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AIX-MARSEILLE UNIVERSIT AMU
cole Doctorale ED 355, Espaces, Cultures et Socits , Directeur Prof. Sabine Luciani. Centre Aixois dEtudes Romanes CAER EA 854, Directeur Prof. Claudio Milanesi.
Thse pour obtenir le grade de Docteur Formation doctorale : tudes romanes
LA PHYSIONOMIE ACOUSTIQUE DE LA PAROLE : LE CAS DES DEMONSTRATIFS LATINS ET LEURS ISSUES EN ITALIEN.
Prsente et soutenue publiquement par
Vincenzo PARDO Sous la direction de : Sophie Saffi
le 18 dcembre 2014. Jury de soutenance : Alvaro ROCCHETTI, Professeur mrite, Universit Paris 3 Sorbonne Nouvelle. Elzbieta JAMROZIK, Professeur, Universit de Varsovie. Sophie SAFFI, Professeur, Aix Marseille Universit, CAER EA 854.
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Principio auditur sonus et vox omnis,
in auris insinuata suo pepulere ubi
corpore sensum. Corpoream quoque
enim [vocem ] constare fatemdust et sonitum,
quoniam possunt impellere sensus.
[Lucrce , IV, 524-27]
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Remerciements
Ce travail, remani plusieurs reprises, puis soumis un labor limae soign, a
t crit pendant nos divers sjours Aix Marseille Universit.
Nanmoins, il serait incorrect de notre part de ne pas mentionner celui qui nous a
initi ltude de la linguistique et grce auquel nous avons acquis une solide formation
dans cette discipline : Monsieur Tullio De Mauro, Professeur mrite de linguistique
gnrale lUniversit de Rome 1 La Sapienza .
Il nous faut souligner que la seule exprience universitaire ne nous aurait jamais
permis de proposer aujourdhui nos rflexions sur un sujet aussi sensible quintouchable
(pour certains linguistes) que celui de la motivation du signe, si nous navions pas t en
contact avec les positions de matrice guillaumienne de Madame Sophie Saffi grce
laquelle nous avons pu mener son terme notre thse de doctorat.
Nous voulons ici remercier tous les Professeurs qui ont accept de consacrer du
temps une correspondance par courriel avec nous, qui ont chang avec nous lors des
colloques et ont poursuivi le dialogue, Alvaro Rocchetti (mrite, Universit Sorbonne
Nouvelle - Paris 3), Louis Begioni (Universit Charles-de-Gaulle - Lille 3), Christian
Touratier (mrite, Universit Aix-Marseille, Laboratoire Parole et Langage), Didier
Samain (Universit Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Janette Friedrich (Universit de
Genve), Andrea Cucchiarelli (Universit La Sapienza di Roma), Franco Cavazza
( Alma Mater Studiorum Universit di Bologna). Nous remercions galement les
membres de lAxe LICOLAR, Batrice Charlet-Mesdjian, Romana Timoc-Bardy,
Stefan Gencarau et Stphane Pags, leur contact, notre rflexion a progress et notre
savoir linguistique s'est enrichi.
Nous remercions pour son indispensable soutien administratif et psychologique,
Mme Laetitia Roux-Luzi de l'cole doctorale Espaces, Cultures et Socits .
Enfin, nous remercions nos proches sans le soutien desquels, ce travail n'aurait
pu aboutir.
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Introduction gnrale
Cette tude se compose de deux parties. Dans la premire partie, notre but est de
dmontrer que le paradigme de larbitraire a reprsent, pendant plusieurs sicles, une
tendance dominante dans ltude du langage, acqurant concrtement le statut dun
postulat incontestable.
Nous nous proposons demprunter une autre voie : celle qui nous conduira
rflchir sur la motivation du signe dun point de vue cognitif.
Il est possible que la plupart des linguistes qui liront cet ouvrage en contestent
les hypothses. Et ce au moins pour deux raisons.
Premirement, notre rflexion portera sur une linguistique de la parole, nous
mettant rsolument du ct du locuteur. Du ct de ceux qui apprennent et utilisent la
langue, ou de ceux qui produisent et reoivent un message sonore. Notre conviction est
qutudier le systme de la langue exige de prendre in primis en considration la
fonction fondamentale du langage humain : son moment social. Il serait strile dtudier
lorganon, la langue, sans son faber.
Deuximement, nous pensons quil est fondamental de changer de faon
dfinitive les termes de la question de larbitraire du signe. Non pas le rapport
son/chose, empiriquement non vrifiable, qui doit rester au centre de nos recherches,
mais le rapport entre le signifiant, le signifi et leur reprsentation partage par les
locuteurs.
Ceci pos, on peut parler de motivation. Mais ce n'est qu'en recherchant la
nature du langage et les lois qui en rglent le psychisme de formation, qu'il sera possible
de proposer une rponse l'obsession qui harcelait Ferdinand de Saussure. Pourquoi le
locuteur italien a-t-il assimil la structure phonique calidus comme caldo? Quels
mcanismes sont intervenus dans le processus dapprentissage de cette phonie dune
langue lautre ? Le linguiste doit chercher la rponse ces questions chez le locuteur,
parce que cest en lui que ce processus trouve son origine.
Nous montrerons, dans le chapitre I, que les mots sont des totalits phoniques
composes de parties articules gnres par des voix significatives
(kat synthkn) par composition et non pas par convention .
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Nous dmontrerons qu travers le processus de composition, les mots se
transforment en structures arbitraire limit, mais, seulement si nous considrons le
langage comme un instrument de reprsentation indirecte qui guide le locuteur, par les
signes, jusqu la connaissance directe (la reprsentation) dun savoir immdiat, dans un
rapport direct au monde. Et, si nous acceptons le fait que nous percevons le signifiant
linguistique dun acte de parole, et non pas sa reprsentation phnomnique, de faon
gestaltique : cest--dire, comme une structure bien organise, dont la perception
procde du tout vers les parties.
Nous fondons notre travail sur les mcanismes guillaumiens que la pense
ralise afin de se saisir elle-mme et dont la langue offre une fidle reproduction : les
mouvements de gnralisation et de particularisation, ou, au sens de Bhler, le mot
considr comme un visage phonique, avec sa physionomie acoustique (Chapitre II).
Nous sommes convaincu de l'impossibilit didentifier les limitations de
larbitraire dans un paradigme purement formel, en faisant abstraction du signe
linguistique et en continuant sur la voie du structuralisme classique. Il nous semble
ncessaire de considrer le signe linguistique dans la ralit psychophysique des
locuteurs et non plus uniquement dans le psychique de ces derniers.
La ralit laquelle nous nous rfrons dans ce travail est ample et foisonnante :
en effet, en partant du systme des dmonstratifs latins, nous procderons tout dabord
une comparaison avec les quivalents indoeuropens, italiens et franais. Nous
montrerons, comme la dj dmontr Saffi, que la motivation nimplique pas
seulement le signe, le locuteur et le temps, mais qu'un quatrime acteur joue un rle
fondamental : lespace et sa reprsentation.
Nous nous occuperons, dans la deuxime partie de cet ouvrage, de la
reprsentation de lespace qui dcoule de lemploi des dmonstratifs dans une situation
linguistique donne, que ce soit une production orale spontane ou une production crite
en version originale (chapitres III et IV). Nous chercherons justifier que la thorie des
deux champs de Bhler et le concept de physionomie acoustique des mots sont des
notions fondamentales pour aborder lpineuse thmatique de la motivation du signe.
Elles vont, en outre, se dmontrer particulirement efficaces pour comprendre quels
types de mcanismes ltre humain met en uvre dans la perception de la matire
phonique et de la ralit environnante.
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Ces mcanismes sont justement les mouvements de gnralisation et de
particularisation, qui pousent parfaitement le principe gestaltique le tout est plus que
la somme des parties et les notions dun champ dictique et symbolique du langage,
dune physionomie acoustique des mots, et de la suprmatie du tout smiotique face aux
parties dont il est form.
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PREMIRE PARTIE
LA PHYSIONOMIE ACOUSTIQUE DE LA
PAROLE
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Introduction
.0. Incipit. Une motivation ncessaire : vers la notion de champ1 en
linguistique.
Notre thse se fixe un double but : dans la premire partie, chapitres I et II, nous
rechercherons des limitations larbitraire du signe, en argumentant la question
suivante : le signe est-il motiv ? ; dans la seconde partie (chapitres III et IV),
travers ltude diachronique des dmonstratifs et de leurs issues en italien, nous
exprimenterons la thorie des deux champs de Karl Bhler, et la perspective
physiognomique du langage.
une analyse thorique place sous lgide de la psychologie de la gestalt, suit
un travail applicatif sur un corpus de romans graphiques italiens, qui se rfre la
pense linguistique du psychologue viennois et son concept de physionomie
acoustique des mots dans Sprachtheorie2 o il propose une vision du langage centre
sur le locuteur : le signe devient important parce quil est partie intgrante de la ralit
psychophysique des locuteurs.
Notre conception du modle instrumental du langage, considr en tant
quorganon de reprsentation indirecte des faits de langue, vise mettre en lumire
quune partie considrable de la linguistique est reste attache une conception
hypostatique du langage, en maintenant une certaine attitude exclusive dans ltude de
la langue, et en mettant au second plan le rle de la rception dans le concret vnement
linguistique, dans la parole.
Il ne nous semble pas productif de rechercher les limitations de larbitraire du
signe dans un paradigme formel, abstrait, en oubliant que le signe linguistique nat, vit
et meurt dans une communaut linguistique et quil na aucune raison dexister sans un
appareil rceptif et productif. Chez Bhler, la dimension linguistique considrer nest
plus la dimension psychique dune communaut linguistique, mais la ralit
1Dans la linguistique bhlerienne la notion de champ est synonyme de contexte . Nous vrifierons dans le deuxime chapitre sa connotation exacte et son interprtation prcise. 2Karl Bhler, Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache, Jena, Fischer (trad. italienne Teoria del linguaggio. La funzione rappresentativa del linguaggio Roma, Armando, 1983), 1934, 434 p.
