`` On ne discute pas les goûts…'': transformer les ...
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Année universitaire 2014-2015
Master Métiers de l’enseignement, de l’éducation
et de la formation
Second degré
2e année
« On ne discute pas les goûts… » :
transformer les représentations sociales
des élèves sur les goûts et les pratiques
culturels
Présenté par Romain Llinares
Première partie rédigée en collaboration avec Amélie Dumont et Amandine Souvigné
Mémoire encadré par Laurence Maurin et Thomas Blanchet
i
MOTS CLES
Français :
Représentation sociale, seconde, transformation, déconstruction, goûts, expérience sociale,
savoir scolaire, discussion, débat.
English :
Social representation, tenth grade, transformation, debunking, taste, social experience, school
knowledge, debate, discussion
ii
REMERCIEMENTS
A Laurence Maurin, pour son aide sur ce mémoire mais aussi tout au long de l’année, et à
Thomas Blanchet. Merci à vous d’avoir accompagné la construction et la rédaction de ce
travail avec autant de disponibilité, par vos remarques constructives et bienveillantes.
Aux ami.e.s stagiaires de SES de l’académie de Grenoble, pour toutes ces belles rencontres,
ces moments de découvertes et d’apprentissages en votre compagnie durant cette première
année d’enseignement. Elle n’aurait pas été la même sans vous.
Enfin, aux élèves de Seconde du lycée Aristide Bergès, notamment celles et ceux de la
Seconde B ci-après nommée pour avoir été les tou.te.s premier.es, pour le plaisir d’avoir été
votre professeur de SES cette année.
iii
SOMMAIRE
MOTS CLES .......................................................................................................................... i
REMERCIEMENTS .......................................................................................................... ii
SOMMAIRE ........................................................................................................................ iii
INTRODUCTION ............................................................................................................... 1
ETAT DE L’ART ................................................................................................................ 2
1. De la formation des représentations sociales à leurs effets dans le milieu scolaire 2
1.1. Que faut-il entendre par “représentations sociales” ? ................................................. 2
1.2. Comment se manifestent ces représentations chez les enseignants, et notamment sur
la question du redoublement ? ............................................................................................ 3
1.3. Rapport au savoir et sens de l’école ............................................................................ 4
2. Questions vives, représentations des élèves et apprentissages ................................. 5
2.1. Les représentations sociales : moyen ou obstacle d’apprentissage des élèves ? ......... 6
2.2. De multiples moyens de représenter la société, enjeu de l’enseignement des SES .... 8
2.3. Représentations, exercices scolaires et gestion de l’erreur par l’enseignant ............... 9
3. L’enrichissement des connaissances personnelles comme finalité de l’articulation
entre représentations et savoirs scolaires ......................................................................... 10
3.1. Représentations, sens et motivation : préparer l'apprentissage ................................ 10
3.2. Construire le savoir dans un contexte propice à la négociation du sens. .................. 11
3.3. « Le pouvoir puissamment réflexif de l'acte d'écrire » ............................................. 13
4. Problématique et hypothèses ..................................................................................... 14
4.1. Problématique du mémoire ....................................................................................... 14
4.2. Hypothèses de travail ................................................................................................ 15
METHODE .......................................................................................................................... 16
1. Procédure et documents aux élèves .......................................................................... 16
1.1. Déroulement de l’expérimentation ............................................................................ 16
1.1.1. Etape 1 - Prise de représentations des élèves ................................................. 16
1.1.1.1. Construction de la prise de représentations ............................................. 16
1.1.1.2. Déroulement de la séance ......................................................................... 17
1.1.2. Etape 2 – Problématisation et formulation d’hypothèses ............................... 18
1.1.3. Etape 3 – Déconstruction et transformation des représentations .................... 18
1.1.3.1. Constitution des dossiers documentaires ................................................. 18
iv
1.1.3.2. Déroulement de la séquence ..................................................................... 19
1.2. Documents aux élèves ............................................................................................... 20
2. Participants ................................................................................................................. 21
3. Matériaux recueillis .................................................................................................... 22
3.1. Type de données ........................................................................................................ 22
3.2. Construction et interprétation des indicateurs d’évaluation ...................................... 22
RESULTATS ...................................................................................................................... 25
1. Evolution des représentations des élèves .................................................................. 25
1.1. Description des représentations initiales des élèves .................................................. 25
1.1.1. Identification des propositions les plus choisies par les élèves ...................... 25
1.1.2. Mesure des représentations initiales des élèves .............................................. 27
1.1.3. Analyse des justifications des élèves .............................................................. 28
1.2. Evaluation des représentations finales des élèves ..................................................... 29
1.2.1. Mesure des représentations finales ................................................................. 29
1.2.2. Analyse des justifications des élèves .............................................................. 31
DISCUSSION ..................................................................................................................... 33
1. Evaluation de la séquence : effets sur les représentations des élèves .................... 33
1.1. Représentations des élèves et effet miroir ................................................................. 33
1.2. Un travail sur les propres goûts des élèves, signe d’apprentissage ? ........................ 33
2. Analyse du dispositif : les moyens et limites d’un processus de transformation des
représentations ................................................................................................................... 35
2.1. Rôle du document et apprentissage des élèves .......................................................... 36
2.2. Statut du document et administration de la preuve scientifique ................................ 37
2.3. Contexte de classe, travail de groupe et représentations des élèves .......................... 38
3. Perspectives de travail sur les représentations des élèves ...................................... 39
3.1. Un travail enrichissant mais difficilement transposable ? ......................................... 39
3.2. Statut de l’erreur et représentations des élèves ......................................................... 40
CONCLUSION .................................................................................................................. 41
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................ 42
LISTE DES ANNEXES .................................................................................................. 45
1
INTRODUCTION
Durant cette première année de pratique, nous avons été marqué par l’influence que peuvent
avoir les représentations sociales des élèves dans l’étude des thèmes propres aux Sciences
Economiques et Sociales (SES). C’est notamment la découverte de la notion de socialisation
et de l’influence sociale sur un ensemble de comportements qui nous est apparue comme une
difficulté pour les élèves de seconde dans l’étude de la sociologie. Les élèves ne sont pas
dépourvus de savoirs construits dans leur vie quotidienne. Ils et elles connaissent une
expérience du monde social qui s’exprime régulièrement à l’école, et d’autant plus en SES.
Cette expérience peut venir à la fois comme une ressource, mais aussi comme un obstacle à
l’intégration de certains savoirs scolaires.
Ce travail s’intéresse donc à l’importance de l’étude des représentations des élèves dans les
processus d’apprentissage, aux effets que celles-ci peuvent avoir sur l’intégration et la
maîtrise de certaines notions et aux moyens qui existent pour transformer ces représentations.
Notre démarche a été engagée en classe de Seconde, et s’est intégrée au programme
d’enseignement d’exploration de SES. Nous avons choisi de travailler particulièrement la
question des représentations sur les « goûts » et les pratiques culturels. Il s’agissait ainsi
d’engager un processus de transformation des représentations sociales des élèves, en faisant
l’hypothèse que, pour engager ce processus, il convient de faire travailler les élèves autour de
leur expérience de la réalité sociale, par l’apport de données qui s’inscrivent dans une réalité
sociale connue des élèves. Ceci a en partie pour objectif de montrer aux élèves que le savoir
enseigné à l’école ne s’exerce pas dans un environnement clos, celui de la classe, mais peut
aussi s’inscrire dans une analyse du monde en dehors de l’école.
Après une analyse de la littérature sur le sujet qui conduit à la problématique de ce mémoire
(1), nous présentons la séquence mise en place avec les élèves de Seconde, ainsi que les
indicateurs qui permettent de saisir l’état et l’évolution des représentations des élèves. (2) Par
la suite, nous présentons les résultats de cette séquence, initialement, puis à l’issue du
processus de transformation, de manière à la fois quantitative et qualitative. (3) Dans une
dernière partie, nous discutons les effets de cette séquence, ainsi que quelques moyens
pédagogiques pour amorcer ce processus de transformation des représentations des élèves. (4)
2
ETAT DE L’ART
1. De la formation des représentations sociales à leurs effets dans le
milieu scolaire
1.1. Que faut-il entendre par “représentations sociales” ?
Les représentations sont constituées « d’idées, d’attitudes, d’opinions ou de jugements »
(Jodelet, 1970). Elles peuvent constituer une véritable connaissance qui peut être qualifiée de
« spontanée » ou encore de « sens commun ». Serge Moscovici (Jodelet, 1970) met en
évidence le fait qu’une représentation se forme à l’aide de deux processus distinct :
l’objectivation et l’ancrage (Jodelet, 1970). L’objectivation correspond au fait que les
individus vont tenter de transformer une notion abstraite ou complexe en une réalité plus
simple, le plus souvent sous forme imagée. L’ancrage quant à lui, désigne l’enracinement de
la représentation et de son objet : l’individu va intégrer la représentation nouvelle dans son
propre système de connaissances.
Cet ensemble de connaissances participe d’une conception du monde réel, du monde social,
dont les élèves sont impregné.es et qui ne disparaît pas dès lors que le contexte change,
notamment lorsque la réflexion se produit dans un milieu scolaire. Ce rôle de compréhension
des réalités, et notamment des réalités sociales en SES, s’applique dans le cas de la relation
professeur-élèves. À la suite de Legardez, on parlera aussi de « savoirs préalables », entendus
comme des « recompositions ad hoc activées dans la relation didactique, d'éléments issus de
savoirs sociaux et de savoirs scolaires antérieurs » (Legardez 2002).
Outre la question de la motivation des élèves, la tension entre questions vives et
représentations sociales en SES traverse également la dimension du processus
d’apprentissage, autant en tant que ressource que comme obstacle à l’acquisition et à
l’appropriation des savoirs par les élèves. Il faut noter que les représentations sociales des
élèves ne sont pas simplement une accumulation d’erreurs, elles peuvent également être
conformes aux savoirs scolaires. Ces connaissances « spontanées » ou « naturelles » sont
véritablement une construction opérée par l’élève en interaction avec son environnement.
Tous les travaux dans ce domaine confirment donc, non seulement que les élèves ne sont pas
des « pages blanches » qu’il faudrait remplir de connaissances, mais encore que leurs
représentations sociales sont organisées, dotées d’une certaine logique et d’un noyau dur
relativement résistant. Dès lors, tout dispositif d’apprentissage qui ne prend pas en compte les
3
représentations peut manquer son but. En effet, l’élève sait quelle est la bonne réponse à
fournir pour satisfaire l’enseignant, mais ses représentations ne sont pas modifiées pour autant
(Bachelard, 1938). Dans d’autres cas, les informations communiquées dans le cadre
d’activités scolaires sont intégrées au système de représentations, mais en modifiant leur sens
pour les rendre compatibles avec les connaissances préexistantes. Ainsi, pour De Vecchi, «
lorsqu’on néglige de s’appuyer sur les conceptions des élèves, on construit des stéréotypes,
des mots vides de sens et, sans y prendre garde, on renforce les représentations fausses : en
un mot, celles-ci font écran et ne permettent pas à un savoir nouveau de se construire ou de
s’affiner » (1992, p. 101).
1.2. Comment se manifestent ces représentations chez les enseignants, et
notamment sur la question du redoublement ?
Il peut aussi s’avérer opportun d’analyser les représentations sociales des enseignants avec
l’idée qu’il peut exister parfois des distorsions entre les intentions et la réalité de la
transposition didactique proposée. Le cas du redoublement peut apparaître pertinent du fait de
son caractère complexe et encore largement débattu. En effet, de nombreux travaux se sont
attachés à comprendre l’attachement des parents et des enseignants au redoublement. Un
sondage d’Opinion Way (2012) montre que 70% des parents et 64% des enseignants
interrogés sont d’accord avec l’affirmation suivante : « le redoublement permet réellement à
l’élève de rattraper son retard et d’être mieux préparé pour les classes supérieures ».
Une définition des représentations des enseignants peut s’articuler ainsi : « contenus mentaux,
ayant trait à l’enseignement, compilés dans des schémas ou des concepts, pouvant prendre la
forme de propositions ou s’assertions » (Crahay, Wanlin, Issaiva & Laduron, 2010).
Dans Mais pourquoi continuent-ils à faire redoubler ?, Marcroux et Crahay (2008) expliquent
la diversité et la complexité des facteurs qui entrent en jeu dans la décision de faire redoubler
un élève. Selon eux, les notes scolaires vont intervenir dans la décision mais pas de façon
unique et prioritaire. Ainsi, le jugement des enseignants sera fonction de quatre déterminants :
l’expérience quotidienne (activités de l’élève, indices comportementaux,…), les
représentations sociales (élève type, bon élève,…), les normes sociales générales (valeurs
morales, modèle de l’individu dans la société, ..) et enfin les normes institutionnelles (règles
de fonctionnement de l’établissement, objectifs d’apprentissages, …). Marcroux et Crahay
(2008) expliquent aussi cette adhésion des enseignants au redoublement par une vision
4
séquentielle des apprentissages. En effet, si l’élève ne maîtrise pas l’une des étapes d’une
séquence, il ne serait plus en mesure d’acquérir des compétences autres.
Pour François Dubet (2002), les enseignant.es continuent à être attachés au redoublement car
cet outil illustre une certaine vision morale de l’école républicaine. Pour d’autres auteurs
comme Draelants (2006) une fonction latente du redoublement persiste, à savoir l’idée de
sanction comme facteur de motivation de l’élève. Ensuite, pour Gary-Bobo et Robin (2014),
le redoublement pourra jouer un rôle de signal car selon eux les enseignants peuvent redouter
d’être jugés par leurs pairs ayant en charge les classes supérieures. Ce rôle de signal se
retrouve aussi sur le rayonnement de l’établissement où les taux de redoublement sont pris en
compte par les familles.
Au final, les enseignant.es, selon ces différents travaux, considèrent encore le redoublement
comme un outil efficace car il s’inscrit dans un système de valeurs méritocratiques
républicaines. Cependant, la pratique du redoublement est en pleine mutation. On cherche à la
réduire. Mais la France demeure dans le groupe de tête des pays de l’OCDE qui font le plus
redoubler leurs élèves. Une série de trois rapports ont d’ailleurs été publiés par le CNSCO en
2014 intitulés : Le redoublement en France et dans le monde : une comparaison statistique et
règlementaire ; Le redoublement en France et dans le monde : de l’étude de ses impacts à la
croyance en son utilité ; Le redoublement en France et dans le monde : quelles alternatives
au redoublement ?.
