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HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

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Un drle de bruit

A , M Christophe. -J ? BonsoirLL ARIE OS

Marie-Jos, vous avez vcu une histoire invraisemblable, ctait la nuit je crois Oui ! quand je leur parle de mon histoire, mes amis ont toujours de la peine me croire. Il faut dire quau dbut, je ny croyais pas non plus. Ni les mdecins dailleurs, ni mme vous, jen suis sre. Ctait la fin de lt 1975, les derniers jours de trs grosse chaleur. la tl, ils commenaient parler dimpt scheresse. Ce soir-l, je narrivais pas mendormir. Je me souviens parfaitement que javais pris un bain presque glac. Je mtais couche trs tard, toute nue dans mon lit, avec les fentres grandes ouvertes et pas le moindre souffle dair. Je me suis endormie lentement, lourdement. Il devait tre deux ou trois heures du matin quand il est entr par la fentre de ma chambre. Cest lui qui ma rveille. Dabord, je nai entendu quun bruit sourd. Une sorte de ronronnement puissant et lourd, comme le bourdonnement dun avion qui dcolle. Et tout de suite aprs, un fracas pouvantable, les murs qui tremblent et ce bruit atroce qui rsonnait dans toute ma tte. Jai mis quelques minutes comprendre quune sorte de gros insecte venait dentrer dans mon oreille gauche. Je sentais ses ailes qui bougeaient, 2

le contact sec et gras. Jai tout essay pour le faire sortir. Jai fait couler de leau, je me suis penche sur le ct, jai saut sur un pied. Rien faire. Il tait vivant, il progressait. lhpital, ils ne mont pas crue tout de suite. Ils mont pos des questions. Jai mme eu droit leur test de cohrence. la fin, comme je narrtais pas de crier, ils se sont dcids mexaminer loreille et l, effectivement, ils ont vu quelque chose. Ctait un bombyx diabolicus. Un norme papillon de nuit que linterne narrivait pas attraper avec une pince. Les infirmires ont commenc saffoler. On me hurlait de me coucher et moi, je sentais le papillon qui progressait, qui progressait. Ils ont fini par lendormir lther. Puis ils lont retir avec une sorte daspirateur. Je nai pas eu le courage de le regarder. Un papillon Je ne dors plus jamais la fentre ouverte. Marie-Jos B., 44 ans, commerante, Royan

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HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

p na re a - e, m c tt su. ais jales it he n N c e r ta , lav i co i son ien n t r . I l a i r e . Il lai ais mm g e rs e n e ou s i o n pliqu on s res. Il cinq app renc ent , c on j e an r i s m oi, nd nt y n p e ait co z m Lo utaie - som a vi s plu m tr. J s e e it a t o m n n c it ch alla se d t re Ma es mgt an tard. mr n e e is r s na ve ait, o ils n rais appr , p gare aris. qu e h e, au nt s t r no cac lyc n. J lo apr fran ofes T., 4 us s seu 8 a ls s ai u rie . I u A e no s (G s, O r d ns, d oye x a n v eu nd mme Br rand xfo e d ua so s . eta e- rd gn q ous r i e) n a n m o M

Alors, Margaret, il vous est arriv quelque chose dextraordinaire quand vous tiez au lyce ? Je suis tombe amoureuse dun de mes lves. Il tait mignon, plus gentil que les autres. Il tait en terminale, il me plaisait beauc o u p . Pendant tout

Rendez-vous secrets All, Hubert ? Bonsoir Christophe. Vous avez fait la connaissance de votre femme dans une salle de bains ? Non, moi, jai rencontr mon pouse dans les toilettes. Au centre commercial de Parly II. Je connaissais bien la dame-pipi. Elle avait une amie. On sest connus comme a, ma future femme et moi. lpoque, moi, javais vingt-cinq ans. Elle en avait seize. Nous nous sommes revus plusieurs fois dans les toilettes. la longue, on a fini par sympathiser. Aujourdhui, nous avons une petite fille. Sa marraine, cest la dame-pipi. Hubert L., 36 ans, informaticien, Carrires-sur-Seine

Travaux dirigs

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un r is ni t r e, f cn re s t r ay y e ilm La e du me q t ess as ais s ua la Belle jai ne p Jav il en e D en nd u p a vo Je B lac y. J le a an M te, de r. ns, s q isar nse t a oin lh r. Je e d e m ve pe t-hui e m elais ussie an e l e c Jo ais d p R g a- co Ma a B vo se vin t dix e rap ielle inim . o mpr rais. elle e yais tte i r e c i et C t ava . Je m Gab reux oqu - j cup s que e so lui, c la a i p n o e i mo re de dang l t, pe - j ur de it ma ce g r-l, tait i la vie ar jai nu an ai toi tait le C inab une s vac l, mi fait l rent . Et le on r e e g e o is Ma ant l de N E n r p pre e, d s a v ce r - p f i n s. jai d e lut , t la

des dizaines de premiers pas. Et comment a sest pass ? Jai commenc par lui demander de me faire visiter Londres. Nous avons arpent la ville pendant trois mois. Ctait long et lent. Interminable. Pques, notre histoire a enfin commenc. On sest vus en

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All, m o n pre, vous me recevez ? Trs bien, Christophe Alors, mon pre, il faut le dire, vous t e s prtre catholique Attention, je voudrais dabord prciser que je ninterviens pas en tant quautorit mais en tant quexprimentateur du naturisme Justement, vous tes prtre et naturiste, ce nest pas courant. Jai rencontr le naturisme il y a plus de trente ans, et jai constat sur ma propre sant lquilibre quil ma donn. Cest partir de l que jai dcouvert ses autres vertus, ses richesses, en particulier cette tolrance qui fait que chaque centre est un espace de libert Nous disons souvent que le naturisme est une forme dhumanisme. Excusez-moi mon pre, mais le naturisme cest un culte du corps. Et le culte du corps nest-il pas contraire la religion chrtienne ? Dabord, souvenez-vous de ladage latin : Mens sana in corpore sano, il ny a pas desprit quilibr si le corps ne lest pas. Cest trs vrai. Et puis, il y a cette ralit qui vient de la nudit du regard. Le nu est plus chaste que le vtement affriolant. En somme, tre nu, pour vous, cest un peu redevenir comme Adam et ve. Cest au moins accder un tat dquilibre mental. Mon pre, votre discours peut choquer certains catholiques Mais on est en Rpublique, mon fils.

Le corps

du Christ

petite femm ne e U Isabelle, votre taille vous pose un problme ? Je suis petite. Enfin, je fais tout de mme 1,45 mtre. Quand on est enfant ou adolescent, cest un avantage. On me chouchoutait, on me choyait. Aprs on ma drague. Les problmes ont finalement commenc le jour o je me suis fiance. Dans ma belle-famille, on ma reproch ma taille. Et brusquement, jai eu des complexes. Le soir de mon mariage, jai entendu ma belle-mre qui faisait une rflexion du genre : On esprait mieux pour notre fils. Mon mari mesure 1,73 mtre. Javais peur davoir des enfants nains. Mon fils fait 1,65 mtre, ce qui nest pas grand. Mais ils sont mieux dans leur peau que moi. Moi, jai la hantise de la foule. Surtout dans les transports en commun. Quand il y a du monde dans le mtro, je suis hauteur de la ceinture des gens. Je ferme les yeux. Jai toujours peur de manquer ma station. Maintenant, a va mieux. Je roule en voiture. Pour conduire, je mets quand mme des coussins. Isabelle dA., 40 ans, bibliothcaire, Vincennes

Pre Louis B., 73 ans, abb, Privas

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Le tmoin de lappartement All, Jean-Franois ? Bonsoir Christophe. Vous tes agent immobilier. Vous devez en voir des vertes et des pas mres a, vous lavez dit ! Un jour, par

