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  • 8/8/2019 Aanalyse economique chaudire

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    Analyse conomique du projetdes Chutes-de-la-Chaudire

    Une tude de cas sur la production hydrolectrique prive

    par Martin Poirier, chercheurChaire d'tudes socio-conomiquesUniversit du Qubec Montral

    septembre 1997

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    PRSENTATION DE L'TUDE

    Ce document a t rdig par Martin Poirier, chercheur la Chaire d'tudes socio-conomiques del'Universit du Qubec Montral. Il fait suite une version prliminaire produite l'occasion d'uneconfrence de presse qui a eu lieu aux Chutes-de-la-Chaudire le 29 aot dernier.

    Les ides et opinions exprimes dans ce texte n'engagent que l'auteur.

    TABLE DES MATIRES

    HISTORIQUE DE LA PRODUCTION PRIVE

    LE CAS DES CHUTES- DE-LA-CHAUDIRE

    Tous les risques pour la socit d'tat

    La "justification" du ministre des Ressources naturelles

    De belles occasions d'annuler le contrat

    LA LUBIE DES PETITS BARRAGES

    Les nouvelles orientations d'Hydro-Qubec

    Une explication la construction de barrages non-rentables

    Une cration d'emplois factice

    CONCLUSION

    ANNEXE : Analyse conomique du projet

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    HISTORIQUE DE LA PRODUCTION PRIVE

    Le projet de barrage hydrolectrique de la socit Innergex aux Chutes-de-la-Chaudire est le derniern d'une srie de projets de production prive qui ont vu le jour sous le rgne du parti Libral. Selon lapolitique d'achat d'lectricit adopte ce moment par Hydro-Qubec, l'lectricit produite par cespetits producteurs privs tait achete des prix fixs et garantis par des contrats pouvant s'tendre sur25 ans. Comme le prix d'achat tait garanti et plutt lev (environ 5,0 le kWh), plusieurs promoteursprivs ont saut sur l'occasion pour se lancer dans l'hydrolectricit et raliser ainsi des rendementslevs et presque sans risque.

    Pour Hydro-Qubec, ce programme s'est avr une catastrophe; la socit d'tat doit couler moinsde 3,0 le kWh de l'lectricit achete 5,0 le kWh(1). Selon la Commission d'enqute sur lapolitique d'achat par Hydro-Qubec d'lectricit auprs de producteurs privs (CommissionDoyon), les pertes encourues par Hydro-Qubec pour les annes 1993 1995 ont t de 44,6 millionsde dollars, sans compter d'autres frais (dpenses de la direction de la Production prive, fraisd'arpentage encourus par Hydro-Qubec, frais de rsiliation de certains contrats, etc.) qui portent laperte 74,3 millions de dollars.

    Cette perte n'est toutefois que la pointe de l'iceberg, puisque la Commission Doyon a tudi lespremires annes de production prive, soit 1993 1995, alors que l'nergie produite tait encoreminime (0,3 tWh en 1993 comparativement 2,7 tWh en l'an 2000). De plus, la Commission Doyon n'apas tenu compte des frais de transport de l'lectricit jusqu' la frontire des tats-Unis.

    Les conclusions de la Commission Doyon sont sans quivoque:

    "La Commission n'est pas convaincue du bien-fond des raisons avances de part et d'autre, l'poque, pour justifier la pertinence du programme d'achat de production prive. son avis,Hydro-Qubec n'a ni dmontr le caractre rdhibitoire de sa structure administrative l'gardde l'exploitation de petites centrales ni analys avec suffisamment d'acuit l'opportunitconomique de ramnager elle-mme les sites dsaffects. (...) La production prive a particip l'mergence progressive de surplus nergtiques. Comme Hydro-Qubec vend ces surplus unprix infrieur au tarif pay aux producteurs privs, il en rsulte qu'elle subit des pertesfinancires."(2)

    La Commission Doyon jette donc un blme sur ce programme de production prive en dmontrant qu'ila t fort coteux pour la socit d'tat, et en affirmant que cette dernire aurait pu dvelopper elle-mme ces projets plutt que de les octroyer au secteur priv et encourir de ce fait des pertes leves.

