ALAIN TRISTE SONDAGE ARCHEOLOGIQUE AURAY - 1983...
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ALAIN TRISTE
SONDAGE ARCHEOLOGIQUE
Chapelle Saint-Esprit
AURAY - 1983
DEPARTEMENT MORBIHAN
COMMUNE AURAY
LIEUDIT "Caserne Duguasclin"
Chapelle Saint-Esprit
PARCELLE A. P. 523
COORDONNEES 200.415 x 309.765
PROPRIETAIRE Commune d'Auray
AUTORISATION de sondage archéologique 56-1-02-007-001 n° 3 de Monsieur
Le Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne.
Recherches effectuées par le CENTRE D'ETUDES ET DE RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES
DU MORBIHAN : C.E.R.A.M.
j
La fouille a été effectuée par le Centre d'Etudes et de
Recherches Archéologiques du Morbihan (C.E.R.A.M. ).
Les fouilleurs permanents :
. Alain TRISTE
. Monique THUREAU
. Pierre BARA
. Patrick LEROUX
. Kaël NASLAIN
. Xavier MOUTET
- Plans, Nivellement et Photographies.
Alain TRISTE
- Le mobilier découvert est entreposé au dépôt de fouilles de
VANNES - Morbihan -
Les sondages réalisés "Chapelle Saint-Esprit" à AURAY
ont été effectués à la demande de Monsieur l'Architecte en Chef des
Monuments Historiques, avec l'accord de Monsieur le Directeur des
Antiquités Historiques.
L'intervention est motivée par les travaux de restauration
envisagés sur cet édifice de la fin du XlIIème siècle.
On lira ci-après le résumé de l'histoire de cette église
et les vitissitudes qu'elle a connu«depuis la révolution.
Quelle est doncl'histoire de la caserne Duguesclin ?
La libarté du Morbihan des 1er et 2 janvier faisait part à sas lecteurs d'un communi-qué de la mairie annonçant aux Alréens le classement au titre des monuments his-toriques de - l'imposant monument connu sous le nom de « caserne Du Gues-clin » d'un des- plus vieux quartiers d'Auray. qui abrite un peu tout sauf... des mili-taires.
Beaucoup d'AIréens igno-rent encore — malgré de nombreux écrits à ce sujet — 'qu'elle était, A l'origine, une église : témoin les res-tas d'ogives gravées dans les murs; « gravées»..car elles, ont été bouchées et recreusées de fenêtres. On peut dire que dans son état actuel, ce' chef-d'œuvre d'architecture religieuse du Moyen-Age est devenu un exemple de déneturation barbare d'un patrimoine» oV
Mais cette déneturation ne date pas d'aujourd'hui, ni même d'hier ; elle est le fruit, si l'on peut dire;; d'un long enchaînement d'événe-, mants nationaux — et déjà interna-tionaux — sur des siècleSv ■ ..
Car cette* caserne » date de la fin du 13è siècle. A l'origine, elle était la chapelle — aux dimensions, respectables + 40 m de long et 12 m de large et d'une hauteur qui la fait dominer toute la villa et la rend visible a des kilomètres à la ronde — de la « Commanderie de l'ordre hospitalier du St-Esprit (fondé dans les années 1180 à Montpellier par un Monsieur Guy dont on Ignore tout). Très rapidement, l'établisse-ment prit un essor, considérable • C'est, en effet à Auray, que les Assemblées Générales de I' Ordre se réunissaient dès le 14è siècle ; on y venait de tous les coins de France et d'Europe. Ce qui explique les ambitieuses dimensions de cette (t chapelle ».
On n'en trouve aucun exemplaire semblable en Bretagne. Le.monu-.
ment qui s'en rapprocherait le plus serait, d'après les architectes des Monuments Historiques, le palais des Papes à Avignon. Elle se carac-térisait par des contreforts légers, sans . arcs-boutants, des ogives
. énormes (3m sur 9). la plus grande étant celle du bout de la nef (6m sur 12m). La charpente, encore en bon .
I état est une véritable cathédrale de ; boiseries ; son acoustique est mer-veilleuse comme on savait en ce' temps-là, la construire. On entrait-sur la face sud par un porche : la cour actuelle des pompiers (der-niers occupants du lieu) serait, pense-t-on un ancien- cimetière;; Des fouilles vont être très prochai- .'•
. nament entreprises par une équipe de bénévoles de Vannes pour mieux connaître les extérieurs de la chapelle. Nous y reviendrons ces jours prochains.. '-; . .
Bien sûr. à l'origine, les mansar-des, les fenêtres et tout l'imbroglio de salles intérieures n'existaient pas. En 1834, un voyageur signale que «'l'Intérieur est toujours nu », un tout! petit campanile la surplom-bait. Cé n'est qu'rj 19e siècle que
■ |a chapelle, devenue caserne.mili-tairs, est équipée ainsi de cloison-nements de bois « à là manière de Vauban » (d'où te style 17è des escaliers, couloirs, salles etc.).
Oui, au cours de sa longue his-toire, la chapelle du St-Esprit a connu maintes vicissitudes. Long-temps ■ établissement hospitalier civil, militaire," hôpital - dWahts, dirigé successivement par les cher vallers du St-Esprit, des moines-, le clergé séculier, dés sœurs ou des Laïcs, elle devint comme bien on pense, « bien national » à la révolu-tion. Ce fut le début de sa déca-dence. On y fit s'y installer tour à tour un dépôt d'artillerie, une auberge, une caserne militaire, puis plus récemment lé collège techni-que (qui deviendra le LEP transféré à Brech), la caserne des pompiers, et le siège social de multiples asso-ciations culturelles, sportives, syndicales ou autres peu à peu relo-gées dans de nouveaux locaux :
' municipaux. .'. ■ .! ' -. Or, ' cette" vieille église est un
joyau exceptionnel, un des rares,
vestiges très anciens de notre patri-moine alréen. Les monuments les" plus marquants de notre histoire très riche en événements d'Impor-tance ont tous été détruits : le châ-teau (par négligence ou jalousie de Henry II de France, petit fils d'Anne de Bretagne ?), la fine chapelle Notre-Dame sur la plaine dont les vitraux et la flèche étalent merveil-les et qui servait d'amer aux bateaux ; le cloître (détruit à la révolution) ; l'église de la Char-treuse incendiée en 1967 par l'orage ; Il ne reste plus guère que le fsmeux pont de St-Goustan rela-tivement récent et... la « caserne DuGuesclin ». -
C'est pourquoi tous les amis du vieil Auray et particulièrement la
' municipalité ont à cœur de la res-taurer « à l'authentique », c'est-à-dire la débarrasser de tout ce fatras
Egliss du Saint Esprit à Àiray tC. de Fréminvillel dans son état primitif
d'aménagements en caserne qui la dénature, complètement pourri d'ailleurs et rongé pat la vermine ; rétablir les ogives ; effacer fenêtres et mansardes, et lui rarldre toute sa grandiose nudité intérieure. -.
Son classement aux Monuments Historiques permet d'espérer des. subventions a concurrence de 75 % des dépenses, ce qui est vrai-ment une occasion exceptionnelle.
A quoi servira-t-elle ensuite ? la Commission Culturelle Municipale se pencha déjà sur. la question ; plusieurs projets sont à l'étude. De toute façon, la restauration durera des années, et reposera sur de nombreux exercices budgétaires : bon espoir- pour beaucoup de corps de môtiars, qui . y trouveront un chantier particulièrement passion-nant. ' - - ; V.-' ..,*.. ...^ '
Une preuve de l'importance cul-rtirallâ Aa ratta anttanrica aar mi» In Une bailv charpente en très bon état
Quatre sondages d'importance inégale ont été réalisés
(voir plan d'ensemble). Un seul a pu être effectué à l'intérieur
de l'édifice qu'encombrent encore les ateliers et installations
de la municipalité. Les mesures de nivellement sont prises à partir
du niveau 0 qui est le dallage intérieur d'origine de l'édifice
dans sa partie Est (voir plan général). Toutes les cotes figurant au plan
sont indiquées par rapport à ce niveau 0.
1") SONDAGE (A-H) Photographies 2.3.4.5.
