (2004), cette fonction existe grâce à la « fonction alpha » (Bion) du thérapeute qui accueille et transforme les « éléments bêtas » du patient offrant « un appareil à penser » (cf.p.9). Hochmann précise que la fonction « organisatrice du chaos » et la structure de conte est capable « (…) de susciter chez l’enfant, un état voisin de la transe hypnotique » (Hochmann, 2002, p.62). Ceci explique l’attention émerveillée de Sophie pendant le récit et l’apaisement de son agitation métabolisée

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 29 -

grâce au conte et ma présence active agissant comme des contenants. Cette médiation lui a permis de réinvestir la relation comme tolérable et plaisante.

Regard autocritique : ainsi, par l’effet structurant de mon attitude contenante et par la médiation proposée, elle a pu vivre une relation où cohabitent autant l’amour que l’agressivité. C’est une évolution dans son processus thérapeutique mais il s’agit d’observer si les contenants psychiques peuvent s’intégrer afin qu’elle puisse vivre une attitude adéquate, c’est-à-dire, sans être dans la fusion ou dans le rejet.

Stagnation de l’évolution de Sophie

Durant 5 mois, Sophie oscille entre des comportements aimables et des attitudes de rejet. Elle peut se concentrer, s’appliquer et partager des instants d’échanges et de la proximité dans le calme. Elle respecte plus souvent le cadre, écoute et parfois même rectifie ses comportements ce qui donne un aspect plus construit aux séances. En contrepartie, elle a toujours du mal à gérer ses frustrations. Elle continue à utiliser le chantage, des attitudes de contrôle et des comportements agressifs face aux œuvres, au matériel et à l’adulte. Elle a beaucoup de résistance à s’investir dans le processus créatif mais préfère jouer, particulièrement à cache-cache qui occupe une grande place dans les séances. Elle évoque le fait de ne pas se sentir unique et exprime son manque d’amour ; « Ma mère me dit que je suis rare, mais je ne la crois pas. Je ne suis pas rare » et parle de mort ; « Je ne suis pas ici pour vivre mais pour mourir ». Aussi, elle exprime, dans une œuvre, les résistances de sa mère concernant son placement dans l’institution.

Pendant ce temps, l’équipe interdisciplinaire se réunit 2 fois car la situation de Sophie engendre des questionnements et une inquiétude collective. On observe une stagnation

générale de son évolution. Dans les ateliers d’art-thérapie et de travaux manuels, on relève que Sophie a volé des objets. Son état perpétuel d’excitation l’empêche de s’investir et progresser dans ses apprentissages. Au vu de ces difficultés d’évolution et pour éviter qu’elle ne s’épuise, la possibilité d’un autre placement au sein duquel elle puisse développer ses compétences est reconsidérée. En contrepartie, afin de la réinscrire dans la continuité et la stabilité, il est décidé qu’elle réintègre progressivement sa classe initiale.

Hypothèse : au cours d’une supervision, je m’aperçois que depuis quelque temps, mon attitude est moins contenante. Je sens une lassitude face aux comportements instables de Sophie. Aussi, craignant de manquer de « matière » (productions) à exposer pour ce mémoire et préoccupée par la préparation d’examens, je suis habitée par mes propres tensions. De plus, je me sens moins disponible, étant moi-même, en guérison des blessures de « mon enfant intérieur » en thérapie personnelle. Toutes ces circonstances fragilisent ma posture thérapeutique me conduisant à rentrer autant dans mes agitations que les siennes, au lieu de me centrer sur la patiente et investir la relation. Comme le dit, Klein (cf.p.16), il est nécessaire que le thérapeute se situe hors de ses problématiques personnelles, pour permettre au patient de se rencontrer dans sa vérité. Aussi, Sophie oscille entre une loyauté vis-à-vis de sa maman et son désir de trouver sa place et exister par elle-même, qui l’empêche de s’investir et construire librement dans le travail. De plus, le manque de repères stables causés par les changements de classes, l’incertitude de l’institution à la contenir dans son évolution et ma posture peu contenante, ont certainement alimenté son excitation, entravant l’évolution de son processus créatif. Sophie a besoin d’être protégée et contenue dans une « enveloppe psychique » (cf. p.12) offrant un contenant stable et sécure dans lequel elle peut déposer symboliquement ses contenus psychiques et donner du sens à ce qu’elle vit pour favoriser l’intégration du travail.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 30 -

31ème séance

Le bac à sable comme contenant 28 -31ème séances, 14 mai – 11 juin

Sophie porte un intérêt immédiat au nouveau jeu de bac à sable installé dans l’atelier. D’abord, son jeu est habité par les thèmes de l’ « abandon », des relations d’opposition « amour-haine » « rejet-possession », « mort-vie ». Au fil des séances, l’espace de jeu se construit et elle met en scène un nouveau sujet; un « secret », une « chose » qui se fait mais qu’on ne peut pas dire car « c’est trop intime » et évoque le « gros pénis de papa ».