    Pourquoi en effet avoir octroy des contrats d'achat d'lectricit taux fixe des producteurs privspour leur garantir des rendements intressants, alors que la socit d'tat a encouru tous les risques?

    Malgr les travaux et conclusions de la Commission Doyon, le gouvernement a continu au mmemoment faire avancer le dossier d'Innergex aux Chutes-de-la-Chaudire.

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    LE CAS DES CHUTES-DE-LA-CHAUDIRE

    Le cas des Chutes-de-la-Chaudire illustre bien jusqu' quel point le gouvernement actuel est prt toutpour pousser les projets de dveloppement hydrolectriques, mme les plus insenss.

    Notre analyse dmontre que la construction d'un barrage sur les Chutes-de-la-Chaudire par la socitprive Innergex occasionnera la socit qubcoise une perte de 25,4 millions de dollars et ne creraque trs peu d'emplois. Cela reprsente une perte annuelle nette de 2,6 millions de dollars pour les 20premires annes du contrat (3) Hydro-Qubec subira des pertes importantes qui ne seront quepartiellement compenses en versements par Innergex au gouvernement et d'autres organismes. Lamthodologie et le dtail du calcul de la perte sont prsents en annexe au prsent document.

    Comme la construction et l'exploitation du barrage crera 510 emplois-annes (4), cela revient unesubvention de plus de 50 000 $ pour chaque emploi-anne cr par le projet. Pourquoi accorder unetelle subvention une entreprise prive, lorsque les mmes fonds dpenss dans la sant ou l'ducationpourraient crer deux fois plus d'emplois? Il ressort clairement de notre analyse que ce projet n'a aucunfondement conomique.

    TOUS LES RISQUES POUR LA SOCIT D'TAT

    Outre les pertes normes qu'Hydro-Qubec subira en raison de ce contrat, il convient de souligner quela socit d'tat encourt tous les risques, alors que le promoteur priv obtiendra un rendement garanti,presque sans risque.

    Les cots de productions d'Innergex sont connus et stables en majeure partie, et le prix de vente est fixpar contrat et index pour tenir compte de l'inflation. Le rendement d'Innergex est donc sans risque.Pour Hydro-Qubec, au contraire, la valeur du contrat fluctuera selon les conditions conomiques; prixdu gaz naturel, conditions du march amricain, inflation, demande du march domestique, etc. Hydro-Qubec assume donc des risques importants alors que le promoteur priv s'assure d'un rendement sansrisque ou presque.

    LA "JUSTIFICATION" DU MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES

    Pour tenter de justifier ce projet qui n'a aucun fondement conomique, le ministre des Ressourcesnaturelles a affirm que l'lectricit achete par Hydro-Qubec 5.1 le kWh pourrait tre revendue surle march qubcois 5.86, ce qui permettrait Hydro-Qubec de dgager un mince profit. Une telle

    analyse est compltement farfelue.

    En premier lieu, le ministre "oublie" de tenir compte des cots de transport et de distribution quedevra engager Hydro-Qubec pour vendre cette lectricit, soit 2 3 le kWh. Ensuite, on s'expliquemal le prix d'achat de 5.1 le kWh utilis par le ministre, lorsqu'on sait que le prix d'achat pour Hydro-Qubec selon le contrat sign avec Innergex est de 5.47 le kWh (5).

    Avec les vrais chiffres, on ne dgage plus pour le secteur domestique un bnfice de 0.76 le kWh,mais une perte d'au moins 1.61 le kWh.

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    De toute faon, il est trompeur d'utiliser le prix de vente sur le march domestique comme prix derfrence, puisqu'Hydro-Qubec est aux prises avec d'importants surplus d'lectricit qui doivent trecouls sur le march amricain court terme, au prix actuel de 2.7 le kWh. L'analyse du ministredes Ressources naturelles montre bien la faiblesse des arguments conomiques la dfense du projetd'Innergex.

