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C. E X P O S É G É O G R A P H I Q U E
Les deux parties ayant, dans les mémoires transmis à
l 'arbitre, procédé à un examen détaillé des matériaux
cartographiques relatifs à la Guyane et des indications
fournies sur les conditions géographiques de cette contrée
par les relations de voyages ou autres documents, pour
en tirer des conclusions probantes touchant la situation du
Japoc ou Vincent Pinçon du traité d'Utrecht, l'arbitre se
trouve également conduit à étudier en détail ce côté de la
question. Cette recherche forme le complément nécessaire
de l'exposé historique. Il y a lieu tout d'abord de fixer
quelques points de vue généraux qui domineront l'examen
des questions spéciales. De plus, il sera indispensable de
procéder à une étude détaillée des cartes principales.
L e but de la discussion des questions d'ordre général
est de montrer de quels principes l'arbitre est parti pour
établir les faits d'ordre géographique et pourquoi, selon
lui, ces principes doivent servir de règle.
En ce qui concerne l'examen détaillé des cartes prin
cipales, l'arbitre sait avec quelle prudence il faut faire
usage des vieilles cartes comme moyen de preuve.
I. introduction.
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Il y a soixante-dix ans environ, Alexandre de Humboldt 1 )
appréciait justement le caractère général des anciennes
cartes de la manière suivante :
« Les cartes géographiques expriment les opinions et
les connaissances, plus ou moins limitées, de celui qui les
a construites ; mais elles ne retracent pas l'état des décou
vertes. Ce que l'on trouve figuré sur les cartes (et c'est
surtout le cas de celles des X I V e , X V e et X V I e siècles), est
un mélange de faits avérés et de conjectures présentées
comme des faits. Ce serait sans doute méconnaître les
progrès de la géographie et les causes qui les ont hâtés,
que de jeter de la défaveur sur les procédés ingénieux de
l'art qui combine ; les résultats de ces procédés ne sont à
craindre que là où, dans le tracé des cartes, on n'offre pas
les moyens de reconnaître ce qui a été vu et ce que l'on
a simplement supposé pouvoir exister. »
Dans son étude sur le développement de la cartogra
phie de l'Amérique jusqu'en 1570 2 ) , le Dr Sophus Ruge
attire également l'attention sur les imperfections que pré
sentent les anciennes cartes des Espagnols et des Portugais.
Cela dit, il faut ajouter que, néanmoins, un examen de
toutes les anciennes cartes du territoire contesté est indis
pensable à l'intelligence de la question litigieuse. C'est ainsi
seulement qu'on reconnaîtra l'origine des divergences d'opi
nion constatées plus tard parmi les géographes et l'impor
tance qu'il convient de leur attribuer. L'histoire de la car
tographie est un complément nécessaire de l'histoire du
pays, et, d'une manière générale, de celle du litige.
1) A. de Humboldt, Examen critique de l'histoire de la géographie
du Nouveau Continent, 1831, I, pp. 326 et 327. 2 ) Petermanns Mitteilungen, Ergänzungsband X X I I I , 1893.
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1.
Première connaissance du territoire contesté.
Vicente Yañez Pinzon, de Palos, navigateur de pro
fession comme ses deux frères aînés, homme expérimenté
et entreprenant, qui avait été déjà l'un des compagnons de
Colomb dans son premier voyage, avait, en décembre 1495,
obtenu de la couronne d'Espagne la permission d'organiser
une expédition dont il serait le chef. Henry Harrisse tient
pour vraisemblable que cette expédition a eu lieu, mais il
fait observer qu'aucun document ne permet d'en donner
une preuve certaine 1).
La nouvelle de la découverte que Colomb avait faite
à la côte de Paria, parvenue en Espagne au mois de dé
cembre 1498, détermina Y . Y. Pinzon à entreprendre, lui
aussi, une expédition. Les récits de Colomb avaient d'ailleurs
excité l'imagination de ses contemporains au sujet de la
beauté et de la richesse du pays découvert. Plusieurs com
pagnons du grand navigateur sollicitèrent et obtinrent de la
cour l'autorisation de poursuivre l'exploration de ce pays,
à leurs frais et moyennant l'obligation de verser à la cou
ronne un quart ou un cinquième des bénéfices de l'expé
dition 2 ) . L e premier d'entre eux, Alonso de Hojeda 3 ) , fut
prêt à partir au printemps de 1496. Il avait l'appui du
puissant évêque de Burgos, Juan Rodriguez de Fonseca,
qui s'occupait avec beaucoup d'activité de ces entreprises
d'outre-mer, et il s'était entouré de compagnons tels que
Juan de la Cosa et Amerigo Vespucci . Vint après l'expé-
1) Henry Harrisse, The Discovery of North America, Par is et Londres, 1892, page 671.
2) Navarrete, Coleccion de los viages. . . , Madrid 1829, III , pp. 3 et suiv. 3) Navarrete traite de l'expédition de Hojeda dans 1. c , III , pp. 4 et suiv.
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dition d'Alonso Niño et de Cristobal Guerra 1 ) . E t à la fin
de l'année 1499, Vicente Yañez Pinzon fit voile vers le
même but ; son compatriote Diego de Lepe le suivait immé
diatement.
On possède, sur le voyage de V . Y . Pinzon, des
données nombreuses et en partie dignes de foi, puisées aux
sources contemporaines. M. F . I, page 240, note 1, précise,
de la manière suivante, l'indication de ces sources :
« 1° L a capitulation (acte de donation) de Vicente Yañez
Pinzon, datée du 5 septembre 1501 (publiée par M. da Silva,
dans son livre l 'Oyapoc et l'Amazone, t. II, page 479) 2 ) ;
2" une relation abrégée dans l'écrit de Fracanzano, intitulé
Paesi novamente ritrovati e Novo mondo (Vicence 1507) ;
3° une autre relation, dans le livre de Pierre Martyr d'An-
ghiera, de Orbe Novo, 1re décade, chap. I X (première édi
tion en 1516) ; 4° les dépositions des témoins devant le
Fiscal à l'occasion du procès contre Diego Colon, publiées
par Navarrete, Coleccion de los viages y descubrimientos
(Madrid, 1829), tome III, pp. 547 et suiv. ; 5° Oviedo, Historia
general y natural de las Indias : livre 21, ch. 3 ; livre 24,
ch. 2. »
Si l'on cite encore le fait que la « Real provision » en faveur
de Vicente Yafiez Pinzon et de ses neveux,, du 5 décembre
1500 (Navarrete, 1. c , III, pages 82 et suivantes), et l'acte
de Charles-Quint, du 23 septembre 1519 (ibidem, pages 145
et suivantes), font aussi mention du voyage de V . Y . Pinzon;
si l'on constate en outre que la « relation » citée ci-dessus
sous le n° 2 n'est, pour la partie touchant l'objet de la pré
sente sentence que la reproduction d'un écrit antérieur, à
savoir du «Libretto de tutta la navigatione del R e de Spagna
1) Navarrete, 1. c , III , page 11. 2 ) Vo i r M. B . II, pp. 1-3.
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de le isole, e terreni nuovamente trovati » par le secrétaire
d'ambassade vénitien, Angelo Trevisan (Venise 1504), et
que cet écrit a son origine dans un travail de Pierre Martyr;
si. l'on mentionne enfin la relation, de seconde main, de L a s
Casas, dans son Historia de las Indias (t. III, chap. C L X X I I I ,
pages 448-451) datant du milieu du X V I e siècle, rémunéra
tion des documents concernant le voyage de V . Y. Pinzon
peut être considérée comme complète.
a) L e document le plus authentique est sans doute
la capitulation royale du 5 septembre 1501, dont, vu leur
connexion avec l'objet du litige, les paragraphes les plus
importants sont reproduits ci-après 1), bien que cette pièce
ait été discutée ailleurs 2 ) d'une façon détaillée :
. . . « Vous êtes allé faire des découvertes sur la Mer
Océane, du côté des Indes, où à l'aide de Dieu Notre
Seigneur, et par votre habileté, votre travail et vos efforts,
vous avez découvert certaines îles et des terres continen
tales auxquelles vous avez donné les noms suivants : Santa
Maria de la Consolacion et Rostro Hermoso ; e t . . . de là
vous avez longé la côte qui va vers le Nordouest jusqu'au
grand fleuve que vous avez nommé Santa Maria de la
Mar-Dulce, et, toujours vers le Nordouest, tout le long de
la terre jusqu'au Cap de San V icen t e . . . ; vous serez notre
Capitaine et Gouverneur des susdites terres, ci-dessus
nommées, de la susdite pointe de Santa Maria de la Consolacion, le long de la côte, jusqu'à Rostro Hermoso, et,
de là, de toute la. côte qui va au Nordouest jusqu'au susdit
fleuve que vous avez nommé Santa Maria de la Mar-Dulce
avec les îles qui se trouvent à l'embouchure du susdit
fleuve qui s'appelle Marinatambalo. . .»
1 ) D'après la traduction française figurant dans M. B . II, pp. 2 et suiv. 2 ) V o i r ci-dessus, page 86.
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A cette capitulation royale se joint tout d'abord la
« Real provision » en faveur de Vicente Variez Pinzon et
de ses neveux, Arias Perez et Diego Fernandez, du 5 dé
cembre 1500, où il est dit que les susnommés ont rapporté
ce qui suit : « il peut y avoir une année, un peu plus ou un
peu moins, qu'ils équipèrent quatre caravelles pour aller
faire des découvertes aux I n d e s . . . , où ils découvrirent
six cents lieues de terre ferme au delà des mers et beau
coup d'î les. . . Ils rapportèrent de ce voyage 350 quintaux
de bois du Brésil » 1 ) .
L e troisième acte royal ayant trait entre autres à l 'ex
pédition de V . Y . Pinzon en 1500, est la « Real provision »
en faveur des « descendientes de los Pinzones », du 23 sep
tembre 1519. Pa r elle, Charles-Quint octroie à la famille Pinzon
l'autorisation de porter des armoiries, en raison des ser
vices rendus touchant les découvertes. Cette pièce men
tionne en toutes lettres le nom de Vicente Yañez Pinzon
et cite que lui et les siens « découvrirent six cents lieues
de terre ferme et trouvèrent le grand fleuve et le Brésil» 2 ) .
L e mérite de ces découvertes devait être symbolisé
sur les armoiries ; elles représentent : « trois caravelles de
forme naturelle voguant sur la mer ; de chacune d'elles
s'élève une main montrant le premier pays qu'ils trou
vèrent ainsi et découvrirent » 3 ) .
1) . . . «Dic iendo. . . , puede haber un anó poco mas ó menos, que armaron cuatro carabelas para descobrir en las partes de las Indias. . . en que descubrieron seiscientas leguas de tierrafirme en ultramar, allende de muchas i s las . . . Fas t a tanto que hayan vendido trescientos é cincuenta quintales de brasil que trujeron del dicho viage. »
2 ) « Descubrieron seiscientas leguas de tierra-firme, é hallaron el gran rio y el Brasi l . »
3 ) « T r e s carabelas al natural en la mar, é de cada una de ellas salga una mano mostrando la primera tierra que asi hallaron é descubrieron. »
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b) Le s documents les plus dignes de foi sont, après
ces actes royaux, les dépositions ayant trait au voyage de
Y . Y. Pinzon, faites par les témoins dans le procès de
Colomb.
Voici un résumé tiré des actes, tels qu'ils figurent dans
Navarrete 1), 1. c. III, pages 538 et suivantes :
1. La découverte de Paria par Colomb est dûment
établie. Sont témoins : Alonso de Hojeda, Pedro de Ledesma,
Juan Rodriguez, Juan Quintero (pages 539 et suivantes), ces
trois derniers compagnons de Colomb dans ce voyage.
2. Il est établi que, plus tard, Cristobal Guerra et Pero
Alonso Niño ont fait d'autres découvertes sur la même côte
(pages 540-542). Sont témoins : Andres de Morales, qui dit :
« Cristobal Colon fut le premier qui y arriva ; toutefois,
il n'alla pas si loin que Cristobal Guerra et Pero Alonso
Niño » ; puis Garcia Hernández ; Alonso de Hojeda, qui
atteste la présence de Guerra et de Niño près de Paria,
mais qui fait valoir son droit de priorité (page 541) ; Nicolas
Perez, compagnon de Hojeda, confirme cette assertion, de
même que Rodrigo de la Bastidas, lequel ajoute que Niño
a accompagné Colomb, lors de la découverte de Paria
(page 542).
3. En ce qui concerne son propre voyage dans ces
contrées avec Juan de la Cosa et Amerigo Vespucci, Alonso
de Hojeda constate que sa découverte est la première après
celle de Colomb ; « il découvrit au sud la tierra firme et
la longea pendant environ 200 lieues jusqu'à Par ia et il fit
voile à travers la boca del Drago et, là, il apprit que
1) « Probanzas hechas por el fiscal del R e y en el pleito que siguió contra el Almirante de Indias D . Diego Colon. »
Nous n'avons pas à notre disposition la nouvelle édition des actes de la Coleccion de documentos ineditos de ultramar, 2 e série, t. YII1 , 2me D e Los Pleitos de Colon, Madrid 1894.
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l'Amiral avait touché l'île de la Trinidad » ; il découvrit sur toute cette tierra firme 200 lieues avant Paria et, au delà de Paria, jusqu'à las perlas, et de las perlas jusqu'à Quinquibacoa » (page 544) 1).
4. Viennent ensuite les attestations sur le voyage de Rodrigo de la Bastidas et de Juan de la Cosa (pages 545 et suivantes).
5. Dans l'interrogatoire du fiscal royal sur le voyage de « Vicenti Anes Pinson », il est question de la côte découverte par lui jusqu'à la « parte de levante » (c'est-à-dire jusqu'à la Ligne de démarcation entre le Portugal et l 'Espagne), et ensuite cette côte est désignée plus exactement par ces mots : « jusqu'à la Punta que l'on nomme Sta Cruz et S. Agustin, et de là l'embouchure du grand fleuve, où ils trouvèrent l'eau douce qui pénétrait dans la mer » (page 547) 2 ) .
V . Y . Pinzon lui-même déposa le premier comme suit 3) :
1) « Descubrió al mediodia la tierra firme é corrió por ella ansi 200 leguas hasta Par ia , é salió por la boca del Drago , é allí conosció que el Almirante habia estado en la isla de la Trinidad . . . Fué descubriendo . . . en toda esta tierra firme 200 leguas antes de Pár ia , é de la de Pár ia hasta las perlas, é desde las perlas hasta Quinquibacoa. »
2 ) « S i saben que Vicenti Añes Pinzon é los que con él fueron á descubrir, descubrieron hácia la parte de levante a la costa que está descubierta, hasta la punta que llaman de S t a Cruz é de S. Agustin, é de aqui entre la boca del rio grande donde hallaron el agua dulce que entraba en la mar. »
3 ) « Vicente Yañez Pinzon, capitan de S. S. A . A. vecino de Sevil la en Tr iana, de mas de 50 años de edad, declaró en la misma ciudad en 21 de Marzo de 1513, que sabe lo contenido en esta pregunta como en ella se contiene : lo cual sabe porque este testigo es el mismo Vicente
Yañes Pinzon, é sabe é es verdad que descubrió desde el cabo de Consolacion, que es en la parte de Portugal é agora se llama cabo de
S. Agustin é que descubrió toda la costa, é luego corriendo al occidente la cuarta de nurueste, que asi se corre la tierra; é que descubrió é halló la mar dulce, é que sale 40 leguas en la mar el agua dulce,
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« Vicente Yañez Pinzon, capitaine de Leurs Majestés, habitant Triana (Séville), âgé de plus de 50 ans, déclare dans cette même ville, le 21 mars 1513, qu'il est renseigné sur la. teneur de la question. Il est renseigné là-dessus, attendu que ce témoin, c'est Vicente Yañez Pinzon lui-même ; et il sait, et c'est la vérité, qu'il découvrit à partir du cabo de Consolacion, qui est dans le lot du Portugal et s'appelle maintenant cabo de S. Agustín, et qu'il découvrit toute la côte, et que, continuant immédiatement sa route vers l 'ouest-quart-nord-ouest , suivant la direction du rivage, il découvrit et trouva la mar dulce, et que l'eau douce s'avance jusqu'à 40 lieues au large et il découvrit également ce pays, qui se nomme Paricura, et il longea la côte jusqu'à la costa del Dragon, et là, ce témoin apprit la nouvelle que ledit D. Cristobal Colon était parvenu jusqu'à ladite boca del Drago. . . .» (page 547).
Juan de Ungria ó Umbria, pilote dans le voyage de V . Y . Pinzon, dépose, le 1 e r décembre 1515, à Séville, que « Vicente Yañez », avec quatre vaisseaux équipés par lui et ses parents, fit des découvertes à partir « du rio de Saltes », qu'ils découvrirent 800 lieues de pays le long d'une côte courant du nord-ouest au sud-est, et « qu'ils y trouvèrent de l'eau douce qui pénétrait à plus de 20 lieues en avant dans la mer » (page 547).