Couleur bleurmelle, racontez-moi votre plus belle gaffe lge de quatre ans jai fait une norme btise. Mon pre avait achet une nouvelle voiture et il tait venu nous rejoindre en vacances. On la voyait pour la premire fois. Ctait une des premires grosses Volvo. Elle tait bleue, magnifique. Je me souviens quavec ma sur, on la caressait. Et puis on a trouv quil fallait la nettoyer un peu aprs toute cette route. On la lave entirement, avec de la laine de verre et des cailloux. a t un drame videmment. Nos fesses ont t aussi bleues que la voiture. Armelle, 32 ans, enseignante, Orlans

A

exemple, une cliente mavait charg de vendre son appartement. Elle nous avait confi les clefs, bien sr, mais elle habitait encore l. Cest frquent dans la profession. Les gens prfrent suite dmnager aprs avoir trouv un achevendu. Ctait un trs bel teur. Premire visite, appartement. je sonne la porte. La Jai tout de propritaire nous ouvre. Elle tait nue. Ne vous inquitez pas pour moi , elle dit. Et pendant toute la visite, elle tourne autour de nous, poil. La fois suivante, aucune elle a recommenc. envie de vendre, Elle navait juste de se promener toute nue. Ctait une exhibitionniste. Jolie, dailleurs. Trs jolie. Je nai jamais eu tant dacheteurs Jean-Franois C., 36 ans, agent immobilier, Tours

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Le poulet Aristide, vous avez eu un invit incroyable On a reu un de mes grands oncles un jour djeuner. Il venait pour la premire fois en France. Toute notre famille est originaire de Cte dIvoire. Ma mre lui avait prpar un bon repas. Elle apporte le plat principal et elle annonce triomphante : Tonton, on a fait un poulet pour vous . Il a fait un immense sourire et il a mang tout le poulet. L bas, cest comme a. Quand on vous prsente un plat, il est pour vous. Aristide, aide-soignant, 41 ans, Nogent-le-Rotrou

Maison hante

Q

Un mandat Marcel, vous tes facteur. Racontez-nous cette tourne mmorable. Jai apport une fois un mandat de retraite chez une trs vieille dame. Elle tait quasiment impotente, dans une petite maison avec quelquun pour soccuper delle. Elle tait malade. Elle tait couche. Vous connaissez le rglement, un mandat, a se remet en mains propres. Surtout quand il y a versement de liquidits. Il fallait donc que jaille la payer dans sa chambre. La personne qui se trouvait l, lui crie trs fort. Cest le facteur ! . Et je lentend qui rpond quelle ne veut pas me voir, quelle en a assez de tous ces mdicaments. Elle avait compris cest le docteur . Je fais comme si de rien ntait. Je mapproche de la vieille dame pour la faire signer, jouvre ma sacoche, je lui prends tout doucement la main, jessaie de lui glisser un stylo bille entre les doigts. Et l brusquement, avec un immense soupir dagacement, elle soulve ses couvertures, marrache le stylo et lenfourne lendroit o lon met habituellement les thermomtres. Ca na pas t facile de le faire signer ce mandat. Marcel, facteur, 54 ans, Montargis

N

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Antoine, vous avez eu une apparition ? UON LE VEUILLE OU NON, il semble bien que je me sois fait tirer les pieds par un fantme. Nous tions en Indochine. Mon pre dirigeait un collge. Il occupait une maison de fonction. Ctait le soir. Tout tait clair, javais cinq ans lpoque. Je mtais couch sous la moustiquaire. Daprs ce que me raconte mon pre encore aujourdhui et mes propres souvenirs denfant, je me suis mis crier en disant: Mais pourquoi il mattrape les pieds ? Je voyais une forme derrire la moustiquaire. Mon pre est entr dans la chambre et il a vu la forme qui me tirait. Mais Antoine, ctait un cauchemar ! ON, CHRISTOPHE, ce ntait pas un cauchemar. Mon pre la vu. Il en a t compltement drout. Vous savez comme les enseignants peuvent tre logiques et cartsiens. Eh bien, il est all port plainte au commissariat du coin. Les policiers ont clat de rire. Ils lui ont dit : Mais vous ne saviez pas que la maison tait hante ? Ils avaient dj reu la visite de notre cuisinire. Elle tait venue les voir pour les mmes raisons. Mais bien sr, elle ne nous en avait pas parl. Elle navait pas os. Et vous avez une ide, Antoine, de ce que voulaient ces fantmes ? ES POLICIERS ont expliqu mon pre que pendant la guerre, notre maison avait t occupe par la Gestapo japonaise. Il y avait eu beaucoup de tortures, particulirement dans le garage. Et des morts aussi. On a dmnag bien sr, puis il y a eu la dcolonisation. Mais jai eu de nouvelles depuis. La maison existe toujours. Il parat quelle est encore hante. Antoine, dessinateur, 52 ans, Agen

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Lenfer

Catherine, avant dtre secrtaire de direction, vous avez vcu lenfer de la prostitution. quel ge vous tes vous lance dans ce calvaire ? Ah mais moi, je ne me suis pas lance dans la prostitution. Vous savez, jtais spare de mon mari, javais un enfant de quatre ans. Jai connu un garon qui me disait quil tait matre dhtel. On est parti en vacances, Nice. Et il ma enferm dans une maison close. Jtais prisonnire. On travaillait dans le bar, en bas. Ctait un bar montant. Il y avait des chambres en haut, on avait pas le droit de sortir. Le patron, ctait un Algrien. Un ancien boxeur, je dis pas son nom. On tait une dizaine, on tait surveilles. Ils me faisaient boire de lalcool par force, avec un entonnoir, pour me droguer compltement. Javais mon fils en nourrice. Je ne voyais que lui. Mais cest pouvantable, Catherine, ctait de lesclavage Du trafic de viande. De labattage. Il fallait en faire soixante, cent dans la journe. On nous achetait des vtements quand on le mritait. Cest mon fils qui ma donn la force. Au bout de cinq mois, jai russi mchapper. Ils mont retrouve. Jtais Marseille. Jessayais de prendre un billet de train. Ils mont emmene dans un endroit qui sappelle La Goullire , cest en hauteur sur les falaises. Ils mont dshabille et ils ont voulu me jeter dans le vide. Mais jai t sauve. Il y avait deux braves personnes q u i

arrivaient de la chasse. Ils ont pris leur fusil, ils ont braqu les types. Ils mont sauve. Catherine, que sest-il pass aprs ? Je suis tombe sur des agents de police sensationnels. Ils ont retrouv un des types. Jtais dmolie, javais des bleus partout. Jtais massacre. Il ne mavaient laiss que le visage. Je me suis cache pendant deux ans. Jai repris une vie normale. Ca fait vingt-trois ans maintenant. Et vous savez, Christophe, que je nai jamais plus recouch avec un homme depuis tout ce temps l. Vous avez un mtier maintenant. Jai repris un travail tout de suite. Mme pendant les deux ans o je me suis cache. Et vous navez plus jamais revu votre ancien souteneur ? Jen ai rencontr un une fois, Paris. Jai eu trs peur, jai chang de ville, de travail. Mais jai rien dit la police. Je ne voulais pas que a recommence. Maintenant jai un vrai travail, je suis depuis sept ans dans la mme bote. Catherine, jimagine que personne ne sait. Personne, Christophe. Personne. Pas mme mon fils. Il navait que quatre ans. Je pense pas quil puisse se souvenir. Quatre ans, on est encore un bb. Vous ne croyez pas ? Catherine, 48 ans, secrtaire de direction, pinal