    DE BELLES OCCASIONS D'ANNULER LE CONTRATCe qui est pour le moins surprenant dans cette affaire, c'est que le gouvernement du Qubec et Hydro-Qubec ont eu toutes les occasions possibles d'annuler le contrat avec Innergex sans payer aucunecompensation au promoteur priv.

    Le 22 novembre 1996, le responsable de la production prive chez Hydro-Qubec a crit lacompagnie Innergex pour lui signifier qu'un sursis de 6 mois lui tait accord pour l'obtention ducertificat d'autorisation requis en vertu de la Loi sur la qualit de l'environnement(6). Innergex taitalors en dfaut depuis deux semaines, le certificat devant tre mis au plus tard le 1er octobre 1996.Hydro-Qubec aurait pu tout simplement mettre fin au contrat en se prvalant de l'article 29.1 ducontrat avec Innergex, mais la socit d'tat a plutt dcid d'accorder un rpit au promoteur lademande du sous-ministre l'nergie (7).

    Comme le promoteur refusait de se conformer aux exigences du Bureau d'audiences publiques surl'environnement en ce qui a trait au dbit minimal des chutes, le ministre de l'Environnement DavidCliche a recommand au conseil des ministres de bloquer le projet en refusant d'mettre le certificatd'autorisation. Outre la question du dbit rserv, le ministre trouvait inacceptable que l'on construiseun ouvrage hydrolectrique qui ferait perdre Hydro-Qubec, selon ses propres estimations, 2 millionsde dollars par anne.

    Sous les pressions des ministres Bernard Landry et Guy Chevrette, David Cliche s'est finalement ravisen prtextant qu'Innergex s'tait plie aux exigences du BAPE concernant le dbit d'eau. videmment,l'ex-ministre de l'Environnement a alors pass sous silence les 2 millions de dollars de pertes annuellespour Hydro-Qubec...

    Le gouvernement du Qubec a finalement adopt la sauvette le dcret 894-97 ordonnant au ministrede l'Environnement d'mettre un certificat d'autorisation Innergex. Ce dcret fut adopt le 3 juillet1997, soit la veille de la nouvelle date limite fixe par Hydro-Qubec pour l'obtention par Innergex ducertificat d'autorisation. Bizarrement, le dcret autorise le gouvernement diminuer en tout temps ledbit minimum pour les chutes. Innergex aurait-elle accept les exigences du BAPE en se faisantpromettre une baisse future du dbit minimum?

    Pour que David Cliche n'ait pas mettre lui-mme le certificat d'autorisation, aprs s'trepubliquement oppos avec tant de vigueur au projet, le gouvernement a attendu qu'un nouveau ministrede l'Environnement soit nomm avant d'mettre le fameux certificat, ce qui fut fait en septembre 1997,soit 11 mois aprs la date limite prvue par le contrat!

    Loin de profiter de moyens tout fait lgitimes pour mettre fin au contrat, le gouvernement du Qubeca tout fait pour pousser le projet terme, y allant de manoeuvres politiques pour le moins suspectes.

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    LA PRODUCTION PRIVE ET LES PETITS BARRAGES : JUSTIFICATIONSPOLITIQUES

    Malgr une forte opposition au projet d'Innergex, le gouvernement a tout mis en oeuvre pour que leprojet se ralise. Paralllement au projet d'Innergex, le gouvernement vient d'ouvrir la porte d'autresprojets hydrolectriques privs en modifiant la politique de production prive. Hydro-Qubec elle-mme se montre de plus en plus intresse par divers projets hydrauliques, notamment des projets dedtournement de rivires vers ses rservoirs.

    Comment expliquer cette nouvelle lubie pour les barrages hydrolectriques? Comment expliquer que legouvernement dfende un projet aussi peu justifi que celui des Chutes-de-la-Chaudire? Nous verronsdans cette section que c'est pour des motifs strictement politiques (aide l'entreprise prive et crationd'emplois court terme) que le gouvernement agit de la sorte.