Anton Hernandez Colmenero, qui se trouvait sur le même vaisseau que V . Y. Pinzon, dépose, le 25 septembre 1515, à Séville, qu'il vit comment V . Y . Pinzon et ses compagnons parvinrent jusqu'à « la parte de levante » en partant des îles du Cap Vert , qu'ils prirent la route entre le
é asimismo descubrió esta provincia que se llama Paricura, é corrió la costa de luengo fasta la costa del Dragon, e que allí halló este testigo la nueva que el dicho D. Cristobal Colon habia llegado á la dicha boca de Drago . . . . »
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sud-ouest et le sud, qu'ils découvrirent la tierra firme, et que ledit V . Y . Pinzon monta dans le canot de son navire en ne laissant personne aller avec lui à terre, à part les notaires qui se trouvaient sur le vaisseau par l'ordre du roi, notre maître. Ceux-ci débarquèrent avec ledit Vicente Yafiez, et le témoin vit comment ledit Vicente Yafiez prit possession de ladite tierra firme au profit et au nom du roi, notre maître. Ceci se passa par devant lesdits notaires, conformément aux instructions dudit Vicente Yanez. Et la prise de possession ayant eu lieu, le témoin vit comment ledit Vicente Yafiez érigea des bornes-frontières (hiso mujones de tierra) et donna un nom à la contrée ; le témoin ne se souvient pas de ce nom. Et la prise de possession y ayant eu lieu, ils découvrirent plus loin cette côte dans la direction du nord-ouest et ils pénétrèrent dans un fleuve où ils trouvèrent de l'eau douce qui se déversait à 30 lieues en avant dans la mer, et ils s'emparèrent dans le fleuve d'un « macajo », et comme les vaisseaux étaient à l'ancre, la mer s'éleva soudain et souleva en mugissant les navires à quatre brasses de hauteur. Et dans cette région, ils trouvèrent beaucoup d'hommes de couleur qui s'approchèrent sans défiance du lieu où étaient ledit Vicente Yañez et ses gens. Et de ce grand fleuve, ils remirent à la voile et firent des découvertes le long de la côte de la tierra firme jusqu'à Paria . . . (page 548).
Garcia Hernandes 1), médecin accompagnant V . Y . Pinzon en qualité de notaire royal (escribano de S. A.), dépose, le 1 e r octobre 1515 : « Vicente Yañez découvrit la côte de Par ia jusqu'à la Punta de Santa Cruz et débarqua
1) D'après la nouvelle édition des Probanzas, il s'appelle Garc ia Fe r r ando ; R . B . I, page 27, observe au sujet de cette déposition: « l a lecture intégrale de sa déposition... montre qu'elle est des plus obscures ».
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avec quelques-uns de ses gens et avec quatre notaires de S a Majesté, un de chaque navire, et il coupa des branches d'arbre et but de l'eau, et pour marquer la souveraineté de Sa Majesté et désigner sa possession, ses gens firent des croix et donnèrent un nom à l'endroit, en se référant à ce jour Rostro-hermoso, jour auquel ledit pays fut découvert. Ils demeurèrent là quelques jours, et partirent en prenant la direction du nord-ouest, naviguant le long de la côte jusque vers le dit Paria, et d'après les déclarations des pilotes, il se trouva qu'il y avait sept cent cinquante lieues de ce Rostro-hermoso jusqu'à la baie de Paria. »
Chemin faisant, ils pénétrèrent « dans un golfe composé de deux baies, l'une du côté de la mer, l'autre du côté de la terre », où ils faillirent périr. Ils donnèrent à ce golfe le nom de « la boca de los Leones ».
Poursuivant leur route dans la direction du nord-ouest, ils arrivèrent à un « rio grande » ; les pilotes disaient que la distance jusqu'à ce fleuve était de quarante lieues. Ils trouvèrent « esta agua dulce » si bonne « qu'elle ne pouvait être meilleure » ; ils vidèrent leurs barriques d'eau et les emplirent à nouveau pour la suite du voyage. Ils tentèrent de pénétrer « le secret de ce fleuve », mais ils ne purent aborder à la « tierra anegada » et n'osèrent s'aventurer plus loin « por la bajeza de la t ierra». «E t de là, ils continuèrent leur route vers Paria ». V . Y . Pinzon, selon les déclarations des pilotes, découvrit 750 lieues de Rostro-hermoso à Paria (pages 548-550).
Pedro Ramires, compagnon de V . Y . Pinzon, dépose le 19 septembre 1515: Ils partirent de S. Antonio (l'île la plus occidentale des Caboverdiennes) dans la direction du sud-sud-ouest ; ils pensaient ne trouver la terre qu'après trois ou quatre mois de navigation, mais au bout de qua-
torze jours, ils abordèrent la tierra firme et arrivèrent à un « cap auquel ils donnèrent le nom de Rostro-hermoso, et ils jetèrent l 'ancre et débarquèrent, et de là, ils ne purent aller plus loin, rebroussèrent chemin et se dirigèrent jusqu'à Paria en suivant la c ô t e . . . ; dans ce voyage, ils rencontrèrent un grand fleuve, qui était si grand que son eau douce pénétrait jusqu'à 40 lieues en avant dans la mer ; ils la goûtèrent et trouvèrent de l'eau douce » (page 550).
Diego Hernandez Colmenero (neveu de V . Y. Pinzon), capitaine d'un des vaisseaux de l'expédition, dépose : Ils firent route du Cap V e r t jusqu'à ce qu'ils découvrirent la «tierra firme», et là ils continuèrent leur voyage, naviguant le long de la côte et découvrant Rostro-hermoso, « que le pusieron al tiempo ». Il y a 800 lieues de côtes jusqu'à Paria. « Vicente Yañez et le témoin prirent possession du pays pour Leurs Majestés et coupèrent un grand nombre de branches d'arbre ; ils firent, comme signe de prise de possession, des croix en quelques points principaux et posant d'autres croix „ de maderos " » (pages 550 et suivantes) 1).
Garcia Hernandez, de Huelva 2 ) , membre de l'expédition, vit « comment ledit Vicente Yañez Pinzon, lui et ses compagnons, découvrirent jusqu'à la «parte de levante» à la côte, qui a été découverte jusqu'à la punta que l'on nomme de Santa Cruz et de San Agustin, et le témoin vit ensuite comment il s 'engagea dans l'embouchure du grand fleuve..., où ils prirent de l'eau douce, et le témoin dit qu'il but de celle qui pénètre dans la m e r . . . Et jamais personne ne
1) « E cortaron muchos ramos de arboles ; en algunos principales lugares hacian cruces en señal de posesion é poniendo otras cruces de maderos. »
2 ) D e Huelva, pour le différencier du médecin et notaire royal désigné sous le même nom par Navarrete.
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découvrit cette côte que ledit Vicent i -añes . . . ; et dans ce fleuve, beaucoup d'Indiens vinrent à Vicenti-añes et se querellèrent et combattirent avec lui et ses compagnons. Et lorsqu'ils eurent découvert cette île-là, ledit Vieenti-añez et ses compagnons et le témoin parvinrent à un rio negro sur la même côte, le long de laquelle ils avancèrent, et faisant voile le long de la côte, ils débarquèrent аvеc leurs canots pour aller chercher du bois ou échanger quelques objets qu'ils prirent avec eux; et lesdits Indiens tuèrent sept ou huit des gens de l'expédition ; mais ledit Vicenti-añez demeura sur le vaisseau » (page 551).
Manuel de Valdovinos dépose, le 19 septembre 1515 : «Vicente Yañez découvrit, partant du Cap V e r t dans la direction du sud-sud-ouest, et ils trouvèrent environ cinq cents lieues d'une terre où aucun vaisseau n'était encore parvenu et qui n'avait pas encore été découverte, et Vicente Yañez donna le nom de Rostro-hermoso à ce lieu, dont on dit maintenant qu'il s'appelle Santa Cruz et San Agustín, et il prit possession pour le roi; et de là ils naviguèrent vers le nord-ouest, rencontrant le long de la côte un grand nombre de fleuves et de havres, et ils parvinrent «en un rio grande anegado», auquel ils donnèrent le nom de Par icura ; là, ils arrivèrent dans la mer où l'eau douce du fleuve se déverse à une distance de plus de trente lieues; et de là, ils continuèrent leur route en longeant la côte jusqu'à Par ia » (page 552).
Hernando Esteban, membre de l'expédition de Lepe, dépose que, lors des deux expéditions de V . Y . Pinzon et de Lepe, « l'un marchait presque sur les traces de l'autre » (page 552).
Andrés Morales répond affirmativement à la question, attendu que sur ce point il entendit Yañez lui-même et Diego de Lepe, le découvreur, qui mourut au Portugal, et
que, d'après leurs indications, il fit une carte de la découverte pour l'évêque Fonseca 1 ) (page 552).
6. Au sujet de l'expédition de Diego de Lepe, Juan de Rodrigues, pilote de l'expédition, dépose « que Lepe découvrit toute la côte du cap S. Agustin à Paria, ce qui fait 600 lieues, où ils entrèrent dans le grand fleuve et dans le Marañon » 2 ) (page 553).
D'après la déposition d 'Alonso Rodrigues de la Calva, qui prit également part à l'expédition, ils franchirent, avec deux navires, environ 500 lieues à partir des îles du Cap V e r t dans la direction du sud-ouest et abordèrent dans une baie à laquelle ils donnèrent le nom de Santa Julia, d'où ils firent voile vers l'ouest jusqu'au « rio de Marañon » ; Lepe poussa ses découvertes le long de la côte jusqu'à Par ia (page 553).
Juan G o n z a l e z , Portugais, qui participa également au voyage, atteste que Lepe découvrit la « parte de levante », « suivit la côte du rio grande jusqu'à un autre fleuve qui s'appelle le rio grande de Santa Catalina, ce qui fait plus de 300 lieues» (page 553).
Fernando Estéban, autre compagnon de Lepe, vit comment ce dernier prit possession pour le roi et la reine de Castille, comment il coupa des branches d'arbre et planta des croix en signe de possession (page 554).
Cristobal Garcia, autre participant au voyage, parle du Marañon et d'un fleuve S. Julian, où ils prirent possession (page 554).
1 ) « . . . Sabelo porque lo oyó al mismo Yañez y a Diego de Lepe, descubridor, que murió en Portugal, y por sus informaciones hizo una figura del descubrimiento para el obispo Fonseca .»
2 ) « . . . . Dice que Lepe descubrió desde el cabo de S. Agustin hasta Pár ia toda la costa que es 600 leguas, donde entran el rio grande y el Marañon. »
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Luis de Valle, autre participant, rapporte qu'ils descendirent à terre près de Rostro-hermoso et qu'ils prirent possession; ils ont été également au Marañon (page 554).
Arias Peres, neveu et compagnon de Pinzon, dit que Lepe «explora la côte que le témoin et Vicente Yañez ont découverte ».
e) L e s premières descriptions du voyage de Vicente Yañez Pinzon remontent à Petrus Martyr ab Angleria qui a raconté lui-même ce voyage dans le livre: «De rebus Oceanicis et Orbe novo decades t res», de 1516. Il donne à son récit une sorte d'authenticité par cette phrase : « . . . a Vicentio Annez, navium patrono, littorum omnium illorum perito..., quaecunque gesta sunt, intellexi » l ) .
Voici un extrait du passage relatif au voyage 2 ) : « Vincentiagnes, de son nom de famille Pinzon, et
Arias Pinzon, son neveu, qui avaient accompagné l'amiral Colon dans son premier v o y a g e . . . . , quittent le port (de Palos) vers le 1 e r décembre 1499. L e 13 janvier, ils partent de celle des îles du Cap Ver t que les Portugais, leurs possesseurs, nomment île de St-Jacques. »
Après un voyage de 300 lieues, ils perdent de vue l'étoile polaire; ils franchissent encore 240 lieues.
« Enfin, le 26 janvier, ils aperçoivent de loin la terre . . . Ils s'en approchent, débarquent et y restent deux jours; et comme ils ne parvenaient alors à apercevoir aucun homme, bien qu'ils trouvassent des traces de pieds d'hommes sur le sol du rivage, ils s'éloignèrent après avoir gravé les noms royaux et les leurs propres sur les arbres et les pierres de la rive. »
1) Petrus Martyr, 1. c , Dec . II, lib. VIL fol. 16. Nous citons d'après l'édition de Bâ le de 1533.
2) Petrus Martyr, 1. c , Dec. I, lib. I X , fol. 2(1 et suiv.
«Non loin de cette place», ils trouvèrent un campe
ment d'Indiens; les Indiens s'enfuirent.
« Poursuivant leur route par mer, ils découvrent un
autre fleuve, non suffisamment profond, toutefois, pour
donner passage aux caravelles. »
Là eut lieu un combat avec les Indiens.
« Ils cinglent vers le nord-ouest. Ils avaient parcouru
40 lieues environ , lorsqu'ils trouvèrent une mer dont
l'eau était si douce qu'ils purent emplir leurs barriques
d'eau fraîche . . . »
Ils virent « descendant de montagnes très étendues, avec
une puissance formidable, les impétueuses masses d'eau
de fleuves réunis » l ) . Dans la région baignée par ces eaux,
il y a, disent-ils, plusieurs îles favorisées par la fécondité du
sol et remplies d'habitants. Ils rapportent « que les indigènes
de cette région du littoral sont doux et sociables» 2 ) . Mais
ils n'ont ni or, ni pierres ; ils ne sont bons qu'à être em
menés comme esclaves ; 36 d'entre eux furent emmenés.
« Les indigènes appellent la contrée Maritambal, mais
la région du côté oriental de ce fleuve est nommée Cama-
moro, celle du côté occidental P a r i c o r a . . . .
Naviguant en ligne droite, ils atteignirent la partie nord
de ce fleuve et, longeant la courbure du rivage, ils jouirent
de nouveau de la vue de l'étoile polaire 3).»
« Toute cette côte est la côte de Paria, dont nous
avons dit que Colon lui-même, l'auteur de cette si grande
découverte, l'avait trouvée, côte parée par des unions
1) « . . . Defluere magno impetu e vastis motibus rapidos fluminum concursus.»
2 ) «Hujus tractus incolas mites sociabilesque esse referunt.» 3) « Hujus fluminis septentrionem recta captantes, sic exigente litorum
inflexu, arcticum recuperarunt polum.»
4 7 7
— 4 7 8 —
(efforts communs en vue des découvertes?). On dit que-
cette côte est réunie et n'en forme qu'une avec l'Os Dra-
conis, et qu'elle appartient aussi, ainsi qu'il a été dit ailleurs,
au reste de la côte, comme Cumana, Manacapena, Curiana,
Cauchieto, Cachibachoa, et c'est pourquoi c'est le conti
nent de l'Inde située sur le Gange. »
« Et, partis du promontoire où l'étoile polaire disparaît
à la vue, et ayant fait environ 300 lieues d'une traite vers
l'ouest, ils arrivèrent du côté de Paria, ils racontèrent qu'à
peu près au milieu de leur voyage, ils avaient rencontré un
fleuve, du nom de Maragnonius, si large que j e supposai
qu'ils avaient raconté des fables.
Mais questionnés plus tard par moi pour savoir si
ce n'était pas là un bras de mer pénétrant dans les terres,
ils répondirent que les eaux de ce gouffre étaient douces
et que plus on en remontait le courant, plus elles étaient
douces, et que ce fleuve était rempli d'îles et poissonneux.
Ils allèrent jusqu'à prétendre qu'il avait plus de trente lieues
de large et qu'il se précipitait en un cours impétueux dans
la mer qui reculait devant sa poussée furieuse.
J e crois que c'est le fleuve dont l'amiral Colon, par
courant ces côtes, fait mention. Nous aurons un jour des
indications plus certaines à cet égard . . .
Ils descendirent à terre en différents l i e u x . . .
Ces deux Pinzon, l'oncle et le neveu, ont horriblement souffert dans ce voyage ; ils avaient longé la côte de Par ia sur une distance de 600 lieues déjà et, comme ils le croient eux-mêmes, étaient parvenus au delà de la ville de Cataij et de la côte indienne de l'autre côté du Gange, lorsqu'au mois de juillet, une tempête soudaine éclata avec une violence telle que des quatre caravelles qu'ils avaient, deux sombrèrent sous leurs yeux.
4 7 9 —
Ils revinrent à Palos, leur patrie, le 30 septembre. »
11 est clair que ce récit se compose de deux parties séparées l'une de l'autre par ce passage : « Toute cette côte — située sur le Gange. »
La première partie prend fin avec la mention de la réapparition de l'étoile polaire aux yeux des voyageurs. La deuxième partie commence par la relation de la même circonstance, mais sous forme négative, c'est-à-dire qu'elle met en relief le fait que, jusqu'au point indiqué, l'étoile polaire n'était pas visible aux voyageurs.
11 ne restait à l'auteur qu'à raconter la suite du voyage à partir de ce point, où finit la première partie et où commence la deuxième. Il fit ce récit avec cette brève indication sous forme participiale : « Du promontoire... se dirigeant vers Par ia», et il y joignit une remarque des voyageurs sur le merveilleux phénomène qui les avait en général frappés pendant leur voyage, remarque touchant le « grand fleuve ». Il fit donc un retour en arrière et traita encore une fois du grand fleuve.
Mais on interpréta Pierre Martyr comme s'il avait parlé d'un deuxième grand fleuve, en tout semblable au premier, et qui aurait été découvert dans l'expédition de Y . Y. Pinzon entre le point où réapparut l'étoile polaire et Paria. Cette interprétation figure en premier lieu dans L a s Casas , puis se maintint, avec une grande ténacité, dans les publications subséquentes.