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psychophysique des locuteurs : le signe devient important parce quil est partie
intgrante de cette ralit.
Bhler comme Guillaume, dont il ne faut pas oublier limportante contribution3,
ont tous deux le mrite davoir tudi la nature du langage et les lois essentielles qui en
rglent le psychisme de formation.
la mme poque, laspect psychologique du langage navait pas t
suffisamment pris en considration par le structuralisme comme par le gnrativisme,
qui avaient maintenu une certaine distance avec un psychologisme qui, peu peu, avec
des techniques introspectives, tudiait la psychologie des peuples , lapprentissage et
la perception des faits de langue.4
Le structuralisme et le gnrativisme ont nglig autant le locuteur, vu dans sa
matrialit psychophysique, que le contexte, conu comme une scne partage par les
tres humains, o on ralise les interactions significatives visant la gnration et
linterprtation des messages. Comme Albano Leoni la dit plusieurs fois, ils se sont
occups dun dire sans couter .5
La linguistique est lie une certaine reprsentation discrte des phnomnes
linguistiques (comme si la perception des messages sonores tait isolable , comme si
le locuteur percevait de faon linaire une squence phonique : des phones, aux syllabes
jusquaux units suprieures), mais cette discipline a privilgi au XXe sicle ltude
des faits de langue par rapport la parole, la clbre phrase du Cours de linguistique
gnrale de Ferdinand de Saussure la linguistique a pour unique et vritable objet la
langue envisage en elle mme et pour elle-mme 6 , est devenue le dictat du
structuralisme europen et du gnrativisme.
Albano Leoni considrait cette phrase qui conclue le cinquime chapitre du
Cours de Saussure comme une espce de devise du structuralisme europen [] La
hirarchie que Saussure proposait en faveur de la langue, en effet, tait une hirarchie
des points de vue, non pas de choses 7 :
3 Gustave Guillaume, Principes de Linguistique thorique, Les Presses de lUniversit Laval, Qubec, Klinksieck, Paris, 1973; trad. it. Principi di Linguistica teorica, Napoli, Liguori Editore, 2000. 4 Op. Cit., p. 81. 5 Federico Albano Leoni, Dei suoni e dei sensi, Bologna, Il Mulino, 2009, p. 8 et svtes. A un dire senza ascoltare . 6 Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique gnrale, Paris, Payot, 1979 (1re ed. 1916), publi par Charles Bally et Albert Schehaye. dition critique prpare par Tullio De Mauro, p. 317.
7 Albano Leoni 2009, Op. Cit., pp. 18-19.
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Lattitude fondamentale de Saussure est que lopposition entre synchronie et diachronie est une
opposition de point de vue ; elle a un caractre mthodologique, concerne le chercheur et son objet
[] et non lensemble des choses dont soccupe le chercheur, sa matire.8
Comme lont dj dmontr Godel9, Engler10 et De Mauro11, cette position en
faveur de la langue, ou de la structure, ne reflte pas la pense de Saussure, dont une
interprtation rductive a conduit les linguistes privilgier une tude du langage qui
considre la seule ralit psychique des locuteurs, en se dsintressant totalement de
leur ralit psychophysique :
[...] Aux causes du prvaloir de la langue on pourrait ajouter lexigence des linguistes de mieux
dfinir le rapport tourment avec la psychologie, qui, partir de la deuxime moiti du dix-neuvime
sicle, stait rvle un rude antagoniste de ltude du langage [] Dautre part, Saussure tait trs
attentif au dbat psychologique contemporain, comme le montre la thmatique des rapports associatifs
(vritable crochet grce auquel la subjectivit et la psychologie entrent dans la langue) [] Enfin, on
pourrait encore ajouter la ncessit de la dfinition de lobjet de la linguistique et de laffirmation de son
autonomie. Aussi pour cet aspect, la parole, expose aux contacts des autres sciences, tait un champ
douteux. 12
La langue est, daprs Emile Benveniste, le domaine du sens qui, comme Bhler
laffirmait, se dplace constamment entre une dimension dictique et une dimension
symbolique.
Toute recherche en linguistique (phonologique, morphologique ou syntaxique)
devrait donc avoir pour but cet aspect central et devrait se poser une question : dans
Una sorta di bandiera dello strutturalismo europeo [...]. La gerarchia che Saussure sembrava proporre a favore della langue era una gerarchia di punti di vista e non di cose . 8 De Mauro in Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 453, n. 176. 9 Robert Godel, Les sources manuscrites du Cours de linguistique gnrale de Ferdinand de Saussure, Droz, Ginevra, 1966, p. 203 et sqq. 10 Rudolf Engler, (dir), dition critique de Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique gnrale, Harrasowitz, Wiesbaden, 1916. 11 De Mauro in Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 317, n. 305. 12 Albano Leoni 2009, Op. Cit., p. 18, n.10. [] Alle cause del prevalere della langue si potrebbe aggiungere lesigenza dei linguisti di definire meglio il tormentato rapporto con la psicologia, che dalla seconda met dellOttocento si era rivelata unantagonista temibile nello studio del linguaggio. [] Peraltro Saussure era molto attento al dibattito psicologico coevo, come mostra la tematica dei rapporti associativi (vero e proprio grimaldello con cui la soggettivit e la psicologia entrano nella langue) [] Infine si potrebbe ancora aggiungere la necessit della definizione dellobject della linguistica e dellaffermazione della sua autonomia. Anche per questo aspetto la parole, cos esposta ai contatti con altre scienze, era un terreno infido.
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quelle mesure ce que je suis en train de dcrire concourt la gnration du sens et son
interprtation ? 13
Du reste, ce point de vue, travers la suprmatie de la signification, cest--dire du processus de
la gnration et de linterprtation des sens, permet de dpasser les barrires que la linguistique en gnral
continue driger, entre ce qui est linguistique et ce qui est paralinguistique. Ce dpassement na pas
toujours lieu et il me semble souvent que lattention des chercheurs vise plus llgance de larchitecture
de leur modle ou de leur description que leur capacit explicative.14
Pour revenir la clbre phrase qui conclut le Cours, la pense saussurienne a
t dabord manipule et ensuite mal interprte. De Mauro nous explique bien que :
Comme la rvl le premier R. Godel [], le dernier alina du C.L.G. est la conclusion des
diteurs : autrement dit, rien dans les sources manuscrites ne montre que Saussure ait prononc cette
clbre phrase, et videmment encore moins quelle reprsente lide fondamentale de son
enseignement []. Si tout ceci est, comme nous allons le voir, discutable du point de vue de
linterprtation correcte de la pense de Saussure, Leroy a pleinement raison lorsquil souligne la
fonction de programme que cette phrasea eue dans le dveloppement des doctrines linguistiques des
dernires quarante annes : (p. 91) il est bien vrai quune bonne partie de la linguistique dinspiration
structuraliste a cru que respecter Saussure voulait dire ignorer les dsquilibres du systme, la dynamique
synchronique, les conditionnements sociaux, les phnomnes volutifs, le lien entre ces dernires et les
diffrentes contingences historiques, tout le flot de phnomnes linguistiques dont et grce auxquels la
langue est forme. Lajout de la dernire phrase est le sceau dune manipulation ditoriale des notes
saussuriennes qui porte en partie la responsabilit de lattitude exclusiviste du structuralisme,
spcialement dans les courants post bloomfieldiens des U.S.A.15
De Mauro, dans son commentaire du Cours, apostrophait ainsi ceux qui
accusaient Saussure dun certain dsquilibre au nom de la langue :
Les diteurs, pour crire cette phrase, nont certainement pas cr e nihilo : Godel avait dj
soulign le fait quils ont cru crire quelque chose de conforme au principe du C.L.G. 25 : il faut se
13 Ibidem. 14 Op. Cit., p. 8 et svtes. Del resto questo il punto di vista che, attraverso il primato della significazione, cio del processo della generazione e dellinterpretazione dei sensi, consente di superare gli steccati, che molta linguistica continua a erigere, tra ci che linguistico e ci che si considera paralinguistico. Questo non sempre accade e spesso, mi sembra, lattenzione degli studiosi volta pi alleleganza dellarchitettura del loro modello o della loro descrizione che alla loro capacit esplicativa . 15 De Mauro in Saussure 1979 [1916], Op. Cit., pp. 476-477, n. 305.
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placer de prime abord sur le terrain de la langue et la prendre pour norme de toutes les autres
manifestations du langage . Mais Saussure, comme on la plusieurs fois relev (supra note 303),
nentendait pas du tout dcrter par l une attitude exclusiviste. La langue est norme et forme dune
matire extrmement htrogne et composite qui rentre toute (C.L.G. 20-22) dans le domaine lgitime
de ltude linguistique. La langue est donc lobjet spcifique de la linguistique non pas au sens vulgaire
de Gegenstand (Lommel), de chose , mais dans le sens de principe ordonnant les connaissances
linguistiques (voir note 40).16
Donc, la phrase finale qui conclut louvrage saussurien est, comme De Mauro et
Godel lont dmontr amplement, conclusion des diteurs et, on ne peut pas prouver
que Saussure lait jamais prononce ni quil en ait fait un pivot de son enseignement.
Par consquent, il ne faut pas attribuer Saussure linitiative, dans les tudes
linguistiques, dune attention exclusiviste en faveur de la langue par rapport la parole.
Le Cours a t publi dans sa premire dition en 1916, et cette position de
fermeture envers la parole a t releve par Gustave Guillaume dans ses Principes
quelques annes aprs la sortie de louvrage saussurien.
Guillaume confirme dans le fragment suivant cet tat de fait :
Toutes nos tudes de ces dernires annes ont eu cet objet. ltude des actes dexpression,
constructeurs du discours, sest substitue ltude des actes de reprsentation constructeurs de la langue.
