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10 TRAITEMENT LOCAL DES PLAIES DU PIED DIABÉTIQUE INTRODUCTION La cicatrisation des plaies du pied diabétique à risque est réputée complexe, longue et difficile à obtenir. La complexité dans le traitement local des plaies du pied diabétique réside dans les différentes causes de chronicité de ces plaies. Cette chronicité est souvent expliquée par de nombreux phénomènes tels que l’immunodépression des diabétiques, la micro-angiopathie au niveau des pieds, la dénutrition, l’hyperglycémie mal contrôlée, la susceptibilité particulière aux infections par altération de la fonction des polynucléaires neutrophiles. La pratique quotidienne est beaucoup plus simple et la triade étiologique à rechercher en premier est la suivante (figure 10.1 page suivante) : – artériopathie oblitérante des membres inférieurs avec ischémie à évaluer; – présence d’une ostéite sous-jacente à la plaie; – absence d’observance pour la décharge des plaies. Cette démarche est un préalable à tout raisonnement concernant le traitement local qui pratiqué isolément aboutit à un échec programmé. L’approche multi- disciplinaire du traitement de la plaie est nécessaire et place le pansement après les autres aspects du traitement : décharge stricte de la plaie, débride- ment éventuel, contrôle de l’infection si elle s’avère présente cliniquement et vérification de la bonne vascularisation du pied. La classification de l’université du Texas est utile pour grader le type de plaie. Elle tient compte de la profondeur de la plaie de l’infection et de l’ischémie et permet de prédire le pronostic notamment sur le risque d’amputation (tableau 11.I). La preuve scientifique de l’efficacité des pansements n’est pas étayée par des études de qualité. Elles sont soit faites chez l’animal ou comportent des groupes de patients de petite taille, avec des résultats non significatifs statisti- quement, qui ne permettent pas de trancher en faveur d’un pansement par rapport à un autre. Un autre problème est le coût exorbitant du traitement des plaies chroniques (en 1997, 80 millions de dollars en Grande-Bretagne) avec des pansements qui sont parfois très chers sans avoir d’efficacité prouvée. Les pansements ont classiquement pour rôle de garder les plaies propres et à l’abri de toute contamination tout en favorisant la cicatrisation. Ils peuvent être absorbants pour les exsudats et si possible doivent être non adhérents et non toxiques.

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10 TRAITEMENT LOCALDES PLAIESDU PIED DIABÉTIQUE

INTRODUCTION

La cicatrisation des plaies du pied diabétique à risque est réputée complexe,longue et difficile à obtenir. La complexité dans le traitement local des plaiesdu pied diabétique réside dans les différentes causes de chronicité de cesplaies. Cette chronicité est souvent expliquée par de nombreux phénomènestels que l’immunodépression des diabétiques, la micro-angiopathie au niveaudes pieds, la dénutrition, l’hyperglycémie mal contrôlée, la susceptibilitéparticulière aux infections par altération de la fonction des polynucléairesneutrophiles. La pratique quotidienne est beaucoup plus simple et la triadeétiologique à rechercher en premier est la suivante (figure 10.1 pagesuivante) :

– artériopathie oblitérante des membres inférieurs avec ischémie à évaluer;

– présence d’une ostéite sous-jacente à la plaie;

– absence d’observance pour la décharge des plaies.Cette démarche est un préalable à tout raisonnement concernant le traitementlocal qui pratiqué isolément aboutit à un échec programmé. L’approche multi-disciplinaire du traitement de la plaie est nécessaire et place le pansementaprès les autres aspects du traitement : décharge stricte de la plaie, débride-ment éventuel, contrôle de l’infection si elle s’avère présente cliniquement etvérification de la bonne vascularisation du pied.

La classification de l’université du Texas est utile pour grader le type de plaie.Elle tient compte de la profondeur de la plaie de l’infection et de l’ischémie etpermet de prédire le pronostic notamment sur le risque d’amputation(tableau 11.I).