Ces rapports montrent les pratiques des pays de l’OCDE en termes de redoublement et la
France est classé parmi le groupe de pays qui pratique encore le plus le redoublement. Cela
parait traduire une distorsion entre les représentations sociales des enseignants et l’efficacité
très relative du redoublement (Crahay, Marcroux , 2008).
1.3. Rapport au savoir et sens de l’école
Pour Marie-Cécile Bloch, cofondatrice de la Bouture, une association de lutte contre le
décrochage scolaire et du CLEPT, l'école démocratique doit être avant tout émancipatrice.
Cette école doit donner aux élèves la capacité de comprendre et penser le monde qui les
entoure, capacité qui permet à chacun de trouver sa place dans la société. Cette question fait
écho à la définition des « questions vives », telle que l’envisage A. Legardez. L’auteur nous
invite à reconsidérer l'objet des SES pour comprendre les enjeux psychosociaux de la relation
didactique. Des questions sont vives dans la société parce qu'elles « interpellent les pratiques,
représentent un enjeu pour la société et suscitent un débat, voire des conflits. Enfin, elles font
5
souvent l'objet d'un traitement médiatique tel que la majorité des acteurs scolaires en ont,
même vaguement connaissance » (Legardez, Alpe, 2001). Legardez rappelle ainsi que si le
risque d'enseigner peut conduire les enseignants à « refroidir » ces questions pour pouvoir les
traiter en classe, le risque d'apprendre peut pousser les élèves à garder à distance des savoirs
trop vifs pour l'école.
Le rapport à l’école et au savoir a été étudié notamment chez ceux que les chercheurs du
groupe ESCOL qualifient de « nouveaux lycéens ». Dans un article reprenant les recherches
menées avec Elisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex (Charlot, 2000), Bernard Charlot
explique ainsi qu’apprendre à l’école peut venir en complément, mais aussi en opposition,
avec l’apprentissage « de la vie », le savoir et l’expérience accumulés au quotidien, en
particulier chez certaines jeunes des classes populaires : « Aux apprentissages scolaires, ils
opposent « la vie », qui leur permet de réfléchir sur leur propre expérience, qu’ils confrontent
à des principes et à des règles tirés de leur environnement » (Charlot, 2000, p. 57). Ce constat
interroge le rapport au sens du travail et de l’apprentissage à l’école. Les recherches menées
par le groupe ESCOL soulignent chez certain.es élèves la difficulté de faire le lien entre une
succession de tâches diverses, et les finalités de l’école, autres « qu’utilitaristes » (réussite
professionnelle, reconnaissance familiale…). Il « perturbe » également l’organisation de
l’apprentissage dans une discipline telle que les SES, où ces savoirs indigènes et les
conceptions du monde, des relations sociales ou économiques, seront nécessairement
mobilisées, notamment dans un objectif de compréhension généraliste, systématique, et non
particulariste, de l’environnement social.
2. Questions vives, représentations des élèves et apprentissages
Dans un monde incertain en perpétuelles mutations, construire des représentations du monde
est tout à la fois réducteur d'incertitude, et le signe d'une première implication dans le monde
social. Considérant que les sciences économiques et sociales portent sur des questions
socialement vives, l'existence de représentations sociales dans les savoirs préalables et leur
probable persistance au-delà du processus d'apprentissage apparaît comme un « problème »
didactique dont l'enseignant.e doit tenir compte pour élaborer les situations d'interactions et de
production de connaissance avec les élèves.
6
2.1. Les représentations sociales : moyen ou obstacle d’apprentissage
des élèves ?
Il semblerait que tout dispositif d’apprentissage doive tenir compte des représentations des
élèves. Dans la négative, les apprentissages scolaires risqueraient de n’être que des savoirs «
admis ». L’utilisation des représentations sociales par l’enseignant.e nécessite de préciser le
rôle de cette démarche dans le processus d’apprentissage des élèves. G. Bachelard, cité par A.
Beintone et al., écrit ainsi : « Il s’agit alors, non pas d’acquérir une culture expérimentale,
mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par
la vie quotidienne » (Bachelard, 1983, p.18, in Beitone, Dollo et al., 2004, p. 125). Dans
certaines situations, l’élève sait quelle est la bonne réponse à fournir pour satisfaire
l’enseignant, mais ses représentations ne sont pas modifiées pour autant (Bachelard, 1938).
Dans d’autres cas, les informations communiquées dans le cadre d’activités scolaires
pourraient être intégrées au système de représentations, mais en modifiant leur sens pour les
rendre compatibles avec les connaissances préexistantes. Ainsi, pour De Vecchi, « lorsqu’on
néglige de s’appuyer sur les conceptions des élèves, on construit des stéréotypes, des mots
vides de sens et, sans y prendre garde, on renforce les représentations fausses : en un mot,
celles-ci font écran et ne permettent pas à un savoir nouveau de se construire ou de s’affiner
» (1992, p. 101). Michel Fabre (1999) précise cependant que toutes les représentations ne
constituent pas nécessairement des obstacles, d’où la nécessité de bien les repérer. Il note en
effet que c’est lorsque les élèves sont aux prises avec un problème, pas nécessairement dans le
contexte scolaire, et même le plus souvent en dehors de l’école, qu’ils vont mettre en œuvre
des représentations de la situation. Mais s’il y a un problème, c’est bien parce que ces
représentations sont insuffisantes, erronées ou inadéquates.
La préconception de tout phénomène peut à la fois servir l’enseignement, et également lui
faire obstacle. L’étude de Christine Dollo, autour des conceptions des élèves au sujet du
chômage, le montre bien (Dollo, Joshua, 2002). Outre le fait que son étude propose différents
dispositifs d’étude des conceptions des élèves (association libre, questions d’évocation,
questions de caractérisation…), elle montre comment, dans une classe de Première, certaines
conceptions vont pouvoir entrer en résonance avec un paradigme d’explication du chômage,
mais dans le même temps pourront entraver la compréhension des élèves à propos d’une autre
explication économique. Elle insiste alors sur le fait que les situations d’apprentissage doivent
permettre d’afficher des contradictions aux élèves et de les aider à les résoudre.
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L’enseignant.e doit donc porter attention à ces représentations dans le but de saisir les points
d’appui ou les obstacles potentiels aux apprentissages. La présentation ou la représentation de
la société proposée par l’enseignant.e doit également être réfléchie et les élèves sensibilisé.es
au maniement de différents moyens de découvrir le fonctionnement du monde social. Le but,
comme l’explique Christine Dollo, n’est pas seulement de « lever » ces obstacles, mais de les
dépasser, en cherchant l’adaptation des élèves (Dollo, 2002). Prendre en compte les
représentations des élèves est nécessaire pour l’enseignenant.e afin d’être conscient.e des
connaissances dont l’élève pourrait se servir en cas de difficulté. A l’aide du contenu
pédagogique approprié, l’objectif est ainsi d’effectuer un travail de restructuration et de
complexification des conceptions préexistantes, en proposant ce que certain.es auteur.es
appellent des « situations-impasse », forçant les élèves à envisager un autre modèle explicatif.
Cette situation doit être une situation constituant un obstacle infranchissable dans l’état actuel
cognitif des élèves (Carette, Rey, 2011). Leur construction passe par la confrontation des
élèves à leurs représentations (par différentes méthodes de collecte), puis à une autre
explication qui fait office de « situation-impasse ». Celle-ci peut par exemple être amenée
grâce à une enquête réalisée directement auprès des élèves de la classe, ou d’une autre, pour
montrer par exemple des différences de représentations.
La construction de situations d’apprentissages adaptées doit également permettre aux élèves
d’effectuer ce travail de reconstruction des représentations. Les discussions entre différents
courants pédagogiques nourrissent cette réflexion, notamment sur le fait que le cadre
sociocognitif d’apprentissage est essentiel pour favoriser ce processus. Notamment,
l’interaction à plusieurs, entre élèves peut permettre de faire émerger de possibles
contradictions et inciter les élèves à les discuter afin de les dépasser et de découvrir des modes
d’explication alternatifs (Deauvieau, 2007). Dans une discipline aux théories multiples et
parfois concurrentes comme l’économie ou la sociologie, un exercice comme le débat en
classe peut aider les élèves à mieux faire sens de ces différentes grilles d’analyse (Legardez,
Simonneaux, 2006). Que ce soit par l’intermédiaire de jeux de rôle (Blanchet, 2008), ou sous
la forme d’une « communauté d’experts » commentant collectivement des faits précis
(Heimberg in Legardez, Simmonneaux, 2006), l’expression de positions ou de représentations
contradictoires peut permettre d’amorcer une transformation des représentations, bien que les
auteurs reconnaissent la difficulté de créer l’ensemble des conditions requises pour que ce
processus s’engage pleinement.
8
2.2. De multiples moyens de représenter la société, enjeu de
l’enseignement des SES
Comme l’explique Howard Becker (2009) dans son ouvrage, les médiums disponibles pour «
parler de la société » sont très divers : tableaux statistiques, graphiques, articles, photos, films,
romans, témoignages… Chacun de ces moyens est une manière de présenter la société, ou une
partie de l’environnement social, avec pour les auteur.es le but de « raconter aux autres ce
qu’ils savent de la société ». La situation de l’enseignant.e en SES est complexe, en ce sens
qu’il ou elle a pour ambition de faire « sentir » la réalité sociale, sans pouvoir la faire
expérimenter pleinement. Ce besoin de faire expérimenter au plus proche le monde social au
travers de documents est tout à la fois un objectif et une tension inhérents à la didactique des
SES depuis leur création (Desplanques, Parienty in Galy, Le Nader, Combemale, 2015). Si
l'on considère que c'est à l'apprenant de donner du sens à l'information qui lui arrive, le rôle de
l'enseignant est de fournir des supports qui rendent possible cette création de signification. Le
support n'est pas le savoir mais remplit une fonction de médiation. B-M Barth décrit plus
particulièrement cinq conditions affectant le processus « enseigner-apprendre » dans
lesquelles s'inscrivent en filigrane les représentations : rendre le savoir accessible, exprimer le
savoir dans une forme concrète, engager l'apprenant dans un processus d'élaboration de sens,
guider le processus de construction de sens et enfin préparer au transfert des connaissances et
à la capacité d'abstraction (B.M. Barth, 2002).
Les apprenants forgent leurs propres représentations de la société au travers d’un ensemble de
sources de connaissances, plus ou moins distantes de celles utilisées dans le cadre scolaire.
Cela peut d’ailleurs entretenir la dichotomie entre le monde réel, la société, et l’apprentissage
scolaire. Dans son article, Bernard Charlot relève par exemple que les choses du monde réel,
« de la vie », n’apparaissent pas, pour certain.es élèves, être le domaine de l’école. « Ces
questions essentielles, ce n’est pas à l’école que ces jeunes pensent les rencontrer, mais dans
la vie et... à la télévision » (Charlot, 2000, p. 61). Si les élèves développement des avis sur ces
sujets, il est nécessaire pour l’enseignant.e de faire sentir aux élèves la différence entre l’ordre
de « l’opinion », avis construit mais qui ne s’appuie pas sur la preuve scientifique, et l’ordre
du savoir. Il existe des différences essentielles dans la construction d’une opinion et du savoir,
rappelées par Carette et Rey dans leur ouvrage (Carette, Rey, 2011, p. 128), qu’il convient de
bien différencier auprès des élèves.
Ces objets, moyens d’observation du monde réel, constituent des représentations de la société
et s’utilisent en fonction d’un but précis, dans une organisation sociale et un contexte
9
d’utilisation, avec des objectifs propres. Becker distingue les « fabricants » de représentation
sociale, producteurs de différentes formes de présentation de la société, et les « usagers », qui
se servent de ces représentations avec différents buts. Les objectifs d’apprentissage rejoignent
ici le travail sur le « sens » de cet apprentissage, afin que les buts des élèves soient semblables
à ceux fixés par l’enseignant.e.
Cette question de la représentation « bien assez bonne » (Becker, 2009, p.152), crédible et
compréhensible, doit être réfléchie dans le but de permettre un apprentissage, notamment en
interrogeant les élèves sur leurs propres représentations. Une partie de l’apprentissage porte
alors sur le fait de chercher l’accord des élèves, de les sensibiliser à ces manières de
représenter la société, afin que ces objets puissent être utilisés en regard de l’expérience
personnelle des élèves, par exemple. Cette tension d’aller et retour entre les représentations
proposées par l’enseignant.e et l’expérience personnelle des élèves, dans une dynamique de
mise en cohérence, est un enjeu important de l’utilisation des représentations sociales des
élèves dans l’apprentissage.
Transformer les représentations ne signifie pas remplacer ou empiler sur un savoir existant,
que l’on viendrait « invalider » par des connaissances plus scientifiques, en fournissant des
connaissances jugées plus solides (par l’enseignant.e) aux élèves. C’est bien un schéma
d’explication, une manière d’expliquer qu’il faut pouvoir faire appréhender aux élèves, tout
autant au moins que leur fournir des informations qui réfutent leur savoir premier (Cook &
Lewandowsky, 2011). L’effet peut même être inverse : à multiplier les informations, on
risque de renforcer les conceptions et raisonnements allant dans le sens opposé de la
représentation que l’on souhaite déconstruire.
2.3. Représentations, exercices scolaires et gestion de l’erreur par
l’enseignant
Les raisons de « l’erreur », dans la maîtrise des notions ou concepts, sont par ailleurs un point
important lié à cette question de la déconstruction/restructuration des représentations des
élèves. Comme il a été expliqué, le travail sur les représentations sociales avec les élèves
nécessite une phase de prise de représentations, puis de confrontation des élèves à un obstacle
à dépasser. Il arrive que, lorsqu’un élève ne produit pas le discours exactement attendu du
savoir scolaire, le professeur ait tendance à raisonner de la manière suivante : « ce n’est pas
exact, tu t’es trompé » (Beintone et al., 2004) sans proposer de véritable outil de remédiation à
cette erreur et surtout sans expliciter cette erreur. Gaston Bachelard, soulignait déjà dans les
10
années 1940 que dans l’éducation, la notion « d’obstacle pédagogique » est méconnue : « J’ai
souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c’est
possible, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont
creusé la psychologie de l’erreur, de l’ignorance et de l’irréflexion. (Bachelard, 1938).