A l'extérieur, au pied du contrefort recevant la poussée du
grand arc, se prolonge un escalier construit postérieurement donnant
accès aux combles, (photographie 2). La présence de colonnettes engagées
(photographie 3) pourrait laisser croire qu'une construction avait pu
vers la Renaissance, doubler l'édifice primitif : d'où la nécessité d'un
sondage en cette zone.
Un décapage du sol, constitué de terre battue, est réalisé sur
20 m2. Avant la fouille , le sol est à - 0,75 m/N.O..
Après la fouille, le point le plus bas est à 1,55 m/N.O.
1 - A l'Est, et tangent au faisceau de colonnettes de l'escalier,
un pavage qui parait être en liaison avec l'entrée. Ce pavage, à -0,95 m/N.O.
semble dans sa partie dégagée, former caniveau.
2 - Une plateforme parallèle à l'édifice constituée d'un blocage de
moellons non taillés, limités par un pavement de plusieurs assises. Cette
plateforme s'interrompt à la liaison du contrefort et de l'escalier poly-
gonal. Elle peut avoir servi de fondation à ce contrefort, sur lequel
repose l'arc qui traverse l'édifice.
Le niveau moyen de cette plateforme est à - 1,00 m/N.O..
Aucun niveau correspondant à la base des colonnettes n'est mis en évidence.
Celles-ci, compte-tenu des limites imposées à la fouille par les
constructions parasitaires, ne paraissent donc pas avoir fait partie
d'un dispositif extérieur complexe.
3 - A - 1,20 m/N.O. deux sépultures sans mobilier archéologique
en terre libre, partiellement recouvertes par le pavage décrit plus
haut; on sait que les abords de l'édifice ont, naturellement, servi
autrefois de cimetière.
La céramique mise au jour appartient à deux types principaux :
- Pâte blanche, sonore à glaçure verte caractéristique des
sites postérieurs au XlIIème siècle.
- Céramique onctueuse (marmite sphérique à décors classiques
à impression d'ongles et marmite à large rebord et panse
droite). Voir planche. On sait que ce type de céramique
fréquent sur les sites médiévaux bretons, d'origine sud-
finis térienne , a été en usage jusqu'au XVIème siècle.
2°) SONDAGE (B.C.D.G.) Photographies 6 et 7
Dans une cour gazonnée dont le sol est à - 0,20 m/N.O.
quatre vérifications sont faites. Elles sont effectuées au-delà des
différents réseaux superficiels (gaz, électricité, eaux-usées ....)
B : photographie 6
fouille menée jusqu'à - 1,80 m/N.O. on rencontre successivement
. des conduits d'eaux pluviales récents et anciens
(haut et bas photographie 6)
à - 0,35 m/N.O. apparait un mur (milieu photographie 6) large
de 0,70 m et dont les dernières assises sont à - 1,80 m/N.O.
La fouille ne met pas en évidence de niveau d'occupation.
C : photographie 7
fouille menée jusqu'à - 1,30 m/N.O. Le mur précédemment décrit
en B, rejoint un mur perpendiculaire, large de 0,80 m, et
contemporain. A l'angle intérieur, une sépulture apparait
partiellement.
D : Une vérification permet d'établir que le mur se poursuit : l'assise
supérieure est à - 1,40 m/N.O.
G : Aucune trace de jonction avec le mur de la chapelle n'est attestée :
la fouille est arrêtée à - 1,60 m/N.O. et des sondages complémentaires à la
barre à mine semblent bien confirmer l'absence de ce mur au contact de la
chapelle. Seules les fondations de cette dernière sont mises au jour, sous
forme d'une semelle qui déborde de 0,50 m.
3°) SONDAGE - E - photographies 8 et 9
Il est réalisé dans la seule partie interne de l'édifice se
prêtant à une fouille : c'est un débarras obscur correspondant approximativement
à la limite Est de la nef. La fouille concerne taut l'espace disponible limité
par des cloisons récentes. Elle est conduite depuis le N.O. jusqu'à - 1,30 m de
profondeur.
Après dépose du dallage, on mit au jour un sol de terre battue
à - 0,20 m/N.O.
De - 0,20 m à - 0,45/N.O. : remblais de pierres mortier.
A - 0,45 m/N.O. apparait un.deuxième sol en terre battue.
De - 0,45 m à - 1,10 m/N.O. : terre noire et tessons de céramique
onctueuse et vernissée identiques aux exemples décrits plus haut.
A - 1,10 m/N.O. apparait le sol naturel (arène granitique).
Une fosse est creusée dans cette arène pour enfouir un cercueil
de bois, clouté, contenant des restes d'ossements (V. photo 8 et 9). A la
hauteur du bassin, deux monnaies en cuivre sont trouvées, double-tournois de
Louis XIII avec trois lis, dont l'une porte la date 1639 et deux perles de
chapelet. La fouille est malheureusement limité par l'exiguité de la pièce.
Une sape en bordure ouest révèle les fondations très grossières d'un mur
orienté Nord-Sud, donc coupant la nef : on n'a pas pu prolonger l'observation.
Au Nord, et à -0,20 m/N.O. un rebord maçonné est dégagé sur
0,45 m de largeur.
4°) SONDAGE - F - photographie 10
Il est implanté au niveau, où, dans la façade, apparaît
la jonction de deux appareils de même type.
Il est réalisé à la base du mur jusqu'à - 1,00 m/N.O.
Il permet de mettre au jour à - 0,40 m/N.O. un seuil
fait d'une dalle qui se raccorde par un "congé" à la base sculptée
du tore que l'on devine en façade.
Une entrée latérale existait donc autrefois à ce niveau.
SONDAGE F
CONCLUSIONS
La faible extension des zones fouillées n'autorise
évidemment pas à des conclusions de portée générale.
L'encombrement de l'extérieur comme de l'intérieur
de l'édifice ne permet pas en l'état actuel,de conduire une fouille
d'importance.
A l'issue des recherches, on se limitera donc aux
remarques suivantes :
- Au sud du choeur, à l'extérieur de l'église, ^existait un
espace clos de murs, utilisé semble - t-il à une date assez
reculée (céramique onctueuse) et qui a servi à un certain moment
(XlV-XVème siècle ?) pour les sépultures.
- Au niveau du contrefort qui soutient la grande arcade, aucune
construction annexe n'apparaît : l'escalier polygonal qui s'ajoute à
ce contrefort ne complète aucune autre structure architecturale.
AVRIL 1983
Photo 3 : Colonnettes engagées
PHOTO 4 et 5 : Sondage A
- Sur la photo 4 : à gauche les colonnettes, à droite la tour de
l'escalier polygonal ainsi que ses fondations.
- Sur la photo 5 : en haut à droite, le contrefort de la grande
arcade, sur la partie droite, plateforme constituée d'un
blocage, limitant un pavement de plusieurs assises.
PHOTO 6 : Sondage B
Sur le haut et le bas de la
photo conduits récents d'eaux
usées.
Au milieu mur de fondation
large de 70 cm.
PHOTO 7 : Sondage C
Intersection de deux murs, celui de droite large de C370 m et
perpendiculaire large de 0,80 m se prolongeant dans le sondag
PHOTO 8 : Sondage E
Trace des planches d'un cercueil de bois clouté
PHOTO 9 : Sondage E
Cercueil après la fouille. Deux monnaies double tournois d
Louis XIII, l'une portant la date de 1639 et deux perles d
chapelet sont trouvées à la hauteur du bassin.
+ 0,31 P + 0, 19 + 0,16
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AURAY CHAPELLE DU SA /NT ESPR/T
19 8 3 SONDAGE ARCHEOLOGIQUE
LE CERAM - A. TRISTE
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N i vea u 0
/
/
I- RECHERCHES HISTORIQUES, ARCHEOLOGIQUES, ET ARCHITECTURALES
1- ESSAI CHRONOLOGIQUE
1 175
1198
1269
XlIIe siècle
XVe siècle
1643-1654
4 juin 1699
1700
L'ordre hospitalier du Saint Esprit est fondé par un certain Guy.
Il construit avec l'aide de laïcs, à Montpellier, un hôpital destiné
aux pauvres et aux infirmes.