La façon dont Las Casas a utilisé en général les rapports originaux, ressort de son récit de l'expédition de Vicente Yañez Pinzon ainsi conçu :
1) Las Casas, Historia de las Indias, édition de Madrid 1875, t. III, chap. C L X X I I I , pp. 448-451.
— 4 8 0 —
«...Au commencement de décembre 1499, Vicente Yañez Pinzon partit de Palos en expédition de découvertes, avec quatre vaisseaux équipés à ses frais (car c'était un homme dans une situation fortunée). Il fit route vers les Canaries et de là vers les îles du Cap Vert . De Santiago, l'une de ces îles, ils continuèrent leur voyage, le 13 janvier 1500, el'abord vers le sud, puis vers l'ouest. Après avoir, selon leur déclaration, fait 700 leguas, ils perdirent de vue l'étoile polaire et passèrent l'équateur. Ils essuyèrent ensuite une terrible tempête, au cours de laquelle ils se crurent perdus. Ils franchirent encore 240 leguas vers l'ouest et, le 26 janvier, ils aperçurent la terre dans le lointain. C'était le promontoire actuellement nommé S. Agustin et qui est appelé par les Portugais «terre du Brésil » (tierra de Brasil) : Vicente Yañez lui donna alors le nom de « cabo de Consolacion ». Ils trouvèrent l'eau trouble et blanchâtre comme l'eau de riviere. Ils jetèrent la sonde et constatèrent une profondeur de 16 coudées. Ils descendirent à t e r re ; toutefois personne ne se montra; on ne releva que les traces des habitants qui avaient fui à la vue des navires. Vicente Yañez prit possession de ce pays au nom des rois de Cas-tille, en coupant des branches et des arbres, et en parcourant le rivage et en accomplissant d'autres actes semblables de prise de possession...
Ils poursuivirent leur route et trouvèrent une riviere peu profonde (un rio bajo), où leurs vaisseaux ne purent entrer ; ils jetèrent l 'ancre à l'embouchure ou à proximité et ayant pris place en aussi grand nombre que possible dans les canots 1), ils remontèrent avec précaution la rivière pour se mettre en rapport avec les indigènes et pour pénétrer les mystères de cette contrée. Bientôt ils virent,
1) «salieron en las barcas, con que entraron en el rio. *
- 4 8 1 —
sur une pente du rivage, une quantité d'indigènes nus, aux
quels ils envoyèrent un homme armé jusqu'aux dents, afin
de les persuader, par toutes les démonstrations possibles
d'amitié, de s'approcher et d'entrer en pourparlers. L'en
voyé s'approcha d'eux quelque peu et leur lança une sonnette
pour les amorcer et les attirer plus près ; ils lui jetèrent
un bâton doré d'une longueur de deux empans et, tandis
qu'il se baissait pour le ramasser, ils se précipitèrent sur
lui pour le faire prisonnier, en le cernant de toutes parts.
Mais il se défendit si énergiquement avec son épée et
son bouclier qu'il les tint en respect, jusqu'à ce que ceux
restés dans les canots qui étaient encore en vue et dans
le voisinage vinssent à son secours. Les Indiens se jetèrent
de nouveau sur les blancs avec tant de rapidité et lancèrent
une grêle de flèches si drue qu'ils en tuèrent 8 ou 10,
11 même suivant quelques-uns, avant que ceux-ci aient pu
se prêter secours mutuellement, et ils en blessèrent encore
beaucoup. Ils courent ensuite aux canots, entrent dans l'eau
et les entourent ; ils attaquent avec tant d'impétuosité qu'ils
s'emparent même des rames. Ils leur emmenèrent un canot
et en tuèrent les gardiens à coups de flèches ; mais les
blancs, grâce à leurs lances et à leurs épées, massacrent
la plupart d'entre eux, car ces indigènes n'avaient pour se
défendre que leur peau nue.
Lorsque les nôtres virent combien les choses tournaient
mal avec ces Indiens, ils naviguèrent en descendant la côte
sur une distance de 40 lieues vers l'ouest. Là , ils trouvèrent
dans la mer une telle quantité d'eau douce qu'ils en em
plirent toutes leurs barriques vides. Ainsi que le déclare
Vicente Yañez devant le tribunal, dans le procès mentionné
à plusieurs reprises ]), cette eau douce s'étendait sur une
l ) Il s'agit ici du procès de Diego Colon.
31
distance de 40 leguas (d'autres qui étaient avec lui disent 30) en avant dans la mer (et encore beaucoup plus loin, selon l'opinion presque générale de ceux que j ' a i entendus parler de ce fleuve à cette époque). Surpris de rencontrer une si énorme quantité d'eau douce, et dans le dessein d'en pénétrer le secret, ils se dirigèrent vers la terre. Ils trouvèrent beaucoup d'îles baignées par ces eaux, toutes d'une grâce, d'une fraîcheur et d'un charme extrêmes, et, ainsi que le relatent ceux qui ont pris part à ce voyage, pleines d'indigènes peints qui vinrent ingénument à eux, comme si, toute leur vie, ils avaient eu d'amicales relations avec eux. Ce fleuve est le célèbre Marañon; j ' ignore de qui ou pourquoi il a reçu ce nom. La largeur de son embouchure, raconte-t-on, est de 30 leguas, et d'aucuns prétendent qu'elle est encore beaucoup plus considérable. Pendant que les vaisseaux étaient à l 'ancre dans ce fleuve retentit un mugissement terrible causé par la formidable poussée de l'eau douce et de l'eau de mer qui lui faisait résistance, et l'eau souleva les vaisseaux à quatre hauteurs d'homme, ce qui les mit en grand danger. Cependant, comme dans ce pays et ce fleuve de Marañon et chez ses habitants il n'y avait ni or, ni perles, ni autres choses utilisables pour lesquelles les Espagnols étaient venus, ils décidèrent d'emmener prisonniers 36 de ces hommes innocents et sans défiance, dont ils avaient pu s'emparer, bien qu'ils aient dû avouer eux-mêmes que ces indigènes étaient montés en toute confiance à bord de leurs vaisseaux.
. . . . D e là, du rio Marañon, ils descendirent le long de la côte dans la direction de Par ia et découvrirent, chemin faisant, un autre fleuve puissant, quoique moins considérable que le Marañon, et comme l'eau potable s'étendait de nouveau jusqu'à 25 ou 30 leguas en avant dans la mer, ils nommèrent le fleuve Rio dulce. J e crois que
482
— 4 8 3 -
1) L e rio Juyapari ou, selon Oviedo, Huyapari, est l ' O r é n o q u e , qui,
après que Colomb fut venu dans son voisinage (1498), fut exploré de plus
près par les expéditions de Juan Barr io de Quexo et Diego de Ordaz ;
voir Oviedo, Historia de las Indias, édition de Madrid, 1851, t. II, pp. 211
et suiv. 2 ) Ont été surtout utilisés pour la rédaction de ce chapitre :
Henry Harrisse, T h e Discovery of North America, Paris and
London 1892;
Henry Harrisse, The Diplomatic History of America, London 1897 ;
Hamburgische Festschrift zur Erinnerung an die Entdeckung
Amerikas, Hamburg 1892 ;
D r . Sophus Ruge, Die E n t w i c k l u n g der Kartographie von Ame
rika bis 1570; a paru dans les Dr . A . Petermanns Mitteilungen, Ergän
zungsband X X I I I , 1893;
Dr . A. Breusing, Die nautischen Instrumente bis zur Erfindung
des Spiegelsextanten, Bremen 1890 ;
Eugen Gelcich, Studien über die Entwickelungs-Geschichte der
Schiffahrt, Laibach 1882;
Dr . H. Wagner, Das Rätse l der Kompasskarten im Lichte der Ge
samtentwickelung der Seekarten ; publié dans les Verhandlungen des
elften deutschen Geographentages zu Bremen, Berlin 1896;
Dr. R. Wolf, Handbuch der Astronomie, ihrer Geschichte und Lit-
teratur, Zürich 1891 ;
ce cours d'eau est un bras du grand fleuve Juyapari 1), qui forme la Mar dulce ou le Golfo dulce entre Paria et l'île de la Trinidad. J e crois aussi que ce Rio dulce, que Vicente Yañez découvrit dans cette partie de son voyage, est le même que celui aux bords duquel habitent les tribus paisibles que nous appelons Aruacas (Araouaques) . . .»
2.
Développement de la cartographie de l'Amérique du Sud
jusqu'au commencement du dix-septième siècle 2 ) .
Depuis les Croisades, l'horizon des populations d'occident s'était élargi ; l'attraction que les pays lointains
4 8 4
exerçaient sur elles depuis cette époque se manifestait
par un goût prononcé pour les aventures et aussi par
un sérieux désir de s'instruire. C'est la réunion de ces
deux facteurs qui détermine le courant intellectuel dont Le
souffle anime l'époque des découvertes. Parmi les riverains
de la Méditerranée, les Italiens et les Catalans furent les
premiers à fournir des marins intrépides dont la naviga
tion dans l'Atlantique, de côtière qu'elle était, devint de la
navigation de haute mer. Ce progrès se rattache des plus
étroitement au perfectionnement des méthodes nautiques
par le compas et à l'établissement de cartes marines.
Ce sont les Italiens qui, dans l'art de dresser les cartes
marines, ont montré le chemin aux autres peuples naviga
teurs. Ils s'appuyaient eux-mêmes sur des connaissances
traditionnelles qui remontaient jusqu'à l'antiquité classique.
Dès le X V e siècle, la science de Ptolémée se réveilla et
gagna de l'influence. Les cartes de Ptolémée constituèrent
dès lors et pour longtemps la base des représentations
graphiques du globe terrestre, et celles-ci devinrent elles-
mêmes le point de départ et les inspiratrices des grandes
découvertes. Te l est le cas notamment de la carte du mé
decin florentin Toscanelli, envoyée en 1474 à la cour de
A. E. Nordenskiöld, Résumé of an Essay on the Ear ly History of Charts and Sailing Directions, dans le Report of the Sixth International Geographical Congress, held in London 1895, paru à Londres, 1896;
Oscar Peschcl, Geschichte der Erdkunde bis auf A . von Humboldt und Carl Ritter, München 1865;
J . G. Kohl, Die beiden ältesten Generalkarten von Amerika, W e i mar 1860 ;
Gabriel Marcel, Reproductions de Cartes et de Globes relatifs à la découverte de l 'Amérique, Paris 1894;
Konrad Kretschmer, Die Entdeckung Amerikas in ihrer Bedeutung für die Geschichte des Weltbildes, mit einem Atlas von 40 Tafeln in Farbendruck, Berlin 1892.
Portugal. L a côte orientale de l'Asie et la côte occidentale de l'Europe y étaient représentées l'une faisant face à l'autre. Toscanelli voulait démontrer par là que le plus court chemin pour se rendre aux Indes était celui de l'ouest. C'est d'après cette carte que Christophe Colomb conçut son projet d'expédition.
1 . Les premières et les plus importantes représentations cartographiques ayant trait à l ' A m é r i q u e ont été faites en Espagne et en Portugal. C'est seulement vers le milieu du X V I e siècle qu'apparaissent les premières cartes marines d'origine française, que suivirent les cartes marines allemandes et anglaises.
Il n'est parvenu jusqu'à nous qu'une faible partie des plus anciens portulans d'Amérique; en effet, les cartes antérieures étaient souvent détruites lorsque leur contenu ne concordait plus avec les derniers résultats des voyages d'exploration, qui se succédaient rapidement. Parmi les exemplaires qui ont été conservés, les originaux sont rares ; la plupart sont des copies, des reproductions, des compilations, peut-être de troisième et de quatrième main. Ils sont par conséquent presque tous dépourvus d'originalité, mais ce défaut ne leur enlève pas toute valeur. Quelque nombreuses que soient, surtout dans le détail, les fautes de copie et les erreurs clans le dessin et dans les noms que ces travaux présentent, ils sont en somme meilleurs qu'on ne pourrait le supposer à première vue. Dans beaucoup de cas, il y a à la base non seulement un original, mais plusieurs, et la carte résultant de la combinaison de ces sources représente dès lors souvent une sélection arbitraire de données d'une importance et d'une sûreté inégales.
Ainsi, dans nombre de tracés de côtes, on peut constater un manque presque incompréhensible d'examen critique des matériaux utilisés et, en même temps, les effets d'une
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— 4 8 6 —
certaine négligence et d'une imagination fantaisiste. Il ne faudrait pas considérer cependant de ce point de vue toutes les anciennes cartes ; il est tout un groupe de ces cartes qui révèle, à un haut degré, un esprit de pénétration, une appréciation consciencieuse et un t r a v a i l critique.
a) L e s cartes de provenance espagnole méritent d'être considérées en première ligne. Il existait depuis longtemps à Cadix une école, pourvue à l'origine d'un personnel italien, où s'enseignait l'art de la navigation. Au commencement du X V I e siècle, des marins basques, notamment, y étaient attachés. Quand les premiers grands voyages de découvertes attirèrent l'attention, les maîtres de cet établissement firent des cartes d'après les relations de Colomb, des Pinzon, de Hojeda, de Lepe et d'autres. Colomb et ses pilotes s'occupèrent eux-mêmes d'exécuter des esquisses cartographiques; mais le fait seul est connu, les dessins ont été perdus. Vra i est-il qu'il n'y eut que très peu de ces travaux qui sortirent de l 'Espagne ; on sait cependant que l'amiral italien Malipiero a possédé une copie authentique d'une carte due à la main même de Colomb. Hojeda aussi put se procurer la copie d'un tracé provenant du troisième voyage de Colomb, tracé qu'il prit аvеc lui lors de sa première expédition.
Des premières cartes espagnoles du Nouveau Monde, l'une existe encore en copie ; c'est celle de Juan de la Cosa, datant de 1500; ce cosmographe accompagna Colomb, déjà dans son premier voyage, et porta plus tard le titre de maître de cartographie (maestro de hacer cartas). Son travail est une œuvre remarquable. L'auteur représente excellemment cette ancienne école de navigation de Cadix, qui prépara celle de Séville.
Parmi les nombreux marins qui accompagnèrent Colomb, il y en eut beaucoup qui s'adonnèrent à cet art
nouveau (et facile à apprendre !) de dessiner des cartes. Ils ne le firent pas tous avec la même conscience et la même habileté ; aussi vit-on bientôt circuler des représentations cartographiques qui se contredisaient et qui même, par la grande inexactitude de certaines de leurs informations, faisaient courir des dangers à la navigation. Chacun pouvait à son gré faire des cartes et les répandre. L'état intervint donc pour remédier à cette situation fâcheuse. En 1503 se fonda, avec siège à Séville, la Casa de Contratacion de las Indias. C'était un établissement d'état qui devait diriger toutes les affaires concernant le Nouveau Monde, et qui avait son école spéciale de pilotes et de cosmographes. L a Casa était chargée aussi d'exercer un contrôle rigoureux sur tous les pilotes espagnols et, d'une façon générale, sur les affaires maritimes, tâche dont s'acquittait auparavant l'évêque Rodriguez de Fonseca. Le 6 août 1508 fut émis l'ordre royal de dresser une carte-modèle officielle, partout valable, qui, sous la désignation de «Padron real», revêtait un caractère obligatoire; il était interdit, en effet, sous peine de 50 doublons d'amende, d'employer à bord d'autres cartes que celle-là. Une commission composée des hommes les plus capables et les plus éprouvés fut chargée de la confection de ce Padron real. En même temps, un bureau cartographique central fut institué à la Casa avec la mission de maintenir à jour les cartes officielles et d'exécuter des copies d'après le Padron real. L'institut cartographique était sous la direction d'un piloto-mayor, qui avait à sa disposition un état-major de. pilotes royaux. En outre des pilotes, le gouvernement nommait des cosmographes royaux qui, selon Harrisse 1), formaient deux classes spéciales, dont l'une était
1) Harrisse. Discovery of North America, 1. c , page 260.
487
488 —
attribuée à la Casa de Contratacion et l'autre au Conseil
des Indes, avec un cosmografo-mayor à leur tête. L e titre
« de Su Majestad » semble avoir été conféré aux pilotes et
aux cosmographes royaux; il se pourrait aussi que ce fût
là une distinction particulière.
Malgré cette centralisation du travail, l'établissement
des cartes marines ne pouvait et ne devait pas être ré
servé exclusivement au bureau cartographique de la Casa.
On ne se proposait pas d'ailleurs de garder le secret sur
les découvertes faites dans les pays d'outre - mer 1 ) ; ce
qu'on voulait en centralisant, c'était supprimer les cartes
de moindre valeur. En tout cas, l'ordre interdisant même
au piloto-mayor de dresser des cartes et de les vendre
pour son compte ne dura pas longtemps, car déjà en 1512
le piloto-mayor d'alors, Juan Diaz de Solis, fut autorisé,
ainsi que son pilote Juan Vespucci , à se livrer à cette indus
trie. L 'ar t nautique continua d'être enseigné publiquement
à Séville, à Cadix et à Pa los ; on pouvait se procurer des
cartes à des prix fixés, et bientôt même il ne fut plus
défendu aux particuliers d 'exercer cette industrie lucrative.
