Analyse combinatoire€¦ · à une taxinomie, et à une combinatoire : algèbres et groupes de...

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1 Analyse combinatoire _________ 1. Nombres d’applications, de parties. 2. Principe des bergers. 3. Nombres d’injections et d’arrangements. 4. Nombres de parties et de combinaisons. 5. Propriétés des coefficients binomiaux. 6. Principe d’inclusion-exclusion. 7. Principe des tiroirs. 8. Polynômes et séries génératrices. 9. Invariants combinatoires. à Florent Hivert, Pierre-Jean Hormière __________ « L’analyse combinatoire conduit à l’imagination numérique et enseigne l’art de la composition numérique la base générale mathématique. » Novalis, Les sciences philologiques. L’analyse combinatoire est une branche de l’arithmétique se proposant de dénombrer ou énumérer certains ensembles ou structures finies, ou d’en démontrer l’existence. L’origine de ces structures est extrêmement variée (arithmétique, géométrie, probabilités, jeux, graphes, algorithmique et langages de programmation, etc.), ainsi que les techniques permettant de les étudier. En fait, toute théorie mathématique, y compris topologique ou différentielle, dont les objets peuvent être entièrement inventoriés et caractérisés au moyen d’un nombre fini d’invariants (entiers ou polynomiaux) aboutit à une taxinomie, et à une combinatoire : algèbres et groupes de Lie, théorie des noeuds, problème des quatre couleurs, etc 1 . L’analyse combinatoire s’est développée au XVIIème siècle (Pascal, Leibniz), en liaison avec le calcul des probabilités. Rappelons que si E et F sont deux ensembles finis, on a : card (E F) = card(E) + card(F) - card(E F) et card(E × F) = card(E) × card(F) . 1. Nombre d’applications d’un ensemble fini dans un autre . Proposition 1 : Si X et Y sont des ensembles finis de cardinaux resp. n et p, alors card F(X, Y) = p n . Preuve : Notant X = {x 1 , …, x n } les éléments de X, l’application f (f(x 1 ), …, f(x n )) est une bijection F(X, Y) Y n . Il reste à passer aux effectifs. Remarque : C’est ce résultat qui explique la notation de l’exponentielle ensembliste F(X, Y) = Y X . Corollaire : Si X a n éléments, card P(X) = 2 n . 1 De même, Mark Twain prétendait classifier les histoires drôles en douze types, et Charles Fourier proposait une savoureuse hiérarchie du cocuage en 80 types répartis en deux classes. Quant à Nikos Kazantzaki, il distinguait 77 espèces de folie.

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Analyse combinatoire _________ 1. Nombres d’applications, de parties.

2. Principe des bergers.

3. Nombres d’injections et d’arrangements.

4. Nombres de parties et de combinaisons.

5. Propriétés des coefficients binomiaux.

6. Principe d’inclusion-exclusion.

7. Principe des tiroirs.

8. Polynômes et séries génératrices.

9. Invariants combinatoires. à Florent Hivert,

Pierre-Jean Hormière __________

« L’analyse combinatoire conduit à l’imagination numérique et enseigne l’ art de la composition numérique la base générale mathématique. »

Novalis, Les sciences philologiques.

L’analyse combinatoire est une branche de l’arithmétique se proposant de dénombrer ou énumérer certains ensembles ou structures finies, ou d’en démontrer l’existence. L’origine de ces structures est extrêmement variée (arithmétique, géométrie, probabilités, jeux, graphes, algorithmique et langages de programmation, etc.), ainsi que les techniques permettant de les étudier. En fait, toute théorie mathématique, y compris topologique ou différentielle, dont les objets peuvent être entièrement inventoriés et caractérisés au moyen d’un nombre fini d’invariants (entiers ou polynomiaux) aboutit à une taxinomie, et à une combinatoire : algèbres et groupes de Lie, théorie des nœuds, problème des quatre couleurs, etc 1. L’analyse combinatoire s’est développée au XVIIème siècle (Pascal, Leibniz), en liaison avec le calcul des probabilités.

Rappelons que si E et F sont deux ensembles finis, on a :

card (E ∪ F) = card(E) + card(F) − card(E ∩ F) et card(E × F) = card(E) × card(F) . 1. Nombre d’applications d’un ensemble fini dans un autre.

Proposition 1 : Si X et Y sont des ensembles finis de cardinaux resp. n et p, alors card FFFF(X, Y) = p

n.

Preuve : Notant X = x1, …, xn les éléments de X, l’application f → (f(x1), …, f(xn)) est une

bijection FFFF(X, Y) → Yn. Il reste à passer aux effectifs.

Remarque : C’est ce résultat qui explique la notation de l’exponentielle ensembliste FFFF(X, Y) = YX

.

Corollaire : Si X a n éléments, card PPPP(X) = 2n.

1 De même, Mark Twain prétendait classifier les histoires drôles en douze types, et Charles Fourier proposait une savoureuse hiérarchie du cocuage en 80 types répartis en deux classes. Quant à Nikos Kazantzaki, il distinguait 77 espèces de folie.

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Preuve : À toute partie A ∈ PPPP(X) associons sa fonction indicatrice2 1A(x) = 1 si x ∈ A , 0 sinon.

L’application A → 1A est une bijection PPPP(X) → FFFF(X, 0, 1) ; il suffit de passer aux effectifs.

On peut aussi faire une récurrence sur n . Si n = 0, X = ∅ et PPPP(X) a un élément : ∅. Si le résultat est vrai au rang n−1, isolons un élément a de X.

Si A ne contient pas a, A est une partie de X − a : 2n−1

possibilités.

Sinon, A s’écrit de façon unique a ∪ B, où B est une partie de X − a : 2n−1

possibilités.

Au fond, PPPP(X) se présente comme un arbre de décision dichotomique. Numérotant x1, …, xn les

éléments de X, à chaque étape, soit on prend xk, soit on ne le prend pas.

Exercice 1 : Montrer qu’on peut numéroter explicitement, de 0 à 2n − 1, les parties de 1, 2, …, n,

en associant à toute H ⊂ 1, 2, …, n l’entier NH = ∑∈

Hh

h 12 ( avec la convention n∅ = 0 ).

Exercice 2 : On considère les ensembles ∅, PPPP(∅), P P P P(PPPP(∅)), PPPP(PPPP(PPPP(∅))), etc. Quels sont leurs cardinaux ? Expliciter les premiers d’entre eux.

2. Principe des bergers.

Principe des bergers : Soit u : S → T une surjection. L’on suppose chaque « fibre » u−1

(t), t ∈ T, finie de cardinal q ≥ 1. Alors : S est fini ⇔ T est fini et l’on a card S = q × card T .

Preuve : Les fibres u−1

(t), t ∈ T, forment une partition de S en ensembles finis de cardinal q. Si T est fini, S est réunion finie d’ensemble finis, donc est fini, et card S = q × card T . Si T est infini, S est réunion infinie d’ensembles non vides, donc est infini.

Ce principe s’applique dans les deux sens, selon que l’on cherche card S ou card T. Nous en verrons des applications dans les § 3 et 4. Donnons-en des applications qui anticipent sur la suite.

Exercice 1 : Soit Pn un polygone régulier de centre O, dans le plan. Combien y a-t-il d’isométries

planes conservant Pn ?

Indication : Soient A1, …, An les sommets de Pn. Remarquer qu’une isométrie plane u conservant Pn

laisse fixe le point O, et considérer l’application u → u(A1).

Exercice 2 : Soit f : G → H un homomorphisme de groupes. Montrer que : G est fini ⇔ Ker f et Im f sont finis , et qu’alors card G = card Ker f × card Im f .

Indication : L’application f induit une surjection de G sur Im f , qui obéit au principe des bergers, car

pour tout y ∈ Im f , la fibre f−1

( y) est équipotente à Ker f = f−1

( e), où e est le neutre de H.

En effet, si f(x0) = y, il est clair que s → s.x0 est une bijection de Ker f sur f−1

( y). Conclure.

Exercice 3 : Soient p un nombre premier, E un Z/pZ-espace vectoriel de dimension n. Combien E admet-il de droites vectorielles ? de droites affines ?

Exercice 4 : Lemme de Poincaré. Soient G un groupe multiplicatif, H et K deux sous-groupes finis de G. On introduit l’ensemble H.K = x = h.k ; (h, k) ∈ H×K .

Montrer que card(H.K) = )(

)().(KHcard

KcardHcard∩ . En déduire que card G ≥

)()().(

KHcardKcardHcard

∩ .

Indication : L’application (h, k) → h.k de H×K sur H.K obéit au principe des bergers : elle est

surjective, et, si (h0, k0) est un antécédent de x, les autres sont de la forme (h0.a, a−1

.k0), où a décrit H ∩ K. Ainsi, toutes les fibres sont équipotentes à H ∩ K.

2 On dit aussi fonction caractéristique.

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Exercice 4 : Formule des classes. Soit G un groupe fini agissant sur l’ensemble E. L’élément x ∈ E a pour orbite O(x) = g T x ; g∈G et pour groupe fixateur F(x) = g ∈ G ; g T x = x . Montrer que : card G = card O(x) × card F(x) .

Cette formule, qui fonctionne dans les deux sens, a d’importantes conséquences : dénombrement des groupes d’isométries conservant des figures données (polygones, polyèdres platoniciens…), théorème de Wedderburn, dénombrement des grilles de sudoku, etc.

3. Nombres d’injections et d’arrangements. Définition : On appelle arrangement [sans répétition] des éléments de Y pris n à n, toute applica-

tion injective [1, n] → Y, ou encore tout n-uplet (y1, …, yn) ∈ Yn tel que i ≠ j ⇒ yi ≠ yj .

Proposition : Soient X et Y deux ensembles finis de cardinaux resp. n et p, ℑ(X, Y) l’ensemble des injections X → Y.