    LES NOUVELLES ORIENTATIONS D'HYDRO-QUBEC

    Selon la nouvelle politique nergtique du gouvernement du Qubec, Hydro-Qubec ne sera plusautorise raliser des projets hydrolectriques de moins de 50 MW, qui seront rservs au secteurpriv (8). Pour les projets de plus de 50 MW, le secteur priv pourra faire concurrence Hydro-Qubecdans la ralisation des projets. Auparavant, la limite de puissance pour les projets accords au secteurpriv dans l'hydrolectricit tait de 25 MW. Le gouvernement pquiste continue donc la mmepolitique librale de production prive qui a cot si cher au Qubec.

    Pire encore: la Commission de l'conomie et du travail du Qubec, Andr Caill, PDG d'Hydro-Qubec, a avou qu'Hydro-Qubec mettrait en chantier des projets non-rentables:

    "Les reprsentants d'Hydro-Qubec ont indiqu que, selon leurs prvisions, le prix moyen du

    march de gros sera probablement autour de 3 3.5 cents canadiens [le KWh] la frontire. (...) M.

    Caill (...) s'est dit par ailleurs prt recommander la construction du projet Grande-Baleine si lescots peuvent tre rduits de 5 jusqu' 4 du kilowattheure." (9)

    Comment justifier la construction d'un ouvrage hydrolectrique lorsque l'lectricit produite 4 lekilowattheure ne pourrait tre coule plus de 3.5? Les dclarations de M. Caill, cet gard, sontfort rvlatrices:

    "Le projet de Sainte-Marguerite-3, actuellement en chantier, ne sera pas rentable; vu son cot derevient de 4.6 le kWh, il demeure sensiblement plus coteux que le prix du march. (...) Pour viter

    des impacts tarifaires nfastes, selon [Andr Caill], de tels projets devraient tre combins avec

    d'autres, moins chers, pour constituer un "portefeuille" de ressources qui, dans son ensemble,

    permettrait d'galer le prix du march." (10)

    M. Caill ajoute galement qu'il prfre construire de nouveaux barrages, mme s'il peut obtenirl'lectricit ailleurs meilleur prix:

    "Le choix serait facile entre acqurir une capacit ou un contrat long terme d'un producteur dit

    amricain et s'assurer d'une autonomie nergtique en btissant nos propres oeuvres. (...) Le

    prjug d'Hydro-Qubec (...) va tre l'effet que l'ouvrage qui sera privilgi, puis sur lequel on se

    pencherait, serait celui de dvelopper notre capacit ici au Qubec." (11)

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    On annulera donc la rente hydraulique des projets les plus rentables en dveloppant d'autres projets quin'ont aucune justification sur le plan conomique. Pourquoi dvelopper des projets non-rentables etrduire ainsi la rentabilit d'Hydro-Qubec?

    UNE EXPLICATION LA CONSTRUCTION DE BARRAGES NON-RENTABLES

    Cette politique est injustifiable sur le plan conomique, et c'est pour des raisons strictement politiquesque M. Caill et le gouvernement du Qubec dsirent construire le plus d'ouvrages hydrauliquespossible. La stabilisation de la demande en lectricit au Qubec, depuis quelques annes, a occasionnune baisse drastique des investissements raliss par Hydro-Qubec, comme le montre le tableau de lapage suivante.

    Les investissements d'Hydro-Qubec dans la production et le transport d'lectricit ont chut de 19%par anne de 1992 1996, pendant que les investissements en distribution et dans les autresinstallations d'Hydro-Qubec connaissaient une dcroissance beaucoup plus lente. Or, c'est prcismentdans les secteurs de la production et du transport de l'lectricit que les investissements seront stimulspar la nouvelle politique nergtique. Il faudra en effet construire de nouveaux barrages et de nouvelleslignes de transmission pour exporter de l'lectricit vers les tats-Unis.