Peu avant le XlIIe siècle, l'ordre s'adjoint des clercs qui prononcent
des voeux solennels. Le 23 avril de cette année, le pape Innocent III
approuve cette nouvelle constitution. A la mort du fondateur, la
maison-mère est transférée à Rome.
A proximité du château d'Auray, le Duc Jean II Le Roux fonde l'oratoire
du Saint-Sépulcre. Cet établissement, situé en un lieu plaisant, cor-
respond-il de fait à la chapelle qui nous est parvenue ?
Peu avant 1290, la commanderie d'Auray est administrée par Jean de
Monnete, selon la règle de Saint Augustin (selon E. Fonssagrives,
opère citato).
A plusieurs reprises, Auray, ville ducale, reçoit le Chapitre de
Bretagne.
En 1434, l'hôpital dont s'occupent jusque là quelques chapelains est
livré à un commandeur séculier. C'est l'annonce de la décadence de la
commanderie et de sa disparition. Vers 1482, sept religieux desservent
la maison (selon Le Mené, opère citato).
A cette époque, l'hospitalité ne se pratique plus guère à la commande-
rie du Saint Esprit, et l'opinion publique s'en émeut. En 1643, les
Carmes de Vannes demandent l'autorisation de s'installer à Auray en
lieu et place des chapelains du Saint Esprit. Déboutées dans leur
demande par la communauté de la ville, les Carmes en prennent toutefois
possession en 1654 ; sur protestation vive des Alréens, elles devront
s'en aller. Cet épisode a eu pour effet de rappeler à l'ordre du
Saint Esprit son devoir de secours aux indigents (selon Le Mené, opère citato) .
Catherine Boderion fonde un office canonial en la chapelle du
Saint Esprit :
"... laquelle pour la plus grande gloire de Dieu a par le présent
acte fondé et fonde à perpétuité en l'église de la commanderie du
Saint Esprit de cette ville d'Auray, l'office canonial a estre dit
par Messieurs les Prestres de lad église a chacun jour et fête de
la Pentecôte..."
(A.D.M., G 342, F 272-273)
Si l'on dénombre 36 personnes assistées dans la ville, pas une seule
ne trouve asile au Saint Esprit. La chapelle sert, à cette date,
d'entrepôt à grains.
(selon E.Fonssagrives, opérer citato).
- 2 -
7 juillet 1703
27 sept.1715
Juin 1716
1724
Octobre 1747
1759
Maître Alain Alano obtient un bail à ferme de sept ans pour les
revenus du Saint Esprit d'Auray :
"... lequel a reconnu avoir baillé et délaissé à tiltre de ferme
et pris d'argent pour sept années et sept parfaites levées et jouis-
sance qui ont commencé le premié du présent mois de juillet et
pour faire jouire à maître Alain Alano notaire royal demeurant en
la ville de Vannes..."
(A.D.M., G. 343, F 98)
Durant le XVIIe siècle, les commandeurs se succèdent à un rythme
assez élevé ; ainsi l'Abbé Charles Mignon supplante M. Eustashe
d'Avergne en 1693, lui-même remplacé en 1710 par Michel de France de
Vandeuil, religieux du Saint Esprit de Montpellier : d'où le procès
engagé par eux et l'accord signé le 27 septembre 1715. Le grand
conseil du Roi accorde la jouissance de la commanderie à Michel
de France de Vandeuil, à charge pour lui d'y assurer l'hospitalité.
Il n'en fera rien.
"... led frère de Frande de Vandeuil sera maintenu et gardé en la
possession et jouissance de la commanderie du Saint Esprit d'Auray..."
(A.D.I.V., D 2 156)
Les maisons de la commanderie sont en ruine. La chapelle et les
bâtiments sont réparés, travaux encore non achevés en 1724.
"... Le nombre des pauvres de la dite commanderie serait plus consi-
dérable si ledit sieur commandeur qui a trouvé les maisons dans une
totale ruine et caducité lors de son entrée en icelle au mois de
juin 1716, n'avait pas esté obligé de débourcer plus de neuf à dix
mille livres pour les plus urgentes réparations des dites églises et
maisons auxquelles il travaille encore actuellement..."
(AD.I.V., C 2 156, déclaration des religieux hospitaliers du Saint
Esprit d'Auray, 15 septembre 1724).
Selon la déclaration susdite, le commandeur déclare être seul avec
un religieux de l'Ordre du Saint Esprit et aussi deux prêtres séculier:
pour le service divin. Les pauvres y trouvent toujours refuge mais
ne sont plus que sept. La commanderie connaît dès cette époque de'
nombreux problèmes de trésorerie : les revenus sont encaissés, mais
le bénéficiaire oublie quelque peu les charges qui lui sont impliquées
(A.D.I.V., C 2 156).
Pour faire face aux dettes et au risque de voir les édifices s'écrou-
ler, la communauté réclame la fusion des biens et revenus de la com-
manderie et de ceux de l'hôpital général. Cinq ans plus tard,
tandis que François Hugues Pépin jouit des biens du Saint Esprit
depuis mai, la situation financière est désastreuse :
"... une grande partie des biens de cet hôpital consistent en vieilles
maisons qui dans quelques années, coûtent des sommes. A Auray le
14 septembre 1753".
(A.D.I.V., C 2156, Intendance de Bretagne)
De décadence en décadence, un hôpital militaire est installé
-provisoirement- dans les logements de la commanderie.
(selon P. Thomas-Lacroix, opère citato)
I - 3 -
1762 Le Ministère de la Guerre occupe toujours les maisons dépendant de
la commanderie ; bien plus, ils transforment une partie des bâtiments
en dépôt d'artillerie : pour des raisons de commodité, on peut sup-
poser qu'il s'agit ici de la chapelle elle-même, vaste salle qui
servit déjà à emmagasiner les grains,
(selon E. Fonssagrives, opère citato).
1773 L'ordre hospitalier du Saint Esprit a été aboli par le pape en 1762 ;
les biens passent en 1773 à l'ordre de Saint Lazare. Mais, le 11 juin
de cette année, l'union des biens de la commanderie à l'hôpital généra
de la ville est proclamée.
Le 16 décembre Mil; la ville prendra effectivement possession de ces
biens, et y installent le siège de l'hôpital général.
"... en vue d'union des biens et revenus de la commanderie du Saint
Esprit de la mesme ville audit hôpital .../... à laquelle requeste
est joint le plan des bâtiments de la commanderie et un état des bâ-
timents tant de ces bâtiments que de ceux de l'hôpital général d'Auray
.../... nous nous sommes tous de compagnie rendus en l'église de la-
ditte commanderie où nous avons assisté à la messe .../... nous,
notaires royaux, avons monté la marche du grand autel et à haute et
intelligible voix avons publié et donné à entendre au peuple présent
tout ce que dessus dit que nous avons rejeté à différentes fois .../..
sommes de compagnie avec le D. Sieur Gillat rendus jusqu'au choeur
où il a pris place et séance de là à la cloche qu'il a sonné à trois
différentes reprises, duquel endroit nous nous sommes rendus à la
sacristie de la même église..."
(A.D.M., G 330, f 104-114)
La description -sommaire- qui nous est donnée de l'édifice permet
toutefois de préciser que la chapelle paraît encore vide de tout
aménagement.
1787-88 A la veille de la Révolution, les biens sont placés sous séquestre.
Les réparations se font de plus en plus urgentes. Malgré les efforts
conjugués, l'hôpital général est impuissant à soulager la misère
des pauvres.
Un recensement du 13 janvier 1790 dénombre à la commanderie, en plus
des concierges, quatorze garçons et seize filles,
(selon A. Le Goff, opère citato)
14 juillet 1790-Toutes les municipalités du royaume sont invitées par le conseil
général à organiser une cérémonie en faveur de l'exécution des choix
constitutionnels. Les citoyens d'Auray sont conviés à se réunir sur la
place d'armes de la caserne ou dans la chapelle du Saint Esprit s'il
fait mauvais temps :
"... le conseil général invite les militaires citoyens et les citoyens
militaires et tous les bons patriotes qui voudront s'unir de coeur et
d'esprit à la cérémonie auguste de la fédération générale qui aura
lieu à Paris, ledit jour de demain quatorze juillet à midy, à se
rendre environ les onze heures du matin sur ladite place d'armes,
ou dans ladite église du Saint Esprit,suivant le temps, pour y prêter
de concert le serment fédératif d'être unis de sentiment, de volonté
et de zèle pour l'exécution et le maintien des choix constitutionnels
du royaume... " (A.C. D'Auray, 1 D 5, F 9)
Le terme "église" ici employé tient à souligner sans aucun doute les
dimensions importantes d'un édifice - qui n'est que chapelle.