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Alors Arnaud, vous avez ralis un rve extraordinaire ? Mon pouse et moi, voulions absolument descendre les Champs-lyses cheval. Ctait une lubie, une ide folle. Nous sommes cavaliers lun et lautre et cela nous est venu comme une sorte de dfi, un pari. Nous lavons fait lan dernier, la fin juillet. Nous nous sommes glisss dans Paris cheval. Porte de Vincennes, Bastille, Rpublique, Opra, Madeleine. Mais ctait de nuit ? Pas du tout, nous avions donn rendez vous la famille une heure de laprs midi Nous tions parti de huit heures du matin de Nogent sur Marne, avec des chevaux frais et dispos. Et nous sommes arrivs tranquillement sur les Champs-lyses. On a mme pris des photos. On pensait que la police nous arrterait en cours de route. Personne ne nous a rien demand. Il y a juste eu un problme la fin. Nous mourions de faim et nous avons dcid de djeuner Lil de buf,

La chance au tirage All, Christophe Bonsoir Fabrice. Vous avez lair trs essouffl ! Cest que jai eu de la chance, Christophe. Racontez moi a. Ben, je joue pas tellement aux jeux de grattage, dhabitude, vous voyez Je trouve quon paie assez dimpts comme a. Alors la Franaise des Jeux, non merci. Aujourdhui, je sais pas ce qui ma pris, je me suis : Tiens, si je me faisais un petit Morpion . Vous savez ce que cest le Morpion ? Oui, merci, les trucs quon gratte Eh bien, tout lheure, je gratte. Et crac, 5 000 francs. Alors-l, bravo Fabrice, vous avez de la chance Non mais attendez. Le plus extraordinaire, cest que je me suis dit : Tiens jai peut-tre de la chance, je vais macheter un Millionnaire . Et l, jai gagn 10 000 francs. Non Si. Je vous jure. Parole ! 10 000. Mais cest extraordinaire, il faut absolument que vous jouiez au Loto, Fabrice. Oui, peut tre, vous avez raison. Mais ce soir, allez-y ce soir. Cest votre jour de chance. Il faut en profiter immdiatement. Je vais couter votre conseil, Christophe. Jy vais tout de suite. Et tout cet argent, quest-ce que vous allez en faire ? Je crois que je vais gter mon bb. Je viens davoir une petite fille. Ma femme a accouch ce matin. Fabrice, reprsentant, 27 ans, rgion parisienne.

LA CL DES CHAMPScest un petit restaurant sympathique qui donne sur lavenue des Champslyses. On a attach les chevaux. En moins dune minute, il y avait une foule de badauds qui se pressait autour de nous. Oui, ca surprend de nos jours, des chevaux qui broutent un trottoir La police est venue. Il a fallu dcamper. Mais tout sest pass avec beaucoup dlgance. Les agents nous ont aid. Ils nous ont fait un circuit de dlestage. Et on est parti comme on tait venu. Arnaud, avocat, 44 ans, Paris 14

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La voyageuse

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L

hantal, vous tes voyagiste, vous avez d vivre des histoires incroyables e plus drle dans mon mtier se passe toujours sur le terrain. Je me souviens notamment dune escale de prestige. Jaccompagnais un voyage de gens extrmement importants. Un trs grand patron de presse qui invitait ses meilleurs annonceurs. Il y avait le Gotha du luxe, tous ceux qui font la une des magazines conomiques, quelques artistes aussi, pour faire genre. Si je vous donnais les noms, vous les connatriez tous. e groupe arrive en transit laroport de Rio et une des passagres, dont le mari navait pas pu faire partie du voyage au dernier moment, saperoit quelle a embarqu avec le passeport de son mari au lieu du sien. Panique bord. Il tait trs tt. Je comptais sur la nonchalance des Sud-Amricains et je lui ai suggr dessayer de passer malgr tout. Ce qui a march. Le douanier a contrl la validit du passeport, il na mme pas regard la photo. Mais

vous tes dans la confection et vous vendez des vtements pour dame On a tous les rayons au magasin. Homme, femme, enfant. On fait mme les grenouillres pour bb, mais a cest ma fille qui sen occupe, ltage. La confection adulte, on la prsente au rez-dechausse. Il y a aussi deux cabines pour faire les essayages, au fond du magasin. Cest bien organis, quoi. a tourne. Gros, demi-gros, dtail. Bon, je vous raconte mon histoire Un matin, donc, jtais toute seule avec une de mes vendeuses. On stait installes vers la caisse, il y a des petits tabourets pour se reposer un peu. Quand il ny a personne, on se retrouve toujours l, devant le rayon collants. Et puis, voil un client. Ctait un monsieur bien mis, genre Anglais, trs courtois. Il cherchait visiblement un cadeau de Nol faire sa femme. Il tournicotait, un peu gn devant les sous-vtements.

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EORGETTE,

Rayon

manque de chance, il y a eu un attentat. Il fallait reprsenter les visas. Tout tait recommencer. On faisait la queue, deux par deux, devant une srie de militaires lair revche. Jtais ct de la dame en question. On sapprochait tout doucement de la gurite de douane et je voyais avec terreur se rapprocher lchance du contrle, tous les problmes, la police de lair, lavion quon allait rater. rrive notre tour. Une femme en uniforme prend le passeport, regarde ma cliente, la photo de son mari, de nouveau ma cliente, puis encore la photo. Une minute se passe qui dure un sicle. Et la douanire me demande en portugais : Travesti ? Jen ai encore Georgette H., 49 ans, honte. Mais jai rpondu grante de socit textile, oui. Je ne sais pas si la Paris femme de ce trs grand industriel franais avait compris pour qui on la prenait, mais a nous a vit beaucoup de tracas et on a pu continuer le voyage.

lingerie

Je mapproche, rassurante, calme, professionnelle. Je lui demande avec un sourire si je peux laider. Il ntait pas trop fix Une tenue, noire peut-tre, le haut, le bas et puis des collants aussi. Il me donne les tailles, je lui dis les prix. Je lui prsente des modles. Oh ! Ctait un connaisseur, son choix sest immdiatement port sur un ensemble dentelle de Calais, avec un slip ajour trs sexy. Pour les collants, il narrivait pas se dcider. Anthracite, perle, fantaisie. Je peux en passer une paire ? il me demande. Javoue que a ma sci les jambes. Jtais tout chiffon. Je lui ai dit que les cabines taient rserves aux femmes, ou quelque chose dans ce genre-l. Il est parti furieux, vex. Mais je fais pas dans le sex-shop, moi, monsieur.

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Chantal G., 54 ans, voyagiste, Versailles

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N o m p r o p r e

All, Ccile ? Oui, all, bonsoir. Alors vous, il faut le dire, vous vous appelez Ccile Ptasse. Eh oui Bon Eh bien a fait comment de sappeler Ccile Ptasse ? Eh b, cest assez difficile. Je le vis plutt mal. Jhabite le Sud-Ouest, alors ils prononcent bien le e la fin de Ptasse. Mais en fait, mon nom scrit Ptas. Dans la rgion dorigine, le Pays basque, on prononce Petaz. Enfin, ici, cest dur porter, quoi, Ptas En plus, si vous enlevez le s , a narrange rien. Ce nest pas mieux. Ah a non Cela dit, Ccile, moi, si je mappelais Christophe Ptasse, jaurais chang de nom. Ah a, pas question ! Cest un nom familial, on nen change pas comme a. Mais pourtant, vous souffrez, Ccile Si je souffre ? Mais vous navez pas ide, Christophe ! Je me souviens quune fois, jattendais mon tour la Scurit sociale. On tait un groupe de femmes, on faisait la queue. Et tout dun coup, on appelle mon nom au micro. Elles se sont toutes mises rire. Jtais assise au milieu, je nai pas os me lever. Il ny avait que trois, quatre mois que jtais marie, je nassumais pas compltement. Cest votre mari qui sappelle Ptasse ? Eh oui. Alors, cest pas votre faute. Quand on aime Oui, mais dans votre cas, il y a un ct sacerdoce. Allez, bon courage Ccile. Au revoir, Ccile Ptasse. Ccile P., 28 ans, femme au foyer, Lannemezan