Si n > p , card ℑ(X, Y) = 0 ; si n ≤ p , card ℑ(X, Y) = )!(

!np

p− = p ( p − 1 ) … ( p − n + 1 ) ≡ (p)n .

Preuve : Numérotons les éléments de X : x1, …, xn.

Heuristiquement, pour se donner une injection f : X → Y, il faut se donner f(x1) : p choix possibles.

Ce choix étant effectué, il ne reste que p−1 choix possibles pour f(x2), p−2 choix possibles pour f(x3),

…, p−n+1 choix possibles pour f(xn). En tout, p (p − 1) … (p − n + 1) injections possibles.

Plus rigoureusement, raisonnons par récurrence sur n. Si n = 1, toute application de X dans Y est injective : en tout p injections. Supposons le résultat vrai pour tout ensemble X’ de cardinal n−1. Supposons X de cardinal n, et isolons un élément a de X.

Pour chaque y ∈ Y, il y a )!11(

)!1(+−−

−np

p =

)!()!1(

npp−−

injections f de X dans Y telles que f(a) = y.

Il suffit en effet de se donner une injection f de X− a dans Y−y, et de la prolonger à X en posant

f(a) = y. Comme y décrit Y, il y a en tout p.)!()!1(

npp−−

= )!(

!np

p− injections de X dans Y.

Au fond, l’application f ∈ ℑ(X, Y) → f(a) ∈ Y est une surjection qui obéit au principe des bergers. Corollaire : Si card X = card Y = n, l’ensemble BBBB(X, Y) des bijections X → Y a pour cardinal card BBBB(X, Y) = n !

En particulier si X = Y, card SSSSX = n ! Exercice 1 : Paradoxe des anniversaires. Montrer que, dans un groupe de plus de 23 personnes, il y a plus d’une chance sur 2 pour que deux d’entre elles aient leur anniversaire le même jour.

Exercice 2 : Equivalent du nombre total d’arrangements AAAA(p) = ∑n≥0 (p)n .

Exercice 3 : Soit X un alphabet de n lettres. On forme tous les mots ne contenant pas deux fois la

même lettre. Montrer que leur nombre Mn vérifie Mn = [en!] − 1.

4. Nombres de parties et de combinaisons. Définition : Soit X un ensemble à n éléments. On appelle combinaison sans répétition des n éléments de X, pris k à k, toute liste de k éléments extraits de X, autrement dit toute partie de X à k

éléments. Notons PPPPk(X) l’ensemble de ces parties.

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Théorème : Si card X = n , on a pour 0 ≤ k ≤ n card PPPPk(X) = )!!.(

!knk

n− ≡ k

nC ≡ ( kn).

La notation knC est utilisée en France, la notation ( k

n) est universelle.

Preuve : A toute injection f : [1, k] → X associons l’image directe A = f([1, k]), qui est une partie à k

éléments de X. L’application u : f → A = f([1, k]) de IIII([1, k], X) dans PPPPk(X) est une surjection qui

obéit au principe des bergers : chaque partie A ∈ PPPPk(X) est l’image d’au moins une injection f, et en fait d’exactement k! injections ( autant que de bijections de [1, k] sur A ).

Par conséquent card PPPPk(X) = !

1k

card IIII([1, k], X). CQFD.

Autres interprétations des knC :

i) C’est le nombre des fonctions ϕ : X → 0, 1 telles que ∑∈Xx

x)(ϕ = k ;

ii) C’est le nombre des n-uplets (x1, …, xn) ∈ 0, 1n tels que ∑

=

n

iix

1

= k ;

iii) C’est le nombre de chemins OA1…An joignant O à M(k, n−k) dans N2

, où 1+ii AA = i ou j ;

iv) C’est le nombre des applications strictement croissantes [1, k] → [1, n] ;

v) C’est le nombre de k-uplets (y1, …, yk) ∈ (N*)k tels que ∑

=

k

iiy

1

≤ n ;

vi) C’est le nombre de distributions de k boules indiscernables dans n boîtes distinctes, chaque boîte contenant au plus une boule.

Preuve : Pour i), passer par les fonctions indicatrices. Pour ii), comme [1, n] et X sont en bijection, se donner une fonction ϕ : X → 0, 1 équivaut à se donner une fonction i ∈ [1, n] → xi ∈ 0, 1. Pour iii), un chemin joignant O à M est de longueur n. Il doit contenir k segments horizontaux, et la donnée de ces segments, qui forment une partie à k éléments d’un ensemble de n éléments, détermine entièrement le chemin. Pour iv) soit S l’ensemble des applications strictement croissantes f : [1, k] → [1, n]. Toute f ∈ S est injective ; lui est associée naturellement l’ensemble f([1, k]), partie de [1, n] à k éléments. Réciproquement, toute partie à k éléments de [1, n] est l’image de k ! applications, dont une seule est

strictement croissante. S est donc équipotent à PPPPk([1, n]). Le dénombrement v) se ramène aisément à iv). Exercice 1 : Un jeu comporte 32 cartes, 8 par couleur. Une main est un ensemble de 8 cartes. 1) Quel est le nombre de mains possibles ? 2) Combien de mains contiennent un valet au moins ? 3) Combien contiennent au moins un cœur ou une dame ? 4) Combien ne contiennent que des cartes de deux couleurs au plus ?

[ Réponses : 10518300 ; 7410195 ; 10314810 ; 77212. ]

Exercice 2 : Combinaisons avec répétition.

Soit X un ensemble à n éléments. On appelle combinaison avec répétition des n éléments de X, pris k à k, toute liste de k éléments extraits de X, les répétitions étant autorisées, et l’ordre dans la liste n’intervenant pas. Par exemple, si X = a, b, c, a, b, a, b, b et b, b, b, a, a sont une même combinaison des éléments de X 5 à 5.

1) Montrer l’équipotence des ensembles suivants :

a) L’ensemble QQQQk(X) des combinaisons avec répétition des éléments de X pris k à k ;

b) L’ensemble des fonctions ϕ : X → N telles que ∑∈Xx

x)(ϕ = k ;

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c) L’ensemble des n-uplets (x1, …, xn) ∈ Nn tels que ∑

=

n

iix

1

= k ;

d) L’ensemble des applications croissantes [1, k] → [1, n] ;

e) L’ensemble des (k+1)-uplets (y1, …, yk+1) ∈ Nk+1

tels que ∑+

=

1

1

k

iiy = n − 1 ;

f) L’ensemble des k-uplets (y1, …, yk) ∈ Nk tels que ∑

=

k

iiy

1

≤ n − 1 ;

g) L’ensemble des distributions de k boules indiscernables dans n boîtes distinctes.

2) Montrer, par différentes méthodes, que tous ces ensembles ont k knC 1−+ éléments. En particulier,

on indiquera une bijection entre l’ensemble des fonctions croissantes [1, k] → [1, n] et l’ensemble des fonctions strictement croissantes [1, k] → [1, n+k−1] .

Exercice 3 : Montrer que le nombre de sous-ensembles à k éléments de 1, 2, …, n ne contenant pas d’entiers consécutifs est donné par k

knC −+1 .

Exercice 4 : Problème de Terquem. Soit qn,k le nombre des applications strictement croissantes u : [1, k] → [1, n] telles que, pour tout x ∈ [1, k], x et u(x) soient de même parité.

Montrer que qn,k = qn−1,k−1 + qn−2,k . En déduire : qn,k = kmC , où m = [

2kn+ ].

5. Propriétés des coefficients binomiaux.

1) Le triangle arithmétique « de Pascal ».

Proposition : ∀n 0nC = n

nC = 1 , ∀n ≥ 1 ∀k ∈ [1, n−1] knC = k

nC 1− + 11

−−

knC .

Preuve : On peut vérifier cette formule à l’aide de factorielles, mais mieux vaut isoler un élément a dans un ensemble E à n éléments, et distinguer, parmi les parties à k éléments, celles qui ne contiennent pas a, au nombre de k

nC 1− , et celles qui le contiennent, au nombre de 11−−knC .

Ces formules déterminent entièrement le triangle de Pascal 3 des knC .

Elles restent vraies pour tout couple (n, k) ∈ N2, avec la convention très utile knC = 0 si k ∉ [0, n].

3 Ce triangle, connu bien avant Pascal, en Inde (Bhascara, 1150), chez les arabes (Munc’im, 1210), et en Chine (Chu Shih-chieh, 1303), n’est arrivé en Europe qu’au XVIème siècle (Maurolyco, Hérigone…). Pascal l’étudia en grand détail dans son Triangle arithmétique (1654). Ajoutons que plusieurs opuscules scientifiques de Pascal ont été perdus.

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Le triangle de Ibn Munc’im (vers 1200) Le triangle de Chuh Shih-Chieh (1303) 2) Horizontales et verticales.

• A n fixé, la suite finie k → knC est croissante, puis décroissante, unimodale si n est pair, bimodale

si n est impair, et symétrique en ce sens que ∀k ∈ [0, n] knC = kn

nC − .

Preuve : Il suffit de calculer le quotient 1+knC / k

nC , et de le comparer à 1.

En particulier, max 0≤k≤2n knC2 = n

nC2 et max 0≤k≤2n+1 knC 12 + = n

nC 12 + = 112

++

nnC .

L’étude approfondie de cette « courbe en cloche », une fois centrée et réduite, conduit au théorème de la limite centrale de De Moivre et Laplace, fondamental en calcul des probabilités.

• A k fixé, la fonction n → knC =

!1k

n ( n−1 ) … ( n−k+1 ) est polynomiale de degré k, et croissante.

Cette fonction polynomiale est associée au polynôme de Newton Nk(X) = !

1k

X.(X−1) … (X−k+1).

Si l’on pose N0(X) = 1, les polynômes de Newton forment une base de Q[X] (degrés échelonnés).

De plus, ils vérifient Nk(X + 1) − Nk(X) = Nk−1(X).

En effet pour tout entier n ≥ 0, Nk(n + 1) − Nk(n) = knC 1+ − k

nC = 1−knC = Nk−1(n).

