728 Edition Audiovisuelle Sur Dvd
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Diplme de conservateur de bibliothque
dition audiovisuelle sur DVD : film et diffrences locales
Sbastien Caudron, Anne-Sophie Pascal, Hugues Samyn
Sous la direction de Yannick PriMatre de confrence lUniversit Claude Bernard-Lyon 1
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Rsum :
Ce travail devait initialement servir le dveloppement dun projet informatique, le
projet ADVENE. ADVENE permet la cration et lchange de fichiers
dannotations se rapportant des films dans leur version DVD. Pour que ces
fichiers dannotations soient correctement lus par leurs diffrents utilisateurs,
cest--dire lus de telle faon que les annotations apparaissent lemplacement
exact qui leur est assign dans le film, il importe danticiper les diffrences qui,
dune version DVD lautre, pourraient gner le fonctionnement synchrone du
dispositif.
Notre travail vise par consquent identifier les types de diffrences existantes
puis saisir la logique qui, en amont des faits, prside la multiplication des
versions DVD du mme film. Dans ce but, notre tude cherche dabord connatre
les raisons principales qui, au-del de lactualit immdiate, peuvent rendre
compte de cette tendance la diversification (partie I). Ltude porte ensuite sur le
DVD en lui-mme afin didentifier pourquoi ce support parat aujourdhui
amplifier une logique de prolifration des versions de luvre (partie II), puis elle
se penche sur les pratiques actuellement en cours au sein de ldition audiovisuelle
(partie III). Dans une dernire partie, nous adoptons un point de vue pratique
(partie IV). Nous montrons comment et dans quelles limites, laide des
informations actuellement disponibles, il est possible avant lachat didentifier les
diffrences entre DVD dun mme film.
Toute reproduction sans accord express de lauteur des fins autres que
strictement personnelles est prohibe.
CAUDRON, Sbastien, PASCAL, Anne-Sophie, SAMYN, Hugues | DCB 13 | Mmoire de recherche | 2004 Droits dauteur rservs.
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Sommaire
REMERCIEMENTS......................................................................... 5
INTRODUCTION .......................................................................... 6
PARTIE 1 : LA PRODUCTION CINMATOGRAPHIQUE : POURQUOI PLUSIEURS VERSIONS DUN MME FILM ? ................................. 12
1. Les films muets ou anciens 12 1.1. Les diffrentes versions projetes ................................................ 12 1.2. Les diffrentes versions dites................................................... 14
2. La censure 17 2.1. Censure politique...................................................................... 19 2.2. Censure conomique ................................................................. 21
3. Avnement de la tldiffusion 24 3.1. La tlvision : du financement lcriture ..................................... 28 3.2. Le versionnage ......................................................................... 32
PARTIE 2 : LE DVD : ASPECTS TECHNIQUES ............................... 34
1. Un support de stockage 34
2. Le contenu du DVD : quel master pour le film ? 37
3. Un nouveau mdia : le home cinema 40 3.1. Le cadencement tlvision.......................................................... 40 3.2. Formats image et son, vers le home cinema .................................. 42
PARTIE 3: LE PANORAMA DE LDITION AUDIOVISUELLE ........... 45
1.Le march de ldition DVD 45 1.1 Le march international du DVD ..................................................... 45 1.2 Le march de ldition DVD en France .......................................... 48
2. Les pratiques ditoriales 51 2.1 Crer une ligne ddition de rfrence. ......................................... 52 2.2 La stratgie des majors :catalogues normes et films htroclites ..... 52 2.3 Ldition DVD dans les pays mergents : lexemple asiatique............ 54
3. La filire du DVD : du ralisateur au consommateur 55 3.1 Le rle du ralisateur dans llaboration du DVD .............................. 55 3.2 Le rle central des diteurs ........................................................ 56 3.3. La fabrication du DVD................................................................ 56 3.4. Le rle du distributeur : la mise sur le march ............................... 57
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PARTIE 4 : COMMENT IDENTIFIER LES DIFFRENTES DITIONS DUN MME FILM ?............................................................................. 58
1. Lidentification des DVD en bibliothque 58 3.2.1 Les pratiques actuelles .............................................................. 59 3.2.2 Le modle FRBR ....................................................................... 63
2. Pour lutilisation du logiciel ADVENE : comment savoir si deux versions sont identiques, similaires ou divergentes ? 64 3.2.3 Comparer deux DVD franais ...................................................... 65 3.2.4 Comparer deux DVD de deux pays europens diffrents (tous deux zone 2)
66 3.2.5 Comparer deux DVD de deux zones diffrentes .............................. 69
CONCLUSION ............................................................................ 70
BIBLIOGRAPHIE........................................................................ 74
1. Le cinma et laudiovisuel 74
2. Le DVD 75
3. La censure 76
WEBOGRAPHIE.......................................................................... 77
1. Le cinma et laudiovisuel 77
2. Le DVD 78
3. La censure 79
4. Le droit 80
5. Les sites institutionnels 81
TABLE DES ANNEXES ................................................................. 83
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Remerciements
Avant toute chose, nous voudrions remercier M. Yannick Pri pour nous avoir
guid par ses conseils et son exprience tout au long de notre travail, ainsi que
lquipe du LIRIS pour laide quelle a bien voulu nous apporter. Merci galement
M. Jean-Paul Metzger pour avoir discut avec nous de notre sujet et de ses
diffrents aspects.
Nos recherches nous ont conduits vers diffrentes personnes dont lassistance sest
rvle prcieuse. Nos remerciements vont notamment au groupe CERISE du
CRDP, en particulier MM. Fernand Beron, Xavier Garel, Jean-Franois Martinon
et Herv Turri qui ont aimablement accept de partager leurs comptences et leurs
connaissances sur le DVD et de laudiovisuel. Depuis le CRDP, Monique
Demarchi nous a orients vers M. Bernard Bailleul, juriste la Direction des
affaires juridiques du ministre de lducation nationale. Nous lui sommes
reconnaissants davoir fourni notre travail un clairage prcis dans un domaine
dont labord rclame une dlicatesse toute particulire.
Lentretien que nous a accord M. Daniel Ellezam, responsable du dpt lgal au
sein du dpartement audiovisuel de la BNF, nous a t trs profitable ; quil en soit
ici remerci.
Merci galement M. Arnaud Belbeoch, directeur de la mdiathque Fellini de
Montpellier, et M. Gwendal Auffret, pour les longs entretiens tlphoniques quil
nous ont accords.
Merci M. Klaus Gerke pour avoir bien voulu parler avec nous du mtier dditeur
audiovisuel. Merci galement aux ditions Kaze Distribution pour avoir rpondu
notre questionnaire, ainsi qu M. Jean-Paul Gorce pour avoir rpondu par mail
nos interrogations.
Enfin, nous tenons remercier collectivement les gnreux internautes qui ont pris
la peine de sintresser notre recherche, et qui ont choisi de partager leurs
expriences et leurs connaissances souvent prcieuses.
Les auteurs de ce cette tude portent lentire responsabilit des erreurs ou
approximations que pourraient contenir les propos cits ou voqus en annexe.
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Introduction
lorigine de ce travail de recherche, il y a un projet scientifique actuellement
dvelopp et mis au point par le LIRIS1. Baptis ADVENE2, ce projet, vise
fournir aux possesseurs de DVD la possibilit de crer leurs propres annotations
sur les films. Le systme ADVENE permet surtout dchanger ces annotations
entre utilisateurs sans avoir faire circuler le DVD lui-mme : seules les
informations secondaires sont transportables, chaque utilisateur devant disposer de
son DVD pour pouvoir les utiliser3.
Ce projet ouvre de grandes possibilits, pdagogiques et cinphiliques. Dautres
implications peuvent certainement tre imagines et mises en uvre. Mais son
principe premier, la circulation des annotations uniquement et non du film lui-
mme, se heurte un problme inhrent au fonctionnement actuel de ldition
vido : lexistence concomitante sur le march de plusieurs versions diffrentes
dun mme film de cinma.
Cette prolifration des versions contrarie le projet ADVENE, parce que les
informations secondaires sont cales sur le droulement chronologique du film,
cest--dire sur les time codes . Le systme sait, par exemple, quil lui faut faire
apparatre sur lcran une annotation au bout de dix secondes de film. Or, pour
prendre un exemple simple, si un utilisateur dispose dune version directors
cut dans laquelle le ralisateur aura rajout une longue scne dintroduction la
version normale annote par le premier utilisateur dADVENE, la premire
information secondaire apparaissant sur lcran perdra toute sa pertinence.
Le dcalage des time codes est le principal danger pour lefficacit du systme
ADVENE, mais dautres diffrences peuvent aussi contrarier sa pertinence. Ainsi,
la qualit de limage et du son diffrent sensiblement dune dition DVD une
autre ; il existe mme des ditions qui recadrent limage, dautres qui faonnent le
son selon une configuration diffrente. Un commentaire qui prendrait en compte
1 LIRIS, Laboratoire d'InfoRmatique en Images et Systmes d'information, FRE 2672 CNRS/INSA de Lyon/Universit Claude Bernard Lyon 1/Universit Lumire Lyon 2/Ecole Centrale de Lyon, http://liris.cnrs.fr/advene/index_fr.html. 2 ADVENE, Annotations de DVD Echanges sur le Net Annotate DVD, Exchange on the Net !, http://experience.univ-lyon1.fr:81/advene, http://liris.cnrs.fr/advene/index_fr.html
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une image de qualit suprieure celle dune autre version, ou qui appellerait
lattention du spectateur sur un travail fourni sur le son pour une certaine dition
perd fatalement en intrt ds lors que les spectateurs ne disposent pas dune
dition qui leur propose la mme configuration.