- 4 -
Le fait que la réunion puisse, en cas de mauvais temps, se tenir dans
la chapelle du Saint Esprit, laisse penser qu'elle était,aux lende-
mains de la Révolution, toujours vide, sans aménagements intérieurs.
Décembre 1790 La communauté d'Auray réclame l'établissement d'un hôpital militaire
permanent, ainsi qu'une garnison permanente ; rappelons que le minis-
tère de la Guerre occupe provisoirement les lieux du Saint Esprit de-
puis 1759.
(A.C. d'Auray, 1 D 5, F 45)
Janvier 1791 Nous avons déjà dit que les bâtiments avaient besoin de réparations.
Au début de l'année 1791, des chutes de pierres d'un des pignons de la
chapelle provoquent quelques dégâts. Le propriétaire de la maison
endommagée demande des indemnités pour pallier aux dépenses occasionne
"... je demande acte du dépôt et requiers la lecture d'une adresse de
François Raymond propriétaire d'une maison attenante à la chapelle du
Saint Esprit, et d'Antoine le Maistre, locataire de cette maison.
Ces citoyens ont essuyé des pertes par la chute des pierres d'un des
pignons de ladite chapelle du Saint Esprit qui ont écrasé la maison
dudit Raymond..."
(A.C. d'Auray, 1 D 5, f 58)
La même année, sont enlevées deux pierres sacrées dans l'église du
Saint Esprit. La vocation originelle de l'édifice paraît dès lors
condamnée :
"... le deux de ce mois, vous avez rapporté procès-verbal de l'enlè-
vement de deux pierres sacrées qui a eu lieu dans l'église du Saint
Esprit de cette ville, et de l'état des autels dont elles ont été
extraites... "
(A.C. d'Auray, 1 D 5, f 85).
1818 Selon P. Thomas-rLacroix, à l'instigation de l'Abbé Deshayes, le collèg
est transféré dans la chapelle du Saint Esprit. Les documents des
années 1830 indiquant qu'alors la chapelle est planchéiée sur trois
niveaux à l'extrémité Est. Il est probable que ces premiers travaux
aient été réalisés pour recevoir les élèves.
1831-1832 Les soldats en garnison à Auray trouvent logement et nourriture chez
les habitants, en échange d'une indemnité de casernement. Depuis
longtemps, la communauté d'Auray réclame une caserne permanente ;
le Ministère de la Guerre y trouverait aussi son compte. Par un
arrêté royal du 12 août 1831, l'acquisition de la chapelle est déclaré
d'utilité publique. Le 29 août, le même ministère est autorisé à en
prendre provisoirement possession.
Détail important : le 26 septembre 1831, la Fabrique est priée de
remettre la clef de la partie que le Ministère n'occupe pas encore.
Il doit s'agir de la partie Est, celle qui est aménagée.
Le Conseil de Fabrique accepte de vendre la chapelle au Ministère
de la Guerre le 30 août 1832.
(A.C. d'Auray, H 206)
Pour sa part, ce ministère avait voté une dépense de 20 720 F à faire
à Auray (le 1er octobre 1831), pour approprier au casernement l'église
du Saint Esprit qui, seule, pouvait convenir au logement de plus de
trois cent hommes. Le plan de 1832 présente la partie Est de l'édifice
coupée de deux murs de refend. (Archives du Génie, Article 8, Section
- 5 -
Sans pouvoir s'appuyer sur des documents -ils font défaut- les travaux
qui ont transformé ou défiguré la chapelle du Saint Esprit ont dû
avoir cours pendant les années 1831-1832. En effet, dans un rapport
de 1834, on signale que seule la partie Est était planchéiée jusqu'au
grenier lors de la prise de possession du bâtiment par l'armée en 1830
Deux ans plus tard, les quatre planchers sont établis dans la partie
Ouest y compris celui du grenier. Les travaux qui auront lieu jusqu'en
septembre 1849, date où la garnison quitte Auray une première fois
pour y revenir vers 1860, consistent en l'entretien de couverture,
crépissage des grandes baies bouchées en 1831.
1848 Le conseil municipal délibère sur l'échange à effectuer entre la
communauté d'Auray et l'hospice, qui a joui jusque là de l'ancien
cimetière qui se situe près du presbytère. Il faudrait l'échanger
contre le bois dit du Saint Esprit. La proposition, acceptée lors
de la réunion du 4 novembre 1847, est conclue en novembre 1949 :
l'hospice reçoit toutefois la somme de 707,80 F représentant la plus-
value de ses terrains.
(A.C. d'Auray, 1 D 9, f 103, 120, 131).
1870 En vue de la vente aux enchères de la caserne qui doit avoir lieu le
2 août, la municipalité, dans un courrier du 20 juin 1870 demande au
département d'acquérir le bâtiment pour y installer un dépôt de mendi-
cité. Le département s'y refuse, invoquant des difficultés de trésorer
et aussi le peu d'intérêt artistique de l'ancienne chapelle.
(A.D.M., T 207 ; A.D.I.V., C 2 156 ; A.C. d'Auray, H 206).
"... d'ailleurs, il n'est pas supposable que le conseil général auto-
rise l'acquisition de ce bâtiment qui n'a rien d'artistique et dont il
ne saurait que faire, attendu que le département ne possède par les
ressources nécessaires pour l'établissement d'un dépôt de mendicité...'
(A.D.M. T 207, 20 juin 1870).
1879 Les pourparlers aboutissent en 1877 : le Ministère de la Guerre confir-
me qu'Auray bénéficiera d'une garnison permanente, à condition que
la ville fasse quelques concessions. A cet effet, elle accepte de
participer à différents travaux et surtout à l'achat de terrains et
d'immeubles pour agrandir, en particulier, la cour d'exercice au Nord.
La garnison est l'objet de tractation jusqu'en 1892, date à laquelle
elle regroupe un peu moins d'un bataillon.
(A.C. d'Auray, 1 D 13, f 150, H 206, M 365.368.369).
1900- 1910 Décidément, l'établissement de la garnison à Auray et son maintien
font encore l'objet de maintes délibérations du conseil municipal.
Si le Ministère de la Guerre ne mésestime pas l'importance de cette
place prête à faire face à un éventuel débarquement ennemi sur la
presqu'île toute proche de Quiberon, il préférerait concentrer ses
effectifs à Vannes.
Le 8 octobre 1907, la garnison quitte Auray. Sur protestations des
autorités locales, elle y revient le 4 avril de l'année suivante.
En 1910, des bruits courent quant au nouveau départ prochain de la
garnison. Il n'en serait rien, mais en gage de bonne volonté, la
commune finance une partie des travaux d'amélioration de l'hygiène.
"... le conseil maintient sa première décision de participer à la
dépense de reconstruction et d'amélioration de la caserne Duguesclin
et admet, à l'unanimité, le principe d'une contribution immédiate de
3 100 F pour les travaux ci-après qui intéressent plus particulièrement
l'hygiène des hommes :
- lavabos à aménager 300 F
- séchoir à couvrir 800 F
- bains-douches à construire 2 000 F
3 100 F
- 6 -
1920-1923 Après la guerre de 1914-1918, Auray ne possède plus de casernement.
Le 2 novembre 1922 est déposé un projet d'aliénation de l'ancienne
chapelle du Saint Esprit au profit de la ville. Pour réponse, le
Ministère de la Guerre la cède le 18 de ce mois aux Domaines.
La municipalité se retourne alors vers cette Administration en vue
d'obtenir gratuitement le bâtiment pour y installer des services
communaux. Le 19 septembre 1923, le préfet décide de principe la
cession du bâtiment à la ville. L'acte se réalise le 5 novembre :
la ville est propriétaire de la chapelle de l'ancienne commanderie
du Saint Esprit d'Auray, devenue vers 1830 la caserne Duguesclin.