Ce changement de ma position dtude remonte approximativement 1928.17
En effet, Guillaume, en soccupant de lobjet de sa matire, remarque bien que
pour lui, comme pour le structuralisme linguistique, le seul et vritable objet de la
linguistique est la langue :
La linguistique est de toutes les sciences la moins pragmatique. [] Quant la puissance mme
de penser, celle que possde lesprit de saisir en lui-mme ses propres mouvements, le seul monument
quon en ait, cest la langue. [] Elle est une science sintressant un objet absolument singulier,
nayant point danalogue dans lunivers.18
16 Ibidem. 17 Gustave Guillaume, Principes de Linguistique thorique, Les Presses de lUniversit Laval, Qubec, Klinksieck, Paris, 1973, p. 21. 18 Guillaume 1973, Op. Cit., pp. 31-32.
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La langue, selon Guillaume, est abstraite. La conception dun signe linguistique
conu comme une entit, fruit dun processus psychique par abstraction , situer
exclusivement dans lunivers psychique du locuteur, perdure :
Dans le cas de la linguistique, lunivers avec lequel nous entrons en contact est un univers
intrieur : lunivers du pensable, celui que constituent en nous nos reprsentations.19
Toutefois, il est opportun de mettre en vidence quen ce qui concerne la
linguistique des annes Trente, cette position en faveur dun certain psychologisme tait
novatrice.
Ce que nous voulons souligner est la limite de cette vision : le point faible de
cette analyse est davoir exclu le locuteur de son propre univers linguistique, un
locuteur vu dans sa matrialit psychophysique et connect au monde dont il fait partie.
Il est vrai que Guillaume parle de reprsentation mentale en nous , de la ncessit
psychique dun univers intrieur, celui du pensable, mais sans aucune relation avec
lunivers physique du dicible.
Nous nen sommes pas moins dbiteurs envers lui. Notamment pour avoir relev
le manque dintrts pour les relations systmatiques tablies entre les diffrents apports
historiques, et pour avoir culpabilis, de faon diplomatique, la grammaire historique de
navoir rien expliqu des choses qui rglent le fonctionnement du langage et la
formation des langues.
Jusque-l les grammairiens, cest--dire ceux qui soccupaient de linguistique
indoeuropenne, staient limits dans leurs analyses la pure reconstruction
linguistique, en se concentrant totalement sur la mthode comparative.
Un processus de drivation dune langue lautre, tel que par exemple celui de
lindoeuropen *kom devenu cum en latin et con en italien, nest pas seulement un
problme de linguistique historique, mais aussi et surtout un problme de linguistique
gnrale.
Dune part, la linguistique ou la phontique, dirait Saussure a constat au
cours du temps les changements, par les lois phontiques, entre un tat de langue et
lautre. Par exemple, elle observe que le // du latin cum est devenu /o/ en italien par le
19 Guillaume 1973, Op. Cit., pp. 37-38.
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vocalisme tonique ou que le /k/ thmatique du latin calidum, dans certaines conditions
(devant voyelle) sest transform en franais en //, comme dans chaud.
Dautre part, et notre avis cest la question la plus intressante, il faut se
demander dans quelle mesure et pourquoi la prposition indoeuropenne *kom sest
perptue jusqu nous. Quels types de besoins linguistiques, de motivation ont pouss
une communaut linguistique prendre et assimiler un mot dune autre langue ?
Nous entendons par motivation , une motivation qui rvle, comme
Benveniste laffirmait dans ses leons de linguistique, le rapport ncessaire non
seulement entre le signifiant et le signifi mais entre le signe, les locuteurs et lespace
linguistique (le contexte extralinguistique). On oublie souvent que le signe linguistique
serait une notion sans sa corrlation avec un appareil rceptif et productif.
En ce sens, le signe linguistique est motiv, et il trouve sa motivation, comme on
le verra, dans les besoins linguistiques des locuteurs.
Larbitraire, comme la langue, dcouvre ses limitations chez le locuteur et dans
la marche du temps : dans la dimension psychophysique qui, seulement aprs la mort de
Saussure, a t prise en considration par les tudes de linguistique et de phontique
poststructuralistes.
La vision guillaumienne du langage vise mettre en lumire, par les
mcanismes de gnralisation et de particularisation, la dimension psychique du
langage. La dimension dun systme de systmes : la langue.
Chez Bhler, le langage, en tant quorganon, est un instrument de reprsentation
indirecte qui nous guide jusqu la connaissance des choses et des tats de choses,
jusqu linterprtation du monde par les signes sonores, il atteint directement la
dimension psychophysique des locuteurs. Bhler conoit la langue comme le domaine
du sens, et cest dans ce domaine quil faut saisir linterprtation de sens.
Il y a encore un lien que nous devons soumettre lattention du lecteur. Quest
ce qutudie la psychomcanique du langage de Gustave Guillaume ? Elle soccupe, en
le paraphrasant, non pas des rapports entre le langage et la pense, mais des mcanismes
que la pense ralise afin de se saisir elle-mme et dont la langue offre une fidle
reproduction. Et nous utiliserons en remerciant Guillaume pour cette dfinition de
grande porte thorique les mouvements de pense de gnralisation et de
particularisation, dans le but dtudier la perception des phnomnes linguistiques
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daprs les fondements cognitifs de la gestalt.
En suivant Bhler, nous nous focaliserons sur la psychomcanique de la
parole . Selon nous, la reconnaissance et lapprentissage du parl se manifeste de faon
holistique, cest--dire, du tout vers les parties, de la physionomie gnrale au
particulier, en cherchant reconstruire le visage phonique dun mot, dune phrase, dun
discours.
Nous nous proposons dtudier les faits de langue du point de vue de la
psychologie cognitive, et, plus spcifiquement, de la psychologie de la gestalt, sous
lgide de la pense linguistique de Bhler.
Nous tenterons de justifier que chaque locuteur, pouss par des besoins
linguistiques, forge et imprime dans son esprit, dans sa conscience linguistique, la
physionomie acoustique dune phonie quil peroit comme une totalit bien organise,
un ensemble, une silhouette phonique :
Bhler utilise la notion de physionomie acoustique des mots de deux faons. La physionomie
acoustique dun mot est, dune part, conue comme une caractristique individuelle et variable. tendant
au mot le principe de linvariance phonologique, Bhler oppose ainsi la constance du signalement
phonmatique des images de mots aux variations de leur physionomie acoustique . Mais, il lintgre,
dautre part, dans le cadre gnral du paradigme gestaltiste, quil considre comme un modle cognitif
distinct et concurrent de celui fourni par la phonologie [].20
Chez Bhler un message sonore est peru comme une gestalt in praesentia,
cest--dire, comme une totalit organise que nous percevons et reconnaissons de
faon gestaltique.
La physionomie acoustique, dun point de vue psychologique, se conoit comme
une caractristique individuelle et variable des mots. Elle reprsente galement une
certaine constance de la description phonmatique des images des mots par rapport
leurs variations en diachronie. 21
Nous considrons les mots avec leurs traits phoniques (les phonmes), ils sont
caractriss par gestaltqualitten, par qualit de formes dtermines. Ces formes sont
20 Karl Bhler, Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache, Jena, Fischer, (trad. franaise Thorie du Langage, dit par Didier Samain et Janette Friedrich, Marseille, Agone, 2009, 649 p.), 1934, 434 p. 21 Ibidem.
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lies par une certaine fidlit matrielle, aux objets et aux faits, et elles sont des formes
(parties du discours) composes dune srie associative de phonmes ordonns. Les
phonmes ont donc une substance formelle, et ils prsentent, comme le signe
linguistique, un ct formel et un cot substantiel.
Le phonme nest plus considrer en tant qulment fonctionnel, tel que le
classifiait lcole pragoise, mais comme un moment fonctionnel. En effet, dun point de
vue psychologique, le rcepteur extrait dun continuum sonore des moments
fonctionnels indispensables lidentification, la diacrise des phonies.
Chaque mot possde alors une physionomie acoustique qui contribue en
indiquer sa valeur symbolique et syntaxique. Il est important de considrer une phonie,
non pas comme un ensemble alatoire de sons, mais compose dune srie de signes
distinctifs, de signalements : les phonmes.
Ces derniers, les phonmes, font fonction dlments diacritiques et agissent
comme ces caractristiques individuelles dun visage humain qui persistent mme
quand ses traits vieillissent.
En nous fondant sur les thories et les tudes de Bhler, nous chercherons
rpondre la question de savoir si les locuteurs peroivent les phnomnes linguistiques
de faon gestaltique, holistique et sils reconnaissent le visage phonique (des mots)
partir de leurs caractristiques physionomiques. La perspective physiognomique nous
conduira aborder la question de la motivation et tudier la fonction pragmatique des
dmonstratifs, en partant de la thorie des deux champs de Bhler que nous aurons
pralablement prsente.
Le quatrime et dernier chapitre est applicatif, nous soumettrons ce cadre
thorique lexprimentation en laborant un corpus demplois des dmonstratifs
partir de trois romans graphiques italien, et en en commentant les rsultats.
E fumo dare lucem.
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lorigine, donc, mme les noms des choses
Ne furent pas poss par convention, mais ce qui les cra Ce furent les hommes, car cest dans leur nature, selon leur provenance,
prouvant des motions et des perceptions particulires, Dmettre de faon tout aussi particulire un souffle
Marqu par leur tat dme, et par leur perception particulire. Sur la particularit des voix mises, influe la diversit
Des provenances, en proportion de la diversit des lieux [picure, Lettre Hrodote. Diogne Larce, X, 75-76. Nous traduisons du grec]
Chapitre I
Historique des thories arbitraristes :
La ligne Aristote- Saussure
1. Le paradigme de larbitraire: la meilleure base possible.
2. Le (kat synthkn) aristotlique : une thse conventionnaliste ?
3. Saussure, la motivation et la linarit du signifiant.
4. La psychomcanique du langage et les principes thoriques guillaumiens.
5. Le trois anti-arbitraire : Zipf, Frei, Jespersen.
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1. Le paradigme de larbitraire: la meilleure base possible .22
Premirement, il nous faudra essayer de rpondre la question suivante :
pourquoi le principe de larbitraire du signe est-il devenu, au cours des sicles, un
axiome quasiment intangible des tudes linguistiques ?