L’identité, valable pour une infinité de rationnels, est vraie dans Q[X]. Mais on peut aussi la vérifier directement.

3) Formules du binôme et du multinôme.

Dans un anneau A, si a et b commutent : ( a + b )n = ∑

=

n

k

knC

0

ak

bn−k

.

Si a1, ... , ap commutent, ( a1 + ... + ap )n = ∑

=++ npαα ...1

!!...!

1 p

nαα

. ppaa αα ...1

1 .

4) Sommes et différences : ∑=

n

k 0

knC = 2

n , ∑

=

n

k 0

knk.C(-1) = 0 si n ≥ 1, 1 si n = 0 .

Faire a = b = 1, resp. a = − b = 1 dans le binôme. Voici une preuve combinatoire : isolons un élément a dans l’ensemble E à n éléments. A toute partie X de E, associons X− a si a ∈ X, X ∪ a si a ∉ X, autrement dit X ∆ a. ∆ étant une loi de groupe sur PPPP(E), on met en bijection les parties de cardinal pair et les parties de cardinal impair.

5) Identité hypergéométrique : nbaC + = ∑ −

k

knb

ka CC . .

Dans cette somme, k varie de max(0, n−b) à min(n, a), ou de 0 à l’infini avec les conventions habituelles sur les binomiaux. Cette importante identité, dite parfois de Vandermonde mais en réalité bien plus ancienne, peut s’établir par deux moyens, l’un combinatoire, l’autre algébrique :

• en dénombrant de deux façons les parties à n éléments d’un ensemble de a + b éléments, selon le nombre d’éléments du type a qu’elles contiennent.

• en identifiant les coefficients de Xn dans les deux membres de : ( 1 + X )

a+b = (1 + X)

a.(1 + X)

b.

Corollaire : ∑=

n

k 0

kn)²(C = n

nC2 .

6) Sommes partielles alternées : ∑=

p

k 0

kn

k.C(-1) = (−1)p. p

nC 1− si 0 ≤ p ≤ n−1 , 0 si p = n ≥ 1.

La formule précédente peut s’établir par récurrence sur p.

Exercice : Montrer cette formule en considérant le terme en Xn dans le polynôme :

P(X) = Xn

( 1 − X )n + X

n−1 ( 1 − X )

n + … + X

n−p ( 1 − X )

n .

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En revanche, il n’y a pas de formule donnant les sommes partielles ∑=

p

k 0

knC .

7) Formules de sommation : Pour 0 ≤ k ≤ n, 11

++

knC = k

kC + kkC 1+ + … + k

nC .

Cette formule s’écrit Nk+1(n+1) = Nk(k) + Nk(k+1) + … + Nk(n) = Nk(0) + Nk(1) + … + Nk(n).

Elle peut se montrer : − combinatoirement, en notant X = 1, 2, …, n+1 et en dénombrant les parties de X à k+1 éléments selon le plus petit élément qui leur appartient, − algébriquement, en partant de Nk+1(x + 1) − Nk+1(x) = Nk(x), en faisant x = 0, 1, …, n et en additionnant.

Application à la sommation des puissances numériques :

Soit à calculer la somme des puissances a-èmes des n premiers entiers S(a, n) = ∑=

n

k

ak1

.

En vertu du critère des degrés échelonnés, le monôme Xa est combinaison linéaire des polynômes

N0(X), N1(X), …, Na(X). Or )(1

kNn

k

a∑=

= Na+1(n + 1) . Il reste à conclure par linéarité.

Par exemple, calculons S(2, n) : on a X2 = 2.X(X − 1)/2 + X = 2.N2(X) + N1(X), donc :

S(2, n) = 2 )(1

2 kNn

k∑

=+ )(

11 kN

n

k∑

= = 2.N3(n + 1) + N2(n + 1) =

6)12)(1( ++ nnn

. On trouve :

S(1, n) = 2

)1( +nn S(2, n) =

6)12)(1( ++ nnn

S(3, n) = 4

)²1²( +nn S(4, n) =

30)13²3)(12)(1( −+++ nnnnn

.

Remarques : 1) On constate que S(3, n) = S(1, n)2

. C’est un hasard.

2) Un moyen mécanique pour exprimer Xa dans la base (N0(X), N1(X), …, Na(X)) est donné par

la formule de Newton-Gregory (chap. Polynômes, § 9). Cette méthode se généralise au calcul des

)(1

kPn

k∑

=, P polynôme. Les nombres et polynômes de Bernoulli donnent une approche plus profonde

du sujet.

Exercice : On considère les matrices :

M1 = (1) , M2 =

3421 , M3 =

345216987

, M4 =

13141516123451121610987

, etc . Calculer la trace de Mn .

8) Propriétés multiplicatives : ∀k ∈ [1, n] k. knC = n. 1

1−−

knC (*)

Cette formule, et celles qui s’en déduisent par itérations : k.(k − 1). knC = n.(n − 1). 2

2−−

knC , etc. ,

permettent de calculer les moments factoriels de la loi binomiale BBBB(n, p) ( p & q ≥ 0, p + q = 1 ) :

knkkn

n

k

qpCk −

=∑ ...

0

= np et knkkn

n

k

qpCkk −

=−∑ ..).1.(

0

= n(n−1)p2 , etc.

Ces dernières formules s’obtiennent aussi en dérivant partiellement en p l’identité (p + q)n = ….

Soit X : (Ω, AAAA, P) → N une variable aléatoire discrète suivant la loi binomiale BBBB(n, p) :

P(X = k) = knC p

k q

n−k pour 0 ≤ k ≤ n. Elle a pour espérance et pour variance :

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E(X) = ∑=

=n

k

kXPk0

)(. = np et V(X) = E(X2) – E(X)

2 = npq.

Exercice : Soit E un ensemble de n éléments, X = (a, b) ; a ∈ E , B ⊂ E , card B = k−1 , a ∉ B . En dénombrant X de deux façons, montrer (*).

Exercice : Vérifier que knC . kp

knC −− = p

nC . kpC pour 0 ≤ k ≤ p ≤ n.

9) Propriétés de divisibilité.

Le fait que knC soit un entier se traduit arithmétiquement ainsi : le produit de k entiers naturels

consécutifs est toujours divisible par k!. En voici une preuve arithmétique :

Exercice : 1) Soient a1, a2, …, an n entiers naturels. Pour tout entier h, soit Nh = card i ; ai ≥ h .

Montrer que ∑=

n

iia

1

= ∑+∞

=1hhN . Interprétation géométrique.

2) En déduire que, pour tout nombre premier p, vp(n!) = ∑+∞

=

1hhp

n ( Legendre, 1808 ),

où vp(m) désigne l’exposant de p dans la factorisation de l’entier m, [x] la partie entière du réel x.

3) Montrer que ∀(x, y) ∈ R2 [x + y] = [x] + [y] + 0 ou 1.

4) En déduire que k!.(n − k)! divise toujours n!. 5) Par combien de 0 se termine l’écriture décimale de 1000! ?

6) Montrer que vp(n!) = 1

)(−

−p

nsn, où s(n) est la somme des chiffres du développement de n en

base p.

Exercice (Catalan, 1874) : Soient a et b ∈ N. Montrer que (2a)!(2b)! est divisible par a! (a + b)! b!

Exercice (Teixeira, 1881) : Si n et h sont deux naturels, (h!)n.n ! divise (h.n)!

Exercice : Montrer que le produit de k entiers relatifs consécutifs est toujours divisible par k!

10) Propriétés probabilistes.

Exercice : Deux joueurs, Pierre et Jean, jouent à pile ou face avec une pièce équilibrée, aux instants 1, 2, …, n. Ils parient 1F à chaque partie. Soit Sn le gain cumulé de Pierre à l’instant n. Quelle est la loi de cette variable aléatoire ? Son espérance et sa variance ? Exercices divers Exercice 1 : Un peu d’histoire.

Dans son traité, Pascal définit le triangle arithmétique, non comme le tableau des nombres de combinaisons, mais comme un tableau de nombres « figurés », d’origine géométrique. Chaque ligne est formée des sommes partielles des éléments de la ligne précédente : La 1ère ligne est formée des unités : 1 1 1 1 1 1 … La 2ème ligne des nombres entiers : 1 2 3 4 5 6 … La 3ème ligne des nombres triangulaires : 1 3 6 10 15 21 … La 4ème ligne des nombres pyramidaux : 1 4 10 20 35 56 … etc. En résumé, si T(k, n) est le n-ème élément de la k-ème ligne, (∀n) T(1, n) = 1 ∀k ≥ 1 ∀n T(k, n) = T(k−1, 1) + T(k−1, 2) + ... + T(k−1, n)

Exprimer les T(k, n) en termes de binomiaux. On introduit les lignes d’indices 0, −1, −2, etc. de façon que T(k, 0) = 1 (∀k ∈ Z). Calculer les T(k, n) pour (k, n) ∈ Z×N.

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9

Exercice 2 : Montrer combinatoirement la formule ( a + b )n = ∑

=

n

k

knC

0

ak

bn−k

pour a, b, n ∈ N.

Exercice 3 : Calculer les sommes ∑k

knC3 , ∑ +

k

knC 13 , ∑ +

k

knC 23 .

Exercice 4 : 1) Soit P = ∑ ak.Xk ∈ C[X], ω = exp

miπ2 . Montrer ∑

≡ )(mod

.mrk

kk Xa =

m1 ).(.

1

0

Xf tm

t

rt ωω∑−

=

− .

2) En déduire que ∑≡ )(modmrk

knC =

m1 )(cos).)2cos((.2

1

0 mt

mtrn n

m

t

n ππ−∑−

=.

Exercice 5 : Etudier la parité des coefficients binomiaux.

Exercice 6 : Étudier, à n fixé, la convexité de la suite k → knC .

Exercice 7 : Montrer que la suite n → nnC2 est convexe.