Maurice, vous avez m a n g quelque chose d e x t r a o rd i naire, je crois. L ai De la roussette le Vous avez dj ou mang de la roussette ? Moi, oui, la jadore a. Les invicu ts aimaient bien, is se aussi. On en offrait ? toujours ceux du continent, quand ils venaient nous voir la base. Cest une spcialit de NouvelleCaldonie, la roussette. a na pas le got de viande, ni de poisson, dailleurs. Peuttre le fumet du coquelet, en plus fin. Quand on leur dit ce que cest, les gens ont toujours lair dgot. Et pourtant, on la prpare la roussette. On la vide, on lassaisonne. Dans lassiette, a ne ressemble plus du tout une chauve-souris ! Maurice D., 54 ans, ancien gendarme, Arras

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irginie, on vous a fait un drle de cadeau tait un soir de 25 dcembre, en 1981. On ftait a en famille. Enfin, en famille faon de parler. Jtais marie et dans notre mnage, on peut dire quon ne sentendait plus trs bien. On navait pas de mots, non. Ctait pas son genre. Ni le mien dailleurs. La vrit, cest quon navait plus grand-chose se dire. On faisait semblant, pour les enfants. u moment o le Pre Nol passe, mon mari moffre un gros paquet. Je venais de lui donner son cadeau : une cravate Herms. Il avait lair content. Moi aussi, jtais contente. Quil y ait pens On se sourit. Ma mre navait rien perdu de la scne. Jai vu le moment o

V

C

A

elle nous verserait sa larme. Le paquet tait vraiment norme. Je lai pris dans mes bras et je lai dpos sur le canap. ai eu du mal en venir bout. Il y avait des tas de rubans, des faveurs, du bolduc. Ctait pas facile ouvrir. Quand jai enlev le couvercle, jai t estomaque. Rien quen vous le racontant, jai encore le souffle coup. on cadeau, ctait une tte de porc. Le groin, les paupires bouffies, les oreilles avec les poils. Et toute la famille qui me regardait, qui ne savait pas, cest le cas de le dire, si ctait du lard ou du cochon. Jai rien dit. Jai fait comme si ctait une blague pas drle. Huit jours aprs, on a entam une procdure de divorce.

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Les petites

attentions

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Virginie L., 43 ans, standardiste, Paris

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Comme deux gouttes

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epartta -moc ej ,niam al ,siup tE .retrilf ecnem ,sap sias eJ : tid em elle emmoc sap tsec ,errazib tsec -pmem up sap ian eJ .reih tses a .erir ed talc iaj ,rehc : tid am ellE .inif lam ttulp eJ ! errf el se ut siam ,dualaS nob ua resserac al d sap siavan noM .inif tsec a tuot siaM .tiordne - ahc iram tses no ,iom te errf liuq eruehl tE .tc nos ed nuc as ceva sulp sius en ej ,tse tsen li ,sruelliaD .emmef enneim al ceva sulp sulp non

Maurice D., 54 ans, tailleur, Lyon

attrape la main, je commence flirter. Et puis, elle me dit : Je sais pas, cest bizarre, cest pas comme hier. Je nai pas pu mempcher, jai clat de rire. a sest plutt mal fini. Elle ma dit : Salaud, mais tu es le frre ! Je navais pas d la caresser au bon endroit. Mais tout a cest fini. Mon frre et moi, on sest mari chacun de son ct. Et lheure quil est, je ne suis plus avec sa femme. Dailleurs, il nest plus avec la mienne non plus

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,.D eciruaM ,ruelliat ,sna 45 noyL

emmoC xued settuog

,llA suov ,eciruaM xuaemuj set ,uaemuj errf nu iaJ tuot snova suoN .iarv nU .iuo s e l , s e l l i er o s e l , z e n e L . l i e r a p lI .uaed settuog xueD .tuoT .xuey siaM .tnanetniam semN etibah tiaviv no ,senuej tiat no dnauq xuep ej ,noyL .elliv emm al snad ertoN .noitpircserp a y li ,erid el son regnahcd tiatc ,uej dnarg en enucua siaM .seima setitep .etpmoc udner siamaj tse nes -l a n a . e n u , i s n i f n E niol neib sap tial ,evirraJ .euqopl iul ej

All, Maurice, vous tes jumeaux Jai un frre jumeau, oui. Un vrai. Nous avons tout pareil. Le nez, les oreilles, les yeux. Tout. Deux gouttes deau. Il habite Nmes maintenant. Mais quand on tait jeunes, on vivait dans la mme ville. Lyon, je peux le dire, il y a prescription. Notre grand jeu, ctait dchanger nos petites amies. Mais aucune ne sen est jamais rendu compte. Enfin si, une. a nallait pas bien loin lpoque. Jarrive, je lui

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Trou

d

ai

r

All, Jean-Patrick ? Alors, racontez-nous ce qui vous est arriv dans cet avion. Je prenais souvent lavion pour mon travail. Mais cette fois-l, ctait pour lagrment. Jtais dans le Houston-Panama City. Lappareil tait plein. Plus une place de libre. Le voyage avait t plutt pnible. un moment, un peu avant quon arrive, je me penche par-dessus lpaule de mon voisin et japerois travers le hublot une couche de nuages noirs, zbrs dclairs. Ctait justement l quon allait. Le pilote a demand aux gens de regagner leur place et dattacher leur ceinture. Et brusquement, on a eu la sensation trs dsagrable dtre aspirs vers le haut. Nous tions en pleine phase ascensionnelle alors que lavion tait suppos descendre ! Puis dun seul coup, nous avons t

propulss dans un trou dair comme si lavion tombait en chute libre. Il y avait un noir dencre, lextrieur. Lavion est parti en dcrochage, en dsquilibre sur son aile droite. Deux htesses se sont trouves plaques au plafond de la cabine, avec tous les objets qui ntaient pas amarrs, les sacoches, la vaisselle Les gens hurlaient. Jai pens : a y est, on scrase. Et puis, il y a eu un choc norme. Jai regard mon voisin en me disant que ctait le dernier vivant que je voyais. Mais lavion a retrouv un coussin dair. On sest rtablis, dun seul coup. Les htesses sont retombes assez lourdement. Lavion a russi se poser tant bien que mal, grce ladresse du pilote. Jy ai rv pendant des annes. Je nai jamais repris lavion. Jean-Patrick D., 48 ans, Ingnieur commercial, Drancy

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HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

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Rene, vous tes la bellefille dun prtre Oui, jai dcouvert un jour que mon mari tait le fils dun prtre. Excusez-moi, je suis un peu mue, jai des difficults parler. Ctait il y a douze ans, jtais en vacances chez ma bellemre. Jtais alle me promener dans un village voisin, voir des cousins. Et ils ont dit a, au dtour dune phrase, comme si ctait normal, comme si javais d savoir. Moi, jignorais tout. On ne mavait rien dit. Jai port ce poids pendant deux ans, sans en parler mon mari. Et puis, un jour il ma tout a v o u . Dieu, Il ntait pas n mon de pre inc o n n u , beau- comme on lavait dit la pre jour de nomairie le tre ma- riage. Il tait le fils dun prtre. Il se souvenait vaguement de lui, quand il tait petit. Il navait jamais cherch le revoir. Il lavait appel une fois au tlphone, pour savoir. Mais il navait pas eu le courage de parler. Comment on appelle son pre dans ces cas-l. Mon pre ? Rene B., 47 ans, infirmire, Vaugneray