Les responsables du projet ADVENE ont donc souhait pouvoir disposer dune
tude sur les pratiques et les enjeux de ldition DVD qui prendrait en compte
prioritairement le phnomne des multiples versions disponibles dun mme film.
Ce phnomne est bien connu du public, celui des amateurs comme celui des
professionnels. linitiative des amateurs, le site anglophone DVDcompare4
recense par exemple depuis 1999 les diffrences entre les ditions en zone 1
(Etats-Unis et Canada), zone 2 (Europe) et zone 4 (Australie). Les informations
que dispense le site ont pour but de fournir aux consommateurs un service leur
garantissant quils achtent bien le produit souhait. Dans une tout autre
perspective, cinastes, philosophes, critiques et enseignants sinterrogent sur ce
mme phnomne. Il sagit pour eux, comme en tmoigne la rflexion dveloppe
dans Le Banquet imaginaire, de dfinir les problmes esthtiques et thiques que
soulve la prolifration des versions diffrentes dun mme film. Le critique,
essayiste et enseignant Alain Bergala souligne ainsi avec quelque inquitude que :
De tous temps, il a exist plusieurs versions, par exemple il existe
quatorze versions diffrentes de La Peur, de Rossellini. Beaucoup
de cinastes nont pas cr dans lide dune uvre unique. Mais
il y a quand mme eu un ge dor de lunicit du film, qui avait
une dure, celle de sa projection en salle mme sil y avait du
travail pour comparer dventuelles variantes. Le DVD est en
train de faire vaciller la question de lunicit, dsormais il y a le
film en salle, et puis il y a la version DVD, il peut mme y avoir
deux versions DVD diffrentes5.
Anim de sentiments tout autres, le cinaste Romain Goupil affirme quant lui que :
3 Dans lespoir dobtenir lattention des diteurs de DVD et une ventuelle collaboration notre recherche, nous avons prpar, en les remettant en forme, les informations que le LIRIS nous a fournies sur son travail. Malheureusement, notre espoir na pas rencontr laccueil que mrite le travail du LIRIS. Nous prsentons ce document en Annexe. 4 http://www.dvdcompare.net [consult le 18 juin 2004] 5 Le Banquet imaginaire, p. 101. CAUDRON, Sbastien, PASCAL, Anne-Sophie, SAMYN, Hugues | DCB 13 | Mmoire de recherche | 2004 Droits dauteur rservs.
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[] Le DVD permet de montrer plusieurs versions du mme
projet. Pourquoi y aurait-il sacralisation dune seule ? Parce que
moi, le crateur, ai dcid que a doit tre comme a ? Non !
Jean-Michel Frodon a commenc en affirmant que le cinma est
un art. Mais sur un tournage, on est 30, 40, 50, et si cest un art
cest surtout lart des compromis []. Le DVD [] remet en
cause systmatiquement la faon dont le support film, au cours de
la grande messe qutait la projection, crait le fameux tre
ensemble , que je trouve trs contestable. Cet tre ensemble
vise nous faire ragir et penser exactement la mme chose au
mme moment dans le noir. La possibilit dune autre approche
est bien plus stimulante6.
On voit donc que le phnomne des versions diffrentes dun mme film en DVD
peut faire lobjet dapproches diamtralement opposes. Ces approches relvent
autant de la curiosit dun public soucieux dapprhender un caractre trs opaque
de ldition que celle des professionnels de ce milieu rflchissant aux
implications dun tel phnomne. Mais ces multiples points de vue sinscrivent
toutefois dans un contexte plus gnral dont il est bon de prendre la mesure. Ces
points de vue font cho aux analyses actuellement menes autour du cinma dans
son ensemble, analyses dans lesquelles lconomie et lidologie se ctoient.
Comme toutes les industries en effet, le cinma vit actuellement des
bouleversements importants. La concentration des moyens de production au sein
de quelques grands groupes, lagressivit du marketing, la trs forte concurrence
sont autant de phnomnes qui prennent leur source dans les annes soixante. Ces
phnomnes vont cependant en saccentuant dans de nombreux secteurs,
notamment ceux des industries culturelles. La mondialisation de lconomie ainsi
que lapparition, toujours renouvele, de supports audiovisuels concurrentiels
lexploitation des films en salles expliquent la dramatisation des discours actuels
sur le cinma. Ces discours se fondent sur des analyses conomiques, certes, mais,
plus profondment encore, ils semblent emprunter certains de leurs motifs une
vision idologique et morale du cinma et de ldition.
CAUDRON, Sbastien, PASCAL, Anne-Sophie, SAMYN, Hugues | DCB 13 | Mmoire de recherche | 2004 Droits dauteur rservs.
86 Le Banquet imaginaire, p. 109-110.
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Du fait de son statut ambivalent, entre lart et lindustrie, du fait aussi de son
histoire, le cinma est en effet le symbole denjeux qui dpassent largement la
prise en compte objective des seuls phnomnes conomiques. Par exemple, les
craintes des professionnels du cinma franais, cristallises autour des dbats sur
"lexception culturelle", sont de voir les films amricains dvorer les parts de
march que les films franais dtiennent encore sur leur territoire. Ces craintes ne
sont pas seulement marchandes. Elles dressent aussi le cinma local comme ultime
rempart contre linvasion du mode de vie amricain, suppos individualiste et
mercantile. Cest de cette faon-l que louvrage Cinma et (in)dpendance
analyse la notion dindpendance dans le cinma. Lindpendance est peut-tre un
statut conomique et juridique au sein de lindustrie cinmatographique, mais elle
est surtout une faon de se mettre en scne. Se dclarer "indpendant", cest
sidentifier David luttant contre Goliath.
Cest dans ce contexte global quil convient alors dapprhender lapparition du
DVD. Le fort engouement que suscite ce support engendre en effet dune part un
nouveau bouleversement dans lconomie de laudiovisuel7, mais dautre part aussi
lapparition de nouveaux discours autour de ce support. Cela vaut la peine dtre
soulign pour commencer, personne pour le moment ne conteste le progrs
technique quapporte le DVD par rapport la VHS ou mme au laserdisc,
contrairement ce quil se produit parfois au sujet du disque compact. Grce aux
possibilits techniques quil offre, le DVD est mme parfois investi dune
authentique mission artistique et morale. Il sagirait dsormais de compter avec les
possibilits dune qualit technique indite, avec les possibilits dun nouveau
montage, dun nouveau mixage et lajout de supplments, les "bonus", pour
rtablir enfin lintgrit artistique du film jusquici menace par les alas de la
sortie en salles ou par les imperfections techniques de ses prcdentes ditions sur
dautres supports. Si cette mission de deuxime chance accorde au film par le
DVD nest pas remise en cause pour les films rcents, en revanche la prolifration
dditions directors cut est parfois critique pour les films plus anciens, dont
7 Le succs du DVD est remarquable : en quelques annes, les ventes de DVD ont augment de, clipsant par la mme en un temps trs court le march encore actif jusque-l des VHS. Le DVD, du moins en France et jusqu prsent, na pas deffet sensible sur la frquentation des salles de cinma. Les amateurs de DVD sont aussi des cinphiles et ils ne ralentissent pas leur frquentation des salles. Sources : CNC CAUDRON, Sbastien, PASCAL, Anne-Sophie, SAMYN, Hugues | DCB 13 | Mmoire de recherche | 2004 Droits dauteur rservs.
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les versions initialement prsentes en salles et diffuses la tlvision ont
construit la culture du public cinphile. Ce dernier a parfois du mal accepter que
le ralisateur touche au film quil aime et connat si bien. Le rdacteur en chef du
magazine DVDvision a ainsi pris plusieurs fois position, au cours de lanne 2001,
contre ces rvisions juges intempestives. On peut citer ce sujet ldito contrast
de novembre 2001 : Cest un fait dsormais tabli, grce au DVD les
ralisateurs peuvent refaire, remodeler, rinventer et rparer les scories de leurs
films, quelles soient dordre visuel ou narratif. Avec la technologie Haute
Dfinition existante, le changement le plus vident se situe au niveau de limage
[]. A un tout autre niveau, le DVD permet aussi de se librer des contraintes de
dures imposes par le nombre de sances par jour dans les cinmas, qui forcent
parfois les cinastes tronquer leurs films, comme pour Terminator 2 [Terminator
2 : Judgement day, James Cameron, 1991] []. Tout semble draper de nouveau.
Comme le prouve par exemple en ce moment Steven Spielberg, qui se prpare
massacrer son E.T. [E.T. the extra-terrestrial, 1982] original, en effaant
digitalement tous les plans darmes du film ! Preuve quentre des mains
irresponsables, la technologie peut aussi chapper et devenir une dangereuse
arme de rvision 8.
Le fait que de multiples versions dun mme film soient disponibles sur le march
du DVD (qui est, de plus, un secteur dont le fonctionnement est encore mal connu
et actuellement en pleine explosion), loin de poser uniquement des problmes
techniques mettant en difficult la mise au point du projet ADVENE, soulve de
multiples questions. Ces questions touchent au droit dauteur, la rception des
uvres audiovisuelles, aux pressions auxquelles se heurtent producteurs,
ralisateurs et diteurs, et au poids conomique du DVD dans lindustrie
cinmatographique. Pour traiter ces questions sans perdre de vue notre objectif
initial, nous avons ordonn notre rflexion selon trois parties. La premire porte
sur la production cinmatographique et cherche comprendre les raisons pour
lesquelles plusieurs versions dun mme film peuvent exister avant mme
lintervention des acteurs de ldition vido. La deuxime fait le point sur les
aspects techniques du DVD et insiste sur les caractristiques qui font de ce support
8 FAKRIKIAN, David, Remakes et remodelages , in DVDvision n16, nov. 2001, p. 3. CAUDRON, Sbastien, PASCAL, Anne-Sophie, SAMYN, Hugues | DCB 13 | Mmoire de recherche | 2004 Droits dauteur rservs.
