2 ARMAC S PUBLICSS - Le Tarmac - la scène … · des jeux d’ombre et de lumière, quelques...

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SPECTACLES JEUNES PUBLICS LE CARNET DU TARMAC Tél. 01 43 64 80 80 www.letarmac.fr 159 av. Gambetta 75020 Paris n °  2

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SPECTACLES

JEUNES PUBLICSLE CARNET DU TARMAC

Tél. 01 43 64 80 80

www.letarmac.fr

159 av. Gambetta

75020 Paris

n° 2

LES SOLEILS PÂLES

MONSIEUR, BLANCHETTE ET LE LOUP

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ÉDiToPourquoi des spectacles pour les plus jeunes ?

Dans  une  lettre  ouverte  au  Conseil  Européen  en  1999,  Yehudi  Menuhin  écrit  « … C’est  l’art  qui  peut  structurer  les personnalités des jeunes citoyens dans le sens de l’ouverture de l’esprit, du respect de l’autre, du désir de paix. C’est bien la culture qui permet à chacun de se ressourcer dans le passé et de participer à la création du futur… »

La fécondité de la création dramatique et chorégraphique francophone offre, par la diversité des approches et des thé-matiques, un généreux espace de réflexion et autant d’invi-tations à découvrir et à comprendre les différents contextes géographiques, culturels, historiques des artistes et de leurs œuvres.

Nous ne répéterons  jamais assez combien l’art participe à élaborer un possible « vivre ensemble » dans notre société et à nourrir le développement des enfants à la fois sur le plan intellectuel, émotionnel, créatif et social.

Développer  son  esprit  d’analyse,  activer  son  sens  cri-tique, favoriser ses compétences psychologiques ne sont-ils pas des enjeux primordiaux de chaque citoyen en devenir qui à  eux  seuls  arguent  de  l’impérative  nécessité  de  l’accès  au théâtre et à la danse pour les plus jeunes ?

Enfin,  et  peut-être  même  avant  tout,  n’oublions  pas  la fabuleuse  Fabrique  à  émotions  que  sont  les  arts  vivants. Venir  au  théâtre,  c’est  éprouver  des  émotions  et  du  plaisir, le ravissement de l’illusion, à la fois la joie de l’identification et  le  bonheur  de  la  distance,  la  satisfaction  de  participer  à un  public…  Long  inventaire  inachevé  de  plaisirs  auquel  je me dois d’ajouter celui qu’éprouve l’équipe du TARMAC à lire toutes ces émotions sur le visage de ses plus jeunes specta-teurs et à le partager. 

Valérie Baran

ÉCRIRE, jOUER, DANSER... POUR LE jEUNE PUBLIC

GOLD

À L’AFFICHE : KOHLHAAS

AUTOUR DES SPECTACLES

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Un morceau mythique. Un pianiste génial et inspiré. Deux chorégraphes  et  cinq  danseurs  québécois  qui  se  jouent  du chef d’œuvre de Bach.

Un  banc,  quelques  accessoires,  une  table  et  une  chaise (trop petites), des balles et un réveil  (facétieux), des  jouets, des  jeux  d’ombre  et  de  lumière,  quelques  effets  spéciaux, trois petits riens, plusieurs tours… Une succession de courts tableaux. Une ruée vers l’or et des variations ludiques sur un thème classique. 

On y jongle, on y danse, on s’y amuse. On écoute Bach et on aperçoit sur un écran Glenn Gould penché sur son clavier.

Il y a du rythme, de l’humour et ce sont des mots d’enfance qui s’imposent à propos de ce spectacle. C’est gai, espiègle, polisson, drôle, léger et frais.

La  Canadienne  Helen  Blackburn  et  sa  compagnie  « Cas public » ont depuis longtemps conquis les scènes du monde entier, où ils ont su séduire les plus jeunes spectateurs.  Ils offrent ici un spectacle de danse auquel les enfants seraient bien inspirés d’inviter leurs parents et grands-parents !

Bernard Magnier

Le Carnet du TARMAC // n°2 // GOLD

GOLD COMME GOLDBERG, GOLD COMME GOULD

GoLD3

du 10 au 14 décembre 2013mercredi à 9 h 45 et 15 h, le vendredi à 20 h, le samedi à 16 hscolaires le mardi à 10 h, le jeudi à 10 h et 14 h 30, le vendredi à 10 hdurée 50 minutes

chorégraphie Hélène Blackburn, Pierre Lecours avec la précieuse collaboration des danseursavec Alexandre Carlos, Cai Glover, Merryn Kritzinger, Daphnée Laurendeau, IsaBelle Paquette

musique Les Variations Goldberg de Johann Sebastian Bachéchantillonnages Martin Tétreaultlumière Andréanne Deschênesscénographie Martin Bryson, Samuel Thériaultvidéo Samuel Thériault

production Compagnie Cas Public (Québec) coproduction Maison des Arts de Laval (Québec), Agora de la danse (Montréal)

en partenariat avec Ère de Jeu dans le cadre du festival Escapades

en famille à partir de 6 ans

« ILLUSTRER LA MUSIQUE, LUI DONNER CORPS »

de  danse  puissante  faite  de  rêveries  et d’images folles pleines de rebondissements pouvant  les  faire passer du rire aux  larmes sans avoir recours à une forme narrative.

Quels ont été vos partis-pris chorégra- phiques ?

Misant sur le développement d’une danse forte  qui  s’appuie  sur  une  structure  choré-graphique  solide,  Hélène  Blackburn  et  moi avons  imaginé  Gold  comme  une  succession de  courts  tableaux  créant  ainsi  un  dialogue serré  avec  une  œuvre  musicale  inspirante. La scénographie s’articule autour d’un envi-ronnement  visuel  dépouillé  composé  de petits objets présents dans le quotidien des enfants :  petites  tables,  petites  chaises,  un banc,  quelques  jouets  mécaniques  ou  élec-troniques.  Cette  aire  de  jeu  en  apparence simple  est  le  théâtre  d’un  véritable  affron-tement entre  le réel et ses  illusions, un  jeu de cache-cache entre  les notions de nature et de culture.

L’humour… un ingrédient qui s’imposait à vous avec cette partition ?