Mais, par mesure de sécurité, leurs cartes étaient soumises
à l 'examen et à l'approbation de la Casa. Quand elles
avaient obtenu l'approbation officielle, elles pouvaient être
mises en vente.
Les pilotes du royaume étaient obligés, en vue de la
tenue à jour du Padron real, de noter sur leurs cartes toute
découverte de quelque importance, comme celle des îles,
des côtes, des baies, des ports et d'en faire rapport, aussitôt
après leur retour en Espagne, au piloto-mayor, sur quoi
ce dernier devait reporter sur sa mappemonde les résultats
1) Sau f toutefois lorsqu'on découvrait une importante route d'accès et qu'il fallait éviter qu'un autre état ne prît les devants.
- 4 8 9 —
des explorations. L e piloto-mayor ne devait cependant
admettre sur la grande carte aucun renseignement des
marins sans que ceux-ci eussent prêté serment et sans qu'il
eût entendu les témoins qu'ils avaient à produire 1 ) . L a Casa
réunit ainsi un riche matériel de descriptions et de croquis,
et c'est sur cette base documentaire que reposent les cartes
officielles; le travail des cartographes consistait donc dans
l'art de combiner avec justesse les relations de voyage et
les observations que les navigateurs leur fournissaient.
L e souci qu'avait le gouvernement de gagner à son
service des hommes de valeur ressort du fait qu'il appela
de nombreux étrangers de renom, pour la plupart des
Portugais. Parmi eux, Reinel, senior et junior, Simon de
Acazaba, les Faleiros, Diogo Ribeiro, Antonio Maurio de
Rome, Sebastiano Cabotto, également d'origine italienne. Il
faut attribuer à ces éléments de nationalité non espagnole
le fait que la nomenclature des cartes officielles elles-mêmes
est souvent écrite dans un espagnol incorrect, avec des
réminiscences d'italien et de portugais.
L e premier piloto-mayor fut Amerigo Vespucci, nommé
en 1508. A côté de lui se trouvaient les pilotes royaux
Juan Diaz de Solis et Vicente Yañez Pinzon.
Une carte établie vraisemblablement par Andres de
Morales, mais aujourd'hui perdue, fut déclarée alors
Padron real.
En 1515 2 ) , la Casa de Contratacion demanda au roi
l'autorisation de réunir une grande Junta pour soumettre à
un examen approfondi les travaux de cartographie existants.
L a raison en était dans un litige avec le Portugal, ayant
1) V o i r l'ordonnance royale du 6 août 1508, communiquée en extrait dans R . B . I, pp. 47 et suiv. ; J. G. Kohl, 1. c , page 27.
2 ) Il est douteux qu'en 1514, comme l'admet Kohl, de Solis ait été chargé d'établir un Padron real.
— 4 9 0 —
pour cause des violations de territoires que se reprochaient réciproquement les deux parties ; on donnait à cette affaire une grande importance. L a Junta eut lieu, mais on ne sait rien du résultat de ses travaux, ni du Padron real déclaré valable ou établi à nouveau qui devait fixer la Ligne de démarcation.
L a Casa de Contratacion a exercé une influence décisive sur l'ensemble de la cartographie espagnole. Les cartes devaient porter, sous son contrôle serré, une empreinte plus ou moins uniforme, d'où est résulté le type particulier que l'on désigne généralement sous le nom de type sévillan, sans qu'il faille comprendre sous ce terme exclusivement les cartes espagnoles officielles. Car il est évident que malgré les interdictions le contrôle de l'état était éludé, de sorte que des cartes étaient en usage qui n'étaient pas munies de l'approbation officielle. Depuis Colomb, les rivages lointains de l'océan avaient attiré aussi des voyageurs qui partaient sans autorisation du gouvernement ; les données qu'ils recueillaient ne parvenaient pas à la Casa et ne figuraient pas dans la carte du piloto-mayor.
Fernand Colomb, le fils du découvreur, raconte dans ses Colloques que la Casa n'a pas toujours été à l'abri de la vénalité et que, par suite d'un protectionnisme inspiré par la spéculation, il était difficile à ceux qui n'avaient pas d'attaches avec l'institut d'obtenir pour leurs cartes l'approbation officielle exigée par l'état. Voilà qui explique qu'il y avait de nouveau en circulation un grand nombre de cartes qui ne concordaient ni entre elles ni avec le Padron real, et, par là, créaient la confusion.
C'est alors qu'en 1526, le 6 octobre, Charles-Quint ordonna le remaniement du Padron real et chargea Fernand Colomb de commander ce travail à Ribeirô; F . Colomb lui-même n'était ni cosmographe praticien, ni cartographe.
— 4 9 1 -
Mais la carte demandée se fit longtemps attendre, car le 20 mai 1535, la reine Isabelle, agissant pour son époux, adressait une réclamation à F . Colomb pour le presser d'activer l 'achèvement de l'œuvre. Colomb apparemment n'accordait plus grande attention à cette affaire ; Ribeiro lui-même était mort entre temps et, par suite, le travail avait passé en d'autres mains. L e 17 août 1535, Juan Suarez da Carvajal, à qui était alors confiée la haute surveillance de la Casa, réunit une commission de pilotes et de cosmographes, et il n'y a guère à douter que le Padron real de 1536, connu sous le nom de Padron du piloto-mayor Alonso de Chaves, ne soit précisément l 'œuvre examinée et approuvée par cette commission. Oviedo en donna en 1536 une description détaillée et critique. Il est douteux que Chaves ait exécuté entièrement de sa main le Padron real à lui attribué ; on ne se trompera guère en admettant qu'il n'a fait qu'achever le travail de son prédécesseur Ribeiro. C'est ce que confirme aussi l'analyse spéciale de la carte reconstruite d'après la description d'Oviedo 1). Malheureusement cette œuvre de la cartographie espagnole est perdue.
En revanche, deux autres cartes officielles ont été conservées dans un excellent état : la carte de Weimar, datée de 1527, et la carte de Ribeiro, de 1529. L a première renferme l'indication qu'elle a été construite par un cosmographe de S a Majesté ; la seconde porte le nom de Ribeiro. L'approbation officielle ne figure pas sur ces cartes. Quelque semblable que puisse paraître le dessin dans certaines parties — par exemple dans le tracé des côtes de Guyane — les deux documents ne proviennent pas de la même main, comme l'a démontré J . G. Kohl dans son étude sur ce sujet. L a carte de Weimar et celle de Ribeiro sont des
] ) V o i r Annexes, planche n° 2.
— 4 9 2
œuvres d'une exactitude étonnante qui mettent en lumière l'activité de la Casa. Elles doivent être regardées comme les avant-coureurs du Padron real de 1536 et elles ont, comme il est dit ci-dessus, un caractère officiel. Il n'y a pas à douter qu'elles n'aient été établies à la Casa de Contratacion.
Ces cartes officielles de source espagnole sont aussi des documents importants pour l'histoire politique; il suffit de rappeler ici la Ligne de démarcation. Elles révèlent un examen approfondi et consciencieux et une appréciation judicieuse des matériaux utilisés. Les autres cartes, non officielles, ne peuvent pas prétendre à la même valeur, quoique, parmi elles, il s'en trouve aussi qui aient de l'importance, surtout à cause de leur influence sur les cartes ultérieures ; tel est, en première ligne, le cas de la carte dite Carte de Turin, dont l'auteur est resté inconnu et qui a été élaborée vers l'an 1523.
Malgré le développement considérable de la cartographie espagnole et malgré les travaux, en partie supérieurs, qu'elle produisit, son influence ne dépassa guère les frontières du pays. Les cartes portugaises étaient déjà connues en F rance et en Allemagne, que les Français et les Allemands ignoraient encore les cartes espagnoles contemporaines. L e s cartographes italiens hésitèrent longtemps aussi à marquer sur leurs cartes les découvertes des Espagnols et des Portugais. Vesconte de Majollo fut le premier qui entra dans cette voie ; ses cartes, qui datent de 1519 et 1527, appartiennent en général au type sévillan. A côté de celles-ci, il convient de mentionner la carte d'Ottomano Freducci.
Des cartes de Sebastiano Cabotto (piloto-mayor) et de Diego Gutierres (cosmographo de Su Majestad), il résulte que, vers le milieu du X V I e siècle déjà, la Casa de Contratacion n'était plus à la même hauteur qu'autrefois. Son im-
portance diminuait avec la puissance espagnole. Cabotto et Gutierrez ont commis dans leurs cartes des erreurs qu'ils auraient pu éviter par un examen attentif ; ils ont donné lieu de la sorte à des conceptions fautives qui se reproduisirent dans nombre de travaux postérieurs.
Plus d'un siècle après, nous trouvons encore, vers l'année 1660, une carte officielle espagnole qui a pour auteur Sebastian de Ruesta, mais elle n'a été conservée qu'en copie. Il n'est plus possible d'établir la concordance de cette carte avec les cartes antérieures de la Casa de Contratacion ; la nomenclature aussi, sauf de rares exceptions, est sans rapport avec l'ancien type sévillan.
b) Pour ce qui concerne le territoire en litige, les cartes portugaises de la première époque du développement de la cartographie de l'Amérique du Sud n'ont pas l'importance des cartes espagnoles. L a côte de la Guyane rentrait dans la démarcation espagnole ; elle était donc située en dehors de la sphère immédiate des intérêts portugais. Pour cette région, les cartes portugaises sont moins exactes. Elles figurent des formes pour ainsi dire stéréotypées, qui se maintiennent.
La plus ancienne carte portugaise encore existante fut commandée à un cartographe vivant à Lisbonne par Alberto Cantino, envoyé d'Hercule d'Este, duc de Fe r r a r e . Elle date vraisemblablement de 1502 et elle a une étroite parenté avec la carte du cartographe gênois Nicolay de Canerio, dont l 'œuvre paraît avoir été élaborée en Portugal vers l'année 1504. Les deux cartes ont été visiblement établies d'après les mêmes matériaux et elles concordent à quelques points près.
Plus que les cartes marines espagnoles, les anciennes cartes marines portugaises ont contribué à répandre dans le reste de l 'Europe les connaissances géographiques. Depuis
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le X I I e siècle, d'actives relations s'étaient établies entre le Portugal d'une part, l 'Allemagne et les Pays -Bas d'autre part. On cite des Allemands qui, en Portugal, arrivèrent à des situations importantes. Martin Behaim, marchand de Nuremberg, élève de Regiomontanus, fut chargé en 1484 de fournir des instruments nautiques pour une expédition portugaise qu'il accompagna lui-même comme cosmographe. De retour dans son pays, il répandit les connaissances qu'il avait acquises en Portugal et l'initia par son célèbre globe de Nuremberg à l'idée que Toscanelli se faisait de la terre. L a cosmographie de Ptolémée eut de bonne heure sa renaissance en Allemagne. P a r l'apparition des cartes portugaises se développa, sur cette base, la cartographie lusitano-germanique, qui trouva son centre dans l'école de Saint-Dié, fondé par le duc René II. C'est là que se distingua particulièrement Martin Waldseemüller, par la construction d'un globe, datant de 1507, et par différentes cartes qui furent publiées en 1513 dans l'édition de Ptolémée dite édition de Strasbourg. En 1508 déjà, parut la carte de Johannes Ruysch, dans l'édition de Ptolémée publiée à Rome. A ces cartographes se rattachèrent dans la suite Schöner et Sebastian Munster. L'importance de leurs oeuvres réside dans la vue d'ensemble qu'elles donnent du monde, mais elles n'étaient pas à l'usage des navigateurs.
L'influence de la cartographie portugaise se fit sentir de bonne heure en F rance également. L'atlas portugais conservé à la bibliothèque Riccardiana de Florence et qui doit dater de 1540 à 1550 témoigne d'une certaine parenté avec la carte de Nicolas Desliens, de 1541, laquelle est considérée comme la plus ancienne œuvre que l'on possède de la cartographie française relative à l 'Amérique. L 'école française de marine qui existait vraisemblablement à Dieppe fut d'abord sous l'influence de l'école italienne, et,
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ensuite, principalement sous celle de l'école portugaise.
C'est de Dieppe qu'en 1523 l'Italien Giovanni Verrazano
entreprit son expédition vers l'ouest (la Chine) ; plus tard,
il fut suivi par le hardi découvreur Jacques Cartier. Outre
la carte de Desliens, qui est déjà le résultat d'un assez
long développement cartographique, on trouve parmi les
travaux français les plus remarquables de cette époque, les
cartes de Pierre Desceliers, de 1546 et 1550, qui puisent
également à des sources portugaises, mais qui s'inspirent
aussi de Ribeiro.
Si l'influence de la cartographie portugaise se fit sentir
ainsi en Allemagne et en France , où la cartographie prit
plus tard un développement considérable, en revanche il
faut constater qu'il n'existait, dans les premiers temps des
découvertes, que très peu de rapports entre la cartographie espagnole et la cartographie lusitanienne. Le s deux
nations ayant été à certaines époques des rivales acharnées,
il est facile de comprendre que l'influence réciproque des
deux cartographies ne pouvait pas être bien grande. Cha
cun des deux états cherchait à cacher aussi longtemps que
possible ses découvertes à l'autre, et le Portugal alla même
jusqu'à décréter la peine de mort pour toute communication
illicite de secrets de ce genre. Toutefois ce fut une excep
tion, et non pas la règle. L e fait que les cartes marines
portugaises n'étaient pas des documents secrets ressort
clairement de leur diffusion au dehors. Cependant jusque
vers le milieu du X V I e siècle, la cartographie espagnole et
la cartographie portugaise se développent indépendamment
l'une de l'autre. Il y avait bien des points de contact là où
les territoires d'exploration étaient limitrophes, et ici il y a
lieu de mentionner la découverte, importante pour le Por
tugal, de la côte sud-est du Brésil (Ilha da vera Cruz) par
Pedralvarez Cabrai en l'an 1500, découverte qui, par ses
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conséquences, joue un grand rôle dans la cartographie aussi. L a cartographie portugaise gagne de l'influence en Espagne, même sur les cartes officielles, vers le milieu du X V I e siècle. Mais, autant qu'on peut en juger, cette influence, pour pénétrer en Espagne, semble avoir passé par la F rance ; c'est la cartographie française, et surtout son représentant Desliens, qui a servi d'intermédiaire.
c) Depuis le milieu du X V I e siècle les cartes sévillanes se répandirent à l 'étranger plus abondamment qu'auparavant, alors qu'en Espagne même, les nouvelles productions de la cartographie commençaient déjà à perdre de leur valeur. Dès ce moment, on remarque de plus en plus, dans les cartes nouvellement construites, l'influence simultanée des différentes tendances cartographiques, mais souvent aussi et parallèlement, des efforts pour soumettre à un examen critique les matériaux dont on disposait. Tandis qu'au commencement du X V I e siècle, dans les pays allemands, on utilisait surtout des cartes portugaises, c'est l 'école de Séville qui l'emporte dans la seconde moitié du siècle, et cela précisément auprès des représentants les plus autorisés de la cartographie. Il faut citer en première ligne Gérard Mercator. Dans sa « Nova et aucta terræ descriptio ad usum navigantium emendate accomodata, Duisburgi mense augusto 1569», il créa la première carte marine de style moderne, à laquelle il donna comme base la projection appelée plus tard, de son nom, projection de Mercator. Ses oeuvres cartographiques, par le grand soin apporté à leur élaboration, tiennent le premier rang parmi les cartes de cette époque. A côté de Mercator, Abraham Ortelhis a de l'importance pour la suite, mais il res ta inférieur à Mercator dans le choix et l'utilisation des matériaux qu'il avait à sa disposition. Avec ces deux hommes s'ouvre tout un cycle de cartographes qui sont les représentants —
plus ou moins indépendants — du type sévillan, en ce sens que la plupart d'entre eux suivent les traces de Mercator et d'Ortelius. Les cartes dressées par eux et livrées à la publicité généralement sous forme d'atlas peuvent être groupées sous le nom générique de mappemondes de la seconde moitié du XVIe siècle.
A côté de ces mappemondes, il existe un autre groupe qui continue l'école portugaise. Il se distingue par un dessin moins moderne. Parmi ces travaux se placent des portulans d'ancien style d'une facture vraiment superbe. Un trait particulier, touchant la côte de Guyane, est propre aux portulans de ce groupe et peut servir pour les caractériser : le coude brusque de la côte au Cap de Nord sur la rive occidentale de l'Amazone, et qui fait saillie comme un genou. En outre, sur ces cartes le tracé du rivage guyanais est dirigé presque directement vers l'ouest ; enfin elles donnent à l'embouchure de l'Amazone une haute latitude septentrionale. Les cartes portugaises diffèrent essentiellement sur ces points des cartes sévillanes et elles sont, pour cette raison, faciles à distinguer de celles-ci. Comme représentants principaux de ce type il faut mentionner les cartes riches en couleur de Diogo Homem et Andreas Homo, et de Vas Dourado.
d) Le s groupes de cartes dont il a été parlé jusqu'ici peuvent être réunis sous la désignation de cartes à nomenclature romane. A la fin du siècle, il s'opère une évolution ; une nouvelle phase de la cartographie commence, caractérisée par le fait que les dénominations des indigènes sont utilisées comme noms géographiques. A partir du commencement du X V I I e siècle, apparaissent les cartes à nomenclature indienne. Ce changement, qui s'opère en somme d'une façon étonnamment rapide, est la conséquence des voyages de Wal te r Ralegh en 1595, Laurence Keymis
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en 1596, Charles Leigh en 1604, Rober t Harcourt en 1608 et d'autres; c'est l'époque où les Anglais, les Hollandais et les França is cherchent à s'établir dans le pays.
