Archipelique 3 - Esadmm - 2010

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École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille ESBAM ARCHPÉLIQUE 3, PROMOTION ART ET DESIGN 2010

description

Jonathan Attar | Salomé Bouloudnine | Coline Casse | Julia Chaffois | Sylvain Couzinet-Jacques | Aurélien Desvalogne | Faustine Falaise | Salomée Gentil | Justine Giliberto | Coralie Grandjean | Samuel Gratacap | Emma hazevis | Chloé Holzl | Nathalie Hugues | Xinhe Jiang | Nicolas Karagiannis | Cécile Lanet | Richard Lecoq | Xuyan Li | Xiaoxiao Liu | Wahiba Maafa | Bo Pang | Hye-jung Park | Soyoung Park | Cyprien Parvex de Collombey-Marchand | Alice Planes | Stéphanie Ruiz | Léa Silvestre | Samuel Trenquier | Masaki Watanabe

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PROMOTION ART ET DESIGN 2010 DE L’ÉCOLE SUPÉRIEURE DES BEAUX-ARTS DE MARSEILLE

ARCHIPÉLIQUE3

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« Contre la prison des systèmes et des identités, sois fragile, ambigu, incertain, intuitif : archipélique »

Edouard Glissant, introduction à une poétique du divers, 1995

Au moment où nous vivons le grand chantier du défi 2013 Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture et vibrons pour la réussite de ce rendez-vous appelé à changer le visage culturel de la cité et de son territoire, l’École Supérieure des Beaux-Arts, l’un des pôles majeurs de créativité pluridisciplinaire de la Ville, s’inscrit en force dans une dynamique d’évolution ambitieuse.

L’année 2010, dont est issue la promotion de ce catalogue, fut une année amorçant une mutation profonde qui se prolonge sur 2011. Notre École des Beaux-Arts a changé de statut administratif, passant d’une régie municipale à un EPCC (Etablissement Public de Coopération Culturelle). Ainsi, et dans le cadre des accords de Bologne se devant d’homogénéiser l’enseignement supérieur en Europe, ces nouveaux statuts permettent une reconnaissance du DNSEP (diplôme sanctionnant le cursus de cinq années dans une école des beaux-arts) au grade de Master 2.Durant toute l’année, notre École s’inscrit dans une continuité d’actions d’échanges croisés et de visibilité dans la Ville, par le biais de nombreux projets et partenariats avec des structures de la scène culturelle locale. Comme en témoigne en février 2011 l’exposition Archipélique 3 qui présente la promotion sortante sur trois lieux : la galerie Montgrand – lieu d’exposition de l’École, la galerie des Grands Bains Douches de la Plaine et la galerie du Château de Servières – espace d’exposition des Ateliers d’Artistes de la Ville de Marseille. Cette triple exposition, ainsi que le présent catalogue, rendent compte de l’intensité des recherches et de productions de nos jeunes artistes, leur engagement professionnel de haut niveau en arts visuels comme en design. Lieu de vie et d’apprentissage transdisciplinaire, l’École accompagne sur plusieurs années les parcours collectifs et singuliers de ses étudiants. Cette publication témoigne à nouveau de la faculté propre à l’École Supérieure des Beaux-Arts de se réinventer année après année.

Anne-Marie d’Estienne d’OrvesConseillère municipale,

Déléguée au Festival Jazz des Cinq Continents et à l’École Supérieure des Beaux-Arts de Marseille

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JONAThAN ATTAR  |  SALOMÉ BOULOUDNINE

COLINE CASSE  |  JULIA ChAFFOIS

SyLVAIN COUzINET-JACqUES  |  AURÉLIEN DESVALOGNE

FAUSTINE FALAISE  |  SALOMÉE GENTIL

JUSTINE GILIBERTO  |  CORALIE GRANDJEAN

SAMUEL GRATACAP  |  EMMA hAzEVIS

ChLOÉ hOLzL  |  NAThALIE hUGUES

XINhE JIANG  |  NICOLAS kARAGIANNIS

CÉCILE LANET  |  RIChARD LECOq

XUyAN LI  |  XIAOXIAO LIU

wAhIBA MAAFA  |  BO PANG

hyE-JUNG PARk  |  SO yOUNG PARk

CyPRIEN PARVEX DE COLLOMBEy-MARChAND  |  ALICE PLANES

STÉPhANIE RUIz  |  LÉA SILVESTRE

SAMUEL TRENqUIER  |  MASAkI wATANABE

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J’aime m’intéresser aux anomalies et aux aléas, aux choses que l’on essaye de mettre en marge de nous-même et du monde. Poussés dans l’oubli, ils règnent en silence dans leurs espaces confinés. Ils peuvent provenir de n’importe quoi pour peu qu’on les qualifie de tel. Dans une improvisation de la transcendance de soi-même, ils surgissent à contre courant de notre intention, révélant une fragilité, une irrégularité, une difformité que j’introduis dans mon processus créatif.

C’est la mauvaise mise au point d’une caméra, la poussière qu’emmagasine un vinyle, une séquence filmique saccadée, le conflit d’information qui amène un logiciel au bug. C’est le vinyle de Batman de Christian Marclay 1, le Johnny Rotten de John Lydon 2, le punk viscéral de Lightning Bolt, les poteaux électriques de La Monte young. Dans mon interrogation sur le rapport entre image visuelle et son, ils sont le brouhaha qui va produire la contemplation. Ils sont le bruit d’où est tirée la note, le rythme qui devient saccade, le synchronisme qui se désynchronise, jouant avec leurs spécificités, interrogeant leurs limites.

Je les mets en situation dans des objets audiovisuels qui proposent de plonger le spectateur dans une danse visuelle et sonore par des pulsions scopiques et des séductions bruitistes, dans une messe de sens qui n’aurait pour seul but que la célébration d’images sonores ayant comme point de convergence une plasticité qui tend vers l’informe.

Cette œuvre tend à sublimer des objet musicaux (vinyles) laissés à l’abandon. Donner de l’importance à l’oubli, l’oubli d’un objet face à sa mort mais aussi l’oubli de soi face à l’œuvre qui nous entraine dans ses mouvements hypnotiques et sa plasticité organique. Au-delà de la musique dont ils sont porteurs, usés, fatigués, illisibles, les vinyles arrêtent de chanter. Il en résulte du bruit ici exploité et mis en résonance avec leurs états mortifiés.

jonAtHAn AttAR ART [email protected]

1 Dans une rue de Boston, l’artiste Christian Marclay découvre le disque abîmé d’une histoire de Batman qui, lu sur un pick-up, voit son contenu déformé et produit boucles sonores et motifs rythmiques imprévus.2 Johnny Rotten est le pseudo de John Lydon, chanteur des Sex Pistols

recycled vinyls, 2010installation audiovisuelle

durée indéterminée

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La mer des Sargasses à l’est. Les navires fantômes valsant sur l’île de Chiloé à l’ouest. Le Cap horn ouvrant les portes blanches de l’Antarctique au sud. La série Labyrinthe s’est construite sur le territoire fuégien *, en Argentine, dans l’ombre palpable de ses mythologies.