Afin d’aller à la rencontre du secret de manière symbolique, je propose 3 « boîtes à secrets » qu’elle pourra utiliser librement dans le jeu; une noire pour les secrets « qu’on ne peut pas dire », une blanche pour « les trésors » et une rose pour « les jolis secrets ». Mais cela n’intéresse pas Sophie, je les disperse dans le jeu, au cas où elle y trouverait une utilité. Sophie construit son espace de jeu, à l’aide de divers matériaux (tissus, papier, éléments naturels, etc.). Elle est concentrée, appliquée, créative, productive et autonome. Par la suite, nous élaborons des créations communes (tour, forets, etc.). Face à une difficulté, elle reste calme, demande de l’aide et contient sa frustration. Je suis émerveillée par la productivité et créativité qu’elle met en oeuvre et agréablement surprise par son autonomie et sa capacité à se réguler elle-même ! Après ce long temps de préparation, nous jouons durant 15 minutes. Comme à son habitude, son jeu commence dans un environnement plaisant et harmonieux puis, semblable à l’histoire de la montgolfière (cf.p.26), l’ambiance tourne au conflit et aux rapports de force.

29ème séance

30ème séance

30ème séance

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 31 -

Certains personnages deviennent sournois, agressifs et violents. C’est un véritable champ de bataille. Pour clôturer le jeu, il faut que tous les personnages se bagarrent ou meurent.

Le fait que Sophie ne symbolise pas davantage autour du « secret », me procure une certaine déception. Toutefois, la voir jouer dans le calme et le plaisir durant toute la séance m’apporte une profonde joie et une grande satisfaction. Aussi, afin de la valoriser et lui permettre de prendre conscience de ce qu’elle vit et met en place, je félicite ses efforts, son autonomie, sa capacité de construire et s’atteler à une tâche en restant tranquille tout en s’adaptant aux consignes et en tenant le cadre !

Hypothèse : selon Klaff (1973), le bac à sable permet à l’enfant de construire son monde intérieur librement. Cette liberté est contenue par les limites du bac qui représentent « les frontières » à l’intérieur desquelles l’action se déroule « agissant comme facteur de régulation et de protection, pour l’imaginaire de celui qui joue » (Kalff, 1973. p.16). Le sable humide, comme le rappelle Roussillon (cf.p.18), permettant de contenir les contenus psychiques pour les rendre symbolisables. Dans ce sens, l’espace contenant que le jeu de sable aménage, semblable à « l’espace transitionnel » (cf.p.8), Sophie a pu y transférer sa réalité interne. Elle a pu exprimer ses émotions impensables sans danger en sublimant son agitation dans son histoire inventée. «La distance de l’invention imaginaire permet de jouer avec ses peurs ou son agressivité sans risque de répercussion dans la réalité même » (Klein, 2012, p.20). Selon Sternis (1997), le sable est, grâce au corps impliqué, un médiateur qui peut provoquer un retour aux origines. De ce fait, il est possible que l’« enveloppe contenante » contenant Sophie par ma « rêverie » (cf.p.9) lui ait permis d’exprimer des traces angoissantes de son histoire. L’atmosphère du père de Sophie ayant filmé l’intimité de sa mère à son insu et les accusations de l’un des frères contre ce père qui aurait abusé de son autre frère, a pu être imprégnée par la fonction de « l’inscription des traces » (cf.p.10) du « Moi-peau » de Sophie. Son agitation vient-elle de ses mises en scène refoulées dont elle a été témoin (ressenties, vues) au sein de l’environnement conflictuel, malsain et incestueux de sa prime enfance ? Ce climat a-t-il pu créer une excitation globale ? Est-ce à cet endroit que se trouve le cœur de son excitation ? Ou est-il question d’un véritable abus ? Est-ce la cause de ses troubles de l’attachement et de sa problématique autour de l’abandon?

Grâce au contenant que le jeu de sable représente, la construction progressive du jeu avec les éléments créatifs et les règles structurantes, ainsi que le maintien de mon propre cadre par mon attitude plus ancrée et contenante, les séances sont beaucoup plus structurées et construites. Tous ces contenants assemblés ont permis à Sophie d’abandonner les jeux agités et déstructurés (cache-cache, etc.), de se rassembler pour être productive et autonome. Comme le décrit Winnicott, un environnement « suffisamment bon » (cf. chapitre 3.1), apportera à l’enfant la capacité à se sentir responsable de sa destructivité, donnant lieu à un élan constructif. « On considère qu’un enfant est en bonne santé lorsque le jeu constructif fait son apparition et se maintient.» (Winnicott, 1994, p.117).

Regard autocritique : ma déception est liée à un désir personnel : celui de voir la situation de Sophie s’améliorer et de terminer le suivi avec un résultat tangible et rationnel, plutôt que sur le doute d’un « mystère ». Ceci afin de me rassurer et gratifier mes démarches. Sternis (1997), rappelle que le thérapeute doit se protéger du désir de guérison et supporter l’informe et l’attente (cf. chapitre. 4.1). Selon Stitelmann, un mystère a une fonction contenante car il contient du sens, il oriente dans une direction et met en mouvement. « Un mystère contient du sens. Il contient du sens, caché, mais il en contient, et par là même, il contient » (Stitelmann, 2002, p. 182).