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le lieu privilgi de la prolifration des versions. La troisime prsente les acteurs
de ldition vido et les interactions entre eux qui aboutissent une situation que
lon pourrait qualifier danarchique, en tout cas parfaitement imprvisible, en ce
qui concerne ldition dune version dun film plutt quune autre. Enfin, la
dernire adopte un point de vue pratique et montre comment et dans quelles
limites, l'aide des informations actuellement disponibles, il est possible avant
l'achat d'identifier les diffrences entre les DVD d'un mme film.
Au dbut de notre recherche, notre commanditaire nous avait bien prcis que
notre mmoire pourrait se conclure par une non-dcouverte, cest--dire une non-
solution pour ADVENE ; autrement dit, que peut-tre il nous serait impossible
daboutir des conclusions tranches de type statistique (ex : 30% des films sont
disponibles en plusieurs versions sur DVD) ou prvisionnel (ex : les ditions
Universal proposent systmatiquement des versions diffrentes des films de leur
catalogue, selon quils soient destins au march nord-amricain ou au march
europen). Au cours de nos recherches, tous les acteurs interrogs nous ont
confirm quil tait impossible davoir de telles certitudes en matire ddition
audiovisuelle. De plus, notre mconnaissance de ce milieu nous a plutt conduit
essayer de dgager les logiques internes de lindustrie du cinma et de la vido qui
peuvent aboutir cette prolifration de versions diffrentes. Notre premire annexe
se constituera nanmoins dun tableau rcapitulatif de tous les types de diffrences
que nous avons rencontres, ranges par ordre de frquence dapparition. Mais ce
tableau ne pourra tre fourni qu titre indicatif, fond sur nos observations
personnelles et sur les quelques bases de donnes fiables que nous avons trouves
sur Internet. Nous esprons que ce tableau et que les conclusions de nos recherches
que nous prsentons dans le corps du mmoire pourront aider une utilisation
optimale du logiciel ADVENE.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
Partie 1 : La production
cinmatographique : pourquoi plusieurs
versions dun mme film ?
Avant linvention de la vido et la possibilit pour le spectateur de disposer chez
lui dune copie dun film, il existait dj plusieurs versions du mme film projetes
dans les salles ou diffuses la tlvision. Les diffrentes versions disponibles
aujourdhui sur support vido ou numrique sont en partie le fruit de ces
diffrences originelles. En effet, lditeur peut choisir de commercialiser telle ou
telle version du film, mais il peut aussi ne pas avoir le choix (le producteur lui
imposant le master sur lequel se fondera son travail) ou se contenter de la premire
version sur laquelle il peut mettre la main. Ces diffrences originelles ont plusieurs
causes, que nous avons tent didentifier dans cette partie. Les films anciens, tout
dabord, taient projets selon des pratiques diffrentes de celles daujourdhui; il
nexistait pas alors le respect pour luvre cinmatographique que nous
connaissons. Dautre part, la censure officielle a souvent oblig les producteurs
diffuser des versions diffrentes selon la sensibilit du pays o le film est projet ;
une forme de censure indirecte sexerce dailleurs toujours par le biais des
restrictions dge, qui font figure de censure conomique. Enfin, dautres formes
de pressions conomiques, notamment le poids des tlvisions ou de lEtat dans le
financement des films peuvent entraner de nouveaux montages projets ou
diffuss.
1. Les films muets ou anciens
1.1. Les diffrentes versions projetes
Ce nest quen 1957, par la loi du 11 mars, que ce statut [celui du cinaste ou
metteur en scne] fut reconnu. Auparavant on pouvait couper tort et travers
dans les films. On ne se gnait pas : depuis la censure dEtat jusquaux multiples
censures locales, mais aussi distributeurs et exploitants, pour supprimer les scnes
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
pouvant dplaire leur public ou, le plus souvent, pour raccourcir les sances ,
rappelle Jean-Charles Tacchella9. Les remontages des films muets taient dautant
plus faciles faire quil ny avait pas se proccuper des raccords son. Il
suffisait dune simple presse coller, outil courant dans toutes les cabines de
projection, pour procder des coupures et modifier lordre des plans ou des
squences ; il tait ais dajouter, de soustraire, de multiplier les intertitres dont
la confection de reprsentait pas un investissement considrable 10. Ces
modifications allaient le plus souvent dans le sens dun raccourcissement du film.
Louvrage LAuteur du film en donne plusieurs exemples, dont Napolon (Abel
Gance, 1927) qui comprenait 42 bobines dans sa version prsente en France
lApollo, alors que la version diffuse aux Etats-Unis par la MGM ne comptait
plus que 8 bobines. Metropolis (Fritz Lang, 1927) mesurait 4189 mtres et durait
environ 153 minutes lors de sa premire Berlin, avant dtre rduit par la
Paramount une longueur de 3100 mtres pour le public amricain. Julien
Duvivier, ralisateur de Poil de carotte (1926) dnona dans une longue lettre
ouverte parue dans un magazine professionnel les coupures des exploitants de
salles. Cette lettre est dautant plus intressante quil mentionne galement les
coupures quil a lui-mme ralises ou supervises sur la demande de son diteur,
pour des raisons commerciales.
Le film Cinema Paradiso (Giuseppe Tornatore, 1989) prsente un autre exemple
de ces pratiques de projection, avec le personnage du prtre du village qui
demande systmatiquement au projectionniste de couper (avec des ciseaux) toutes
les scnes de baiser. Selon LAuteur du film, cette pratique tait largement
rpandue en France galement par les ecclsiastiques responsables de
reprsentations cinmatographiques11.
Ces diffrentes pratiques permettent de comprendre le dlicat travail de
restauration auquel doivent se livrer les diteurs audiovisuels souhaitant sortir des
films anciens en DVD ; elles permettent de comprendre galement le fait quune
version dite ne peut jamais tre considre comme dfinitive, car il nest pas
exclu que lon dcouvre tt ou tard une version plus satisfaisante dun point de vue
9 Prface de L'Auteur du film: description d'un combat, p. 10. 10 L'Auteur du film: description d'un combat, p. 79. 11 Id., p. 37.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
historique (conforme la version souhaite par le ralisateur) ou technique (dune
meilleure qualit dimage). Lentre Patrimoine du Dictionnaire de la censure
voque, entre autres, le travail de sauvegarde men par la Cinmathque franaise
et explique pourquoi le modle de rfrence est parfois difficile tablir :
certains films ont fait lobjet de remaniements de la part de leurs propres
ralisateurs, dautres ont fait lobjet dinterventions des diffrents pouvoirs
commerciaux, en particulier pour les versions destines ltranger ou un
public familial. La censure, enfin, a donn ici et l ses coups de ciseaux []. Le
Cuirass Potemkine dEisenstein [1925] ou La Passion de Jeanne dArc de Dreyer
[1928], sont connus dans leur version remonte en fonction dune idologie
politique ou formelle. Vrifier lauthenticit dune copie et de son montage est un
travail dhistorien dlicat []. Comment retrouver la couleur dorigine des films
tourns en Technicolor (technique disparue), coloris la main ou au pochoir,
teints ou tirs sur pellicule support color lpoque du muet ? A quelle
cadence projeter les films muets compte tenu de la modification du format de
limage (pour laisser une place la bande sonore) et de la vitesse des appareils
modernes ? 12
1.2. Les diffrentes versions dites
De nombreux exemples peuvent tre cits ici, car les diteurs sont trs sensibles au
potentiel commercial que reprsente ldition en DVD de films anciens, trs peu
diffuss en salles ou la tlvision, et dont les copies sont endommages ou
insatisfaisantes. Ldition en DVD aprs restauration reprsente un argument
commercial particulirement mis en avant par les diteurs.
En septembre 2004, MK2 va proposer une nouvelle dition DVD du
Mcano de la gnrale (The General, Buster Keaton, 1927), qui aura
pour accompagnement musical la musique compose par Buster
Keaton, mais orchestre par le grand compositeur japonais
contemporain, Joe Hisaishi13. Il existe dj au moins quatre versions
dites de ce film par quatre diteurs diffrents : France Vido
12 DOUIN, Jean-Luc, Dictionnaire de la censure au cinma, p. 343-344. 13 JARNO, Stphane, Le maestro et le mcano , in Tlrama n 2836, 19 mai 2004, p. 38-40.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
Distribution, Zalys Distribution, Arcads et Alcome Distribution14. On
peut dailleurs relever sur le site de la Fnac15 quune des versions
disponibles la vente ne dure que 107 minutes contre les 110
annonces pour cette nouvelle dition.
Metropolis, de Fritz Lang (1927), est un exemple particulirement
intressant, parce quil est lexemple-type du film multi-versions, qui a
t coup pour des raisons conomiques, sans doute politiques, puis
qui a t altr par ses conditions de conservation. Un vritable travail
ditorial a t men par MK2 sur ce film, daprs une version
retrouve par lhistorien Enno Patalas16.