C’est avec un esprit d’invention, de fan-taisie  et  de  prise  de  risque  que  l’équipe  de Cas Public a abordé ce spectacle. Durant la création, l’atmosphère en studio est toujours 

Bernard Magnier : Au moment de la création de ce spectacle peut-on dire « Au commen-cement était la musique ». « Au commen-cement étaient Les Variations Golberg et l’interprétation de Gould » ?Pierre Lecours : Gold est le sixième volet de notre série jeunesse amorcée en 2000. Après avoir  abordé  plusieurs  de  nos  créations jeunesse  par  le  biais  de  contes  célèbres, (Barbe-Bleue, Le Vilain Petit Canard, Le Lac des cygnes)  ou  des  thématiques  (les  peurs de  l’enfance,  l’amour  à  l’adolescence), Hélène Blackburn et moi-même sentions le besoin  de  retourner  à  une  forme  de  danse plus  épurée.  Les Variations Goldberg  consti-tuent  la  quatrième  et  dernière  partie  des « Clavierübung »  (Exercices  pour  clavier) publiée en 1741. Il faut préciser que ce titre n’est  pas  de  Bach  lui-même,  qui  nomme simplement l’œuvre Aria avec diverses varia-tions.  L’appellation  tire  son  origine  du  long texte  que  Forkel  a  consacré  à  cette  pièce dans sa biographie de Bach, parue en 1802. Selon  le  biographe,  Les Variations Goldberg auraient  été  commandées  à  Bach  par  le Comte Keyserlingk, pour lui être jouées pen-dant  ses  nuits  d’insomnie  par  son  claveci-niste Johann Gottlieb Goldberg, un élève de Bach.  L’histoire  est  fort  jolie,  mais  elle  est toutefois mise en doute par les musicologues contemporains… C’est donc en s’inspirant de ce jeu autour d’un thème et de ses variations que nous avons puisé notre inspiration.

Pourquoi ce choix musical ?Les Variations Goldberg  sont  un  des 

chefs-d’œuvre de la musique baroque. Nous souhaitions convier les enfants à 50 minutes 

agréable et nos danseurs aiment beaucoup rire...  l’humour  s’installe  naturellement dans toutes nos créations.

Ce spectacle s’adresse aux enfants. S’adresser aux enfants par la danse, est-ce un plaisir particulier ? Une difficulté nou-velle ? Quelles en sont les contraintes ?

Au  cours  des  années,  la  compagnie  a exploré différentes avenues allant d’oeuvres abstraites à des contes classiques  tels que Barbe-Bleue et Le Vilain petit canard. Quand on  regarde  l’ensemble  du  répertoire  jeune public de la compagnie, on constate que peu importe  le  point  de  départ,  l’histoire  n’est jamais racontée au sens classique du terme. On a parfois l’impression d’être plus narra-tif  quand  on  travaille  dans  l’abstraction  et d’abstraire la narration quand on travaille à partir d’une histoire.

Hélène  Blackburn  et  moi  partageons cette  idée  qu’il  n’existe  pas  de  tension  ni d’opposition entre narration et abstraction... ce  sont  simplement  des  points  de  départ qui  permettent  d’ancrer  les  œuvres  et  de 

54 Le Carnet du TARMAC // n°2 // GOLD

50 MINUTES DE DANSE PUISSANTE FAITES DE RÊVERIES

ET D’IMAGES FOLLES

les contextualiser. Nous y voyons plutôt une forme de complémentarité. Peut-être parce que  la  danse  joue  plus  facilement  avec  les différentes  formes  de  narrations.  On  peut intégrer  la voix et des  textes sans chercher à  tomber  dans  la  narration  convention-nelle.  Notre  danse  mélange  les  lignes  nar-ratives  aussi  facilement  que  les  différents langages...  Ainsi,  dans  cet  esprit,  les  deux dernières  chorégraphies  de  Cas  Public  ont des  points  de  départ  opposés :  Variations  S (œuvre pour  les 12 ans et plus) s’inspire du Sacre du printemps  avec  un  point  de  départ narratif  et  Gold  s’inspire  des  Variations Goldberg  avec  un  point  de  départ  abstrait. Au final, cela donne deux oeuvres de danse fortes  qui  ne  laissent  aucune  ambiguïté  au public quant au type de spectacle qu’il est en train de regarder, il est devant une oeuvre de danse !

propos recueillis en octobre 2013

Le MoT D’ÉMILe

« J’aime la danse contemporaine quand elle me prend par la main et m’entraîne sur des chemins de traverse dont je ne comprends pas toujours les méandres. Car pour apprécier le travail d’Hélène Blackburn, il faut laisser sa raison au vestiaire et accepter le simple plaisir d’une émotion vraie. Si certains adultes ont quelques difficultés à se laisser entraîner par la musique et  le  jeu de corps en mouvement,  les plus  jeunes, eux,  seront  fascinés par  le tourbillon ludique des danseurs. Gold est une pépite à partager en famille ! »

Émile Lansman

du 5 au 8 mars 2014mercredi à 9 h 45 et 15 h, le samedi à 16 h scolaires le jeudi à 10 h et 14 h 30, le vendredi à 10 h durée environ 1 h

texte et mise en scène José Pliyacollaboratrice artistique Danielle Vendé avec Vincent Brayer, Karine Pédurand, Lotfi Yahya 

costume Maylis Duviviercréation lumière et vidéo Pierre Langloisscénographie Charlotte Bonnetcréation sonore Quentin Dumaychorégraphie en cours

le texte est édité chez L’avant-scène théâtre, collection des 4 vents

production la caravelle DPI, l’Artchipelcoproduction l’Artchipel (scène nationale de Guadeloupe),  le Varia (centre dramatique national de Bruxelles)avec l’aide de l’ADAMI (en cours)

76 Le Carnet du TARMAC // n°2 // MONSIEUR, BLANCHETTE ET LE LOUP

Le bonheur est dans le pré ? Pas si sûr ! En tout cas pas dans le pays imaginaire de José Pliya !

La  chèvre  de  Monsieur  Seguin  est  devenue  la  vache  de Monsieur,  le  maître  de  la  propriété.  Une  très  belle  vache, venue remplacée les chèvres disparues et, à son tour, sédui-sante et convoitée par les voisins et qu’il faudra défendre de bien des élans. Une vache « pas comme les autres », éprise d’une liberté dont elle a fait le choix opiniâtre, et dont elle a accepté les enjeux, les pièges et les risques… 

José  Pliya  offre  une  relecture  très  personnelle  du  conte d’Alphonse Daudet, mais, même emporté en Guadeloupe par un  dramaturge  né  au  Bénin,  le  loup  reste  un  loup  pour  les chèvres et… les vaches éprises de liberté !