    Investissements raliss par Hydro-Qubecde 1992 1996 (en millions de dollars)(12)

    1992 1993 1994 1995 1996croissance

    annuelle

    Production 1 903.2 1 746.6 1 328.6 1 056.2 812.4 -19.2%

    Transport 1 155.5 1 209.1 956.2 709.7 493.9 -19.1%

    Distribution 532.8 536.0 511.4 528.9 422.7 -5.6%Autres installations 355.0 444.9 371.7 422.1 324.4 -2.2%

    TOTAL 3 946.5 3936.6 3 167.8 2 716.9 2 053.4 -15.1%

    Le prsident du Club d'lectricit du Qubec, un organisme regroupant 115 entreprises, se plaignaitrcemment du dclin de l'industrie lectrique au Qubec. L'industrie de l'lectricit, qui ne peut pluscompter sur les investissements d'Hydro-Qubec pour assurer sa croissance, attend beaucoup de ladrglementation du march nord-amricain et d'une relance de la construction de barrages au Qubec(13). Il semble bien que ces prires aient t entendues dans les officines du gouvernement qubcois.

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    UNE CRATION D'EMPLOIS FACTICE

    L'actuel gouvernement pquiste trouvera certainement son compte dans la mise en place de tellespolitiques. La construction de petits barrages est avantageuse pour les politiciens; on cre trs peud'emplois long terme, mais beaucoup d'emplois court terme. Dans le cas du barrage des Chutes-de-la-Chaudire, par exemple, le projet crera 180 emplois-annes durant les 18 mois de sa construction,

    mais ne crera que quatre ou cinq emplois permanents.Le gouvernement risque fort d'tre tent par la construction de barrages non-rentables pour stimulerl'emploi court terme. Une telle politique serait catastrophique puisque la population du Qubec aurait assumer les cots de ces ouvrages inutiles pour plusieurs dcennies.

    De plus, l'investissement dans l'hydrolectricit est un des pires moyens de crer de l'emploi. Selonmonsieur Roma Dauphin, professeur au dpartement d'conomique de l'Universit de Sherbrooke etauteur d'un document prsent la Table de consultation du dbat public sur l'nergie, il en cote 100000 $ de capitaux par emploi cr pour l'conomie prise dans son ensemble, alors que la sommencessaire est quinze fois plus leve pour crer un emploi dans l'hydrolectricit (14).

    Au lieu d'aller perdre 2,6 millions de dollars annuellement dans les Chutes-de-la-Chaudire, legouvernement pourrait dpenser les mmes sommes dans la sant et l'ducation, ce qui amliorerait lesservices rendus la population, tout en crant plus de 800 emplois-annes, au lieu des 510 emplois-annes prvus avec le projet d'Innergex. Malheureusement, le gouvernement est peu intress crerde l'emploi de faon durable, prfrant crer beaucoup d'emplois temporaires et handicaper ledveloppement conomique futur du Qubec.

    CONCLUSION

    Il est dsolant de constater le peu d'influence qu'ont, dans notre socit soi-disant dmocratique, lesgroupes environnementalistes, les syndicats et les chercheurs universitaires progressistes. Malgr lescris d'alarme dnonant la politique de production prive, le gouvernement s'est distingu par sonenttement dans ce dossier, avec les consquences conomiques nfastes que l'on connat.

    Ds 1989, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ) publiait un rapport dans lequel ilcritiquait la politique d'achat d'lectricit par Hydro-Qubec auprs de producteurs privs. En 1993,c'tait au tour du professeur Gatan Breton, de l'Universit du Qubec Montral, de critiquer laproduction prive d'lectricit(15). La conclusion de son rapport: "La privatisation des petitescentrales nous apparat comme une dcision essentiellement politique, ayant peu voir avecquelque vritable calcul conomique que ce soit."

    La Commission Doyon, dont les travaux ont cot 4 millions de dollars, est venue nous dire quatre ansplus tard ce que l'on savait dj, savoir que la production prive a occasionn des pertes importantespour Hydro-Qubec. Selon les calculs de la Commission, ces pertes s'lvent 75 millions de dollarspour les annes 1993 1995 seulement.