Exercice 8 : Montrer les identités suivantes, où x est une variable réelle :

Si 0 ≤ p ≤ n, ∑=

−−

p

k

kkpkn

kn xCC

0

.. = pnC ( 1 + x )

p ; si 0 ≤ k ≤ n, ∑

=

n

kp

pkp

pn xCC .. = k

nC xk

( 1 + x )n−k

.

Exercice 9 : Calculer ∑= +n

k

knC

k0

.1

1 . [ Réponse : 112 1

+−+

n

n

]

Exercice 10 : Transversales du triangle de Pascal. Calculer et reconnaître les nombres Tn = ∑−=+ 1nji

ijC .

Exercice 11 : Montrer pour tout 0 ≤ k ≤ n knC = π2

1 ∫+

−−

π

πθθθ dknn ).)

2cos((.)

2cos.2( .

Exercice 12 : Soient E un ensemble de n éléments, PPPP(E) l’ensemble de ses parties.

1) Quel est le nombre de couples (X1, X2) ∈ PPPP(E)2 tels que X1 ⊂ X2 ?

2) Quel est le nombre de r-uplets (X1, …, Xr) ∈ PPPP(E)r tels que X1 ⊂ X2 ⊂ … ⊂ Xr ?

Exercice 13 : Soit E un ensemble de cardinal n. Si X est fini, on note |X| son cardinal.

1) Calculer ∑∈ )(EPX

X . 2) En déduire ∑∈

∪)²(),( EPYX

YX et ∑∈

∩)²(),( EPYX

YX .

Exercice 14 : Soit P l’ensemble des parties de [1, n].

Montrer que ∑∈PA∑∈Ak

k = n ( n + 1 ) 2n−2

, ∏∈PA

∏∈Ak

k = (n!)2^(n−1)

.

Exercice 15 : Montrer l’identité : ∏≤+ nji

ji ba ).( = (a.b)p

, où p = 32+nC .

Exercice 16 : On rappelle l’équivalent de Stirling : n! ~ nen n π2.)( .

On pose ak(m) = kmmm C +

22 .21 pour −m ≤ k ≤ m. Equivalents des suites (a0(m))m et (ak(m))m (k fixé) ?

Equivalent de la suite Mn = max knC ; 0 ≤ k ≤ n ?

Exercice 17 : inverses des binomiaux.

Soit Sn = ∑=

n

kknC0

1 . Montrer que (Sn) est bornée, convergente ; limite, développement asymptotique ?

Exercice 18 : Un entier est dit binomial s’il est de la forme knC , où 2 ≤ k ≤ n−2.

Soit E l’ensemble de ces entiers, E(n) = E ∩ [0, n]. Montrer que : card E(n) = n2 + o( n ).

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10

[ Indications : Soit Ek = knC ; n ≥ 2k ; card E2(n) ≤ card E(n) ≤ card E2(n) + ∑k≥3 card Ek(n).]

6. Principe d’inclusion-exclusion.

Ce principe, appelé aussi formule du crible 4, donne le cardinal d’une union finie d’ensembles finis.

Théorème : Soient A1, …, An des ensembles finis. Alors :

card Un

iiA

1==∑

=

n

iicardA

1

− ∑<

∩ji

ji AcardA + ∑<<

∩∩kji

kji AAcardA − … + (−1)n−1

.card (A1 ∩ … ∩ An)

Preuve : Une preuve par récurrence sur n est fondée sur la distributivité de la réunion par rapport à l’intersection : le cas n = 3 montre comment passer de n à n + 1.

Une autre preuve, plus concrète, consiste à raisonner élément par élément. Soit a un élément de ∪Ai.

Il est compté une fois et une seule dans la réunion. Soit H = i ∈ [1, n] ; a ∈ Ai , h = card H ; a est

compté h − 2hC + 3

hC − 4hC + … = 1 − ( 1 − 1 )

h = 1 fois dans le second membre.

Exercice 1 : Montrer que card Un

iiA

1=est compris entre deux sommes partielles consécutives de la

formule du crible : ∑=

n

iiAcard

1

)( − ∑<

∩ji

ji AAcard )( ≤ card Un

iiA

1=≤ ∑

=

n

iiAcard

1

)( , etc.

Application 1 : dénombrement de surjections.

Proposition : Soit SSSS(X, Y) l’ensemble des surjections de X → Y (ensembles finis). Si card X < card Y, SSSS(X, Y) = ∅ ; si card X = n ≥ card Y = k, alors :

card SSSS(X, Y) = kn − .1kC ( k − 1 )

n + .2kC ( k − 2 )

n − .3kC ( k − 3 )

n − … + (−1)

k. .kkC ( k − k )

n

Autrement dit : card SSSS(X, Y) = ∑=

−−k

h

nhk

h hkC0

).()1( .

Preuve : Indexons Y = y1, … , yk . Tout repose sur l’égalité :

FFFF(X, Y) − SSSS(X, Y) = Uk

iiA

1=, où Ai = f ∈ FFFF(X, Y) ; (∀x ∈ X) f(x) ≠ yi .

Ai s’identifie naturellement à FFFF(X, Y−y i) , Ai ∩ Aj à FFFF(X, Y−y i, yj), etc. La formule du crible conclut.

Corollaire : Pour tout entier n ≥ 1 :

n! = nn − .1kC ( n − 1 )

n + .2kC ( n − 2 )

n − .3kC ( n − 3 )

n − … + (−1)

n. .kkC ( n − n )

n

Preuve : Dénombrons de deux façons les permutations de 1, 2, …, n . D’une part, ce sont les injections de 1, 2, …, n dans lui-même : il y en a n !. D’autre part, ce sont les surjections de 1, 2, …, n dans lui-même : la prop précédente conclut.

Définition : nombres de Stirling5. On nomme ainsi les S(n, k), où S(n, k) est le nombre de partitions d’un ensemble de n éléments en k sous-ensembles.

On a : S(n, k) = !

1k

card SSSS([n], [k])

= !

1k

[ kn − .1kC ( k − 1 )

n + .2kC ( k − 2 )

n − .3kC ( k − 3 )

n − … + (−1)

k .kkC ( k − k )n ]

4 On la nomme parfois formule de Poincaré, ce qui est absurde : elle est due à A. de Moivre (Doctrine of Chances, 1718), et fut popularisée par W. A. Whitworth (Choice and Chance, 1867). 5 de seconde espèce ; voir Comtet.

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11

On entend ici par partition un ensemble A1, …, Ak de k ensembles non vides disjoints de réunion X, et non un k-uplet ; d’où la nécessité de diviser par k!. On convient de poser S(0, 0) = 1 , S(0, k) = 0 pour k ≥ 1.

Les nombres de Stirling se rencontrent souvent en analyse combinatoire.

Exercice 2 : Compléments.

1) Montrer que les S(n, k) vérifient les formules récurrentes :

i) S(n, 0) = S(0, k) = 0 sauf S(0, 0) = 1.

ii) S(n, k) = S(n − 1, k − 1) + k.S(n − 1, k) ( n, k ≥ 1 ).

2) Montrer que S(n, 1) = S(n, n) = 1 , S(n, 2) = 2n−1

− 1 , S(n, n − 1) = 2nC . Tabuler les S(n, k) pour les premières valeurs de n. Que vaut S(n + 2, n) ?

3) Soit f une fonction indéfiniment dérivable de R*+ dans R, g la fonction définie par g(x) = f(ex).

Calculer les dérivées successives de g. Que constate-t-on ? Justifier ce résultat.

4) Drapeaux. Montrer que le nombre d(n, k) de drapeaux à n bandes et k couleurs, deux bandes adjacentes étant de couleurs différentes, vaut k!.S(n − 1, k − 1). Application 2 : indicateur d’Euler .

Il s’agit d’une très importante fonction arithmétique6.

Définition : L’ indicateur d’Euler de n, noté ϕ(n), est le nombre des entiers k ∈ [1, n] premiers à n.

Il existe plusieurs méthodes pour calculer ϕ(n) ; la plus élémentaire utilise la formule du crible.

Notons n = (p1) 1k … (pr) rk la factorisation de n, et Ai = m ∈ [1, n] ; pi | m (1 ≤ i ≤ r).

ϕ(n) = card ( [1, n] − Ur

iiA

1=) = n − card U

r

iiA

1=

= n − ∑=

n

iicardA

1

+∑<

∩ji

ji AAcard )( − ∑<<

∩∩kji

kji AAAcard )( + … + (−1)n.card(A1 ∩ … ∩ An)

= n −−−− ∑=

r

i ipn

1

+ ∑< ji ji pp

n −−−− ∑<< kji kji ppp

n + … = n ( 1 − 1

1p

) ( 1 − 2

1p

) … ( 1 − rp

1 ) .

Cela se voit en développant par distributivité ( 1 − 1

1p

) ( 1 − 2

1p

) … ( 1 − rp

1 ) , ou, plus

généralement, en utilisant les relations coefficients-racines :

( X – x1 ) … ( X – xr ) = Xr – S1.X

r−1 + S2.X

r−2 + … + (−1)

r.Sr .

Application 3 : probabilités. 7

Soit n = (p1) 1k ….(pr) rk un entier factorisé. Quelle est la probabilité qu’un entier a soit premier avec

n ? Si l’on note E(n) = a ∈ N* ; a ∧ n = 1 , il s’agit de montrer l’existence et de calculer :

P(n) = limN→+∞ N1 card E(n) ∩ [1, N].

Comme a ∧ n = 1 ⇔ a ∧ ( p1 … pr ) = 1 , on a P(n) = P(m) , où m = p1 … pr.

card E(m) ∩ [1, N] = card ( [1, N]− Ur

iiA

1=) , où Ai = a ∈ [1, N] ; pi | a (1 ≤ i ≤ r).