La preuve scientifique de l’efficacité des pansements n’est pas étayée par desétudes de qualité. Elles sont soit faites chez l’animal ou comportent desgroupes de patients de petite taille, avec des résultats non significatifs statisti-quement, qui ne permettent pas de trancher en faveur d’un pansement parrapport à un autre.

Un autre problème est le coût exorbitant du traitement des plaies chroniques(en 1997, 80 millions de dollars en Grande-Bretagne) avec des pansements quisont parfois très chers sans avoir d’efficacité prouvée.

Les pansements ont classiquement pour rôle de garder les plaies propres et àl’abri de toute contamination tout en favorisant la cicatrisation. Ils peuventêtre absorbants pour les exsudats et si possible doivent être non adhérents etnon toxiques.

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116 Traitement local des plaies du pied diabétique

Dans le cadre du pied diabétique, les pansements doivent d’abord ne pasaggraver la plaie et pour y parvenir, il importe de bien différencier les plaiesischémiques des plaies neuropathiques non ischémiques.

PRINCIPES DU TRAITEMENT LOCAL DES PLAIESDU PIED DIABÉTIQUE

Avant toute décision sur le type de pansement à utiliser les principes suivantssont à respecter :

– explorer systématiquement la plaie avec un stylet boutonné métalliquestérile à la recherche de la profondeur de la plaie et d’un contact osseuxrugueux faisant suspecter une ostéite;– débridement de toute plaie infectée neuropathique ou ischémique (sauf si laplaie est sèche, non infectée et très ischémique). Le débridement sera d’autantplus agressif que la vascularisation du pied est bonne.

Une nécrose sèche non inflammatoire est à respecter : décharge (et non pasmarche pour améliorer hypothétiquement la circulation), assèchement parcompresse imbibée de Bétadine dermique ou de fluorescéine aqueuse à 1 %,aboutissant à la momification.

Ostéite Décharge= 0

Ischémie

Plaiechronique

du pieddiabétique

Figure 10.1. Triade étiologique des plaies chroniques du pied diabétique.

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Différents types de traitements locaux 117

Identifier l’infection cliniquement et faire un prélèvement profond par cure-tage et envoi du produit de curetage sur un écouvillon au laboratoire debactériologie dans les meilleurs délais.

Mècher ou drainer par lames les collections ou fistules.

Absorber l’exsudat car il est source d’infection, en sachant que l’exsudatprovient souvent de la persistance de l’appui sur la plaie, qu’il faut recherchersystématiquement, et que le traitement de l’exsudat sera assuré au mieux parla décharge de la plaie.

Ne pas sous-estimer la gravité potentielle de la présence de douleurs de laplaie dont l’origine doit être trouvée : infection sous-jacente à une hyperkéra-tose, collection purulente même sur pied ischémique. Ne pas hésiter à utiliserla lidocaïne injectable autour de la plaie pour réaliser un débridement sur uneplaie douloureuse, car les traitements généraux de la douleur même depalier III sont peu efficaces. L’inhalation de Kalinox, le gel de lidocaïne à25 % local ou l’Emla sont d’autres moyens antalgiques. La détersion et ledébridement sont des facteurs d’amélioration ou de prévention de l’aggrava-tion de l’infection des plaies.

À ne pas utiliser en dehors de cas très particuliers :

– les antibiotiques locaux;– les pansements imprégnés d’antibiotiques, d’antiseptiques, de baume duPérou;– l’Éosine qui masque l’inflammation;– les antiseptiques au long cours sur les plaies chroniques;– les hydrocolloïdes et hydrocellulaires sur les plaies ischémiques;– le sparadrap sur la peau d’un pied diabétique à risque.

DIFFÉRENTS TYPES DE TRAITEMENTS LOCAUX

Pansements à l’argent

L’argent est un antiseptique local qui entre actuellement dans la compositionde beaucoup de classes de pansements (tulle imprégné de sulfadiazine argen-tique, hydrocolloïdes, hydrocellulaires, hydrofibres, charbon, acidehyaluronique…). Ils présentent une activité bactéricide sur certains germescomme le staphylocoque doré et le pyocyanique.