Dangereuses spculations Bernard, vous tes mdecin, et dans lexercice de votre profession il vous est arriv une histoire incroyable C est vrai que je nai jamais revu a, Christophe. Et ma connaissance, aucun de mes collgues na vcu une aventure aussi invraisemblable. Alors, racontez-nous, Bernard. J ai une trentaine dannes dexercice. mes dbuts, jai fait partie dun roulement de garde des mdecins de la commune. On restait disponible tout un week-end ou toute une nuit, on tait appel par le commissariat de police Aujourdhui, les choses ont un peu chang. Cest devenu plus institutionnel, mais lpoque on se retrouvait nimporte o, la demande. Ce soir-l, je me suis donc retrouv chez des gens trs simples, un couple de jeunes gens, des ouvriers agricoles. Elle avait mal au ventre. Jai vite vu quil y avait un problme. Je me suis prpar faire un examen gyncologique. Et l, jentends un hurlement. Jignorais que le mari tait dune jalousie froce. Il sest mis minsulter en me disant que jtais un gros cochon. Jtais berlu. Je ne savais que faire. Il y avait un risque tout de mme, et important. Je suis donc all au commissariat. Je suis revenu avec un fonctionnaire de police. Devant tmoin, jai somm le mari de me laisser examiner sa femme. Il nous a dit quil nen tait mme pas question. On na pas insist, ce qui ne nous a pas empchs de nous faire jeter dehors, le policier et moi Bernard D., 55 ans, mdecin gnraliste, Bar-le-Duc

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Brigitte, v o u s avez vcu une aventure invraisemblable En plus jai des tmoins, Christophe : tout un escadron de gendarmes. Ctait en mars 1991, vry dans lEssonne. Jallais la gendarmerie. Je me dpchais parce quil tait presque 7 heures. Javais peur que ce soit ferm au public. Et au moment o jallais entrer, je lai vu Jai cri. Le gendarme en faction lavait vu aussi, il a appel ses collgues. Ils sont tous sortis et on a regard. a a dur un grand moment. Mais de quoi sagissait-il Brigitte ? Il tait au-dessus de nous, dans le ciel. Un objet volant non identifi. Un triangle, norme, avec plein de petites lumires tout autour. Il sest immobilis, et partir de l plus rien na boug. On aurait dit que tout sarrtait. Il ny avait plus de bruit dans les arbres, pas une feuille qui bougeait. Comme si rien dautre nexistait. Et les gendarmes, Brigitte, quest-ce quils disaient ? Rien, ils taient bouche be, la tte en haut. Ils regardaient. On aurait dit une sorte de navette spatiale, comme on en voit la tl, avec un phare norme qui clai-

rait tout le ciel. Un avion est pass cot, il sest dtourn. Et vous tes reste combien de temps, comme a, Brigitte, regarder le ciel avec les gendarmes. Jai limpression que a a dur une ternit. Je ne sais pas au juste. Peut-tre deux bonnes minutes. Quand je suis rentre chez moi, je tremblais des pieds la tte. Jai racont ce qui mtait arriv, mais tout le monde sest moqu de moi. Mon mari ne voulait pas me croire, mes enfants mappelaient Star Trek. Jtais colre, je vous jure. Et puis aux informations de 20 heures, ils en ont parl. Ctait un objet volant non identifi qui avait survol la France de Rouen jusqu Strasbourg en passant par Paris. Et vous vous sentiez comment, Brigitte ? Jtais toute drle. Javais vu Rencontres du troisime type. Ctait exactement pareil. La lumire rose, le phare blanc. Mon mari a un ami qui travaille la tour de contrle dOrly. Il lui a demand. Et il parat que a se voyait sur les crans. Ctait indiqu sur le radar. Avant, je ne croyais pas aux ovnis. Maintenant, oui. Je men souviendrai toujours. Ctait juste pendant la guerre du Golfe.Brigit te L., 42 a ns, a ttach e co mme rciale , vry

Vol la

gend arm erie

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Amours vertigineuses Pouvezvous nous raconter votre plus folle nuit d a m o u r, Sylvia ? Bien sr, Christophe, cest pour a que jappelle. Un soir, vous savez, jai fait lamour au s o m m e t dune tour de dix-huit tages, sur une piste datterrissage dhlicoptre. Notez que quand je lai fait, il ny avait

p a s dhlicop tres. Ctait la nuit, dans u n e grande capitale e u r o penne. Au dixhuitime tage, a donne des sensations trs trs fortes. Je ne sais pas si

cest pareil pour tout le monde mais moi, le souvenir est rest intact dans ma mmoire et pourtant a fait cinq ans ! Je ne suis pas coutumire du fait, remarquez. Moi, les lieux tranges, cest pas mon truc. La piscine, par exemple, jai beaucoup damis qui men ont parl. Mais, non. Moi, ce serait plutt laltitude. Le tlphrique me plairait normment.

Si vous connaissez de Mais on va le f a i r e s a v o i r, Sylvia ! Merci de v o t r e appel. Cest moi qui v o u s remercie, Christophe. Vo t r e mission, je lcoute tous les soirs.

acky, cest le puma, il est gentil, vous savez, doux comme un agneau. Le problme, cest quil mange beaucoup. Jojo, lui, il est plus dur. Surtout quand il a ses poques, enfin ses folies. Vous voyez ce que je veux dire, la priode du rut L, il devient dangereux. Il fait 1,45 mtre, Jojo. Il pse ses trois cents kilos. Deux fois, jai failli y passer. Jaime bien les animaux, remarquez. Mais il y a des limites.

Un voisin encombrant

Patrick, vous tes un grand ami des btes Jaime bien les animaux. Chez moi, jai un gorille et un puma. Mais il faut de la place. Et puis de la passion, aussi. Honntement, ces btes-l, cest pas fait pour vivre en appartement. Moi, je vis dans un pavillon. Les voisins ne sont mme pas au courant. Sagit dtre discret, vous comprenez Jacky est toujours enferm dans sa cage.

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Patrick R., 43 ans, agent commercial, Calvados

Mme quand vous tes au dix-huitime tage ? Sylvia B., 42 ans, maquilleuse, Boulogne-Billancourt

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A

Andre, vous tes partie la recherche de la vie antrieure E SUIS NE en me demandant pourquoi jtais ne. Aussi loin que remonte ma mmoire, je me suis toujours pos cette question. Un jour, je suis tombe sur un livre de rcits de rgressions et a t un choc. Je suis trs attire par le Moyen ge, par le Mont-Saint-Michel. Je naime pas du tout le Cotentin, jai toujours eu peur du feu, des chiens. Ctait le signe que javais quelque chose retrouver. Jai retrouv ma vie antrieure. Mais on vous a aide, Andre, ou vous y tes arrive toute seule ? H, je me suis fait aider ! Il y a des cours pour a. On est allong sur un matelas dans lombre, avec une musique

J

J

froid (jai eu trs froid pendant ma premire rgression). Ctait au XVIIIe sicle. Jtais un trappeur, mari une Indienne. Je me suis fait attaquer par un ours. Il ma griff le dos. Aprs, je me suis retrouv Londres. Javais perdu mes parents, jtais assez pauvre. Un oncle avec un chteau ma recueilli. Cette vie-l tait marque par la solitude. Je suis mort tout seul dans une vieille bicoque, oubli de tous Aprs, on se retrouve SaintPtersbourg, au dbut du XIXe sicle. Jtais la femme dun officier de marine. Il est mort pendant la guerre, je me suis retire du monde et jai port le deuil du tsar. Vos dernires rincarnations, ctait quoi ? TAIS un soldat allemand, n vers 1920 Berlin. Mes parents taient mdecins. Jai t Sainte-Mre-glise. Je me suis