Notre excursus, parmi les thories de matrice arbitrariste, voit son incipit
justement dans les rflexions aristotliques du langage, pour aboutir, au XIXme sicle,
la pense saussurienne. Il va de soi que nous allons aborder les tapes fondamentales
de ce voyage dont il convient de parcourir brivement les arguments principaux.
Ce cheminement de pense nous conduit dAristote Saussure :23
Il se peut quAristote ne soit pas au sens propre le fondateur et linitiateur de cette tendance []
Les historiens sont rarement alls au-del de la pense grecque, si bien que nous pouvons nous y rfrer
comme le lieu o lide de larbitraire du signe trouve son origine. Pour notre part, nous avons donc de
bonnes raisons de dater le PA24, si ce nest avec Aristote lui-mme, au moins avec la version vulgarise
de sa pense. 25
Daprs le philosophe de Stagire ou, mieux encore, tant donn les traductions et
les interprtations de sa pense qui se sont succdes au cours du temps, le langage
serait structur 26, cest--dire par convention , puisquil ny a aucune
relation de ressemblance entre ce que la voix produit et ce qui se trouve dans lesprit
ou pour le dire dune autre faon entre signifiant et signifi :27
Or donc, les sons de la voix sont des symboles des affections qui sigent dans lesprit et les
lettres crites sont des symboles des sons de la voix. De la mme faon que les lettres ne sont pas les
mmes pour tous, ainsi les sons ne sont pas les mmes. Toutefois sons et lettres sont des signes, avant
22 Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 182. 23 Raffaele Simone, Il sogno di Saussure: otto studi di storia delle idee linguistiche, Roma-Bari, Laterza, 1992, p. 38. 24 Principe de larbitraire . 25 Ibidem. Pu ben essere che Aristotele non sia in senso proprio il fondatore e l'iniziatore di questa tendenza [...] Di rado gli storici si sono spinti pi in l del pensiero greco, sicch possiamo riferirci a questo come il luogo in cui l'idea di arbitrariet ha la sua origine. Per i nostri scopi abbiamo quindi buone ragioni per datare il PA se non con Aristotele stesso, almeno con la versione vulgata del suo pensiero . 26 lire partir de maintenant kat synthkn . 27 Op. Cit., p. 39. Ovvero per dirla in un altro modo tra significante e significato .
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tout, des affections de lesprit qui sont les mmes pour tous et qui constituent les images dobjets
identiques pour tous.28
Ci-aprs les mots dAristote, qui ont pour objet la locution
traduite par convention et qui semblent renforcer la thse conventionnaliste (nous
aborderons au prochain paragraphe linterprtation de la locution grecque) :29
Le nom est ainsi son de la voix, signifiant par convention. 30
partir de la traduction de cette phrase, il a t dduit que le langage est
structur sur deux plans diffrents, le son et le signifi, entre lesquels il ny a aucune
ressemblance apprciable. Le signifi ne peut tre prvu partir de la forme et vice
versa .31
Quelques sicles plus tard, le principe de larbitraire, rest pour lessentiel
intact au moins pendant vingt sicles 32, a connu, grce Locke dabord et Saussure
ensuite, au moins deux importants intgrations .33
Locke, tout fait convaincu que le langage tait compltement arbitraire,
soutenait dans son Essay Concerning Human Understanding que larbitraire, non
seulement influence le rapport entre signifiant et signifi, mais aussi la faon elle-mme
dont les signifis se forment, se dlimitent et se stabilisent diachroniquement .34
Locke synthtise ainsi sa position :
28 Aristotele, De Interpretatione, dition critique prpare et traduite par Ezio Riondato, Padova, 1957, 16a, pp. 1-8. Or dunque, i suoni della voce sono simboli delle affezioni che hanno luogo nell'anima e le lettere scritte sono simboli dei suoni della voce. Allo stesso modo poi che le lettere non sono medesime per tutti, cos neppure i suoni sono i medesimi; tuttavia suoni e lettere risultano segni, anzitutto, delle affezioni dell'anima che sono le medesime per tutti e costituiscono le immagini di oggetti gi identici per tutti . 29 Cf., infra, I, 2. 30 Op. Cit.,16a. Il nome cos suono della voce, significativo per convenzione . 31 Simone 1992, Op. Cit., p. 39. Il linguaggio strutturato su due piani diversi, il suono e il significato, tra i quali non c' alcuna apprezzabile somiglianza. Il significato non pu essere previsto a partire dalla forma e viceversa . 32 Ibidem. Rimasto essenzialmente intatto almeno per venti secoli . 33 Ibidem. Per lo meno due importanti integrazioni . 34 Op. Cit., p. 40. Larbitrariet non solo influenza il rapporto tra significante e significato, ma il modo stesso in cui i significati si formano, si delimitano e si stabilizzano diacronicamente .
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Les mots abstraits ne sont pas crs par lesprit, mais ils sont tout fait arbitraires, sans
aucun modle prconstitu, ni aucune rfrence avec un quelconque aspect de la ralit. 35
Lesprit ne va pas la recherche dune copie de lui-mme dans la nature, il ny a aucune
correspondance entre les ides quil produit et la ralit, mais il les utilise au mieux pour atteindre ses
objectifs, et il na pas besoin dimiter prcisment les choses de la ralit. 36
Ces ides complexes ne copient en rien la nature. 37
Donc, lesprit organise la formation des signifis, lie ensemble un certain
nombre dides que lusage met en corrlation, et il associe chacune delles un nom
spcifique de faon totalement arbitraire : en effet, il ne suit ni modle ni critre quil
aurait puis dans la nature :
Les signifis des mots sont des constructions compltement nouvelles produites par lesprit, qui
les choisit selon un critre de commodit et dutilit sociale. Le nom, une fois assign, tablit le faisceau
dides que lesprit a structur. Larbitraire nest plus limit au rapport entre forme et signifi ( nom et
signifie in Locke), mais il pntre dans la formation des signifis, qui est la phase la plus dlicate de
la structuration du langage. Locke, dans ces passages, se proccupe visiblement dviter le risque
dattribuer au langage un fondement objectivement naturel : le langage ne copie rien de la ralit ; il
collecte et tiquette simplement les ides auxquelles pendant un certain temps il arrive dtre ensemble
pour lutilit gnrale.38
35 John Locke, Essay Concerning Human Understanding, dition critique prpare par John William Yolton, Dutton, London, [1690] 1961, III, V, 3. Mixed modes are not only made by the mind, but made very arbitrarily, made without patterns, or reference to any real existence . Il faut prciser que la traduction de mixed modes par mots abstraits nest pas toutefois prcise : en effet, nous avons adapt une expression qui exactement dans la philosophie de Locke renvoie aux ides et concepts moraux , cest dire des concepts mentaux arbitraires. 36 Op. Cit., III, V, 6. The mind searches not its pattern in nature, not refers the ideas it makes to the real existence of things, but put such together as may best serve its own purposes, without tying itself to a precise imitation of anything that really exists . 37 Op. Cit., III, V, 7. These complex ideas [are] not always copies from nature . 38 Simone 1992, Op. Cit., p. 41. I significati delle parole sono costruzioni completamente nuove prodotte dalla mente, che le sceglie secondo un criterio di comodit e utilit sociale. Il nome, una volta assegnato, stabilizza il fascio di idee che la mente ha strutturato. L'arbitrariet non pi limitata al rapporto tra forma e significato ( nome e significato in Locke), ma penetra nello stesso formarsi dei significati, che la fase pi delicata dello strutturarsi del linguaggio. La principale preoccupazione di Locke in questi passi visibilmente quella di evitare il rischio di dare al linguaggio una base obiettiva nella natura: il linguaggio non copia nulla dalla realt; semplicemente collega ed etichetta le idee alle quali per un cero tempo capita di stare insieme per l'utilit generale .
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Cette interprtation de Simone, nous conduit conclure que larbitraire, chez
Locke, prside la formation mme des signifis, mais, comme Horace le dirait, si volet
usus39: autrement dit, la masse et le temps sont les acteurs principaux de ce processus de
structuration. Les locuteurs, conscients de leurs propres ncessits linguistiques
(Simone les dfinit besoins linguistiques ), les ralisent en construisant des signifis
bien dlimits et en les caractrisant avec des noms reconnaissables et durables. La
fonction du langage, chez Locke, est de connecter des ides : il ne copie pas de la
ralit et il arrive se scinder de la matrialit des choses.
La deuxime fondamentale intgration au principe de larbitraire vient de
Saussure. Voici le principe tel quil lnonce :
Le lien unissant le signifiant au signifi est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par
signe le total rsultant de lassociation dun signifiant un signifi, nous pouvons dire plus simplement :
le signe linguistique est arbitraire.
Ainsi lide de sur nest lie par aucune rapport intrieur avec la suite de sons s--r qui lui
sert de signifiant; il pourrait tre aussi bien reprsent par nimporte quelle autre: preuve les diffrences
entre les langues et lexistence mme de langues diffrentes []. Le principe de larbitraire du signe nest
contest par personne; [] le principe nonc plus haut domine toute la linguistique de la langue [].40
Toutefois, Saussure prcise que le mot arbitraire [] il ne doit pas donner
lide que le signifiant dpend du libre choix du sujet parlant 41 mais, nous voulons
dire quil est immotiv, cest dire arbitraire par rapport au signifi, avec lequel il
naucune attache naturelle dans la ralit .42
Ce qui est incontestable quand il sagit du rapport son/chose. Et, en effet, nous
navons aucune intention de poser la question en ces termes. Nos interrogations
concernent la partie finale de lassertion saussurienne au sujet de labsence dune
attache naturelle avec la ralit.
Le point rsolutif de la question, dans la thorie de larbitraire du signe est,
notre avis, le suivant, et nous le partageons avec Bhler:
39 Horace, Ars Poetica, dition critique prpare par Mario Scaffidi Abbate, Newton & Compton, 2002, 71. 40Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 100. 41 Op. Cit., p. 101. 42 Ibidem.