= N −∑=

r

iicardA

1

+∑<

∩ji

ji AAcard )( − ∑<<

∩∩kji

kji AAAcard )( + … + (−1)r.card (A1 ∩… ∩ Ar)

6 Cf mon chapitre sur le sujet. 7 La théorie probabiliste des entiers naturels a été développé par le hongrois Paul Erdös (1913-1996).

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12

= N −−−− ∑=

r

i ipN

1

+ ..∑

<

ji ji ppN −−−− ∑

<<

kji kji pppN

..+ … .

N1 card E(m) ∩ [1, N] tend visiblement vers :

1 −−−− ∑=

r

i ip1

1 + ∑< ji ji pp .

1 −−−− ∑<< kji kji ppp .

1 + … = ( 1 − 1

1p

).( 1 − 2

1p

) … ( 1 − rp

1 ) = nn)(ϕ

.

Mais découle de ce que N1 [

qN ] →

q1 .

Remarque : On peut aussi déduire tout ceci de l’application 2). Car si 1 = k1 < k2 < … < kϕ(n) est la

liste des entiers < n premiers avec n, [nN ].ϕ(n) ≤ card E(n) ∩ [1, N] ≤ ([

nN ] + 1 ).ϕ(n).

Exercice 3 : On tire au hasard et indépendamment n entiers ≥ 1, x1, …, xn. 1) Quelle est la probabilité que leur produit P ait 5 pour chiffre des unités ? 2) Si k est un entier donné ≥ 1, quelle est la probabilité que k divise P ?

Exercice 4 : nombre de dérangements. Soit SSSSn l’ensemble des permutations de [1, n], d(n) le nombre de dérangements de [1, n], c’est-à-

dire de permutations sans point fixe. On note Ai = σ ∈ SSSSn ; σ(i) = i (1 ≤ i ≤ n).

Trouver une formule exprimant d(n). En déduire limn→+∞ !)(

nnd

. 8

Problème : généralisation de la formule du crible. Soient X un ensemble, AAAA un ensemble de parties de X vérifiant : ∅ ∈ AAAA , (A, B) ∈ AAAA×AAAA ⇒ A ∪ B ∈ AAAA , A ∩ B ∈ AAAA et A − B ∈ AAAA .

Une fonction µ : A → R est dite additive si elle vérifie :

∀(A, B) ∈ AAAA×AAAA A ∩ B = ∅ ⇒ µ(A ∪ B) = µ(A) + µ(B).

1) Montrer que ∀(A, B) ∈ AAAA×AAAA µ(A ∪ B) + µ(A ∩ B) = µ(A) + µ(B).

2) Montrer que, si A1, …, An sont éléments de AAAA, alors :

µ( Un

iiA

1=) = ∑

=

n

iiA

1

)(µ − ∑<

∩ji

ji AA )(µ + ∑<<

∩∩kji

kji AAA )(µ − … + (−1)n−1

.µ(A1 ∩… ∩ An)

3) Soit µ : N* → R la fonction de Möbius, définie par :

µ(1) = 1 , µ(n) = (−1)r si n est produit de r nombres premiers distincts , µ(n) = 0 sinon.

a) Montrer que ∑nd

d)(µ = 1 si n = 1 , 0 sinon.

b) Soient f et F deux fonctions de N* dans R. Montrer l’implication :

(∀n ∈ N*) F(n) = ∑nd

df )( ⇒ (∀n ∈ N*) f(n) = ∑nd d

nFd )().(µ .

[ Indication : On pourra associer à toute partie finie A de N* P(A) = ∑∈Ad

df )( . Montrer que P est une

fonction additive, que F(n) = P(Dn), où Dn est l’ensemble des diviseurs de n, puis que f(n) = F(n) −

P(Dn − n), et enfin noter que Dn − n = Unp

pnD / , où p est diviseur premier de n. ]

8 Application à l’érotique probabiliste : n partouzeurs se retrouvent dans le noir ; quelle est la probabilité qu’aucun ne fasse l’amour à sa propre femme ? Cette branche des mathématiques est plus réjouissante qu’une certaine autre, tout aussi mathématisable : la progression des épidémies. Bref, sortez couvert !

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4) Soit U = z ∈ C ; |z| = 1 . Pour toute fonction f : U → U, on note f k son itérée k-ième. On dit

que z ∈ U est un point n-périodique de f si fn(z) = z et f

k(z) ≠ z pour 1 ≤ k ≤ n−1. Soit f : z → z

m.

Montrer que le nombre de points n périodiques de f est donné par ∑nd

dnmd /).(µ .

5) Pour tout entier n ≥ 1, soit ϕ(n) le nombre des entiers k ∈ [1, n] premiers à n.

a) Montrer que n = ∑nd

d)(ϕ [ Regrouper les k ∈ [1, n] selon la valeur de pgcd(k, n).]

b) En déduire ϕ(n) = ∑nd d

nd )(.µ = n.( 1−1

1p

).( 1−2

1p

) … ( 1−rp

1 ) ,

où les pi sont les diviseurs premiers de n.

7. Principe des tiroirs. Si huit chaussettes sont réparties dans un semainier, l’un au moins des tiroirs contient au moins deux chaussettes. Si treize pigeons sont logés dans douze casiers, nécessairement au moins un casier contient plus d’un pigeon... Ce principe très simple remonterait au jésuite français Jean Leurenchon de Pont-à-Mousson, qui affirme dans ses Selectae Propositiones (1622) que, nécessairement, il existe deux femmes ayant le même nombre de cheveux. Plus tard, il fut utilisé en 1842 par Dirichlet pour classifier les sous-groupes additifs de R et de R

n.

Principes des tiroirs 9 : Soit f une application : X → Y, où X est de cardinal n, Y de cardinal k < n.

Alors f ne saurait être injective. Plus précisément, l’un au moins des y ∈ Y a au moins kn

antécédants.

Preuve : Rappelons que x est le plus petit entier relatif ≥ x : x −1 < x ≤ x .

Si tout y ∈ Y avait au plus kn − 1 antécédents, on aurait card X = n ≤ k (

kn − 1) < k

kn = n :

contradiction !

Remarque : Ce résultat subsiste a fortiori si X est de cardinal infini, et Y de cardinal fini k : l’un des y a une infinité d’antécédents.

Application 1 : Itérations dans un ensemble fini.

Proposition : Soit X un ensemble fini de cardinal N, f une application X → X. Pour tout x0 ∈ X, la

suite xn+1 = f(xn) des itérés de x0 par f est quasi-périodique. Si f est bijective, elle est périodique.

Preuve : L’application k → xk ne peut être injective. Si (m, m+p) est le premier couple tel que xm =

xm+p, la suite (xn) est périodique à partir du rang m. Comme x0 , … , xm+p−1 sont distincts, m + p ≤

N = card X. Si f est bijective, nécessairement m = 0, et (xn) est périodique.

Exemple : Algorithme de Kaprekar. Cf. Ensembles, § 6.1. et Groupes, § 9.4.

Application 2 : Sous-groupes additifs de R.

Exercice : Soient ω un irrationnel, G = a + b.ω ; (a, b) ∈ Z2

le groupe additif engendré par 1 et ω.

1) Montrer que l’application : n → (n.ω) = n.ω − [n.ω] est une bijection de Z sur G ∩ [0, 1[.

9 Ce principe, dit parfois de Dirichlet-Schäfli, est appelé en allemand Schubfachprinzip, en anglais chest-of-drawers principle, ou pigeon-hole principle, cette dernière appellation étant due à Paul Erdös et Richard Rado.

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14

2) Soit N ∈ N* ; en considérant les réels (0), (ω), … , (Nω) et les intervalles Ih = [Nh ,

Nh 1+ [, (0 ≤

h ≤ N−1), montrer que : ∃(p, q) ∈ N2 0 ≤ p < q ≤ N et | (p.ω) − (q.ω) | <

N1 .

3) En conclure que : (∀ε > 0) (∃x ∈ G) 0 < x < ε , puis que G est dense dans R. Exercices et problèmes Exercice 1 : Périodicité des restes des nombres de Fibonacci.

On considère la suite de Fibonacci f0 = 0, f1 = 1, fn+2 = fn+1 + fn . Montrer que, pour tout entier N,

la suite (fn) est périodique modulo N. Déterminer cette période pour N = 2, 3, 5, 7. Conséquence sur l’écriture décimale des nombres de Fibonacci.

Exercice 2 : On se donne 7 entiers distincts ; montrer que 3 d’entre eux ont une somme divisible par 3. Généraliser.

Exercice 3 : Soient a1, a2, … , a10 des entiers relatifs. Prouver qu’il existe des nombres α1, α2, … ,

α10 appartenant à −1, 0, +1 et non tous nuls, tels que ∑=

10

1

.i

ii aα soit divisible par 1001.

Exercice 4 : Sur chacune des onze cartes d’un jeu, on inscrit un entier > 0. La somme des nombres inscrits est égale à 20. Peut-on forcément séparer le paquet en deux tas de total 10 ?

Exercice 5 : Soit G un graphe à 6 sommets, dans lequel deux sommets quelconques sont joints par une arête coloriée en bleu ou en rouge. Montrer qu’il existe un triangle dont les trois arêtes ont la même couleur.

Exercice 6 : On choisit 10 entiers distincts compris entre 10 et 99. Soit X leur ensemble. Montrer qu’il existe deux parties non vides et disjointes A et B de X, telles que la somme des éléments de A soit égale à celle des éléments de B.

Exercice 7 : Soit N un entier naturel. Existe-t-il toujours un multiple de N dont l’écriture décimale de comporte que des 0 et des 1 ?

Exercice 8 : Parmi 101 entiers relatifs, peut-on toujours en trouver 11 dont la somme soit un multiple de 11 ?

Exercice 9 : Soient x1, x2, … , xn n entiers relatifs.

Montrer qu’il existe une partie I non vide de [1, n] telle que n divise la somme ∑∈Ii

ix .