Le voyage est un mouvement polymorphe à travers lequel un déplacement physique (dépassement des frontières d’un territoire géographique) révèle un bouleversement psychique (déplacement d’un territoire mental). Les voyageurs opèrent à un moment de leur vie, un voyage qui coïncide en secret avec une quête initiatique où l’identité doit être renversée.

L’intimité est ce lieu hybride où le fictif fissure le réel. Je photographie ces voyageurs, dans des intérieurs, lorsque l’atmosphère diaphane sédimente une pesanteur intime.

Photographier, c’est écrire entrelacé dans une trame elliptique, c’est écrire en sortant du cadre logique et analytique, c’est écrire du bout des sens, c’est écrire l’ombre et le songe.

Le labyrinthe est un voyage, le lieu vertige d’une métamorphose.

22/12/08

* Les Fuégiens sont une tribu de la Terre de Feu

sALomÉ boULoUdnInE ART

tirée de la série Labyrinthe, 2008photographie, 60 x 130 cm

[email protected]

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CoLInE CAssE ART

Freiner le flux hypo-crise, le ralentir, le ralentir jusqu’au mutisme, jusqu’à l’éclatement de son découpage, de ses coupures, de ses coutures, des ficelles tirées dans la sauce à l’urgence. Recette grasse assurée.

L’objectif de la caméra dépêche l’indispensable du jour, dégueule ses garde-fous, objectif : nivellement.

Décortiquer le cycle infernal de la chronique mascarade, s’attarder sur chacun de ses registres, chacune de ses syllabes, jusqu’au trou vierge d’une respiration esquissée. Dérouler le rythme absurde sur une frise aussi subjective que la source prétend à l’impartialité, aussi intime que l’on fait le tour du monde, statues griffées dans le souffle de paroles, paroles, paroles.

Capturer l’écran piège lumineux, par prélèvements, pinceau aiguille qui s’est retournée, du receveur à l’émetteur qui centripète dans le refuge du centrifuge. Digestion, dilution, disparition, distinguer :

[email protected]

De la série : peinture d'actualité, 2010huile sur carton, 70 x 50 cm

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jULIA CHAffoIs ART [email protected]

Peintures

Issues de films, les images qui inspirent mes peintures proviennent de captures d’écran. Je me livre à une exploration des séquences filmiques, jusqu’au moment où une image surgit. Une rencontre a lieu et elle ouvre un espace d’échange entre l’image picturale en devenir et l’image filmique.

Il est alors question d’imprégnation et d’appropriation, et tout l’intérêt est de se laisser surprendre par cette rencontre avec l’image. Comment vais-je rendre compte de la surface lisse de l’écran alors que je m’attaque à ce qu’il y a de plus matériel dans le domaine visuel ? quelles émotions vont êtres transmises aux spectateurs ?Avec quels filtres personnels vais-je projeter cet événement pictural ?Mon travail est le fruit de cette aventure du regard, qui se rejoue et s’enrichit avec l’apport de chaque protagoniste : le film, l’artiste,la peinture, le spectateur.

La peinture n’est pas un outil au service de la reproduction d’un motif, elle est en elle-même une représentation active qui défie l’image et la fait passer dans une autre sphère. L’ambiance prend le dessus surle récit initial dont sont extraites les images. Le climat psychologique et physique donne un aspect intemporel aux images et chaque composant plastique permet de conduire cette mutation.

Le format ainsi que la fragmentation de l’image en diptyque ou triptyque sont des moyens de déformer ou de subvertir le sujet, en recadrant, jouant sur les répétitions et les décalages de cadrage.

A travers le traitement graphique et pictural, le sujet filmique disparaît, laissant place à la peinture qui conduit à envisager l’espace et les figures comme des formes géométriques, à la limite de l’abstraction. L’image picturale se construit ainsi, dans un équilibre précaire entre la reconnaissance des formes et la disparition de cette identification. Mon intérêt se porte sur la façon dont va se construire cette nouvelle image et sur le sens que le traitement pictural et graphique va permettre de lui attribuer. Mon approche me permet de réfléchir à la vie de l’image à travers la représentation et à l’existence propre de la peinture portée par l’image.

Marseille, octobre 2010

Sans titre, 2010techniques mixtes2 x 130 x 200 cm

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(né en 1983

« De l’image aussi il est difficile de parler rigoureusement. L’image est la duplicité de la révélation. Ce qui voile en révélant, le voile qui révèle en revoilant dans l’indécision ambiguë du mot révèler, c’est l’image. L’image est image en cette duplicité, non pas le double de l’objet mais le dédoublement initial qui permet ensuite à la chose d’être figurée. » Maurice Blanchot, L’entretien infini, 1969 )

syLvAIn CoUzInEt-jACQUEs ART

Sans titre (Prospect Heights), 2010tirage jet d’encre, 100 x 150 cm

[email protected]

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[email protected]ÉLIEn dEsvALognE ART

C’est à travers les techniques dites « archaïsantes » que ma pratique s’est épanouie. Cela conditionne totalement l’aspect que prennent mes pièces. Le bricolage m’emmène vers l’esthetique du « cheap » et de l’inachevé. Ma curiosité m’a poussé à explorer plusieurs disciplines, telles que le dessin, la peinture, le collage, la photo, l’édition, le son, le volume et la projection.

Villageois débarqué en ville depuis peu d’années, mes productions sont les témoignages d’une époque en débâcle. Elles me servent d’exutoire et me permettent d’exprimer ma colère, mon cynisme, mon pessimisme à l’égard d’un certain système, d’une certaine société, d’une certaine humanité. Mes moments d’errance sont ma principale nourriture. Mes sujets sont le produit de la digestion de ces moments.

Marqué par les images des mass media, mon répertoire est par nature déjà usé, décanté par ses différents modes de reproduction. Mon travail perd alors tout rapport à l’original, et accède au statut de reproduction sociale, quasi-anonyme. Parfois d’essence grotesque, de l’ordre du fun, mon univers est truffé de lieux communs.