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Locuteur et linguiste avouent lun et lautre que, si nous nous livrons aujourdhui une
comparaison du son et de la chose, nous ne voyons apparatre nulle ressemblance entre les deux, et
nous ne savons mme pas, dans la plupart des cas, sil y en a eu une un jour, ni si cette application [cette
coordination] t originairement opre en fonction dune telle ressemblance.43
Il se peut que ces mots auraient peut-tre aid lever le sempiternel doute
auquel Ferdinand de Saussure na jamais russi trouver une rponse : quelle avait t
le motif (et dans quelle mesure) pour lequel le latin calidum avait t assimil par le
locuteur franais comme chaud . 44
Comme Bhler nous lenseigne 45 , lenjeu de la linguistique est dtudier
lenchevtrement complexe qui lie le locuteur, le monde et le langage ; mais pour
Saussure :
[La] Linguistique, na tudier que le produit social, la langue. []. Il faut dabord tudier les
langues, une diversit de langues. Par observation de ces langues, on tirera ce qui est universel. Il aura
alors devant lui un ensemble dabstractions : ce sera la langue, o nous tudierons ce qui sobserve dans
les diffrentes langues. En troisime lieu il restera soccuper de lindividu. Excution a une importance
mais nest pas essentielle. Il ne faut pas mler dans tude phnomne gnral et mcanisme dexcution
individuelle.46
Concernant larbitraire du signe, Saussure considre que le rapport entre
signifiant et signifi est arbitraire, mais galement celui entre un signifiant et les autres
signifiants, et celui entre un signifi et les autres signifis. La langue est arbitraire, le
signe linguistique est arbitraire et chaque langue construit arbitrairement son propre
systme de valeurs. Dans le signe ne subsiste aucun rapport de ncessit logique ou
naturelle entre le signifiant et le signifi et, pour conclure, chaque langue dcoupe
43 Karl Bhler, [1934] 2009, Op. Cit., p. 111. 44 En effet, la position de Saussure en ce qui concerne lidentit diachronique en question est de pure reconstruction : Or lidentit diachronique de deux mots aussi diffrentes que calidum et chaud signifie simplement que lon pass de lun lautre travers une srie didentits synchroniques dans la parole, sans que jamais le lien qui les unit ait t rompu par les transformations phontiques successives [cf. Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 250]. Ainsi, dans la rflexion de Saussure, aucun espace nest laiss la composante psychologique. Il ne rflchit pas sur le point de vue cognitif de ces transformations : comment se sont-elles produites ? Elles ont lieu avant tout dans lesprit du locuteur et non pas seulement dans le systme. Pour Saussure le problme est rsoudre laide de la seule action rgulire des lois phontiques. 45 Karl Bhler [1934] 2009, Op. Cit., p. 111. 46 Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 477, n. 305.
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arbitrairement les signifiants et les signifis dans le cadre de lespace phonique et
smantique.
La langue est donc autonome, le systme de valeurs est autonome, le signe est
autonome. Autonome par rapport quoi ? 47
Afin de rpondre cette question, il suffit de cet exemple : aux mots italiens
legno, legna et bosco, le franais oppose le seul bois. Aux italiens albero et legno le
danois associe lunique lment tr. Cette illustration lexicale peut aussi tre aussi
dplace sur le plan phonologique. Il suffit de prendre en considration le systme des
apicaux italiens /t/ et /d/, et de le comparer au systme anglais reprsents par /t/, /d/, et
//, //. Le principe de larbitraire vaut aussi pour les catgories grammaticales : alors
que le franais distingue uniquement singulier et pluriel, la langue grecque distingue
galement le duel par deux , et mme litalien distingue un pluriel interne en a,
ct du pluriel daddition et du singulier.
Quelques pages plus avant dans son Cours, juste aprs lexpos sur larbitraire
du signe, Saussure parle de larbitraire relatif : le signe peut tre relativement
motiv ..48
Ainsi, vingt est immotiv mais dix-neuf ne lest pas en gale mesure, parce
qu'il voque les termes dont il se compose et d'autres qui lui sont associs .49
Nous voulons attirer lattention sur ce passage crucial du Cours parce que, de
facto, Saussure utilise, inconsciemment, le concept de visage phonique des mots de Karl
Bhler, dans lequel est voqu le rle de la composition o par composition on
entend le processus cognitif dont le but est dassembler au moyen dun certain ordre,
qui dans le cas de la parole est phonique, des lments fournis par un systme, quel que
soit ce systme.
On conviendra quil ne sagit pas dune opration arbitraire, ou du moins pas
entirement. En effet, nous ne synthtisons pas au hasard les lments dun compos
chimique qui, de par sa nature est une substance forme par deux ou plus lments, avec
un rapport fixe entre eux et qui en dtermine la composition.
47 Massimo Prampolini, Ferdinand De Saussure, Roma, Meltemi editore, 2004, p. 71. Dunque la lingua autonoma, il sistema di valori autonomo, il segno autonomo. Autonomo da che cosa ? 48 Saussure [1916] 1979, Op. Cit. p. 181. 49 Ibidem.
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De la mme manire, motive selon nous, un locuteur, pendant un processus
de drivation dun tat de langue lautre, synthtise une phonie, pendant la phase
dassimilation, en cherchant lui donner un visage phonique le plus familier possible.
Ltre humain (par exemple, un enfant), quand il est confront la perception continue
dune squence phonique qui lui est inconnue, tente, en effet, dtablir une certaine
corrlation entre les lments qui la composent, en essayant de reconstruire un certain
ordre phonique, en mettant en uvre un processus fluide de particularisation, et en
partant dune gnralisation.50
Le sens de larbitraire relatif peut se rsumer lide que les signes composs ne
sont pas entirement immotivs ; ils doivent leur forme celle des autres signes qui les
composent :
Et dans une langue, il y en a tant de signes composs. Certes, une marge d'arbitraire reste, au
moins dans la dtermination de la composition. Le numral qui en franais se compose comme neuf, en
chiffres romains se compose comme IX ; le numral qui en franais se compose comme soixante-dix en
italien se compose comme settanta. Donc la composition est la base de l'arbitraire relatif.51
50 Ce processus se ralise lorsque nous lisons des textes dans une langue trangre et que toutefois (nous nous rfrons aux langues grammaticales) nous sommes en mesure de reconnatre un mot parce quil ressemble, drive dun mot prsent dans notre rpertoire lexical. Ce processus de construction et de perception de la langue, qui est substantiellement le mcanisme principal de nos rflexions, est le fruit dun mouvement de pense qui procde du gnral au particulier. On pourrait objecter que ce que nous venons de dclarer ici ne fonctionne pas dans le cas suivant : maison, house. Dans quelle mesure ce processus de composition intervient dans ce cas l ? Il ne sest simplement pas produit, parce quil ny a pas eu une situation dassimilation ni une situation de perception . Il sagit, comme on le verra dans le deuxime chapitre, de deux signes hors champ . La question se poser est, en effet, la suivante : pourquoi deux locuteurs devraient-ils ressentir le besoin de forger la physionomie acoustique dun mot dont ils ne ressentiraient aucune ncessit pour leur systme linguistique? Il ny a pas de raison de le faire. Le locuteur anglo-saxon a pu faonner le mot house en partant dun modle dj prsent dans son patrimoine linguistique, la forme hs (ancien anglais). De mme, le locuteur gallo-romain a pu faonner le mot maison en partant dun modle dj prsent dans son patrimoine linguistique, la forme latine mansio. Aucun des deux locuteurs navait besoin dabsorber ex novo une forme loigne lorsquil pouvait composer analogiquement une phonie en lassimilant partir dun champ environnant : comme mansio partir du champ latin et house partir du champ anglo-saxon (vieil anglais). Dans ces circonstances, il ny a pas eu dinterfrence entre le champ latin et le champ anglo-saxon . La situation change si on considre les locuteurs de la souche germanique (occidentale, orientale et septentrionale) qui ont forg des visages phoniques familiers, parce que diffrents champs partageant une origine commune se sont influencs tour de rle (cf., gotique hus, allemand haus, hollandais huis, sudois hus, anglais house). La leon du champ de Bhler doit donc tre intgre lenseignement saussurien selon lequel il faut toujours considrer les diffrents points de vue pour aborder une question. Voir aussi : Guillaume 1973, Op. Cit., p. 94. 51 Prampolini 2004, Op. Cit., p. 106. E di segni composti in una lingua ce ne sono tanti. Certo, un margine di arbitrariet resta: quantomeno nel modo in cui si determina la composizione. Il numerale che in francese si compone come neuf, nella scrittura in caratteri romani si compone come IX; il numerale che in francese si compone come soixante-
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Une premire rflexion : comment peut-on envisager la composition de la forme
sans envisager la composition de la substance phonique? Certes, dirait Saussure, la
langue est une forme et non une substance .52
Le linguiste suisse ninvoque pas autre chose que la nature immatrielle du
langage, et le rle indiffrent de sa substance par rapport la manire dont il est
structur et utilis.
Pourquoi partir de Saussure la substance disparat pratiquement de la
linguistique et la conception du langage, en termes de systme, prvaut sur toutes les
autres considrations ? 53
Pourquoi le matriel, le poids physique de lusage linguistique concret (comme
le postulent les thoriciens du moindre effort) ne joue aucun rle dans la structure du
langage et dans le changement linguistique ? 54
Encore sur la motivation, Saussure poursuit :
[...] La motivation n'est jamais absolue. Non seulement les lments d'un signe motiv sont eux-
mmes arbitraires [...], mais la valeur du terme total n'est jamais gale la somme des valeurs des parties.
[...]Tout ce qui a trait la langue en tant que systme demande, c'est notre conviction, tre
abord de ce point de vue, qui ne retient gure les linguistes: la limitation de l'arbitraire. C'est la meilleure
base possible.55
Parmi les devoirs du linguiste il y a donc aussi celui dtudier les limitations de
larbitraire :
La tche de la linguistique est celle d'tudier les limitations de l'arbitraire qui concernent non
seulement les mots relativement motivs, mais tous les mots, mme les plus absolument arbitraires en
eux-mmes, car tous font partie d'un systme solidaire de signifis, et de signes comme totalit dans la
langue et dans les possibles syntagmes [...]. Do l'ide que la spcificit est dans la linarit du mot, ou
mieux de la langue [...]. Un signifiant (mme celui d'un nom propre) n'est pas compos de phonmes,
dix in italiano si compone come settanta. Dunque, alla base dell'arbitrariet relativa c' l'idea di composizionalit . 52 Saussure [1916] 1979, Op. Cit. p. 169. 53 Simone 1992, Op. Cit., p. 45. A partire da Saussure la sostanza praticamente scompare dalla linguistica e la concezione del linguaggio in termini di sistema prevale su tutte le altre considerazioni? 54 Ibidem. Il materiale, il peso fisico del concreto uso linguistico non ha alcun ruolo sulla struttura del linguaggio e sul cambiamento linguistico? . 55 Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 182.