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    S'apercevant de sa bvue (ou n'tant plus soumise aux pressions politiques de l'ex-gouvernementlibral), Hydro-Qubec s'est mise annuler des contrats de production prive... avec ddommagement,bien sr, pour les promoteurs privs. Selon les chiffres de la Commission Doyon, ces compensationss'lveront au total 58 millions de dollars d'ici l'an 2000.

    Le cas des Chutes-de-la-Chaudire dfie vraiment toute logique. Le gouvernement se comporte comme

    si la Commission Doyon n'avait jamais eu lieu. Mme l'ex-ministre de l'environnement, David Cliche,s'est lev contre ce projet et a dcid de le bloquer, avant de se faire durement rabrouer par lesministres Bernard Landry et Guy Chevrette. Le projet aurait pu tre refus par le ministre del'Environnement suite aux recommandations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement(BAPE) sans qu'Hydro-Qubec ait ddommager le promoteur priv, mais le gouvernement pquiste,plutt que de profiter de cette occasion, a tout fait pour remettre le projet sur ses rails.

    Avec la construction du barrage des Chutes-de-la-Chaudire, la collectivit qubcoise perdra auminimum 2,6 millions de dollars par anne en plus d'hypothquer un site touristique qui accueille de300 000 800 000 visiteurs par anne. Malgr ces faits inluctables, le gouvernement a continu pousser le dossier et ignorer les critiques qui ont fus de toutes parts. La direction d'Hydro-Qubecdevrait mettre fin au contrat avec Innergex, avant qu'il ne soit trop tard. Il serait de loin moins coteuxde ddommager le promoteur pour les frais encourus jusqu' maintenant (16) (environ 4 5 millions dedollars intrts compris) (17) que d'encourir des pertes de 25,4 millions de dollars sur 20 ans.

    Hydro-Qubec et le gouvernement du Qubec devraient galement mettre fin au dveloppementsauvage des ressources hydrolectriques, en envisageant la construction de barrages non-rentables poursupporter le secteur priv de l'lectricit et pour crer des emplois court terme. Cette politiquedpasse, digne de l'exploitation effrne des ressources naturelles qu'a connu le dbut du sicle, neprofiterait qu'aux Amricains et aux producteurs privs tout en portant prjudice Hydro-Qubec et l'ensemble de la collectivit. Il faut que chaque projet soit valu individuellement, et non l'intrieurd'un "portefeuille" de projets comme veut le faire M. Caill. Il faut galement s'assurer de tenir comptedes dommages causs l'environnement et du risque financier accru pour Hydro-Qubec lors del'valuation des projets.

    Finalement, le gouvernement devrait retirer l'exclusivit de la construction des petits barrages ausecteur priv. Si ces ouvrages hydrauliques peuvent tre construits et rentabiliss par des promoteursprivs, ils peuvent galement l'tre par Hydro-Qubec. Il faut cesser de privatiser les profits et d'tatiserles risques et les pertes, comme le gouvernement l'a fait avec les petites centrales prives.

    ANNEXE

    Analyse conomique du projet des

    Chutes-de-la-Chaudire

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    HYPOTHSES DE TRAVAIL

    Nous avons tenu compte de tous les versements d'Innergex, tels que spcifis dans le document duBureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) et le dcret gouvernemental autorisant leprojet (dcret 894-97), au gouvernement (0,566 millions annuellement) et la promotion du parc(0,346 millions la premire anne et 0,100 millions par la suite). Aprs la premire anne, ces

    versements annuels ont t indexs au taux d'inflation prvu.Nous avons retenu les mmes hypothses qu'utilises par Hydro-Qubec, dans son analyse des cots ducontrat avec Innergex dpose au BAPE, quant au taux d'inflation annuel (2,0% de 1997 1999, 2,5%en l'an 2000 et 3,0% long terme) et au taux d'actualisation (9,5%).

    Nous posons comme hypothse que la somme de 1,263 million de dollars reue par le gouvernementpour les actifs acquis par Innergex (terrains et installations) est gale la juste valeur marchande de cesactifs.