Bernard Magnier

UNE RELECTURE DU CONTE

MoNSiEUR, BLANCHETTE ET LE LoUP

en famille à partir de 7 ans

jOSÉ PLIYA : « UNE HISTOIRE ENFOUIE DANS MON ENFANCE QUI ME BOULEVERSAIT TANT »

Bernard Magnier : Comment est née l’idée d’adapter l’œuvre d’Alphonse Daudet ?José Pliya :  L’idée  de  l’adaptation  m’est venue  dans  un  processus  très  personnel et  très  intime  à  la  fois.  Depuis  2005  que  je dirige  une  scène  nationale,  je  manque  de temps  pour  écrire.  En  2009,  le  désir  impé-rieux du retour à  la création s’est  imposé à moi. Pour cela, il me fallait une motivation et un défi. Je n’avais jamais écrit pour le théâtre jeune public. La rencontre avec le spectacle Le Petit Chaperon rouge  de Pommerat a été un  déclencheur :  il  me  fallait  adapter  un conte de mon enfance qui m’avait touché et qui  pourrait  résonner  encore  aujourd’hui. Deux  contes  ont  émergé  Le Petit Poucet  et La chèvre de Monsieur Seguin  d’Alphonse Daudet. J’ai donc écrit ces deux adaptations. Il  s’agit  pour  moi  d’un  diptyque  d’enfance : après avoir monté Mon Petit Poucet, je monte Monsieur, Blanchette et le Loup*.

 Ce texte a « bercé » votre enfance ?

Je ne me souviens pas  l’avoir  lu. J’ai  le souvenir de  l’avoir entendu dans sa  version enregistré en 33 tours, conté par la faconde méridionale de Fernandel. Je sais que c’est à l’écoute de ce conte que j’ai touché du doigt, pour  la  première  fois,  le  tragique  de  la  vie. J’étais  petit  mais  cette  sensation  est  très précise. Alors, non, on ne peut pas dire que le conte ait « bercé » mon enfance car, à ces âges-là on a plutôt tendance à réécouter en boucle les histoires qui se finissent bien. Ce n’est  pas  le  cas  avec  « La  chèvre... ».  Il  m’a fallu  un  travail  d’introspection  pour  com-prendre  en  quoi  cette  histoire  enfouie  dans mon enfance me bouleversait tant.

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DES RÉSONNANCES PEULES, DES ÉCHOS DES ANTILLES ET L’EXIGENCE D’HUMANITÉ DE CAMUS

Le Carnet du TARMAC // n°2 // MONSIEUR, BLANCHETTE ET LE LOUP

Peut-on dire qu’il s’agit d’une relecture antillaise ? Insulaire ? Noire ?

Non, surtout pas. Je n’ai jamais travaillé comme cela. Toute mon écriture se veut post racialiste. A plus forte raison pour un conte qui  se  doit  d’être  universel.  Non,  il  s’agit d’une relecture très personnelle. Il se trouve que  je  suis  d’origine  africaine  et  que  je  vis et  travaille  aux  Antilles  depuis  plus  de  dix ans.  Alors  forcément  ces  éléments  de  mon identité  et  de  mon  parcours  professionnel, transpirent  dans  mon  écriture.  Ainsi,  dans ma vision du personnage de « Monsieur » il y a des résonances avec la culture des Peuls : la relation qu’il entretient avec ses chèvres, et surtout « Blanchette », est similaire à celle que ce peuple de nomades développe depuis des  millénaires  avec  ses  vaches.  Dans  ma vision du personnage de « Blanchette », il y a également des échos de la relation complexe que  les  Antilles  françaises  entretiennent avec la métropole. Mais ce sont des éléments parmi d’autres.

Le  plus  important  dans  cette  relecture c’est  un  « message »  camusien  que  je  veux adresser à mes deux filles, et à travers elles, à toutes les jeunes adolescentes : la lucidité tragique n’interdit pas l’exigence d’humanité. En d’autres mots, je veux les exhorter à tou-jours être maître, maîtresse, de  leurs choix et de leur destin.

et si vous deviez dresser un portrait de Monsieur, de votre Monsieur Seguin, que diriez-vous ?

Pour  « construire »  mon  « Monsieur »  je me  suis  souvenu  du  Fama  de  Kourouma,  le héros de son roman, Les soleils des indépen-dances qui narre  les mésaventures de Fama Doumbouya,  dont  le  commerce  a  été  ruiné par  les  indépendances  africaines.  Dernier héritier  d’une  chefferie  traditionnelle  que les  indépendances  ont  placé  de  l’autre  côté de  la  frontière,  sans  descendance  mâle,  le héros  tentera,  sans  succès,  de  contrecarrer la  funeste  prédiction  faite  aux  temps  pré-coloniaux  à  ses  ancêtres,  qui  annonçait  la déchéance de sa dynastie lorsque viendrait un « soleil » qui semble être maintenant arrivé.

Monsieur  est  donc  un  noble,  un  aristo-crate,  enfermé  dans  la  lâcheté,  la  peur,  le mensonge,  l’irrésolution.  Il  est  prisonnier de  sa  position  sociale  et  dans  une  relation 

* Mon Petit Poucet, suivi de Monsieur, Blanchette et le Loup, Editions L’Avant-Scène Théâtre, 2011 Autres publications de José Pliya• Negrerrances, L’Harmattan, 1997• Le complexe de Thénardier, L’Avant-Scène Théâtre, 2001• Parabole, L’Avant-Scène Théâtre, 2003• Les effracteurs, L’Avant-Scène Théâtre, 2004• Cannibales suivi de Pudeur, L’Avant-Scène Théâtre, 2004• Quêtes, L’Avant-Scène Théâtre, 2005• Une famille ordinaire suivi de Miserere, L’Avant-Scène Théâtre, 2008• Lettres à l’humanité, Lansman, 2008• La sœur de Zarathoustra, L’Avant-Scène Théâtre, 2008

Le MoT D’ÉMILe

« Le grand retour du conte se confirme. Les Poucet(s) et les sirènes se multiplient sur nos scènes pour nous parler du monde d’aujourd’hui à travers des fables et personnages d’hier. En réveillant le mythe de l’aventure et de la quête de liberté, quel qu’en soit le prix, José Pliya poursuit un projet qui n’a rien d’innocent : apprendre aux jeunes à lire une histoire à plusieurs niveaux en s’appropriant les codes et enjeux de la vie en société. Les adultes apprécieront aussi car ils reconnaîtront les travers de leurs proches... et peut-être même les leurs !»