Il n’y a pas d’études ayant fait la preuve que les pansements chargés en argentapportent un bénéfice dans les plaies infectées. Aucune résistance bactériennen’a été trouvée cliniquement bien que cela soit possible en théorie. Leur utili-sation dans les plaies chroniques ne se conçoit que sur de courtes périodes.

Pansements iodés

L’iode est un antiseptique très ancien. Il entre dans la composition de la Béta-dine solution moussante, dermique ou en gel, ou du Bétadine tulle.

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La Bétadine est utilisée en forme de gel ou de solution dermique oumoussante : elle a été peu étudiée dans le pied diabétique sauf une étude decoût qui a montré un bénéfice de cadexomer iodé par rapport à un traitementstandard. Elle peut être éventuellement être utilisée dans la phase aiguë d’uneplaie infectée mais pas au long cours dans les plaies chroniques (risquesd’intolérance cutanée, risque de dysfonctionnement thyroïdien potentiel?).

Fluorescéine aqueuse à 1 %

C’est un simple colorant, peu antiseptique.

Elle sert à sécher les plaies nécrotiques dans le but de les momifier.

Elle a l’avantage d’être jaune, soluble dans l’eau et de ne pas masquerl’inflammation comme l’Éosine.

Pansements interfaces

Seuls les tulles ou interfaces (à mailles plus réduites) neutres, non chargés ensubstances associées (antibiotique, iode, antiseptique… car allergies, sélectionde germes résistants) doivent être utilisés. Leur composition est faite de tricotde viscose ou gaze de coton imprégnés de paraffine ou de vaseline (Adaptic,Jelonet Plus, Jelonet) ou autre substance grasse neutre hypoallergénique. Ilpeut s’agir également d’une trame de polyester imprégnée de particulesd’hydrocolloïdes et de vaseline (lipidocolloïdes type Urgotul et Physiotul).

Leur mode d’action est d’éviter le dessèchement de la plaie. Ces pansementssont peu absorbants, neutres et non adhérents sauf les tulles. Cela en fait unexcellent modèle de tolérance cutanée et parfaitement indiqué, par leur inno-cuité, aux plaies du pied diabétique à toutes les phases de la cicatrisation. Ilssont remboursés par la Sécurité sociale (SS).

En cas d’hyperbourgeonnement, ils peuvent être utilisés en mélange avec unepommade corticoïde.

Pansements hydrocolloïdes

Pansements composés essentiellement d’un polymère absorbant, le carboxy-méthylcellulose (CMC).

Ce sont des pansements occlusifs qui entraînent un environnement humide aucontact de la plaie propice au bourgeonnement. Il se forme un gel colloïdal àla surface de la plaie qui maintient un milieu humide et respecte l’écosystèmebactérien. Leur usage dans les plaies du pied diabétique est très controversé.Une contre-indication assez évidente est la plaie sur pied ischémique, surtoutà cause de l’exsudat qui est très agressif pour la peau périlésionnelle avecégalement un risque d’eczéma. Dans les plaies cliniquement infectées, laprudence veut aussi de ne pas les utiliser.

Ils sont remboursés par la SS.

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Pansements hydrocellulaires

Ce sont des pansements occlusifs absorbants sous forme de mousse de polyu-réthane, dont les contre-indications sont néanmoins les mêmes que celles deshydrocolloïdes dans le traitement local des plaies du pied diabétique.

Ils sont remboursés par la SS.

Hydrofibres

Ce sont des pansements composés de plus de 50 % de fibres non tissées deCMC pure. Ils sont absorbants en formant un gel cohésif au contact del’exsudat. Ils créent un milieu humide en contrôlant l’excès de liquide. Lesformes existantes sont les mèches et les compresses. Ils nécessitent un panse-ment secondaire : compresses, préférables aux hydrocolloïdes ouhydrocellulaires dans le cas du pied diabétique. Il ne faut pas oublier qu’endehors de la phase aiguë avec infection sévère, une plaie de pied diabétiquetrès exsudative est une plaie sur laquelle le patient appuie. Ces pansementssont bien supportés par les pieds diabétiques à risque.