Je n’ai pas qu’un intérêt pour les images de mon temps, mon regard est teinté de passé et ma vision empreinte de nostalgie. Cela plonge mon travail dans la mouvance de la mode et la conjoncture d’une époque. D’un autre côté, mon intérêt pour l’art brut et ses avatars, symptôme d’une réaction nostalgique à une situation artistique, immerge mon travail dans une naïveté intemporelle.

Tel un enfant, créant à l’instinct, je tente de me libérer de la prétention d’être novateur, restant humble et vivant au présent.

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Le travail de Faustine Falaise s’articule autour de différents points. C’est peut-être l’intérêt qu’elle a montré tout d’abord pour le trou qui l’a conduite à développer d’autres projets ainsi qu’une sorte de ligne de conduite ou d’attitude.

Le trou sous toutes ses formes et en particulier celles que lui a donné Faustine Falaise sert une sorte de curiosité et un constant mouvement vers le déplacement du point de vue, décalé. Ses projets visent toujours à questionner le monde en partant d’une certaine poésie très sensuelle : Comment réinjecter de la sensualité dans notre monde en lui trouvant des formes qui portent aussi au voyage, aux rêves ?Grâce à ces moyens, comment procurer et provoquer des situations qui permettent de s’arrêter, prendre du recul, faire une pause ?Ce peut-il que tout ceci soit destiné à repenser le temps de l’individu aujourd’hui en lui demandant de reprendre sa vie et sa personne en main dans un monde qui n’arrête pas de le fragmenter et de lui proposer des solutions toutes faites à consommer ?

Lise Guéhenneux(critique d’art, commissaire d’exposition et professeur à l’École Supérieure des Beaux-Arts de marseille)

fAUstInE fALAIsE DESIGN

Méditator, 2005Composite peint, 500 x 100 x 90 cm

vue de l’exposition Constructeurs éclectiques,Sète 2006 - Photo : Marc Domage

http://faustfalaise.free.fr/

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sALomÉE gEntIL DESIGN

« Colonne de l’illusion »250 x 350 cm, impressionmotif de tissage

« Dodécomposition 2 »3 modules en mousse et résine polyestère teintée

Motif « Massilia Ambra »Assemblage bois 4 essences :hêtre étuvé, frêne, érable et merisier ø 40 cm et ø 18 cm

[email protected]

En toute chose réside une partie de néant, ce vide.

Entre chaque chose,ce lien d’espace,ce lien de vide.Distance d’un temps donné.Un temps qui traverse ce vide où les possibilités sont multiples : l’infinité.

L’infini de l’imagination.

Ce vide.

Organes d’organismes constructifs. La structure est une agglomération et les motifs s’additionnent pour donner tout le sens de la profondeur de l’origine.

Ces parties séparées, entaillées permettent de mesurer le vide, ce qui s’est passé. Par leur liens, même si elles sont séparées, éclatées, des rapports et des corrélations se recomposent en les situant dans leur propre temps.

La lumière m’éblouit.Il suffit de ce voileEntre le soleil et moi.

Notre pensée nous joue-t-elle des tours ?Matière organisée, désorganisée.Structure de la matière, le dur et le mou,du naturel à l’artificiel,du plein au vide,du rouge au vert.Ombre et lumière.

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Les productions de Justine Giliberto sont essentiellement des vidéos ou des installations vidéo. Manipulant des films d’archives familiales, elle utilise sa famille comme un laboratoire. Elle joue avec ce matériau autobiographique en questionnant les images.

questionner et montrer du doigt certaines torsions et tensions des liens familiaux. L’artiste continue de tourner autour du pot avec ce matériau brut qu’est l’archive. En créant des dualités et autres oppositions, elle ne cesse d’effectuer des glissements. Le plus évident étant celui de la sphère privée à la sphère publique. Ces films d’amateur, avec toute leur authenticité et leur spontanéité, ainsi que le grain du Super-8, exacerbent la nostalgie et les souvenirs, accentuent le renvoi à l’expérience personnelle de celui qui regarde, sans tenir compte de la salle obscure, qui favorise un rapport individuel à l’image dans une expérience collective.Intervenir dans la proximité affective tout en dosant ce juste milieu entre distanciation et sincérité.

Sans titre 1 et Sans titre 2 sont deux pièces au même dispositif, une installation vidéo où deux écrans jonglent entre eux. Où certaines images en reproduisent d’autres et où les rôles semblent inversés. Ces deux installations, montées à partir d’archives où le personnage imité se trouve être un enfant handicapé, sont une sorte de remake de scènes familiales -comme celle d’ouvrir des cadeaux devant le sapin de Noël- sorties du contexte, dénuées de cette fameuse

proximité affective, avec un cadrage qui respire les codes artistiques. Refaire des gestes, des gestes du quotidien, un quotidien pourtant différent. Des gestes saccadés et répétitifs. Des gestes d’artistes autant qu’autistes. Refaire pour mieux comprendre.

Justine Giliberto se plaît à utiliser et entrecroiser le réel et le fictif, principalement par le geste du montage. L’artiste s’intéresse aussi à la manipulation d’entretiens.

Dans Entretien, le parallèle entre une voix qui raconte et des travellings de paysages, permet une lecture personnelle ainsi que collective, à la fois par la neutralité des images et par l’intimité de celles-ci. La pièce met l’accent sur la notion de confidence. L’interview est réalisée de manière intimiste dans un cadre familier au sujet, avec un enregistreur laissé dans la pièce. Seules quelques questions générales sur les origines familiales servent d’éléments déclencheurs à la prise de parole. Cette authenticité de la mise en scène bascule ensuite dans la mise en oeuvre du montage.

3 minutes est une vidéo qui questionne quelqu’un qui ne dispose pas de la parole. Ici, par la dualité entre images et sous-titres, le spectateur assiste à un entretien à sens unique. Des questions qui restent sans réponse. Une sorte d’interview de spectre.

jUstInE gILIbERto ART [email protected]

vidéogramme extrait de : 3 minutes, 2010.couleurs - muet - 4/3. Durée : 3'

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CoRALIE gRAndjEAn ART

En déambulant dans la ville, j’observe ce qui m’entoure. Je glane des bribes de cet environnement. Des images, des objets. Mes photographies sont une juxtaposition de plans. Je joue avec le cadrage et ainsi propose une autre lecture du paysage. Mes sculptures sont fabriquées à partir d’objets usagés ou cassés. Je les sélectionne par couleur ou matière. Considérés en fin de vie, ils représentent à mes yeux le début d’un nouveau cycle. Je les assemble et leur attribue une nouvelle fonction.