Il y aura lieu de considérer ultérieurement de plus près cette nouvelle période de l'histoire de la cartographie guyanaise. Il ne s'agissait ici que de jeter un coup d'oeil sur le développement de la cartographie de l 'Amérique du Sud pendant le siècle qui a suivi la découverte du Nouveau Monde.
2. Pour pouvoir examiner en détail les cartes sous le rapport technique, il est nécessaire de connaître la genèse de leur construction. L e s moyens qui ont servi à les lever, leur degré d'exactitude et enfin le but qu'elles se proposaient sont autant d'éléments qui doivent être pris en considération pour la comparaison de ces cartes entre elles.
a) Le s cartes marines du Nouveau Monde ont ce trait commun avec les portulans du X I I I e au X V e siècle qu'elles portent un réseau de lignes droites disposées systématiquement et qui, partant de points centraux déterminés, divisent toute la surface du dessin. Sur les cartes du X V I e siècle, les points centraux sont constitués par des roses des vents, du milieu desquelles sortent les rayons de direction. D'après Nordenskiold ce n'était pas le cas pour les anciens portulans ; ceux-ci n'ont qu'exceptionnellement une rose des vents ; jamais on n'y voit de système de roses des vents. Depuis la fin du X V e siècle ou le commencement du X V I e , les cartes sont graduées, c'est-à-dire qu'elles sont pourvues de coordonnées géographiques ; par là, apparaît alors nettement le principe mathématique de la représentation cartographique. L e s cartes dont il est principalement question ici sont des cartes plates construites d'après le
1) Nordenskiold, 1. c , p. 693.
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principe qu'avait imaginé Marin de T y r ; leur système de projection peut être qualifié de projection cylindrique equidistante. Les parallèles de latitude et les méridiens sont perpendiculaires les uns aux autres, ordonnés en systèmes de lignes droites parallèles qui forment un réseau quadratique, le cylindre de projection étant tangent à la terre à l'équateur où les degrés de longitude et les degrés de latitude ont la même grandeur. Les cartes plates ont pour le navigateur l'inconvénient que les lignes de même angle de route, les loxodromies, y apparaissent non comme des lignes droites, mais comme des courbes. Mercator remédia à cet inconvénient, en employant le premier, en 1569, la méthode des latitudes croissantes d'après laquelle les loxodromies se projettent sous forme de lignes droites. Cependant les cartes plates restèrent encore longtemps en usage, parce que l'avantage du procédé de Mercator n'était pas apprécié à sa valeur.
b) Les anciennes cartes d'Amérique sont des levés de côtes, faits à bord du bateau pendant qu'on passait à la voile devant le rivage. De là vient que l'établissement des cartes se base, en principe, sur la tâche essentielle de l'art nautique, qui est la détermination du point du navire. En combinant les itinéraires des différentes expéditions, on parvint à construire des cartes d'une plus grande étendue que les levés individuels. L'utilisation méthodique des observations et des déterminations exécutées dans la même région par des expéditions différentes permit d'atteindre un résultat dont l'exactitude surpassait celle des déterminations individuelles des positions ; en effet, les fautes inévitables étaient de la sorte corrigées dans une certaine mesure. C'est sur ces bases que travaillait la Casa de Contratacion, par exemple. Aucune des cartes conservées ne peut être considérée comme un levé vraiment original, dans le sens
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moderne du mot ; les plus anciennes n'existent plus et celles
qui viennent après ont déjà un caractère de compilation.
Ce mode de procéder devait aussi conduire à ceci qu'une
faute grossière renfermée dans une carte pouvait se pro
pager outre mesure, surtout si l'auteur était un cartographe
considéré.
Les moyens employés pour la détermination astro
nomique du point étaient à l'origine des plus primitifs. Des
astronomes, et parfois aussi des navigateurs, connaissaient
sans doute des méthodes pour procéder à ces opérations,
mais ils manquaient d'instruments appropriés qui permis
sent, surtout sur un navire ballotté, de faire des -obser
vations suffisamment exactes, et les méthodes n'étaient pas
assez perfectionnées au point de vue pratique ; ils n'avaient
pas non plus des tables marines d'un maniement facile.
On peut se faire une idée de l 'ignorance des marins,
si l'on songe qu'ils ne savaient pas distinguer entre les
loxodromies et les grands cercles de la sphère, et qu'à
l'origine ils ne tenaient pas même compte du fait que les
cercles parallèles diminuent de grandeur dans la direction
du pôle.
L a détermination du point du navire se faisait, comme
aujourd'hui, de deux manières : par l'estime de la route
et au moyen d'observations astronomiques. La première
méthode consiste en ceci que la distance parcourue était
estimée à compter du point de départ connu et que la
direction de la route suivie était notée, d'où l'on peut
déduire la position du point où se trouve le navire. On se
servait aussi de tables qui donnaient le nombre de leguas
qu'il fallait parcourir dans les différentes directions de route
pour franchir un degré de latitude. D'après Gelcich 1 ) , la
1) Hamburgische Festschrift, Gelcich, 1. c , p. 19.
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Différence de latitude = 1 °
Direct ions Ouvrage portug'ais et Enciso
1516
Carte de Ruesta vers 1660
Va leu r exacte
Point cardinal (N ou S ) 177 1/2 17 1/2 17.5 1 e r rumb 17 5/6 18 17.8 2 e » 19 1/6 181/2 18.9 3 e » 211/3 21 1/20 21.1 4 e » 243/4
24 3/4 24.7 5 e » 313/4 31 1/2 31.5 6e » 461/7 45 3/4 45.7 7 e » 871/6 89 2/3 89.7 Point cardinal (E ou W ) — — 0 0
Il résulte de ce tableau que les distances de Ruesta
se rapprochent beaucoup des chiffres exacts.
première table de ce genre se trouve dans un ouvrage por
tugais, lequel figure parmi les incunables de la bibliothèque
royale de Munich; elle existe aussi, selon lui, dans la Suma
de Geographia de Martin Fernandez de Enciso. De sem
blables indications se trouvent également dans la carte de
Sebastian de Ruesta, datant de l'an 1660 environ ; les dis
tances respectives y sont inscrites sur les rumbs de la
rose de compas, d'où il appert que le procédé était encore
employé dans le milieu du X V I I e siècle. Les deux tables
adoptent le chiffre de 171/2 leguas pour l 'arc de 1° du
méridien.
L e tableau ci-après reproduit pour l 'espace d'un qua
drant la table de l'ouvrage portugais et de Enciso et la
compare aux indications de Ruesta et aux valeurs exactes.
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En vue des côtes, ce procédé fournissait de très bons résultats, parce que l'art de l'estime s'était développé jusqu'à la virtuosité. En revanche, en pleine mer, l'appréciation était très peu sûre. C'est seulement avec l'invention du loch, au moyen duquel se mesure la vitesse du bateau, qu'un grand progrès fut réalisé dans ce domaine. L e loch est décrit pour la première fois, dans son principe, par Nikolaus Krebs de Kues (le cardinal Nicolaus de Cusa), dans un opuscule intitulé : « De staticis experimentis dialogus » l ) . Mais ce n'est que vers la fin du X V I e siècle qu'il trouva son emploi général dans la navigation. Une autre méthode pour le calcul de la route parcourue — particulièrement important en haute mer — s'appuie sur les déterminations de latitude. La distance franchie à la voile était calculée d'après les latitudes relevées deux jours de suite à midi et d'après l'angle de route tenu. Ce procédé offrait un avantage sur la simple estime, mais il ne peut pas du tout être employé dans les cas où la route suivie a la direction est-ouest.
Quant aux relèvements de directions par le compas, il y a lieu de remarquer que les déviations de l'aiguille aimantée avaient été vraisemblablement observées déjà avant Colomb, mais ce fut Mercator seulement qui, en 1546, trouva la loi de la variation de la déclinaison aux différentes longitudes.
c) L a détermination du point du navire, à l'aide d'observations astronomiques, consiste à en fixer la latitude et la longitude.
Les instruments employés pour les observations étaient primitivement l 'astrolabe et l'anneau astronomique et, en
1) Cet opuscule est annexé à l ' A r c h i t e c t u r a Vitruvii dans les deux éditions de Strasbourg, de 1543 et 1550.
outre, le quadrant ou quart de cercle dont Colomb déjà fit
usage. Mais ces instruments ne donnaient que des résultats
peu sûrs 1) ; ils ne permettaient que des mesures dans les
plans verticaux et ne pouvaient pas servir pour les mensura
tions dans des plans quelconques du ciel, par conséquent
pour la détermination des distances entre les étoiles. Ce
fut l'instrument dit bâton de J acob (arbalestrille, baculus
astronomicus) qui, le premier, satisfit à ces exigences; il
était déjà connu au X I V e siècle pour les mesures astrono
miques sur terre, mais il ne fut probablement utilisé par les
marins que dans la seconde moitié du X V I e siècle. Tou
chant la précision des mesures obtenues avec le bâton de
Jacob , Edward Wright , dans la préface de son ouvrage
« Certain errors in Navigation detected and corrected,
London 1599», dit: « T h e eccentricitie of the eye may
cause error in taking the height of 10, 20, 30 minutes, yea
of an whole degree and more sometimes, if the height be
much, the staffes small and the eccentricitie of the eye
great. »
C'est seulement en 1731, donc après la conclusion de
la paix d'Utrecht, que fut inventé l'instrument nautique par
excellence, le sextant à réflexion ; jusqu'à ce moment, on
avait toujours dû opérer avec des instruments plus ou
moins imparfaits 2 ) .
1) L e Dr A. Breusing, 1. c , pp. 33 et 34, dit au sujet de l 'astrolabe : « Dass die Beobachtung auf dem schwankenden Schiffe selbst in einer geübten und testen Hand sehr schwierig war, ist selbstverständlich. E s mögen dabei Fehler von ganzen Graden nichts Ungewöhnliches gewesen sein. » Mais l'anneau astronomique et le quadrant ne donnaient pas une plus grande précision.
2 ) Vo i r pour plus amples détails, notamment pour la description complète des différents instruments, l 'ouvrage du Dr A. Breitsing, 1. c , pp. 33 et suiv.
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Pour fixer la latitude, on se servait, au X V I e et au
X V I I e siècle, de deux méthodes, dont l'une reposait sur
la mesure de la hauteur de l'étoile polaire, et l'autre sur
la mesure des hauteurs méridiennes du soleil. Les déter
minations au moyen de l'étoile polaire donnaient générale
ment de meilleurs résultats que les observations méri
diennes du soleil ; de bonne heure déjà, des tables, assuré
ment primitives, avaient été établies sur la distance de
l'étoile polaire au pôle nord. Les déterminations par les pas
sages du soleil au méridien devaient donner des résultats
moins exacts, parce que cette méthode exige la connais
sance de la déclinaison du soleil, ce qui compliquait le
procédé. Il est à croire d'ailleurs que les observations
n'avaient souvent pas lieu à midi précis, pas même à un
midi approximativement exact.
Jusque vers le commencement du X V I e siècle, les navi
gateurs employaient encore les Tables Alphonsines, dont
la disposition était d'ailleurs très peu pratique. Plus tard,
ce sont les tables de Regiomontanus, modifiées quelque
peu, qui furent généralement utilisées; on pouvait y trouver,
sans aucun calcul, la déclinaison du soleil.
Pendant assez longtemps les marins manquèrent d'as
surance dans l'emploi des instruments astronomiques, sur
tout lorsqu'ils constataient des différences avec les relève
ments faits au moyen du compas et qu'ils ne pouvaient pas
reconnaître quels étaient ceux des résultats obtenus qui
pouvaient être acceptés avec le plus de confiance. Il est
par conséquent fort possible que les plus anciennes cartes
d'Amérique étaient purement loxodromiques. Il semble
même que c'est le doute sur la sûreté des indications de
l'aiguille aimantée et des déterminations astronomiques qui
doit avoir conduit à une double échelle des latitudes. F e r -
nand Colomb dénonça cette erreur et releva l 'étrangeté
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des cartes marines pourvues de deux équateurs et de
quatre tropiques
L'exactitude dans la fixation de la latitude laissait donc
encore beaucoup à désirer au commencement du X V I e
siècle. C'est ainsi que le médecin Jean, attaché à l'expédi
t ion de Cabrai, se plaignait au roi Emmanuel que les
mensurations faites à bord avec des astrolabes donnaient
lieu à des erreurs de 4 à 5 ° 2). Mais on doit admettre
que, jusque vers la fin du X V I e siècle, ces erreurs dépas
saient rarement un degré. Nous avons, datant du X V I I I e
siècle, une indication de Douwes 3), d'après laquelle les
déterminations de latitude par la hauteur du soleil au mé
ridien différaient souvent les unes des autres de 10', même
lorsqu'elles émanaient des meilleurs observateurs.
Mais ce serait une erreur de croire que les cartes
témoignaient d'emblée de l'exactitude avec laquelle les lati
tudes pouvaient être fixées à l'époque de leur publication.
Il ne faut pas oublier qu'en général le nombre des points
déterminés était peu considérable et que les corrections
passaient très lentement dans les cartes. C'est ce que prouve
entre autres la carte de France par Sanson, datée de 1658,
qui renferme encore des erreurs de latitude allant jusqu'à
1 1/2. (Voir R. B . I, carte annexe aux pages 62 et suivantes.)
Les déterminations de longitude réussissaient encore
beaucoup moins que celles de latitude ; aussi Gelcich, Ham
burgische Festschrift, page 64, peut-il dire avec raison :
« Alles in allem genommen waren die Breitenbestimmungs-
methoden aus Nordstern- und Meridianhöhe die einzig-
brauchbaren astronomischen Rechnungsarten der Seeleute».
1) Hamburgische Festschrift, Gelcich, page 39. 2 ) Vo i r Hamburgische Festschrift, Gelcich, page 59. 3 ) Cité d'après le Dr A. Breusing, 1. c , page 44.
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d) L e but des cartes dont il est question ressort de leur origine ; ce sont des levés de côtes, qui devaient servir en première ligne à la navigation. Ce n'est que peu à peu que leur destination s'élargit. Aussi ces cartes doivent-elles tenir compte de tous les éléments importants pour la conduite d'un navire ; une exactitude absolue touchant la détermination de la position géographique n'est pas indispensable pour cela et il n'était pas possible non plus de l'atteindre. L e but principal d'un levé de côtes consiste à fournir une carte claire, utilisable par le marin en toutes circonstances, une carte qui suffise pour la conduite du vaisseau, même par un ciel couvert, alors que les observations astronomiques sont impossibles 1 ) . Te l est le principe moderne, et si l'on considère combien toute détermination astronomique était incomparablement plus difficile à l'époque dont il s'agit, il est clair que l'aspect physique de la côte était alors, pour ainsi dire, le seul élément déterminant. Le navigateur devait être mis à même de voir par la carte en quels points les écueils et les bas-fonds menaçaient son bâtiment; il devait connaître les îles, les baies, les lieux de mouillage et les points où il pouvait faire de l'eau douce. Pour conduire un navire le long de la côte, il fallait avoir une description du littoral, car il n'existait pas alors, pour ces parages, d'instructions nautiques écrites. Ce qui intéressait avant tout le marin, c'étaient les points de repère d'après lesquels il pouvait se diriger, les promontoires saillants, les collines, les montagnes non éloignées de la côte qui constituaient presque uniquement ses moyens d'orientation. C'étaient ses points d'appui. Il est clair, par conséquent, qu'il leur accordait la plus grande attention et qu'il ne négligeait pas de les porter sur sa carte. L a côte du Contesté en fournit un exemple frappant.
1) Ernst Mayer, Über Küstenaufnahmen, Leipzig, 1880.
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De l'Amazone en allant vers le nord-ouest le rivage se déroule plat, uniforme, et sa ligne monotone n'est interrompue que par une seule colline, elle-même de faible hauteur, le Mont Mayé. Puis apparaissent, visibles de loin, diverses montagnes. Elles indiquent la route à suivre pour atteindre l'embouchure de l 'Oyapoc actuel. Leur haute importance pour le navigateur est évidente, et la mention de ce point de repère sur la carte marine répond au but essentiel de celle-ci. C'est pourquoi la carte de Juan de la Cosa signale déjà les : « Planosas » et les « Motes » (qu'on remarque le pluriel) ; ces montagnes, qui aujourd'hui comme au temps de Cosa dominent le rivage, sont un excellent terme de comparaison pour l'examen des cartes anciennes.