Ils sont remboursés par la SS.

Pansements alginates

Ce sont des polymères naturels obtenus à partir d’algues marines brunes. Pourappartenir à cette famille thérapeutique, ce type de pansement doit contenirplus de 50 % d’alginates associés ou non à de la CMC.

Ils ont un fort pouvoir d’absorption (25 fois le volume de la compresse). Ilsont également un effet hémostatique et de fixation des germes avec diminutiondes germes de la plaie.

Leurs indications dans le pied diabétique est la plaie exsudative au stade dedétersion ou de bourgeonnement ou d’infection.

Le changement de pansement dépend de la quantité d’exsudat : quotidiens enphase de détersion, tous les 2 ou 3 jours en phase de granulation. Si le retraitest difficile, c’est que la plaie n’est pas assez exsudative pour justifier l’utilisa-tion d’un alginate.

Ce type de pansement peut être utilisé dans le cadre d’une plaie infectée exsu-dative du pied diabétique.

Ils sont remboursés par la SS, associés ou non à de la CMC.

Pansements hydrogels

Ce sont des gels contenant plus de 50 % dans une matrice de polyéthylène,agarose ou polyacrylamide.

Ils ont pour fonction l’hydratation des plaies. Ils existent sous forme decompresses, de plaques ou de tube de gel.

Ils sont indiqués pour la phase de détersion et les plaies peu exsudatives aveczones de nécrose ou de fibrine sèches. Il faut veiller à ne pas utiliser un panse-

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ment secondaire absorbant (compresse ou pansement absorbant) mais plutôtun pansement interface. Il existe une contre-indication en cas d’insuffisancerénale sévère.

Ils sont remboursés par la SS.

En pratique, dans le cas de plaie du pied diabétique, la détersion gagne énor-mément à être réalisée mécaniquement par une curette ou un bistouri avecutilisation secondaire d’hydrogel associé.

Pansements à base d’acide hyaluronique

L’acide hyaluronique est naturellement présent dans l’organisme et est associéà la réparation tissulaire. Il a été examiné (Hyaff et Hyalofill) dans les plaies dupied diabétique mais dans des études comportant un trop petit nombre depatients pour pouvoir conclure statistiquement.

Seuls l’Effidia et le Ialuset sont remboursés par la SS.

Thérapeutique par pression négative :Vacuum Assisted Closure (VAC) (figure 10.2A et B)

Cette thérapeutique par pression négative agit par application locale d’unepression négative (sous-atmosphérique) au travers de la surface de la plaiegrâce à une structure spongieuse. Cette technique simple consiste à mettre en

Figure 10.2. A. Plaie étendue au stade bourgeonnant. B. Traitement local par VAC.

A B

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place dans la plaie un bloc de mousse réticulée rendue étanche par un filmadhésif transparent et d’appliquer une force d’aspiration (pression négative de125 mm Hg en moyenne) grâce à une tubulure placée sur la mousse. Le videainsi créé apporte alors un effet bénéfique à la plaie par l’intermédiaire dedifférents mécanismes :

– préservation d’un milieu humide et tiède;– drainage des sérosités et réduction de la charge bactérienne;– mobilisation du liquide interstitiel (décompression tissulaire);– stimulation des facteurs de croissance et de défense;– amélioration de la circulation sanguine, perfusion dermique et répartitionvasculaire;– stimulation du processus de néoangiogénèse;– contrainte mécanique (effet centripète et expansion tissulaire inverse);– stimulation du tissu de granulation.