Je recherche la confusion entre apparence et illusion. Une fois achevées, je vois mes sculptures comme des personnages indépen-dants. Des personnages qui essayent de faire bonne figure, mais qui n’y arrivent pas vraiment. Ils semblent hésiter entre le désir de s’élever et l’appel naturel du sol. Ils finissent par se maintenir entre un équilibre précaire et une chute potentielle. Molloy, M. hulot, Buster keaton… Ces personnages burlesques nourrissent mon Imaginaire. Mes sculptures cherchent à leur tour à stimuler celui du spectateur, comme autant de pièces susceptibles d’être l’amorce de fictions.

[email protected]

En attendant la Lune2010corde, montants de lits, lattes, barreaux de chaises, morceaux d’armoires1 x 150 x 450 cm

Tuyoyoterie2010tuyaux plastiquedimensions variables selon le lieu

Printemps, extrait de la série Des( )enchantés201081 x 72 cm

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sAmUEL gRAtACAP ART

Dans bon nombre de travaux de photographes contemporains, la restitution finale est connue au moment de la prise de vue. Je me détache de cette position en essayant d’accumuler un matériau visuel sans lui donner une place a priori.Mon travail photographique s’articule plutôt à partir des sens, la vue bien sûr mais aussi l’odorat et l’ouïe. Mes prises de vues sont presque des constats de ce que je vois, de ce que j’entends, de ce que je sens et l’image vient mettre un point final à une situation vécue, physiquement.À l’extérieur, je suis dans le faire, dans un mouvement, dans l’action, la photographie est alors une forme de réflexe.J’additionne des images à la faveur d’une pratique quotidienne qui consiste à saisir des traces photographiques de ce qui suscite ma curiosité dans un quotidien immédiat ; les photographies accumulées ont un statut de matériau brut.Cette attitude part donc pour moi d’une nécessité, d’un appétit « des choses au dehors » : il y a des formes dans lesquelles je me retrouve, des visages qui font miroir, des détails d’un lieu qui m’évoquent davantage de choses que le lieu dans son ensemble…La ville est un terrain, une scène tiraillée entre deux formes qui cohabitent, l’une immobile et l’autre en mouvement. Je tente d’aller au plus près de ce tiraillement sans hésiter parfois à faire le « grand écart ».

Les images sont comme des mots qui vont constituer des phrases, c’est dans leur enchaînement, dans leur articulation que se dessine mon projet en tant qu’oeuvre.Dans la rue, les attitudes, les sons, les formes mouvantes ou immobiles m’interpellent ; je suis en permanence à la recherche d’événements. L’imprévu, l’inédit sont pour moi une force « motrice » ; ils participent à la manifestation d’une sorte de « mouvement des contraires », entraînant à la fois un basculement et un renouveau.Arrive ensuite le moment où mon intention de départ atteint ses limites. Vient alors le moment de l’intention, du temps où je dois transgresser et dépasser la phase d’expérimentation photographique.

La chasse au lion, 2008J’ai réalisé cette image à katmandu, au Népal. Cette ville m’a choqué par son chaos ambiant et sa désorganisation. Venant de Chine, je me détachais encore davantage de mes repères occidentaux en arrivant au Népal. Au milieu de cette jungle urbaine mêlant les gens, les singes, les motos et les klaxons, je suis tombé sur un vendeur de livres en couvertures desquels figuraient des personnalités qui ont marqué l’histoire. Cette photographie est évocatrice d’un monde dans lequel les opposés ne seraient jamais très éloignés, elle m’apparaît aussi comme une cartographie de l’histoire.

[email protected]

La chasse au lion, 2008

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que ce soit au travers d’objets, du graphisme, ou de scénogra-phies en tous genres, Emma hazevis joue sur le sens et l’image des choses : détournement d’objets, scénographie de logos, travestissement de l’espace, tous les moyens sont bons pour que des éléments anodins prennent du sens.

EmmA HAzEvIs DESIGN [email protected]

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CHLoE HoLzL ART [email protected]

Issu d’un métissage personnel franco-anglo-caribéen, Carnival  suggère un chaos poétiquement traversable.

« Et tant que tu n’as pas compris ce “meurs et deviens“… tu n’es qu’un hôte mélancolique sur la terre ténébreuse. »Goethe

Une fête organique, une beauté décrépie, une pièce sentimentale, un support à une poésie émanant de « l’effondrement du plafond d’une discothèque »…

quand mon esprit cogite à vide, il construit des « tas » étranges imprégnés de références à l’histoire de l’art, des sortes de paysages mentaux qui le hantent. Instables, fragiles, évanescents. Un univers abstrait, un univers fragmenté, un univers sens dessus dessous.Le paysage mental donné à contempler prend sa source entre La Mer de Glace de Caspar David Friedrich et L’expédition scintillante de Pierre huygue.

« Virtually unbreakable. »

Matérialisation et dématérialisation, entre le paraître et le disparaître.

Distributeur de lunettes spéculatives, littéralement, pour leur effet miroir, derrière toutes sortes d’écrans, mon travail capte le regard du spectateur pour lui rendre toute sa place.

Ludique, mélancolique, poétique, la vision du monde que j’interroge peut porter tous ces qualificatifs. Il y a une opacité transparente dans mes réalités. Dans un monde de polycarbonate pratiquement incassable, je tente de rendre sensible un certain rapport à la dématérialisation qui affecte l’humain.

D’une certaine façon, la matière résiste au choc.

Et tout le reste n’est que littérature : J’ai perdu la mémoire – Je suis un sombre héros – Les sentiers lumineux de la gloire stroboscopique, ma démarche artistique a plus d’un titre mais est-ce bien sérieux ?

Il s’agit toujours de se remettre en jeu.

Carnival , 2010plaques de carbonate alvéolaire, néons lumière noire, gélatine colorée500 x 300 x 30 cm

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nAtHALIE HUgUEs ART [email protected]

« IL FAUT EXAGÉRER, ENCORE, PUIS LAISSER RÉDUIRE. »La simplification opérée depuis la peinture moderne a conduit à l’extinction des problématiques les plus intéressantes de la peinture. La peinture n’aura jamais été si putassière que depuis qu’elle s’est libérée des contraintes de représentations traditionnelles. Elle est réduite à une surface, à une matérialité facile qui ne recouvre que son indigence à s’émanciper des modes et des tarifs. Ce qui nuit à l‘appréhension de la peinture contemporaine, c’est ce qui a nui à l‘art de tout temps : le « formalisme mimétique » dans lequel s’abîme toute singularité. Cependant, nous le savons : la réalité dont il faut partir est l’insatisfaction. Nous ne pourrons détruire la mémoire de l’art, nous échouerons certainement à ruiner les conventions de sa communication et à démoraliser ses amateurs mais nous constituerons petit à petit un sérail de gestes prêts à détruire, à ruiner à démoraliser… à révéler l’ordre du monde si beau, ce tas d’ordures répandues au hasard.