Exercice 10 : Soit N un nombre se terminant par 1. Existe-t-il toujours une puissance de N se terminant par 000 001 ?

Problème : généralisation du principe des tiroirs.

Soient E un ensemble fini de n éléments, (aj)1≤j≤n la suite des éléments de E rangés dans un certain

ordre. Soit (Ai)1≤i≤m une suite quelconque de parties de E. On note ci = card Ai et w = ∑=

m

iic

1

.

1) Soit pour tout j, kj le nombre des indices i tels que aj ∈ Ai. Montrer que w = ∑=

n

jjk

1

.

2) Montrer qu’une condition suffisante pour qu’il existe au moins r ensembles Ai contenant chacun au moins b éléments est que : w ≥ ( n − b + 1 ).( r − 1 ) + m.( b − 1 ) + 1.

3) Montrer qu’une condition suffisante pour qu’il existe au moins c éléments de E au moins s fois recouverts par les Ai est que : w ≥ ( m − s + 1 ).( c − 1 ) + n.( s − 1 ) + 1.

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15

Problème : lemme de Thue-Siegel (1909-1930).

Soient m et n deux entiers tels que 1 ≤ m < n , et (S) le système : a11.x1 + … + a1n.xn = 0 (S) . . . . . . . . . . am1.x1 + … + amn.xn = 0

de m équations à n inconnues (x1, …, xn), où les aij sont éléments de Z.

Soit L = max 1 , max1≤i≤m ∑=

n

jija

1

.

Montrer qu’il existe X = (x1, …, xn) ∈ Zn − 0, solution de (S), tel que : max1≤j≤n | xj | ≤ )/( mnmL − .

[Indication : Etablir que, si M est un réel ≥ 0, (a1, …, an) ∈ Zn et A =∑

=

n

jja

1

, lorsque Y = (y1, …,

yn) décrit Zn de façon que (∀j) 0 ≤ yj ≤ M, la quantité ∑

=

n

jjj ya

1

. prend au plus 1 + A.[M] valeurs.]

Ce lemme joue un grand rôle dans la démonstration du théorème de Thue10 sur les approximations et équations diophantiennes (pb ENS 1992), et dans des résultats plus récents de transcendance.

8. Polynômes et séries génératrices. 8.1. Polynômes.

Les opérations combinatoires se rattachent souvent à des structures algébriques sous-jacentes, qui permettent de les codifier. En particulier, les règles de calcul sur les coefficients des polynômes et diverses substitutions permettent d’effectuer des dénombrements, comme on l’a déjà observé au § 5.

Voici un exemple très simple, qui sera généralisé dans l’ex. 4 ci-dessous : calculons, pour tout entier n ≥ 0, a(n) = card k ; 0 ≤ k ≤ n , k ≡ 0 ( mod 3 ) , b(n) = card k ; 0 ≤ k ≤ n , k ≡ 1 ( mod 3 ) , c(n) = card k ; 0 ≤ k ≤ n , k ≡ 2 ( mod 3 ) . On peut bien sûr faire ces calculs directement, mais introduisons plutôt le polynôme :

P(X) = 1 + X + … + Xn =

111

−−+

XX n

.

On a P(1) = a(n) + b(n) + c(n) , P(j) = a(n) + j.b(n) + j2.c(n) et P(j

2) = a(n) + j

2.b(n) + j.c(n).

Il reste à résoudre ce système linéaire cramérien. En particulier :

a(n) = 31 [ P(1) + P(j) + P(j

2) ] =

31 [ n + 1 + 2 Re

111

−−+

jj n

] .

Si l’on veut un résultat complet, raisonner modulo 3.

Exercice 1 : Soit c(n, k) = card (a1, a2, …, ak) ∈ 0, 1, 2k ; a1 + a2 + … + ak = n .

Montrer que c(n, k) sont les coefficients du polynôme ( 1 + X + X2

)k = ∑

=

k

n

nXknc2

0

).,( .

Exercice 2 : On cherche de combien de façons on peut obtenir 20 centimes avec des pièces 1, 2, 5, 10 et 20 centimes, en prenant en compte l’ordre des pièces. Montrer que ce nombre est le coefficient de X

20 dans le polynôme A + … + A

20 , où

A(X) = X + X2 + X

5 + X

10 + X

20 . En déduire qu’il vaut 283953. Généraliser.

Exercice 3 : Multisection d’un polynôme.

10 Axel Thue, mathématicien norvégien (Tonsberg 1863 - Oslo 1922).

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16

1) Soit P = ∑k ak.Xk ∈ C[X], ω = exp

miπ2 . Montrer que ∑

≡ )(mod

.mrk

kk Xa =

m1 ).(.

1

0

XP tm

t

rt ωω∑−

=

− .

2) En déduire que ∑≡ )(modmrk

knC =

m1 )(cos).)2cos((.2

1

0 mt

mtrn n

m

t

n ππ−∑−

=.

Exercice 4 : 1) Pour (n1, n2, …, ns) ∈ Ns , on pose

F(n1, n2, … , ns) = card (k1, k2, …, ks) ∈ Ns ; (∀i) 0 ≤ ki ≤ ni et ∑

≤≤ siik

1

est pair .

G(n1, n2, … , ns) = card (k1, k2, …, ks) ∈ Ns ; (∀i) 0 ≤ ki ≤ ni et ∑

≤≤ siik

1

est impair .

Calculer F(n1, n2, … , ns) et G(n1, n2, … , ns).

Montrer que F(n1, n2, … , ns) = G(n1, n2, … , ns) + 0 ou 1.

2) Pour (n1, n2, …, ns) ∈ Ns , calculer

A(n1, n2, … , ns) = card (k1, k2, …, ks) ∈ Ns ; (∀i) 0 ≤ ki ≤ ni et ∑

≤≤ siik

1

≡ 0 (mod 3) .

B(n1, n2, … , ns) = card (k1, k2, …, ks) ∈ Ns ; (∀i) 0 ≤ ki ≤ ni et ∑

≤≤ siik

1

≡ 1 (mod 3) .

C(n1, n2, … , ns) = card (k1, k2, …, ks) ∈ Ns ; (∀i) 0 ≤ ki ≤ ni et ∑

≤≤ siik

1

≡ 2 (mod 3) .

[ Indication : considérer le polynôme P(X) = (∑=

1

1

1

0

n

k

kX ) … (∑=

s

s

s

n

k

kX0

). ]

8.2. Séries génératrices.

Plus générales que les polynômes, mais soumises aux mêmes règles de calcul, les séries formelles fournissent une puissante méthode permettant d’étudier les suites d’entiers issues de problèmes de dénombrement. On la trouvera exposée dans le chapitre sur les Séries entières formelles, où sont proposées (§ 10) de nombreuses applications combinatoires classiques : dénumérants, dénombre-ments de permutations, d’arbres, parenthésages de Catalan, etc.

Exemple 1 : Considérons la suite an = nnC2 . Si on lui associe sa série génératrice ∑

n

nnnXC2 , on peut

démontrer par divers moyens (que nous verrons plus tard) que :

∑n

nnnXC2 =

X411−

= ( 1 – 4X )−1/2

.

En quelque sorte, la série entière ( 1 – 4X )−1/2

résume, « contient », la suite (an). On a remplacé une suite infinie de nombres réels par un unique objet.

Exemple 2 : série génératrice des coefficients binomiaux.

La série génératrice double est ∑kn

nkkn TXC,

= ∑∑n

nk

k

kn TXC )( = ∑ +n

nnTX)1( = TX)1(1

1+− .

Les séries génératrices horizontales sont ∑k

kkn XC = ( 1 + X )n.

Les séries génératrices verticales sont ∑n

nknTC = 1)1( ++ k

k

TT

.

9. Invariants combinatoires.

Considérons un système pouvant prendre un nombre fini d’états EEEE = E1, E2, …, EN à des instants t = 0, 1, 2, …, n, … , le passage d’un état au suivant étant régi par des règles strictes. Si u(t) est l’état

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du système à l’instant t, u(t + 1) = F(u(t)), où F : EEEE → EEEE est une fonction bien définie. On se pose la

question suivante : peut-on atteindre l’état Ef en partant, à l’instant 0, d’un état initial donné Ei ?

Pour répondre à ce type de questions, il est souvent intéressant de rechercher des fonctions f : EEEE →

X invariantes dans le temps, c’est-à-dire telles que F o f = F. Si f(Ef) ≠ f(Ei), on est sûr qu’on ne peut

atteindre l’état final Ef en partant de l’état initial Ei.

F peut être un invariant de parité ou de congruence, un invariant numérique, polynomial ou matriciel, voire une fonction qui diminue avec le temps.

Exemple 1 : On écrit sur un tableau les nombres 1, 2, 3, …, 1998. On choisit deux nombres arbitraires que l’on efface pour les remplacer par leur différence. Cette opération est répétée tant que le tableau contient au moins deux nombres. Le dernier nombre restant peut-il être égal à 2 ?

Solution : La somme des nombres inscrits sur le tableau ne change pas de parité au cours du jeu car a + b et a − b ont même parité. Or 1 + 2 + … + 1998 = 999×1999 est impair. On ne pourra jamais obtenir au final le nombre 2, ni même aucun nombre pair. Reste à savoir quels entiers impairs on peut obtenir…

Exemple 2 : Dans la suite 1, 0, 1, 0, 1, 0, 3, 5, 0, … , chaque terme après le sixième est égal au dernier chiffre de la somme des six termes qui le précèdent. Prouver qu’il est impossible de trouver la succession 0, 1, 0, 1, 0, 1 dans la suite ainsi définie. (Olympiades russes, 1984)

Solution : Plaçons-nous dans Z/10Z. La suite (xn) est définie par :

x0 = 1 , x1 = 0 , x2 = 1 , x3 = 0 , x4 = 1 , x5 = 0 , xn+6 = xn + xn+1 + xn+2 + xn+3 + xn+4 + xn+5 .