Indications

Le tissu de granulation induit permet le comblement des grosses pertes desubstance dont la détersion a déjà été bien avancée sur les plaies neuropathi-ques ou ischémiques revascularisées. Cette technique permet une réduction del’œdème et, si l’indication est bien posée, favorise le développement du tissude granulation de façon spectaculaire en quelques jours. Le VAC ne doit pasêtre utilisé comme un moyen de détersion. Celle-ci doit être réalisée si néces-saire au changement de la mousse par un moyen mécanique (curette oubistouri).

Contre-indications

– Présence de tissu nécrotique adhérent;– présence de plus de 50 % de fibrine;– ostéomyélite non traitée par antibiothérapie;– présence de vaisseaux et organes exposés;– plaies ischémiques;– absence d’amélioration dans les 5 à 8 jours suivant le début du traitement.

Facteurs de croissance

La bécaplermine (Regranex) est un facteur de croissance de synthèse (pargénie génétique) se présentant sous forme de gel (non stérile, concentration à0,01 %, tube de 15 g, à utiliser dans les 6 semaines après ouverture du tube). Ila l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement des mauxperforants plantaires neuropathiques chez le diabétique, de 5 cm2 maximum.C’est un traitement très coûteux : 357,83 € le tube de 15 g, remboursé par laSécurité sociale comme médicament d’exception. Il ne doit être utiliséqu’avec une décharge très stricte et jamais en première intention.

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Autres pansements

Le Promogran est un pansement qui empêche la dégradation des facteurs decroissance par son effet antiprotéase. Les études sur les plaies du pied diabétiquen’ont pas montré de différence significative par rapport à un traitement standard.

Équivalents de peau

Des cultures de fibroblastes humains (Grafskin, Dermagraft) ont été étudiéesdans la cicatrisation du pied diabétique. Leur coût très élevé et leur difficultéd’utilisation pratique les rendent difficilement utilisables actuellement.

Traitement par larvothérapie

La détersion par des asticots élevés en milieu stérile a été utilisée sur les plaiesdu pied diabétique. Pour des raisons de coût et de tolérance psychologique, cetraitement est peu utilisé en France.

TRAITEMENT LOCAL D’UNE PLAIE NEUROPATHIQUE DU PIED DIABÉTIQUE

C’est le classique mal perforant plantaire (cf. figure 4.5, p. 26 et figure 8.9,p. 92) :

– nettoyage sérum physiologique;– recherche de contact osseux;– débridement à la curette ou au bistouri ou pince convexe de l’hyperkératosejusqu’au saignement;– application d’un pansement interface;– compresses stériles;– bande Nylex prenant la cheville;– adhésif sur la bande plutôt que sur la peau;– vérification de l’observance de la décharge de la plaie;– humidification des compresses lors de l’ablation du pansement.

TRAITEMENT LOCAL D’UNE PLAIENEURO-ISCHÉMIQUE OU ISCHÉMIQUE

Au stade de nécrose : il faut tenter d’assécher une nécrose humide et exciserune nécrose si elle est douloureuse et inflammatoire (figure 10.3).

Au stade fibrineux : détersion mécanique par curette ou bistouri.

En cas de douleurs, un traitement antalgique sera entrepris :

– anesthésie locale par lidocaïne locale gel 25 % ou Emla à laisser en placeune heure avant la détersion;

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Traitement local d’une plaie neuro-ischémique ou ischémique 123

– inhalation de MEOPA (Kalinox) mélange d’oxygène et de protoxyded’azote (figure 10.4).

En cas de douleurs majeures, même les antalgiques majeurs de palier III sontpeu efficaces : ne pas hésiter à utiliser l’anesthésie locale par injection sous-cutanée autour de la plaie de lidocaïne à 2 % (figure 10.5). En effet, la plaie estdouloureuse en raison d’une inflammation témoin d’une infection et le débri-dement est nécessaire pour traiter l’infection et diminuer les douleurs. Cegeste d’urgence peut faire gagner du temps avant un geste chirurgical de miseà plat, le plus conservateur possible.