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 32 -

Le rituel et la réparation comme contenant 28 - 29ème séances, 14 mai - 20 mai

Au fil des séances, différents rituels se sont ajoutés en fonction des besoins de Sophie :

En début de séance, ils permettent de faciliter la transition entre l’extérieur et l’intérieur, favoriser le retour à soi, l’expression des émotions: exercice de yoga (Vidua, 2009) ; mettre le tablier ; pictogramme « Comment chat va ? ».

En fin de séance, ils facilitent la clôture et les moments de séparation en amenant un ordre et un repère de « la fin », en définissant les limites de l’expression, les limites dedans-dehors et finir la séance en douceur : panneau d’images représentant ce que Sophie va trouver après la séance (goûter, devoirs,

maison, taxi, etc.) ; cartes « Graine d’amour »

Lors d’une séance et face à une frustration, Sophie déchire le panneau d’images utilisé en rituel. Durant les séances du jeu de bac à sable, elle prend le temps de reconstruire soigneusement et intégralement le panneau en créant ses propres dessins (prod.6).

« Les amoureux » « A la maison »

« Le goûter » « Prendre le taxi »

(Prop.6)

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 33 -

Hypothèse : selon Rodriguez (2006), le rituel est un outil pour instaurer le changement. C’est par sa répétition que le changement thérapeutique peut se produire. Aussi, « le rituel est à la fois libérateur de l’angoisse et porteur d’un sens particulier, il aide à la préparation psychologique du travail qui va suivre » (Boyer-Labrouche, 2000, p.38). Ainsi, de ses fonctions « contenantes » et de « pare-excitation » (cf.p.10), il contribue à atténuer l’angoisse provoquée par le changement et à éponger l’excitation de Sophie. Au début de la thérapie, elle a montré beaucoup de résistance à s’impliquer dans les rituels, mais, depuis peu, elle les intègre et exprime qu’elle les apprécie. Cette constance a pu l’aider à approprier l’espace thérapeutique.

Chouvier (2011), décrit que les actions qui consistent à déchirer, détacher ou découper, sont des « actes symboliques » concernant « la séparation ». Ils sont un passage obligatoire pour sublimer la pulsion agressive et accéder au « penser » (cf.p.9). L’objet attaqué ou rompu va pouvoir être ensuite réparé et réunifié. « La séparation mise en sens dans les actes symboliques autour de l’objet médiateur et dans leur verbalisation, s’internalise, peu à peu, comme structurante » (Chouvier, 2011, p.46). Rodriguez (2006), s’appuyant sur les concepts de Mélanie Klein, explique que l’acte symbolique de réparation de l’objet est semblable à réparer le « moi » du sujet. Il instaure un sentiment de sécurité face à la perte sur lequel il peut étayer sa pensée. Il établit la « capacité d’expérimenter la perte en la réparant symboliquement qui va donner à l’individu le sentiment de liberté sur lequel peut seul se construire une pensée » (Rodriguez, 2006, p.276). Pour Sophie, l’acte de réparation consistant à reconstruire entièrement le panneau des images, a fait office de contenant symbolique à la séparation. Cela démontre la possibilité d’accéder, progressivement, à l’intégration d’une expérience plus structurante de la séparation. Ceci a été soutenu grâce aux rituels agissant comme des contenants organisateurs mais aussi grâce au travail constructif et productif qui s’élabore au fil des séances. L’effet de cette démarche structurante se distingue également dans ses dessins aux formes remplies de couleurs aux traits relativement précis, donnant un aspect plus appliqué, abouti et ordonné.

Synthèse de Sophie, 22 mai : dans tous les lieux de l’institution, on observe Sophie un peu plus posée. Toutefois, en classe, même si ses comportements sont parfois adéquats

pouvant entendre l’adulte et réagir en conséquence, la relation reste fragile et ses anciennes attitudes rebelles réapparaissent à la moindre frustration. Malgré ces fonctionnements qui handicapent toujours ses apprentissages, le défi est de solidifier ses acquis. En art-thérapie, Sophie a fait des progrès. La dynamique relationnelle est plus stable. Elle peut investir la relation de manière plus sereine. Par la médiation et sa relation à la matière elle a pu symboliser ses affects et les sublimer, lui permettant de se rassembler. Son processus créatif est plus structuré, elle peut s’investir dans la tâche, demander de l’aide, jouer dans le calme, être autonome, faire des liens et progresser dans la continuité. Malgré l’évolution subtile de ses comportements, elle adopte encore des attitudes de rejet et d’agressivité faisant perdurer son agitation. Pour l’avenir, l’institution prendra contact avec sa mère pour évoquer le thème du « secret» que Sophie a exprimé dans le jeu et éclaircir ses attentes face au placement et au projet pour l’année prochaine. Avec l’aval de la mère, l’institution aimerait proposer un examen affiné, réalisé par un neuropsychiatre (test psychologique et TDA) dans l’optique de stabiliser et préparer Sophie à réintégrer le système scolaire.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 34 -

Prod. 7

Une séparation contenante 32ème séance, 25 mai

Afin que Sophie puisse ressentir une continuité malgré la séparation et se projeter après « la fin » du suivi, nous avons progressivement préparé « la séparation ». Durant la 30ème séance, nous avons toutes deux dessiné le lieu de nos prochaines vacances, où j’ai verbalisé que je penserai à elle. Au cours de la 31ème séance, l’enfant a rencontré l’art-thérapeute qui assurera son suivi dès la rentrée. Puis, nous avons échangé nos coordonnées respectives.