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mais de phonmes ordonns, un signe n'est pas compos d'units en lesquelles il peut se dcomposer
(units qui seront par la suite appeles monmes, morphmes ou morphes, hyposmes) mais d'units
ordonnes. Il est incontestable quavant tout, pour Saussure, il y a la matrialit sonore, justement la
matrialit sonore, phonique, acoustique, qui implmente l'extrieur du mot, ce qui doit tre invoqu
solennellement comme principe, comme trait spcifique du langage.56
En ce qui concerne les langues, il y a aussi des linguistes pour affirmer quil
nest pas correct de parler dun arbitraire total mais qui acceptent diffrents degrs
darbitraire.
Simone57, par exemple, a focalis son attention sur les traces iconiques laisses
par le signe linguistique :
[...] Dans plusieurs langues, par exemple, les mots qui signifient ici contiennent un i, alors
que ceux qui signifient l contiennent un a ou une voyelle postrieur (allemand hier/da, franais
ici/l, arabe huna/hunaka, chinois mandarin jhu li/nah l, etc.; mais l'italien ne suit pas cette rgularit :
l/l qui/qua!). [...] Il est utile de parler d'une iconicit universelle oppose une unicit sociale .
Au premier type on peut attribuer des phnomnes comme le symbolisme spatial du i ou du a (en
admettant qu'il soit possible de le dmontrer rigoureusement), car on ne peut le considrer prouv que
lorsquon l'a document dans toutes les langues (ou dans une grande quantit).
Or, nous en venons la dfinition de notre approche. Nous ntudierons pas les
faits de langue, ni dun point de vue phonosymbolique ni, dun point de vue iconique.
Le langage est pour nous un systme : notre point de vue est structuraliste.
56 Tullio De Mauro, Saussure in cammino, Roma, 2007, p. 4. Il compito della linguistica studiare le limitations de l'arbitraire le quali riguardano non solo le parole relativamente motivate, ma tutte le parole, anche le pi assolutamente in s arbitrarie, in quanto tutte sono parti di un sistema di solidariet dei signifis e dei signes come totalit nella langue e nei possibili sintagmi [...]. Nasce l'idea che la specificit stia nella linarit du mot, anzi della langue [...]. Un significante (anche quello di un nome proprio) non fatto di fonemi, ma di fonemi ordinati, un segno non fatto di unit in cui possa decomporsi (quelle che poi saranno dette monemi, morfemi o morfi, iposemi) ma di unit ordinate. Pare in dubbio che a tutta prima per Saussure sia la materialit sonora, proprio la materialit sonora, fonico-acustica, che implementa l'esterno del mot, ci che va invocato, e solennemente, come principe, come tratto specifico del linguaggio . 57 Raffaele Simone, Fondamenti di Linguistica, Roma-Bari, Laterza, 1990, p. 61. In molte lingue, ad esempio, le parole che significano "qui" contengono una i, mentre quelle che significano "l" contengono una a o una vocale posteriore (tedesco hier/da, francese ici/l, arabo huna/hunaka, cinese mandarino jhu li/nah l, ecc.; ma l'italiano non rispetta questa regolarit: l/l qui/qua!) [...] utile parlare di uniconicit "universale" contrapposta ad una "sociale". Al primo tipo si possono attribuire fenomeni come il simbolismo spaziale della i o della a (ammesso che sia possibile dimostrarlo con rigore), in quanto esso pu considerarsi provato solo quando lo si sia documentato in tutte ( o in una grande quantit) le lingue .
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Nous refusons de partager une thorie iconique stricte et nous sommes plus
convaincus par la dfinition dune thorie gnrale du langage qui vise identifier les
limites de larbitraire linguistique en tenant compte du fait quil est, selon notre vision
des choses un instrument de reprsentation indirecte, dont lobjectif est de guider les
locuteurs la connaissance directe du monde et linterprtation de sens et de signifis
qui dominent la scne partage o ont lieu les interactions verbales des locuteurs.
Le rapport ncessaire entre signifiant et signifi se rvle, justement comme
Benveniste laffirmait, dans une motivation qui nest plus une relation deux, mais qui
implique la masse et lespace (le monde).
Trs souvent on oublie que le signe nexisterait pas sans un appareil de
reproduction et sans appareil de rception. En ce sens, et cest notre conviction, le signe
est motiv ( larbitraire limit), et trouve sa motivation, comme nous le verrons, dans la
fonction reprsentative du langage et dans les besoins linguistiques des locuteurs.
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2. Le aristotlique : une thse conventionnaliste ?
La thse conventionnaliste attribue Aristote merge de linterprtation des
quatre premiers chapitres du De Interpretatione et de lexpression qui y
revient trois fois .58
Au cours des sicles cette expression a suscit plusieurs interprtations, mais
elle doit son succs, fondamentalement, la traduction dAmmone dAlexandrie (fils
dHermias) qui dans son commentaire du De lInterprtation affirmera que
correspond ; toutes les deux expressions auraient le mme signifi :
par position .59
Linterprtation dAmmone conduira ladaptation latine plutt simpliste de
Boce qui dans les Commentarii in librum Aristotelis, sous linfluence dAmmone lui-
mme, translitrera la formule aristotlicienne par secundum placitum 60 :
[] Lacception selon laquelle les , noms, mots , signifient x, cest--
dire quils sont composites et articuls (par opposition au cri des btes, signifiant oui , mais
globalement, sans articulation en parties), a t interprte comme signifiant que les onmata ont le sens
de ad placitum par dcret , par convention (Boce traduisit ainsi lexpression aristotlicienne). Ainsi
sont nes lide et la thorie de larbitraire conventionnel qui, du monde ancien travers le Moyen-ge,
sont parvenues jusquaux temps modernes et jusqu nous. Cette ide est prsente dans la notion de
lgisigne propose par Peirce et se prsente dans les cours de Ferdinand de Saussure dont est issu le
Cours de linguistique gnrale.
Dans ces leons, toutefois, dautres acceptions et des ides diffrentes de l arbitraire sont
envisages.61
58 Franco Lo Piparo, Aristotele e il linguaggio. Cosa fa di una lingua una lingua, Roma-Bari, Laterza, 2003, p. 71. Sui primi quattro capitoli del De Interpretatione e sullespressione che vi ricorre tre volte . 59Ammonius, in Aristotelis De Interpretatione Commentarius, edidit Adolfus Busse, Commentaria In Aristotelem Graeca, vol. IV, Parte V, Berlin, 1897, pp. 30, 31-32. K corrisponde a ; i due avrebbero lo stesso significato: per posizione . 60 Ibidem. 61 Tullio De Mauro, Lezioni di linguistica teorica, Roma - Bari, Laterza, 2008, p. 54. [...] Che gli , nomi, parole , significhino x, cio che siano compositi e articolati (in opposizione al grido delle belve, significante si, ma globalmente, senza articolazione in parti,), fu inteso nel senso che gli onmata significano (tradusse Boezio) ad placitum per decreto , per una convenzione. nata cos l'idea e teoria dell'arbitrariet convenzionale, che dal mondo antico attraverso il Medioevo, giunta fino all'et moderna e a noi. Essa presente nella nozione del legisegno
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Et De Mauro poursuit ainsi :
Si nous examinons ces mots [] franais aller et ses quivalents dans dautres langues : andare
pour litalien, ire pour le latin, banein pour le grec, to go pour langlais, menni pour le hongrois, yuku
pour le japonais [..], dans un cas seulement (naso, nasus, nose, nez) nous voyons quelques similitudes,
mais dans les autres mots nous trouvons des diffrences radicales dans la forme signifiante. Ces cadres
factuels taient dj connus des savants grecs du Ve sicle av. JC., et les amenrent dcrter que le
mot chien ne mord pas et que le rapport entre rfrent et forme du signifiant nest pas rgl par
nature , phsei, mais par loi , nmo, ou par accord , thsei.62
Certes, dans lensemble, ces exemples manifestent un arbitraire radical, comme
De Mauro le dfinit ; mais on ne tient pas compte dun fait dcisif, fondamental pour le
dveloppement de notre pense : la notion de champ , cest--dire de contexte .
En outre, nous pensons quil est peu productif d'aborder la question de larbitraire
partir de lanalyse dun mlange linguistique irrationnel : il faut respecter
lenseignement saussurien dun regard rtrospectif diachronique et synchronique dont la
cohrence dpend de la prise de conscience de lexistence de diffrents points de vue.
Cela avait t bien compris par Antoine Meillet qui, bien quil se prononce en
faveur de larbitraire absolu, souhaite la formulation dune thorie gnrale du langage
o le systme langue ne serait pas prsent en tant quune coacervatio de questions trs
disparates mais sous langle dun systme organis o tout se tient, et o les faits de
langue sont placs de manire cohrente et systmatique :
Les moyens d'expression n'ont avec les ides qu'une relation de fait, non une relation de nature et
de ncessit [...] Les combinaisons d'articulations par lesquelles, dans une langue donne, sont raliss les
phonmes sont chose particulire cette langue; mais les mouvements lmentaires qui figurent dans ces
combinaison sont dtermins et limits par des conditions gnrales anatomiques, physiologiques, et
proposta da Pierce e si affaccia nelle stesse lezioni di Ferdinand de Saussure da cui fu tratto il Corso di Linguistica generale, lezioni in cui si prospettano tuttavia altre e differenti idee di arbitrariet . 62 Ibidem. Se esaminiamo queste parole [...] italiano andare e i suoi corrispettivi in altri stati di lingua: andare per l'italiano, ire per il latino, banein per il greco, to go per l'inglese, menni per l'ungherese, yuku per il giapponese) [...], soltanto in un caso (naso, nasus, nose) scorgiamo qualche somiglianza, ma negli altri troviamo radicali differenze di forma significante. Quadri fattuali del genere, presenti gi ai dotti greci nel V secolo a.C., li spinsero a sentenziare che la parola cane non morde e che il rapporto tra referente e forma del significante non regolato per "natura", phsei, ma per una legge, nmo, o per un accordo, thsei .