Sèche Humide

NÉCROSE

Inflammatoire

Décharge et limiterla marche

Fluorescéineaqueuse 1 %Momification

Sécher avecfluorescéineaqueuse 1 %

Antibiothérapiegénérale adaptée

Décharge etlimiter la marche

Débridementmécanique urgentDécharge et limiter

marcheAntibiothérapie

adaptée

Figure 10.3. Traitement local de la nécrose.

Figure 10.4. Soin local avec anesthésie par inhalation de protoxyde d’azote.

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124 Traitement local des plaies du pied diabétique

Utiliser une interface dans la plupart des cas ou un alginate en cas de persis-tance d’un exsudat même avec une décharge bien faite :

– compresses stériles;– bande Velpeau (moins agressive que Nylex) prenant la cheville;– adhésif sur la bande et jamais sur une peau ischémique.

CONCLUSION

Le traitement local fait partie du traitement multifactoriel des plaies du pieddiabétique.

Peu d’études ont montré la supériorité d’un traitement local dans le pieddiabétique.

Il est conseillé d’utiliser des pansements simples type interface (ou un alginateen cas d’exsudat) et de privilégier une approche multidisciplinaire de la plaieprenant notamment en compte la triade : observance de la décharge stricte,bonne vascularisation du pied et absence d’atteinte osseuse sous-jacente à laplaie pour expliquer un retard de cicatrisation.

La détersion mécanique sera privilégiée, ce qui nécessite une bonne formationpratique de l’infirmier(ère) mais est plus efficace et plus rapide que les panse-ments effectuant cette détersion. L’anesthésie locale est absolument nécessaireen cas de plaie douloureuse et inflammatoire car le risque d’aggravation etd’infection est important en l’absence de détersion.

Le type de traitement local est aussi multidisciplinaire et ne se cantonne passeulement au type de pansement : le médecin ou le chirurgien ne doivent paslaisser l’infirmier(ère) prendre en charge sans bilan et sans indications ce trai-tement qui peut aussi nécessiter des gestes médicaux de débridement large oude détersion.

Figure 10.5. Anesthésie locale par injection de lidocaïne autour de la plaie doulou-reuse à débrider.

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Conclusion 125

CONSEILS : TRAITEMENT LOCAL DES PLAIES DU PIED DIABÉTIQUE

À RETENIR

La triade décharge, ischémie, ostéite est à évaluer avant d’envisager letraitement local.Détersion mécanique beaucoup plus efficace que les pansements détersifs.Si douleurs, explorer la plaie avec anesthésie locale qui peut aller jusqu’àl’injection de lidocaïne autour de la plaie.Les interfaces sont les pansements de base en raison de leur innocuité.Les alginates ou les hydrofibres peuvent être utilisés en cas de plaieexsudative.Hydrocolloïdes et hydrocellulaires uniquement sur des plaies neuropathi-ques non infectées correctement mises en décharge.Le VAC est un moyen très efficace de comblement de grosse perte de subs-tance si le lit de la plaie a bénéficié d’une bonne détersion et en l’absenced’ischémie.Une des rares études de qualité du traitement local (par bécaplermine,facteur de croissance) des maux perforants plantaires du diabétique, donneun taux de cicatrisation moitié moins bon et une durée de cicatrisationtriple par rapport au traitement par plâtre de contact total sans pansement.Attention à la peau périlésionnelle.En cas d’ongle proche de la plaie : excision ou ablation de l’ongleindispensable.Limiter la marche : notamment, aucune preuve que la marche améliore lacicatrisation d’une plaie du pied en cas d’AOMI.Patience en cas de plaie ischémique, chez un patient hémodialysé ouayant une greffe d’organe, car ce sont ces complications qui sont les véri-tables obstacles à la cicatrisation du pied diabétique.Vérifier l’observance à la décharge à chaque consultation.