Lors de cette dernière séance, je dispose toutes ses œuvres dans l’atelier, ce qui suscite chez Sophie un très grand émerveillement « j’ai fait tout ça !». Après avoir pris un instant pour les revisiter, elle décide de leur devenir et prend plaisir à en déchirer certaines, elle en garde quelques-unes et, à ma grande surprise, elle conserve également la « boîte à secret noire ». Puis, du jeu de cartes « Graine d’amour », je retire deux cartes vierges pour chacune, en guise de cadeau respectif. Elle dessine « je t’aime » sur la photo de couverture de son œuvre (prod.7) et sur les deux autres cartes qui se trouvent à l’intérieur.

Nous nous offrons mutuellement le cadeau, avec une grande joie réciproque et beaucoup de douceur. Puis, afin qu’elle puisse garder une trace de tout son travail, je lui offre un album photos contenant toutes ses productions. Elle est heureuse et met les deux cartes dans l’album qu’elle serre contre son cœur. Je lui demande ce que l’art-thérapie lui a apporté, elle répond avec un grand sourire: « beaucoup de choses ! ». Je la félicite pour tout le travail accompli et l’encourage à poursuivre ce beau chemin. Elle me serre très fort avec beaucoup de tendresse. Au moment de se dire au revoir, elle déclare ne pas vouloir partir en me serrant à nouveau dans ses bras. Je lui fais un câlin en disant que je n’aime pas non plus les « au revoir » mais qu’elle restera dans mon cœur. Je suis émue par cet instant si tendre laissant couler une larme sur ma joue. Je verbalise mon émotion face à la beauté émouvante de se séparer dans le cœur. En adoptant une attitude enthousiaste, je lui souhaite de belles vacances puis elle part.

Hypothèses : au cours de son processus, Sophie montre, autant dans ses comportements qu’à travers la médiation, qu’il lui est très difficile de vivre une séparation saine : la séparation étant, pour elle, synonyme de rupture. La supervision, m’a aidée à « penser » la séparation avec Sophie afin de structurer et faciliter cette transition en l’amenant à faire des liens avec le futur. L’image de l’œuvre symbolisant les vacances lui a permis de se les représenter intérieurement. Dans ce sens, selon Doron, l’oeuvre « rend possible des opérations psychologiques, notamment

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 35 -

la mise en correspondance entre la forme donnée par des objets extérieurs à nos pensées, à nos émotions » (Doron, 1987, p.196). Créer une œuvre que Sophie puisse prendre et emporter avec elle, faisant office d’ « objet transitionnel » (cf.p.9) a également pu maintenir la continuité du lien et ainsi marquer la fin de la thérapie. « Ces productions ultimes en art-thérapie jouent le rôle d’un cadeau d’adieu au thérapeute » (Klein, 2012, p.198) et sont « des résolutions symboliques ». La préparation à la séparation par la médiation, a pu apporter un contenant psychique et faciliter la séparation pour que Sophie puisse l’expérimenter de façon saine et douce. Aussi, le léopard pourrait-il représenter cette mère protectrice que j’ai été pour elle ? Les « je t’aime » sont-ils un témoignage de l’affect qu’elle a ressenti dans cette relation symbolique et porté en elle ? En tout cas, je les conçois comme une preuve que Sophie peut dire au revoir dans l’amour.

Regard autocritique : lors de cette relation particulière, je me suis aussi sentie semblable à une « mère nourricière » qui doit laisser « le nourrisson » voler de ses propres ailes. Malgré la joie présente, je suis surprise de constater qu’une partie de moi ressent une sorte de mélancolie, un ajustement intérieur face à l’acceptation totale de la séparation, « la perte » de cette relation. « Il (le thérapeute) doit supporter les séparations avec « ses » patients comme un tremplin vers leur avenir garanti par cette émancipation (…). (Klein, 2012, p.198). Dès lors, j’aime sa vision qui décrit que « le dynamisme introduit par la thérapie peut continuer sans la présence physique du thérapeute qui, introjectée par la personne, finit par s’effacer » (Klein, 2012, p.198). Dans ce sens, j’espère que Sophie peut continuer à être nourrie et contenue par les éléments contenants qu’elle a expérimentés dans son processus thérapeutique, et au sein de la relation thérapeutique.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 36 -

5. Conclusion Ce processus thérapeutique à médiations plastiques montre que la patiente a eu besoin d’un dispositif « contenant » pour donner accès aux émotions bloquées et l’aider à raconter, de manière symbolique, ses angoisses innommables et ses conflits intérieurs, au lieu de les évacuer à travers l’agir. Dès lors, par la médiation artistique, il a été possible de créer des contenants dans lesquels elle a pu déposer ses insécurités et ses états émotionnels éclatés. Son processus thérapeutique a été riche en rebondissements, gradué par des phases régressives, destructives et productives. L’évolution du processus créatif a permis d’aborder symboliquement la réalité douloureuse d’un lien affectif fragilisé et les éléments qui ont pu marquer son passé et rendre les relations si compliquées et instables.