"... ladite ville acquérant en vertu du décret d'expropriation du
9 août 1923. L'ensemble des bâtiments et terrains formant l'ancienne
caserne Duguesclin ci-dessous décrits et limités .../... Bâtiment a,
immeuble principal à usage de caserne en maçonnerie de moellons couvert
en ardoises à rez-de-chaussée et quatre étages occupant une superficie
couverte de 540 m2 environ, sur la place Sud deux petits magasins et
une cour en maçonnerie..."
(A.C. D'Auray, M 351)
"... La cession de la caserne Duguesclin m'a permis de mettre à la
disposition de votre société .../... deux locaux situés dans la partie
Sud du quartier comprenant l'ancienne écurie et le hangar ouvert qui
lui est contigù .../... je vous serais obligé de bien vouloir recom-
mander aux élèves de ne pénétrer sous aucun prétexte dans les autres
bâtiments et d'éviter toutes dégradations..."
(A.C. d'Auray M 351, lettre du maire au président de la société
"L'Alréenne", 18 septembre 1923).
1982 - 4 novembre - L'ancienne chapelle du Saint Esprit (caserne Duguesclin) est
classée (façades et toitures) parmi les Monuments Historiques, par
arrêté du Ministre de la Culture.
- 14 -
3 - ANALYSE ARCHÉOLOGIQUE ET ARCHITECTURALE
Ce grand bâtiment se présente selon un vaisseau unique de 47 m de long
sur 16 m de large, et 23 m de haut aux pignons.
Malgré les importantes modifications dont il a été affligé pour les
besoins du casernement, il garde encore un grand nombre de témoins qui peuvent nous
éclairer sur son ou ses architectures primitives.
LE PLAN
Ce vaisseau unique à cinq travées et chevet plat ne présente pas
suivant une disposition fréquente en Bretagne. L'origine Languedocienne de l'Ordre
du Saint Esprit pourrait en expliquer la raison.
L'Ordre du Saint Esprit est à rapprocher des ordres mendiants, dont
la naissance peut être considérée comme une conséquence de la Croisade Albigeoise ;
la mission qui leur était confiée était 1'évangélisation des populations séduites
par l'hérésie Cathare : "Vie au milieu des peuples, ralliement des esprits par des
exemples d'humilité et d'austérité". On voit donc naître au début du XlIIe siècle
les Dominicains, les Franciscains, les Augustins, et les Carmes, suivis ensuite
des Hospitaliers de tous ordres, des religieux de la Merci, des Trinitaires, des
hyéronimites, des Jésuites, etc..
A fonction nouvelle (offices divins et lieux d'accueil), proportions
nouvelles. Cette nouveauté sera déterminante pour l'essor de l'architecture gothique :
édifices longs et larges, généralement couverts de charpentes ; puis, du fait du
relâchement de la Règle comme pour des questions de sécurité contre l'incendie,
les voûtes de maçonnerie font leur apparition vers la fin du XlIIe siècle.
On note également dans cette famille d'architectures, l'absence d'arcs
boutants des édifices du nord, remplacés par "le sécurisant contrefort roman". La
nef unique est percée de fenestrages dont les dimensions satisfont généralement à
la règle "plus de pleins que de vides".
Le plan de la chapelle du Saint Esprit à Auray paraît bien répondre 1/ à ces caractères. On se trouverait donc devant une architecture importée.
La division intérieure des espaces est très claire. Le choeur à trois
travées était séparé de la nef par un mur diaphragme percé d'un arc triomphal à
plusieurs rouleaux. La division des fonctions qui en résulte satisfait également
aux carctères des ordres mendiants, distinguant l'office divin de l'accueil des
fidèles.
Les accès à la nef sont nombreux, et parfaitement visibles : l'extré-
mité SO du bâtiment, un porche encore existant devait faire fonction d'entrée prin-
cipale. Cette excroissance n'est pas spécifique à l'architecture languedocienne,
mais nous rapprocherait de certaines dispositions plus traditionnelles à la Bretagne,
et qui se sont conservées pendant plusieurs siècles.
- 15 -
La seconde travée de la nef était percée de deux portes. L'une au Sud
est encore très lisible ; au Nord, on peut en reconnaître une autre, dont l'un des
piédroits a été conservé et noyé dans la maçonnerie. Sachant que le cimetière pou-
vait être situé au Nord, on aurait là l'explication de cet accès. Il faut cependant
la distinguer de la traditionnelle "porte des Mort" qui était normalement implantée
dans le choeur.
En ce qui concerne le choeur, les accès y sont beaucoup plus problé-
matiques. Or, on ne peut imaginer que la séparation des fonctions, aussi nettement
exprimée dans l'architecture, n'ait donné lieu à des accès spécifiques.
C'est peut-être sur le gouttereau Sud de la première travée de choeur
qu'il faut rechercher cette porte, bien que les vestiges en soient extrêmement
ténus. Cette hypothèse serait renforcée par la présence de piédroits encastrés à
une époque postérieure, dans l'angle SE de la tourelle d'escalier, et qui semblent
indiquer un projet de porche. Cela n'est pas sans soulever de nombreux problèmes,
encore non résolus, sur la question de l'époque de cette construction, et les
dispositions de son couvrement.
Si cet accès était confirmé par des sondages à l'intérieur des maçon-
neries, il indiquerait que les bâtiments monastiques (bâtiments des moines, cloître
éventuel) se seraient alors trouvés au Sud.
La présence de l'escalier en hors oeuvre au Sud, n'est pas pour sur-
prendre. Cette disposition se retrouve parfois dans certains édifices du Languedoc.
Mais, ils sont alors englobés dans une architecture plus importante : soit faux
transept, soit porche monumental soutenant un clocher. Les trois colonnes fasciculées
de l'angle SO semblent attendre un arc monumental, de même que l'excroissance vers
l'Est rappelerait un contrefort. Des sondages complémentaires permettront de savoir
s'il s'agit d'un ouvrage interrompu, ou des vestiges d'une architecture disparue
à la suite d'un sinistre.
L'ELEVATION
Les importants travaux de transformation en caserne ont été menés
avec économie. Les baies gothiques ont été vidées de leurs réseaux, et dans ces
ouvertures, les fenêtres militaires ont trouvé tout naturellement leur place.
Aucun effort inutile ne fut employé à faire disparaître les traces de l'ancienne
architecture, ce qui permet de bénéficier des vestiges authentiques des anciens
percements.
On doit noter cependant que ces travaux ne se sont pas déroulés sans
difficulté, car le percement des fenêtres du 3e étage de la caserne ont provoqué
l'effondrement des parties hautes des baies gothiques, en plusieurs endroits.
L'observation détaillée de ces vestiges a permis de reconnaître les
naissances des réseaux encore en place. Il y a fort à penser que de nombreux frag-
ments ont dû être réemployés dans les blocages de maçonnerie, et seront alors remis
à jour en cas de réouverture des baies. Certains éléments ont été en outre réemployés
délibérément au XIXe siècle, notamment pour les deux oculi qui ornent la façade
orientale.
- 16 -
C'est grâce à un croquis de la façade Sud, dû au Chevalier de
Fréminville, qu'il nous est possible d'avoir une représentation de ces réseaux.
Publié dans "Antiquités du Morbihan" en 1824, et donc avant les importants travaux
de modifications, qui se situent à partir de 1848, on peut lui reconnaître une
certaine valeur d'authenticité.
Mis à part le fait que ce croquis soit publié à l'envers, ce qui
serait la conséquence d'une impression malheureuse, on distingue plusieurs détails
problématiques.
D'une part, Fréminville indique quatre baies, au lieu de trois actuel-
lement visibles. Il y aurait eu, d'après lui, une baie supplémentaire dans le
choeur.