Un dernier exemple intressant pourrait tre celui des Temps modernes
(Modern Times, Charlie Chaplin, 1936). Jean-Franois Martinon et
Fernand Bron, du groupe CERISE (Centre Rgional de
Documentation Pdagogique de Lyon) nous ont en effet fait remarquer
quils travaillent de faon complmentaire avec deux ditions de ce
film : lune, dite par Eden Cinma (qui dpend du ministre de
lEducation nationale) et lautre par MK2, de qualit dimage
nettement suprieure mais qui est ampute de 10 secondes par rapport
lautre : il lui manque en effet le premier carton du film, qui
prcde la premire image.
Ces trois exemples permettent de montrer dune part la qualit unanimement
reconnue du travail ralis par les ditions MK2 sur les films anciens, mais aussi le
fait que ces ditions apportent toujours quelque chose de diffrent par rapport aux
versions prcdentes : amlioration consquente de la qualit de limage ou du son
ou vritable modification du film, comme avec lajout dune nouvelle bande
sonore. Enfin, lexemple des Temps modernes prouve, de faon inattendue peut-
tre, que les versions MK2 ne sont pas forcment les plus exhaustives.
Les ditions de films anciens sont de toute faon soumises des contraintes
financires et techniques telles que le spectateur peut rarement tre assur de la
qualit quil va retrouver sur DVD. Les ditions Montparnasse, par exemple,
14 Voir le site http://www.alapage.com/ [consult le 18 juin 2004]. 15 http://www.fnac.fr [consult le 18 juin 2004].
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
mnent une politique ditoriale ambitieuse autour de films introuvables, sinon en
zone 1 (thoriquement interdite la vente en France). Nanmoins, et malgr la
passion avec laquelle ces diteurs travaillent, la qualit de limage est parfois
discutable. Une interview de leur PDG Renaud Delourme et de sa directrice de
dveloppement DVD, Victoria Willis, ralise par Lonard Haddad et David
Fakrikian17, permet de mieux cerner la nature mme de leur travail. Au journaliste
leur faisant remarquer qu un master acceptable pour une VHS ne lest
gnralement pas pour un DVD , les responsables des ditions Montparnasse se
justifient par le cot de la production de DVD, notamment pour les vieux films
amricains qui ncessitent dnormes frais de restauration : Jusqu prsent,
lorsquon faisait un master vido pour une VHS, le cot de production oscillait
entre 1 500 et 2 000FF. Avec le DVD, on est en moyenne entre 50 000 et
70 000FF ! [] Arrive un moment o on doit mettre 50 000FF en restauration
pour que le master soit acceptable. Rsultat, il y a de nombreux films que nous
aimerions sortir mais que nous ne sortons pas. [] Cest dautant plus compliqu
que les producteurs fractionnent leurs droits. Un diteur franais na pratiquement
jamais la totalit des droits vido. Les majors, elles, ont des droits sur le monde
entierAlors, fatalement, les journalistes considrent que tel ou tel DVD
amricain est meilleur [] . On voit donc que mme des diteurs srieux et
attentifs au potentiel artistique des films quils commercialisent sont soumis des
impratifs qui font que leur version va diffrer, leur dsavantage, dautres
versions, disponibles par exemple en zone 1. Dans ce mme article, on trouve
galement une information intressante, malheureusement non dveloppe, sur la
multiplicit des versions de films anciens pouvant circuler dun pays lautre :
On a tent de sortir Citizen Kane [Orson Welles, 1941] en co-dition avec les
Allemands et les Espagnols, mais leur version est coupe ! .
Pour conclure sur le travail spcifique ralis par les diteurs DVD de films
anciens, on peut voquer les restaurations vantes grand renfort de marketing,
mais qui posent parfois le problme dune vritable trahison de luvre originelle.
Ainsi larticle Images nouvelles pour films anciens 18 de Philippe Roger
16 http://www.unesco.org/webworld/mdm/2001/fr/germany/metropolis/form.html [consult le 18 juin 2004]. 17 RKO technique , in DVDvision n 11, mai 2001, p. 72-78. 18 in Cinma et audiovisuel : nouvelles images, approches nouvelles, p. 67-74.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
dnonce ldition en DVD de Sueurs froides (Vertigo, Alfred Hitchcock, 1958) en
critiquant notamment le travail ralis sur le son, avec de nombreux exemples
lappui. De telles erreurs se produisent aussi lors de ldition DVD de films
rcents. Un exemple particulirement pittoresque, dcrit dans le DVDvision de
mars 200119, raconte comment lditeur Media Asia a commercialis une version
DVD du Syndicat du crime (A better tomorrow, John Woo, 1986) avec une piste
son 5.1 cre de toute pice en remplaant les musiques dorigine par des
emprunts intempestifs des B.O. de films amricains rcents comme Forrest
Gump . Cet exemple nous intresse particulirement, puisque le mme diteur a
ensuite rectifi le tir en ditant le film avec sa bande-son originale, non sans
omettre dcouler son stock dinvendus en coffrets collectors, sans videmment
avertir le spectateur. Deux versions sensiblement diffrentes, manant pourtant du
mme diteur, se retrouvent donc en circulation. Le travail accompli par Universal
sur Sueurs froides est bien entendu plus subtil, mais pour un cinphile attentif il
reprsente une trahison identique, qui se cache de surcrot derrire les apparences
dune amlioration due la restauration.
2. La censure
La censure est multiforme. Elle mane du haut (ministres, dictateurs) ou du bas
(ligues de dcence, bombes anonymes) ; elle mutile, coupe (une phrase, une
scne), interdit (aux mineurs, tout le monde) ; elle sopre avant le tournage (sur
lecture de scnarios), pendant ou aprs ; elle saisit, elle squestre, elle brle les
ngatifs ; elle se manifeste de faon plus ou moins franche, en coulisses, par des
pressions feutres 20.
Lorsquelle se manifeste par des coupes physiques dans le film, la censure
intresse notre sujet puisquil existera toujours, au moins potentiellement, une
version non censure du film, susceptible dtre dite ultrieurement o sous
des cieux plus clments. Elle nous intresse galement lorsquelle prend la forme
dinterdictions, que nous appellerons pour plus de prcision restrictions dge
19 DVDvision, mars 2001, p. 106. 20 DOUIN, Jean-Luc, Dictionnaire de la censure au cinma, p. 4.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
(linterdiction totale est extrmement rare, plus rare encore, prsumons-nous, dans
les pays o sont dits les DVD que lon trouve en France, ceux quADVENE peut
concerner). Pour obtenir une classification moins restrictive, il arrive en effet que
les producteurs ou auteurs choisissent damputer le film des passages incrimins
par les censeurs ; dans un autre pays o la sensibilit est diffrente, le mme film
pourra tre diffus sans restriction, ou bien les moments posant problme ne seront
pas les mmes. La censure est versatile : elle reflte la mentalit des peuples qui
lexercent. Sans mme opposer la sensibilit nord-amricaine (trs rtive la
prsence du nu lcran) et europenne (davantage effraye par la violence que
par la sexualit), larticle de Carmen Palzer rdig pour lObservatoire europen de
laudiovisuel montre que mme au sein de lEurope, les traditions en matire de
protection des mineurs sont aussi diverses que les cultures elles-mmes []. 21.
Lauteur cite ainsi lexemple du film de Paul Weitz, American pie (1999), objet
dans le seul espace europen de tous les types dautorisations : tout public, interdit
aux moins de 11 ans, de 12 ans, de 14 ans, de 15 ans, de 17 ans ou de 18 ans.
Dautre part, la restriction dge peut varier selon le support sur lequel le film est
diffus : Il est frquent que la classification selon lge dpende du support au
motif que chaque mdia produit un effet spcifique sur les mineurs. Une scne
captivante peut tre plus anxiogne dans une grande salle de cinma sombre que
si un jeune la regarde la maison, sur un cran de tlvision, avec la possibilit
de linterrompre tout instant mais la consommation dune vido ou dun DVD
nest pas aussi contrlable quune visite au cinma []. En Finlande le film
American pie a t autoris partir de 11 ans dans les salles, pour tout public
sous forme de vido-cassette, partir de 15 ans seulement sur DVD 22. Nous
essaierons ici non de comprendre ou danalyser les diffrentes formes de censure
telle quelle se pratique selon les pays ou les poques, mais de discerner les
principales manifestations de la censure qui aboutissent aujourdhui lexistence
de diffrentes versions dun mme film sur DVD. Ce point de vue explique
pourquoi les pays totalitaires, qui pratiquent videmment la censure
21 La classification horizontale des contenus audiovisuels en Europe : une alternative la classification multiple ? , dcument pdf, p.3, www.obs.coe.int/oea_pub/iris/iris__plus/iplus10_2003.pdf.fr [consult le 18 juin 2004] 22 ibid.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
cinmatographique, ne seront presque pas voqus, car ces pays nditent pas de
DVD, ou bien leurs versions ne sont pas disponibles en France.
2.1. Censure politique
Dans cette partie, nous nentendons pas parler uniquement des censures effectues
pour des raisons politiques ( savoir, par exemple, linterdiction de certains films
mettant en cause le pouvoir en place), mais plutt de censures visant bien
interdire les films ou certains passages, plutt que de protger les publics fragiles
(enfants et jeunes essentiellement). Cette protection, nous le verrons, est davantage
une censure conomique quune censure politique puisque cest pour favoriser au
maximum le potentiel commercial du film que les producteurs ou ralisateurs
consentent modifier leurs films.