Andrerelaxante. Cest trs agrable, on a limpression de ne plus avoir de corps. On se sent en tat dapesanteur. Puis on visualise des chiffres, des couleurs, on se voit descendre un escalier de trente marches, on voit un tunnel et au bout, une lumire. Andre, pouvez-vous me dire jusquo vous tes remonte comme a ? E PLUS LOIN, cest par mon mari que je lai vcu. Il a fait une rgression, il sest retrouv dans la prhistoire. Il a chass un mammouth et il ma rapport une patte de mammouth. Et vous tiez dj avec lui, la prhistoire ? Vous tes un vieux couple N TOUT CAS , je lai retrouv dans deux vies. Vous pouvez nous raconter vos vies, vos mtamorphoses, les diffrents avatars que vous avez vcus ? A A COMMENC au XVIIe sicle en Laponie. Jtais un homme, sur un traneau, avec des chiens. La banquise a cd, je me suis noy. Les chiens, eux, sen sont sortis. Aprs je me suis retrouv au Canada. Il faisait

et ses avatarsretrouv tout seul aprs le dbarquement. Jai gorg une famille de paysans. Jai viol une des filles sur la table de la cuisine. Jai t captur et pendu. Oh, la vache ! Ctait votre dernire vie ?

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L

A DERNIRE,

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avant que je remonte au XVe sicle. Mais franchement, Andre, ce sont des vies antrieures ou plutt une imagination dbordante ? E NE SAIS PAS si limagination me permettrait de ressentir trs exactement la griffure de lours prhistorique que jai garde dans le dos. Vous avez une cicatrice ? ON, mais des douleurs. Surtout quand je me baisse. Eh bien, merci Andre de mavoir racont votre biographie si riche.

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Andre G., 40 ans, professeur dducation physique, Amiens

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Gomtrie

e, br y m Il ve 1 . s , no 2 r ut 8 le ap to le et is ir d s, 0 a la an n ui 2 s m ais m t. O si, t p , le le av de di us i . E 19 aro e j a ut t a la : nc le p m m to hris Je t e do e, es om ur ai C rs. en d s, r d C c ui le u rs fils p le ar b s is. le l u m m r a r Je v s p le r s e ce ou n u t. ai s st , it ri r l 28 d ouj fra nsie sai s. J de se reth a fa app ieu e, Ce e 7 it t t en mo pas re lle uil aza l m ais ons e. qu r la I r l a i ri e q av ta se, i se s p hap ce e N . jam e m esu Lv leve r d t i u c o u e . ch e q it d la c pa sus sci , ja t q t m ur d c a s u u i n it a f an onn is J ress Mo me fur e le c pta d c u r e . e re e s me tin us t au ieu cc J om u la ure dui ons il a lh r d He tra m . S te tin. me ntil, ien la r ge it r cu est e fa Il i , n lu

Madeleine, vous avez quelque chose de croustifondant nous raconter Mon mari est plombier. Il travaille dix kilomtres dici. Il me rveille en partant pour que je ferme la porte clef derrire lui, cause des chiens. Tous les matins, je me mets la fentre, je le regarde partir et je reste un moment accoude, sans rien faire. Cest le moment le plus agrable de la journe. Il ny a aucun bruit, les oiseaux dorment encore. Jen profite toujours pour faire une petite prire. Le 28 mars, jallais commencer prier quand jai aperu une grande lumire sur la butte. Jai eu peur, jai repouss lafe bo nt ri u re vo en. t de et t l a n J d je de l. te ai ix m me im p Al , ja pe in su fro m lus ors va ns ute is Au tt en b , j is s, j rec n ss le se elle ai vu u y r ou di ai p it s se . C rec un ne eto ch m re. as t, j ye st e om e s ur e Ch a t C c ai ux. fo st m m ou ne. . A ris rad ta om en Je rm l q en issi co Plu u t. ui it d p te m e u c on up s t a u r i s nd e . u e Je p la c u s Je ne p l la rs tin. e q tro uis m cr rie a i v : M u is s e oi r ue V on e m ign su x six oil sie a v ots e is fo la ur le ou . Je . is, cr c lai la oix ur t cr du oi x.

croix, a changerait la face de la terre. Une croix de 738 mtres. Cest bien a qui a t demand. Comparable Jrusalem , il ma dit le Christ. Je nai pas compris ce que a voulait dire. Monsieur le cur non plus. Alors il est all se renseigner, je sais plus trop o. Il ma expliqu : du niveau de la mer au Golgotha, o le Christ est mort, a fait exactement la hauteur. Cest pour a

quils veulent du 738 mtres. Questce que cest 738 mtres pour sauver les hommes ? Mais lvque, rien faire, il veut pas en entendre parler. Madeleine S., 62 ans, sans profession, Fougres

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Il y avait u ace. n im e l les moniteurs. U sd c e mbiance de la n v a c dun temp t farceu s

il ue a no ,i ed o ed iaf nO .puocu m t c as a ti hpotsirhC ,r e .e e u J oV tt su

nil al ,idim rg rp ys e -srp ino a e e tiat b craf tnemar lo e neH , e eir

idi, la ling s-m re pr nie sy prtait e a lo o ament farce b r , Henri e e

je fectionn notre on ramasser av p es s limace ec e m onie. C s ol c h t e

e plusieu ervi rga rs fois ss l. N . re sest E t de s, je ne fe ou re uv e suis so ra a J t. porter. r p ..

m a y lI .r m nifnE s nei e iu b e fe r b u , sellE .e h a tno d uq tid t n le ap s i

euq tiayor c eir tiavan no ell n tid ojua a sulp ,s , s ru d siuc al ed eit i i ua n O ia r n . a

ait que roy c ait lle on nav rien di t s, plus a aujour , is de la cuis d tie n aur i ai O n a .

a 45 ,.M m ,sn e ga .strev suneve . st p A i fn o tnei

ecy L a A nn e, e quon avai c c t t- leur a rac r n et s a o gn . u ..

al e e!puo il eirn H log stt tnos sli ,tn i d stiurf x c at c

eca

e la up! Henr li soigol , ils son iettnt ruits t d c xf t a c

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n bruit bizar it u r , nous av e qu isa on e fa suite En sommes alle s c s us oir, ces d l uv it la a c ea eti

e mainten a td en is nous, que n a M s, quand o s r es bei d

onitrice qui em s un ner, tout le m es u d ouffrir les p on s criaie les su n pu

ecirtinom e iuq s el tuot ,ren nu d se m el rirffuo u s no p s iairc s el ne us up

ib tiurb nu tia rraz s q e va suon ,etiusn iaf eu o a semmos E sn c ell s l s d sec ,riovu u a l tia ca e ite

siuc al nos stitep tsissa . a notb esue ed te rb .s N .s o ed tia mo n elp nol iu e g . p. .