Émile Lansman

complexe  avec  son  bétail.  Une  complexité tragique qui convoque tout à la fois Arnolphe de L’école des femmes et Madame de Merteuil des Liaisons dangereuses. Il est pris entre le devoir dû à son rang et la passion obsession-nelle qui le lie à son bétail.

Vous êtes en Guadeloupe, à la direction de la scène nationale, l’Artchipel, après avoir travaillé à la Dominique et à la Martinique, pourriez-vous nous dire ce qui constitue pour vous la culture caribéenne ?

La  culture  caribéenne  est  une  friche, un  potentiel,  un  devenir.  Ce  continent  neuf a  pour  moi,  comme  pour  Edouard  Glissant ou  Derek  Walcott,  une  chance  énorme : celle d’inventer son avenir, ses racines, ses cultures  rhizomes.  Dans  la  culture  comme dans tous les domaines.

propos recueillis en septembre 2013

LES SoLEiLS PÂLES1110 Le Carnet du TARMAC // n°2 // LES SOLEILS PÂLES

Tristan  est  un  enfant  malade.  Elodie,  une  petite  fille atteinte de la maladie du vieillissement précoce… Tous deux sont  dans  un  hôpital  menacé  de  destruction,  soignés  par Mademoiselle Florence, une infirmière obèse… Pour échap-per à la jungle du monde qui les entoure, Tristan choisit d’être tigre et de sortir ses griffes. Elodie, connaissant sa désespé-rance  de  vie,  voudrait  tant  être  chanteuse  et  en  profiter  au moins... un peu. Quant à Florence, elle est bien seule et plutôt mal dans ses kilos…

Trio  de  misère  et  pourtant  trio  d’une…  vitalité  excep-tionnelle,  Elodie  et  Tristan  découvrent  les  picotements sublimes de l’amour, fiévreux et forts à l’aune de leurs bles-sures ;  Florence  est  généreuse.  Leurs  mots  et  leurs  rires transcendent.

Bien sûr, le cadre et le propos sont graves, mais le texte n’est jamais sinistre, jamais emprunt de ce pathos bien pen-sant  qui  souvent  environne  la  maladie,  ses  victimes  et  ses soignants. Pas de compassion mais une rudesse tendre. 

Les  personnages  du  jeune  dramaturge  québécois  Marc-Antoine  Cyr  sont  certes  des  mômes  amochés,  des  êtres cabossés, mais pour faire la nique à la mort, ils ont l’urgence à être et la force d’aimer. Ils choisissent le parti pris d’en vivre, la  provocation  brandie  comme  un  pied  de  rire.  Ils  chantent « Y’a d’la joie » et « ça fait rire les oiseaux ». Ils ont avec eux une force intranquille. Plus forte que la météo chagrine. Forte comme ce petit baiser, comme un amour d’enfance, comme un soleil « sur nos pansements, sur demain »… 

Bernard Magnier

LA FORCE INTRANQUILLEdu 9 au 12 avril 2014mercredi à 9 h 45 et 15 h, le samedi à 16 h scolaires le jeudi à 10 h et 14 h 30, le vendredi à 10 hdurée environ 1 h

de Marc-Antoine Cyr, mise en scène Marc Beaudinavec Marie Cuvelier, Antoine Lesimple, Raphaële Trugnan 

scénographie Cécilia Delestre d’après une idée originale de Nicolas Charleslumière Antonio de Carvalhoenvironnement sonore Gaëlle Hispardcostumes Véronique Dupont

Marc-Antoine Cyr a été lauréat du concours Le théâtre jeune public et la relève du CEAD et de la Maison Théâtre de Montréal pour le texte Les soleils pâlesle texte est publié dans la collection Le TARMAC chez Lansman

production Compagnie Épaulé-Jeté, coproduction Théâtre de la Commune avec le soutien de la Ville d’Aubervilliers, du TARMAC - La scène internationale francophoneavec l’aide de la SPEDIDAM, de l’ADAMIle texte a reçu l’Aide à la création du Centre National du Théâtreenregistrement de la matière chorale en collaboration avec le Conservatoire à rayonnement régional d’Aubervilliersspectacle créé en février 2014 à l’espace Renaudie

en famille à partir de 8 ans

« RASSURER, CHAHUTER UN PEU, EN TOUT CAS FAIRE RÉAGIR »

propre émotion. Je ne voulais pas d’un spec-tacle  strictement  attendrissant.  De  plus, nous ne pouvions pas parler de résilience, de force de vie et pratiquer l’auto-censure…

À qui destinez-vous cette pièce ?Marc-Antoine Cyr :  À  tous  les  publics. L’identification  vient  naturellement  aux enfants  du  même  âge  que  les  personnages (environ  9  ans),  mais  le  portrait  de  société qui  se  dresse  en  filigrane  parle  à  tout  le monde.  Et  si  l’amourette  urgente  entre  les deux  enfants  émeut  les  adultes,  elle  ques-tionne les enfants : elle ravit les petites filles et choque les petits garçons ! Et ce genre de réactions  est  magnifique  à  observer.  Il  y  a dans le spectacle tout un condensé de vie en partage.

Marc Beaudin : À tout le monde. Nous avons tout  de  même  travaillé  particulièrement  en pensant à nos jeunes concitoyens, entre 8 et 12 ans. Il est intéressant d’observer les diffé-rences de réactions que suscite  la pièce. En effet, le rapport à la mort change en vieillis-sant,  et  les  jeunes  sont  beaucoup  plus  sen-sibles aux rapports entre les personnages que nous, adultes, qui sommes davantage touchés par  l’injustice  de  leur  état.  Peut-être  parce que nous sommes ramenés plus rapidement à notre propre finitude ?

propos recueillis en octobre 2013

1312 Le Carnet du TARMAC // n°2 // LES SOLEILS PÂLES

Bernard Magnier : Comment est née l’idée des Soleils pâles* ? Quel en a été le point de départ ? Marc-Antoine Cyr : Le point de départ, c’est un  reportage  que  j’ai  vu  qui  racontait  l’his-toire  d’Ashley  Hegi,  une  jeune  fille  atteinte de  progeria  rêvant  de  chanter  dans  une chorale. À cet  instant,  il y avait mes larmes (abondantes)  et  ses  rires  (stupéfiants). Bizarrement,  j’étais dans  les  larmes et elle dans la joie pure. Et bien qu’ému à l’extrême par son histoire, j’étais surtout fasciné par sa puissance de vie. Un corps âgé mais une âme de gamine. Une enfance en condensé. Et  je me suis dit : voilà un personnage de théâtre ! Et aussi : comment raconter une histoire qui ressemblerait à la sienne, mais dans le rire ? D’un  point  de  vue  strictement  dramatur-gique, cette dichotomie m’a passionné.