En France, les premiers temps du cinma sont marqus par une prolifration
anarchique de la censure, ou plutt des censures puisque de nombreuses instances
pouvaient avoir autorit sur le film. Les maires et prfets pouvaient ainsi faire
interdire un film sous le prtexte de protger la population. Aprs la 1re guerre
mondiale, le dcret du 25 juillet 1919 instaure un contrle des films , national,
qui avait justement pour but de mettre fin ces multiples censures locales. Mais le
pays tant alors frapp dune vague de moralisme, celles-ci connurent au contraire
un regain dactivit. Ces versions locales des films peuvent certainement se
retrouver sur DVD, au gr des hasards de la conservation des bobines et des
recherches des diteurs. Dautres censures politiques fameuses peuvent tre
releves, notamment celle de Nuit et brouillard (1957), documentaire dAlain
Resnais sur les camps dextermination nazis. Pour obtenir son visa dexploitation,
le ralisateur dut masquer sur un document photographique le kpi dun gendarme
franais. Or lincroyable est vrai : les copies en circulation de Nuit et brouillard
[] perptuent ce mensonge par omission 23.
Le cas des DVD britanniques nous intresse aussi, parce que ces DVD, faisant
partie de la zone 2, sont vendus librement en France, et acquis par de nombreux
spectateurs. Or la commission de censure britannique, appele British Board of
Film Classification (BBFC) est rpute pour tre parmi les plus svres des pays
23 http://www.cndp.fr/tice/teledoc/dossiers/dossier_brouillard.htm, [consult le 18 juin 2004]
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
occidentaux24. Elle est dailleurs fortement critique pour cela. Il sagit dune
instance indpendante du gouvernement qui existe depuis 1913 et exerce ses
activits sur la vido depuis 1985. Contrairement la Commission de classification
franaise, elle peut dlivrer pour la version vido dun film une classification
diffrente que celle que le film a reu en salle (plus restrictive la plupart du temps,
les vidos pouvant plus facilement tre vues par des enfants). Contrairement ce
qui se passe en France avec la commission de classification des uvres
cinmatographiques, la BBFC est un acteur essentiel de ldition DVD. Les
ditions DVD anglaises des films sont connues des consommateurs pour tre
souvent tronques par rapport aux autres ditions. Les sites ou les magazines
spcialiss conseillent souvent leurs lecteurs dviter autant que possible les
ditions britanniques. DVDvision donne lexemple du film Fight Club (David
Fincher, 1999), dont ldition britannique est raccourcie de 4 secondes par rapport
la version salle25. On peut aussi citer le site personnel Michaels HK site26 qui,
consacr au cinma de Hong-Kong, travaille recenser systmatiquement les
coupes exiges par la censure britannique lencontre de ces films. On peut noter
galement que la censure sest exerce lgard du site lui-mme : une page du
site, intitule de faon provocante How to avoid the BBFC ? 27, donnait des
conseils pour acqurir les versions non censures de ces films ; cette page est
dsormais indisponible
Le site officiel de la BBFC offre une base de donnes prcieuse pour notre sujet.
Une recherche par titre de film permet en effet de connatre les diffrentes
classifications ayant affect un long-mtrage, et le minutage de ce dernier au
moment de son passage devant la commission. On peut par exemple dcouvrir que
le film THX 1138 (Georges Lucas, 1971) fut class X lors de sa sortie en salle ; il
durait 95 minutes et 7 secondes. Lors de sa sortie vido de 1988, il ne durait plus
que 82 minutes et 16 secondes et fut interdit aux moins de 15 ans. Lors dune
nouvelle prsentation vido en 1992, il tait toujours interdit aux moins de 15 ans
mais avait encore perdu 3 secondes par rapport la version de 1988. Romance
24 BBFC, http://www.bbfc.co.uk/ [consult le 18 juin 2004] 25 DVDvision 01-02/2001, p. 15. 26 http://www.geocities.com/eatingfish/ [consult le 18 juin 2004] 27 Comment contourner la BBFC ? .
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
(Catherine Breillat, 1999) est connu pour avoir t exploit en Grande-Bretagne
sans subir de coupes en dpit du fait quapparaissait un sexe en rection ; pour sa
diffusion vido, il fut en revanche amput de 4 minutes et 21 secondes, et assorti
de la mme interdiction aux moins de 18 ans que la version salles. On apprciera le
degr de prcision qui nous apprend que la version de Eyes wide shut dite par
Warner Home Vido en avril 2000 dure une seconde de plus que celle dite par
Front Row TV en octobre de cette mme anne.
Selon une information disponible sur ce mme site, la situation des DVD dits en
Grande-Bretagne va encore se compliquer puisque deux ditions vido pourront
dsormais tre exploites au mme moment, lune bnficiant dune autorisation
de diffusion plus large que lautre.
2.2. Censure conomique
2.2.1. Les restrictions dge
Comme on la vu en introduction, les systmes de classification mis en place
diffrent sensiblement selon les pays et mme selon les supports sur lesquels est
inscrit le film. Les restrictions dge (films interdits aux moins de tel ge), si elles
ont pour but premier et essentiel non dinterdire ou de mutiler le film, mais de
protger les publics fragiles, aboutissent de fait une censure conomique,
puisquun film interdit aux moins de 16 ans ou aux moins de 12 ans se prive dune
partie substantielle du public potentiel. Les producteurs sont donc amens
remanier les films de faon satisfaire la commission de censure du pays o ils
souhaitent exploiter le long-mtrage et obtenir lautorisation la plus large possible.
Pour rester en Grande-Bretagne, on peut citer lexemple du film LAttaque des
clones (Star wars, episode II Attack of the clones, Georges Lucas, 2000). Le
distributeur a accept de supprimer un gros plan dun coup inflig sur la tte
dObi-Wan Kenobi pour pouvoir bnficier de la classification "PG" (tout public).
Si le plan avait t maintenu, le film aurait t interdit aux moins de 12 ans non-
accompagns. tant donn le potentiel commercial du film, on comprend la
dcision du distributeur. Comme la BBFC classifie galement les DVD, le site
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
dvdcompare28 nous permet de vrifier que la version britannique du film est bien
ampute par rapport aux versions nord-amricaine et australienne.
Le systme nord-amricain est diffrent. Lorganisme de classification des films
sappelle le Motion Pictures Association of America (MPAA)29. La prsentation
des films devant cet organisme est facultative, toutefois la plupart des salles
refusent de diffuser les films unrated (non classifis), les films produits au sein des
majors sont donc systmatiquement classifis pour avoir accs au plus grand parc
de salles possible. Certains producteurs ou metteurs en scne choisissent de ne pas
faire classifier leurs films lorsquils savent que ce dernier na de toute faon quun
faible potentiel commercial, et quil risquerait dcoper dune classification trs
restrictive : cest le cas pour de nombreux films trangers, et par exemple pour The
Brown bunny (Vincent Gallo, 2003). La MPAA ne se proccupe pas des sorties
vido, ce qui fait que les DVD unrated promettant des scnes violentes ou
sexuelles absentes de la version salle se multiplient : la censure est dtourne en
argument commercial par les diteurs. On relve cependant souvent des diffrences
entre les ditions zone 1 et zone 2 des films, dues la censure amricaine : Les
Lois de lattraction [Rules of attraction, Roger Avary, 2002] propose 22
secondes de vomi, de sang et de gros mots supplmentaires 30 en zone 2. Mais on
ne peut gure considrer que les ditions nord-amricaines sont systmatiquement
censures par rapport aux ditions europennes : un internaute nous a fait
remarquer que le DVD zone 2 de Vidodrome (David Cronenberg, 1982) prsente
une version expurge de quelques scnes par rapport la zone 1. Les raisons de
cette censure demeurent mystrieuses, comme lexplique le site devildead31 o lon
trouve aussi (images lappui) la liste des scnes supprimes32.
2.2.2. Le directors cut
Lentre Final cut du Dictionnaire de la censure au cinma33 donne une
dfinition de cette notion : Le final cut est le montage final dun film. Qui
possde le droit de trancher en dernire instance pour dcider de lultime version
28 www.dvdcompare.net 29 http://www.mpaa.org [consult le 18 juin2004] 30 Premire, 02/2004, p. 124. 31 http://www.devildead.com [consult le 18 juin 2004] 32http://www.devildead.com/indexfilm.php3?FilmID=427 [consult le 18 juin 2004]
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
du film, celle qui sera montre au public ? Qui a latitude de dcider de la
suppression de telle ou telle scne, de la dure dfinitive du film [] ? . Lentre
revient galement sur lhistorique de cette notion, qui est lenjeu dune vritable
lutte de pouvoir entre ralisateurs et producteurs. En France, le final cut doit
thoriquement tre approuv dun commun accord par ces deux protagonistes ;
dans les faits, le producteur, soumis des impratifs financiers, ne peut se
permettre de prolonger indfiniment la priode de montage. Cest donc le
ralisateur qui a le final cut. Aux Etats-Unis, au contraire, le ralisateur na aucun
droit sur le film : le final cut est pour lui un bien rcuprer, de haute lutte, au
producteur et dsormais, au distributeur. A la grande poque dHollywood, le
travail est clairement sectoris entre la ralisation (larticle fait dailleurs une
digression sur le terme nord-amricain director, qui insiste bien sur la fonction
administrative du metteur en scne met de ct son apport artistique et son pouvoir
sur le film) et le montage, qui est supervis par le producteur. Cest dans les
annes 1940 que les ralisateurs ont revendiqu le droit de contrler le montage
de leurs films. Ils ont obtenu le droit dexiger au moins un directors cut ou first
cut, cest--dire la possibilit de prsenter une premire version du film [].