En regardant les Maîtres, inutile de chercher une quelconque vraisemblance, un appui à la balustrade du monde visible : ces com-positions, ces gestes et ces formes, ces couleurs et ces perspectives

ne miment pas le monde, mais en donnent l’accès dans l‘écart même de la représentation. Il s’agit d’agencer, de déplacer chaque chose de quelques millimètres, de composer avec les décombres polysémiques qui nous entourent, faire advenir la parodie nécessaire à l’intrigue.Il y a un dédoublement qui s’opère en chaque oeuvre forte. Le dédoublement est avant tout le travail de la littérature. J’englobe ici les mythes et les religions. Il y a cette idée selon laquelle l’Absolu / le Paradis est identique à notre monde.

Selon un rabbin, pour comprendre à quoi ressemblerait le Paradis, « ll suffirait de déplacer « à peine » toute chose du monde ». Mais la mesure de cet écart est très difficile à trouver, l’homme a pour cela besoin d’une médiance. Cet infime déplacement ne concerne pas l‘état des choses mais sa signification et ses limites. De fait, il n’a pas lieu dans les choses mais à leur périphérie, dans le jeu entre chaque chose et elle-même. Peindre, parfois, c’est agir dans le sens de ce glissement.

Death to pop / glory to pigs, 2010195 x 150 cm

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XInHE jIAng ART

« Je me regarde comme on observe une coupe de terrain oùapparaissent les sédiments, mes sentiments, toutes ces strates de mon plaisir, ma souffrance, mes élans, ce qui m’a fait me mouvoir, de là où j’étais vers là où je suis, en kilomètres d’espace, en années de temps. »yves Simon, La dérive des sentiments, 1993.

La vie est pour moi un processus d’ intériorisation. À travers les collisions entre le monde et moi, les substances extérieures imprègnent mon corps, puis deviennent les éléments constitutifs de mon microcosme. Et moi, je deviens un corps sédimenté, dont l’épaisseur résulte de cette accumulation d’impressions singulières.

Dans ce microcosme, ma conscience commence à couler. Les sédiments du monde extérieur forment son lit. Le ruisseau de ma conscience irrigue des éléments indépendants. Puis, peu à peu, ces fragments isolés se répondent, forment une structure de constellation.

Des images apparaissent.

En photographie, ma réflextion singulière sur la fluidité provient de la projection de mes impressions superposées sur un endroit réel.

Au commencement, une image mentale naît peu à peudans ma tête. Cependant, tout est voilé, presque nébuleux,jusqu’au moment où cette image floue rencontre une correspondance dans la réalité. Une réalité déjà vue dans mon songe. C’est un processus de la fermentation.

Ainsi la photographie cristallise ensemble les ingrédientsconscients et ceux inconscients.

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Image extraite de : At the back of the planet, I sew a piece of sea. 2009

photographie, tirage unique. 112 x 75 cm

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nICoLAs kARAgIAnnIs ART

Je rêve, je fantasme sur des mondes et des choses parfaites, sur des utopies…Je rêve, je fantasme sur des lieux magnifiques ; les terres sont riches et fertiles, et la vie toute entière y est absolue, sublime.Je rêve, je fantasme sur des révolutions plus fortes, magistrales, sanglantes ; je voudrais que la vengeance soit, et qu’elle soit la plus noire.Je rêve, je fantasme d’une facon presque dangereuse sur nos riches sociétés qui s’ébranlent, qui se démontent, qui éclatent… J’imagine le plus beau feu d’artifices, le plus bel agencement de formes et de couleurs, la plus belle composition qui puisse exister. La dernière.Je rêve, je fantasme sur un monde sans entreprises.Je rêve, je fantasme sur un monde où les mots conditionnement, commerce et profits seraient passibles de mort si on les prononçait.Je rêve, je fantasme sur la mort du management et du marketing. Une mort si cruelle qu’aucune peinture ne pourrait la représenter.Je rêve, je fantasme sur le jour où l’orgueuil et l’arrogance déclencheront des cancers mortels et instantanés, même chez les plus jeunes.Je rêve, je fantasme sur le plus grand retournement du monde, celui qui transcende ceux qui osent seulement imaginer la suite.Je rêve, je fantasme sur le jour où l’on pourra comprendre ce qu’il faut comprendre.

Je rêve, je fantasme sur un monde où l’art serait l’unique capital.Je rêve, je fantasme sur un monde où l’art serait la vie.

Je rêve, je fantasme sur des amours parfaits, infinis.

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Sans titre2009huile sur toile115 x 180 cm

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CECILE LAnEt ART

Le geste, une impression.La mémoire du geste et l’instant sont la touche de l’artiste. Absolument tout passera par l’instant où se mêlent la connaissance du geste, le geste de l’instant et l’émotion. quand le mouvement rencontre la cristallisation, l’instantanéité s’incarne. A cet instant, le mouvement travaillé et les gestes impulsifs sont une danse. Les mouvements déterminent toute la plastique de l’ouvrage.

Afin de révéler le geste, le choix du matériau est déterminant.La résine est ici un outil : elle est versée, balancée, touillée. En mélangeant les approches et les techniques je dessine une sculpture. La planéité fait écran, elle renvoie et l’absorbe la lumière. La sculpture est transparente et située dans l’espace. Elle est décollée du mur et n’apparait pas comme un visuel. Elle possède une certaine picturalité qui mélange les troubles sphères de l’image, de la surface, de la structure et de la trame.

Toutes ces notions sont inhérentes à la sculpture/peinture. A ceci se mêle la prise de position formelle de l’œuvre. La pièce existe dans l’espace. D’une part, cette planéité prend sa place en occupant un espace par son milieu et d’autre part, parce que cette sculpture appelle à être traversée du regard. quand les yeux suivent une ligne, se heurtent ou passent à travers la sculpture, les sensations visuelles changent.

La sculpture est une énergie puissante emprisonnée. quand elle est présentée à un œil neuf, elle semble placide et harmonieuse. Une sculpture qui invite à la méditation sur l’espace.

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sans titre (détail)2010

résine optique moulée300 cm x 100 cm, épaisseur 1 mm

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RICHARd LECoQ DESIGN

Mon travail aborde les questions du dedans / dehors, du contenant / contenu. questions étroitement liées à celle du plein et du vide, elles conduisent rapidement à s’interroger sur la présence et l’absence.

La problématique de la Mort, de la trace, du souvenir m’intéresse donc. Formellement, j’élabore des propositions de tombe, c’est-à-dire de monument, en tant que partie visible dans le cimetière.

