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Georges PérecEspèces d’espaces

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Georges PérecEspèces d’espaces

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Alexis de TocquevilleDe la démocratie en Amérique

Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; maisje ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre quetous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurémentque les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pasqu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernementque le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur.

Georges PérecEspèces d’espaces

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Italo CalvinoLes Villes invisibles

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De tous les carrefours importants, le visage àla moustache noire vous fixait du regard. Il yen avait un sur le mur d’en face. BIG BRO-THER VOUS REGARDE, répétait la légende, tan-dis que le regard des yeux noirs pénétraientles yeux de Winston. [...] Au loin, un hélico-ptère glissa entre les toits, plana un moment,telle une mouche bleue, puis repartit commeune flèche, dans un vol courbe. C’était une pa-trouille qui venait mettre le nez aux fenêtresdes gens.[...]Tant que Winston demeurait dans le champde vision du télécran, il pouvait être vu aussibien qu’entendu. Naturellement, il n’y avaitpas moyen de savoir si, à un moment donné,on était surveillé. Combien de fois, et suivantquel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, per-sonne ne pouvait le savoir. On pouvait mêmeimaginer qu’elle surveillait tout le mondeconstamment. Mais de toute façon, elle pouvaitmettre une prise sur votre ligne chaque foisqu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait,car l’habitude devient instinct, en admettantque tout son émis était entendu et que, saufdans l’obscurité, tout mouvement était perçu.Winston restait le dos tourné au télécran.Bien qu’un dos, il le savait, pût être révélateur,c’était plus prudent.

[...]

Déguiser ses sentiments, maîtriser son expres-sion, faire ce que faisaient les autres étaientdes réactions instinctives. Mais il y avait unecouple de secondes durant lesquelles l’expres-sion de ses yeux aurait pu le trahir.

[...]

— Savez-vous ce qu’a fait mon numéro de pe-tite fille samedi dernier, [avec deux autres pe-tites filles] ? Elles ont passé tout l’après-midi,figurez-vous, à suivre un type. Pendant deuxheures, elles n’ont pas quitté ses talons, droitdans les bois, et quand elles sont arrivées àHammersham, elles l’ont fait prendre par unepatrouille.— Pourquoi ont-elles fait cela ? demanda Win-ston un peu abasourdi.Parsons continua sur un ton triomphant :— La gosse était convaincue qu’il était unesorte d’agent de l’ennemi. Il avait pu être parac-huté par exemple. Mais là est le point, monvieux. Qu’est-ce que vous croyez qui a en pre-mier lieu éveillé ses soupçons ? Elle avait re-marqué qu’il portait de drôles de chaussures.Elle dit qu’elle n’avait jamais vu personne por-ter des chaussures pareilles. Il y avait doncdes chances pour qu’il soit un étranger. Assezfort, pas ? Pour une gamine de sept ans.— Qu’est-ce qui est arrivé à l’homme ?, deman-da Winston.— Ca, je ne pourrais pas vous le dire naturelle-ment, mais je ne serais pas surpris si...Ici Parsons fit le geste d’épauler un fusil et fitclaquer sa langue pour imiter la détonation.— Naturellement, nous devons nous méfier detout, convint Winston.

[...]

La fille assise à la table voisine s’était à demiretournée et le regardait. [...] Pourquoi le sur-veillait-elle ? Pourquoi s’obstinait-elle à lepoursuivre ? [...] Elle n’était probablement pasréellement un membre de la Police de la Pen-sée, mais c’était précisément l’espion amateurqui était le plus à craindre de tous. Il ne savaitpas depuis combien de temps elle le regardait.Peut-être était-ce depuis cinq bonnes minuteset il était possible que Winston n’ait pas maîtri-sé complètement l’expression de son visage. Ilétait terriblement dangereux de laisser lespensées s’égarer quand on était dans un lieupublic ou dans le champ d’un télécran. Lamoindre des choses pouvait vous trahir. Untic nerveux, un inconscient regard d’anxiété,l’habitude de marmonner pour soi-même, toutce qui pouvait suggérer que l’on était anormal,que l’on avait quelque chose à cacher. En toutcas, porter sur son visage une expression nonappropriée (paraître incrédule quand une vic-toire était annoncée par exemple) était en soiune offense punissable.

Georges Orwell1984