Aujourdhui, le droit au premier cut est toujours accord. Certains ralisateurs en
position de force pourront ngocier des cut supplmentaires, parfois jusquau
dernier 34. Cette lgislation a pour consquence lexistence dau moins deux
versions concomitantes du mme film dans le cas dun conflit entre le ralisateur
et le producteur, ce qui arrive sensiblement souvent. La mise au placard du first cut
par les producteurs constitue une forme de censure conomique, car ce sont les
rsultats commerciaux esprs du film qui les conduisent remonter les longs-
mtrages, notamment en fonction des rsultats des previews, qui sont devenues une
pratique systmatique.
Larticle Versions multiples ou directors cut 35 donne quelques exemples, dont
le clbre cas Brazil (Terry Gilliam, 1985) qui connut trois versions diffrentes : le
directors cut de 142 minutes, une version remanie par le directeur dUniversal,
Sid Sheinberg, de 94 minutes, qui se conclut par une happy end sans aucun sens si
33 Op. cit p. 175-182. 34 Op. cit. p. 176-177. 35 In DVD live n17, mai 2004, p. 30-33.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
lon connat les intentions du ralisateur, et une version remanie par Terry
Gilliam avant la sortie nord-amricaine, de 132 minutes. LEurope put voir en salle
le premier directors cut. Aujourdhui, le DVD zone 2 propose cette version, mais
ldition zone 1 de Critrion propose les deux montages de Terry Gilliam.
Curieusement, et cela est peut-tre du lindiffrence des majors amricaines pour
le public europen, plusieurs films sortent amputs en zone 2 alors que le
directors cut est disponible en zone 1 : lexemple dj cit de Vidodrome, on
peut ajouter Il tait une fois la rvolution (Giu la testa, Sergio Leone, 1971).
Sacrilge, ldition DVD zone 2 aujourdhui disponible est mutile, trahissant la
version dsabuse et nihiliste voulue par Leone, dcd en 1989. Celle-ci provient
dun master amricain tronqu, [baptis] A fistful of dynamite remont en 1996
dans une nouvelle version de deux heures vingt-sept, non supervise par Leone
[]. Reste une nouveaut absente de la copie europenne et bien prsente dans
cette dition : une citation de Mao sur la rvolution, insre ds le pr-gnrique
et censure par les distributeurs amricains en 1971, pour cause de guerre du
Vietnam 36. Terminons en voquant le cas de Pulsions (Dressed to kill, Brian De
Palma, 1980) : projet en France en version intgrale, il est commercialis en zone
2 en version tronque et la zone 1 propose les deux versions, intgrale et tronque.
3. Avnement de la tldiffusion
La frquentation en salles fut dans le pass le lieu naturel de lexistence des films ; il
nen va plus de mme aujourdhui o la frquentation des salles est en constante
diminution, cela depuis plusieurs dcennies. La frquentation a t divise par 3 en
France sur une priode de moins de 40 ans : le volume global des entres en salles
slevait 370 millions dentres en 1950, il ntait plus que de 259 millions en 1965,
puis de 181 millions en 1975 , de 175 millions en 1985 et de 132,5 millions en 1987,
etc.37 Ce phnomne nest pas propre la France. Sur cette mme priode, la
frquentation a connu une dperdition encore plus grave dans les pays voisins : division
par 5 en RFA, par 76, 5 en Italie, etc.38 Cette tendance, amorce dans les annes 60, se
36 Versions multiples ou directors cut , DVD Live, p. 33. 37 Ren Bonnell, La 25me image, d.1989, p.20. 38 op. cit. p.20.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
poursuit encore aujourdhui, comme lindiquent les chiffres de la frquentation en salles
en France sur les quelques annes prcdentes39 :
Et les annes qui suivent :
Les donnes recueillies par le CNC font apparatre que lhmorragie de spectateurs dans
les salles serait aujourdhui stoppe. On observerait mme une certaine croissance du
nombre dentres dans les salles depuis le milieu de lanne 1992, le nombre dentres
se stabilisant autour de 175 millions par an :
39 Les graphiques qui suivent sont tous emprunts Michel Thiollire et Jack Ralite, Exploitation cinmatographique : le spectacle est-il encore dans la salle ?, Rapport au Snat, Rapport dinformation n308 (2002-2003) - Commission des affaires culturelles ; Mission dinformation, Annexe au procs-verbal de la sance du 21 mai 2003, http://www.senat.fr/rap/r02-308/r02-3080.html [consult le 18 juin 2004]
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
Si le retour du public dans les salles est avr, la solidit de cette tendance nest peut-
tre pas, malgr les signes de confiance affichs par les professionnels du secteur40,
aussi assure que ne le disent certains. De tels propos semblent valoir autant comme
signaux dencouragement adresss un secteur sur le qui-vive que comme pronostic
objectif41.
Quoi quil en soit des estimations relatives au devenir de la frquentation des salles, qui
semble aux yeux de diffrents observateurs enraye grce aux efforts entrepris par les
distributeurs pour amliorer la qualit des conditions daccueil du public42, la baisse
historique des entres est une ralit incontournable. Elle sexplique par une raison
simple. Quand la tlvision a cess de constituer un gadget de luxe pour devenir un
quipement mobilier ordinaire (entre 1955 et 1960 selon les pays), les mnages moins
favoriss, qui constituaient la clientle la plus fidle des salles, se sont mis les
dserter, dune part pour amortir conomiquement et psychologiquement le prix des
40 Lhypothse dune baisse durable de la frquentation est, pour linstant, contredite par les chiffres observs depuis 4 mois. La frquentation est de nouveau en hausse, ce qui semble confirmer que la baisse tait avant tout conjoncturelle, et notamment lie loffre de films. Nous avons srement manqu en 2003 de quelques locomotives hollywoodiennes ou franaises supplmentaires, en particulier lors des 6 premiers mois de lanne. [2004 sera-t-elle une anne test cet gard ?] Oui. Si lon devait observer dans les mois venir une nouvelle baisse des entres, la thse structurelle reprendrait de la vigueur ! Mais, pour lheure, puisquon a observ dans beaucoup de pays une chute des entres similaire celle observe en France, jai plutt tendance y voir une affaire doffre. Interview de David Kessler au Film franais, dition du vendredi 27 fvrier 2004. Propos recueillis par Sophie Dacbert, Sarah Drouhaud et Fabrice Leclerc. Film Franais n 3039, consultable en ligne ladresse http://www.lefilmfrancais.com/270204/entretien.htm 41 Voir notamment les propos mesurs du rapport Ralite ce sujet. Le rapport pose lhypothse dune relation paradoxale entre le nombre de films diffuss la tlvision et le nombre dentres en salles et risque une question : le plafonnement du nombre de films diffuss sur le petit cran ne risque-t-il pas terme de favoriser un autre type de spectacle et leffacement progressif de la demande de cinma ? Rapport Ralite, op. cit. p.55. 42 Voir Olivier Bomsel (co-directeur du CERNA, matre de recherche l'cole des Mines de Paris) et Gilles Le Blanc (chercheur au CERNA), La numrisation de lindustrie du cinma, rapport final, mai 2002, CERNA, Centre dconomie industrielle, Ecole Nationale Suprieure des Mines de Paris, p.19 et 20 de la version pdf accessible ladresse :
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
rcepteurs, dautre part pour consommer avec plus dintensit ce qui demeure le
spectacle le plus populaire : le film43. Avec la couverture hertzienne du territoire par le
rseau de diffusion, llvation du taux dquipement en postes de tlvision,
lapparition du magntoscope la fin des annes 70 et laccroissement du nombre des
films diffuss la tlvision, ce sont les habitudes de consommation culturelle des
publics qui ont t modifies en profondeur. Lcran de tlvision sest progressivement
substitu lcran de la salle de cinma. Il est devenu le lieu-mme o les films seraient
dsormais hbergs pour la consommation du plus grand public.
Comme lindiquent les scores daudience, le passage unique dun film la tlvision
peut recueillir davantage de spectateurs que le film nen a eu lors de son passage sur les
crans44. La vie du film se poursuit lors dun passage la tlvision. Comment, ds lors,
les tlvisions, consommatrices avides de films, allaient-elles pouvoir soutenir une
production jusquici assise principalement sur les recettes dgages de la frquentation
en salles ?
43 Bonnell, op. cit. p.20. 44 Antoine Schwarz, La production audiovisuelle franaise et son environnement, Rapport tabli la demande du ministre de la culture et de la communication, dcembre 2003, p. 14. Rapport dcharg ladresse suivante : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000101/0000.pdf
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
3.1. La tlvision : du financement lcriture
Le dclin de la frquentation, dcrit dans les prcdents paragraphes, privait les
exploitants dun revenu que le compte de soutien45 ne pouvait suppler. Cette situation
appelait une raction qui est venue linitiative des pouvoirs publics. Le projet n de
cette initiative, dans les annes quatre-vingt, ne repose toutefois pas seulement sur la
considration de la baisse de la frquentation en salles. Il rsulte plus largement de la
considration de trois autres phnomnes : la tlvision est un soutien possible la
culture ; la tlvision sombre dans la diffusion triomphante de sries amricaines (le
feuilleton Dallas restera pour toute une gnration de tlspectateurs le symbole
inoubliable de cette tendance de la tlvision) ; le plan-cble de 1982 appelle la
cration de nouveaux programmes pour alimenter les futurs tuyaux 46. Les
orientations du projet consistaient rclamer une implication croissante des chanes de
tlvision dans la production des uvres cinmatographiques quelles consomment47
avec intensit. Cette intervention a ainsi dfini, en amont de la diffusion, une
redistribution des rles : les diffuseurs devenaient aussi des acteurs de la production.
Nous voudrions souligner ici le caractre ambivalent de cette solution dont les
consquences, envisages du point de vue de la faon dont les films sont traits
aujourdhui par ldition48, nous paraissent importantes.