Et au fil de l’écriture, j’ai atteint le cœur de  mon  sujet :  parler  de  la  vulnérabilité aux enfants. Trouver un point de contact où ensemble,  nous  pourrions  nous  avouer  nos petites  et  grandes  faiblesses,  nous  recon-naître à travers elles, dans un plaisant « moi aussi ».  Car  si  les  personnages  des  Soleils pâles ont des tares visibles, reconnaissables, ils s’en servent justement pour devenir plus forts. Dans le monde-jungle où nous vivons, où les enfants se doivent d’être aussi « per-formants »  que  les  adultes,  il  m’a  semblé que présenter ces personnages à leurs yeux allait  les  rassurer,  les  chahuter  un  peu,  en tout cas les faire réagir.

Marc Beaudin : J’aime bien quand au théâtre on parle de sujets  importants, graves, mais avec  une  certaine  légèreté.  Prôner  que la  vie  est  plus  forte…  même  dans  la  mort peut-être.  C’est  moins  la  maladie  qui  m’a intéressé que l’urgence qu’elle provoque. Le 

PRÔNER QUE LA VIE EST PLUS FORTE

* Marc-Antoine Cyr : Les soleils pâles,  Le TARMAC chez Lansman, 2013Autres publications de Marc-Antoine Cyr• Les Flaques, Dramaturges Éditeurs, 2006• Le désert avance, Éditions Théâtrales, 2006• Je voudrais crever, Dramaturges Éditeurs, 2009• Quand tu seras un homme, Quartett Éd., 2010• Fratrie, Quartett Éd., 2012

besoin  de  vivre  tout,  là,  maintenant.  Cette urgence  force  Élodie,  atteinte  de  progeria, à se  lancer vers  les autres, vers Tristan qui sera son amour. Elle n’a pas le choix, pas le temps. Et ainsi, elle s’affranchit du jugement de l’autre et force la rencontre malgré les dif-férences, les fragilités.

Avez-vous travaillé avec le monde médical ? Vous êtes-vous rendus tous les deux dans des hôpitaux pour enfants ?Marc-Antoine Cyr : J’ai résisté à cette envie par peur de verser dans le documentaire. Et aussi par peur de ma propension à la mélan-colie. Ces lieux sont trop pleins de réel et  il me  fallait  trouver  la poésie. J’imagine donc l’hôpital  comme  un  lieu-image,  comme  le décor  d’un  conte :  un  peu  effrayant,  chao-tique,  plein  d’épreuves.  Il  est  surtout  à l’image  d’une  société  toujours  en  train  de rénover,  de  briller,  de  luire  de  mille  feux, alors  que  derrière  les  murs,  des  histoires grondent.  Le  personnage  de  Mademoiselle Florence,  l’infirmière,  n’est  à  ce  titre  pas très  réaliste.  Elle  est  en  quelque  sorte  une ogresse qui tient sur son énorme corps tous les rouages de son hôpital.

Marc Beaudin :  Non,  puisque  je  n’avais  pas envie de parler strictement de la maladie, des enfants malades. Pas pour éluder la question, mais  bien  car  chacun  de  nous  porte  en  soi une part de fragilité, de faiblesse, de carence, de maladie. Et c’est de cela dont il est ques-tion.  D’ailleurs  la  scénographie  évoque  à  la fois un hôpital et un chantier de construction. Les lumières, une jungle. Le texte parle de la démolition de l’hôpital, mais il évoque aussi la reconstruction. L’imagination traduit mieux le réel que la vérité documentée.

Les trois personnages étaient-ils présents dès le début du processus d’écriture ?Marc-Antoine Cyr :  Élodie  s’est  imposée comme une évidence. Je  l’ai  traitée comme 

une petite Antigone des temps modernes (il y  a  d’ailleurs  des  paraphrases  de  la  pièce d’Anouilh  dans  l’un  de  ses  monologues). Pour Tristan, petit garçon frondeur au cœur fragile,  j’ai tenté de fouiller dans ma propre intransigeance  d’enfant.  Je  n’aimais  pas que  l’on  me  dise  quoi  faire.  Je  n’aimais pas  que  l’on  me  demande  d’attendre  d’être plus grand pour comprendre. Alors  je  lui ai donné ce même feu, cette même tare qui me poursuit  encore  aujourd’hui :  avoir  le  cœur trop  sensible,  trop  impatient.  Mademoiselle Florence est devenue le parfait complément de cet improbable petit duo : une infirmière-ogresse très maladroite, mais très aimante à sa manière.

Vous êtes-vous interdit certaines choses ? Dans l’écriture ou dans la mise en scène ?Marc-Antoine Cyr :  Je  me  suis  interdit  la pitié. Même si ça a été difficile. Le véritable sujet est ici la résilience, la vie, l’amour ! Des enjeux reconnaissables par tous les enfants ! Je  me  suis  projeté  dans  tous  les  person-nages en tentant d’imaginer de quels feux je serais animé si j’étais comme eux impatient, impulsif, amoureux fou, mais enfermé. J’en ai  fait des personnages  forts dans  leur vul-nérabilité, bien plus forts que moi.

Marc Beaudin :  J’aurais  envie  de  dire :  non, rien. Bien sûr,  il  fallait éviter  la sensiblerie, l’apitoiement et la complaisance que pouvait apporter un  tel sujet, du moins un  tel envi-ronnement.  Mais  le  texte  de  Marc-Antoine contournait  déjà  ces  écueils.  Il  fallait  faire confiance  au  propos  et  aux  spectateurs  et éviter  de  laisser  suinter  seulement  notre 

J’EN AI FAIT DES PERSONNAGES FORTS DANS LEUR VULNÉRABILITÉ

Le MoT D’ÉMILe

« J’aime l’écriture de Marc-Antoine Cyr, toute en finesse et en sensibilité. Il met ici en scène deux  jeunes que  la vie n’a pas épargnés, mais qui  trouvent dans  leur rencontre  le réconfort nécessaire pour croire encore en l’avenir et s’inventer de nouveaux projets. Quant à leur infir-mière obèse... elle  fait partie de ces femmes qu’on aimerait rencontrer dans la vie car elles sont capables, dans les situations les plus difficiles, de déplacer des montagnes par leur seule énergie inépuisable. Une histoire touchante qui fait chaud au coeur des jeunes et des adultes. »

Émile Lansman

À L’AFFiCHE : KoHLHAAS

Maquillage  et  postiche,  théâtre  d’ombre,  marionnettes et marottes, jongleur et cracheur de feu, petit vélo, clown et faux nez, joueur de tambour, la troupe possède la panoplie du théâtre de foire et fait jeu de tous ses ingrédients avec sub-tilité. Une famille d’artistes, de comédiens, musiciens et sal-timbanques et  leur théâtre ambulant renouent ainsi avec la grande tradition des planches et des tréteaux.