Les effets élaboratifs du dispositif « contenant » mis en place, ont répondu, en partie, aux objectifs de Sophie. Face à sa problématique de l’abandon, elle a pu faire l’expérience d’un lien de confiance sain et positif avec l’adulte. Aussi, à travers les différentes médiations artistiques et le jeu symbolique, elle a extériorisé ses affects, contribuant à métaboliser ses pulsions et diminuer ses comportements d’opposition. En outre, elle a été capable de développer son potentiel créatif en vivant des instants d’émerveillement lui amenant du plaisir et une valorisation personnelle. Elle a montré sa capacité à développer en elle des « contenants psychiques » permettant de donner du sens à ce qu’elle vit, de contenir et sublimer ses agitations, d’expérimenter le calme et vivre des moments d’autonomie.

Malgré l’évolution de l’enfant observée en art-thérapie, dans son quotidien, les changements ne se manifestent que très subtilement et semblent s’intégrer difficilement. A mon sens, il faudrait un accompagnement prolongé pour reconstruire davantage un lien sain et solide avec l’adulte. Ce dernier lui permettant de croire à la continuité de la présence de l’autre même en son absence pour l’aider à se penser et se rassembler par elle-même. Mais pour arriver à une thérapie approfondie et réussie, « le thérapeute doit compter sur un facteur temps » (Winnicott, 1971, p.164). C’est pourquoi, je pense que Sophie a besoin de temps et de constance, pour que les qualités « contenantes » s’intègrent et que ce travail d’intériorisation s’installe.

L’année qui a suivis la fin de la thérapie, Sophie m’a invitée à son anniversaire. En outre nous échangeons, de temps à autre, quelques pensées par messagerie électronique. J’aime à penser que cette expérience a pu s’inscrire intérieurement comme une relation structurante et qu’elle lui a été porteuse de sens.

De mon coté, cet accompagnement a été très intense. En effet, maintenir la contenance du dispositif ne s’est pas fait sans peine. J’ai parfois été désemparée face aux crises de l’enfant, avide d’attention et criant son manque d’amour. J’ai été largement confrontée par ses attitudes de rejet, de refus et ses agitations qui m’ont quelquefois déstabilisée. La supervision régulière m’a énormément aidée à comprendre et à ajuster mes « contre-transferts », à trouver des moyens créatifs pour maintenir le lien mis à l’épreuve et « penser » la patiente. Elle a été une « enveloppe contenante » atténuant mes doutes et encourageant mes démarches.

Cette expérience, parsemée de moments à la fois difficiles et merveilleux, m’a permis de dialoguer avec mes intensités émotionnelles aidant la patiente à puiser dans les siennes. Dans ce sens, je rejoins la vision de Klein qui décrit le patient et le thérapeute comme « deux voyageurs qui se rassemblent et se ressemblent un temps, pour se trouver soi-même » (Klein, 2012, p. 209).

Enfin, je remercie cet enfant pour ce véritable cadeau, celui de m’avoir accompagnée à travers cette riche aventure grâce à laquelle j’ai grandi et mûri.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 37 -

6. Conclusion générale

Ce travail de mémoire autour du « contenant » a tenté de répondre à l’hypothèse : « les enfants souffrant de troubles du comportement peuvent trouver un apaisement intérieur à travers un dispositif art-thérapeutique à médiations plastiques, offrant des contenants sécurisants et stables sur lesquels ils peuvent s’étayer ». Il me plaît à croire que l’évolution de l’enfant en art-thérapie permette de trouver un apaisement durable. Cependant, malgré un dispositif contenant, cette évolution ne peut être ni garantie, ni prédite. Il est possible que l’enfant trouve un certain apaisement à son agitation mais le contexte familial et social joue un rôle fondamental dans l’évolution et l’intégration de son processus thérapeutique permettant d’apaiser ses comportements dispersés.

L’intérêt de ce travail a été d’enrichir ma perception de l’aspect « contenant » du dispositif thérapeutique à médiations artistiques. J’ai eu un immense plaisir à apprendre et à découvrir diverses médiations artistiques ainsi que leurs influences et effets dans le processus créatif du patient. Elles ouvrent à l’expression de l’innommable par la créativité structurante et engagent la découverte et l’émerveillement de ce qui surgit de l’informe offrant une autre réalité, plus tolérable et rassurante. Dès lors, l’expérience institutionnelle m’a permis d’ajuster la collaboration interdisciplinaire et le rôle de l’art-thérapeute dans cette dynamique de travail. Ceci m’a grandement aidée à présenter l’art-thérapie à mes collègues et patients actuels, de manière plus aisée et précise.