Il ne fait pas de doute que les orientations mises en uvre par les dcisions des pouvoirs
publics ont eu un effet bnfique sur lconomie globale du cinma. Limplication des
chanes de tlvision dans le financement de la production a abond les caisses des
organismes de redistribution qui ont partag les recettes en direction de ceux qui
45 Le compte de soutien est un mcanisme institu aprs la libration et gr par le C.N.C. Son principe sapparente une pargne force de la profession cinmatographique pour lequel les recettes procures par les diffrents modes de diffusion des films sont restitues aux acteurs du march, de faon automatique ou slective, pour assurer le financement de leur activit. Jean-Pierre Leclerc, Rflexions sur le dispositif franais de soutien la production cinmatographique, rapport tabli la demande du ministre de la culture et de la communication, janvier 2003. Rapport dcharg ladresse suivante : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/leclerc/rapportleclerc.pdf 46 Rapport Schwarz, p. 32 47 Notons que la consommation des films la tlvision est aujourdhui en rgression au profit d uvres de cration , selon la terminologie des cahiers des charges qui encadrent la diffusion des programmes. Aprs avoir atteint 1108 en 1998, le nombre des films diffuss sur les chanes en clair est retomb 1032 en 2000. Cette diminution est pour une large part imputable France 2 qui diffusait 201 films en 1998 et nen diffusait plus que 154 en 2000, soit 1 de moins par semaine. . Rapport Schwarz, p. 28. Le CNC confirma ces observations : Les chanes nationales hertziennes ont diffus 1 384 uvres cinmatographiques en 2002, dont 70 % programms par les seules chanes en clair. La baisse du nombre de films amorce en 2000 saccentue en 2002. , Les films et les fictions la tlvision et en vido, CNC Info n287, p.5. Document consultable sur : http://www.lexception.org/IMG/doc/2_Films_Fiction_TV_video.doc 48 Nous ne prtendons pas entrer dans le dtail des procdures de collaboration entre les chanes, les producteurs et les ralisateurs. Nous renvoyons cet gard le lecteur aux travaux savants cits en bibliographie, ceux de Laurent Creton et de Ren Bonnell en loccurrence. Nous appuierons maintenant nos analyses sur les rapports de la Commission
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
connaissaient les plus importantes difficults, les salles et les producteurs. Ceci a
provoqu une mutation profonde des relations dans le circuit de la production des films.
Les vingt dernires annes ont vu, selon lanalyse de Marc Nicolas49, une rupture
majeure dans lhistoire conomique du cinma franais dont oublie parfois la radicalit.
Au dbut des annes 80, la tlvision ne finanait que trs marginalement le cinma,
pour moins de 10 %. Jamais lexistence dun film ne dpendait de la dcision dune
chane. Aujourdhui, la tlvision contribue au contraire pour une part trs forte dans le
financement du cinma en France. Lapport financier des chanes de tlvision na
cess de crotre depuis une vingtaine dannes, tant en valeur absolue que relative,
pour dpasser celle des producteurs de cinma eux-mmes (en France, depuis 1994).
Plus de 40% de linvestissement global de la production cinmatographique provient
des chanes de tlvision, dont les deux tiers des prachats et des productions directes
de Canal+ et de ses filiales. Cette mutation a t trs rapide, voire brutale, surtout si on
considre que pendant les 50 annes prcdentes, le modle tait plutt stable, avec
comme principaux financiers les distributeurs des films en salle 50. Il faut ainsi en
conclure au rle providentiel de la tlvision pour le cinma. Comme le dit Jean-Michel
Frodon51, la tlvision a sauv le cinma . Elle a apport au cinma des appuis qui
lui faisaient dfaut : sa puissance de production et de diffusion, sa diversit crative, son
ambition artistique et son poids industriel et financier. Et, ce faisant, la tlvision a
menac de contrler le cinma. Au cours du dernier quart de sicle, le cinma aura vcu
de la tlvision, avec la tlvision, contre la tlvision. Jamais il naura cess de sen
plaindre, et de vouloir sen diffrencier, jamais il naura cess non plus de sinquiter
la moindre vellit du petit cran de prendre ses distances avec le grand.
Or cest un fait que la tlvision a dune certaine faon phagocyt le cinma pour
imprimer aux objets dont elle participe la production la forme susceptible daugmenter
laudience lors du passage lantenne. La dmarche des chanes nest pas gouverne ni
par la philanthropie ni par une motivation artistique ; elle est avant tout gouverne par
un impratif conomiques. Avant mme de prtendre augmenter laudience, la liste tait
longue dj des manires dont le petit cran a modifi la perception du film. En-dehors
49 Marc Nicolas est directeur de la FEMIS. Les propos dont ces considrations ont t prononcs lors de la runion dun groupe de rflexion sur le cinma le 29 avril 2003. Extraits disponibles sur http://www.lexception.org/article70.html 50 Claude Forest, Largent du cinma, Introduction lconomie du septime art, Belin, coll. Sup, 2002, p. 67 51 Introduction aux dbats du sminaire annuel de lException : le cinma sans la tlvision, 25 juin 2003. Consult ladresse : http://www.lexception.org/article70.html
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
de la taille de lcran, elle-mme de toute faon dj variable en salles, cest dabord la
couleur que la tlvision a supprime (malgr elle, reconnaissons-le, au temps des
postes en noir et blanc) avant de lajouter afin de toucher un public plus large en ne
heurtant pas ses habitudes de consommation. Les semi-victoires que les diffuseurs
hertziens ont obtenues sur ce terrain52 par le pass nont pas connu de suite triomphante.
La modification des couleurs sonne comme le point de dpart dun liste
impressionnante de transformations dont luvre est accable en vue de passer la
tlvision : dimension des cadres, coupures publicitaires, acclration du dfilement,
superposition du logo de la chane, etc. Quel bilan tirer de cette relation entre le grand et
le petit cran ? Certains observateurs enthousiastes hier encore nhsitent pas
aujourdhui dnoncer lemprise de tlvision sur le cinma. Ils peroivent aujourdhui
une tendance chez les crateurs pratiquer lautocensure et faire preuve dune
vritable inhibition. La cause en serait le mcanisme de financement des films, cest--
dire ce qui tait dabord apparu comme la condition du redressement du cinma.
Aujourdhui, quasiment plus un film ne peut se faire sans lapport dune chane de
tlvision. Et pour avoir une chance dtre accept, un projet doit se conformer aux
normes et aux exigences des chanes, qui ne raisonnent pas en termes de cration et de
commerce cinmatographique mais en termes de march audiovisuel, de cases horaires,
de produits diffusables en prime time et susceptibles dattirer les annonceurs. Le
pouvoir des chanes est devenu tel quil simpose avec lallure de vritables diktats sur
le genre ou le contenu des films :
Ces diktats, on les connat. Pas de problmes de murs, rien qui
touche de prs ou de loin la politique en France. Et priorit
absolue au divertissement, avec droit de regard (fig) sur le
casting. A larrive de Nicolas Sarkozy au ministre de
lintrieur, Xavier Duringer a vu annuler un film adapt du livre
de Dominique Vasseur, ancien mdecin de la prison de Fresnes,
avec Emmanuelle Bart. "Tout est format, dit Herv Brard, de
la Socit des ralisateurs de films (SRF) : le casting, les sujets.
52 Il convient de parler de semi-victoire parce que, si les diffuseurs ont obtenu de certains ayant droit laccord pour la colorisation de leurs films (par exemple, La vache et le prisonnier, diffus coloris la tlvision en France), dautres lont refus et la justice leur a donn raison (Asphalt jungle, reste un exemple emblmatique de cette rsistance au formatage des uvres pour la tlvision. Voir en annexe les attendus du jugement rendu dans laffaire Asphalt jungle.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
Les scnaristes sont aux ordres." Auteur de Kirikou et la sorcire,
un dessin anim qui se passe en Afrique, Michel Ocelot a affront
des mois durant un fonctionnaire de France 3 qui voulait lui
imposer de mettre des soutiens-gorge aux indignes. "Les chanes
ne veulent pas des films, elles veulent des comdies et des
vnements mdiatiques, surenchrit Michle Halber-stadt,
productrice. Le prochain film dAlain Corneau, o Sylvie Testud
joue la mre dune petite fille qui ne parle pas, je vais le financer
sans elles." "Aujourdhui, dit Bertrand Tavernier, les deux tiers
de mes films, du Juge et lassassin LAppt en passant par Coup
de torchon, ne pourraient pas se faire. Pour celui que je viens de
tourner, Holy Lola, o lhrone va adopter un enfant au
Cambodge, on ma dit quIsabelle Carr ntait pas une actrice
prime time !" La tlvision fait inscrire ses menaces sur papier :
toute interdiction dcide par la commission de censure
compromettra financement et diffusion. La premire version du
premier film de Frdric Schoendoerffer, Scnes de crime, tait
interdite aux moins de 12 ans. La chane coproductrice la oblig
couper les scnes incrimines et repasser devant la
commission, afin dobtenir un "tous publics", sous peine de
rupture de son contrat. 53
Si ce jugement engag appelle la prudence, il apparat en tout cas que la tlvision sest
engage sur une voie particulire. Elle a dmultipli cette proprit qui a toujours
caractris le film comme un trait de sa nature essentielle54, savoir le fait dtre offert
au versionnage55.
53 Jean-Luc Douin, Les scnaristes enchanes par la tlvision, Le Monde, 12 mai 2004. 54 Voir larticle classique de Walter Benjamin, Luvre dart lpoque de sa reproductibilit technique, 55 Ce terme est employ au Canada pour dsigner lopration que nous appellerions doublage. Versionner une mission ou un film, cest le prsenter dans la langue du public cible.