J .tengieb n e ia p ay ed stop se et sa ruo ssa tne d t ze ia n li emm t v ni m o q

er des be tionn ig fe c nne quip net on e bo e un ais cet t-l a M toujours , l ai tes trs

tiava y lI .ecam nu etinom se il ed .sru s l ecnaib c nU ma ev l ed c a et nud pm ecraf t su

on a eu lide oi, up. On fa de is a c t m uco ea , Christophe it ur . tte ou J V s

b sed rennoitce gie ennob e fno ten piuq n a e l-t tec siaM u l , ruojuot s t set ia r s

net. Je beig s de nai p t yao as te es po d ient assez urt ta me il n o m in v m q

on nnoitcef ej ert ssamar no p va re se ce ecamil sem s .einolo C e hc t

la cuisson. sist as de petits bton a et breuses. N s. o om ait de pl en i long e u .. . p

sulp eivr sruei ess of .si .lagr tses er E oN en ej ,se ed t rvu u ef ar s sius eJ a ro etrop .t p .r ..

r. Il y a mm n s Enfin b e e re u bie i hu . Elles ont f, a ne dit que d t l i pa s

a 54 an m e M.,nus verts, ag s e ev fits. Ap . o n ent i

ycenn aL a nouq eA ,ec c iav r t ar a ruel n -t o c s te n g ua . ..

ce

tniam ed t ne n na uq ,suon sia e se dnauq ,s M o eb se r d i

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HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

UN COUPLE LESSAI Denise, vous tes commerante et vous avez t le tmoin dune histoire incroyable Javais ouvert mon magasin depuis deux ans environ. Un matin, entre une dame que javais dj vue. Elle choisit plusieurs vtements, elle enfile, elle dsenfile. Et pendant quelle est dans sa cabine en train de faire ses essayages, japerois devant la vitrine un couple trs amoureux, trs enlac qui se dcide enfin entrer. Je les accueille, je leur fait larticle. Ils avaient vraiment lair trs amoureux. Lui la serrait de prs, se collait, cen tait presque gnant. Javoue que quand il la accompagne dans la cabine, jai failli dire quelque chose. Il y a des limites, tout de mme. Enfin, je suis commerante, jai fait comme si je navais rien vu. On est l pour vendre. Mais comme je ne voulais pas non plus les laisser faire nimporte quoi, je suis reste colle leur cabine. Je me raclais la gorge pour marquer ma prsence, jcoutais malgr moi leurs mots tendres Et puis brusquement, je me suis rappel ma premire cliente. Elle tait encore dans sa cabine, cellel. a faisait bien un quart dheure quelle ntait pas sortie. Alors je tire le petit rideau, je lui dis : Quest-ce quil vous arrive, je peux vous aider ? Elle tait accroupie, mais pas vanouie. Elle me fait signe de me taire et me tire lintrieur de sa cabine. Taisez-vous , elle me supplie. Surtout, ne dites rien Le couple, dans lautre cabine Cest mon mari avec sa matresse Sil me voit, il me tue. Denise F., 36 ans, commerante, Belfort 38

Lesprit de Raymond Monique, vous communiquez avec lau-del Avec mes filles on a fait beaucoup de spiritisme. Il y a trois, quatre ans, ctait presque tous les jours. On posait un verre retourn au centre dune circonfrence de lettres et de chiffres. Le verre bougeait et venait taper dans les lettres. On a fait a longtemps, sans rsultat. Ctait trs fatiguant, les bras finissent par sankyloser. Et puis, on est entrs en contact avec Raymond. Il venait du XVe sicle. Il tait serf sous Pierre de Roubaix. Condamn mort et enterr dans la cave. Dailleurs, il y a une aurole la cave, une trace humide qui a la forme dun petit homme. Une silhouette mouille, comme quelquun qui se serait couch tout nu par terre en sortant de sa douche. a ne sche jamais. Et pourtant le sol est en bton. Tous les soirs, Raymond nous parlait. Il nous a donn des dtails sur lemplacement de la maison. Un terrain marneux, il a dit. Jai t me renseigner la mdiathque sur les parchemins de lpoque. Il avait raison, Raymond. Il nous aussi donn lemplacement exact de lancienne glise. a correspondait. Et plein dautres dtails, tous plus vrais les uns que les autres. Mais la fin, a devenait trs prenant. On passait toutes nos soires avec lui. On a dcid darrter. On lui a dit avec mnagement. Cest quil nous faisait un peu peur Raymond, quand bien mme il tait gentil. Maintenant, cest fini tout a. On ny pense plus. Enfin presque plus la cave, il y a toujours des fleurs sur lemplacement de Raymond. Cest lui qui les a rclames. Monique S., 47 ans, secrtaire, Offekerque 39

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HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

aurice, vous tes garon de caf taurateur.

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gras en entre. Ils ont donc djeun et bien djeun. tion, le monsieur me dit : coutez, on a oubli le chquier dans la voiture, on va le chercher, est-ce que a vous embte de surveiller notre fils deux minutes ? Moi, je dis Bien sr . Pensez, des clients comme veux a ! Joffre mme une glace une autre au petit. Dix minutes glace ? Non, il passent, les parents prend de la tarte. Une ne reviennent demi-heure, toujours rien. pas. Tu Je commenais minquiter. Je vais voir le gamin, je lui dis : Tes parents y reviennent pas, mon garon. Tu veux encore une glace, en attendant ? Et hop ! une dame blanche pour le morveux. u bout dun moment, jy tiens du plus, je retourne le voir. En souci. Il y mettant les formes, aurait pas ide, je lui dis que je par hasard, de lenme fais droit o seraient alls ses parents Mes parents ? il me fait. Mais, monsieur, cest pas mes parents. Je les ai rencontrs dans la rue. Ils mont dit : viens, on va manger lil. Maurice R., 58 ans, restaurateur, Strasbourg

Non, Christophe, je suis res-

Au moment de rgler laddi-

Pardon ! Mais jai t garon de caf aussi. Ilny a pas de mal a. Enfin, quand lhistoire sest passe, je tenais un restaurant en grance. Javais une

e roi d ner jeu D grandebrasserie, ce moment-l. Un jour, un couple de Parisiens arrive avec un enfant. Les Parisiens, je les repre tout de suite. Ils ne prennent jamais le menu, ils choisissent les supplments et ils laissent de gros pourboires. Je men suis donc occup personnellement. Ils ont pris des belons, des soles, un chateaubriand sauce barnaise.

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Le petit avait de lapptit aussi. Je me souviens quil avait voulu du foie

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Philippe, vous avez une histoire trs croustifondante nous raconter ? Je dirais plutt quelle est tourneboulante, voire mme esbaudissante Vous tiez veilleur de nuit, cest cela ? Pour financer mes tudes, je faisais des gardes de nuit. Plus exactement, je moccupais du standard de maintenance. Les veilleurs de nuit, ctaient des professionnels. Enfin, professionnels, Le veilleur de nuit faon de parler. Ils avaient un port darme mais ils taient toujours ronds comme des queues de pelle. Je les entendais gueuler dans les couloirs dserts. Ils excitaient leurs chiens. Il mest arriv de menfermer pour pouvoir travailler tranquille. Dites donc, ils taient plutt dangereux vos petits camarades ! Vous ne croyez pas si bien dire, Christophe. Un jour, ils taient tellement ronds quils ont commenc se tirer dessus. Ils se sont blesss. Il a fallu appeler les pompiers. Il y en a mme un qui a perdu un il dans lhistoire. Cest pouvantable, votre histoire Oui, mais elle est vraie, comme tous ces tmoignages dauditeurs que vous recueillez tous les soirs, Christophe. Sauf que l, ctait : tous les coups de feu sont permis. Philippe S., 31 ans, ingnieur conseil, Mulhouse

elque sestavion, Jean-

Ci Alors,

il pass dans cet Philippe ? L aventure mest arrive sur le vol ParisHong Kong de la Cathay Pacific. On faisait une longue escale Bahren. Ctaient des vols interminables mais extraordinaires : la compagnie Cathay Pacific ntait pas encore trs connue lpoque. Je suis arriv Bahren quatre heures du matin. On a bu quelques coupes et je suis remont dans lavion un peu mch. Il y avait devant la porte du 747 une jeune femme trs longue, trs grande, trs mince, trs chinoise. Quand je lai vue, je ne sais pas pourquoi, je lui ai dit : You again ? , cest encore vous ? Elle ma rpondu : Its me again. Whats the way ? Mais qui tait cette femme ? Elle tait htesse de lair, chef de cabine. On ne se connaissait pas du tout. Elle tait clibataire, moi jtais en instance de divorce. Nous tions libres tous les deux. On sest retrouvs Hong Kong le lendemain, o je ne lai pas quitte pendant deux jours. On sest revus et puis et puis on sest maris. Maintenant elle est franaise. On a deux beaux petits enfants. Jean-Philippe D., 54 ans, juriste international, Paris

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mo n m ari

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All, Josette ? Oui, bonsoir. Cest moi, cest Josette. Alors, Josette, questce qui vous est arriv ? Oh ! Christophe ! Je suis tellement contente de vous parler. a, cest gentil Josette.