Ce  soir,  ils  jouent  la  tragique  histoire  d’un  maquignon devenu rebelle et meurtrier par amour des siens et de ses chevaux,  du  droit  et  des  libertés,  une  libre  adaptation  du Michael Kohlhaas d’Heinrich Von Kleist. Au bout du conte, le prince est défait. Sa victoire n’est qu’illusion, le grotesque et le burlesque se sont donné la main pour voir le juste triom-pher au-delà des apparences de l’arbitraire des puissants.

La compagnie belge Agora est un laboratoire d’interroga-tions et de  trouvailles qui a plus d’un  tour dans ses éprou-vettes et ne cesse de proposer au « théâtre jeune public » des alchimies  nouvelles.  C’est  décalé,  drôle  et  plein  de  bonnes surprises.  Un  joyeux  moment  festif  de  liberté  théâtrale  au service  d’une  cause  juste  et  légitime,  « un  spectacle  bur-lesque sur fond de pouvoir, de despotisme et de résistance ».

Bernard Magnier

UNE FAMILLE D’ARTISTES, UN THEÂTRE DE FOIRE,

DES RIRES ET DES LARMES

1514 Le Carnet du TARMAC // n°2 // À L’AFFICHE : KOHLHAAS

du 6 au 9 mai 2014mercredi à 20 h, jeudi à 14 h 30, vendredi à 20 hscolaires le mardi à 10 h et 14 h 30durée 1 h 20

adaptation libre d’après Michael Kohlhaas d’Heinrich von Kleistpoèmes de erich Mühsam

mise en scène Claus overkampdirection artistique Kurt Pothenavec Roger Hilgers, eno Krojanker, Annika Serong, Matthias Weiland, Marie-Joëlle Wolf

adaptation française Gil, Émile Lansmanscénographie et accessoires Céline Leuchterconstructions Gerd Vogel, Atelier Heldcréation lumière Michel Delvignemusique Gerd olycostumes emilie Cottam, Viola Streicher

coproduction Agora Theater, théâtre de la Communauté germanophone de Belgique (Saint-Vith - Belgique), Théâtre Marabu (Bonn - Allemagne)avec le soutien de Via 2018 Maastricht – Kandidaat Culturele Hoofdstad van Europa 2018, du KULTURsekretariat NRW, la ville de  Bonn et  le Land NRWdiffusion Comme il vous plaira

en famille à partir de 13 ans

selon  laquelle  la  justice  et  la  loi  équiva-lent pour tous les êtres humains et, d’autre part, comme une expérience, celle que notre monde est loin de la réalisation de cette uto-pie. En quelque sorte, Michael Kohlhaas est cette contradiction rebellante à l’intérieur de nous.

Comment avez-vous procédé pour adapter ce roman ?

La  méthode  de  travail  du  théâtre  auto-biographique  d’AGORA  a  mis  un  focus  sur certains moments de la nouvelle, qui sont en relation avec des expériences de nos propres vies. Ceci a mis en avant une série de situa-tions  de  l’histoire  de  Kleist,  auxquelles  se sont ajoutées une série de situations essen-tielles  pour  comprendre  le  déroulement  de l’histoire. Ainsi nous avons obtenu une pre-mière version dramatique, qui a été conden-sée au  fur et à mesure des répétitions. Les poèmes  d’Erich  Mühsam  nous  ont  aidés  à renforcer le monde intérieur des sentiments et des pensées de Kohlhaas.

Vous avez choisi de présenter non pas Le marchand de chevaux, Michael Kohlhaas mais À l‘affiche : Kohlhaas, qu’implique cette dis-tance introduite dans le titre ?

D’une  part,  le  titre  correspond  à  l’idée du  théâtre  ambulant,  qui  annonce  son  pro-gramme du  jour. D’autre part,  le  titre sous-entend que « demain », ça sera peut-être une autre  histoire  à  faire  frémir  —  le  répertoire du  monde  en  est  plein  —  et  provoque  ainsi la question : est-ce que le monde est capable de changer ?

« EN LISANT LA NOUVELLE DE KLEIST NOUS ÉTIONS FRAPPÉS PAR L’ACTUALITÉ DU PROPOS »

1716 Le Carnet du TARMAC // n°2 // À L’AFFICHE : KOHLHAAS

Bernard Magnier : Tout d’abord un mot sur le choix de ce roman d’Heinrich von Kleist…Claus overkamp :  Au  départ  d’une  nouvelle production,  nous  nous  posons  la  question : « Qu’est-ce  qui  nous  préoccupe ?  Qu’est-ce qui  se  passe  dans  le  monde  actuellement ? Par  rapport  à  quoi  voulons-nous  prendre position ? ». Cette  lutte de Kohlhaas pour  la justice a retenu notre attention. En lisant  la nouvelle  de  Kleist,  nous  étions  frappés  par l’actualité  du  propos  et  les  questions  qu’il soulève. Comment réagir face aux injustices d’aujourd’hui ? Quel moyens sont autorisés ? Quels  moyens  ont  une  chance  d’avoir  un impact ? 

Si vous deviez présenter Michael Kohlhaas… Un justicier ? Un anonyme marchand de che-vaux devenu héros ? Un héros malgré lui ? 

Ce n’est pas le Michael Kohlhaas histo-rique qui nous a  intéressé, mais  le Michael Kohlhaas  en  nous-même  que  nous  assi-milons  au  sens  de  la  justice  profondément ancré dans chaque être humain. Dans notre mise  en  scène,  le  personnage  de  Kohlhaas prend forme dans l’esprit des spectateurs de deux façons. D’une part comme une utopie,  LE TITRE POUR SUGGÉRER L’IDÉE

DU THÉÂTRE AMBULANT

Pourriez-vous expliquer les grandes lignes de votre démarche artistique ?