    Outre les sommes dj mentionnes, Innergex doit engager des dpenses de 0.342 millions de dollars

    pour la remise en tat des lieux suite aux travaux. Nous considrons que cette somme n'est qu'unecomposante des cot totaux des travaux, et ne reprsente pas un avantage pour la populationqubcoise.

    La quantit d'lectricit vendue par Innergex est fixe 105,120 GWh, soit la quantit maximaleprvue par le contrat. Innergex prvoyait, dans une lettre adresse au BAPE et date du 2 dcembre1996, produire 109,270 GWh annuellement, mais comme l'nergie produite au-del du seuil de 105,120GWh peut tre achete par Hydro-Qubec au prix convenu par cette dernire, nous ne devons pas tenircompte dans notre analyse de l'nergie excdentaire.

    Nous avons utilis les tarifs officiels d'Hydro-Qubec (dcret 276-97) pour estimer les cots detransport d'lectricit. Nous avons suppos que l'nergie produite correspondant la puissanceminimale d'hiver (9.61 MW) pourrait tre achemine par contrat de transport ferme d'un an(71,09$/kW/an) alors que l'nergie rsiduelle (2,39 MW) serait transporte par contrats fermes d'unmois (8,01$/kW/mois). Cette hypothse favorise Innergex puisqu'elle suppose que la production resteraconstante l'intrieur d'un mme mois, ce qui n'est pas ncessairement le cas.

    La mise en service des installations est prvue pour 1999.

    Selon les dernires prvisions d'Hydro-Qubec (18), la socit d'tat aura des surplus jusqu' l'anne2005. Ces prvisions ont toutefois t ralises avant que la direction d'Hydro-Qubec ne mette enbranle une srie de projets (drivations partielles de rivires, production thermique, petits barrages,etc.) visant exporter vers les tats-Unis. D'ici l'anne 2005, le PDG d'Hydro-Qubec, Andr Caill,prvoit vendre au moins 40 tWh de plus annuellement (19). Cela reprsente 24 tWh de plus que ce quitait prvu l'origine. En ajoutant ces 24 tWh additionnels, Hydro-Qubec sera en situation de surplus jusqu'en 2013. Cela suppose qu'il n'y aura pas d'autres projets en addition aux 40 tWh prvus d'ici2010; cela pourrait tendre la priode de surplus au-del de 2013.

    Nous supposons, pour les annes o nous ne prvoyons pas de surplus pour Hydro-Qubec, que la pertepour Hydro-Qubec sera nulle. Cette hypothse est favorable Innergex car nous prenons pour acquisqu'il n'existera alors aucune alternative moins chre au projet d'Innergex pour approvisionner le marchdomestique.

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    Le prix de vente de l'lectricit pour Hydro-Qubec a t fix 3,25 le kWh, soit le montant mdiandes estimations d'Hydro-Qubec pour le march amricain moyen terme (3,0 3,5 le kWh). Cemontant a t index pour tenir compte de l'inflation.

    Nous n'avons pu, compte tenu du manque d'informations cet effet, calculer l'impact fiscal pour legouvernement du Qubec. Il faut cependant prciser que les petites centrales bnficient d'un

    amortissement acclr sur le plan fiscal, et servent ainsi allger les impts des propritaires. C'estd'ailleurs pour profiter de cet avantage fiscal que plusieurs promoteurs exploitent des centraleshydrolectriques via des socits en commandites, qui permettent au commanditaire de profiter despertes fiscales de la socit en commandite.

    La perte annuelle correspond un montant annuel qui, actualis au taux de 9,5% durant 20 ans,quivaudrait la perte totale actualise.

    Ce scnario est optimiste et sous-value les pertes car

    1) nous avons suppos un taux d'inflation constant de 3%. Or, chaque fois que le taux d'inflationsera infrieur 3% pour la dure du contrat, le promoteur aura droit une indexation de sonprix de vente suprieure au taux d'inflation puisque l'indexation minimale prvue par le contratest de 3%. Cela viendra accrotre la perte pour Hydro-Qubec. L'inverse est vrai pour des tauxd'inflation suprieurs 6%, mais de tels taux d'inflation sont improbables dans un proche avenircompte tenu de la politique montaire restrictive de la Banque du Canada.