Cherchons une forme linéaire F(x, y, z, t, u, v) = ax + by + cz + dt + eu + fv invariante au cour du système, c’est-à-dire telle que : F(x, y, z, t, u, v) = F(y, z, t, u, v, x + y + z + t + u + v) . Un rapide calcul conduit à F(x, y, z, t, u, v) = 2x + 4y + 6z + 8t + 10u + 12v.

La suite F(xn, xn+1, xn+2, xn+3, xn+4, xn+5) reste constante, égale à F(x0, x1, x2, x3, x4, x5) = 18 = 8 ; or F(1, 0, 1, 0, 1, 0) = 24 = 4.

Cette méthode se généralise aux récurrences linéaires Xn+1 = A.Xn, lorsqu’il existe une forme linéaire non triviale invariante par A, c’est-à-dire un vecteur-ligne L tel que L.A = L.

Exemple 3 : le taquin. Ce jeu fort connu consiste à déplacer les 16 cases d’un jeu en faisant coulisser la case vide.

151413121110987654321

141513121110987654321

NBNBBNBNNBNBBNBN

La question posée est celle-ci : peut-on ramener la configuration de gauche à la configuration voisine ? En 1878, Sam Loyd a proposé une récompense de 1000 dollars à qui y parviendrait.

Solution : Sam Loyd ne courait aucun risque, car il savait que c’était impossible. Voici pourquoi : Numérotons 16 la vase vide, et colorions les cases en blanc et noir en damier, comme indiqué. Toute configuration se déduit de la configuration initiale par une permutation σ de l’ensemble 1, 2, …, 16. Associons à toute configuration un indice de parité P : • Si la case vide 16 est noire, P est la signature de la permutation σ ; • Si la case vide 16 est blanche, P est l’opposé de cette signature. Par exemple, l’indice de parité de la configuration 1 est 1, celui de la configuration 2 est −1. Or, au cours du jeu, l’indice de parité P ne change pas. En effet, lorsqu’on passe d’une configuration à la suivante, on permute la case vide 16 avec une de ses voisines : la signature est changée en son opposée (composition par une transposition), mais la case vide change de couleur. Remarque : On peut montrer que la condition « avoir même parité » est non seulement nécessaire, mais aussi suffisante, pour passer d’une configuration à une autre, pour un taquin de toute taille.

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Exercice 1 : On considère le tableau suivant, où seul l’élément situé à l’intersection de la première ligne et de la troisième colonne est un signe −, tous les autres étant des signes + : A chaque étape, on peut changer les signes d’une colonne, d’une ligne ou d’une diagonale quelconque. Peut-on se retrouver avec un tableau où tous les

éléments sont des signes + ?

Exercice 2 : On affecte à chaque sommet d’un cube donné un entier naturel. Il est alors possible de choisir une arête et d’ajouter 1 aux nombres associés à ses deux extrémités. Partant de la situation représentée ci-contre, prouver qu’il est impossible de rendre les nombres associés aux huit sommets égaux. Exercice 3 : On définit une partie H de Z×Z par les propriétés suivantes : a) H contient les points A(0, 0), B(1, 0) et C(0, 1). b) Tout point M de H est le symétrique d’un point de H par rapport à un autre point de H. Le point (4, 3) est-il élément de H ? En combien d’étapes peut-on le construire au minimum en partant de A, B et C ? Le point (1, 1) est-il élément de H ? Problème sur le jeu du solitaire 1) Des trous sont creusés en les 37 points (x, y) ∈ Z×Z, tels que |x| + |y| ≤ 4 et max(|x|, |y|) ≤ 3.

Soient T l’ensemble de ces points, et T0 l’ensemble T−(0, 0). Représenter ces ensembles.

Des billes sont placées en chacun des 36 trous de T0. Une bille placée en (x, y), si elle est voisine de la bille de droite (x+1, y), et si le trou (x+2, y) est vide, peut sauter par-dessus sa voisine (x+1, y) et venir se placer en (x+2, y) ; la bille placée en (x+1, y) est alors escamotée. Et la même règle s’applique vers la gauche, vers le haut et vers le bas.

2) On note A =

0111 la matrice carrée d’ordre 2 à coefficients dans Z/2Z.

Vérifier que A2 + A + I = 0 et en déduire que A

3 = I

3) A toute partie finie F de T on associe ∆(F) = ∑∈

+

Fyx

yxA),(

.

a) Montrer que la somme ∆(F) reste constante au cours du jeu.

b) Montrer que ∆(T0) est la matrice nulle. c) Déduire de ce qui précède qu’il est impossible de terminer la partie avec une seule bille, ni avec deux billes voisines.

N.B. : Il n’en est pas de même si l’on enlève à T les quatre trous (±2 , ±2). Problème sur le jeu du solitaire11

1) Des pions (xi, yi)1≤i≤N, deux à deux distincts, sont disposés dans Z×−N. Un pion, placé en (x, y), s’il est voisin du pion de droite (x+1, y), et si (x+2, y) n’est pas occupée par un pion, peut sauter par-dessus son voisin (x+1, y) et venir se placer en (x+2, y) ; le pion (x+1, y) est alors escamoté. Et la même règle s’applique vers la gauche, vers le haut et vers le bas. Montrer que, quoi qu’il arrive, un pion ne peut jamais dépasser l’ordonnée 5. Montrer que l’on ne peut améliorer la valeur 5.

11 Cf. RMS octobre 2012, R 510 p. 78-86

+++++++++++++−++

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[ Indication : Soit ϕ le nombre d’or, solution > 0 de l’équation ϕ2 − ϕ − 1 = 0 ; appelons « énergie »

d’une partie finie C de Z×−N le réel E(C) = ∑∈

+−

Cyx

yx

),(

ϕ ; majorer E(C) et étudier comment elle varie

au cours du jeu. ]

2) N pions distincts (xi, yi)1≤i≤N sont disposés sur Z×Z. Si on leur applique la règle ci-dessus, que dire de la configuration finale ?

Maple et les mathématiques discrètes Maple contient plusieurs packages de mathématiques discrètes, que l’on pourra explorer : • Un package combinat de fonctions combinatoires ; • Un package group relatifs aux groupes de permutations et aux groupes de présentation finie ; • Un package logic de logique booléenne ; • Un package numtheory de théorie des nombres ; • Un package powseries de séries entières formelles.

Exercices et problèmes Exercice 1 : Lire les Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau. Lequel préférez-vous ?

Exercice 2 : Théorème du bal de fin d’année 12. Une école contient autant de garçons que de filles. Après le bal de fin d’année, les garçons déclarent avoir dansé en moyenne avec 7 filles, les filles déclarent avoir dansé en moyenne avec 4 garçons. Est-ce possible ?

Exercice 3 : Dans l’ensemble des personnes vivantes, chaque personne a serré la main d’un certain nombre d’autres personnes. Montrer que le nombre des personnes qui ont serré les mains d’un nombre impair de personnes est un nombre pair.

Exercice 4 : Dans un plan affine réel, on se donne 1000 points distincts deux à deux. Montrer qu’il existe une droite telle que 500 points se trouvent d’un côté, et 500 de l’autre.

Exercice 5 : Soit n ≥ 3. Dénombrer les triplets (x, y, z) ∈ N*3 tels que :

x + y + z = n , x ≤ y + z , y ≤ z + x , z ≤ x + y .

On trouvera 8

)2)(8( −+ nn si n est pair,

81²−n si n est impair.

Exercice 6 : Démontrer que le nombre de triangles inégaux de périmètre n à côtés entiers et non aplatis est égal au nombre de façons de payer n−3 euros avec des pièces de 2, 3 et 4 euros.

Exercice 7 : Soient E un ensemble à n éléments, RRRR une relation d’équivalence sur E.

Montrer que n2 ≤ k.r, où k est le nombre de classes d’équivalence, r le nombre d’éléments de la

relation d’équivalence (c’est-à-dire le nombre de couples en relation).

Exercice 8 : On se donne n = 2m+1 objets de poids respectifs p1, …, pn. On suppose que, chaque fois que l’on isole un objet, il est possible de grouper les 2m objets restants en deux groupes de m éléments, de même poids total. Montrer que tous les objets ont même poids.

Exercice 9 : Plans de lotissements. 13

12 Un article du Monde (20 août 2007) invoque ce théorème pour mettre en doute la comptabilité des rapports sexuels déclarés entre hommes et femmes…

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20

Combien y a-t-il de matrices à n lignes et p colonnes, à éléments dans 0, 1 ?

Parmi elles, combien y a-t-il de matrices A = (aij) telles que chaque sous-matrice

+++

+

111

1

jiji

ijij

aaaa

contienne exactement deux 0 et deux 1 ?

Exercice 10 : A côté de la plaque. 14 Les nouvelles plaques d’immatriculation de ce pays comportent 2 lettres (entre A et Z), trois chiffres (entre 0 et 9) et encore deux lettres. Rien de bien original, direz-vous, cela fait 26

4×1000 plaques différentes, soit près de 457 millions ? Pas tout à fait, car les autorités ont imposé une autre règle : deux immatriculations ne diffèrent jamais d’un seul caractère (elles n’ont jamais six caractères sur sept à la même place). Exemple : AB-657-BL et AB-657-CL sont incompatibles. Combien de plaques différentes au maximum peut-on réaliser en appliquant cette règle ?

Exercice 11 : Rectangles dominables. Un rectangle entier, c’est-à-dire dont les côtés ont des longueurs entières m et n, est dit dominable si on peut le paver par des dominos (rectangles de côtés 2 et 1).

1) Montrer qu’un rectangle entier de côtés m et n est dominable si et seulement si m ou n est pair.

2) Combien y a-t-il de façons de paver par des dominos un rectangle (2n)×1 ?

3) Montrer que le nombre de façons de paver par des dominos un rectangle n×2 est lié aux nombres de Fibonacci.