En outre, le travail théorique m’a permis d’organiser ma pensée et structurer des concepts fondamentaux que j’avais entrevus en formation. Je fais ainsi le parallèle entre ce mémoire autour du « contenant » et la véritable « fonction contenante » que ce travail a apporté dans l’élaboration de ma pensée. De plus, l’expérience vécue avec la patiente et le travail de synthèse du cas clinique a mis en lumière les failles de ma pratique. Cela m’a donné l’opportunité d’ajuster ma posture thérapeutique et trouver en moi une « attitude contenante ». Ce travail a donc été une véritable « métabolisation ». Il a transformé certains aspects intérieurs me permettant d’envisager l’accompagnement art-thérapeutique avec un regard plus personnel. J’ai observé dans ma pratique actuelle, l’assimilation d’une assise me permettant d’appréhender l’accompagnement de façon plus sécuritaire et ancrée, et d’apporter des éléments contenants au sein de mon propre dispositif art-thérapeutique.

Dans ce sens, je considère primordial que le thérapeute construise son propre dispositif qui l’enveloppe suffisamment afin de créer un contenant sur lequel il peut s’appuyer, favorisant le patient à développer ses propres contenants. Je suppose que ce dispositif se construit et évolue en fonction de ses propres besoins et en co-création avec ceux de son patient. Aussi, j’espère que ces découvertes me permettront d’être plus consciente de ce qui se joue au sein de la thérapie et d’être plus pertinente dans mes interventions. Je suis heureuse que celles-ci puissent enrichir mon accompagnement dans le but d’aider le patient à trouver ses propres ressources pour se déployer.

Ce mémoire représente l’aboutissement de ma formation. Il est l’œuvre naissante d’une longue gestation et d’un processus de création qui m’ont grandement confronté en me faisant vivre des périodes parfois très pénibles, parsemées de doutes, d’incertitude et de découragement. Cependant, il y a eu des phases d’enthousiasme, porteuse de grande satisfaction. Ainsi, je laisse à présent cette œuvre à son devenir et la place à d’autres richesses qui continueront à envelopper et nourrir mon expérience.

« Donnez tout votre coeur et toute votre intelligence à ce qui se présente d'instant en instant, laissez chaque instant disparaître et accueillez le suivant » Jean Klein (1994, p. 36).

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 38 -

7. Bibliographie

1ère partie théorique

Abdoucheli-Dejours, E. (2011). Effets contenants et élaboratifs de la supervision. In J.B. Chapelier, & D. Roffat (Eds.), Groupe, contenance et créativité. (pp.149-158). Toulouse: Edition érès.

Anzieu, D. (1985). Le Moi-peau. Paris: Dunod.

Anzieu, D. (1994). Le Penser. Du Moi-peau au moi pensant. Paris: Dunod.

Berger, A. (1970). L’enfant au caractère difficile. Paris: Librairie Hachette.

Bion, W. R. (1979). Aux Sources de l’expérience. Paris: PUF.

Bowlby, J. (1969). Attachement et perte. Paris: PUF.

Brun, A. (2011). Médiation Picturale et psychose infantile. In A. Brun & (Eds.), Les médiations thérapeutiques. (pp.75-87) Toulouse: Edition érès.

Chalverat, C. (2007). A propos de l'archétype guérisseur/blessé. In Action et pensée : Guérir, se guérir : vol 50. (pp. 47-54). S.L.

Chapelier, J.B. (2011). Chaos, contenance et créativité. In J.B. Chapelier, & D. Roffat (Eds.), Groupe, contenance et créativité. (pp.55-82). Toulouse: Edition érès.

Chouvier, B. (1998). La symbolique des substances primaires en psychothérapie de l’enfant. In B.Chouvier & (Eds.), Matière à symbolisation : Art, création et psychanalyse. (pp.103-135). Lausanne : Delachaux et Niestlé S.A

Chouvier, B. (2011). La médiation dans un champ psychopathologique. In A. Brun & (Eds.), Les médiations thérapeutiques. (pp.37-47) Toulouse: Edition érès.

Dali, S. (1983). La conquête de l’irrationnel. In A. Bosquet, Entretient avec Salvator Dali. (pp. 149-159). Paris : Collection Entretiens

Doron, J. (1987). Les modifications de l’enveloppe psychique dans le travail créateur. In D. Anzieu, & R. Zaës (Eds.), Les enveloppes psychiques. (pp.181-198). Paris : Dunod

Fride R. Carrassat, P., & Marcadé, I. (Eds.). (1999). Comprendre et reconnaître les mouvements dans la peinture. Paris : Larousse- Bordas

Gaspari-Carriere, F. (2001). Les enfants de l’abandon-traumatismes et déchirures narcissiques. St Martin d’ Hères: PUG.

Gibran, K. (1956). Le Prophète. Tournai: Casterman.

Guillaumin, J. (1987). Les enveloppes psychiques du psychanalyste. In D. Anzieu, & R. Zaës (Eds.), Les enveloppes psychiques. (pp. 138-180). Paris : Dunod

Gombrich, E.H. (2001). Histoire de l’art. Paris : Phaidon

Henry, M. (2010). Voir l’invisible sur Kandinsky. Paris : PUF

Houzel, D. (1987). Le concept d’enveloppe psychique. In D. Anzieu, & R. Zaës (Eds.), Les enveloppes psychiques. (pp. 23-54). Paris : Dunod

Inserm. (Ed.). (2005). Trouble de la conduite chez l’enfant et l’adolescent. Paris : Expertise collective, Editions ISERM.