L'observation systématique des parements extérieurs de cette travée
permet de constater des reprises, plus particulièrement sur la façade Nord, où
on serait tenté de reconnaître les signes d'un effondrement. Cependant, là où
au contraire, les maçonneries semblent authentiques, aucun témoin n'apparaît, là
où il serait logique de trouver les traces du glacis d'allège et du départ des
piédroits. On pourrait donc conclure à une invention de la part du dessinateur, ou
du graveur, qui aurait rajouté une baie lors de la "mise au net" d'un croquis
sommaire. Cette hypothèse sera ou non confirmée lors des sondages qui seront en-
trepris sur les gouttereaux de la 3ème travée du choeur.
Le caractère approximatif de ce croquis est une seconde fois démonté
par le tracé très indicatif des réseaux, où l'on sent plutôt une représentation
schématique qu'un relevé précis. Ces indications sont cependant très précieuses,
car elles permettent de retrouver une disposition en faveur en Bretagne à la fin
du XlIIe siècle : cathédrale de Quimper, de Tréguier, et nombre de petites chapelles
de Bretagne.
Il en va de même pour les amorces de réseau qui sont indiquées par
ce croquis sur le porche SO, et dont on retrouve également le principe en Bretagne :
on semble donc abandonner là l'influence du Languedoc pour se rapprocher de la
tradition armoricaine, ce qui tendrait à plaider en faveur d'ateliers régionaux.
L'élévation de la baie du chevet reste problématique, et, au contraire
des élévations latérales, aucun élément iconographique n'a pu encore être retrouvé.
C'est par analogie avec la distribution de maîtresses vitres contemporaines qu'une
proposition de restitution a été avancée. De même que pour les baies latérales,
c'est le dépouillement des maçonneries de blocage qui permettra peut-être de décou-
vrir des vestiges des réseaux d'origine, et conduire à leur restitution exacte.
Les façades primitives de ce monument apparaissent dès lors dans une
sobre majesté ; hormis sur le chevet, aucun ornement ne vient troubler la rigueur
et l'austérité des parements. Seules les grandes baies majestueuses donnent la
mesure de l'essort de ces nouvelles congrégations, et on doit tout particulièrement
admirer le gigantisme de la baie d'axe, qui devait recevoir un vitrail de près de
60 m2 ! Ceci semble un peu en contradiction avec les premières recommandations aux
Ordres Mendiants, qui stipulaient des volumes amples mais bas, et des percements
plutôt modestes. Contradiction qui n'est qu'apparente, et qui s'opposerait plutôt
à un style régional tel que celui du Languedoc. Certains y voient au contraire,
une manière très bretonne de servir cette nouvelle vocation religieuse ;
- 17 -
"La Chapelle des Cannes de Pont L'Abbé (1390) peut être comparée
au souvenir que conserve une gravure romantique des Cordeliers de Quimper...
Au chevet, lieu privilégié des grandes verrières... le rôle du vitrail, les rapports
de l'intérieur et de l'extérieur commencent à se préciser. Sur une silhouette
simple, se détachent des éléments forts, le porche et la tour. La plupart des
Cathédrales (Dol, Saint Pol, Saint Brieuc, Tréguier) s'ouvrent par des porches
au Sud ou à l'Ouest. Des édifices de moindre ampleur adoptent ce parti..." (Mussat -
Arts et Cultures de Bretagne). L'inspiration méridionale de notre édifice s'étiole,
pour ne plus concerner que le plan. L'Architecture semble dès lors être un pur
produit de l'originalité bretonne.
Cette architecture qui se voulait sobre, mais majestueuse, ne semble
pas avoir bénéficié d'une mise en oeuvre exemplaire : travées irrégulières, percées
de façon asymétriques, de baies inégales. Ceci pourrait expliquer les désordres du
choeur, dont il a été fait mention plus haut de même que le difficile raccordement
de parement qui se situe au dessus du 4e contrefort Nord, au droit de l'Arc Triomphal.
L'hypothèse d'un sinistre serait là encore une sorte de réponse.
L'étude des élévations intérieures est plus problématique, du fait
des nombreuses modifications consenties pour l'utilisation. Par endroits, l'ébra-
sement intérieur des baies confirme les observations ci-dessus ; un bandeau orne-
mental a été reconnu au revers du chevet ; une piscine enfin, a été préservée et
peut encore se voir sur le gouttereau Nord. Mais l'ensemble de l'architecture inté-
rieure semble englouti sous d'épais enduits, après avoir fait les frais de rava-
lements radicaux.
Deux vestiges méritent cependant une attention toute particulière :
situés au 1er étage de la caserne, sur chaque gouttereau et approximativement au
droit des 3e contreforts du choeur, on peut voir très précisément deux faisceaux
de culots coudés, dont la fonction est de recevoir les nervures des voûtes à croisée
d'ogive (1 arc doubleau + 2 ogives).
Dans l'histoire de l'architecture, cet élément architectonique très
particulier aurait fait sa première apparition dans les églises des Croisés en Terre
Sainte, et aurait ensuite gagné la France, via Chypre, dans le courant du XlIIe
siècle. On le retrouve dans plusieurs abbayes cisterciennes (Le Landais, Silvacane, . .)
et dans l'architecture du premier Gothique Normand (Coutances, Mont St Michel).
Sa présence à la chapelle du Saint Esprit à Auray ne serait pas sur-
prenante sur le plan stylistique. Par contre, elle pose problème sur le plan de
l'architecture.
En effet, et compte tenu de l'implantation de ces vestiges, on serait
en droit d'en découvrir d'autres éléments analogues au droit du 2e contrefort du
choeur, afin que la voûte d'ogive se développât régulièrement. Accident, mutilation,
ou encore projet non abouti, ces traces manquent. Tout au plus, peut-on reconnaître
un fragment de colonne engagée* susceptible de recevoir une des nervures de la
voûte ; ceci n'étant qu'une supposition car les supports des deux autres nervures
manqueraient alors.
En outre, aucun vestige ne subsiste tant sur le chevet, que sur l'arc
diaphragme ; les épais enduits qui recouvrent les gouttereaux ne permettent pas d'y
retrouver la trace des arcs formerets.
* ainsi que des colonnettes en faisceaux contre le chevet
- 18 -
On pourrait admettre qu'un ravalement excessif a effacé la plupart
de ces témoins, et les rares vestiges préservés seraient alors considérés comme
miraculés. Toutefois, ce qui paraît plus décisif, c'est l'essai de restitution
de ces voûtes, qui peut être aisément tenté sur les coupes intérieures. On parvient
alors rapidement à constater que, pour échapper à l'extrados des baies (et plus
particulièrement celle du chevet), ces voûtes hypothétiques auraient eu des dis-
positions fort peu en conformité avec l'architecture de cette époque. De plus,
elles interdiraient les tirants de la charpente, élément fondamental de stabilité
pour un ouvrage de cette dimension.
L'apparition des voûtes maçonnées dans ces édifices mendiants autrefois
couverts de charpentes, est couramment admise pour se situer vers la fin du XlIIe
siècle, avec le relâchement de la Règle monastique. Il faut toutefois reconnaître
le besoin de protection contre l'incendie, et les observations faites ci-dessus
au sujet des parements extérieurs, confirmeraient l'hypothèse d'un sinistre. On
serait amené à considérer, par conséquent, que ces culots ne font pas partie de
la construction d'origine et auraient été relancés à une époque ultérieure, en
vue d'un voûtement qui n'aurait peut-être pas été achevé.
C'est la démolition des enduits intérieurs et la mise à nu des parements
qui donnera peut-être raison à cette explication.
LA TOITURE
Sur près des trois quarts de l'édifice, une très belle charpente à
chevrons formant ferme est encore en place.
La présence d'un faîtage et d'un sous-faîtage, reliés entre eux par
des poinçons et des étrésillonnements, semblerait indiquer le XlVe siècle ; les
assemblages à tenon et mortaises et embrèvement (découverts à l'emplacement des
jambettes disparues) n'apparaissant pas avant la fin du XlIIe siècle, confirmeraient cette hypothèse.
Les sondages effectués au mois de Juillet 1982 ont permis de retrouver
un double cours de sablière en tête des murs, ainsi qu'un fragment de blochet
ou sabot. Il faudra cependant attendre des travaux plus importants sur la toiture
pour reconnaître la présence des entraits, actuellement sectionnés, ainsi que les
assemblages des pieds de ferme, très précieux pour la datation de ces ouvrages.