Ces propositions montrent assez radicalement notre finitude. Elles soulignent tantôt la décomposition de nos corps, tantôt la légèreté de nos âmes. Finitude affirmée quand je m’attache à proposer des tombes qui évolueront au fil du temps et s’opposeront à l’inaltérabilité du marbre classique.

« Il faut ruiner un palais pour en faire un objet d’intérêt.» Denis Diderot, Salon de 1767, Oeuvres (tome IV)

A vEnIr2010 20 x 80 x 160 cm

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XUyAn LI ART [email protected]

« La peinture devient intéressante lorsqu’elle devient intemporelle. » Peter Doig

A mon sens, la peinture devient intéressante lorsque je joue entre le fond de la peinture et le contenu pictural (la relation entre la surface que je peins et ce que je peins). Dans le même temps, je jouis du sentiment du pinceau qui touche la toile. Dans ce travail, le pli deviendra le protagoniste de ma peinture. Je suis curieuse du secret qui existe entre les plis que je peins et la toile plane au dessus du châssis.

Sans titre2010huile sur toile170 x 200 cm

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XIAoXIAo LIU DESIGN

Les voitures s’écoulent comme un courant et les chevaux qui galopent en file ont l’allure d’un dragon- Projection d’un univers personnel et changeant sur une réalité formatée et effective

La fonction de la ville est forte, mais à cause de cette force, la ville manque de rêves. Son usage mécanique transforme la ville en un extrême simple, unique et fade. Ces aspects de la vie urbaine m’ont fait ressentir un certain ennui, voire de la tristesse. Les pas rapides du métro remplacent les chuchotements de la rivière le long du parc ; les routes droites, larges, rapides remplacent les longues allées sinueuses. Indéniablement, la fonctionnalité de la ville « puissante » est essentielle, mais la ville ne peut pas manquer de rêve.

Ce projet a pour idée l’intégration entrecroisée de la beauté et de la ville. Et cette beauté qui va fusionner dans la ville est utilisée en complément de la fonctionnalité puissante de la ville. C’est-à-dire que je vais mettre des erreurs dans la ville. La ville peut devenir plus sensible avec ces erreurs, et les erreurs peuvent aussi en renforcer l’interaction et le sens de l’humour.

Un piéton s’apprête à traverser la rue, où se trouvent également présents les autres moyens de transport, ainsi qu’une projection

interactive au sol composée des nouvelles signalisations figurées par les animaux qui correspondent à ces transports. Par l’action conjuguée des gestes et du déplacement de cette personne, le motif animal qui symbolise le piéton va se projeter devant lui pour informer les autre transports de son arrivée. Cela crée un nouveau système routier plus intéressant, qui peut ajouter de l’humour, de la symbolique et de la poésie dans un modèle de ville formaté super fonctionnel et redoutablement efficace au rythme rapide.

Comme il s’agit d’une projection interactive, elle offre une participation possible plus importante dans la vie urbaine au quotidien et fait sortir les habitants de leur « home sweet home » pour aller à la rencontre de nouvelles expériences, pour les inviter à déambuler dans la ville et faire connaissance avec les beautés de la vie citadine. Par les animaux qui jouent les incarnations des moyens de transport, les traces au sol, les erreurs animées, des moments chaleureux et naturels sont enfin réalisables. Les outils numériques permettent une interactivité au niveau du sol du territoire urbain et dans la vie citadine en général. La ville a enfin son rêve : elle demeure fonctionnelle et dans le même temps, elle montre sa grande beauté sous une forme très sensible.

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Les voitures s’écoulent comme un courant et les chevaux qui galopent en file ont l’allure d’un dragon.

2010installation numérique interactive

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wAHIbA mAAfA ART

Le parcours se trace. Il assure la pureté de son mouvement. Il réalise des lettres illisibles transformées en corps, riches par leurs différentes caractéristiques particulières, ordonnées par la volonté physique, la colère et l’esprit.

Par le langage de soi, j’écris ce que l’esprit ne me demande pas, plutôt que de sortir ce qui est enterré au fond de moi. Je vide mes tubes de peinture comme si je vidais mes poches, mes organes qui ne fonctionnent pas et je libère le subconscient. Dans la peinture, je récolte un vocabulaire plastique où je provoque un geste maîtrisé par le souffle vital, alliant sens esthétique, spiritualité et énergie physique. Cette discipline exige une implication du corps et de l’esprit zen. Je raconte à travers des formes qui revivent dans un corps abstrait soigneusement élaboré. Je transmets des éléments graphiques et linguistiques, des signes, des mouvements de trait pour construire le contenu d’un tableau.

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Sans titre, 2009huile et technique mixte sur toile220 x 160 cm

Réciter est découvrir la réalité sur soi. C’est manifester sur un support plastique libre, formuler un geste intime avec un souffle vital relançant la force et la souplesse que le signe apporte. Je possède des objets qui flottent dans le vide de ma toile, des mots et des phrases relâchées par mon esprit. La calligraphie les a transformé en formes abstraites résidant entre deux langages. Mon territoire demeure entres souvenirs et civilisation, entre la contemplation plastique et le dialogue impulsif que provoque la calligraphie qui élève l’âme et illumine les sentiments.

Dans la peinture, je traverse de grands moments de plaisir. Je communique avec les matériaux. Je libère ma pensée. Je traverse le monde avec ses bonheurs, ses douloureuses histoires. Je transmets toutes mes facultés linguistiques et culturelles, expression nécessaire à la manifestation picturale.

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bo PAng ART

Prendre des photographies est une affaire personnelle. Et si en art rien n’est banal, c’est précisément parce que le banal est lui-même transposé et devient à son tour forme.

Mon travail photographique consiste, non pas à enregistrer des faits indiscutables mais à tenter de « rendre justice » à mon intuition, à ma perception sensible du monde, peut-être aussi à mes projections et mes espoirs. Ce qui ne veut pas dire que je ne me soucie pas de vérité.

Plusieurs années passées dans un pays étranger m'ont fait apparaître un « nouveau monde ». Tout était si étrange et différent de ce que j’avais connu jusque-là. Cette confrontation m’a renvoyé à moi-même. L’isolement que je vivais a agi comme un révélateur. Ce fut pour moi une étape importante de ma vie, celle de la prise de conscience qu’un certain nombre de particularités me construisait, certaines provenant de mon éducation et de ma culture, d’autres plus personnelles liées notamment à des souvenirs d’enfance retrouvés grâce à ce retour sur soi que ma situation d’exilée avait provoqué. Un profond changement s’est opéré en moi. La photographie et la vidéo m’ont accompagné et

aidé dans ce cheminement. J’ai peu à peu pris conscience que j’utilisais dans mon travail la dimension métaphorique des images, que ce qui m’intéressait était la puissance d’évocation d’une image, sa capacité à nous entraîner au-delà de ce qu’elle montre de strictement visuel. Je m’attache à faire exister une dimension de récit, un « hors-champ » que celui qui regarde l’image est invité à investir, à combler.