Kacha, N. (2011). La fonction contenante du thérapeute. In J.B. Chapelier, & D. Roffat (Eds.), Groupe, contenance et créativité. (pp.85-96). Toulouse: Edition érès.

Klein, J.P. (2012). Penser l’art-thérapie. Paris : PUF.

Lewandowski, H. (2006). Vincent Van Gogh : La nuit étoilée. Paris, Musée d’Orsay. En ligne http://www.musee-orsay.fr, consulté le 1 juin 2013.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 39 -

Pelsser, R. (1989). Manuel de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent. Montréal : Gaëtan Morin Editeur Itée.

Rousillon, R. (2011). Propositions pour une théorie des dispositifs thérapeutiques à médiations. In A. Brun & (Eds.), Les médiations thérapeutiques. (pp.23-35) Toulouse: Edition érès.

Roy, A. (2010). Le « Drame humain » chez Pollock et Rothko : Authenticité, subjectivité et quête existentielle dans la peinture abstraite américaine du milieu du 20e siècle. Québec : Université Laval. En ligne http://www.theses.ulaval.ca, consulté le 30 mai 2013.

Sancho Rossignol, A. (Ed.). (2005). Les troubles précoces du comportement sont-ils l'expression d'une psychopathologie spécifique ?. In La psychiatrie de l'enfant, 1 Vol. 48, p. 157-198. En ligne http://www.cairn.info, consulté le 13 mars 2013.

Starkier, C. (2010). Une approche de la fonction contenante. Lausanne : HES-SO.

Stern, A. (1970). Initiation à l’éducation créative. Montréal : Éducation nouvelle.

Sternis, C. (1997). Le cadre et le fantasme : Ateliers psychothérapeutiques à médiations. Bordeaux : Cahier de l’Art Cru.

Sternis, C. (2002). Matières, odeurs, formes, couleurs : Des matériaux pour la pensée, « est-ce que mon bobo à des dents ? ». In Au-delà de l’image : Processus et émergences créatrices en art en thérapie et lien social. (pp. 195-215). Genève : Editions Des Deux Continents.

Stitelmann, J. (2002). Transformations en thérapie. In J. Stitelmann, & (Eds.), Au-delà de l’image : Processus et émergences créatrices en art en thérapie et lien social. (pp. 175-190). Genève : Editions Des Deux Continents.

Winnicott, D. W. (1969). De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris: Edition Payot.

Winnicott, D.W. (1971). Jeu et réalité. Paris: Editions Gallimard.

Winnicott, D.W. (1971). La consultation thérapeutique de l’enfant. Paris : Editions Gallimard.

Winnicott, D. W. (1994). Déprivation et délinquance. Paris : Edition Payot.

Winnicott, D.W. (2004). Agressivité, culpabilité et réparation. Paris: Editions Payot.

Tables des œuvres :

Dali. S. Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade une seconde avant l’éveil. (1944). Madrid : Musée Thyssen-Bornemisza. En ligne http://www.museothyssen.org, consulté le 30 mai 2013.

Kandinsky. V. Yellow-Red-Blue. (1925). Paris : Centre Georges Pompidou. En ligne http://mediation.centrepompidou.fr, consulté le 29 mai 2013.

Much. E. Le Cri. (1893). : Olso : Munch Museet. En ligne http://commentairesimages.free.fr, consulté le 1 juin 2013.

Pollock. J. Autumn Rhythm, No. 30. (1950). New York : The Metropolitan Museum of Art. En ligne http://www.metmuseum.org, consulté le 30 mai 2013.

Van Gogh. V. Le Ciel étoilé. (1889). New York : Moma Museum. En ligne http://commons.wikimedia.org, consulté le 1 juin 2013.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 40 -

2ème partie étude pratique

Bettelheim, B. (1976). Psychanalyse des contes de fées. Parie : Hachette Littératures

Boyer-Labrouche, A. (2000). Manuel d’art-thérapie. Paris : Dunod

Chapelier, J.B. (2011). Chaos, contenance et créativité. In J.B. Chapelier, & D. Roffat (Eds.), Groupe, contenance et créativité. (pp.55-82). Toulouse: Edition érès.

Chouvier, B. (2011). Créativité et médiations. In J.B. Chapelier, & D. Roffat (Eds.), Groupe, contenance et créativité. (pp.69-82). Toulouse: Edition érès.

Doron, J. (1987). Les modifications de l’enveloppe psychique dans le travail créateur. In D. Anzieu, & R. Zaës (Eds.), Les enveloppes psychiques. (pp.181-198). Paris : Dunod

Guérin, C. (2004). Le conte et la fonction conteneur. In R. Kaës, & al. (Eds.), Contes et divans : Médiation du conte dans la vie psychique. (pp. 81-134). Genève : Editions Des Deux Continents.