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
3.2. Le versionnage
Selon les auteurs de ltude de lEcole des Mines56, le versionnage57 dsigne le fait
pour une uvre dexister non pas sous une forme unique mais sous forme de
multiples versions tirant parti des ressources offertes par lavance des
technologies successives. Cette proprit nest pas une nouveaut. Lindustrie du
spectacle est depuis toujours engage dans cette direction58, le film tant comme
par nature le produit dune industrie de prototypes versionnables 59. La
production, lexploitation et la diffusion sinscrivent dans un milieu pour lequel le
film est une marchandise. Selon cette perspective, la dimension spectaculaire ou
divertissante du film lemporte sur ses autres dimensions (pour choisir une
opposition binaire assez grossire, disons : la dimension artistique). Certains
critiqueront peut-tre cette orientation ; les autres rpondront juste titre que, nen
dplaise aux puristes, la frquentation des salles obscures relve moins de
considrations artistiques60 que dune demande imaginaire auquel le spectacle
participe pleinement. Ce qui apparat en tout cas, et nous ne pouvons nier quil
sagisse l dune ncessit conomique de premier ordre, cest une orientation qui
accentue ladaptation des conditions de production, ddition et dexploitation au
dsir lgitime du public, loi lmentaire du marketing : le public ne va pas la
marchandise, cest la marchandise qui va au devant du public pour susciter sa
demande.
En quel sens le DVD participe-t-il de cette logique ? Les auteurs de ltude de
lEcole des Mines soutiennent que le numrique introduit des changements
dampleur dont nous navons pas commenc de sentir tous les effets. Le plus
vident tient au fait que le DVD inaugure une nouvelle tape pour le
versionnage , une tape qualitative. La qualit du DVD permet dapprocher au
plus prs la qualit de largentique, cest--dire la qualit de limage telle quelle
est reproduite sur la pellicule. La qualit de limage inscrite sur le DVD dpasse
56 Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc, consult http://www.cerna.ensmp.fr/Documents/OB-GLB-Cinema-Rapport.pdf repris dans Le dernier tango argentique, le cinma face la numrisation, Les Presses de lEcole des Mines, coll. Sciences conomiques et sociales, 2002. 57 La caractristique majeure des filmsd e cinma est de connatre une exploitation versionne, autrement dit, [les films sont proposs] au spectateur dans des versions de qualits diffrentes portes par des supports diffrents. Op.cit. p. 6. 58 Voir les sections prcdentes I.1 et I.2. 59 Bomsel et Le Blanc, p. 9
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Partie 1 : la production cinmatographique : pourquoi plusieurs dun mme film ?
trs nettement celle que pouvaient offrir les images sur bande VHS et celles que
peuvent afficher les postes de tlvision. Couple un cran dordinateur, et,
mieux encore, un projecteur numrique, la lecture du DVD permet au spectateur
de vivre la maison les sensations de la salle de cinma. ct de cette dimension
individuelle, le DVD introduit la perspective dun nouvel quilibre de lconomie
de laudiovisuel. Aux Etats-Unis, la bascule est dj trs nettement favorable aux
vidogrammes61. Il est prvisible que la tendance apparaisse aussi sur le march
europen. Ce mouvement parat probable en Europe, notamment parce quil sera
promu par le secteur conomique de lquipement qui voit dans la promotion du
DVD un encouragement au renouvellement ou lachat par les mnages de biens
divers : tlvision, lecteur DVD, chane hi-fi, projecteur numrique, antennes de
rception satellites, etc. En retour, il est probable que les salles devront une
nouvelle fois accomplir des efforts, comme ce fut dj le cas avec le
dveloppement des multiplexes. Concurrences par la tlvisions et la vido, les
salles de cinma ont d rcemment mettre en uvre une stratgie de
diffrenciation 62. Celle-ci a permis doffrir au spectateur une utilit accrue ,
cest--dire une satisfaction suprieure procure par la consommation dun film
, imputable une meilleure qualit du service de base et ladjonction de services
complmentaires (les locaux, les -cts, les facilits de transport). Le
dveloppement du DVD conduira probablement terme une raction du mme
ordre.
60 R. Bonnell, La 25me image, I, II, p.33 40. 61 En 2000, lexploitation en salles aux Etats-Unis reprsentait 7,7 milliards de dollars, soit environ 8 fois plus quen France. La mme anne, les dpenses amricaines de VHS et DVD reprsentaient 20 milliards de dollars, soit 20 fois plus quen France. Bomsel et Le Blanc, p. 9 62 Bomsel et Le Blanc, p. 18
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Partie 2 : le DVD : aspects techniques
Partie 2 : Le DVD : aspects techniques
Sans prtendre faire uvre de technicien ni viser lexhaustivit, il parat ncessaire de
souligner en quel sens le DVD a pu orienter la production/diffusion vers la mise en
circulation de versions des films aussi diverses que celles qui intressent notre tude.
Plusieurs phnomnes mritent en effet dtre considrs. Nous le ferons selon trois
perspectives : le DVD comme support de stockage, le DVD comme support dun
contenu, le DVD comme moyen dun nouveau mdia (sil est vrai, nous lavons dj
observ63, que le DVD modifie les pratiques des spectateurs, il est vrai aussi que, en
retour, le DVD modle son contenu aux attentes du spectateur).
1. Un support de stockage
Le DVD fait son apparition en 1995. En dcembre de cette anne, les dix membres du
DVD Consortium runissant studios et fabricants dlectronique grand public,
saccordent sur les caractristiques de ce nouveau support. Leur accord signe lacte de
naissance du DVD, cest--dire le Digital Video Disc64, (disque vido numrique),
dfinition propose lorigine par certains des crateurs du DVD, ou Digital Versatile
Disc65 (disque numrique universel), dfinition gnralement adopte maintenant. la
base, le DVD est en quelque sorte un CD plus rapide, de plus grande capacit et capable
de contenir diffrents types de donnes. Son succs est rapide : il a dj remplac le
laserdisque, il est en bonne voie de remplacer la cassette VHS et il remplacera peut-tre
court terme le CD audio et le CD-ROM. Aucun produit lectronique grand public na
connu un tel succs. Six ans aprs ses dbuts commerciaux, on compte en 2003 plus de
250 millions de lecteurs DVD dans le monde (DVD de salon et dordinateurs), dont 6,5
millions de lecteurs en France (soit un taux dquipement de plus de 53%). Ce chiffre
reprsente dj plus de la moiti du nombre total de magntoscopes VHS en usage dans
le monde. Ajoutons quil se vend dsormais moins de VHS pr-enregistres que de
63 Voir partie prcdente, I.2. 64 TAYLOR, Jim, DVD demystified. 65 ZENATTI, Georges, Le DVD.
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Partie 2 : le DVD : aspects techniques
DVD Vido et nous comprendrons que le DVD est en passe de devenir le nouveau
standard pour les diteurs vido66.
La capacit de stockage des DVD, normalise par le DVD Forum67, dfinit plusieurs
formats et plusieurs capacits : DVD5 (4,7 Go), DVD9 (8,5Go), DVD10 (9,5 Go)68
Quel que soit le format utilis, le DVD offrira ordinairement une image de qualit
quasi-professionnelle et un son de qualit suprieure celle du CD, comme en tmoigne
le tableau synthtique suivant69 :
Limage contenue sur un DVD est dune qualit largement suprieure celle dune
cassette VHS. Mais puisque la qualit dune squence vido dpend de la quantit de
donnes qui lencodent, la capacit de stockage du DVD permet des compromis
variables entre la dure du programme offert et sa qualit. Au fil des progrs raliss
dans les dbits de donnes numriques, on voit la qualit des programmes progresser.
On observe aussi cependant que les diteurs proportionnent la qualit de leur objet
ditorial au profil dun public vis70. Certaines structures dsirant baisser les prix de
leurs ditions, on voit de plus en plus de DVD mal produits sans vritable rigueur.
66 Voir les donnes fournies par le CNC dans son bilan de lanne 2003. Voir aussi les deux rapports du CNC : Le contenu des DVD, oct. 2003 et Les Franais et la vido, dc. 2003. 67 The DVD Forum was founded in 1995 under the original name DVD Consortium. Site du DVD Forum ladresse: http://www.dvdforum.com/about-mission.htm 68 CAZABON, Marie-Rene (dir.), Le catalogage : mthodes et pratiques, Tome II, 5me Partie, p.551 et suiv. 69 SHARPLESS, Graham, DVD-Video : Format & Features, Deluxe global media services, July 2003, p. 15 ; voir ladresse suivante la documentation en ligne de ce fabricant de DVD : http://www.disctronics.co.uk/downloads/downloads_DVD.htm 70 Ce quun diteur de films du rpertoire admet sans peine. la question : La restauration est-elle diffrente selon si le film est destin une diffusion en salle ou pour le march du DVD ? , il rpond : Oui cest la destination qui dtermine les outils qui vont tre utiliss, type de scan par exemple, et qui fixe la qualit de la restauration. En gnral pour le march du DVD, ce sera plutt un nettoyage global et un transfert dimages, alors que pour une sortie en salle on cherchera vritablement retrouver la qualit originelle. Entretien avec Gilles Gaillard, Responsable du dpartement Cinma numrique de Mikros Image, ralis le 06/02/2004 . Voir le site de la BiFi, http://www.bifi.fr, ladresse : http://www2.bifi.fr/cineregards/article.asp?sp_ref=254&ref_sp_type=5&revue_ref=31
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