Kohl observe fort justement à ce propos 1 ) : « Die alten Schiffer, noch in höherem Grade Gewohnheitsmenschen als die heutigen, wichen ungern von einem einmal erprobten W e g e ab, und zwar aus guten Gründen, weil sie nicht wissen konnten, ob nicht rechts und links tausend unbekannte Gefahren lägen. Sie setzten auf die sie leitenden Kartenkopien genau die Küstenbeschreibung ihres Vor gängers nieder, vergassen nicht die « Waldgipfel » (arbo-ledas) oder die « Bergspitzen » (montañas) oder den flachen « Sandstrand » (arenas) etc., die er als Merkzeichen bald hier und bald da angegeben hatte, behielten auch sorgfältig seine übrigen Namen bei, die für sie zum Zurechtfinden ebenso wichtige Merkzeichen waren ».
e) Comme Kohl l'indique dans le passage ci-dessus de son ouvrage, la nomenclature des anciennes cartes est fréquemment en relation avec la navigation. T rè s souvent, elle est de nature purement descriptive, en ce sens qu'elle exprime les caractères apparents de la côte ou de la mer.
1) J. G. Kohl, 1. c , page 35.
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Cette nomenclature s'inspire aussi, à l'occasion, d'aventures
particulières au voyage du découvreur ou des conditions
du pays et de ses habitants ou encore de phénomènes natu
rels spéciaux. L e s indications de cette sorte ne devaient pas
être à l'origine des dénominations proprement dites, mais
plus tard elles ont souvent été prises pour telles, et cela en
partie parce que la raison première de ces appellations
n'apparaissait plus par suite des altérations qu'elles avaient
subies dans les copies. Il n'est pas rare que de telles dési
gnations aient été traduites dans une autre langue et repor
tées sur de nouvelles cartes ou tout au moins pliées à une
forme facilitant leur prononciation dans cette langue. Des
faits de ce genre compliquent la recherche de la dénomi
nation primitive.
L e s localités nouvelles recevaient souvent le nom du
saint que le calendrier indiquait pour le jour de la décou
ver te ; on employait de même aussi les noms des grandes
fêtes de l'église 1). En revanche, il n'arrive qu'exceptionnel
lement qu'un nom rappelle une personnalité déterminée.
On peut citer comme exemples le Rio de Johan de Lis-
bona dans Chaves, le Rio Oregliana dans Martines, la
Tier ra de solis de la carte de Weimar , mais surtout le
Rio de Vicente Pinzon, d'une si haute importance pour la
présente étude 2 ) .
La suite ininterrompue des explorations eut pour con
séquence une augmentation constante des noms. Il arri
vait souvent aussi que des noms différents étaient donnés
au même objet par des explorateurs successifs, d'où ré
sultaient parfois, dans une carte ultérieure, deux objets
différents.
1) V o i r ci-dessus, page 83, note 3, et page 84, note 1. 2) V o i r ci-dessus, page 90.
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Quelques exemples permettent de montrer quelles mo
difications les noms étaient susceptibles de présenter : la
B a y a de todos sanctos, sur la côte orientale du Brésil,
devint sur les cartes allemandes une Abatia omnium sanc
torum, une Abbaye de tous les saints. De Arrecifes (récifs),
la carte de Turin fait une Punta de aricefe, Cabotto un
Rio de aracife, Ortelius sur sa carte jusqu'ici inconnue,
datée de 1564, un Rio Arefice. Dans la carte de Turin se
trouve un Cabo de Loeste ; le même cap apparaît sur la
carte de Ribeiro sous le nom de C. daloeste, sur la carte
de Chaves sous celui de Cabo del Hueste, et Ortelius en
fait, en 1564, un C. Peste. Vaz Dourado marque dans ses
cartes de 1568 et de 1571 une Costa descuberta qui devient
dans Teixeira, en 1627, une Costa de sierta. L e Cabo de
corrientes (Cap des courants) apparaît dans Gutierrez sous
le nom de Cabo de corryntes et dans Mercator, en 1569,
sous celui de Cabo de coryntes.
En outre, certains noms subissaient des déplacements
sur les cartes, apparaissant tantôt ici, tantôt là, à des endroits
différents. Ces déplacements ont lieu parfois pour des noms
isolés, parfois pour des groupes entiers de noms. Dans cer
tains cas, ils peuvent avoir pour effet final que le même
nom figure deux ou trois fois sur la même carte. Mais ils
ne sont pas uniquement la conséquence d'un placement
arbitraire de la nomenclature ; ils ont quelquefois leur cause
dans des erreurs affectant le dessin des grandes formes
de la côte. Il faut donc que l'examen des cartes porte aussi
sur ce point.
A voir maintes cartes, on ne peut se défendre de l'im
pression que la ligne de côte a été arbitrairement allongée,
simplement pour pouvoir y placer toute la série des noms.
Au surplus, il n'est pas impossible que les cartes renfer
ment quelquefois des indications intentionnellement fausses
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et des noms défigurés, dus aux chefs des nombreuses expé
ditions clandestines qui cherchaient, autant que possible, à
tenir secrète la connaissance des territoires d'où ils tiraient
leur butin.
Ces diverses considérations expliquent pourquoi la
nomenclature des nombreuses cartes répandues dans le
commerce arriva peu à peu à être absolument confuse.
L a création du Padron real et le contrôle officiel exercé
par la Casa de Contratacion ne portèrent remède à ce mal
que pour peu de temps et ne purent jamais l 'empêcher
tout à fait. Mais les cartes sévillanes officielles ont au moins
cet avantage qu'elles témoignent, pour la nomenclature
comme pour le dessin, d'un procédé systématique, de sorte
qu'elles offrent une sûreté qui dépasse de beaucoup celle
des autres œuvres cartographiques datant de la même
époque. Elles rendirent la stabilité à la nomenclature, notam
ment pour les points d'une certaine importance, et fixèrent
ainsi la localisation des noms pour une période assez longue.
Ce fait trouvera sa confirmation pour le Rio de Vicente
Pinzon en particulier.
3.
Méthode suivie dans l 'examen des anciennes car tes .
Pour tirer des conclusions des matériaux cartographi
ques si abondants mis à la disposition de l'arbitre, il faut
comparer les anciennes cartes entre elles et avec les cartes
modernes.
Un moyen essentiel d'établir l 'enchaînement des an
ciennes cartes et de se rendre compte des particularités
de chacune d'elles consiste dans la comparaison systéma
tique de la nomenclature, liée à son étude analytique. L ' ex
posé qui précède aura démontré que cette méthode doit
être employée avec circonspection. Il est toujours indis
pensable de considérer en même temps le tracé de la
côte, dans l'ensemble comme dans le détail, pour ne pas
perdre de vue ce qui constitue la base de la carte : le dessin
et ses proportions. En outre il sera également nécessaire
de tenir compte des caractères physiques de la côte, qu'il
faut placer au premier plan, car ce sont eux principalement
qui aident à établir le contact avec les cartes modernes.
L e travail de comparaison a pour but final le report des
anciennes cartes sur la carte moderne afin de pouvoir iden
tifier leurs points fondamentaux.
Pour atteindre ce résultat, les mémoires français s'ap
puient presque exclusivement sur les données de latitude
qu'ils reportent telles quelles sur la carte moderne. Il n'est
pas possible à l'arbitre d'admettre ce principe, qui pourrait,
à la rigueur, être accepté si les latitudes marquées dans
les anciennes cartes étaient d'une exactitude relativement
grande et si l'équateur y occupait une position concordante
et invariable. Un coup d'œil jeté sur les cartes convainc
du contraire et montre qu'il y a eu de longs tâtonnements
dans la recherche de la position exacte de l'équateur.
Il faut remarquer qu'en général les déterminations de
latitude constituent la base mathématique la plus exacte
des cartes ; mais pour la zone dont il s'agit, dans le voi
sinage de l'équateur, il n'en est justement pas ainsi. L a
méthode la plus sûre des navigateurs du X V I * siècle pour
la fixation de la latitude était basée, comme on l'a vu,
sur l'observation de l'étoile polaire ; mais, dans la zone
guyanaise précisément, il est impossible d'appliquer cette
méthode. Car il est confirmé par des navigateurs expéri
mentés que, à l'œil nu, l'étoile polaire ne devient visible
qu'à environ 7° au nord de l'équateur. Avec les instru
ments perfectionnés dont on se sert de nos jours, les
5 1 1
déterminations de latitude ne peuvent plus se faire exacte
ment au-dessous de 10° à 12" de latitude nord. Hammer
écrit 1 ) : « Fü r nördliche Breiten < 12° versagt (mit Rücksicht
auf die Unsicherheit der Refraktion) der Polarstern, und
auf der südlichen Himmelshalbkugel ist bekanntlich kein
hellerer Polarstern vorhanden » 2 ) . Les anciens navigateurs
ne pouvaient pas non plus par l'observation du soleil obte
nir des résultats suffisamment sûrs. Même leur meilleur
instrument, le bâton de Jacob , qui d'ailleurs ne fut employé
que relativement tard, pèche par un manque de précision
notable dès qu'il s'agit de mesurer de grands angles de
hauteur. Les déterminations par les instruments plus an
ciens, l'astrolabe, l'anneau astronomique et le quadrant,
étaient encore bien plus défectueuses ; les résultats étaient
tout à fait insuffisants pour les observations faites dans
le voisinage du zénith, observations qui d'ailleurs étaient
presque impossibles. L a zone de la côte de Guyane se
trouve donc dans une position extrêmement défavorable
pour les déterminations de latitude faites à cette époque,
ce qui explique que ce rivage ait été représenté si tardive
ment dans sa position exacte.
La méthode de la France qui fonde sa démonstration
directement sur les données de latitude, est, pour ces mo
tifs, insuffisante. Si , en dehors de la zone des latitudes in
certaines, on pouvait adopter comme points fixes deux
1) Geographisches jahrbuch, X X I I . Band, 1899, page 59. 2 ) Dans les Annalen der Hydrographie, 1889, pp. 156—163, le
D r F. Boite évalue à + 3 ' l 'erreur probable des observations de l'étoile polaire faites avec les moyens actuels ; la plus petite latitude déterminée par l'étoile polaire était ici de 7 ° 4 5 ' N. — D'après A. Magnac, Nouvelle navigation astronomique Par i s 1877, les relèvements de latitude par l'observation des étoiles n'ont qu'une exactitude approximative de 5 ' à 15 ' .
5 1 2
points facilement reconnaissables de la carte moderne, et
si, sur cette base, on pouvait réduire la section de la côte
comprise entre les points correspondants des anciennes
cartes, pour opérer alors avec les latitudes ainsi corrigées,
on introduirait au moins un élément méthodique dans les
comparaisons et les matériaux cartographiques acquerraient
l'homogénéité nécessaire. De nombreux essais entrepris
dans cette direction ont démontré que ce procédé pour
l'examen critique des cartes d'après les données de latitude
est aussi défectueux. Il fallait donc partir d'un autre prin
cipe pour les recherches.
Les marins possédaient, on le sait, une habileté éton
nante pour apprécier les distances, aussi longtemps qu'ils
ne perdaient pas de vue la côte qui leur offrait des points
d'appui. Les cartes étaient obtenues en mettant bout à
bout les sections de route évaluées à l'estime et en tenant
compte de leur direction azimutale et des latitudes obser
vées directement. S'appuyant sur cette méthode de levé,
si l'on peut s'exprimer ainsi, l'arbitre procédera à la com
paraison en ramenant à une ligne droite la ligne de côte
des anciennes cartes et en la superposant sur la ligne de
côte des cartes modernes développée également en ligne
droite. On obtiendra alors par mensuration des nombres
directement proportionnels.
Mais pour cela, il faut discuter avant tout la question
de l'échelle et de l'unité de longueur des anciennes cartes
de l'Amérique. Il est regrettable de ne posséder là-dessus
aucune étude détaillée à laquelle il eût été possible de se
référer. Fo rce est de se contenter ici de quelques indica
tions. Il s'agit d'abord de déterminer la longueur attribuée
à la legua hispano-portugaise. Dans son rapport de 1495
relatif à la Ligne de démarcation prévue par le traité
de Tordesillas, Fe r r e r dit, au sujet de la longueur de la 33
5 1 3
— 5 1 4 —
legua 1 ) , qu'elle correspond à quatre milles, le mille à huit
stades. Thomas Duran, Sebastiano Cabotto et Juan Vespucc i
donnent exactement les mêmes valeurs dans leur préavis col
lectif (Parecer) à la conférence de Badajoz en 1524 et insis
tent sur le fait que cette legua est, en Portugal comme en
Espagne, communément employée par les marins 2 ) . Mais
on ne sait pas avec certitude quelle longueur il faut attri
buer au stade dont il est ici question. Harrisse se prononce
pour le stade olympique, qui est regardé comme mesurant
192.27 m 3 ) ; il serait plus exact, toutefois, de prendre pour
base un stade plus petit, celui de 185 m que Nordenskiöld 4 )
appelle « S t a d i u m m a r i n u m » et. q u ' i l fait égal à 0.1' ; il déduit
ce même chiffre du Periplus de Scylax , qui remonte à 500 ans
environ avant Jésus-Christ. Jordan 5 ) adopte aussi la même
valeur de 185 m. En la prenant comme longueur du stade,
on obtient pour le mille 1480 m; c'est la longueur du mille
romain connu, sur lequel, d'après H. W a g n e r 6), est tout
1) Navarrete, 1. c , I I , page 101 ; Harrisse, T h e Diplomatie History of America, 1. c , page 92.
2) Navarrete, 1. c , I V , page 339 : « L o que communmente usan los marineros ansi en Portugal , como en Castilla T.
3 ) D ie Ausgrabungen zu Olympia. V . Übersicht der Arbeiten und Funde vom Win te r und Frühjahr 1879—1880 und 1880—1881, herausgegeben von E. Curtius, F. Adler, G. Treu und W. Dörpfeld, Berlin 1881, page 37.
4) A. E. Nordenskiöld, 1. c , page 686. 5 ) D r . W.Jordan, Handbuch der Vermessungskunde, Stuttgart 1896,
III , page 2. Jordan s'appuie sur Karsten, Allgemeine Encyklopädie der Physik, Leipzig 1869, I, pp. 433 et 441.
6) H. Wagner, 1. c , page 76.
S u r la carte de l'Italien Vesconte de Majollo, datant de 1519, 74 miglia équivalent à 1 °. D'après cette donnée, si l'on prend pour longueur du degré 111.3 km, la longueur du miglio se chiffre à 1.5 km, valeur qui renferme encore l 'erreur d'estimation quant au nombre de miglia qu'il laut pour équivaloir à 1°. Néanmoins, il en résulte une bonne concordance, ce qui confirme d'autre part l 'exactitude de l'hypothèse de Majollo.
simplement basée la lieue marine (legua) du temps des
découvertes.
Nordenskiold 1) tire de recherches très étendues, qui
portent sur 19 anciens portulans, la valeur de 5.83 km pour
la lieue marine (legua). En adoptant la valeur de 1480 m
pour le mille, on obtient d'après Ferrer , Thomas Duran,
Sebastiano Cabotto, Juan Vespucci 5.92 k m 2 ) pour la legua,
ce qui correspond assez bien au résultat de Nordenskiold.
Cependant il s'agit de tenir compte non seulement de la
longueur de la l g u a , mais encore de l'idée que les carto
graphes se faisaient de la grandeur de la terre, en d'autres
termes, de rechercher quel nombre de leguas ils attribuaient
au degré équatorial. Sur ce point particulier, les cosmogra
phes et les cartographes du X V I e siècle étaient encore dans
une grande incertitude, ce qui se déduit très clairement des
efforts tentés pour fixer la Ligne de démarcation. Jusqu'en
1524 (Junta de Badajoz), on donnait au degré une longueur
de 14 1 / 6 , 15, 162/3, 171/2 et même 215/8 leguas 3 ) ; mais plus
1) Nordenskiold, 1. c., pp. 690—692. 2) Nordenskiöld écrit, 1. c , page 6 9 2 : Such a unit (à savoir la lieue
marine comptée pour 5.83 km) has no simple relation either to the Italian miglia, the Roman milliaria, or the stadia of the Stadiasmos. But it is almost identical with the ancient Catalan « legua ». Cette relation avec le mille romain et le stade résulte cependant des explications ci-dessus.
H. Wagner, 1. c , pp. 76 et 91, admet que dans les portulans du moyen âge le mille romain de 1480 m a servi seulement pour la côte atlantique, tandis que pour les côtes de la Méditerranée le mille n'a été compté que pour une longueur de 1250 m environ, ce qui, en fin de compte, si la relation indiquée ci-dessus doit être considérée comme établie, aboutirait à deux stades de longueurs différentes. Vo i r à ce sujet Ernst Steger, Untersuchungen über italienische Seekarten des Mittelalters auf Grund der kartometrischen Methode, Dissertation, Göttingen 1896.
3) Dans son préavis, Fernand Colomb rejette les vues d'Aristote, S t ra-bon, Macrobe, Eratosthène, Maxime et Ptolémée sur la grandeur de la terre et il tient pour exacte l'opinion de Tebit, Alméon et Alfragano, adoptée
5 1 5
— 5 1 6 —
tard, l'opinion d'après laquelle le degré équatorial contenait
171/2 leguas prévalut généralement, en sorte que ce chiffre
peut être regardé comme la valeur moyenne usuelle. S i
l'on prend pour base la valeur, trouvée plus haut, de
5.92 km, et que l'on considère le degré équatorial comme
égal à 111.3 km, on obtient 18.8 leguas au degré. L'estima
tion à 17.5 leguas était donc assez juste; l'erreur s'élève à
6.9 % seulement, ce qui est un chiffre faible pour une esti
mation de longueur.