4) Montrer que le nombre de façons de paver par des dominos un rectangle (2n)×3 est g(n), où g(0) = 1 , g(1) = 3 , g(2) = 11 , g(n + 2) = 4 g(n + 1) − g(n).

5) Montrer que le nombre de façons de paver par des dominos un rectangle n×4 est f(n), où f(0) = 1 , f(1) = 1 , f(2) = 5 , f(3) = 11 , f(n + 4) = f(n + 3) + 5 f(n + 2) + f(n + 1) − f(n).

Remarque : On a montré en 1961 que le nombre de façons de paver par des dominos un rectangle

(2m)×(2n) est donné par 4mn∏∏

= = +++m

j

n

k nk

mj

1 1

)12

²cos12

²(cos ππ ( Pour la Science, juillet 2006 ).

Exercice 12 : Jeu du piquet. Deux joueurs ajoutent alternativement des nombres de 1 à 10. Le premier joueur part de 0. Le premier des joueurs à atteindre le total de 100 gagne la partie. 1) Montrer que celui qui atteint un total compris entre 90 et 99 a perdu. En déduire que celui qui atteint un total de 89 a gagné. 2) Quel nombre doit choisir le premier joueur s’il veut être sûr de gagner à tout coup ? 3) Montrer que si le total à atteindre est 110, le premier joueur est sûr de perdre. Généraliser.

Exercice 13 : Une formule d’inversion.

1) Soient I un ensemble, FFFF l’ensemble des parties finies de I. Pour tout A ∈ FFFF , on pose ε(A) =

(−1)card(A)

. Soient G un groupe additif, f et g deux fonctions FFFF → G. Montrer l’équivalence :

(∀A ∈ FFFF) g(A) =∑⊂ AB

Bf )( ⇔ (∀A ∈ FFFF) f(A) =∑⊂

−AB

BgBA )().(ε .

2) Soient (un) et (vn) deux suites à valeurs dans G. Montrer l’équivalence des deux propriétés :

(∀n ∈ N) vn =∑=

n

kk

kn uC

0

. ⇔ (∀n ∈ N) un = ∑=

−−n

kk

kn

kn vC0

..)1( .

3) Soit d(n) le nombre de permutations de 1, 2, …, n sans point fixe.

13 Exercice tiré du Monde, juillet 2010, n° 682. 14 Exercice tiré du Monde, août 2010, n° 686.

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21

Montrer que n! = ∑=

n

k

kn kdC

0

)(. . En déduire une expression de d(n). Limite de la suite (!)(

nnd

) ?

Quel est le nombre moyen de points fixes d’une permutation de 1, 2, …, n ? Sa variance ? 4) Soit r(n) le nombre de recouvrements d’un ensemble de n éléments (un recouvrement de X est un ensemble de parties de X de réunion X).

a) Montrer que n2

2 = ∑=

n

k

kn krC

0

)(. . En déduire une expression de r(n).

b) En déduire r(0) = 1 , r(1) = 2 , r(2) = 10 , r(3) = 218 , r(4) = 64594, etc.

c) Montrer que r(n) ∼ n2

2 quand n → +∞ .

Exercice 14 : Soient E = a1, …, am un ensemble fini de cardinal m ≥ 2, U1, U2, …, Un n parties

non vides de E deux à deux distinctes telles que ∀(i, j) i ≠ j ⇒ card(Ui ∩ Uj) = a.

Soit pi = card Ui , et M ∈ Mn,m(R) la matrice définie par mij = 1 si aj ∈ Ui , mij = 0 sinon.

1) Calculer M.tM. Montrer que l’ensemble i ; pi = a a au plus un élément.

2) Montrer que M.tM est définie positive. En conclure que n ≤ m.

Exercice 15 : 21 filles et 21 garçons ont participé à une compétition mathématique. • chaque participant a résolu au plus six problèmes ; • pour chaque fille et chaque garçon, un même problème, au moins, a été résolu par chacun d’entre eux. Montrer qu’il y a un même problème, au moins, qui a été résolu par au moins trois filles et trois garçons.

[ Olympiades 2001, problème 3 ] ____________ Problème : géométrie combinatoire On appelle plan projectif la donnée d’un couple (Π, ∆) formé d’un ensemble Π, dont les éléments sont appelés points, et d’un ensemble ∆ de parties de Π, appelées droites, vérifiant les 3 axiomes :

(P1) Deux points distincts quelconques a et b appartiennent à une et une seule droite, notée (a b) ; (P2) Deux droites distinctes d et d’ se coupent en un et un seul point ; (P3) Toute droite contient au moins trois points ; il existe au moins trois points non alignés.

Un isomorphisme de plans projectifs (Π, ∆) → (Π’, ∆’) est une bijection f : Π → Π’ telle que, pour tous a et b, ( f(a) f(b) ) = f((a b))

1) Si m ∈ Π, on appelle faisceau de base m l’ensemble Fm des droites passant par m ; soit Π’ l’ensemble des faisceaux. Montrer que (∆, Π’) est un plan projectif, appelé dual de (Π, ∆). Quel est le dual de (∆, Π’) ?

2) Dans cette question, (Π, ∆) désigne un plan projectif fini : card Π = N.

a) Montrer que deux droites quelconques d et d’ ont même cardinal. [ Indication : Soit o un point n‘appartenant pas à d ∪ d’ ; considérer l’application qui à p ∈ d associe l’intersection p’ de (op) avec d’.] On note n+1 le nombre de points de chacune des droites.

b) Montrer que par chaque point passent n+1 droites, et que card Π = card ∆ = n2 + n + 1.

3) Exemple : Soit K un corps commutatif fini à q éléments, E l’espace vectoriel K3, E• = E − 0,

0, 0) Considérons l’ensemble des triplets non nuls d’éléments de K . Ecrivons (x, y, z) R (x’, y’, z’) ss’il existe λ ≠ 0 tel que (x’, y’, z’) = λ.(x, y, z).

a) Montrer que c’est une relation d’équivalence. Soit Π l’ensemble quotient ; que vaut card Π ?

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22

b) A tout triplet (a, b, c) ≠ 0 on associe le quotient de (x, y, z) ∈ E• ; ax + by + cz = 0 par R. Cet ensemble est appelé droite ; l’ensemble de ces droites est noté ∆. Montrer que (Π, ∆) est un plan projectif.

c) Soit (Π, ∆) un plan projectif à 7 éléments ; montrer qu’il est isomorphe au plan du type précédent, avec K = Z/2Z.

Remarques : On peut montrer que les automorphismes du plan à N = 7 éléments (n = 2) forment un groupe simple à 168 éléments, le célèbre groupe PSL(3, F2) ≈ PSL(2, F7). En 1988, C. W. Lam, L. H. Thiel et S. Swiercz ont montré informatiquement qu’il n’existe pas de plan projectif à N = 111 éléments (n = 10).15 Une des grandes conjectures de la géométrie combinatoire affirme que tout plan projectif fini est isomorphe à un plan projectif sur un corps fini. Hormis ce cas, les axiomes (P1) à (P3) sont insuffisants pour faire de la géométrie projective. ____________ Problème : lemme des mariages « L’amitié est le mariage de l’apparence et de la réalité. »

Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales

Soient E et F deux ensembles finis, x → A(x) une application E → PPPP(F).

Pour qu’il existe une injection f : E → F vérifiant : (∀x ∈ E) f(x) ∈ A(x) , il faut et il suffit que :

∀H ∈ PPPP(E) card H ≤ card UHx

xA∈

)( ( lemme des mariages de Philip Hall, 1934 ).

[ Indication16 : Raisonner par récurrence sur n = card E. On distinguera deux cas, selon qu’il existe

ou non, une partie H, non vide et ≠ E, telle que card H = card UHx

xA∈

)( . ]

____________ Bibliographie

Blaise Pascal : Œuvres complètes (Pléiade) Edouard Lucas : Théorie des nombres (Blanchard) Louis Comtet : Analyse combinatoire (Puf, coll. Sup, 2 tomes) Donald Knuth : Fundamental Algorithms (Addison Wesley) William Feller : Introduction to the theory of probability (Wiley) Marvin Marcus : A survey of finite mathematics (Dover) George Polya, Gabor Szegö : Problems and theorems in Analysis (Springer) R. Stanley : Enumerative combinatorics Jacques Bouteloup : Nombres de Catalan (RMS février 1994) Tarik Belhaj Soulami : Les olympiades de mathématiques (Ellipses, 1999) Mohammed Aassila : Olympiades internationales de mathématiques (Ellipses, 2003) Paul Bourgade : Olympiades internationales de mathématiques (Cassini, 2005) RMS avril 1990 : Dénombrement de cycles (J.-M. Monier) Problème d’ENS 2002 : Dénombrement des arbres Oulipo, Queneau, Roubaud, Pérec, Bens, etc. : Œuvres poétiques Pascal Kaeser : Nouveaux exercices de style (Diderot) Charles Fourier : Hiérarchie du cocuage (Les presses du réel) Pour la science : Ian Stewart, Le crépuscule des antidieux (janvier 1995) Pascal, le calcul et la théologie (été 2003) Jean-Paul Delahaye, Le principe des tiroirs (janvier 2018) Tangente : Mathématiques discrètes et combinatoire (Hors série n° 39, 2010)

15 Cf. Bulletin n° 442 de l’APM, p. 603. 16 Une autre approche est proposée dans le pb sur les matrices bistochastiques, dans le chap. sur la convexité.

Page 23: Analyse combinatoire€¦ · à une taxinomie, et à une combinatoire : algèbres et groupes de Lie, théorie des nœuds, problème des quatre couleurs, etc 1. L’analyse combinatoire

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Invariants Encyclopedia universalis : Analyse combinatoire, Théorie des graphes, Jeu de go, Jeu d’échecs, Leibniz, etc.

Site Internet de Neil Sloane, encyclopédie OEIS (On line encyclopedia of integer sequences) des suites d’entiers connues :

http://www.research.att.com/~njas/sequences/

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