Hochmann, J. (2002). « Raconte-moi encore une histoire » : Le moment du conte dans une relation thérapeutique avec l’enfant. In R. Kaës, & (Eds.), Contes et divans : Médiation du conte dans la vie psychique. (pp. 57-80). Genève : Editions Des Deux Continents.

Kaës, R. (2004). Introduction : L’etoffe du conte. In R. Kaës, & al. (Eds.), Contes et divans : Médiation du conte dans la vie psychique. (pp. 1-22). Genève : Editions Des Deux Continents.

Kalff, D.M. (1973), Le jeu de sable : Méthode de psychothérapie. Paris : Edition Epi

Klein, J.P. (2012). Penser l’art-thérapie. Paris : PUF.

Klein, J. (1994). Transmettre la lumière, S.L : Éditions du Relié

Marthaler, G. (2002). Art-thérapie et maltraitance. In J. Stitelmann, & (Eds.), Au-delà de l’image : Processus et émergences créatrices en art en thérapie et lien social. (pp. 283-296). Genève : Editions Des Deux Continents.

Muret, M. (1983). Les arts- thérapies : l’art est le plus vieux médicament du monde, et pour certains, le meilleur. Paris : Editions Retz.

Rodriguez, J. & Troll, G., (Ed.). (2006). L’art-thérapie : pratiques, techniques et concepts. Paris : Editions Ellébore.

Stitelmann, J. (2002). De la notion d’art-thérapie au concept d’interface arts et thérapies. In J. Stitelmann, & al. (Eds.), Au-delà de l’image : Processus et émergences créatrices en art en thérapie et lien social. (pp. 19-56). Genève : Editions Des Deux Continents.

Tisseron, S. (2003). Comment Hitchcock m’a guéri : Que cherchons-nous dans les images ?. Paris : Editions Albin Michel.

Vidua, J.L. (2009). L’enfant-arbre : Module « enfance et art-thérapie ». Belgique : SL

Winnicott, D.W. (1971). Jeu et réalité. Paris: Editions Gallimard.

Winnicott, D. W. (1994). Déprivation et délinquance. Paris : Edition Payot.

Winnicott, D.W. (2004). Agressivité, culpabilité et réparation. Paris: Editions Payot.

Marie Mellioret Autour du « contenant »

- 41 -

7. Annexes

1. Histoire de Sophie « La montgolfière »

Lapinou le tout gentil, Putain de chiotte et Minouchat sont les trois dans la montgolfière. Ils arrivent dans le Sud de la France. A leur arrivée, Minouchat se sent libre et contente de voler dans un espace chaud. Elle dit au revoir à ses amis et trouve un endroit pour dormir et s’endort. Lapinou et Putain de chiotte sont amoureux et trouvent aussi un abri pour dormir. Le lendemain matin, Minouchat s’envole chercher de la nourriture et sur le chemin rencontre un autre oisillon garçon. Les deux papotent et deviennent amis. Un soir, Minouchat lui demande de sortir avec elle et son copain lui répond : « Oui, volontiers ». Le lendemain matin Minouchat a des petits. Un s’appelle Victor et sa sœur s’appelle Lily. Ils vécurent tous heureux.

Mais Lapinou le tout gentil et Putain de chiotte se bagarrent et Putain de chiotte mord Lapinou. Lapinou se sent mal et demande : « Soigne-moi, s’il te plaît, pitié ». Et Putain de chiotte lui répond : « Je sais pas » Lapinou supplie : « S’il te plaît, pitié, aie pitié ». Alors il accepte en disant : « Oui ». Putain de chiotte la soigne et le lendemain Lapinou a une cicatrice, mais rien de grave. A cet instant, les deux se séparent et Lapinou va vivre avec son amie Minouchat et sa famille.

Alors Putain de chiotte se sent seul mais un jour il rencontre un nouvel adversaire et dit étonné : « Mamamia ! C’est la jumelle de Lapinou. ». Et alors il lui dit, d’un air un peu mal à l’aise : « Euh, ça va ? ». Mais attention, la sœur jumelle de Lapinou, s’appelle Minouchka et elle est un vampire et Putain de chiotte tombe amoureux d’elle.

Le jour suivant, les petits de Minouchat ont grandi, ils ont tous déjà 12 ans. Minouchat est vieille et ne peut plus jouer avec son amie Lapinou. Lapinou s’exclame avec un ton désespéré: « oh mon dieu mais tu es vieille ! Mais que vais-je faire sans toi ? J’ai quitté Putain de chiotte, alors plus rien à faire, je m’en vais… ». Mais Minouchat lui dit : « Attends, attends, tu n’es pas seule, j’ai mes petits qui ont grandi ». Lapinou s’exclame : « Tu as des petits ? Je comprends maintenant pourquoi tu es vieille ».

Soudain, Minouchat lui dit : « oh là, là. Appelle mon mari, je ne me sens pas bien. » Lapinou s’exclame : « Mais, mais j’espère que tu ne vas pas mourir !» Minouchat répond : « Je ne crois pas mais c’est possible. ». Sophie, le 14 novembre.