Les sociologues S. Joshua et J. J. Dupin insistent sur le fait qu’utiliser le terme « erreur » pour
qualifier une « mauvaise » réponse d’un élève peut être trompeur. En effet, l’idée d’erreur
peut renvoyer à un manque de connaissance, ou, au mieux à un écart plus ou moins
conséquent d’avec les modèles corrects. Or, de très nombreux exemples ont été étudiés (en
mathématiques et en biologie notamment) qui montrent que lorsque l’élève commet une
erreur, il a le plus souvent de « bonnes raisons » pour la commettre, que ces représentations
sont formées d’une cohérence qu’il est difficile de déstabiliser (Joshua, Dupin, 1993).
Le travail des représentations est rendu très complexe, parce qu’il nécessite une appropriation
personnelle des savoirs et des savoirs-faire. La difficulté reste de parvenir à « fixer ce
processus de transformation de soi et du regard sur le monde » (Bautier, Rochex, 2001). La
difficulté pour les élèves peut alors être de maintenir ensemble l’exigence de maîtriser des
savoirs scolaires (les notions, les concepts…) et d’y confronter leurs expériences, comme un
enrichissement « non-scolaire » des systèmes théoriques. Enrichir une réflexion par le « sens
commun » tout en mobilisant le savoir scolaire, scientifique, se révèle être une tâche
particulièrement ardue pour les élèves, notamment lorsqu’il s’agit de maintenir cette exigence
dans un raisonnement long, comme une dissertation (Bautier, Rochex, 2001).
3. L’enrichissement des connaissances personnelles comme finalité de
l’articulation entre représentations et savoirs scolaires
3.1. Représentations, sens et motivation : préparer l'apprentissage
Pour M. Develay il convient d'agir pour que l'école retrouve sa justification aux yeux de tous :
« un lieu d'étude (scholé) où le savoir (sapere) a de la saveur ». Dubet et Martucelli (1996)
montrent que l'école est devenue un lieu d'échange de services et la culture scolaire un bien
que l'on s'approprie pour autant qu'il permet de réussir dans un système scolaire, qu'il présente
une utilité scolaire. Or, la situation d'apprentissage doit générer le plaisir d'apprendre (Barth,
2002). L'implication affective et cognitive apparaît même comme le point de départ de
l'apprentissage. Sans implication, il est impossible d'apprendre. Mais le manque de motivation
résulte parfois du manque de compréhension. Le défi de l'enseignant est alors de faire
découvrir « le sens » à l'apprenant pour susciter la motivation, et ceci en ayant toujours à
11
l'esprit que les principaux ennemis de la mobilisation d'énergie sont l'inquiétude et l'ennui.
Nous pensons que la prise en compte des représentations interroge la psychologie sociale au
sens où elle peut être un levier de motivation dans l'apprentissage des élèves ou au contraire
générer une peur d'apprendre. L'enseignement des Sciences économiques et sociales touche
une corde sensible. En effet, traitant de questions dites « socialement vives », les SES
présentent un risque d'enseigner du côté de l’enseignant mais aussi un risque d'apprendre pour
l’élève.
A l'ère du numérique, et pour les « digital natives » (Octobre, 2009) que sont les adolescents
du 21ème siècle, l'information est omniprésente. Le recul critique à l'égard des sources
d'information apparaît comme une première étape indispensable pour travailler les
représentations des élèves. Les conduire à s'interroger sur les matériaux qui leur ont permis de
formuler leurs représentations du monde social apparaît comme un préalable indispensable à
la construction du savoir. La « disciplinarisation » de l'esprit en SES suppose la construction
de concepts, lesquels permettent l'élaboration de savoirs théoriques en rupture avec le sens
commun. En effet, pour C. Dollo, « si les SES veulent participer à la formation des citoyens
éclairés, elles doivent doter les élèves d'outils conceptuels et de connaissances scientifiques
leur permettant d'accéder aux débats économiques et sociaux qui traversent notre société »
(Dollo, 2005). L'absence d'unité du savoir savant et le caractère pluriparadigmatique des
disciplines de référence qui constituent les SES est d'ailleurs un moyen d'inclure en les
questionnant les représentations des élèves. L'enseignant peut s'appuyer sur les tensions entre
les propositions théoriques divergentes présentes dans la science économique et en sociologie.
3.2. Construire le savoir dans un contexte propice à la négociation du
sens.
L'approche constructiviste de l'apprentissage, selon Bruner, passe par la « négociation du sens
» dans l'interaction sociale, l'échange entre l'apprenant et un membre de sa culture plus
expérimenté. Pour B.-M. Barth, c'est bien dans « l'espace d'échange et de dialogue que se
passe l'apprentissage », dans cet aller-retour entre l'individu et sa « culture » (Gaonac’h,
Fayol, 2008, p.83). Le langage et le dialogue sont les outils les plus importants de la
négociation du sens mais le contexte dans lequel se situe l'acte de communication est lui aussi
déterminant. Ce contexte s'exprime notamment dans les gestes, les intonations ou encore les
expressions du visage. M.L. Rouquette et P. Rateau posent trois conditions pour que des
transformations de pratiques entraînent, à terme, une transformation dans les représentations
correspondantes : il faut qu'elles soient « récurrentes (…), valorisantes (…) que leurs
12
implications apparaissent comme spécifiques et limitées (et donc) qu'elles n'aient pas
d'incidence sur le niveau de raisonnement proprement idéologique » (Rouquette, Rateau,
1998). Ainsi la façon dont on prend appui sur les interventions des élèves apparaît comme
déterminante. Or, l'ethnométhodologie (Mehan, 1979) montre que la participation des élèves
aux dialogues scolaires n’est pas du même type que dans d'autres conversations. La leçon se
construit sur des échanges ternaires initiés et conclus par le ou la professeur.e sans que soit
toujours prise en considération la logique éventuelle des propos émis par les élèves.
L'enseignant.e prend appui sur ce qu’ils et elles disent, parfois de façon strictement formelle,
en laissant de côté ce qui reste d’incompréhension, de malentendu perceptible dans les bouts
de phrases que les élèves prononcent. Pour que l'enseignant.e puisse véritablement être
attentif.ve au propos des élèves, cela exige un (très) bon climat, une grande confiance
mutuelle et une parfaite maîtrise par le professeur de l’objet dont il vise l’enseignement. Sans
quoi, le professeur.e risque de perdre sa propre cohérence, en empruntant celle de l’élève et en
conséquence de déstabiliser la conduite d’ensemble de son enseignement. Comme le disent
Leinhart et Greeno (1986), l’enseignement doit concilier constamment deux agendas : gérer
les contenus et gérer la relation immédiate des élèves aux contenus. Accepter la parole des
élèves pour en tirer parti dans l’avancée du cours suppose donc à la fois la confiance dans leur
adhésion au projet commun d’apprentissage et une véritable maîtrise du contenu de la part de
l'enseignant afin de ne pas perdre cette richesse dans les reformulations rectificatives. Dans
tous les cas, il s’agit d’établir un lien entre le savoir énoncé en classe et le fonctionnement
effectif du monde contemporain, ce faisant de relier le savoir nouveau à ce qui est déjà connu
des élèves (Legardez, 2004).
Le savoir présente une structure tridimensionnelle. On peut en effet faire référence à un
phénomène en le nommant seulement, en décrivant ce qui le caractérise, ou bien en s'y
référant par des exemples, imagés ou réels. Les représentations des élèves consistent la
plupart du temps en des exemples imagés ou réels renvoyant à des phénomènes économiques
et sociaux. Amener les élèves à distinguer exemples et caractéristiques d'un phénomène, et les
inviter à situer leurs représentations dans un contexte spatial, temporel ou situationnel
constitue des chemins vers l'abstraction et la transformation des représentations des élèves. A
l'inverse, si les apprenants n'ont pas saisi la relation entre les différentes expressions d'un
même savoir, en particulier si l'apprentissage se résume à la mémorisation d'exemples isolés
ou d'explications incomplètes qu'ils ne sont pas en mesure de relier aux situations qui les
concernent, il y a fort à parier pour que les représentations des élèves restent bien ancrées
13
dans leur mémoire, postées devant le savoir scolaire dont la seule utilité est interne à
l'institution.
Toujours dans l'idée de faire le lien, à l'issue de la phase de construction du savoir, entre
l'environnement proche des élèves et le savoir scolaire, l'expérience menée par P.Meirieu dans
l'académie de Lyon nous paraît intéressante. Cette expérience du « bridging » consiste à « ne
pas donner d'exercice d'application mais demander aux élèves après avoir étudié un
problème d'aller chercher hors de l'école des gens, des lieux, des situations où on utilise ce
savoir » (Chatel et alii, 1995). En allant chercher des illustrations hors du cadre scolaire,
l'apprenant va s'assurer de la compréhension du savoir, il le personnalise et se l'approprie tout
à fait. Il s'agit d'amener les élèves à décontextualiser les connaissances acquises en milieu
scolaire pour les recontextualiser dans d'autres et leur faire acquérir, à terme, une certaine
autonomie, c'est à dire « la capacité d'utiliser ailleurs et autrement ce qu'on a appris à l'école,
c'est percevoir le sens des savoirs » (Barth, 2002).
3.3. « Le pouvoir puissamment réflexif de l'acte d'écrire »
L'activité langagière assure l’intériorisation, l’incorporation des savoirs scolaires. En effet le
langage est plus qu'un moyen d'enregistrement et de communication de la pensée, c'est un
outil mental dont la mise en œuvre dans les interactions permet la transformation du sujet, en
d'autres termes l'apprentissage.
Apprendre à écrire signifie apprendre à « penser -créer- agir » avec du vocabulaire considéré
comme un réservoir d'outils dynamiques d'inscription dans un espace culturel et/ou
conceptuel collectif. « C'est parce qu'il est amené à écrire, à lire pour écrire, à parler autour
de ses écrits que le sujet est amené à penser, à apprendre et aussi – indissociablement - à
grandir, c'est à dire à assumer une position de sujet autonome, un point de vue. » Il s'agit
alors de concevoir l'écriture comme un processus long qui implique des reprises et des
réécritures qui sont autant d'élaborations de la pensée, des savoirs et de Soi. Dans un tel
processus, l'écrit intermédiaire apparaît comme un écrit de travail destiné à accompagner et
stimuler l'activité réflexive des élèves. Il est qualifié d'intermédiaire car il opère une médiation
entre deux sujets, entre deux discours ou encore entre le sujet et lui- même, et de transitoire
car il est lié à des situations précises de travail. L'élève écrit ce qu'il croit savoir, il écrit ses
questions puis va lire, discuter, récapituler, trier les informations, résumer ce qu'il a appris et
reformuler. Ainsi, pour J.C. Chabanne, le développement des savoirs est indissociable du
développement des formes sémiotiques et des contextes d'action dans lesquels ils sont
14
élaborés et utilisés (Chabanne, 2001). Il semblerait ainsi que l'écrit de travail ou l’écrit
intermédiaire ait un rôle à jouer dans la mise à distance des représentations. Le temps laissé à
l'élaboration de l'écrit et la maturation de la réflexion apparaît comme un facteur déterminant
de ce processus, tout comme la socialisation régulière des productions. Enfin il semblerait que
le travail individuel soit davantage propice à la transformation des représentations.
4. Problématique et hypothèses
Nous souhaitons nous intéresser aux effets des représentations des élèves dans les processus
d’apprentissage. En SES, cette problématique a régulièrement été explorée en économie
notamment sur des grandes notions économiques, comme l’entreprise (E. Chatel, P. Le
Merrer et alii, 1986), ou encore le chômage (Dollo, 2002). Les thématiques plus
sociologiques ont été moins régulièrement l’objet de telles publications, les recherches
consultées s’intéressant notamment à la famille (Dollo et Parayre, 2005), l’opinion publique,
ou encore, et c’est ce thème qui va nous intéresser, les goûts et les pratiques culturels
(Recherche et Formation Rennes, 1997).
4.1. Problématique du mémoire
Comme il a été expliqué, changer les représentations est un processus de long-terme, répétitif,
que le travail d’une année, a fortiori d’une séquence ne peut suffire à mener. Toutefois, nos
recherches sur l’importance que ces représentations peuvent avoir dans l’apprentissage,
l’intégration et la maîtrise de certaines notions et théories de la part des élèves, invitent à se
pencher sur la possibilité et les conditions pour transformer ces représentations. Notre
problématique se fonde ainsi sur l’enjeu d’identifier les moyens de faire évoluer certaines
représentations que peuvent avoir les élèves. Spécifiquement, notre étude se centre sur une
des grandes problématiques de la sociologie, à savoir l’effet du déterminisme social sur les
choix individuels, à l’encontre des représentations favorisant le « libre-arbitre » notamment.
Suite à nos lectures, et durant cette première année de pratique, il nous est apparu que, dans le
programme de sociologie au lycée, cette représentation pouvait grandement peser sur
l’apprentissage des élèves, de façon transversale dans les différents chapitres. A plusieurs
reprises durant l’année, nous avons observé que ces représentations limitaient, voire
empêchaient une compréhension alternative de certains enjeux de la part des élèves, même
après avoir étudié, et souvent retenu, de nouvelles notions. En Seconde, cela concerne
particulièrement le thème « Individus et Société », dans les deux chapitres de ce thème. Plus
spécifiquement, nous souhaitons appliquer cette étude à la thématique des goûts culturels et
15
des loisirs, qui constitue un chapitre entier de ce programme. Notre problématique peut donc
se formuler ainsi :
« Comment favoriser un apprentissage efficace des élèves en sociologie en tenant compte
de leurs représentations ? »
4.2. Hypothèses de travail
Les recherches dans la revue de littérature nous ont permis d’identifier de nombreuses sources
sur les prises de représentation des élèves. Le groupe « Recherche et Formation » de
l’Académie de Rennes (1997) nous conforte dans notre intuition que les élèves de Seconde
ont des représentations fortes sur la domination du choix individuel par rapport à l’influence
du social dans l’élaboration des goûts et choix culturels d’une personne. A la limite, certain.es
élèves émettent une réserve sur l’étendue de la « liberté » individuelle en citant l’influence du
revenu sur certains choix.
Nous pouvons donc légitimement faire l’hypothèse que nos élèves, malgré une sensibilisation
progressive à ces questions sociologiques au cours de l’année, accordent une place
prépondérante à la « volonté » individuelle et prennent peu, voire pas, en compte l’effet du
déterminisme social.