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psychiques : il est donc possible de fixer de quelle manire peut voluer une articulation dans un cas
donn. [...]
A ct de l'histoire proprement dite des divers idiomes o il n'y a, comme dans toute histoire,
qu'une succession de faits particuliers, il se forme, l'aide de ces matriaux, une thorie gnrale des
conditions dans lesquelles voluent les langues, c'est - -dire que l'histoire du groupe indo-europen,
maintenant connue en ses grandes lignes, fournit quelques-unes des meilleures observations qu'elle puisse
utiliser la science du langage, qui commence enfin se constituer; son tour, cette science, en
dterminant les lois gnrales du langage, permettra de remplacer l'empirisme actuel des explications par
des doctrines cohrentes et systmatiques.63
Les mouvements lmentaires dont parle Meillet ne sont que des mouvements
de coarticulation des sons ( travers lesquels sont forges des combinaisons de
phonmes) qui produisent des phonies considrer dans des ralits psychophysiques
bien prcises. Chaque aire linguistique , de laire romane laire germanique, de
lespace balto-slave lespace celtique, reprsente un point de vue diffrent. Pour des
raisons de contingences historico-culturelles, ils se sont souvent entremls, leur tude
ncessite, le cas chant, un dnominateur commun.
Comme dans le cas de la correspondance suivante : latin domus, franais
domicile, demeure, paloslave dom, vdique dam-nas, indoeuropen *domu-, ancien
indien patr dan et dam pat, grec et et homrique maison .
Dans ce cas spcifique, on est confront une situation dans laquelle des
locuteurs appartenant des aires linguistiques diffrentes, tant mis en contact, ont t
dans la ncessit de composer par analogie64, en partant dun visage phonique
63 Antoine Meillet, Introduction l'tude comparative des langues indo-europennes, Paris, Hachette et
Cie, 1912 (1 ed., Paris 1903), pp. 3,19, 435. 64 Nous considrons ici plein titre lanalogie comme un processus cognitif qui a lieu entirement dans lesprit du locuteur et, nous suivons en cela, entre autres, Saussure, qui affirme dans le chapitre IV du Cours : lanalogie est dordre psychologique; mais cela ne suffit pas la distinguer des phnomnes phontiques, puisque ceux-ci peuvent tre aussi considres comme tels. Il faut aller plus loin et dire que lanalogie est dordre grammatical: elle suppose la conscience et la comprhension dun rapport unissant les formes entre elles [] [Saussure [1916] 1979, Op. Cit., p. 226.]. Sur la nature cognitive du phnomne analogique sest exprim aussi Philippe Monneret. En dfinissant comme indissoluble le lien entre limage iconique et image analogique, il semble avoir repris, inconsciemment, le concept de visage phonique des mots de Bhler [cf., infra, II 1, 2] : Dautre part, limage, telle quelle a t dfinie ici, permet de prendre en charge la question de linnovation smantique, dont lineffable divin nest quune formulation archaque. Or il sagit dun aspect mes yeux crucial, puisque la raison qui ma conduit mintresser la problmatique de liconicit tient prcisment en ce quun systme de signes arbitraires ne permet pas de transmettre autrui un sens nouveau []. Quant la hirarchie de lanalogie et de liconicit, nous avons bien vu dune part que la conception de limage (ou de licne) que jai utilise repose elle-mme sur une structure analogique ; dautre part que dans la smiotique peircienne, les structures iconiques qui intressent le linguiste sont
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commun, qui, dans ce cas est reprsent par la racine indoeuropenne *dem, des
phonies structurellement lies entre elles.
Ce discours est valable pour 86% des latinismes italiens dont le caractre
conservateur est fidle aux archtypes de la langue latine65. Par contre, la langue
anglaise se caractrise par 76% des romanismes et seulement 10% de lexmes
patrimoniaux.66
Les exemples pourraient tre innombrables. Ce qui nous intresse est didentifier
une thorie gnrale du langage grce laquelle nous arriverions comprendre les
mcanismes de formation, de perception et dassimilation des mots.
Nous reviendrons sur la composition. Nous voudrions nous arrter maintenant
sur le rle de lanalogie dans le faits de langue.
En effet, lanalogie semble avoir un poids dcisif dans les processus de
signification, pas seulement cause de sa nature grammaticale et synchronique ,
mais surtout parce quelle est un facteur de mdiation entre les locuteurs et le monde
environnant (le contexte , le champ o se droule lchange verbal) :
Ainsi tout est grammatical dans lanalogie; mais ajoutons tout de suite que la cration qui en est
laboutissement ne peut pas appartenir dabord qu la parole; elle est louvre occasionnelle dun sujet
isol. [] Cependant il faut y distinguer deux chose : 1 la comprhension du rapport qui relie entre elles
les formes gnratrices; 2 le rsultat suggr par la comparaison, la forme improvise par le sujet parlant
pour lexpression de la pense. Seul ce rsultat appartient la parole.67
Saussure, dune part, souligne lautonomie de la forme linguistique du locuteur,
dautre part, il semble accorder une certaine importance la manifestation dun acte de
langage dans la parole. Ce qui manque, notre avis, est une attention particulire aux
processus de perception, au droulement de lchange verbal, et son contexte.
Saussure avait bien compris que les messages sonores, les phonies, les signes
linguistiques sont observer dans leurs emplois concrets, dans la parole. Ce quil a par
contre exclu de son horizon dtudes est le rle du contexte et des processus perceptifs.
elles-mmes de type analogique []. Il semble donc que lon gagne considrer que cest lanalogie qui subsume liconicit, autrement dit que licne (ou image) nest autre quune analogie dun certain type . [Philippe Monneret, Iconicit et analogie , Cahiers de linguistique analogique, n1, Dijon, A.B.E.L.L., 2003, pp. 192-193]. 65 Cf., Tullio De Mauro, La fabbrica delle parole, Torino, Utet, 2005, p. 131. 66 Op. Cit., p. 127. 67 Saussure [1916] 1979, Op. Cit., pp. 226-227.
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Parce que lacteur principal, lorsquon parle de signification et de perception, est le
locuteur et non pas le linguiste. Cest le locuteur qui tente de dominer la langue,
domaine du sens. Comment arrive-t-il dominer le sens de son discours (la parole) ? En
forgeant les mots, les messages, les formes travers un processus dinduction qui
procde du gnral au particulier. Ces sont les mcanismes de pense reproduits
fidlement par la langue, et Guillaume dirait que la pense les met en uvre pour saisir
elle-mme.
Ce nest pas tout. Ainsi Saussure poursuit :
Lanalogie nous apprend donc une fois de plus sparer la langue de la parole []; elle nous
montre la seconde dpendant de la premire et nous fait toucher du doigt le jeu du mcanisme
linguistique, tel quil est dcrit []. Toute cration doit tre prcd dune comparaison inconsciente des
matriaux dposs dans le trsor de la langue o les formes gnratrices sont ranges selon leurs rapports
syntagmatiques et associatifs. Ainsi toute une partie du phnomne saccomplit avant quon voie
apparatre la forme nouvelle. Lactivit continuelle du langage dcomposant les units qui lui sont
donnes contient en soi non seulement toutes les possibilits dun parler conforme lusage, mais aussi
toutes celles des formations analogiques.68
On continue infrer de lanalyse de Saussure une certaine vision
intersubjective du langage 69, dans laquelle il semble quon ne fasse pas de place pour
un tertium comparationis indispensable : le monde environnant (au sens dautonomie
du langage du locuteur appartenant une communaut linguistique). Toutefois, il y a un
rappel fugace chez Saussure la comparaison inconsciente , qui laisse prsager un
processus cognitif qui se manifeste dans lesprit du locuteur et qui doit tre considr
dans une ralit psychophysique prcise, lie de faon indissoluble au parler conforme
lusage :
Rien nentre dans la langue sans avoir t essay dans la parole, et tous les phnomnes volutifs
ont leur racine dans la sphre de lindividu. Ce principe, dj nonc p. 138, sapplique tout
particulirement aux innovations analogiques. Avant que honor devienne un concurrent susceptible de
remplacer hons, il a fallu quon premier sujet limprovise, que dautres limitent et le rptent, jusqu
ce quil simpose lusage. []. La langue ne retient quune minime partie des crations de la parole ;
68 Op. Cit., p. 227. 69 Cf., supra, Introduction .
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mais celles qui durent sont assez nombreuses pour que dune poque lautre on voie la somme des
formes nouvelles donner au vocabulaire et la grammaire une toute autre physionomie.70
La contigut de ce fragment du Cours avec un autre passage tir de la
Sprachtheorie de Bhler est vraiment remarquable : le linguiste viennois, travers des
concepts tels que la physionomie acoustique et l identit gntique , qui semblent
strictement lis une thorie des formes trs similaire au processus cognitif de
lanalogique, exprime de faon diffrente la pense saussurienne :
Quand le linguiste dit le mot pre et recourt pour ce faire au singulier, il entend par l, compte
tenu de ce qui est susceptible de frapper ses sens, une classe de phnomne. Le rsultat de la linguistique
historique ne doit pas en loccurrence tre exclu, mais inclus. En effet, quel que soit, par exemple ce qui a
pu arriver dans les langues indo-europennes au mot qui scrit Vater chez nous, il est impossible que son
empreinte phonmatique ou sa valeur de symbole aient jamais chang par -coups et sans loi. Cest en
fonction de cette identit gntique quest construite lunit Vater pour lhistoire de la langue, et que cette
dernire a sa place dans le lexique de lallemand, pour le pass, le prsent, et pour tous les dialectes.71
Nous consacrerons notre deuxime chapitre Bhler et nous aurons loccasion
dapprofondir les concepts que, jusqu prsent, nous navons queffleurer.