Il est clair que des indications présentant de si grandes
différences sur le nombre de leguas compté pour le degré 1)
ne permettent pas de se servir de l'échelle de chaque carte
en adoptant pour la legua une valeur fixe et invariable,
car de cette façon on se trouverait en constante contradic
tion avec les données de latitude 2 ) , qui doivent concorder
avec l'échelle en ceci que la longueur d'un degré doit cor-
aussi par Pedro de Aliaco et Juan de Pecan, comme aussi par le premier Amiral des Indes, ainsi qu'en témoignent de nombreux écrits de sa main: ceux-ci donnent tous au degré une longueur de 56 milles et 2/3, ce qui tait 14 leguas et 2/3 de mille, d'où il résulte que la circonférence terrestre mesurerait 5100 leguas ; voir Navarrete, 1. c , I V , pp. 333 et suiv. ; Thomas Duran, Sebastiano Cabotto et Juan Vespucci comptent 171/2» leguas au degré, voir Navarrete, 1. c , I V , page 339 ; Ferrer, dans son préavis, compte pour le degré 215/8« leguas.
Enciso observe : « A s each degree is estimated to be in length sixteen leagues and a half and one-sixth, the circumference of the entire globe is three hundred and sixty degrees, amounting to six thousand leagues. » Cité d'après Harrisse, T h e Diplomatic History of America, 1. c , page 104.
1) On sait que la première mesure de la terre faite sur une base sûre a été exécutée par Snellius ; il a décrit son procédé en 1617 ; l 'incertitude de l'estimation antérieure est par conséquent bien compréhensible.
2 ) Mais ce désaccord atteindrait des valeurs beaucoup plus grandes que l'incertitude dans la détermination des latitudes, surtout lorsqu'on se rapproche des latitudes plus élevées, parce que le désaccord croît proportionnellement à la latitude.
— 517 -
respondre à 111.3 km 1 ) . Au surplus, dans la reproduction,
l'échelle n'est pas indiquée sur toutes les cartes. L e s degrés
de latitude constituent donc l'échelle de beaucoup la plus
exacte et la plus sûre et elle est indépendante de la notion
de la grandeur du globe. Si l'on ajoute alors le nombre de
leguas qui, sur une carte donnée, équivalent au degré, on
a par là l'opinion du cartographe sur les dimensions de
la terre. Dans ses recherches, l'arbitre a, pour se rattacher
à la manière de voir des anciens cosmographes, adopté
d'une façon constante le chiffre de 17 1/2 leguas au degré;
donc 17.5 leguas = 111.3km, 1 legua = 6.36 km 2 ) .
La valeur de la legua se trouve ainsi portée de 5.92 km
à 6.36 km, ce qui a précisément pour cause l'erreur d'esti
mation que l'on faisait alors en n'admettant pour le degré
que 17.5 leguas au lieu de 18.8.
Logiquement il semble devoir résulter de ce qui pré
cède que les cartes sont défigurées, et par conséquent
inexactes, dans la mesure où elles attribuent un trop petit
nombre de leguas au degré, parce que de cette façon —
si aucune réduction n'a été faite — la ligne de côtes de
vient trop longue., et que, par suite, le continent paraît
trop large. C'est bien ce qui se présente dans la plupart
des car tes ; presque toutes donnent à la portion de côtes
1) D'après les données de Bessel sur les éléments de l'ellipsoïde terrestre, la longueur d'un degré équatorial = 111.3 km ; nous prenons la même longueur aussi pour les degrés de latitude. E n réalité, la longueur du degré de latitude n'est égale à celle du degré équatorial que du 54° au 55° ; la longueur du degré de latitude de 0° à 1° serait = 110.6 km ; mais il n'est pas nécessaire, dans la présente étude, de tenir compte de ces petites différences.
2) D'après le « Handbuch der Navigation des hydrographischen Amtes des Reichs-Marine-Amts », Berlin 1891. page 15, la lieue portugaise moderne (legoa) = 6173.0 m ; la legua maritima espagnole = 5555.6 m .
5 1 8
considérée ici une trop grande longueur. Toutefois on con
state aussi des allongements qui sont non pas systématiques,
mais arbitraires ; il en a été question à propos de la no
menclature. Enfin il est clair que les côtes orientées dans
la direction nord-sud concorderont plus exactement que
celles orientées dans la direction est-ouest, attendu que,
pour ces dernières, le contrôle des distances au moyen des
latitudes fait défaut. Te l est le cas en particulier pour la
Guyane, où, de plus, les latitudes ne pouvaient être obtenues
que d'une manière insuffisante.
On peut, du reste, supposer que les cartographes se
servaient aussi d'un autre procédé : la carte était t racée tout
d'abord provisoirement d'après les distances estimées, les
directions respectives et les latitudes mesurées ; alors seule
ment le dessin obtenu de cette façon était réduit sur le canevas
de la carte définitive dont l'échelle avait été établie au préa
lable dans le rapport considéré comme juste avec le réseau
des degrés. De la sorte rien n'était changé dans les propor
tions, et le dessin comme tel restait exact, qu'on ait compté
trop ou trop peu de leguas au degré. C'est de cette méthode
parfaitement exacte que s'est probablement servie la Casa
de Contratacion, comme on le verra d'une manière plus
détaillée lors de l'examen de la carte de Weimar et des
cartes de Ribeiro et de Chaves.
Si donc l'on mesure la ligne de côte des anciennes
cartes au moyen de l'échelle déduite du réseau des lignes
de latitude, et si l'on compare cette longueur avec celle
de la portion correspondante des cartes modernes, la diffé
rence entre ces deux longueurs représente numériquement
l'exactitude absolue des anciennes cartes, laquelle peut
s'exprimer en pour-cent. La portée des valeurs obtenues
est limitée, naturellement, à la portion de côte considérée
(qui ne doit pas être de trop petite dimension). On exprime
— 5 1 9 —
alors les différentes parties de la ligne en pour-cent de la
longueur totale; on fait de même sur la carte moderne et,
par comparaison, on obtient ainsi une réduction des anciennes
cartes à la carte moderne. Cette réduction permet d'indi
quer sur la carte moderne la position respective des points
des anciennes cartes.
L e redressement en ligne droite de la ligne de côte
peut se faire sur les anciennes cartes où il y a altération
des longueurs par suite de la projection, sans qu'il y ait
lieu de s'occuper de la déformation de l'image, car pour
la région considérée, située si près de l'équateur (à une
distance maximum de 10° N et S ) , l'altération est égale
à zéro.
Dans ce procédé, le choix des points qui marquent les
extrémités de la section à comparer doit être fait avec un
grand soin ; il ne peut porter que sur des points faciles à
identifier et susceptibles d'être déterminés sur toutes les
cartes. C'est le Cap S. Augustin qui a été choisi en pre
mière ligne ; il fut, dès les premières expéditions, le point
le plus important et le plus connu de l'Amérique du Sud
et a été, de bonne heure déjà, fixé astronomiquement.
Comme il servait de point de repère pour reconnaître la
situation de la Ligne de démarcation, sa position avait un
intérêt général L e choix de la seconde extrémité a été
1) L e Cap S . Augustin est déjà cité dans le procès de Colomb, Na-varrete, 1. c. I II , page 547 : « L o cual sabe porque este testigo es el mismo Vicente Yañez Pinzon, é sabe é es verdad que descubrió desde el cabo de Consolacion, que es en la parle de Portugal é agora se llama cabo de S. Agustin».... Vo i r ci-dessus, pp. 82 et suiv. et page 470. Amerigo Vespucci, lors de son second voyage, a déterminé astronomiquement le Cap S. Augustin, Hamburgische Festschrift, Ruge, 1. c , page 54. « D a s Cap S . Augustin ist der erste Punkt in der neuen Wel t , dessen L a g e man wegen der Demarkationslinie astronomisch genau
— 5 2 0 —
déterminé exclusivement par l'examen des cartes. Déjà sur
les plus anciennes, on reconnaît l'île de la Trinidad, qui a
été assez tôt placée dans sa position exacte. Comme point
fixe a été pris le promontoire situé au sud de la Punta
Galeota qui, sur Stieler, Handatlas, carte n° 90, édition de
1900, est situé entre la Boca Cuicuina et la Boca Aragua-
pichc. Pour abréger, ce point a été désigné par X . Il est
facile à trouver sur presque toutes les anciennes cartes ;
dans Chaves, il porte le nom de C. Anegado.
Cette étude embrasse donc toute la côte nord-est de
l'Amérique du Sud, ce qui était dicté déjà par cette raison
que les objets géographiques situés entre les susdits points
extrêmes ont été souvent confondus entre eux, déplacés, etc. ;
qu'il suffise de rappeler à ce propos l'important problème du
Maranon-Maranhão. Malheureusement, les cartes soumises
à l'arbitre ne s'étendent pas toutes assez loin pour qu'il soit
toujours possible de faire porter l 'examen sur tout l 'espace
compris entre les deux points indiqués. On a dû, pour plu
sieurs cartes, s'en tenir à une portion de moindre étendue;
en ce qui concerne ces dernières, on expliquera dans chaque
cas comment il a été procédé. Pour la mesure de la ligne
de côte d'après les levés actuels, les cartes employées ont
zu bestimmen suchte. . . Wichtig" war auch die Wahrnehmung, dass vom Cap Augustin aus die Küste der neuen T ie r r a firme nach Südwesten verl ief», S. Ruge, 1. c , page 17.
D'après Herrera, II , I, X I I , il s'agissait principalement, à l 'occasion de la Jun ta de 1515, de fixer la longitude géographique du Cap S. Augustin et sa distance aux îles du Cap Ver t , pour pouvoir déterminer par là à quelle distance la Ligne de démarcation devait être tracée à l'ouest de ces îles, G. Kohl, 1. c , page 29. D'après Enciso : « F r o m Fuego Island to Cape S t . Augustine there are four hundred leagues, and Cape S t . Augustine is in 8° (d'après St ieler , Handatlas, de 8° 24') on the other side of the equator », cité d'après Harrisse, T h e Diplomatic History of America , 1. c , page 105.
5 2 1 —
été les n o s 90 et 91 de l'atlas de Stieler, édition de 1900. Il va sans dire que, dans le développement en ligne droite, il n'a
pas été tenu compte de toutes les petites indentations de
la côte, mais seulement du tracé général. Il y a lieu d'ob
server que pour la baie de Maranhão, les mesures ont été
prises horizontalement, de l'île de S t a Anna vers Alcantara,
en ligne droite.
La manière dont la côte a été mesurée à l'embou
chure de l'Amazone demande encore quelque éclaircisse
ment. Ici la mesure a été prise de l'île Tijoca au cap
Magoari et de là à la pointe de terre située sur la rive
occidentale de l'Amazone par 50° 30' de longitude ouest de
Greenwich; ceci, dans le but de se rapprocher le plus
possible des anciens tracés cartographiques, tels qu'ils ap
paraissent dans la carte de Weimar , les cartes de Ribeiro
et de Chaves, celles de Mercator, etc., ainsi que dans toutes
les cartes où la côte au nord de l'Amazone affecte la forme
caractéristique du genou. Il a été rarement nécessaire de
s 'écarter de cette méthode de mensuration, et chaque fois
le fait sera signalé. L e tableau ci-après donne le schéma
fondamental du redressement en ligne droite de la ligne de
côte sur la carte de Stieler.
St ie le r , Handat las , ca r t e s n o s 9 0 et 9 1 , édition de 1 9 0 0
Indication des sections Distances en km Pour-cent de la longueur totale
Cabo de S. Agostinho à 1 3 4 8 34.0
I. de Sta Anna à 5 5 7 14.0
I. T i joca à 5 4 2 13.6
C. do Norte de Maraca à 265 6.7
C. d'Orange à 1 2 5 8 31.7
Point X 1 )
Longueur totale 3970 km 100 .0%
1) Ce point est situé entre la B o c a Cuicuina et la Boca Araguapiche.
II Cartes à nomenclature romane. 1.
De J u a n de la Cosa à Orellana.
a) C A R T E DE JUAN DE LA C O S A , DE 1500.
Parmi les cartes parvenues jusqu'à nous, la plus ancienne ayant trait au voyage de Vicente Yañez Pinzon a pour auteur le pilote Juan de la Cosa 1), compagnon de
l ) A. B . I, n° 1.
— 522 —
Colomb, et plus tard maître de cartographie à l'école des
marins de Cadix. Toutefois, l'exemplaire conservé pourrait
bien n'être qu'une des nombreuses copies de la carte origi
nale, ce que tend d'ailleurs à confirmer la date erronée de
1400 qu'il porte 1 ) .
Juan de la Cosa prit part au premier voyage de
Colomb, ainsi qu'à sa seconde expédition ; il accompagna
Hojeda en 1499 et Rodrigo de Bastidas en 1501. Il entre
tenait des relations personnelles avec Vicente Yañez Pinzon
et Diego de Lepe et il utilisa leurs levés, ainsi que ceux
de Colomb, de Hojeda et de Nino, pour l'établissement de
sa carte.
Petrus Martyr ab Angleria, 1. c , Dec. II, lib. X , fol. 40,
C et D, s'exprime comme suit au sujet de la carte de Juan
de la Cosa :
Il s'est rendu auprès de l'évêque de Burgos (Fonseca),
confugium hujus navigationis, s'est enfermé avec lui dans
une chambre et ils ont étudié ensemble plusieurs cartes de
navigation (plures chartas navigatorias), à savoir une carte
dressée par les Portugais (a Portugalensibus depicta), à
l'établissement de laquelle Americus Vespucius Florentinus
doit avoir prêté son concours (in qua dicitur manum
imposuisse Americus Vespucius Florentinus) ; Colomb, de
son vivant, commença une deuxième carte pendant qu'il
traversait ces contrées (alteri Colonus vivens, cum ea
perlustraret loca, dédit initium). Ils étudièrent en outre
les navigatoria membrana de tous ceux des Castillans
qui se croyaient capables de pouvoir mesurer les pays
et les côtes. Parmi les cartes qu'ils trouvèrent, les plus
dignes d'être recommandées sont celles qu'avaient établies
Joannes de la Cossa, compagnon de Fogeda, dont nous
1) Voir Sophus Ruge, 1. c , pp. 34 et 35.
5 2 3
5 2 4
avons dit qu'il avait été assassiné par les Caramaviriens, près de Carthagène, et un autre capitaine de navire du nom d'Andreas Morales. (Ex omnibus commendatiores servant, quos Joannes ille de la Cossa, Fogedae comes, quem a Caramavirensibus apud Carthaginis portum peremptum diximus, ædiderat, et gubernator alius navium, nomine Andreas Morales.) Il a, avec l'évêque de Burgos, mesuré les litora sur ces cartes.
Les deux investigateurs avaient sans doute sous les yeux cette carte de Morales qui ne nous a pas été conservée, et au sujet de laquelle Andreas Morales, témoignant dans le procès de Colomb, déclarait qu'il avait exécuté, d'après les données de Yañez et de Lepe, « una figura del descubrimiento para el Obispo Fonseca » 1).
La carte de Juan de la Cosa était probablement la carte d'octobre 1500, c'est-à-dire la carte qui fait l'objet de la présente étude renfermant les résultats des expéditions de Hojeda, de Lepe, et en partie ceux aussi du voyage de Vicente Yañez Pinzon.
a) Quelques indications prises parmi les noms de la carte de Cosa, en suivant la direction de la route parcourue par Vicente Yañez Pinzon du sud au nord, méritent une mention particulière.
1. P. fermoso, «beau promontoire», se rattachant sans doute au « Rostro hermoso », point où Vicente Yañez Pinzon crut avoir atteint la démarcation espagnole; voir ci-dessus, pages 87, 94.
2. Rio de bazia bariles, qui peut se traduire par « fleuve du vidage des tonneaux », réminiscence de la déposition du médecin Garcia Hernandez concernant la mer d'eau douce découverte par Pinzon ; voir ci-dessus, page 472.
l) Navarrete, 1. с. III , page 552 ; voir ci-dessus, pp. 474, 4 / 5 .
— 5 2 5 —
3 Ro de se fallo buatruz, altération de « Rio do se falló una cruz », fleuve où fut trouvée une croix, indication qu'il faut probablement faire remonter à un récit de de Lepe, qui, venant après V . Y. Pinzon, trouva une croix érigée par ce dernier pour marquer la prise de possession.
4. Costa plaida, au lieu de costa placida, côte pacifique, désignation qui, probablement, d'après la situation du lieu, fait allusion au caractère pacifique des Indiens que Pinzon trouva dans cette contrée. Pierre Martyr dit déjà : « Hujus tractus incolas mites sociabilesque esse referunt» 1 ) .
5 . Mas alta la mar que la tierra, la mer est plus élevée que la terre, phénomène caractéristique, surtout pendant la saison des pluies, pour la région avoisinant l'embouchure de l'Amazone.
6. G. de St Ma, abréviation de Golfo (?) de Santa Maria, désignant, comme on le verra tout à l'heure, le golfe de Santa Maria de la Mar-Dulce de V . Y . Pinzon, embouchure du fleuve des Amazones.