Particulièrement, en nous inspirant des différentes sources dans la revue de littérature (Chatel
et al., 1995 ; Barth, 2002 ; Becker, 2009), mais aussi du travail du groupe « Recherche et
Formation » de Rennes (1997, p.35), les résultats montrent que les représentations des élèves
sont d’autant plus tranchées, en faveur du choix individuel, lorsque la question porte sur des
aspects de leur propre vie quotidienne, de leur propre monde social. Les élèves ont donc des
difficultés à faire la part entre savoir quotidien et savoir scolaire, d’autant plus quand ces
derniers touchent à des questions vives (Legardez, Simmoneaux, 2006). Mais également, les
élèves ont souvent des difficultés à réinvestir les connaissances scolaires dans leur expérience
quotidienne. C’est pourtant l’objectif de ce processus de transformation des représentations
que d’aboutir à un recul des élèves sur leur propre expérience de la réalité sociale.
Nous faisons donc l’hypothèse que, pour pouvoir parvenir à amorcer un travail de
déconstruction et d’ancrage d’un nouveau processus de réflexion sur ces sujets, d’ancrage
d’un explication alternative, il faut faire travailler les élèves à partir de leurs propres
connaissances, en utilisant des données et des documents qui soient proches de leur propre
expérience. Ceci a en partie pour objectif de montrer aux élèves que le savoir enseigné à
l’école ne s’exerce pas dans un environnement clos, celui de la classe, mais peut aussi
s’inscrire dans une analyse du monde en dehors de l’école.
16
METHODE
1. Procédure et documents aux élèves
L’expérimentation, prévue pour durer 4 heures, aura finalement nécessitée 6 heures, répartie
en quatre séances d’une heure, et une séance de deux heures. La distinction de cette séquence
en trois phases présentée dans cette section s’inspire directement du travail de C. Dollo et S.
Parayre (Dollo, Parayre, 2005). L’enseignante, S. Parayre, a mené et analysé, avec C. Dollo,
une expérience de déconstruction et de reconstruction des représentations des élèves sur le
thème de la famille. Le but de la séquence était d’amener les élèves à formuler une définition
commune de la famille, en s’appuyant d’abord sur leurs propres représentations puis sur des
savoirs sociologiques et anthropologiques. La construction des étapes 1 et 3 de cette séquence
s’inspire du travail proposé par le groupe « Recherche et Formation » de l’Académie de
Rennes en 1997. Ce groupe a mené une recherche importante sur les représentations des
élèves, en Seconde et Première, sur les thèmes de la socialisation et de l’opinion publique.
Nous nous sommes inspiré de leurs recherches notamment dans la construction du
questionnaire de prise de représentations, ainsi que de la préparation des ensembles
documentaires.
1.1. Déroulement de l’expérimentation
1.1.1. Etape 1 - Prise de représentations des élèves
1.1.1.1. Construction de la prise de représentations
La phase de prise de représentations avait pour but de mesurer les représentations d’élèves, et
d’essayer d’en faire ressortir les grandes tendances, afin de susciter un premier temps de
discussion en classe, et également d’orienter la partie de transformation des représentations.
Le groupe rennais avait déjà mené cette prise de représentations. Nous avons souhaité étayer
leur propre expérimentation, à partir de leur bilan critique ainsi que des autres méthodes
employées dans différents articles étudiant les représentations des élèves. Plus
spécifiquement, sur la méthode, le groupe de Rennes s’interroge sur le fait que « les élèves ne
perçoivent pas la dimension sociale présente dans chacun de ces actes puisque, pour eux, la
question n’est en fait pas posée » ((Rennes, 1997, p. 62). Plusieurs questions et méthodologies
ont donc été envisagées pour cette étape. Nous avons construit des questions ouvertes de
proposition de mots, un questionnaire aux réponses fermés (du type, au choix des élèves :
« Cette activité est une question de goût… Strictement personnel VS Lié au milieu social »), à
17
l’instar de ce qui avait été proposé à Rennes, ou encore des activités de « mise en cohérence »
(roue d’association d’expressions). Nous avons finalement fait le choix de mener une prise de
représentations plutôt quantitative, à travers un exercice de Q.SORT. Cette méthode consiste à
proposer différentes affirmations à des individus, ou à des groupes d’individus afin que ceux-
ci expriment leur accord ou leur désaccord avec les affirmations, et proposent des
justifications associées.
Nous avons donc élaboré une liste de 12 affirmations que les élèves devaient évaluer, puis
discuter, individuellement dans un premier temps, puis par groupe de 4. Nous avons cherché à
proposer un maximum de pratiques concernées, ainsi que des affirmations proposant à la fois
une lecture « individuelle » des goûts et pratiques culturelles, et une lecture plus « sociale »,
contrairement à ce qu’avaient fait les enseignant.es du groupe de Rennes. Le questionnaire
initial, ainsi que le document de travail des élèves sont proposés en Annexe 1 et 2. La liste des
Annexes est disponible à la page 45 de ce travail.
1.1.1.2. Déroulement de la séance
Faire débuter cette étape individuellement était essentiel afin d’éviter les impositions de
réponses entre élèves. Nous avons donc insisté au maximum auprès des élèves pour que le
premier traitement du questionnaire se fasse sans échange. La mise en œuvre de l’expérience
nous a montré que cette phase était importante pour favoriser l’engagement de chacun.e dans
la phase de discussion en groupe. Dans la Seconde C, par exemple, le travail individuel a été
difficile à imposer du fait de l’atmosphère de classe (un vendredi après-midi, en dernière
heure avant les vacances), ce qui a parfois limité l’expression de certain.es élèves. Il est
cependant intéressant de noter que ces échanges précoces dans les groupes ont fait encore plus
ressortir les représentations « dominantes ».
Une fois le questionnaire complété individuellement, les élèves devaient sélectionner par
groupe les trois affirmations avec lesquelles ils et elles étaient le plus en accord, puis les trois
avec lesquelles ils et elles étaient le plus en désaccord. A l’aide du système de notation ( ++ /
+ / - / - - ), les groupes ont pu se concerter pour sélectionner 5 ou 6 affirmations. Ce travail
leur demandait de confronter également leurs justifications et de noter les justifications
communes, de discuter de celles différentes, ou des désaccords, et de les noter sur le
document de synthèse du groupe. Le rôle de l’enseignant.e est alors pour chaque groupe
d’encourager les échanges (si ceux-ci ont du mal à se faire), et de demander aux élèves
d’expliciter leurs raisonnements, de justifier leurs réponses. Ultimement, cette phase s’est
terminée par un questionnaire rapide et anonyme (Annexe 3) sur les propres pratiques et goûts
18
culturels des élèves. Ces données, une fois dépouillées, ont été en partie intégrées dans les
dossiers documentaires à l’étape 3 (Annexe 5).
1.1.2. Etape 2 – Problématisation et formulation d’hypothèses
La deuxième séance a débuté par une mise en commun des résultats des différents groupes.
Cette phase a permis de montrer aux élèves que les choix des groupes se concentraient sur les
mêmes propositions, notamment dans les cas de désaccord avec des propositions. La mise en
commun des différentes affirmations sélectionnées, ainsi que des justifications a permis de
regrouper les réponses communes. La discussion est conduite par l’enseignant.e autour de ces
réponses pour demander aux élèves lesquelles pourraient être regroupées ensemble.
L’objectif de cette phase est de faire échanger les élèves afin de construire une ou deux
questions auxquelles les affirmations proposées seraient des réponses potentielles. A partir
des justifications élaborées par les élèves en groupes, et recueillies en classe entière, les élèves
ont pu formuler des hypothèses d’explications des goûts et pratiques cultuelles. Ce sont ces
hypothèses qui sont travaillées dans la phase suivante.
1.1.3. Etape 3 – Déconstruction et transformation des représentations
1.1.3.1. Constitution des dossiers documentaires
La 3e phase de l’expérience devait permettre aux élèves de se confronter à de nouvelles
informations, et ce au plus proche de leur propre expérience. Le but était de mettre en doute
les élèves sur certaines représentations sur les goûts culturels, Cela implique d’abord
d’essayer de sélectionner des documents qui « parlent » aux élèves, qui s’ancrent dans leur
expérience sociale. Pour tester notre hypothèse, il nous paraissait important de proposer aux
élèves des documents différents. Cette méthode a deux buts : pouvoir en partie évaluer quels
exemples les élèves auront pu le mieux retenir, et également mesurer si ces exemples auront
pu avoir un effet sur la transformation de leurs représentations. Nous avons choisi en tant que
document d’utiliser un tableau construit à partir du questionnaire sur les propres goûts
culturels des élèves (Annexe 3), afin de leur faire confronter ces données à d’autres
documents. Nous avons construits 6 dossiers documentaires, correspondant au nombre de
groupes qui devaient s’organiser dans la Seconde B. Les documents ont été différenciés, dans
l’optique que les élèves mobilisent des exemples variés. Trois documents étaient proposés aux
élèves, généralement un document statistique, un texte court, et une photographie ou
document iconographique. Ces documents se différenciaient, dans chaque groupe, entre des
documents portant particulièrement sur les cultures jeunes, les pratiques culturelles des
19
adolescents, et d’autres proposant une analyse des habitudes culturelles dans l’ensemble de la
société. Nous proposons deux exemples de dossiers documentaires en Annexe 5 et 6.
Bien que nous abordions plus en détail les résultats dans la section suivante, il nous paraît
important, pour la description de la séquence, de souligner que la sélection des ensembles
documentaires, au-delà des principes déjà évoqués précédemment, s’est faîte en fonction des
réponses des élèves à l’exercice de Q.SORT (étape 1). Nous avons constitué ces dossiers
documentaires notamment autour de la question de « l’obligation » et de l’influence. En effet,
après le dépouillement des réponses au premier questionnaire (Annexe 1), il nous est apparu
qu’une justification revenant régulièrement était celle du « choix », opposant le fait de choisir
de faire quelque chose avec le fait d’être obligé de le faire, et non d’être influencé dans ce
choix. La question de l’influence de certains facteurs, ou entre des personnes, dans le fait de
pratiquer une activité ou d’avoir certains goûts, transparaissait en creux de ces différentes
explications, mais en apparaissant rarement dans les réponses des élèves.
1.1.3.2. Déroulement de la séquence
Cette partie s’est déroulée sur un peu plus de 3 heures. Une première heure a été consacrée à
l’étude des dossiers documentaires par les différents groupes. Lors de la deuxième séance
d’une heure, il était demandé aux groupes d’identifier et de présenter des éléments dans les
documents qui confirment ou infirment les hypothèses qui avaient été proposées. Ils devaient
préparer, pendant 30 minutes, une courte présentation sous la forme d’une idée (argument) et
d’une illustration à présenter aux autres élèves, en précisant quelle(s) hypothèse(s) cette idée
permettait de confirmer ou d’infirmer. Lors des présentations orales de ces synthèses, les
élèves des autres groupes disposaient d’un tableau à remplir, afin de prendre des notes sur les
explications apportées par les différents groupes. Le tableau, composé de deux colonnes
(« Argument » // « Exemple ») et d’une ligne pour chaque groupe, incitait à leur faire repérer
la différence entre les deux.
Enfin, une dernière heure a été consacrée à un échange en commun sur les réponses apportées
par les différents groupes afin de discuter et de synthétiser les éléments de réponse aux
questions qui avaient été proposés par la classe. Cette séance finale avait pour but d’essayer
de collecter les éléments de réponse dans la classe et de stabiliser, autant que possible, le
processus de transformation des représentations.
A l’issue de cette dernière phase, nous avons proposé à nouveau un questionnaire aux élèves,
sous une forme semblable au premier, en ayant sélectionné les 6 propositions du premier
20
questionnaire qui recueillaient le plus d’approbation ou de désapprobation de la part des
élèves de cette classe (Annexe 4). Chaque réponse devait être justifiée en utilisant un exemple
vu dans les documents. Nous avons choisi d’anonymiser et de ne pas noter cet exercice, dans
le but de ne pas en faire une évaluation identifiée comme telle par les élèves, et d’essayer
d’obtenir des réponses aux plus proches des représentations des élèves.
1.2. Documents aux élèves
Au vu de la taille de ces documents, nous avons choisi de n’en inclure aucun dans le corps du
mémoire, afin de ne pas complexifier la lecture. Nous faisons toutefois régulièrement
référence aux Annexes correspondantes afin de faciliter la lecture des résultats, et de leur
discussion, par la suite. Nous présentons donc, en Annexe, les questionnaires soumis aux
élèves, en début et fin de séquence, la fiche de groupe et le questionnaire sur les goûts et
pratiques culturels des élèves, ainsi que deux exemples de dossiers documentaires. Ces
documents se trouvent en Annexe 1 à 6, page 50. Le schéma ci-dessous résume le déroulement
de l’expérimentation, avec les documents utilisés.
1 -
Pri
se d
e re
pré
snet
atio
ns
des
élè
ves
Objectifs :
Prise de représentation auprès des élèves.
Passage des questionnaires individuellement puis discussion par groupes de 4 pour mise en commun.
Documents :
Questionnaire initial (Annexe 1)
Fiches de groupe (Annexe 2)
Questionnaire sur les pratiques des élèves (Annexe 3)
2 -
Pro
blé
mat
isat
ion e
t hypoth
èses
Objectifs :
Mise en commun des fiches de groupe en classe entière
Elaboration d'une ou deux questions et d'hypothèses explicatives des comportements.
Documents :
Fiches de groupe (Annexe 2)
3 -
Tra
nsf
orm
atio
n d
es r
epré
senta
tions
Objectifs :
Validation des hypothèses par l'étude de dossiers documentaires par groupes puis de présentations orales.
Discussion en classe entière.
Documents :
Dossiers documentaires (Annexe 5 et 6)
Questionnaire final (Annexe 4)
21
2. Participants
L’expérimentation de ce mémoire a été menée en classe de Seconde, au lycée Aristide Berges,
à Seyssinet-Pariset. Ce lycée, situé dans l’agglomération grenobloise, est un établissement qui
accueille des élèves venant de plusieurs communes (Fontaine, Seyssinet-Pariset, Seyssins,
Pont de Claix…), et regroupe 11 classes de Seconde. Pour distinguer les trois classes qui ont
participé à l’expérimentation, ou à une partie du processus, nous les nommerons « Seconde
A », « Seconde B », et « Seconde C ». Au total, 79 élèves ont participé à l’expérimentation.
La majorité des élèves de ces trois classes suit l’enseignement d’exploration en SES.
