Aide extérieure et appropriation des politiques de développement : le cas des pays africains à...
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Aide extérieure et appropriation des politiques de développement : le cas des pays africains à faible revenu
Marc RaffinotUniversité Paris Dauphine, [email protected]
CERIUM, Montréal, Décembre 2005
Colloque : « Gouvernance et développement au XXIe siècle : vues d’Afrique et d’Amérique latine »
Problématique L’appropriation (maîtrise) des politiques de
lutte contre la pauvreté par les pays receveurs est au cœur de la nouvelle orientations de l’aide internationale.
Cela suppose une capacité des pays receveurs à définir, suivre et évaluer leurs politiques de développement et de lutte contre la pauvreté
Dans quelle mesure le nouveau dispositif de l’aide internationale favorise-t-il le renforcement de cette capacité ?
L’analyse sera limitée à la question de la capacité de l’administration
Technique et politique Ce n’est pas un problème « technique » : la
capacité d’une administration est un système en vue d’atteindre des objectifs politiquement déterminés (et on ne peut pas faire l’hypothèse d’un alignement des préférences).
C’est un domaine difficile à analyser (peu de données, peu de littérature scientifique)
Les analyses portent surtout sur la gouvernance, qui est une notion beaucoup plus floue (de la gestion publique « dépolitisée » ?)
Un nouveau dispositif de l’aide au développement
A partir de 1999, les institutions de Bretton Woods s’orientent vers la lutte contre la pauvreté (DSRP obligatoire)
L’OCDE développe des initiatives en vue de l’harmonisation de l’aide (procédures, etc) et pour la dé-liaison de l’aide
Ces processus débouchent sur la Déclaration de Paris (2005)
Un nouveau dispositif de l’aide au développement (suite)
Principes (PRS Approach): Alignement des PTF sur les politiques
définies au niveau national Accroissement de l’aide budgétaire, si
possible non ciblée Approche globale, orientée par les
objectifs, de moyen ou long terme Développement du dialogue, Co-responsabilité
Le nouveau dispositif : opportunité ou menace ?
Une chance pour éliminer les distorsions antérieures en termes d’actions et de modalités
Un accroissement du contrôle des PTF sur le gouvernement receveur ?
Une menace si l’aide budgétaire n’est pas prévisible (Killick 2004)
Le renforcement de la capacité
En théorie, les PTF soutiennent le renforcement de la capacité des États à définir, suivre et évaluer leurs politiques.
Mais c’est un objectif affirmé depuis les années soixante.
Le nouveau dispositif peut-il changer les choses à ce niveau ?
Un bilan : l’aide réduit les capacités du gouvernement surtout si elle est fragmentée (Knack & Rahman, 2004)
Le nouveau dispositif et le renforcement des capacités
Ce renforcement peut se traduire à plusieurs niveaux : Formation et rémunération Assistance technique Dialogue et valorisation des capacités nationales Apprentissage et renforcement des capacités Organisation plus efficace des services publics
Mais l’efficacité recherchée est du type X-efficiency (Leibenstein 1966)
Formation et rémunération Les PTF multiplient les possibilités de
formation, de stages, de voyages d’études Ils embauchent des cadres formés dans
leurs agences locales, sur leurs projets, comme consultants, etc.
Compte tenu de la faiblesse des rémunérations, il existe une demande constante de « formation » (en fait des avantages collatéraux).
Formation et rémunération (suite) Ces interventions créent des distorsions sur
le marché de la main d’œuvre qualifiée En général, le mauvais fonctionnement des
administrations africaines est plutôt un problème de fonctionnement systémique.
Les ressources humaines sont peu motivées (faiblesse des rémunérations, absence de sanctions) (d’où l’exode des cerveaux)
Elles adaptent leur productivité à la rémunération (salaire d’efficience)
Formation et rémunération (suite)
Souvent, les ressources humaines sont gaspillées dans les administrations africaines (peu de délégation, pas de méritocratie, etc.)
L’ajustement structurel a contribué à la détérioration (âge de la retraite, départs volontaires, licenciements, stigmatisation)
Formation et rémunération (suite)
L’aide budgétaire modifie cet état de choses :
En permettant des augmentations de salaires (ciblées, plutôt que générales)
En permettant de trouver un meilleur équilibre entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’investissement
Assistance technique L’assistance technique répond rarement à
une demande. Elle est généralement liée, opaque, et ambiguë.
Elle est souvent acceptée grâce à ses avantages collatéraux
Des propositions sont faites pour que l’AT soit désormais gérée par les gouvernements receveurs (cf. Killick et alii, 2005)
Instruments
Un des domaines dans lequel il est le plus évident que les PTF cherchent « des problèmes à leurs solutions » (Naudet, 1999)
Les PTF fournissent des logiciels, des bases de données, voire … des ordinateurs – ce qui génère d’importants gaspillages
Instruments (suite)
Les instruments d’analyse des politiques de lutte contre la pauvreté sont complexes, et souvent expérimentaux (micro-simulations)
Le passage à l’aide budgétaire peut promouvoir des techniques plus adaptées, mais la corruption crée aussi des distorsions dans ce domaine.
Dialogue et valorisation des capacités nationales
Le dialogue peut être un facteur de renforcement des capacités
La valorisation de leurs travaux est un puissant facteur de motivation pour les cadres
Dans le passé, les IFI ont rejeté les travaux locaux pour imposer leurs documents, et distordu l’information (Meier et Raffinot 2005)
Dialogue et valorisation des capacités nationales (suite)
La nouvelle approche devrait changer les choses, avec des options de politiques plus ouvertes,
L’aide budgétaire et l’harmonisation risquent de renforcer le « cartel » des donateurs (Easterly) et limiter les options
Dialogue et valorisation des capacités nationales (suite)
Mais les pratiques du FMI changent lentement (dualité FRPC et DSRP)
« …relatively little progress in aligning the IMF’s work to the PRSP in terms of process…there has been little open public debate on macroeconomic policies and options, or on institutions and transparency » (WB, PRS Review, 2005)
Apprentissage et renforcement des capacités
Importance du « learning by doing » : apprentissage par essais et erreurs
Qui fait les essais et les erreurs ? Les partenaires extérieurs ?
Qu’apprend-on vraiment ? A améliorer les politiques ou à manipuler les données ?
Apprentissage et renforcement des capacités (suite)
Faut-il considérer l’aide budgétaire comme un processus d’apprentissage ?
Obstacles à l’apprentissage dans la nouvelles approche : Les changements incessants de message
(secteurs sociaux/croissance pro-pauvres) Les tentatives de mettre en œuvre des
techniques peu maîtrisées (budgets par objectifs, évaluation des politiques)
Efficacité de l’organisation des services publics
Le nouveau dispositif modifie l’organisation administrative
Dans un premier temps, après 1999, les IFI cherchent à imposer les ministères des finances comme interlocuteurs pour les politiques de lutte contre la pauvreté.
On assiste à un retour des ministères du plan
Efficacité de l’organisation des services publics
Mais le paysage institutionnel est compliqué par la persistance de structures administratives ad-hoc (souvent des structures spéciales chargées de « gérer les réformes »)
Le nouveau dispositif fait ressurgir des problèmes classiques (ministères centralisateurs / ministères sectoriels), par exemple pour la réalisation des cadres de dépenses à moyen terme (CDMT)
Conclusion
Le nouveau dispositif institutionnel de la coopération internationale se met progressivement en place
Il peut contribuer à résoudre certains problèmes lancinants qui pèsent sur les administrations africaines
Mais par certains côtés, il rend les choses plus complexes, et présente des risques.