20150224-Motivation Jugement Tessier

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Cour d'Appel d'Aix-en-Provence Tribunal de Grande Instance de Marseille Jugement du : 7 4 / 0 2 / 7 0 1 5 lierne chambre correctionnelle section A COPIE A titre de renseignements MOTIVATION DU JUGEMENT CORRECTIONNEL du VINGT-QUATRE FÉVRIER DEUX MILLE QUINZE IN' parquet : 14177000305 Délibéré Prévenu : TEISSIER Guy Partie civile : MRAP 13 Sur l'action publique Monsieur Teissier ne conteste avoir tenus les propos visés à la prévention. Ils ont été rapportés par voie de presse et prononcés le 17 avril 2014 lors d'tm déplacement du prévenu, nouvellement élu à la présidence de communauté Marseille Provence, au centre de collecte des ordures ménagères d'Arenc. Selon les pièces versées au dossier par la partie civile, les déclarations de ce responsable politique et administratif ont suscité la colère d'un grand nombre d'associations et de personnalité. Une pétition a été lancée en pour réclamer la démission. U n collectif regroupant le MRAP et les leaders d'une cinquantaine d'associations et de formations politiques " s 'est regroupé pour l'attaquer en justice" (Article le Huffington post du 5 mai 2014). Toujours selon les documents remis au tribunal, Monsieur Teissier a exprimé ses regrets en reconnaissant "que l'expression n'était pas appropriée" et en recevant le 24 avril 2014 les représentants du Conseil représentatif des associations noires ( CRAN). Cette démarche, les explications fournies et la signature d'un communiqué commun ont conduit cette association a considéré " que l'affaire était close". Par citation directe du 19 juin 2014, le MRAP estime pour sa part que les propos incriminés , " clairement attentatoires à l'honneur et à la considération d'un groupe en raison d'une origine déterminée en l'occurrence l'origine africaine" sont constitutifs du délit de diffamation raciale ; les africains étant stigmatisés et "présentés comme des personnes mal éduquées qui ne respecteraient pas les règles de propreté". Le prévenu conclut à sa relaxe en estimant que le délit reproché " n 'est caractérisé ni dans ses éléments matériels, ni dans son élément moral". Il soutient notamment que le terme "s 'qfricanise ", dont il admet l'emploi malencontreux, qui fait référence non à une ethnie, à une

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jugement du délibéré affaire "Africanisation" Guy Teissier

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  • Cour d'Appel d'Aix-en-ProvenceTribunal de Grande Instance de MarseilleJugement du : 7 4 / 0 2 / 7 0 1 5lierne chambre correctionnelle section A

    COPIEA titre de renseignements

    MOTIVATION DU JUGEMENT CORRECTIONNELdu VINGT-QUATRE FVRIER DEUX MILLE QUINZE

    IN' parquet : 14177000305DlibrPrvenu : TEISSIER GuyPartie civile : MRAP 13

    Sur l'action publique

    Monsieur Teissier ne conteste avoir tenus les propos viss la prvention. Ils ont trapports par voie de presse et prononcs le 17 avril 2014 lors d'tm dplacement du prvenu,nouvellement lu la prsidence de communaut Marseille Provence, au centre de collecte desordures mnagres d'Arenc.

    Selon les pices verses au dossier par la partie civile, les dclarations de ce responsablepolitique et administratif ont suscit la colre d'un grand nombre d'associations et depersonnalit. Une ptition a t lance en pour rclamer la dmission. Un collectif regroupantle MRAP et les leaders d'une cinquantaine d'associations et de formations politiques " s 'estregroup pour l'attaquer en justice" (Article le Huffington post du 5 mai 2014).

    Toujours selon les documents remis au tribunal, Monsieur Teissier a exprim ses regretsen reconnaissant "que l'expression n'tait pas approprie" et en recevant le 24 avril 2014 lesreprsentants du Conseil reprsentatif des associations noires ( CRAN). Cette dmarche, lesexplications fournies et la signature d'un communiqu commun ont conduit cette association aconsidr " que l'affaire tait close".