Toutefois, la Seconde B est la seule classe de Seconde dont les élèves suivent tous
l’enseignement d’exploration. Elle est aussi particulière du fait de son effectif peu élevé. Les
trois classes de Seconde ont participé à la séance initiale de prise de représentations. Le reste
de l’expérimentation a été menée avec seulement une de ces classes, la Seconde B. Dans les
trois classes, cette expérimentation est intervenue après avoir traité le chapitre « Comment
devenons-nous des acteurs sociaux », permettant d’aborder la notion de socialisation.
Bien que l’expérimentation n’ait pas pu être menée avec les deux autres classes, du fait du
décalage dans la progression entre les classes et des différences de calendrier, il nous
paraissait intéressant de mener la première phase avec les trois classes de Seconde. Cela nous
a permis d’obtenir une image plus précise des représentations des élèves, mais aussi de
confirmer ou d’infirmer la cohérence de ces représentations, entre élèves d’une même classe,
mais aussi entre les différentes classes.
Enfin, dans cette description des participant.es à l’expérimentation, et bien que ce ne soit pas
le cœur de notre problématique, il convient d’expliciter la manière dont les groupes de travail
ont été constitués. Le travail de groupe est intervenu à deux moments de l’expérimentation :
lors du travail de prise de représentations, puis celle de transformation à partir de différents
documents. Ces groupes ont été constitués aléatoirement, en privilégiant l’objectif de ne pas
reproduire les affinités de travail habituellement rencontrées dans la classe. Nous souhaitions
encourager un croisement des représentations entre les élèves, en favorisant au maximum
l’expression d’avis parfois contradictoires. Les groupes de la première phase devaient
permettre de faire émerger des représentations en partie collectives, par une discussion en
deux temps (en groupe, puis en classe entière) des différentes affirmations. Les groupes de la
deuxième phase (déconstruction) ont également été formés de manière aléatoire, mais
diffèrent de ceux de la prise de représentation. Ils ont été organisés lors de la séance d’étude
des documents puis ont été conservés pour la phase de présentation orale.
22
3. Matériaux recueillis
3.1. Type de données
Afin d’analyser l’effet et l’efficacité de notre processus, nous nous sommes appuyés sur
différents matériaux recueillis au long de l’expérimentation.
Nous avons d’abord dépouillé les réponses aux questionnaires Q.Sort individuels, ainsi que
les mises en commun des groupes. Cela nous a permis de mieux cerner les représentations des
élèves. Par la suite, durant la phase de transformation des représentations (phase 3), nous
avons recueilli les travaux des groupes dans l’étude des documents. Cela nous a permis de les
aider dans la compréhension des documents, mais aussi d’observer la manière dont les
groupes avaient pu réagir aux documents, la manière dont ces derniers avaient été utilisés
lorsque les questions nécessitaient une interprétation des informations de la part des élèves.
Nous avons également enregistré les présentations orales, ainsi que la séance de discussion
qui s’en est suivie. Nous les avons retranscrites afin de pouvoir mieux saisir certains moments
d’expression et d’interactions dans la classe. Cela devait nous permettre de mieux identifier
les arguments exprimés par les élèves et restitués dans la classe, ainsi que les exemples
utilisés.
Enfin, le dépouillement du questionnaire final, constitué d’une sélection de propositions
identiques au premier questionnaire proposé, devait nous permettre d’évaluer finalement, et
humblement, l’efficacité de cette séquence de transformation des représentations.
3.2. Construction et interprétation des indicateurs d’évaluation
C’est à partir des questionnaires initiaux et finaux que nous avons constitué des indicateurs
quantitatifs permettant d’évaluer l’évolution des représentations des élèves, suite au processus
mis en place. Les estimations quantitatives nous permettrons d’évaluer directement
l’efficacité du dispositif et l’état des représentations des élèves. Notre étude s’appuiera
également, comme il a é été dit, sur du matériel plus qualitatif, afin d’évaluer les effets ou
limites de notre dispositif.
Le premier questionnaire, passé à l’Etape 1, était constitué de 12 affirmations. Après
dépouillement, et comptage des réponses des élèves de la Seconde B, nous avons identifié
trois propositions recueillant majoritairement l’approbation des élèves, et trois propositions
rejetées par l’ensemble de la classe. Six propositions ont donc été sélectionnées, pour être
analysées à l’aide du codage présenté (Encadré 1). Parmi les 6 affirmations sélectionnées,
23
trois étaient formulées comme une affirmation du type « Les goûts sont une question de
choix personnel ». Nous les appellerons propositions de « Type 1 ». De même, trois
proposaient étaient formulées comme une affirmation du type « Les goûts ont une explication
sociale ». Nous les appellerons propositions de « Type 2 ». Ces propositions sont extraites du
questionnaire initial (Annexe 1), et se retrouvent dans le questionnaire final (Annexe 4). Nous
avons donc élaboré un codage des justifications des élèves, en attribuant un score de 0 à 2, en
fonction des justifications de l’élève. Chaque proposition est donc associée à un score, pour
chaque élève. Une absence de justification a été codée par un 0. Nous présentons ce codage
dans l’Encadré 1 ci-dessous.
Encadré 1 - Codage des réponses des élèves aux questionnaires
Chaque proposition a été codée comme une variable discrète, en fonction de la justification
proposée par les élèves. Chaque proposition est donc une variable discrète, dont les modalités sont
codées 0, 1 ou 2, selon le codage suivant :
Score de 0 : Justifications mobilisant une explication strictement personnel et individuel
des goûts et des pratiques culturelles.
Score de 1 : Justifications mobilisant une explication partagée des goûts et pratiques, entre
choix personnel et influence potentielle de différents facteurs.
Score de 2 : Justifications mobilisant surtout, ou exclusivement, une explication sociale
des goûts et pratiques culturelles.
Nous avons également construit des échelles de score (somme des scores des élèves pour
plusieurs propositions). Nous avons d’abord calculé deux échelles, codées de 0 à 6, somme
des scores d’un élève, respectivement aux propositions de Type 1 et de Type 2. Nous avons
également calculé une échelle « Total » en additionnant les scores d’un élève pour les 6
propositions. La construction de ces échelles est résumée et explicité dans l’Encadré 2 ci-
dessous.
Encadré 2 – Construction des échelles et calcul des résultats
Pour chaque proposition, chaque élève a obtenu un score, de 0, 1 ou 2. Comme chaque élève a obtenu
un score pour chaque question (0 en l’absence de justifications), nous pouvons additionner les scores.
C’est ce que nous avons faits en construisant les trois échelles cités précédemment. Les deux
premières, de « Type 1 » et de « Type 2 » sont l’addition des scores à respectivement trois
propositions, et sont donc codés de 0 à 6, comme somme de trois scores de 0 à 2. L’échelle « Total »
est une échelle codée de 0 à 12, comme somme des scores à chaque proposition.
Echelle de Type 1 : Codé de 0 à 6. Somme des scores d’un élève obtenu aux propositions de
Type 1 (« Les goûts sont une question de choix personnel »).
Echelle de Type 2 : Codé de 0 à 6. Somme des scores d’un élève obtenu aux propositions de
Type 2 (« Les goûts ont une explication sociale »).
Echelle « Total » : Codé de 0 à 12. Somme des scores d’un élève obtenu aux propositions de
Type 1 et de Type 2.
Quel que soit le type de propositions, ou au total, plus le score d’un élève est élevé sur l’échelle, plus
ses justifications prennent en compte la dimension « sociale » associée à la formation des goûts.
24
Les résultats présentés dans la section suivante sont des scores moyens calculés pour la classe
et pour chaque proposition, puis pour chaque échelle. Pour chaque proposition, un score
moyen a été calculé en additionnant les scores individuels des élèves pour la proposition en
question, puis en divisant le résultat par le nombre d’élèves. Ensuite, un score moyen a été
calculé pour chaque échelle. La méthode est semblable. Nous avons additionné le score
d’échelle des élèves, pour ensuite le diviser par le nombre d’élèves. L’Encadré 3 résume
l’interprétation des résultats des tableaux, ainsi que l’interprétation de l’Alpha de Cronbach
calculé pour chaque jeu de données (questionnaire initial et questionnaire final).
Encadré n°3 – Interprétation des résultats des tableaux
Interprétation des scores moyens
Les tableaux de la section suivante doivent se lire comme des scores moyens, calculés sur la classe.
Ces scores moyens sont obtenus par la classe pour chaque proposition, puis pour les échelles de Type
1 et de Type 2, et enfin sur l’échelle « Total ». Nous résumons ci-dessous l’intervalle au sein duquel
chaque score est compris.
Score moyen de proposition : Score moyen compris entre 0 et 2. Plus le score est élevé, plus
une part importante de la classe intègre la dimension « sociale » des goûts dans les
justifications sur la proposition.
Score moyen d’échelle Type 1/Type 2 : Score moyen compris entre 0 et 6. Plus le score est
élevé, plus une part importante de classe intègre la dimension « sociale » des goûts dans les
justifications sur ce type de propositions.
Score moyen d’échelle « Total » : Score moyen compris entre 0 et 12. Plus le score est
élevé, plus une part importante de classe intègre la dimension « sociale » des goûts dans les
justifications sur l’ensemble des propositions
Interprétation de l’Alpha de Cronbach
L’Alpha de Cronbach est un coefficient statistique permettant de mesurer la cohérence entre des items
posés lors d’un test, items censés mesurer un même phénomène ou une même attitude. Il est
particulièrement utilisé lorsque plusieurs varibles sont codées comme des réponses graduées, afin de
former par la suite une « échelle d’attitude », en psychologie ou en science politique par exemple. Le
test permet de vérifier la cohérence des questions entre elles, mais aussi le sens du codage des
questions.
Sa valeur s’établit entre 0 et 1. Plus sa valeur est élevée, plus les items sont homogènes et mesurent
une même attitude. Le seuil critique d’acceptabilité de l’Alpha de Cronbach, varie de 0,6 à 0,75 ou
0,8 selon les auteurs (Hogan, 2007).
25
RESULTATS
1. Evolution des représentations des élèves
Nous avons dépouillé principalement trois documents : les questionnaires individuels, initiaux
et finaux, remplis anonymement par les élèves ainsi que les fiches de groupe synthétisant les
avis d’un groupe sur les affirmations.
Nous présentons ici les résultats commentés de l’étape initiale et de l’étape finale de notre
expérimentation.
1.1. Description des représentations initiales des élèves
Nous présentons dans cette partie les résultats du premier questionnaire de type Q.SORT
administrés individuellement aux élèves. Ce document peut être consulté en Annexe 1.
1.1.1. Identification des propositions les plus choisies par les élèves
Nous avons opté ici pour un comptage des réponses en fonction des symboles utilisés par les
élèves. Nous les avons classées ensuite dans un tableau, permettant de présenter différentes
justifications des élèves, parmi les plus significatives. Nous sommes conscients qu’un
comptage plus précis avec un système de coefficient pour mesure l’approbation ou la
désapprobation aurait été plus rigoureux.
Nous pouvons d’abord noter que les choix des élèves sont assez stables, individuellement, et
également dans les trois classes au sein desquelles ce premier questionnaire a été administré.
On relève que dans les trois classes, les élèves sont particulièrement en accord avec les
affirmations affirmant que les goûts et pratiques culturels sont avant tout une question de
choix, de décision individuelle1. En effet, nous observons dans les tableaux que ce sont
particulièrement les propositions n°4 (« Si on apprend à jouer d’un instrument de musique,
c’est parce qu’on en a envie »), n°7 (« Le sport que l’on pratique est avant tout une question
de choix personnel »), n°9 (« Regarder Arte est une question de goût personnel ») ou encore
n°11 (« Aller voir un spectacle humoristique est une question de goût personnel ») qui
regroupent le plus de votes « ++ » ou « + ». Au contraire, les affirmations traduisant plutôt
l’aspect social des goûts culturels soulèvent la désapprobation des élèves (symbole « - - » ou
« - »), notamment les propositions n°5 (« Jouer aux jeux-vidéo n’est pas un choix
1 Nous ne présentons ici que les résultats de la Seconde B, mais un travail de dépouillement similaire a été mené
pour les trois classes. Nous avons choisi d’exclure les résultats des deux autres classes afin de ne pas étendre la
présentation et l’analyse de ces résultats de façon trop importante.
26
individuel »), n°8 (« Les personnes qui ont le même niveau d’études vont écouter le même
style de musique »), n°10 (« Des personnes qui font le même métier vont lire les mêmes
livres »). Le Tableau n°1 présente le résultat de cette phase de comptage, ainsi que certaines
justifications parmi les plus présentes dans les réponses des élèves.
Tableau n°1 – Présentation des réponses au questionnaire initial – Seconde B
Le dépouillement des fiches de groupe, synthétisant les échanges des élèves à propos de ces
affirmations confirme ce processus de comptage. Nous présentons en Annexe 7 (p.55) les
choix opérés dans chaque groupe en Seconde B, pour sélectionner collectivement les
affirmations les plus importantes pour eux, en disant leur accord ou désaccord.
Niveau N° des
prop. les
plus
retenues
Justifications proposées par les élèves
+ + N°4
N°7
N°9
N°4 : « On peut choisir de jouer ce qu’on veut » « On ne peut pas trop prendre la
décision à notre place » « Parfois les parents disent de le faire aux enfants, mais on
si ne veut pas continuer on ne le fait pas »
N°7 : « On ne va pas pratiquer tous le même sport », « On peut choisir de faire du
sport, mais la famille y est aussi un peu pour quelque chose »
N°9 : « Personne est obligé de regarder Arte », « Il faut aimer pour ne pas
s’ennuyer ».
+
N°2
N°2 : « Le prix de certains vêtements est très cher, ce n’est donc pas n’importe qui
qui va l’acheter » « Le salaire permet entre autre d’acheter certains vêtements,
mais cela dépend aussi des goûts : si cela ne nous plaît pas on ne va pas l’acheter »
- N°1
N°5
N°12
N°1 : « Etant donné qu’ils ont les mêmes gênes ils peuvent avoir les mêmes
goûts » « Ils peuvent avoir des goûts totalement différents, mais comme ils ont les
mêmes parents et vivent ensemble, ils peuvent partager leurs goûts musicaux ».
N°5 : « Non, on choisit de jouer plutôt que de faire autre chose, chacun fait ce qu’il
veut » « On ne nous force pas à faire quelque chose » « C’est un choix, ça peut être
quoi d’autre ??
N°12 : « La religion est quelque chose que l’on nous transmet, mais on choisit de
le suivre ou pas » « La famille influence la religion, mais certaines sont moins bien
vues que d’autres aussi » « Si nos parents sont religieux, l’enfant est par la suite
très religieux aussi ».