    2) le scnario ne tient pas compte des dommages causs au parc et la chute, et des pertes derevenus rcro-touristiques.

    3) nous n'avons pas tenu compte des avantages fiscaux lis la production prive d'lectricit.

    1. Comme Hydro-Qubec est en situation de surplus, l'lectricit achete doit tre revendue aux tats-Unis sur le march court terme. En 1996, le prix moyen de ces ventes tait de 2,67 le kWh.

    2. COMMISSION D'ENQUTE SUR LA POLITIQUE D'ACHAT PAR HYDRO-QUBECD'LECTRICIT AUPRS DE PRODUCTEURS PRIVS, "Rapport", 1997.

    3. Ces pertes annuelles de 2,6 millions de dollars, actualises un taux de 9.5%, correspondent laperte nette actualise de 25,4 millions de dollars.

    4. Nous avons utilis ici les chiffres fournis par le promoteur aux audiences du BAPE. Il est toutefoisutile de prciser que le promoteur n'a pu prciser la nature de ces emplois auprs du BAPE que pour185 de ces emplois-annes. L'exploitation du barrage ne crerait que 1,5 emplois directs, et environquatre emplois indirects, toujours selon le promoteur.

    5. Prix selon une mise en service en 1998 et une production maximale de 105 120 kWh. Avec une miseen service tardive ou une production infrieure, le prix d'achat unitaire est encore plus lev.

    6. Louis-Gilles Francoeur, "Expiration du contrat d'Innergex : le MRN a omis d'informer leBAPE", Le Devoir, 30 avril 1997.

    7. Le sursis a par la suite t prolong jusqu'au 4 juillet 1997.

  • 8/8/2019 Aanalyse economique chaudire

    12/12

    8. Riverain, Franois, "Production prive d'lectricit : Hydro-Qubec sera exclue des projets demoins de 50 MW", Les Affaires, 30 novembre 1996.

    9. COMMISSION DE L'CONOMIE ET DU TRAVAIL, "Examen des orientations de la socitHydro-Qubec", Gouvernement du Qubec, juin 1997.

    10. Ibidem11. Ibidem

    12. HYDRO-QUBEC, "Historique financier et statistiques diverses", Direction principaleContrle et comptabilit, 1997.

    13. Binsse, Linda, "L'industrie lectrique qubcoise est en dclin", La Presse, 20 juin 1997.

    14. Roma Dauphin, "La politique nergtique du Qubec la croise des chemins", Universit deSherbrooke, Dpartement d'conomique, 25 avril 1995.

    15. Gatan Breton et Yoan Tremblay, "L'Hydro-Qubec peut-elle dvelopper les petites centrales?- Une analyse de cots", Service aux collectivits, Universit du Qubec Montral, 1993.

    16. Selon M. Gilles LeFranois, prsident d'Innergex, les frais encourus par cette dernire pour le projetdes Chutes-de-la-Chaudire s'levaient la mi-septembre environ 3,5 millions de dollars.

    17. On pourrait ajouter ce montant le cot de rfection du barrage construit en 1901 et qui s'estpartiellement effondr en 1970. Selon le BAPE et plusieurs autres intervenants dans le dossier, lareconstruction du barrage serait souhaitable et permettrait entre autres de rtablir le plan d'eau en amontet d'galiser le dbit des cinq chutes de la Chaudire. Ce cot, estim 5 millions de dollars, pourrait

    s'ajouter aux ddommagements verss au promoteur. Mme en rajoutant ce cot, le total de 10 millionsde dollars serait de loin infrieur aux pertes nettes actualises de 25,4 millions.

    18. "L'quilibre nergtique : rapport particulier au 31 dcembre 1996", Hydro-Qubec.

    19. Lisa Binsse, "Le PDG d'Hydro rencontre les cadres", 22 aot 1997.