C'est donc le courant du XlVe siècle qui est proposé pour la construc-tion de la charpente actuelle.
Des traces de clous, très visibles en sous-face des arbalétriers
et des aisseliers, selon le rythme d'une ferme sur deux, seraient le témoin d'un
couvrement lambrissé qui aurait couronné le vaisseau de l'édifice, bien avant
ou en remplacement du projet de voûtes de maçonnerie. Il est encore impossible
de préciser avec exactitude si ces lambris comportaient des couvre-joints.
Le relevé des charpentes du choeur et de la nef fait apparaître deux
types différents d'étrésillonnement longitudinal. On serait alors enclin à dis-
tinguer ces deux ouvrages sur le plan chronologique.
- 19 -
L'accès à la charpente se faisait à deux niveaux, desservis par
l'escalier en hors oeuvre.
Le premier niveau, de plain-pied avec l'arase des gouttereaux, devait
correspondre au niveau des entraits, sur lesquels un chemin de planches permettait
la circulation de contrôle.
Le second niveau était accessible par un escalier haut logé dans
l'épaisseur du mur diaphragme, et correspondait aux entraits retroussés.
La baie d'accès au second niveau de charpente du choeur est bien
conservée, et l'escalier marque, à son approche, un balancement très rapide vers
1'Est.
L'observation détaillée des pierres a apporté une information très
importante : on distingue parfaitement, au niveau des premières assises, les élé-
ments d'une ancienne baie à simple ébrasement, dont la présence semble indiquer
une fenêtre de ventilation.
Aucun autre accès à la charpente de la nef n'étant visible, on est
donc devant l'hypothèse que celle-ci a été construite lors d'une seconde campagne.
Les conséquences en sont décisives pour l'histoire de l'édifice.
Celui-ci aurait été bâti d'abord sur un plan à trois travées, puis prolongé vers
l'Ouest, de deux autres travées. Cela expliquerait alors le difficile raccordement
d'appareil au droit de la tourelle d'escalier et de la travée voisine de la nef,
raccordement également problématique au Nord, dont il a été fait allusion plus
haut ; explication également de la différence de mouluration entre les baies du
choeur (à colonnettes et moulures toriques) et celles de la nef, prismatiques ;
les dites baies étant par ailleurs de dimensions différentes. Explication enfin,
de la différence entre les deux types de charpentes.
Mais cette constatation ne permet pas de connaître les dispositions
originales de l'édifice, ses accès, son massif Sud Ouest autour de la tourelle
d'escalier. Ce seront les sondages complémentaires qui, une fois encore, permettront
peut-être d'avancer de nouvelles hypothèses.
En ce qui concerne la toiture, on doit reconnaître son parfait rac-
cordement avec le profil des pignons, ce qui atteste de son ancienneté.
A l'égoût, l'arase des gouttereaux montre un couronnement bien ap-
pareillé de grandes dalles de granit dans lesquelles est entaillé un chéneau de
faible profondeur ; l'eau était évacuée par l'intermédiaire de vraies gargouilles
situées en tête des contreforts.
Cette disposition appelait généralement la présence de plinthes et
de garde corps, comme cela se voit sur la plupart des édifices de cette époque.
L'amortissement des chevronnières Est et Ouest par des colonnettes semble confirmer
cette hypothèse, sans qu'il soit possible, dans l'état actuel d'accessibilité, d'y
reconnaître les arrachements du garde corps.
- 20 -
CONCLUSION
L'étude de la chapelle du Saint Esprit à Auray doit surmonter deux
difficultés majeures.
Sur le plan archéologique, l'analyse est rendue difficile par la
présence de nombreux niveaux et cloisonnements, résultat de la transformation
de l'édifice religieux en casernement.
Quant à l'étude historique, on doit déplorer la rareté des documents
d'archives, et plus particulièrement sur les origines de l'établissement. Il faut
attendre le XIXe siècle, mais là encore, une lacune malheureuse subsiste au moment
où s'opèrent les transformations en caserne.
Créé au courant du dernier quart du Xlle siècle, l'Ordre du Saint
Esprit arrive en Bretagne, on ne sait trop à quelle date, ni en quelle ville pré-
cisément. On admet généralement le début du XlIIe siècle.
A Auray, c'est dans la seconde moitié du XlIIe siècle que l'Ordre
se serait installé, si l'on se tient à la tradition qui attribue la création du Saint
Sépulcre au Duc Jean II en 1269, qui le remet ensuite à l'Ordre du Saint Esprit
en 1286.
On peut donc situer la première construction entre ces deux dates.
L'implantation de l'établissement au bord de la côte, à la périphérie de la ville,
et un peu en marge de l'église paroissiale qu'il ne cherche pas à concurrencer,
répond tout-à-fait aux habitudes de l'Ordre Mendiant, de ces hommes qui se réclament
de la règle Augustine. Leur vocation est l'accueil des pauvres, des malades, sans
oublier la mission d'évangélisation .
Le premier édifice d'alors aurait comporté un ample choeur à trois
travées et chevet plat, couvert d'un berceau lambrissé, et éclairé de grandes baies.
L'ensemble devait être complété, vers l'Ouest, d'un important massif contenant la
tourelle d'escalier. Les bâtiments conventuels se seraient développés au Sud.
Auray serait ensuite devenue l'une des plus importants maisons, sinon
la plus influente, de l'ordre mendiant du Saint Esprit. Ce développement s'opéra
surtout vers 1312, au moment où l'Ordre reçut la succession des biens des Templiers./
Au cours du XlVe siècle, du fait d'un sinistre, ou encore pour une<£- !
autre raison, le programme initial de construction fut modifié. Le mur de façade
occidentale fut percé d'un arc triomphal, et une nef à deux travées prolongea le
vaisseau vers l'Ouest. Entre-temps pourrait être supposée une variante selon la-
quelle la charpente du choeur, ruinée, aurait été reconstruite, et les voûtes
auraient subi un début de réalisation. Mais devant le succès de l'Ordre, le pro-
gramme se serait plutôt concentré en vue de l'agrandissement dè la nef.
Cette prospérité n'aurait duré qu'un temps. Dès 1434, le régime
de la Commande s'instaura, la fonction hospitalière s'estompa, et le nombre des
religieux diminua. Sept religieux seulement en 1482. Les bâtiments furent jalousés
et disputés, en vain par les Carmes, tout au long du XVIIe siècle, et vers 1700,
la chapelle n'était plus qu'un grenier, alors que 36 mendiants cherchaient refuge
dans la ville. Ce sont les revenusdes domaines de la fondation qui intéressaient
dès lors les Commandeurs, qui ne se préoccupèrent plus guère de leurs responsabi-
lités de bienfaisance.
-21 -
En. 1716, la chapelle était encore debout, alors que les bâtiments
conventuels se ruinaient. En 1724, il n'y avait plus qu'un supérieur et un religieux.
L'Ordre, aboli par le Pape en 1762, ne fait que subir l'aboutissement
de sa déchéance. La chapelle devient dépôt d'Artillerie. Les biens sont confiés
à l'Hôpital Général, qui dut en engager une partie pour assurer l'entretien des
bâtiments.
La chapelle ne cessa de se dégrader ; les pierres tombaient dans la
rue, du haut des pignons. La Révolution profana deux autels ; le bâtiment était à
la dérive.
r
t
C'est pourquoi sans doute la Municipalité a demandé l'assistance
du Ministère de la Guerre, dès le début du XIXe siècle. Soulager les habitants
du logement des soldats de la garnison, dont la ville avait besoin, et préserver
de la ruine la chapelle. En 1831, le Ministère de la Guerre prit provisoirement
possession des bâtiments, et c'est alors que s'opéra la transformation radicale
de la chapelle : création de planchers, de fenêtres, division de l'espace inté-
rieur en casernement pour les hommes de troupe. La chapelle du Saint Esprit, ancien
pôle d'un ordre très florissant, payait très cher sa survie.
La guerre de 1914-1918 vida la caserne. L'armée abandonna les
locaux, et c'est le 5 novembre 1923 que la ville en devient propriétaire. Elle
y installa une caserne de Pompiers, puis y organisa des locaux pour diverses
associations.