- - N°3
N°8
N°10
N°3 : « Cela dépend des goûts de chacun, certains préfèrent des films d’action,
d’autres des films plutôt drôles ou romantiques » « Chacun choisit ce qu’il veut »
N°8 : « Chacun ses goûts, les études n’ont rien à voir avec la musique que l’on
écoute » « On choisit d’écouter de la musique selon nos goûts, pas selon nos
études »
N°10 : « Le choix des livres, ça dépend des goûts » « Les jardiniers ne sont pas
obligés de lire que des livres de jardinage » « Cela dépend de la personnalité des
personnes, de leur âge »
27
1.1.2. Mesure des représentations initiales des élèves
A l’aide des indicateurs décrits dans la partie « Méthode », nous avons pu estimer les
représentations des élèves, à l’aide de scores attribués à chaque justification. Le Tableau n°2
présente les scores au questionnaire initial dans la Seconde B.
Nous voyons ainsi que les scores moyens sur l’ensemble des 6 questions sélectionnées, score
compris entre 0 et 2, ne dépassent pas 0,66. Nous pouvons donc dire que les représentations
défendent plutôt le rôle du libre-arbitre et du choix sur les goûts et pratiques culturels, plutôt
que les effets sociaux. Les scores des deux échelles nous permettent de vérifier si la
formulation des affirmations a un impact sur le raisonnement des élèves. Les scores moyens
de chaque question de Type 2 (entre 0,21 et 0,66) semblent plus élevés que pour les questions
de Type 1 (entre 0,04 et 0,54). Cela nous est confirmé par les scores d’échelle. Pour les
questions de Type 1, le score moyen est de 0,83, contre 1,21 pour les questions de Type 2.
Tableau n°2 – Résultats du questionnaire initial – Seconde B
INDICATEURS SCORE
MOYEN
PROPOSITIONS - Score mesuré de 0 à 2
Type 1 - « Les goûts sont une question de goût personnel »
Q4 - Si on apprend à jouer d’un instrument de musique, c’est parce qu’on en a envie. 0,25
Q7 - Si dans l’ensemble les filles et les garçons ne pratiquent pas les mêmes sports… 0,54
Q9 - Aimer regarder Arte est une question de goût personnel. 0,04
Type 2 - « Les goûts viennent du social, il existe une influence »
Q1 - Deux frères ou deux sœurs ont des raisons d’avoir les mêmes goûts en musique. 0,66
Q3 - Tous les adolescents vont plutôt voir les mêmes films au cinéma. 0,33
Q8 - Selon le niveau d’étude, on n’écoute pas le même style de musique ou pas autant de
musique 0,21
ECHELLES – Score mesuré de 0 à 6
Echelle Questions Type 1 - « Les goûts sont une question de goût personnel » 0,83
Echelle Questions Type 2 - « Les goûts viennent du social, il existe une influence. » 1,21
ECHELLE TOTAL – Score mesuré de 0 à 12 2,04
Alpha de Cronbach = 0,656
28
Ainsi, nous observons que les élèves ont plus tendance à exprimer une justification proche des
explications « sociologiques », lorsque cette idée est déjà en partie suggérée dans
l’affirmation. Face à une proposition exprimant le fait que les goûts sont un choix, les élèves
ont plus de difficulté à identifier une explication alternative. Cela se retrouve dans l’analyse
verbale de leurs justifications, que nous développerons par la suite.
Finalement, sur cette prise de représentation initiale, le score moyen final (somme des scores
des élèves sur chaque proposition) nous montre bien que les représentations des élèves portent
très majoritairement en faveur d’une conception « individuelle », choisie, des goûts et des
pratiques culturels. Seuls deux élèves sur 24 obtiennent un score de 6 ou plus, sur une échelle
allant de 0 à 12. Ces résultats sont synthétisés par la distribution des élèves de la classe en
fonction de leur score sur le Graphique n°1 en fin de section.
1.1.3. Analyse des justifications des élèves
Ces justifications permettent de mieux faire sens des représentations des élèves, et de préciser
la cohérence des représentations. Il nous est apparu à la lecture des justifications des élèves
que leur mode de pensée semblait se centrer sur la question du choix, comparée à la question
de l’obligation. Le fait que les goûts soient « individuels » semble se justifier chez beaucoup
d’élèves par le choix de faire quelque chose, par opposition à l’obligation d’avoir à le faire.
Si l’on choisit de faire quelque chose, c’est parce qu’on est libre de le faire. Cela se retrouve
dans de nombreuses justifications : « On ne va pas faire un sport que l’on aime pas », « On ne
va pas se forcer à aller voir quelque chose qui ne fait pas rire », « Pourquoi payer quelque
chose qui ne nous plaît pas et n’est pas obligatoire ? ». Les justifications relevant d’une
forme de « déterminisme », d’influence sociale sur les goûts et les pratiques culturels
identifiées par les élèves sont rares. Elles portent d’abord sur le niveau de revenu (Proposition
n°2), mais sont encore partagées avec la question du choix des goûts. Plus rarement, des
élèves, sur certaines propositions expriment l’idée selon laquelle nos décisions peuvent être
influencées par notre entourage, ou différentes en raison de certains facteurs.
Au vu des justifications identifiées, nous avons choisi d’axer le travail dans la séquence sur la
question du choix et de l’influence. Nous avons pour cela sélectionné des documents qui
permettent aux élèves de remobiliser quasi-systématiquement la question de la
« socialisation », et les concepts « d’effet d’imitation » et « d’effet de distinction » déjà vus
précédemment dans l’année. Ainsi, bien que ces notions aient déjà été étudiées précédemment
dans l’année, les représentations des élèves sont toujours aussi fortes.
29
1.2. Evaluation des représentations finales des élèves
1.2.1. Mesure des représentations finales
A partir de 6 questions sélectionnées dans le questionnaire initial, à l’issue de notre séquence
de transformation des représentations, nous avons à nouveau proposé un questionnaire aux
élèves, afin d’évaluer l’évolution des représentations (Annexe 4). Nous avons choisi 6
affirmations parmi celles recueillant le plus d’approbation ou de désapprobation, et en lien
avec ce qui avait été travaillé dans la phase de transformation des représentations (Etape 3).
Nous avons calculé un Alpha de Cronbach pour chaque ensemble de données. Ces
coefficients de valeur 0,656 dans le Tableau n°2, et de valeur 0,836 pour le Tableau n°3,
approchant ou dépassant le seuil critique de 0.7, montrent que les différentes propositions
mesurent bien une même attitude, à savoir le fait d’intégrer la dimension « sociale » des goûts
et pratiques culturelles dans les justifications aux différentes propositions.
Les résultats sont présentés dans le Tableau n°3 ainsi que sur les Graphique n°1 et n°2. Nous
observons que les scores moyens à toutes les affirmations ont augmenté, signe qu’un nombre
plus important d’élèves formulent des justifications mobilisant une partie d’explication plus
sociale des goûts et pratiques culturels, et pas exclusivement individuelle. Dans les questions
de Type 1, l’une des propositions se rapproche d’un score moyen proche de 1 (0,92). Pour les
questions de Type 2, pour deux propositions sur trois, le score moyen est supérieur à 1, signe
qu’une proportion significative d’élèves formulent des justifications plus proches d’une
explication sociale des goûts culturels. Si l’on regarde les scores moyens des échelles de Type
1 et de Type 2, le score qui a le plus augmenté est celui des questions de Type 2. Cela vient
confirmer l’observation faîte lors du questionnaire initial que les élèves sont plus à même de
formuler une explication « sociale » des goûts et pratiques culturels lorsque l’affirmation
invite à cette explication.
Le score moyen total des élèves a également augmenté. La dispersion des élèves en fonction
de leur score montre une nette augmentation de la proportion des élèves se situant dans le
profil regroupant des réponses mélangeant choix individuel et causes sociales des goûts
culturels. La proportion majoritaire reste toutefois un ensemble d’élèves formulant quasiment
exclusivement des explications portées sur le choix, le libre-arbitre d’avoir certains goûts ou
certaines pratiques.
30
Tableau n°3 – Résultats du questionnaire final – Seconde B
INDICATEURS SCORE
MOYEN
PROPOSITIONS - Score mesuré de 0 à 2
Type 1 - « Les goûts sont une question de goût personnel »
Q4 - Si on apprend à jouer d’un instrument de musique, c’est parce qu’on en a envie. 0,625
Q1 – Si dans l’ensemble les filles et les garçons ne pratiquent pas les mêmes sports… 0,92
Q6 – Aimer regarder Arte est une question de goût personnel. 0,41
Type 2 - « Les goûts viennent du social, il existe une influence »
Q2 – Deux frères ou deux sœurs ont des raisons d’avoir les mêmes goûts en musique. 1,04
Q5 – Tous les adolescents vont plutôt voir les mêmes films au cinéma. 0,875
Q3 – Selon le niveau d’étude, on n’écoute pas le même style de musique ou pas autant de
musique 1,125
ECHELLES – Score mesuré de 0 à 6
Echelle Questions Type 1 « Les goûts sont une question de goût personnel » 1,96
Echelle Questions Type 2 « Les goûts viennent du social, il existe une influence » 3,04
ECHELLE TOTAL - Score mesuré de 0 à 12 5
Alpha de Cronbach = 0,836
NB : Les numéros des questions font référence au questionnaire final proposé aux élèves, disponible en
Annexe 4. Nous avons conservé l’ordre de présentation des phrases dans ce tableau afin de faciliter la
comparaison avec le Tableau n°2.
Les résultats des Graphiques n°1 et n°2 représentent l’évolution des représentations au sein de
la classe. Le premier graphique montre que sur l’ensemble de la classe, près de 80% des
élèves ont un score sur l’échelle « Total » compris entre 0 et 4, c’est-à-dire une très faible
prise en compte de la dimension du déterminisme social sur les goûts et pratiques culturels.
20% ont un score compris entre 5 et 8, signe d’une prise en compte de cette dimension
sociale, et aucun n’atteint le score de 9. Le graphique n°2 montre une nette évolution, bien
que le premier groupe reste majoritaire. Celui-ci ne représente plus que 45% de la classe. 37%
31
des élèves atteignent un score entre 5 et 8, et 16% des élèves ont intégré cette dimension
sociale, se traduisant par un score de 9 ou plus.
Graphique n°1 et n°2 – Distribution des élèves selon leur score total – Questionnaire initial
et final
1.2.2. Analyse des justifications des élèves
Les scores moyens calculés sur l’ensemble de la classe nous montrent que l’évolution n’est
pas totalement homogène. En effet, les scores moyens des élèves ont particulièrement
progressé pour les questions de Type 2, celles proposant une explication sociale des goûts
culturels, par rapport aux propositions de Type 1, qui elles affirmaient la prépondérance du
choix individuelle. Une grande partie des élèves mobilisent des justifications différentes pour
les questions de type 1 par rapport aux questions de type 2. En effet, près de 60% des élèves,
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
De 0 à 4 De 5 à 8 9 et plus
Score total (de 0 à 12) - Questionnaire initial
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
De 0 à 4 De 5 à 8 9 et plus
Score total (de 0 à 12) - Questionnaire final
32
lors du questionnaire final, ont un profil de réponses montrant un score supérieur sur l’échelle
des affirmations de Type 2 par rapport l’échelle des propositions de Type 1. Au contraire, seul
16% des élèves ont un score plus élevé aux questions de Type 1. Ces résultats sont stables
entre le passage du questionnaire initial et du questionnaire final. Nous observons ainsi que le
raisonnement « social » est plus facilement mobilisé par les élèves lorsque le fait, la
proposition à analyser suggère déjà cette explication. Nous pouvons cependant exclure le fait
que les élèves aient seulement « identifié » la réponse attendue, sans toutefois pouvoir
approfondir un peu le raisonnement. Lors du questionnaire final, trois élèves (sur 24)
maintiennent un raisonnement invoquant la notion de socialisation aux propositions de Type 1
et de Type 2, mais sans toutefois pouvoir expliciter plus précisément le raisonnement. Les
autres répondent en développant l’effet de la socialisation, l’effet d’imitation, l’influence
d’autres personnes sur les goûts… Pour ces trois élèves, la séquence n’aurait laissé que la
trace d’un savoir « décoratif », signalé par cette paraphrase de notions, sans mobilisation
d’autres justifications. Nous revenons dans la section suivante sur cet effet de la séquence.
33
DISCUSSION
1. Evaluation de la séquence : effets sur les représentations des élèves
1.1. Représentations des élèves et effet miroir
Les résultats de l’expérimentation montrent une évolution des représentations des élèves. A
l’issue de la séquence permettant de discuter ces représentations et de proposer des
explications alternatives, une plus grande proportion d’élèves exprime, au moins, des
justifications associant une vision « individuelle » des goûts à une explication plus sociale de
ces goûts et pratiques. Il semble ainsi que les représentations des élèves, ou au moins leurs
savoirs, se soient modifiées pour intégrer une partie d’un savoir alternatif à leurs propres
conceptions initiales sur la question de la formation des goûts et pratiques culturelles. Dans
leur ouvrage, V. Carette et et B. Rey insistent sur la distinction à faire entre un savoir appris,
que l’élève est capable de restituer, et une « connaissance », dans le sens d’un savoir maîtrisé
et intégré de manière personnelle par l’élève (Carette, Rey, 2011).
En mobilisant la typologie de savoirs « décoratifs, admis et acquis » (Beitone, Dollo et al.,
2004), il nous semble que la majorité des élèves se situeraient à l’état d’un savoir admis
(savoir qui cohabite avec le savoir initial, mais ne perdure pas nécessairement), et d’un savoir
acquis pour une petite partie d’entre eux.
Les réponses des élèves aux questions de Type 1 restent très marquées par l’importance du
choix et du libre-arbitre dans leurs justifications. Nous pouvons nous demander si la
formulation de ce type de questions permet de discriminer entre les élèves qui prennent
conscience de la construction sociale des goûts culturels et celles et ceux qui ne le font pas. Il
nous semble que les justifications des élèves développent une explication cohérente
concernant l’importance du libre-arbitre, laissant ainsi penser que deux savoirs coexistent
dans les représentations des élèves. Cela interroge toutefois la manière d’évaluer pleinement
la transformation de ces représentations, et l’intériorisation de ces savoirs de la part des
élèves. Le commentaire d’une situation plus concrète, voire extérieure à la classe (Chatel et
al., 1995) sous l’angle d’une analyse de document, ou encore d’une réponse plus structurée et
développée à une question auraient peut-être donné plus de profondeur à cette évaluation.