L’« espace du regard » n’est pas un espace physique au sens newtonien du terme, mais un espace mental, relatif, poétique. Mon espace de vie a changé. Mon « espace de regard » s'est également déplacé. A travers mon propre travail, je ne cesse de le rechercher, de le représenter.

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Avec les poissons, 2008tirage numérique, contrecollage sur papier mat60 x 45 cm

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HyE-jUng PARk ART

Quand j’étais petite,J’aimais les chaussettes très grandes

Parce que dans cela, Il y a plein de choses que je veux !

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2010150 x 80 cm

bois, grillage et coton

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so yoUng PARk ART

EnTrE LA nATurE ET L’HuMAIn QuELQuE CHOSE En COMMun,ILS SOnT TOuS DEux LIMITéS PAr LE TEMPS. ILS DISPArAISSEnT à LA MOrT, DAnS LA nATurE QuI EST LEurS COrPS. LE COrPS DEvIEnT CEnDrES, POuSSIèrES.

J’aime cultiver une ambiguïté et un équilibre entre l’aspect naturel des matériaux et l’aspect artificiel de l’œuvre finie, ce qui représente selon moi un « schéma » de vie humaine. L’impression d’artifice s’impose à première vue mais elle est contrebalancée par la matérialité et la dimension symbolique des éléments de la nature qui composent le cœur d’une pièce. Ce sont ensuite les gestes qui métamorphosent et donnent forme.

Je travaille en dessinant, en peignant avec le charbon broyé ou les traces de sa combustion. quelques fois en rajoutant des pigments. J’utilise également la sciure de bois en plus du charbon réduit en poudre. De petits tas coiffent des rondins de bois, des troncs et des branches coupés. Une économie de moyens qui joue avec la matière et élabore un vocabulaire de construction. Il n’y est pas question d’un retour à la nature, mais d’une idée « d’origine » de la création qui réintègre la nature dans l’espace d’exposition, offrant ainsi un moment de poésie et d’imagination.

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2010dimensions variables

bois, colle et pigments

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CyPRIEn PARvEX dE CoLLombEy-mARCHAnd ART

k A P I T A L R E G I S T R I E R k A S S E k O N z E R T

Douze caisses de supermarché, douze scanners de code-barre, douze buzzers dont nous aurons pris soin de modifier la fréquence afin d’en faire un instrument de musique particulier, singulièrement pluriel, un instrument à vingt-quatre mains, pour douze solistes. Il sera attribué à chacune d’entre elles une fréquence correspondant au tempérament du pianoforte allant de l’Ut [ C3-T28-130.813hz ] au Si [ B3-T39-246.942hz ], placées au centre de l’alignement strictement étudié de l’architecture du bâtiment. Les autres caisses, à droite et à gauche de ce clavier disproportionné et monstrueux, (à l’échelle du propos qu’il tente de tenir), continueront de produire la fréquence qui leur est originellement attribuée par le fabriquant, comme un pupitre parfaitement accordé, interprétant une nappe réaliste, collectivement reconnue pour ce qu’elle est, ce qu’elle représente, et tout ce que l’on ignore d’elle, ne jouant que sur l’espace, et l’effet Doppler naturellement généré par le mouvement et la place du spectateur-auditeur-performeur. Il s’agit avant toute chose de déplacer le lieu du son, de la musique, de l’œuvre, tout en conservant certains de ses attributs les plus historiques et les règles ineffables qui le régissent et l’organisent.Le Capitalisme, tacitement en accord avec ses sujets, fait figure de compositeur au sein de son propre temple, intégrant tous les paramètres de l’aléatoire, de l’imprévu, de l’improvisation, suivant un système protocolaire rigoureusement établi - voire totalitaire et fascisant - gratifiant avantageusement le spectateur-auditeur-performeur, par le truchement d’un geste acquis, quotidien, maitrisé sans virtuosité aucune, du statut d’instrumentiste, d’improvisateur qui s’ignore.La durée de la pièce est fixée à une heure [ 60’00’’ ]. Se basant sur les horaires des représentations des plus grandes salles de concert classique d’Europe, le protocole musical se déclenchera à 20h30 précise pour se terminer à 21h30. Il ne sera donné aucun bis.

http://cyprien-parvex-de-collombey.blogspot.com

kAPITAL REGISTRIERkASSE kONzERT, [ 60’00“ ] Recherches préparatoires

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ALICE PLAnEs ART [email protected]

vandalisme Poétique, 2010performance

photo : Alix Orbec

Alice Planes joue avec humour le rôle d’artiste et le rôle de femme contemporaine. En passant librement d’un médium à un autre,l’artiste réalise ses pièces en utilisant la sculpture, la vidéo, le graphisme et la performance sans corrompre le style de son travail. C’est de l’ironie qui surgit de son œuvre nous menant aisément dans son monde fait d’actes et des materiaux quotidiens. Sacs « Tati », spray désodorisant, pilules contraceptives, sont les petits détails de la vie d’une jeune femme « moderne ».

La ceramique devient le paradigme de la cuisine : la création d’un objet de terre cuite suit le même procédé qu’une préparation culinaire. La pâte est malaxée, étendue, cuite au four et glacée ainsi comme dans la preparation d’un gateau. Le personage qu’elle met en scène dans ses court-métrages vidéo, représente une femme réifié par la société qui mêle son espace intime à l’espace publique. On la voit graffer invisiblement les murs avec une bombe de déodorant, ou laisser des tags au rouge à lèvres sur les miroirs des voitures. Nous sommes face au détournement d’un acte illegale qui devient acte poetique, un geste d’amour. La critique du rôle du deuxième sexe est ainsi subtilement dévoilée. L’heritage des luttes femministes apparaissent dans les questionnements de l’artiste. Ses revendications ne s’inscrivent pas dans un mouvement politique

ou queer, ceux sont des cris d’une jeune femme contemporaine qui se confronte quotidiennement avec un environemment qui classe et définit chaque être humain. Elle construit ainsi un monde idyllique où la femme est libre de jouer un rôle naïf. Cette naïveté est alors synonyme d’un geste d’une simplicité naturelle et candide. Le spectateur devant la légèreté des images de ce recit contemporain, découvre la profondeur, intime et sensible, de sa signification.Alice Planes vit et travaille à Paris.