ERREURS À NE PAS FAIRE

Utiliser les pansements sans tenir compte du stade de cicatrisation (déter-sion, bourgeonnement, épithélialisation).Ne pas rechercher la profondeur de la plaie et un contact osseux à chaqueexamen de la plaie.N’apprécier la gravité que par la surface et l’aspect non inflammatoire trèsfréquent en cas de plaie sur pied diabétique à risque.Ne pas faire la différence entre une plaie sur pied neuropathique et unpied neuro-ischémique ou ischémique pour le traitement local.Attention au miroir aux alouettes des pansements « miracles ». La prise encharge de la plaie est globale et le pansement ne représente pas une partprépondérante du traitement.Utiliser les derniers pansements sans aucune preuve scientifique de leurefficacité : les pansements sont des dispositifs médicaux non soumis auxrègles strictes des médicaments pour leur mise sur le marché.Attribuer une lenteur de cicatrisation au seul fait que le patient estdiabétique.

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126 Traitement local des plaies du pied diabétique

Changer de type de pansement à cause de la lenteur de cicatrisation sansréévaluer les 3 principales causes à éliminer : décharge?, artériopathie?,ostéite?

Sous-estimer l’effet de l’absence de décharge sur l’évolution de la cicatri-sation par exemple une plaie chronique exsudative est fortement suspected’être liée à l’appui sur la plaie (pas d’écoulement quand le patient est endécharge stricte par botte en résine fenêtrée).

Ne pas donner un temps de cicatrisation approximatif au patient en fonc-tion des données du bilan global de la plaie et du traitement réalisé.

Ne pas traiter efficacement la douleur lors du pansement à la phase dedétersion en cas de plaie ischémique ou neuro-ischémique infectée néces-sitant une détersion mécanique urgente.

Ne pas tenir compte de l’indolence de la plaie qui entraîne une sous-esti-mation de la gravité par les patients.

Considérer que toutes les plaies sont infectées et faire des prélèvementsbactériologiques systématiques.

Mettre une antibiothérapie par voie générale systématique.

Sous-estimer la réelle excellente capacité de cicatrisation des pieds neuro-pathiques mêmes infectés et prendre trop rapidement une décisiond’amputation.

Utiliser des antibiotiques locaux ou des antiseptiques au long cours surune plaie chronique.

Utiliser des colorants rouges type Éosine.

Utiliser des hydrocolloïdes sur toutes les plaies du pied diabétique.

Ne pas explorer cliniquement la profondeur de la plaie à la recherche d’uncontact osseux.

Utiliser le VAC comme moyen de détersion.

Ne pas donner un pronostic de durée de cicatrisation en fonction du bilancomplet de la plaie.

Ne pas vérifier l’observance de la décharge, notamment la nuit ou sur despetits parcours en intérieur.

Ne pas donner « une carte d’identité » à cette plaie chronique (artériopa-thie, ostéite, infection authentique?) en n’utilisant pas la classification UT(université du Texas).

Considérer qu’une plaie chronique avec artériopathie diabétique ne cica-trisant pas au long cours est une indication d’amputation. La patience estnécessaire pour les patients mais aussi pour les thérapeutes +++.

Pratiquer des greffes de peau en zone portante sur un pied neuropathique.

PIÈGES

Tout ce qui est noir n’est pas de la nécrose (hématomes) (figure 10.6).

Nécrose authentique = AOMI sauf hypodermite nécrosante (atteinte desvaisseaux de l’hypoderme d’origine infectieuse possible également sur unpied neuropathique).

Exsudat = appui car pas d’exsudat sous plâtre.

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Conclusion 127

Figure 10.6. Suffusion hémorragique sous un durillon.

Parfois peu d’inflammation, surface minime mais plaie très profonde :exploration systématique par un stylet boutonné métallique stérile à larecherche d’un contact osseux.

Examiner les deux pieds +++.

Suintement au niveau d’un ongle = plaie sous-unguéale = ablation del’ongle = facile car ongle décollé.

Si douleurs ++ : collection sous nécrose ou sous kératose à ouvrir systéma-tiquement en urgence.