1.2. Un travail sur les propres goûts des élèves, signe d’apprentissage ?
A l’issue de cette séquence, il nous semble que, sans avoir pleinement mené le travail de
transformation des représentations des élèves, nous les avons en partie amené.es à se
34
questionner sur leur propre environnement social et sur l’existence de leurs goûts. Nous
souhaitions que les documents et données proposés aux élèves puissent faire référence à leurs
propres pratiques afin que l’analyse se rapproche au plus du monde qu’ils et elles connaissent.
Cette méthode prend place dans un débat important de la pédagogie des SES, et ce depuis sa
création, celui du débat sur l’inductivisme et le déductivisme (Chatel et al., 2002). Plusieurs
documents que nous avons proposés avaient pour but de faire aboutir les élèves à des formes
d’interprétation générale, dans une démarche, que nous identifions a posteriori de
l’expérimentation, comme plutôt inductive. A. Beitone souligne l’importance épistémologique
de ce débat et met en garde contre certaines limites de ce type de didactique (Beitone, 1997).
Il insiste notamment sur le fait qu’avec ces méthodes d’apprentissage inductives, une forme
de « pédagogie invisible » (expression de B. Bernstein) se mettrait en place, dissimulant les
objectifs réels d’apprentissage derrière des objets d’étude. Plus précisément, cela limiterait,
voire empêcherait une montée en généralité de la part d’une partie des élèves, par le passage à
un « genre second », à un recul pris sur l’expérience (Beitone, 2011). C’est également ce que
souligne J. Deauvieau, dans son chapitre sur « Les situations d’enseignement dans les classes
faibles » (Deauvieau, 2009, p.85). Il décrit ainsi la difficulté d’acquérir la « capacité
d’objectivation », capacité de mettre à distance le savoir énoncé par rapport à l’énonciateur. Il
met en lumière, à la suite de Bautier et Rochex (2001), la fréquente relativisation des savoirs
scolaires au nom de l’expérience sociale, notamment chez les élèves en difficulté, ce qui les
empêcherait d’entrer dans un rapport intellectuel et personnel à ces savoirs. Appliquée à notre
questionnement sur les goûts et les pratiques culturels, cette posture de décentrement nous
paraît d’autant plus complexe qu’elle touche à un aspect important de la personnalité des
adolescents.
Conscient de ces réflexions, il nous paraît de par les matériaux recueillis que ce travail est
parvenu à toucher une partie des élèves. Cela est particulièrement sensible dans les
présentations orales qui ont été faîtes par les différents groupes, puis dans la discussion qui a
suivi. Les illustrations développées par les différents groupes mélangent à égalité des
exemples portant plutôt sur les cultures adolescentes, et des illustrations tirées des documents
portant sur les pratiques culturelles en général. Il est toutefois notable que dans les
présentations de trois groupes sur les 6, un lien est directement fait par les élèves à leur propre
situation. Cela se ressent d’abord par le fait qu’un des groupes a rédigé sa présentation, à
partir de deux documents portant sur les goûts musicaux des adolescents (dont l’un est tiré des
élèves réponses au questionnaire de l’Annexe 3), en s’incluant en tant que « Nous » pour
35
parler des adolescents. On peut citer ainsi la conclusion de leur présentation, en ayant utilisé
un extrait d’entretien comme illustration : « Le regard des autres importe alors beaucoup et
[Christophe] ne souhaite pas être associé à un certain type d’individus. Les amis comptent
ainsi dans notre choix de musique. […] Cela nous incite donc plus nous adolescents à écouter
un certain style de musique ». Un autre groupe, toujours à propos des goûts musicaux, avait
choisi d’utiliser un exemple tiré de leur « expérience » en expliquant que des musiques que
l’on écoute peuvent venir de conseils, de propositions de proches, d’amis. Nous leur avons
alors demandé de faire le lien avec le document, pour compléter leur illustration, ce qui a été
plus difficile dans ce groupe, ne parvenant pas à comparer la situation de leur propre
expérience aux données proposées dans le document.
Nous voyons ainsi que la distance entre un exemple de l’ordre du « vécu » et un autre tiré
d’un document jugé scientifique est parfois difficile à percevoir et à manier pour les élèves.
Nous reviendrons dans la suite de la discussion sur ce problème. Cependant, nous relevons
également que ces documents portant sur les cultures adolescentes semblent également
pousser une partie des élèves à une réflexion sur leur propre situation, et par là, à une
réflexion sur leurs représentations, et non seulement à l’acquisition d’un savoir scolaire sans
le confronter à leur propre expérience sociale.
Nous interrogeons plus ce débat sur inductivisme et déductivisme, que nous apportons de
réponses. Cette expérimentation nous a seulement permis d’entrevoir les problématiques
posées par les deux méthodes. Il nous paraîtrait intéressant, dans le cadre d’une
expérimentation semblable, d’essayer d’identifier les effets d’une telle démarche en l’évaluant
en fonction du « niveau » des élèves, pour analyser comment faire profiter cette démarche au
maximum d’élèves.
2. Analyse du dispositif : les moyens et limites d’un processus de
transformation des représentations
La représentation de la société au travers de ces documents est essentielle du fait qu’en SES,
le laboratoire est extérieure à la classe. Hormis par l’enquête directe, en dehors de la classe,
c’est la confrontation aux documents qui doit permettre de faire l’expérience de la matière
sociale. Plusieurs ouvrages (Deauvieau, 2009 ; Mabillon-Bonfils, Saadoun, 1997 ; Joigneaux-
Desplanques, Parienty, 2015) s’intéressent aux multiples utilisations des documents, et
comment celles-ci construisent des pédagogies différentes en SES. Il nous semble important
36
d’étudier également la manière dont les élèves appréhendent ces documents et comment,
comparativement, ceux-ci contribuent à une modification des représentations.
A l’instar de ce que Howard Becker présente dans son ouvrage (2009), il nous est apparu que
les objectifs de l’enseignant ne sont pas toujours ceux des élèves. Le statut donné à un
document, son rôle et les objectifs qui y sont associés sont une part en soi du travail de
transformation des représentations dans notre cas. Comme le disent Mabillon-Bonfils et
Saadoun (1997, p. 170), au travers de la métaphore de la valeur d’usage : la valeur d’usage est
liée à la satisfaction qu’elle procure au consommateur (ici l’élève), et l’enseignant doit tout
faire pour que celle-ci corresponde à la valeur marchande du document, mesurée par toute la
préparation nécessaire à son usage en classe.
Trois problématiques nous semblent importantes et relatives à cet objet de discussion.
2.1. Rôle du document et apprentissage des élèves
D’abord, un de nos objectifs en utilisant certains documents étaient de fournir aux élèves une
piste de réflexion qui nécessite une part d’interprétation de leur part. Cette utilisation du
document dans une perspective interprétative pose plusieurs questions sur l’intérêt et le
traitement du document dans l’apprentissage des élèves. Dans notre expérimentation, il
s’avère que les documents permettant une interprétation plus « libre » (de notre point de vue)
sont ceux qui ont le moins permis ce travail. L’étude des tableaux statistiques, par exemple,
lorsque les données ne sont pas trop nombreuses, permet assez rapidement de faire dégager
une idée principale sur la répartition des goûts dans un domaine précis (musique, lecture,
sorties…). Cependant, l’interprétation de ces données est hasardeuse du fait qu’elles donnent
souvent peu d’indices d’explications de ces constats de fait. A l’inverse, un texte extrait
d’enquête (entretien…) ou des documents iconographiques nous paraissaient pouvoir
favoriser l’interprétation des élèves. Pourtant, dans notre expérimentation, c’est le premier
type de documents qui a permis le plus d’interprétation, et de généralisation de la part des
élèves. Par exemple, dans le cas d’un document incluant un extrait d’entretien, peu d’élèves
ont établi une comparaison entre la situation du jeune interviewé par Dominique Pasquier et
une généralisation sur la socialisation des adolescents. Même, ce document a eu plutôt
tendance à enfermer les élèves dans leur propre expérience, plutôt que les mener vers une
généralisation. Les interprétations « libres » ont été beaucoup plus nourries sur un document
statistique comme la non-participation à différentes manifestations culturelles selon la PCS.
37
Les objectifs de la séquence doivent être identifiés très explicitement et la « mise en scène »
permettre aux élèves de lier au maximum les informations recueillies dans les différents
documents. Pour que tou.tes les élèves comprennent le sens d’un document, mais aussi son
intérêt dans l’apprentissage des savoirs de la séquence. Les élèves doivent « savoir que les
éléments à utiliser dans le texte doivent traiter de cette question en fournissant des exemples
ou des arguments » (Joigneaux-Desplanques, Parienty, 2015, p.178). Ainsi, il nous paraît
nécessaire de mieux présenter en amont la tâche suivante, de donner un statut aux documents,
en explicitant l’importance de rechercher argument ou illustration pour construire cette tâche.
2.2. Statut du document et administration de la preuve scientifique
Un deuxième problème qui s’est posé, et qui ne concerne pas que le travail en sociologie, ni
même celui en SES, est celui du statut de la preuve scientifique et de l’exemple dans les
réflexions des élèves. Le problème est régulier dans la rédaction des séquences
argumentatives A.E.I des élèves, sur la manière de construire une illustration, notamment à
partir d’un document. Durant l’expérimentation, les présentations orales et les discussions qui
ont suivi ont montré la difficulté, mais aussi la nécessité de discuter la différence entre savoir
quotidien et savoir scientifique. Cette réflexion est semblable à celle proposée par Bautier et
Rochex (2001), sur le fait qu’il est difficile de distinguer le savoir scientifique du sens
commun dans les réflexions des élèves, notamment lorsque le sujet en question peut atteindre
leur situation propre. C’est également ce que nous avons observé dans notre travail.
L’utilisation de certains documents, propose une explication alternative aux représentations
des élèves. Toutefois, sans réflexion sur le statut des documents, et le savoir proposé en
classe, dans les discussions, ces informations sont envisagées souvent au même niveau qu’un
exemple de situation personnelle, particulièrement pour les écrits de sociologues et extraits
d’entretien. Il nous a semblé que les statistiques avaient un aspect plus « formel », ou plus
familier pour les élèves, qui dans le cas de notre expérimentation, favorisait plus leur
acceptation en tant que document de savoir, par rapport aux textes. Nous ne pouvons pour
autant pas généraliser cette réflexion et conservons surtout la conviction qu’il est nécessaire
de travailler avec les élèves le statut de cette forme de savoir, notamment lorsqu’elle propose
un avis divergent de celui des élèves, et qu’elle vient se confronter au savoir du sens commun,
du quotidien. Revient ici en lumière la différence entre opinion et savoir (Carette et Rey,
2011), entre opinion et argument que le travail sur documents doit permettre aux élèves
d’acquérir (Joigneaux-Desplanques, Parienty, 2015).
38
Il ne nous semble pas que ces observations doivent amener à conclure que les documents non
statistiques n’ont pas la même portée explicative auprès des élèves. Au contraire, les
matériaux plus littéraires, ou parfois éloignés des codes académiques sont également des
ressources à mobiliser. Il convient alors de savoir les mettre en scène pour les rapprocher des
objectifs d’enseignement (Becker, 2009). Après avoir mené cette expérience, l’important est
alors de souligner la nécessité d’intégrer l’explicitation, l’apprentissage de la réflexion et du
travail scientifique. Comme le disent Carette et Rey, le rôle de l’enseignant doit être
finalement celui d’une recontextualisation, d’une repersonalisation des connaissances, à
l’inverse de ce qu’un chercheur ou une chercheuse effectue pour diffuser ses travaux. (Carette
et Rey, 2011, p.142). Il nous paraît avoir manqué avec nos élèves ce travail sur la
légitimité du document, particulièrement des documents de nature plus « qualitative »
(extraits d’entretien, photographies, vidéos…). Il aurait été nécessaire d’interroger les groupes
travaillant avec ces documents sur la manière dont ce document représentait une situation
réelle, et pour quelle raison il pouvait être pris en compte comme une source légitime de
savoir. Comme le rappelle E. Chatel, mettre les élèves en situation d’activité intellectuelle et
de déduction sur certains matériaux (image ou vidéo notamment) nécessitent qu’ils en
maîtrisent les codes (Chatel et al., 2002).
2.3. Contexte de classe, travail de groupe et représentations des élèves
Le contexte de classe est une troisième composante essentielle des moyens de transformation
des représentations des élèves. Le fait que ce travail ait été mené dans un contexte spécifique
d’une classe limite les conclusions proposées suite aux résultats. Par exemple, plusieurs
élèves de la classe étaient assez sensibles à ce raisonnement, une question exploratoire et une
évaluation précédente avaient permis de nous en rendre compte. La comparaison avec une
autre classe aurait pu nous apporter davantage d’informations sur l’aspect « interactif » de la
transformation des représentations.
Les théories dites « socioconstructivisme » défendent que, dans ce contexte de classe, ce sont
avant tout les interactions, notamment entre élèves, qui permettent les apprentissages, par la
confrontation des expériences, la prise de consciences des différences (Beitone, Dollo et al.,
2004). Connaître le point de vue, l’interprétation des autres, tant que l’interaction satisfait à
des règles précises, favorisent l’intégration des savoirs par les élèves. Il convient de rappeler,
avec Carette et Rey, certaines règles de cette interaction. L’interaction doit se faire sans
complaisance ou posture d’autorité entre les intervenants, et dans le cadre d’une situation de
conflit sociocognitif pour les élèves (Carette, Rey, 2011).
39
Il nous semble que cette situation a été assez bien respectée dans notre expérimentation. Les
présentations ont permis la présentation d’informations différentes, reprises et discutées par la
suite, permettant des interactions riches entre élèves. La question de l’intérêt de ces
interactions reste posée lorsqu’initialement les représentations sont très homogènes, comme
c’était le cas dans notre expérience. Nous avons par exemple fait le choix de constituer les
groupes de travail aléatoirement. Il aurait peut-être été intéressant de constituer les groupes en
incluant les élèves les plus « sensibilisé.es » au raisonnement sociologique dans les différents
groupes. Mais il conviendrait alors de s’assurer que cette « distribution » volontaire ne soit
pas trop identifiée comme telle par les élèves, d’autant plus qu’elle risque de pencher vers
l’écueil de la position d’autorité presque organisée pour certain.es élèves.