Il nous a sembl opportun de mettre en vidence lintrt de Saussure pour les
processus psychologiques et une linguistique de la parole, quil na toutefois jamais
vraiment dvelopps cause de leur caractre intersubjectif.
Poursuivons avec la composition. Cette question a une implication essentielle
dans la thmatique de la motivation du signe. Il convient de commencer par la
linguistique aristotlicienne. Nous disions, dans les pages prcdentes, que les
traductions dans les langues modernes de lexpression sont toutes dans
le sillage des interprtations dAmmone et de Boce : est rendu soit
par par convention soit par des termes thoriquement voisins comme
conventionnel , institutionnel , arbitraire ou historiquement motiv .72
70 Op. Cit., pp. 231-232. 71Karl Bhler [1934] 2009, Op. Cit., pp. 150-151. 72 Lo Piparo 2003, Op. Cit., p. 127. reso o con convenzionale o con termini teoricamente vicini come istituzionale, arbitrario o storicamente motivato . Lo Piparo lui-mme affirme que nous devons la premire interprtation du bocien secundum placitum dans le sens de institutionnel Thomas dAquin : secundum placitum, id est secundum institutionem humanam a beneplacito hominis
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Pour donner corps nos observations, nous partons du sens littral de la locution
grecque . Le terme [] drive du verbe
(syntithemi) dont lacception est tablir, ngocier quelque chose en accord avec
dautres personnes en fonction dun but . Ce qui rend lide de la convention (cf.,
lat. conventio) cest--dire de laccord, du pacte (le verbe , prsente ce sens). Le
verbe (syntithemi) prsente galement lacception composer, synthtiser
en reprsentant lide de la composition, de la combinaison (cf., lat. compositio, grec
- ) :
Les langues comme le latin ou litalien forcent, en lexicalisant de faon diffrente les deux
champs smantiques, leurs locuteurs respectifs choisir chaque fois lun ou lautre des signifis. Avec
- [synthkn] au contraire, les deux acceptions conservent une forte capacit de sinvoquer
rciproquement.
Les locuteurs et les lettrs de lancienne Grce pouvaient, sils le voulaient, prononcer avec
emphase une acception plutt quune autre, mais la langue dans laquelle ils pensaient leur permettait
dutiliser indiffremment les mots - (synthkn) et - [syntithemi] sans tre oblig
de les diffrencier.73
Nous nous demandons, la lumire de cette rflexion tymologique, sil y a une
relation entre lide de composition qui est la base de larbitraire relatif, dont Saussure
se fit le promoteur, et cette seconde acception qui renvoie la compositio, dont est
porteur le verbe .
Confrontons la pense des deux auteurs en partant dAristote et des passages du
De Interpretatione o apparat lexpression .
Le nom est certainement une voix qui signifie , et sans dtermination temporelle,
si elle est spare du reste, aucune partie de la voix na de sens. Dans le nom , en effet, la
procedentem. Et per hoc differt nomen a vocibus significantibus naturaliter, sicut sunt gemitus infirmorum et voces brutorum animalium . Voir aussi Thomas DAquin, DI: I, IV, 41, In Aristotelis libros, Peri Hermeneias et Posteriorum Analyticorum Expositio, cum textu et recensione leonina, cura et studio Raimondo M. Spiazzi, Marietti, Torino, 1955. 73 Op. Cit., p. 74. Lingue come il latino o l'italiano, lessicalizzando in maniera differente i due campi semantici, costringono i rispettivi parlanti a scegliere volta per volta o l'uno o l'altro significato. In - invece, le due accezioni mantengono una forte capacit di richiamarsi a vicenda. Parlanti e scriventi dell'antica Grecia potevano, se volevano, enfatizzare unaccezione piuttosto che l'altra ma la lingua nella quale pensavano consentiva loro di usare i termini - e - in modo da non essere obbligati a distinguerle .
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partie - [cheval] en soi ne signifie rien, contrairement ce quil se passe dans le syntagme
[beau cheval]. Cela ne se vrifie ni dans les noms simples ni dans les noms composs. En effet, en
tant que nom simple la partie [-] na pas de sens ; dans les noms composs, la partie tend la
signification mais, si elle est spare du reste, elle ne signifie rien, ainsi dans le nom
[navire de course] la partie - [rapide] ne signifie rien.74
Lo Piparo nous fait remarquer que :
K est simplement traduit par convention , il faut reconnatre une contradiction
entre lnonciation de la thse ( le mot est une voix qui signifie conventionnellement ) et les arguments
avec lesquels la thse est taye. Aristote relie deux concepts au terme thorique et
aucun des deux na de relation directe et immdiate avec la convention.75
En effet, les concepts qui Aristote relie lexpression sont les
suivants et ils nont aucune relation directe avec lide de convention.
i. Les mots sont des totalits phoniques composes et articules du fait quelles sont
formes de parties. En termes plus prcisment aristotliciens : les mots, tant
composs des parties, sont le rsultat dun processus gnratif de composition
phonique.
ii. Aucune des parties qui concourent former le nom-mot na de signifi autonome.
La voix devient mot seulement la fin dun processus de composition phonique appel
. 76
Donc le mot est une voix qui signifie et le signifi verbal
appartient la synthse du compos phonique et non ses parties constituantes :
74 DI, Op. Cit., 16 19-26. Il nome certamente voce che significa [per convenzione?] e senza determinazione temporale, nessuna parte della quale significa se separata dal resto. Nel nome , infatti, la parte - [cavallo] non significa per se stessa nulla, diversamente da quanto accade nella frase [bel cavallo]. Nei nomi semplici ci non si verifica come nei nomi composti. Nei primi, infatti, la parte non significa in alcun modo, nei secondi tende alla significazione ma, separata dal resto, non significa nulla come accade nel nome [nave da corsa] alla parte - [veloce] . 75 Lo Piparo 2007, Op. Cit., p. 77. K viene tradotto sic et simpliciter con convenzionale giocoforza riconoscere una incongruenza tra l'enunciazione della tesi ( la parola voce che significa convenzionalmente ) e gli argomenti con cui la tesi viene puntellata. I concetti che Aristotele collega col termine teorico sono due ed entrambi non hanno una relazione diretta e immediata con la convenzionalit . 76 Op. Cit., p. 78.
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Lexpression dans le texte est corrle deux phnomnes qui dans la
linguistique aristotlicienne sont, du point de vue conceptuel, insparables : les procds phono-
articulatoires des voix qui sont des mots ; les processus gnrant la signification des voix- mots.77
En bref, seules les voix dcomposables en parties articules signifient
: cette particularit transforme les voix gnriques et significatives (comme
un cri de douleur, par exemple) en mots. En outre :
La signification des voix-mots nest pas drivable de leurs parties constituantes,
pas mme dans le cas o les parties constituantes sont elles-mmes des voix-mots. Le signifi vocal est le
rsultat final et non la donne initiale : cest le but ultime du processus de gnration articulatoire et il
nest identifiable avec aucune des parties articulatoires prises isolment.78
Et un peu plus avant dans un fragment (16a 26-29) du De Interpretatione,
Aristote sexprime en ces termes :
Le nom est : aucun nom nest par nature, sauf quand [X] il devient symbole, tant
donn que mme les sons qui ne sont pas des lettres, comme par exemple les sons non humains des
animaux, montrent quelque chose mais quaucune partie deux-mmes nest un nom.79
Une lecture simpliste pourrait donner, et a donn limpression pendant des
sicles que dans ces passages Aristote voulait opposer le la phsei
( par nature ). En ralit, Aristote, qui ne prcise pas le sujet grammatical du verbe
devenir ( [genetai] dans le texte grec), nous pousse nous concentrer
uniquement sur la dichotomie convention et nature .
77 Op. Cit., p. 79. L'espressione nel testo viene correlata a due fenomeni che nella linguistica aristotelica sono concettualmente inseparabili: i processi generativi fono-articolatori delle voci che sono parole; i processi generativi della significativit delle voci parole . 78 Ibidem. La significativit delle voci-parole non derivabile dalle loro parti costituenti, nemmeno nel caso in cui le parti costituenti, sono esse stesse voci-parole. Il significato verbale risultato finale e non dato iniziale: il fine ultimo del processo generativo articolatorio e non identificabile con nessuna delle parti articolatorie singolarmente prese . 79 DI, Op. Cit., 16 26-29. Il nome : nessuno dei nomi per natura ma quando [X] diventa simbolo dal momento che anche i suoni che non sono lettere, come ad esempio quelli degli animali non umani, mostrano qualcosa ma di essi nessuna parte nome .
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Or, si nous considrons que le sujet X de est la (phon
smantik), comme le suggre non seulement Lo Piparo mais aussi Coseriu80, alors la
voix significative, linterprtation du fragment aristotlique change radicalement.81
Pourquoi? Parce quAristote souligne que le nom est une voix significative : pas
nimporte quelle voix, mais une voix significative, et pas nimporte quelle voix
significative, mais une voix significative .
En effet, Lo Piparo lexplique trs bien :
Le passage commence avec un lapidaire [to de kat synthkn] qui peut
tre paraphras par : maintenant, je vous donne lexplication de ce que jai voulu dire quand jai dfini le
nom avec cette voix particulire qui, non seulement est significative, mais qui est aussi .
Il est donc clair que lorsquAristote explique le en disant que cette caractristique
sobtient quand X devient symbole, linconnu X ne peut tre que la voix significative et la caractristique
dterminante [kat synthkn] ne peut tre attribue qu elle seule.82
Par consquent, nous affirmons quaucun des noms nest par nature un nom
mais quil lest quand la voix significative devient symbole (en vertu de sa
correspondance aux faits et aux objets) parce quun mot-nom est non seulement une
voix significative mais est aussi un symbole.
Considrer le signe linguistique en tant que symbole nous pousse le considrer
par rapport au loc