Les  pièces  qui  constituent  le  répertoire du Théâtre Agora, nous les élaborons selon la  méthode  du  théâtre  autobiographique développée  par  Marcel  Cremer*.  Cette méthode place la biographie au commence-ment de chaque genèse d’une pièce. Il s’agit d’histoires  qui  touchent  à  la  question  cen-trale animant la pièce en gestation. Celles-ci constituent  les  fondements  de  son  élabo-ration.  Nous  prenons  notre  temps.  Nous travaillons  sciemment  dans  la  lenteur  et  la concentration,  afin  de  permettre  un  débat intense et chargé de plaisir autour d’un sujet. Nous vérifions à chaque fois si le spectacle et notre théâtre sont en relation avec le monde que nous connaissons.

L’univers du théâtre de foire s’est-il imposé comme une évidence pour ce spectacle ?

Non, c’était une conséquence d’une part des improvisations scéniques proches de cet univers  lors  des  répétitions.  D’autre  part, cet  univers  était  pour  nous  la  réponse  à  la question :  quelle  perspective  de  narration permettait  le  mieux  de  raconter  cette  folie de violence, qui provoque d’autres violences, en même temps de façon méchante et pleine d’humour ?

Marcel Cremer* disait « je ne fais pas un théâtre pour enfants, adolescents, adultes mais bien avec les enfants, avec les ado-lescents, avec les adultes », pourriez–vous préciser cette démarche artistique ?

Dans  notre  démarche  artistique,  nous parlons  du  spectateur  et  non  du  public. 

Nous  considérons  le  spectateur  en  tant qu’individu.  Le  spectateur  étant  notre  par-tenaire  privilégié.  Il  prend  part  à  l’action qui  se  déroule  sur  la  scène.  Nos  mises  en scène  posent  des  questions  plutôt  qu’elles ne  fournissent  des  réponses.  Pendant  et 

après  la  représentation,  le  dialogue  avec  le spectateur nous apprend à chaque occasion de  nouveaux  aspects  de  notre  travail.  Nous ne cessons pas d’évoluer et de faire évoluer notre travail, de le mettre en question et de l’examiner  de  près.  Avec  notre  action,  nous voulons  inciter  le  spectateur  à  prendre  une attitude  tout aussi marquée et à agir sur  le monde. 

propos recueillis en octobre 2013

*Marcel Cremer (1955-2009), auteur et metteur en scène,  fondateur et animateur du Théâtre Agora

Le MoT D’ÉMILe

« Je  suis  la  compagnie  Agora  Theater  depuis  son  apparition  dans  la  mouvance  jeunes publics.  Orpheline  de  son  fondateur  Marcel  Cremer,  elle  a  su  rebondir  intelligemment  et offre ici un spectacle complètement déjanté où des comédiens ambulants se coupent en cinq pour séduire un public populaire en lui jouant une histoire édifiante. Musique, jeu burlesque, moments d’émotion, magie...  tout est au service d’une grande  fête du  théâtre où  les  rires fuseront de partout sans pour autant faire oublier que dans l’histoire de Michaël Kohlhaas, ce sont une fois de plus les plus faibles qui trinquent. »

Émile Lansman

1918 Le Carnet du TARMAC // n°2 // SPECTACLES jEUNES PUBLICS

Une des caractéristiques du travail de Cas Public et qui est à la base de son succès est que le point de départ de ses créations repose sur un grand respect du jeune public qui est sensible, intelligent et souvent se montre plus ouvert que le public adulte face à la danse contemporaine. Lorsqu’on travaille pour les enfants et les adolescents, l’excellence et le besoin de repousser les limites sont des constantes de cette approche chorégraphique.

Dans  le  travail  en  jeune  public,  Hélène  Blackburn  et  moi  recherchons à mélanger plusieurs niveaux de  lecture afin que quel que soit  l’âge ciblé, nous puissions nous adresser à tous les publics présents de l’assistance, de l’enfant à l’adulte allant même dans le cas de Gold jusqu’à insérer une ligne pour les mélomanes avertis.

Pierre LeCoURS, chorégraphe avec Hélène Blackburn de Gold

Pour  reprendre  le  mot  d’Antoine  Vitez,  « Écrire  pour  le  jeune  public ? C’est  comme  pour  les  adultes,  mais  en  mieux ».  Une  difficulté,  oui,  mais très  stimulante  car  j’ai  pensé  l’écriture  de  ces  adaptations  avec  à  l’esprit que  je  faisais également  la mise en scène. Ce fut une remise en cause de ma manière habituelle d’écrire (dans laquelle je ne tiens jamais compte de la mise en scène). La difficulté est double, le plaisir aussi et la gratification immense car c’est un public sans concession.

José PLIYA, auteur et metteur en scène de Monsieur, Blanchette et le loup

Écrire pour le jeune public me rend plus libre. Cela me permet de revenir à  la source, de partager des doutes et des espoirs qui sont pour moi  très près  de  l’enfance,  du  jeu,  de  l’étonnement  devant  ce  monde  illisible.  Avec les enfants, on n’est pas dans le filtre, dans la politesse, dans l’évitement. On  est  dans  le  présent  pur,  dans  le  théâtre  pur.  Et  bien  que  je  mène  une large part de mon travail en direction des adultes, j’aime revenir vers cette écriture-là. Trouver des sujets incongrus. Me sentir un peu comme un grand frère.  Et  leur  répéter,  toujours,  que  leurs  questions  existentielles  sont  les mêmes  que  les  miennes.  La  seule  contrainte  est  d’être  excessivement sincère, alors qu’avec les adultes, on se fait entre nous nos petites menteries esthétiques et rassurantes. Mais avec les enfants, il n’y a pas de tromperie possible. Ensemble, solidairement, on peut tenter de réfléchir sur le monde, sans  attendre  d’être  assez  grands,  à  notre  mesure.  C’est  tout,  mais  c’est beaucoup.

Marc-Antoine CYR, auteur de Les soleils pâles

ÉCRIRE, jOUER, CHORÉGRAPHIER, DANSER, METTRE EN SCÈNE

POUR LE jEUNE PUBLIC

Pour moi, le théâtre jeune public ne génère pas de différence de mise en scène par rapport au théâtre pour adultes. L’urgence de dire, de montrer, de questionner notre rapport au monde est la même. Le théâtre ne peut se faire que dans la rencontre et je souhaite ainsi participer à ce rendez-vous avec l’autre. Avec eux, les plus jeunes qui sont bien sûr des adultes en devenir, mais aussi, surtout, des êtres humains à part entière qui ont les mêmes peurs que moi, les mêmes questionnements que moi. Ils les posent peut-être différemment, mais nous les partageons quand même, 

sans que l’âge nous oppose. Prendre le plateau pour eux, c’est parler avec la langue du cœur pour revenir à l’essence même du théâtre et offrir une 

représentation artistique forte, pleine, libérée des références culturelles et des codes que demande une représentation théâtrale dite pour adultes.