    Par citation directe du 19 juin 2014, le MRAP estime pour sa part que les proposincrimins , " clairement attentatoires l'honneur et la considration d'un groupe en raisond'une origine dtermine en l'occurrence l'origine africaine" sont constitutifs du dlit dediffamation raciale ; les africains tant stigmatiss et "prsents comme des personnes malduques qui ne respecteraient pas les rgles de propret".

    Le prvenu conclut sa relaxe en estimant que le dlit reproch " n 'est caractris nidans ses lments matriels, ni dans son lment moral". Il soutient notamment que le terme"s 'qfricanise ", dont il admet l'emploi malencontreux, qui fait rfrence non une ethnie, une

  • race ou une religion mais un continent et donc un lieu gographique" est beaucoup trop vasteet gnrique" pour viser une des catgories de personnes protges au sens de l'article 32 alina2 de la loi du 29 juillet 1881.

    Monsieur Teissier souligne galement " que les auteurs des incivilits [ dnoncs par luidevant les agents chargs du nettoiement] ne sont pas des personnes d'origine africaine maisdes ressortissants franais qualifis de compatriotes ou de gens du midi".

    Il est de fait, la lecture des dclarations verbales relates par les journaux " laProvence", "La Marseillaise" et par le site internet " Marsactu " que le prvenu dnonce etfustige en premier lieu " certains compatriotes qui doivent changer leurs gestes et ne plus jeterles dchets par terre" I l voque ensuite la ncessit " de trouver ensemble des moyenspdagogiques pour viter que certains comportement ne s'africanisent " I l ajoute enfin, selonl'un des comptes rendus de presse que " ce n'est pas parce qu'on est des gens du midi qu , fautqu'on s'africanise On doit avoir un comportement normal dans notre socit".

    Ces propos, l'emporte pice, ont lgitimement mu et donn lieu dbats, critiques etpolmiques. Ils relvent d'un ethnocentrisme primaire et d'une caricature intellectuelle, ce quipeut d'autant plus surprendre qu'ils manent d'un lu de premier plan.

    Pour autant, il est constant d'une part que le droit pnal est d'interprtation stricte etd'autre part que la loi du 29 juillet 1881 est destine protger la libert d'expression, vertucardinale de toute socit dmocratique.

    L'article 32 de ce texte incrimine la diffamation publique commise envers une personneou une groupe de personne en raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance une ethnie, une nation, une race ou une religion. La formulation critique qui renvoie unespace gographique, culturel et social mais aussi un continent compos de 54 tats, peupld'un milliard d'habitants, d'ethnies, d'origines, de races ou de religions diffrentes est tropimprcise ou indtermine, trop gnrale ou gnrique pour entrer dans les prvisions du textesusvis.

    Evoquer , par exemple et mme prcisment, propos de la violence, des comportementsqui "s'amricanisent" ou propos de la corruption, des comportements qui se "sud-amricanisent" ne permettrait pas de caractriser l'imputation de faits donns un groupedtermin de personnes.

    Il est de mme en dfinitive des propos tenus par Monsieur Teissier. Ce dernier sera enconsquence relax des fins de la poursuite.

    L'action pnale introduite par la partie civile n'apparaissant toutefois pas abusive au sensde l'article 472 du code de procdure pnale, Monsieur Teissier sera dbout de la demande dedommages et intrts ( 4-000 C) prsente sur le fondement de ce texte

    Sur l'action civile

    La constitution de partie civile du MRAP 13 est rgulire en la forme et sera dclarerecevable.

  • En l'tat de la relaxe prononce, cette association sera toutefois dbout de l'ensemblede ses prtendions tendant obtenir l'octroi de 10 000 E titre de dommages et intrts et 5000

    au titre des frais irrptibles.

    Par ces motifs

    Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement l'gardde TEISSIER Guy, du MRAP 13 et MEKHRELOUF Horiya,

    RELAXE Monsieur Guy TEISSIER des fins de la poursuite

    DIT n'y avoir lieu l'application de l'article 472 du code de procdure pnale

    REOIT la constitution de partie civile du MRAP 13

    DBOUTE cette association, en l'tat de la relaxe prononce, de l'ensemble des sesprtentions.