Non, cest surtout. Je vais pouvoir me venger Ah, a ! Non ! Josette. Vous mavez promis. Pas de noms ! Pas de nom, cest daccord. Jai promis. Mais ce nest pas lenvie qui men manque

pas ? Et puis, nest-ce pas, on est des gens corrects. Alors, puisquon avait rserv On sest installs. On a pris lapritif. Et puis, ils nous ont prsent les menus. Mais dans ce restaurant trs chic, on nous a tendu une carte

brasserie ! Pour vous faire une ide, je vais vous dire ce que jai choisi. Cest ce que javais trouv de mieux , entre guillemets. Jai pris pommes de terre lhuile avec une tranche de saumon (une seule !). Mais le comble, ctait le

Merci Josette Alors, votre histoire ? Ctait dans un restaurant. Cest a, oui. Un trs grand restaurant. Un des plus connus, dans le VIIIe arrondissement, juste ct de la place de la Concorde, vous savez le

Pas de noms, Josette! Daccord. Grand le restaurant, trs chic. Nous tions alls au thtre Paris. Une belle sortie, bien organise, grand luxe. Pas le cin-resto, non. La tourne des grands-ducs. Nous tions quatre cou-

chariot de desserts. Des crmes, des yaourts, des petits Gervais. La cantine, quoi. Et la douloureuse, vous avez une ide de la douloureuse ? Elle nest toujours pas passe, cellel. 4 800 francs ! Presque 5 000 balles huit. Six

cents francs par personne pour des restes de bistrot ! Jtais folle de rage, vous savez. Javais entendu une fois une technique pour se venger des restaurants, vous allez aux toilettes et vous volez tout le papier. Cest un peu svre, mais

ples. Javais rserv pour minuit mais le spectacle a pris du retard, nous sommes arrivs minuit vingtcinq. Huit couverts, quand mme. Et trs chic, je vous le rappelle. Donc, nous arrivons, tous les huit, avec nos manteaux. Accueil trs

froid. Le matre dhtel na mme pas dit bonsoir. Il a juste regard sa montre en nous faisant remarquer schement que nous tions en retard. Un temps dhsitation, nous nous sommes regards tous les huit. On y va ? On ny va

faut ce quil faut. Eh bien, vous me croirez si vous voulez. Dans les cabinets de ce restaurant trs chic dont jai promis de ne pas donner le nom, il ma t rigoureusement impossible de voler du papier hyginique. Peut-tre quel-

quun qui avait dj eu lide Je ne sais pas. Toujours est-il que du papier, il y en avait plus une ramette ! Josette P., 39 ans, femme au foyer, Saint-Rmyls-Chevreuse

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voile et pdales

peut tre liGuilcenci surlaume, le-champ. racontez-moi Cest stipul votre histoire dans le contrat. Ils damour. ont eu des problmes Jtais responsable dans le pass. On est resdans une grande chane de restauration, et puis jai ts ensemble pendant quelque temps. Ctait imposcraqu pour une de mes sible vivre. On ne employes, et elle a pouvait pas sortir, craqu pour moi. on se cachait. Je Rien dire, sauf la sentais un que cest stricpeu mtement chapinterdit. p e r. On

Lamour fouElle Alors, sest jai pris serr la la dcision ceinture de quitter mon pour maider. emploi, de dJai retrouv un missionner, parce emploi mais 120 que je pensais avoir kilomtres, sur la Cte. plus de facilits quelle pour trouver un autre job. Elle travaille le samedi, je suis de garde le weekJai galr pendant six end ; on arrive se voir mois, sans emploi, le dimanche matin. sans indemnits, Enfin, on est lisans RMI, puisbres et cest a que javais qui compte, dmisnon ? sionn.ns, B., 4 1a me illa u Gu che fd er an g, Mo

Franois, vous venez de raliser un exploit sportif soixante-seize ans Aprs trois effets infructueux, jai travers la

Manche en pdalovoile. Jai mis cinq heures quinze, je mattendais en mettre huit ou dix. La mer tait mauvaise, des creux de trois, quatre mtres. Ctait impressionnant. Dans la foule, jai battu le record du monde de distance en pdalo. Jai parcouru

4 118 kilomtres en 105 jours. Le circuit tait SainteMenehould sur un tang balis de un kilomtre. On a tourn en rond pendant 105 jours. Avant, je faisais du kayak, mais je me suis reconverti. cause de mon dos. Franois L., 76 ans, retrait, Rennes

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ntp elli e

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HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

HISTOIRES DITES ET ENTENDUES

Grard, vous avez vu quelque cho-

avec un grand sourire. Jentre, confiant. Javais pas vu sur le coup, mais il avait ferm la grille derrire moi. lintrieur, les flics taient en train de jouer la belote. Il y avait pas un bruit l-dedans, juste un type qui tapait la machine avec deux doigts. Ctait le grad. Il lve la tte : Quest-ce que cest ? Ben voil, on vient de trouver un chameau.

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Grard L., 53 ans, menuisier, Le Pr-SaintGervais

Pardon ? Oui un chameau, avec un gars dessus, il est compltement saoul. Quoi ? Il est dessous ou il est dessus ? Il est saoul dessus. Le grad se retourne vers ses collgues. Il dit : Venez voir, les gars, il y a quelquun qui a trouv un chameau. Les types se lvent. Ce devait tre des flics de nuit. Des armoires glace. Ils mentourent. Alors, comme a, vous avez trouv un chameau ? la fin, ils mont cru. Ou alors, ils ont fait semblant. Ils ont dcid daller sur les lieux. Mais entre-temps, forcment, le gars avait disparu. Peut-tre mme quil avait eu le temps de monter jusqu la porte des Lilas. On tourne un peu dans la Dauphine des flics (ils ne mavaient pas laiss reprendre ma 4 CV), on refait tout le parcours. Et puis tout dun coup, on laperoit, en haut dune rue, en train dengueuler son chameau. Et a, je leur fais. Cest pas un chameau, peut-tre ? Le grad tait furieux. Il ma mme pas regard. Et puis son il sest allum. Et entre deux chicots jaunis, je lai entendu mchonner sa rponse. Cest pas un chameau, il a dit. Cest un dromadaire.

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Je revenais de Bobigny. On tait alls arroser lanniversaire dun copain. Javais ma 4 CV lpoque. Je me souviendrai toujours. a sest pass avenue du Belvdre au Pr-Saint-Gervais. Si vous ne connaissez pas, cest une avenue o il y a de petits acacias, un arbre tous les dix ou quinze mtres. Je roulais peinard et dun seul coup, dans mes phares, je vois quatre acacias dun seul coup. Je marrte, je recule. Questce que je dcouvre : les pattes dun chameau, avec un type dessus. Il tait emml dans les branches. Il gueulait, il sexcitait, il a fini par tomber de son chameau. Inutile de vous dire quil tait compltement rond. Comme le chameau stait couch, il lui donnait de grands coups de pied pour le faire lever. Et lanimal hurlait, hurlait. Il blatrait (cest bien comme a quon dit pour un chameau ?). Jessaie de minterposer mais le gars continuait frapper. Moi, jaime bien les animaux. Alors, avec la 4 CV, je vais au commissariat des Lilas. Il tait minuit pass. Je dis au planton : Jai trouv un chameau, avec un type compltement saoul. Entrez donc , il me fait,

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