Tamara Vignati

http://aliceplanes.com

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stEPHAnIE RUIz ART

« Les objets… Ces objets encore utilisables rejetés parce qu’ils ne vont plus avec leur temps. Valeur marchande obsolète, design obsolète. On jette, vite ! Au pilori l’attachement particulier ! Cela m’a sauté aux yeux, ils incarnent la déliquescence de notre environnement, cette déliquescence globale.

J’opère des déplacements. Avec ces objets qui portent leurs mémoires, je crée des icônes pauvres. Du pauvre ! »

« Cette vieille porte, je l’ai récupérée sur un chantier de démolition à une époque où je n’avais pas de domicile. Sans Domicile Fixe… Cette porte au milieu de rien, n’était plus là que pour témoigner. Inutile, vieille. Je l’ai découpée et érigée en drapeau, puis posée au sol, déchue. Tel le symbole d’une pauvreté figée qui ne peut rien pour elle-même. Incarnant la perte de sens de l’identité individuelle et commune. »Stéphanie Ruiz. Entretiens solitaires. 2011

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Porte drapeau, 2010bois, vis, 190 x 70 cm

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LÉA sILvEstRE DESIGN [email protected]

AU CONTACT D’UNE FRONTIèREUne frontière, c’est une limite, et quelle que soit sa nature, elle sépare et engendre l’opposition de deux surfaces, activités, objets ou points de vue. La frontière met en évidence à la fois ce qu’elle contient et ce qu’elle exclut. Peau, paroi, mur, objet, son, langage, Mort, sont de ces frontières palpables ou immatérielles, subies ou désirées, qui constituent notre monde sensoriel. Dans mon travail, j’aborde ces frontières non comme des limites qui arrêtent, mais plutôt comme des surfaces engageant un contact, une transmission, une écoute. La frontière devient alors une interface. Ce sujet inépuisable a donné lieu à divers objets générateurs d’espace, proposant à l’usager une expérience tactile ou sonore.

Dans mon travail, le son est utilisé comme acteur dans la trans-mission et élément physique traversant, franchissant les limites de l’objet. Perceptible par l’ouïe et le toucher, il valorise une expérience sensorielle inhabituelle, que nous pouvons alors avoir avec l’objet. La matière utilisée pour la diffusion interprète le message à transmettre avec ses caractéristiques physiques ; structure, masse, densité, aspérité ; en quelques sortes, avec son timbre.

rocking Stroke est une assise à bascule qui propose, une expérience d’écoute par le corps. Tel un instrument, cette coque de résine soumise à des vibrations communique une pièce sonore à l’auditeur qui s’y installe. La structure s’inspire de certains idiophones appelés tambours à fente, constitués d’un tronçon d’arbre évidé et muni d’une ou de plusieurs fentes. rocking Stroke diffuse ici, un enregistrement de caresses dont le bruit blanc tiré a été transposé en basses fréquences, le faisant ainsi vibrer. L’auditeur est invité à prendre place dans une position quasi-allongée favorisant l’errance, et à se délecter de ces caresses étranges.

rocking Stroke, 2010Résine peinte, hp exciter, amplificateur, batterie

Pièce sonore réalisée avec l’aide précieuse de Cyprien Parvex-de-Collombey Marchand

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sAmUEL tREnQUIER ART

Chaque « chose » est donc le fragment d’une globalité énigmatique et plurielle dans mon travail. D’abord, elle constitue l’élément d’une totalité nécessairement non-finie, inachevée, que nul regard ne saisira jamais. Cette totalité ne peut exister actuellement, car je continue à produire. Elle n’existera jamais, car nécessairement certaines pièces disparaissent, sont détruites, ou tout au moins s’égarent, pendant que d’autres se créent.Le tout se construit, se ramifie, se renouvelle, s’enrichit et se développe par poussées successives, en une croissance précaire et cahotante.

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Corail mutant, 2010Collection Déchets salès/ Méditerranée en danger

materiaux divers100 x 140 x 100 cm

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ROCkING-wORLD« L’art de profiter du près et du loin consiste à tenir l’ennemi éloigné du lieu que vous aurez choisi pour votre campement, et de tous les postes qui vous paraîtront de quelque conséquence. Il consiste à éloigner de l’ennemi tout ce qui pourrait lui être avantageux, et à rapprocher de vous tout ce dont vous pourrez tirer quelque avantage. Il consiste ensuite à vous tenir continuellement sur vos gardes pour n’être pas surpris, et à veiller sans cesse pour épier le moment de surprendre votre adversaire. »Sun Tzu, L’Art de la Guerre, Ve siècle av. J.-C., traduction du père Amiot, 1772

L’image tourne, l’objet se détourne, le regard se retourne, il n’y a plus de bon sens. Renverser la perspective, renverser les échelles, renverser la normalité, renverser la figure humaine, renverser la plastique des corps, renverser le monde, artistiquement parlant, à leurs antipodes. Les figurines miniatures confrontent et combinent deux types de scénarii esthétiques. Le premier joue sur le mélange des genres, entre « l’illustrateur en volume » du modélisme et le sculpteur. Des petits soldats engagent un singulier jeu de stratégie « wartgames »

(Pacifiste(s) – 2010), ou d’autres situations de tactiques expérimen-tales et manœuvres plastiques. Le second scénario est clairement photographique. La prise de vue joue la disproportion entre le gros plan et le rapport de grandissement. Face à un alter-ego plastique et symbolique, on se demande s’il s’agit d’un agrandissement ou au contraire, si on a rapetissé. Les séries de micro-représentations du réel dépeignent par saynètes un jeu de société des « gens ». L’artifice saute rapidement au yeux. Les modèles réduits ne sont jamais la miniaturisation exacte de ce qu’ils tentent de représenter. Les imperfections sont autant d’indices qui nous font douter de ce que cette composition voudrait nous faire croire. Le mimétisme de ces micro-narrations, sous ses airs de réel improbable, recrée des portraits de notre monde dans une singulière imagerie d’Epinal, où l’humanité construite selon des principes artificiels de cohérence et de collectivité, révèle son épaisseur de « rôle » et de figurines. Cette introspection minutieuse, spirituelle et désenchantée, se révèle dans un espace-image propre à Masaki watanabe où « Le monde est petit », c’est vrai, mais plus comme on croyait le penser.Luc Jeand’heur, 2010

mAsAkI wAtAnAbE ART http://masakiwatanabe.web.fc2.com

Pacifiste(s), 2010figurines de soldat

dim. variable

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École SupÉrieure deS Beaux-artS de MarSeille184, avenue de luminy, 13009 Marseilletél. 04 91 82 83 10, www.esbam.fr - www.marseille.fr

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