Le 4 novembre 1982, les façades et toitures étaient] classées parmi
les Monuments Historiques. Une espérance de renaissance alors commence à poindre.
D'ores et déjà, le bâtiment de la chapelle a vocation d'éternité.
- 23 -
Les sondages réalisés "chapelle Saint Esprit" à Auray ont été effectués
à la demande de Monsieur l'Architecte en Chef des Monuments Historiques, avec l'ac-
cord de Monsieur le Directeur des Antiquités Historiques.
L'intervention est motivée par les travaux de restauration envisagés
sur cet édifice de la fin du XlIIe siècle.
Quatre sondages d'importance inégale ont été réalisés (voir plan
d'ensemble). Un seul a pu être effectué à l'intérieur de l'édifice qu'encombrent
encore les ateliers et installations de la Municipalité. Les mesures de nivelle-
ment sont prises à partir du niveau 0 qui est le dallage intérieur d'origine de
l'édifice dans sa partie Est (voir plan général). Toutes les cotes figurant au plan
sont indiquées par rapport à ce niveau 0.
A l'extérieur, au pied du contrefort recevant la poussée du grand
arc, se prolonge un escalier donnant accès aux combles (photo 2). La présence de
colonnettes engagées (photo 3) pourrait laisser croire qu'une construction avait
pu doubler l'édifice primitif : d'où la nécessité d'un sondage en cette zone.
Un décapage du sol, constitué de terre battue, est réalisé sur 20 m2 .
Avant la fouille, le sol est à - 0,75 m/N.O.
Après la fouille, le point le plus bas est à 1,55 m/N.O.
- A l'Est, et tangent au faisceau de colonnettes de l'escalier,
un pavage qui paraît être en liaison avec l'entrée. Ce pavage,
à - 0,95 m/N.O. semble, dans sa partie dégagée, former caniveau.
- Une plateforme parallèle à l'édifice constituée d'un blocage de
moellons non taillés, limités par un pavement de plusieurs assises.
Cette plateforme s'interrompt à la liaison du contrefort et de
l'escalier polygonal. Elle peut avoir servi de fondation à ce contre-
fort, sur lequel repose l'arc qui traverse l'édifice.
Le niveau moyen de cette plateforme est à - 1,00 m/N.O.
Aucun niveau correspondant à la base des colonnettes n'est mis en
évidence. Celles-ci, compte tenu des limites imposées à la fouille par les cons-
tructions parasitaires, ne paraissent donc pas avoir fait partie d'un dispositif
extérieur complexe.
- A - 1,20 m/N.O. deux sépultures sans mobilier archéologique en
terre libre, partiellement recouvertes par le pavage décrit plus
haut ; on sait que les abords de l'édifice ont, naturellement,
servi autrefois de cimetière.
La céramique mise au jour appartient à deux types principaux :
- 24 -
- Pâte blanche, sonore à glaçure verte caractéristique des sites
postérieurs au XlIIe siècle.
- Céramique onctueuse (marmite sphérique à décors classiques à impres-
sion d'ongles et marmite à large rebord et panse droite), voir
planche. On sait que ce type de céramique fréquent sur les sites
médiévaux bretons, d'origine sud-finistérienne, a été en usage
jusqu'au XVIe siècle.
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Dans une cour gazonnée dont le sol est à - 0,20 m/N.O., quatre
vérifications sont faites. Elles sont effectuées au-delà des différents réseaux
superficiels (gaz, électricité, eaux usées... )
B : photo 6
Fouille menée jusqu'à - 1,80 m/N.O. On rencontre successivement :
. des conduits d'eaux pluviales récents et anciens (haut et
bas photo 6)
A - 0,35 m/N.O., apparaît un mur (milieu photo 6) large de 0,70m
et dont les dernières assises sont à - 1,80 m/NO. La fouille
ne met pas en évidence de niveau d'occupation
C : photo 7
Fouille menée jusqu'à - 1,30 m/NO. Le mur précédemment décrit
en B rejoint un mur perpendiculaire, large de 0,80m, et contem-
porain. A l'angle intérieur, une sépulture apparaît partiellement.
D : une vérification permet d'établir que le mur se poursuit : l'as-
sise supérieure est à - 1,40 m/NO.
G : Aucune trace de jonction avec le mur de la chapelle n'est attestée :
la fouille est arrêtée à - 1,60 m/NO et des sondages complémentaires
à la barre à mine semblent bien confirmer l'absence de ce mur au
contact de la chapelle. Seules, les fondations de cette dernière
sont mises à jour, sous forme d'une semelle qui déborde de 0,50m.
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Il est réalisé dans la seule partie interne de l'édifice se prêtant
à une fouille : c'est un débarras obscur correspondant approximativement à la
limite Est de la nef. La fouille concerne tout l'espace disponible limité par des
cloisons récentes. Elle est conduite depuis le N0 jusqu'à - 1,30 m de profondeur.
Après dépose du dallage, on mit au jour un sol de terre battue à
- 0,20 m/NO.
De - 0,20 m à -0,45 m/NO, remblais de pierres mortier.
A - 0,45 m/NO : apparaît un 2e sol en terre battue.
De - 0,45 m/NO à - 1,10 m/NO : terre noire et tessons de céramique
onctueuse et vernissée identiques aux exemples décrits plus haut.
A - 1,10 m/NO, apparaît le sol naturel (arène granitique).
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Une fosse est creusée dans cette arène pour enfouir un cercueil de
bois, clouté, contenant des restes d'ossement (photos 8 et 9). A la hauteur du
bassin, deux monnaies de cuivre sont trouvées, double-tournois de Louis XIII
avec trois lis, dont l'une porte la date 1639 et deux perles de chapelet. La
fouille est malheureusement limitée par l'exiguité de la pièce. Une sape en
bordure Ouest révèle les fondations très grossières d'un mur orienté Nord-Sud,
donc coupant la nef : on n'a pas pu prolonger l'observation.
Au Nord, et à - 0,20 m/NO un rebord maçonné est dégagé sur 0,45 m de largeur.
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Il est implanté au niveau, où, dans la façade, apparaît la jonction
de deux appareils de même type.
Il est réalisé à la base du mur jusqu'à - 1,00 m/NO.
Il permet de mettre au jour à - 0,40 m/NO un seuil fait d'une dalle
qui se raccorde par un "congé" à la base sculptée du tore que l'on devine en
façade.
Une entrée latérale existait donc autrefois à ce niveau.
- 26 -
CONCLUSIONS
La faible extension des zones fouillées n'autorise évidemment pas
à des conclusions de portées générales.
L'encombrement de l'extérieur comme de l'intérieur de l'édifice ne
permet pas en l'état actuel, de conduire une fouille d'importance.
A l'issue des recherches, on se limitera donc aux remarques suivantes :
- au sud du choeur, à l'extérieur de l'église, existait un espace
clos de murs, utilisé semble-t-il à une date assez reculée (céra-
mique onctueuse) et qui a servi à un certain moment (XlV-XVe siècle)
pour les sépultures.
- Au niveau du contrefort qui soutient la grande arcade, aucune cons-
truction annexe n'apparaît : l'escalier polygonal qui s'ajoute à ce
contrefort ne complète aucune autre structure architecturale.
C.E.R.A.M. - avril 1983
A
B
Photos 4 et 5 : sondage A
- sur la photo 4 : à gauche les colonnettes, à droite la tour de
l'escalier polygonal ainsi que des fondations
- sur la photo 5 : en haut à droite, le contrefort de la grande
arcade, sur la partie droite, plateforme constituée d'un
blocage, limitant un pavement de plusieurs assises
PHOTO 6 : sondage B
Sur le haut et le bas de la photo conduits récents d'eaux usées. Au milieu, mur
de fondation large de 70 cm
PHOTO 7 : sondage C
Intersection de deux murs, celui de droite large de 0,70 m et d'un mur perpen-
diculaire large de 0,80 m se prolongeant dans le sondage D.
PHOTO 8 : sondage E
Trace des planches d'un cercueil de bois clouté
PHOTO 9 : sondage E
Cercueil après la fouille. Deux monnaies double-tournois de
Louis XIII, l'une portant la date de 1639 et deux perles de
chapelet sont trouvées à la hauteur du bassin.