Marc BeAUDIN, metteur en scène de Les soleils pâles

Les règles du jeu doivent être connues. Ce sont les mêmes pour le théâtre pour enfants, pour adolescents et pour adultes. Il n’y a pas une esthétique propre  au  théâtre  pour  adolescents.  Sur  scène,  je  joue  des  êtres  heureux ou  malchanceux.  Dans  leurs  rapports  les  uns  avec  les  autres.  Ils  ont  leur propre langage. Leur propres histoires. Ces êtres ont des points communs avec moi. Ils sont nés de ma biographie. Ils ne sont pas nés d’une intention pédagogique d’instruire le jeune ou de le convertir. Le jeune n’est pas plus ni moins en danger qu’un enfant ou qu’un adulte. Il est aujourd’hui comme moi, quand  j’avais autrefois  le même âge que  lui  aujourd’hui. Simplement autrement, parce que le monde est autrement. Mais il se trouve toujours sur le seuil entre l’enfance et la vie d’adulte.

(extrait d’un courrier adressé à Emile Lansman)

« Aller  au  théâtre  avec  des  enfants,  c’est  comme  aller  avec  eux  au restaurant.  (…) Mais attention ! Dans certains restaurants,  il y a des menus pour enfants. Le plus souvent, on y retrouvera des pâtes sauce tomate, des frites avec du ketchup ou de la mayonnaise, des filets de poissons panés. Si c’est aller au restaurant pour y manger ce qu’on mange tous les jours, mieux vaut ne pas y aller. Si quelqu’un va au théâtre dans l’espoir d’y retrouver du connu ou du ruminé, il lui manque la condition pré-requise la plus importante : la  faim  du  nouveau,  de  l’inconnu,  de  l’étrange.  Certains  auteurs  et  acteurs préfèrent  vendre  aux  enfants  des  filets  panés.  Personnellement  je  préfère leur présenter du poisson et leur expliquer comment on enlève les arêtes. Le poisson frais est bien plus sain [...], il nous parle beaucoup mieux de la vie [...].

(extrait d’une communication à des enseignants, inédit)

Marcel CReMeR (1955-2009), fondateur et animateur du Théâtre Agora (À l’affiche : Kohlhaas)

MoNSiEUR, BLANCHETTE ET LE LoUP

2120 Le Carnet du TARMAC // n°2 // SPECTACLES jEUNES PUBLICS

AUTOUR DES SPECTACLES

SAMEDI 14 DÉCEMBRE à 17 H : danse et jeunes publics

Dans le cadre dans la programmation de GOLD (Compagnie Cas Public) au TARMAC, la chorégraphe et directrice de cette compagnie, Hélène Blackburn, rencontrera le public et les professionnels intéressés le samedi 14 décembre à 17 h, juste après la dernière représentation programmée.

À cette occasion, et en partenariat avec le festival Escapades, d’autres acteurs de terrains ont accepté de présenter leur démarche et de débattre de quelques questions évidentes : Quels sont les critères qui déterminent les chorégraphes à décréter que telle production s’adresse prioritairement aux enfants ? Pourquoi ce choix ? Quelles options, quelles limites, quelles concessions éventuelles 

implique-t-il ? 

Seront présentes lors de cette rencontre animée par Émile Lansman (Émile&CIE), outre Hélène Backburn, Pascale Paulat (directrice d’Ère de jeu), Laurence Salvadori (fondatrice de la Compagnie 

Ouragane) et Orianne Vilmer (présidente de l’association Danse en Seine). 

VENDREDI 9 MAI à 17 H 30 : S’INSPIRER D’UN ROMAN POUR FAIRE THÉÂTRE(autour des spectacles À l’affiche : Kohlhaas et Kouta)

À l’affiche : Kohlhaas trouve sa source dans un roman culte allemand d’Heinrich von Kleist ; Kouta est une adaptation pour la scène de la trilogie romanesque de Massa Makan Diabaté. Deux situations qui 

sont loin de constituer des cas isolés. Le théâtre contemporain plonge régulièrement ses racines dans des œuvres qui n’ont pas été écrites à cet effet, privilégiant ce type d’adaptation plutôt que la mise en 

scène d’écritures dramatiques contemporaines.Avec ses invités, Émile Lansman interroge cette pratique tout en permettant la découverte d’autres 

pièces qui ont trouvé leur inspiration dans un roman.

GoLD

LES SoLEiLS PÂLES

du 10 au 14 décembre 2013mercredi à 20 h, jeudi à 14 h 30, vendredi à 20 hscolaires le mardi à 10 h et 14 h 30durée 1 h 20

du 5 au 8 mars 2014mercredi à 9 h 45 et 15 h, le samedi à 16 h scolaires le jeudi à 10 h et 14 h 30, le vendredi à 10 h durée environ 1 h

du 9 au 12 avril 2014mercredi à 9 h 45 et 15 h, le samedi à 16 h scolaires le jeudi à 10 h et 14 h 30, le vendredi à 10 hdurée environ 1 h

du 6 au 9 mai 2014mercredi à 20 h, jeudi à 14 h 30, vendredi à 20 hscolaires le mardi à 10 h et 14 h 30durée 1 h 20

À L’AFFiCHE : KoHLHAAS

en famille à partir de 6 ans

en famille à partir de 7 ans

en famille à partir de 7 ans

159 avenue Gambetta 75020 - M° St Fargeau - renseignements / réservations 01 43 64 80 80 - www.letarmac.fr342 479 821 R.C.S. Paris - Licence d’entrepreneur de spectacles 1052228 - 1052085 - 1052086 – 1053875

Contact presse Pierre Laporte Communication / Pierre Laporte / [email protected] / 01 45 23 14 14

Directrice de la publication Valérie Baran / rédaction Bernard Magnier / conception Atelier Pascal Colrat,  assisté de emile omnes / Photos Gold Damian Siqueiros, À l’affiche : Kohlhaas Willi Filz /  

impression Atelier 30 (Champigny sur Marne)

Le TARMAC s’engage auprès de l’association H/F afin de veiller à l’égalité hommes / femmes dans l’art et la culture 

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