L’émergence et l’expression de ces « conflits socio-cognitifs » peuvent se travailler à l’échelle
du groupe, mais aussi à l’échelle de la classe entière (Dollo, 2005). La mise en place d’une
situation de discussion suffisamment encadrée et préparée semble pouvoir faire avancer dans
la transformation des représentations des élèves, par ces interactions. La conduite du débat
n’est pas « naturelle » mais doit permettre aux élèves de se confronter progressivement aux
savoirs scientifiques, pas seulement individuellement par l’étude des documents, mais
collectivement par l’expression d’arguments contradictoires (Dollo, 2005). Ce dispositif nous
paraît intéressant pour proposer une manière d’intensifier les interactions entre élèves dans un
échange construit, mais ne nous semble pas résoudre ce problème propre à l’homogénéité des
représentations. L’utilisation de « jeux de rôle » imposant aux élèves de prendre une autre
position que la leur, bien qu’intéressante pour de nombreux sujets (Blanchet, 2008), ne nous
semble pas adaptée à l’enjeu de notre expérimentation.
3. Perspectives de travail sur les représentations des élèves
3.1. Un travail enrichissant mais difficilement transposable ?
Le travail sur les représentations des élèves nous paraît important du fait que ce sont ces
connaissances préalables à l’étude de différents sujets qui peuvent perturber l’apprentissage,
la compréhension ou la restitution de certaines notions proposées en SES. Cependant, notre
hypothèse nous interroge sur la possibilité de transposer ce principe de travail à l’ensemble
des sujets étudiés en SES. Sur le thème des goûts et pratiques culturels, il était assez aisé de
proposer aux élèves des données proches de leur propre environnement social. Il est certain
que les élèves, par leur expérience quotidienne, possèdent une compréhension du monde
social ou économique, sur un vaste ensemble d’enjeux. Nous pouvons d’ailleurs nous
40
demander s’il existe des sujets sur lesquels les élèves seraient réellement dans la situation de
« pages blanches » évoquée dans la revue de littérature. Toutefois, proposer un mode de
travail semblable, en essayant de s’appuyer au maximum sur l’expérience du monde social
des élèves nous paraît être une tâche complexe. Comme l’écrivent E. Chatel et ses co-
auteur.es, « tous les objets d’étude ne peuvent pas mobiliser également l’expérience sociale
des élèves » (Chatel et al., 2002, p.80). La constitution de dossiers documentaires amorce
l’enrichissement des perceptions des élèves et peut les pousser vers un questionnement
alternatif. Durant cette première année de pratique, l’utilisation de séquences vidéo nous a
paru également œuvrer en ce sens. La réalisation d’enquêtes effectuées par les élèves nous
paraîtrait aussi être un moyen de mettre les élèves en activité sur leurs propres représentations
à partir du monde social dont ils sont familiers.
3.2. Statut de l’erreur et représentations des élèves
Le statut de « l’erreur » était en partie à l’origine de notre intérêt pour ce sujet et demeure
toujours une interrogation, bien que la séquence nous ait permis de progresser sur le sujet.
L’existence de ces représentations de la part des élèves nous interroge sur la manière de
considérer ces conceptions, inadéquates ou décalées face au savoir attendu. Cette réflexion
s’est posée lors de l’évaluation d’un devoir cette année, lorsque presque les deux-tiers des
élèves ont proposé une même justification pour réfuter une affirmation : « parce qu’ils ont des
goûts différents».
Il nous apparaît maintenant qu’une phase de prise de représentations sur de nombreux thèmes
d’apprentissages des SES est nécessaire, afin « d’entendre » et de « comprendre » les
représentations que l’on pourrait rencontrer de la part des élèves, et de pouvoir ainsi les faire
discuter au maximum avant qu’elles ne soient exprimées dans une évaluation, par exemple,
comme le propose J.P. Astolfi (Astolfi, 2014). Lors de notre expérience, nous avons procédé à
deux « évaluations », sous la forme des questionnaires initiaux et finaux, mais anonymement.
Comme le dit Astolfi, ces décalages entre les attentes du savoir scolaire et les propositions
peuvent être le signe d’une transformation en cours du système cognitif des élèves. Dans le
cadre de notre séquence, nous pouvons effectivement confirmer que le décalage montre
malgré tout une évolution des représentations. Toutefois, une erreur semblable de la part
d’une grande partie des élèves doit nécessairement interroger l’enseignant.e sur la cause de
ces incompréhensions. Il nous semble que ce type « d’erreurs » est le signe de l’existence de
représentations ancrées de manière assez homogène chez les élèves et un signal qu’elles
devraient éventuellement faire l’objet d’un travail plus collectif entre tou.tes les élèves.
41
CONCLUSION
Ce travail avait pour but d’étudier l’importance des représentations des élèves, leurs effets
dans les apprentissages, et les moyens pertinents que peut mobiliser l’enseignant.e dans son
action pour les transformer. A l’issue de notre travail, ce processus nous paraît toujours aussi
essentiel, tant il est en lien avec un objectif fort des apprentissages à l’école: passer d’un
savoir scolaire à un savoir du quotidien, mobilisé dans leur expérience du monde et de la
réalité sociale. Nous avons cherché à analyser des moyens pédagogiques qui permettent non
pas de pleinement mener cette transformation, mais au moins de l’amorcer. Pour mener ce
travail dans cet objectif, il est nécessaire d’ancrer le processus de déconstruction et de
reconstruction dans l’expérience sociale connue des élèves, à partir de données et de
documents qui puissent faire écho à leurs propres connaissances, même si ils proposent une
position différente. Ce travail de transformation des représentations doit alors s’appuyer sur
un apprentissage de la signification d’un avis divergent, de sa prise en compte dans les savoirs
scolaires, mais aussi de la manière d’appréhender les documents et la preuve scientifique.
C’est par l’insistance sur l’apprentissage de ces compétences que l’expérience sociale des
élèves et les savoirs scolaires peuvent entrer en résonance et servir à une transformation des
représentations des élèves, et à terme à un réinvestissement personnel du savoir scolaire dans
l’expérience quotidienne du monde sociale par les élèves.
42
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45
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 – Questionnaire initial – Prise de représentations des élèves .................................. 46
Annexe 2 – Fiche de groupe – Prise de représentations ........................................................... 47
Annexe 3 – Questionnaire sur les goûts et pratiques culturels des élèves ............................... 48
Annexe 4 – Questionnaire final – Représentations des élèves ................................................. 49
Annexe 5 - Exemple d’ensemble documentaire n°1 (Etape 3) ................................................ 50
Annexe 6 – Exemple d’ensemble documentaire n°2 (Etape 3) ................................................ 52
Annexe 7 – Résultats -Mise en commun des groupes – Questionnaire initial ......................... 54
46
Annexe 1 – Questionnaire initial – Prise de représentations des élèves
Lisez les propositions suivantes. Sélectionnez en 3 avec lesquelles vous êtes le plus en accord et 3 avec lesquelles vous le moins en accord. Vous pouvez noter : ++ (très d’accord) // + (plutôt d’accord) // - (plutôt en désaccord) // -- (très en désaccord) Individuellement d’abord, justifiez cet accord/désaccord en rédigeant en dessous.
Propositions – Êtes-vous en accord ou en désaccord : 1. Deux frères ou deux sœurs ont des raisons d’avoir les mêmes goûts en musique.
2. Si l’on achète certains vêtements, c’est surtout en fonction de l’argent que l’on gagne.
3. Tous les adolescents vont plutôt voir les mêmes films au cinéma.
4. Si on apprend à jouer d’un instrument de musique, c’est parce qu’on en a envie.
5. Jouer aux jeux-vidéo n’est pas un choix individuel.
6. Aller au cinéma est une activité qui se pratique autant dans toutes les familles.
7. Le sport que l’on pratique est avant tout une question de choix personnel.
8. Des personnes qui ont fait les mêmes études vont écouter le même style de musique.
9. Aimer regarder Arte est une question de goût personnel.
10. Des personnes qui font le même métier vont lire les mêmes livres
11. Aller voir un spectacle d’humoriste est une question de goût personnel.
12. Une religion est quelque chose que l’on choisit par soi-même.
47
Annexe 2 – Fiche de groupe – Prise de représentations
Fiche de groupe – Séance introduction – Les pratiques culturelles
Propositions les plus partagées dans le groupe
En accord : o
o
o
Pas d’accord : o
o
o
Explications / Justifications du groupe sur les différentes propositions :
Pensez à noter à la fois l’avis commun à tous les membres du groupe, mais AUSSI les désaccords
qui peuvent exister dans les choix de propositions ou dans les explications apportées par chacun.e
Proposition n° :
Proposition n° :
Proposition n° :
Proposition n° :
48
Annexe 3 – Questionnaire sur les goûts et pratiques culturels des élèves
Questionnaire de fin de séance (anonyme) 1) On vous offre la possibilité d’obtenir gratuitement un album, quel style choisissez-vous ?
Musique rock / pop / indé.
Musique électro / techno
Musique classique
Musique rap / hiphop / Rn’B
Autre (à préciser)
-Pourquoi ? 2) On vous offre la possibilité d’assister gratuitement à un spectacle, lequel choisissez-vous ?
Assister à un match/évènement sportif
Assister à un spectacle de danse
Assister à un opéra
Assister à un concert de musique classique
Assister à un concert de musique autre (précisez le type de musique/artiste)
Assister à un spectacle d’humoriste
-Pourquoi ? 3) Pour chacune des propositions suivantes, pouvez-vous dire si vous avez effectué cette activité au moins une fois dans l’année écoulée, puis en précisant dans quelles circonstances ?
oui ou non En famille avec des amis
avec le lycée
Musée
Opéra
Concert de musique classique
Concert de votre choix (précisez lequel)
Match/évènement sportif
Cinéma
Humoriste
49
Annexe 4 – Questionnaire final – Représentations des élèves
1. Si dans l’ensemble les filles et les garçons ne pratiquent pas les mêmes sports
(la boxe, le football, la danse…) c’est parce qu’ils et elles le choisissent, chacun ses goûts.
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
2. Selon le niveau d’étude, on n’écoute pas le même style de musique ou pas autant de musique.
___________________________________________________________________________
______________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
3. Deux frères ou deux sœurs ont des raisons d’avoir les mêmes goûts en musique.
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
4. Si on apprend à jouer d’un instrument de musique, c’est parce qu’on en a envie.
__________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
5. Tous les adolescents vont plutôt voir les mêmes films au cinéma.
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
6. Aimer regarder Arte est une question de goût personnel.
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
___________________________________________________________________________
50
Annexe 5 - Exemple d’ensemble documentaire n°1 (Etape 3)
51
52
Annexe 6 – Exemple d’ensemble documentaire n°2 (Etape 3)
53
54
Annexe 7 – Résultats -Mise en commun des groupes – Questionnaire initial
Propositions Groupe
n°1
Groupe
n°2
Groupe
n°3
Groupe
n°4
Groupe
n°5
Groupe
n°6
1. Deux frères ou deux sœurs
ont des raisons d’avoir les
mêmes goûts en musique.
++
- -
- -
2. Si l’on achète certains
vêtements, c’est surtout en
fonction de l’argent que l’on
gagne.
++
++
+ +
++
3. Tous les adolescents vont
plutôt voir les mêmes films
au cinéma.
- -
- -
- -
4. Si on apprend à jouer d’un
instrument de musique,
c’est parce qu’on en a envie.
++
++
+ +
++
++
++
5. Jouer aux jeux-vidéo n’est
pas un choix individuel.
- -
6. Aller au cinéma est une
activité qui se pratique
autant dans toutes les
familles.
- -
7. Le sport que l’on pratique
est avant tout une question
de choix personnel.
++
+ +
++
++
8. Des personnes qui ont fait
les mêmes études vont
écouter le même style de
musique.
- -
- -
- -
9. Aimer regarder Arte est
une question de goût
personnel.
++
++
10. Des personnes qui font le
même métier vont lire les
mêmes livres
- -
- -
- -
- -
11. Aller voir un spectacle
d’humoriste est une
question de goût personnel.
++
12. Une religion est quelque
chose que l’on choisit par
soi-même.
- -
- -
- -
- -
Mots-clé :
Représentation sociale, seconde, transformation, déconstruction, goûts, expérience sociale,
savoir scolaire, discussion, débat.
Keywords:
Social representation, tenth grade, transformation, debunking, taste, social experience, school
knowledge, debate, discussion.
Résumé :
Ce mémoire traite de l’importance de la prise en compte des représentations sociales des
élèves dans leur apprentissage en SES. Nous nous sommes intéressés aux représentations des
élèves en Seconde sur le thème des goûts et des pratiques culturels. Nous souhaitions analyser
les moyens à mobiliser par l’enseignant.e pour faire évoluer ces représentations. Notamment,
notre hypothèse de travail est que, pour faire, évoluer les représentations sociales des élèves, il
faut essayer d’ancrer le processus de reconstruction des représentations dans l’expérience
sociale connue des élèves. Nous avons construit des indicateurs quantitatifs permettant de
mesurer l’état des représentations des élèves, puis leur évolution à l’issue de la séquence.
Nous avons mis en place une séquence de travail de groupe sur dossier documentaire puis de
présentation orale et discussion permettant aux élèves de valider ou d’infirmer un certain
nombre d’hypothèses. A l’issue de la séquence, nous observons à l’aide des indicateurs une
évolution des représentations des élèves et pouvons en partie valider notre hypothèse. Dans
une dernière partie, nous discutons les effets de cette séquence, ainsi que quelques moyens
pédagogiques pour amorcer ce processus de transformation des représentations des élèves.
Abstract:
Our dissertation deals with the importance of taking into account social representations of
students in social sciences classes. Our topic focuses on 10th
grade students’ representations of
cultural taste and cultural practices. Our aim was to analyze the process of deconstruction and
reconstruction in order to transform those representations. More precisely, in order to achieve
this goal, our main hypothesis is that the teaching process needs to root itself in the social
experience known from students. We elaborated quantitative indicators enabling us to
measure the initial structure of students’ representations, and their evolution at the end of the
process. We set up a lesson plan that involved students in group work, analyzing documentary
resources then presenting and discussing their conclusions in order to confirm or infirm
previously chosen hypotheses. After the lesson, we see an evolution of students’
representations, thus confirming our main hypothesis. We finally draw on different effects of
this lesson, and discuss various teaching methods to engage in deconstructing representations.