7. El macarlo, altération de el macareo 2 ) , le mascaret, c'est-à-dire la pororoca, en souvenir, certainement, de l'incident du voyage de V . Y. Pinzon à l'embouchure du grand fleuve et au sujet duquel Colmenero, témoin dans le procès de Colomb, rapporte : « lorsque les navires furent à l'ancre, la mer s'éleva soudain et souleva en mugissant les vaisseaux à quatre brasses de hauteur» 3 ) .
8 . Costa anegada, côte noyée, correspondant aux «terres noyées » d'auteurs postérieurs et caractérisant la côte con-
1) Vo i r ci-dessus, page 477. 2) Macarto, ainsi que macareo, manquent dans le dictionnaire de
l 'Académie espagnole. P a r contre, le terme de macareo désigne en portugais le phénomène connu sous le nom de mascaret et peut bien avoir passé dans le langage des marins espagnols.
3) Navarrete, 1. c. III, page 552; voir ci-dessus, page 471.
testée. Pinzon étant probablement arrivé à la Santa Maria de la Mar-Dulce vers le 25 mars 1500, soit au milieu de la saison des pluies il a dû remarquer la particularité de la côte noyée. L a Costa anegada doit être cherchée immédiatement après le Cap de Nord 2 ) .
9. Tierra de S. Anbrosio, terre de Saint-Ambroise. 10. Las planosas, les « plaines », terme étranger à la
langue espagnole moderne, mais ne prêtant néanmoins à aucune équivoque.
11. Motes (mõtes), ancienne orthographe de montes, montagnes.
b) Le s noms de la car te de Juan de la Cosa ne sont en majeure partie, comme le montrent les exemples cités, que des expressions descriptives ayant pour but de marquer, à l'usage des navigateurs postérieurs, le caractère général de la région.
L a baie dessinée sous la ligne de l'équateur et portant le nom de « Golfo de Santa Maria » doit être considérée comme l'embouchure du fleuve des Amazones, car des îles et le nom de « El macarto » — allusion au phénomène de la pororoca — figurent dans le golfe. De même la « Costa plaida » (placida) et la mention « Mas alta la mar que la tierra », la « Plaia anegat » et la distance du Cap d'Orange, reconnaissable à sa configuration, au Golfo de Santa Maria ne permettent pas de douter que celui-ci ne doive être regardé comme l'embouchure du fleuve nommé plus tard Amazone. Seul fait défaut, à l'ouest de l'embouchure du
1) V o i r ci-dessus, page 84, note 1. 2) V o i r la carte marine de Mouchez, n° 2729, édition de 1896, qui,
immédiatement à l'ouest du Cap de Nord, porte cette mention : « terres marécageuses entièrement inondées dans la saison des pluies » ; voir aussi les Instructions nautiques de Tardy de Montravel 1851, page 82, et T h e South America Pilot I, page 513.
526
— 5 2 7 —
fleuve, le nom caractéristique : côte de Paricura, qui plus tard constitue un signalement certain pour l'embouchure de l'Amazone.
La carte de Juan de la Cosa ne mentionne pas le nom de Vicente Yaftez Pinzon ; celui du saint, S. Vincent, manque également.
Da Silva II, pages 391, 392, rend probable que le Cap de San Vicente de la « Capitulation » de Vicente Yañes Pinson, non mentionné sur la carte de Juan de la Cosa, doit être cherché immédiatement au nord de la tierra de S. Anbrosio de cette carte, tandis que d'Avesac l) voit dans cette «tierra de S. Anbrosio» le futur Cap d'Orange 2).
Enfin, cette carte porte déjà, immédiatement au nord de S. Anbrosio, le vocable « Motes » et, au sud de celui-ci, le mot « Planosas » ; non seulement ces désignations indiquent clairement qu'ici la plaine est interrompue par des montagnes, mais la situation réciproque de la plaine et des montagnes concorde exactement avec l'aspect actuel du pays.
Il convient de relever que la carte de Juan de la Cosa figure, au sud du Golfo de Santa Maria ou de l'embouchure de l'Amazone, une deuxième embouchure fluviale avec une large baie et des îles.
A côté d'un navire attaché à la terre, au sud de l'équa-teur et de part et d'autre de la « Liña meridional », on lit sur la carte cette notice : « Este cauo se descubrio en ano de mil y I I I I X C I X por castilla syende de(s)cvbridor vicentiañs ».
c) L a carte de Juan de la Cosa porte, dans la marge inférieure, une échelle dont 14 divisions environ correspon-
1) D'Avesac, L e s voyages de Améric Vespuce au compte de l 'Espagne, Par i s 1858, pp. 128 et 129.
2 ) R . B I, page 30.
5 2 8 —
dent à la grandeur d'un degré ; c'est-à-dire que 1 0 est égal
à environ 14 leguas. Cosa, comme Colomb d'ailleurs, dont
il subit l'influence, se fait donc une idée beaucoup trop
faible des dimensions de la terre ; le mot bien connu de
Colomb: il mondo é poco, est caractéristique à cet égard.
La longueur d'un degré a été déterminée sur la carte de
Cosa par la distance du tropique du Cancer à l'équateur.
L e Cap S. Augustin ne se trouve pas désigné sur la
carte ; en revanche, le dessin de la côte permet de recon
naître le Cap S. Roque actuel. C'est le promontoire sans
nom dessiné par Cosa à environ 10° 12' S., par lequel
passe la première parallèle noire à la large et bleue « Liña
meridional » et marquée à l'ouest de celle-ci. Ce cap est
situé à côté de la P. fermoso et c'est à lui que se rap
porte l'inscription « este cauo » mentionnée ci-dessus ; il
s'ensuit derechef que l'on n'a pas à faire ici au Cap S. Au
gustin que Pinzon considérait comme appartenant encore à
la démarcation portugaise. L a « Liña meridional » paraît
figurer la Ligne de démarcation. D'après la méthode ex
posée ci-dessus, pages 518 et suivantes, on obtient, en par
tant du cap décrit que nous désignons par Y, le tableau
suivant :
5 2 9 —
Car te de J u a n de la C o s a 1500 Points correspondants
sur Stieler
Voir tableau, page 530 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
Points correspondants sur Stieler
Voir tableau, page 530
Point Y A
394 1. = 2508 km
51.7
C. S. Roque
Point A 1 ) Y
901. = 572 km 11.8
86 km au sud-est du C. Raso do Norte
Point B 2 ) y
441. = 280 km
5.8
15 km au sud-est du C. d'Orange
Pointe située près de Elmacarto
y à.
701. 114 km
9.2
Embouchure du Sinnamarie
Pointe près de Las planosas
y 4
164 1. 1043 km 21.5
175 km à l'ouest du Maroni
Point X 3 ) Y Point X 3 )
Longueur totale 762 1. = 4848 km
100.0% d'après Stieler 3518 km
1 ) L e point A est la pointe orientale de la grande baie sans nom; c'est le point d'où part un pavillon espagnol.
2 ) L e point B est la pointe orientale du grand golfe, située sous l'équateur, près du nom Ys la s de St . elmo.
3 ) L e point X est la pointe située au sud de la Trinidad, voir page 520.
34
— 5 3 0 —
Dans la méthode de mesure, on a dû s 'écarter du
schéma général exposé à la page 522, et cela à cause de
la manière dont Cosa a dessiné l'embouchure de l'Amazone ;
on a ici mesuré directement de B à Elmacarto. Pour tenir
compte de ce fait, la mesure, sur la carte moderne, a été
prise en ligne droite de Ti joca au C. Raso do Norte. Cette
modification conduit au tableau ci-après touchant les cartes
n o s 90 et 91 de Stieler, 1900 :
St ie le r , Handat las
Cartes nos 90 et 91, édition de 1900
Distances Indication des sections en pour-cent de la
longueur totale en km
en pour-cent de la longueur totale
C. S. Roque
I. de Sta Anna
I. Ti joca
C. do Norte de Maraca
C. d'Orange
Point X
1022
557
416
265
1258
29.1
15.8
11.8
7.5
35.8
Total 3518 100 .0%
D'après Juan de la Cosa, l'on obtient pour la longueur totale 762 1. = 4848 km, au lieu de 3518 km, soit un allongement de 1330 km ou de 38 %• Cette carte possède donc, au point de vue absolu, un faible degré d'exactitude. Néanmoins, vu l'époque à laquelle elle a été établie, elle doit être considérée comme un travail remarquable. En tout cas, aucun des dessins cartographiques antérieurs n'embrassait, à beaucoup près, un territoire aussi étendu.
Ce qui frappera dès l'abord dans l'examen du tableau,
c'est l'inexactitude de la situation relative de l'embouchure
de l'Amazone, qui vient se placer entre le C. d'Orange et
le Sinnamarie; le milieu de l'embouchure tombe à 8 7 km au
nord-ouest du C. d'Orange. La côte, comme d'ailleurs on
peut s'en rendre compte à première vue, subit une profonde
altération entre l'Amazone et le C. S. Roque, ce qui explique
la situation très au nord-ouest de la pointe située près de
L a s planosas.
L e tableau synoptique suivant fournit quelques indica
tions sur les latitudes adoptées par Cosa :
L a t i t u d e I n d i c a t i o n d e s p o i n t s d ' a p r è s d ' a p r è s
J u a n d e l a C o s a S t i e l e r 1900
Point Y 10° 12' S 5° 30 ' S Point A 2° 35 ' S 2° 16' S Point B sous l'équateur 0° 38 ' S Pointe près de Las pla
nosas 4° 5 0 ' N 40 20 ' N Point X 13° 2 5 ' N 9° 3 4 ' N Pointe orientale de la
Trinidad 14° 2 5 ' N env. 10° 20 ' N Boriguen Circulo cancro env. 18° N
On a admis dans ce tableau que A s'identifie avec l'île
de Sta Anna, B avec Tijoca, la pointe près de L a s planosas
avec le C. d'Orange, et, en raison du dessin de Cosa, on a
considéré sur Stieler la P a Mayaro comme la pointe orien
tale de la Trinidad. L'î le Boriguen coupée par le tropique
du Cancer correspond évidemment à l'île de Porto-Rico.
L e tableau montre que les latitudes indiquées par Cosa
5 3 1
s'écartent fortement, en général, des latitudes réelles ; chose singulière, ce n'est que dans le voisinage immédiat de l'équa-teur que les latitudes de Cosa concordent presque complètement avec celles de la carte moderne.
Cosa, contrairement aux cartographes postérieurs, a redressé trop fortement toute la côte nord-orientale.
L a différence entre les latitudes de Cosa et les latitudes réelles étant aussi grande au sud qu'au nord de l'équateur, il paraît plausible que la situation exacte de l'équateur est due à un pur hasard. D'ailleurs, les latitudes indiquées sur la carte de Cosa ne paraissent guère être basées suides déterminations astronomiques; les différences sont trop considérables. C'est pourquoi il semble permis d'admettre que la carte de Cosa est une carte loxodromique (c'est-à-dire une carte reposant sur des directions déterminées au moyen du compas), mais sans correction de la déclinaison de l'aiguille. Il est très vraisemblable que de telles cartes aient été dressées aux premiers temps des découvertes, et celle de Cosa pourrait bien constituer l'un de ces spécimens rares 1).
b) L E R I O DE V I C E N T E PINZON DES PLUS ANCIENNES CARTES.
On a vu ci-dessus, page 466, que la Capitulation de 1501 cite déjà un Cap de San Vicente dans une position qu'il faut chercher au nord-ouest du grand fleuve « Santa Maria de la Mar-Dulce ». Sur les cartes aussi apparaît de bonne heure le nom de Vicente , tantôt comme nom du saint,
1) V o i r H. Wagner, 1. c , page 86 : « V o n loxodromischen Karten wird man höchstens im eigentlichen Zeitalter der Entdeckungen, den ersten Jahrzehnten des 16. Jahrhunderts, als einer vorübergehenden Phase der Entwickelung ohne Dauer , sprechen können. »
5 3 2
tantôt lié au nom de Yañez Pinzon, et désignant parfois une montagne, parfois un fleuve. Ce nom figure tantôt au nord-ouest, tantôt au sud-est de l'Amazone. Et cependant toutes ces positions différentes semblent être en corrélation avec le voyage de découverte de Vicente Yañez Pinzon.
Si l'on examine de près les cartes des premières quarante années du X V I e siècle, on peut les grouper de la manière suivante.
1. Cartes avec Vicente au sud-est de l ' A m a z o n e .
a) L'atlas de Kretschmer renferme à la planche V I I I la reproduction de deux cartes qui doivent avoir été établies peu après 1502. La première a pour auteur Nicolaus de Canerio. Elle indique les deux grandes baies qui, sur la carte de Juan de la Cosa, figurent l'une comme Golfo de Santa Maria et l'autre, au sud de celui-ci, comme une embouchure fluviale sans nom, s'élargissant aux proportions d'une baie, cependant toutes deux sans mention de nom ; le dessin de ces baies est analogue à celui de Cosa. Les mots « Todo esto mar he de aqua dolce » sont inscrits au-dessus de la baie située plus à l'ouest et dans laquelle se jette un «Rio grande». Près de la baie orientale, on lit les mots « Gorffo fremoso » et « Canibales ». Puis se suivent, en allant vers l'est, les noms : San Rocho — Santa Maria de Gracia — Monte de san Vicenso — S t a Maria de rabida — Cabo de Santa Croxe ; ce cap forme la pointe orientale du Brésil et porte un pavillon portugais. Un « Porto de s. uisenso », marqué beaucoup plus au sud, sort du cadre de cette étude, attendu qu'il n'est en tout cas pas dans le territoire de découverte de V . Y . Pinzon.
L'auteur de la seconde carte n'est pas connu. Elle est semblable à la première et indique dans une position correspondante les noms suivants : San rocche — Santa Maria de agrodia — Monte de S. Uincenso — S. Maria de rapida —
533
— 5 3 4 —
Capo de Sancta t. Elle mentionne, tout au sud, une « Punta de san uincêtio ».
Dans l'atlas de Kretschmer figure également, à la planche I X , la carte de Johannes Ruysch, tirée de l'édition de Ptolémée de 1508. Cette carte, elle aussi, indique le « Mons S. Vìncenti», et le marque au sud du Rio grande, quelque peu dans l'intérieur des terres et un peu au nord du Cabo de Sancta Croxe, qui n'est pas nommé. L e Rio grande a son embouchure un peu au nord de 5° N. A l'est de celui-ci se trouve une baie sans nom, avec des îles. Immédiatement à l'ouest du Rio grande débouche un Rio de los Aves.
Enfin, à la planche XII , Kretschmer donne encore une « Tabula Terrae Novae », tirée de l'édition de Ptolémée de 1513 (carte de Waldseemüller). Elle indique le Rio grande de la même manière que la carte de Canerio, avec cette remarque « Hoc mare est de dulci aqua » et, plus au sud-est : Gorffo fremoso et Canibales. Plus loin, vers l'est : S. rocho — S. maria de gracia — Mons S. Vicecis — S. Maria de rabida — C. SctT crucis. Tout au sud: « Por de s. uincëtio ».
Majollo aussi, dans sa carte de 1527, marque un « S. Visenso » entre S a Maria lagoardia et S. Maria.
Pour l'explication du « Mont de saint Vincent », il paraît indiqué de se référer au passage suivant de Pierre Martyr, 1. c , Dec . II, lib. V I I I , fol. 39 : «Intra jactam lineam (se. Alexandri V I ) , licet negent nonnulli, cadit ejus terrae cuspis sancti Augustini Caput appellata. Propterea non licet Castellanis figere pedem in ejus terrae initio. Regressus ergo inde est Vincentius Annez, habito ab incolis, quod Ciamba provincia ferax auro ad aliud latus montium alto-rum, quos ante oculos habebant, ad meridiem jaceret . » L a relation que la nomenclature des cartes citées plus haut établissait ici, pour le Mons S. Vincenti, entre le San Vin-
— 5 3 5 —
cente et le navigateur Vicente Yañez Pinzon, est facile à saisir.
Canerio marque immédiatement au sud-est de ce nom, sur le Cabo de Santa Croxe, un pavillon portugais et fait ainsi allusion au récit du voyage de Vicente Pinzon. L e s cartes de Ruysch et de Waldseemuller se révèlent également sur ce point comme des copies de modèles portugais.
b) L a carte dite de Weimar, de 1527, et celle de Diogo Ribeiro, de 1529, renferment de même le nom de Vicente ; toutefois ces cartes désignent par ce nom, non pas une montagne mais une riviere, et il se rapporte non pas au saint, mais au découvreur. L a carte de Weimar marque au sud-est de l'Amazone un « R. de uicenteanes pinçon », celle de Ribeiro un « R. de uicete pĩson».
Les deux cartes se trouvent à la bibliothèque du grand-duc de Weimar l ) . On n'est pas d'accord sur l'auteur de celle de 1527. Kohl, qui l'a publiée dans ses « General-karten », et qui pour la discuter a réuni de nombreux matériaux, admet, 1. c , pages 14-22, qu'elle est l 'œuvre de Fernand Colomb, le fils de l'Amiral. Harrisse (voir Ruge, 1. c , page 49) lui donne comme auteur Nuño Garcia de Toreno, cosmographe royal d'Espagne, qui vivait à cette époque. Sophus Ruge, 1. c , page 50, désigne cette carte comme ta première carte marine espagnole officielle parvenue jusqu'à nous, en quoi il est aussi d'accord avec Kohl. Elle porte le titre suivant : « Carta Universal, en que se contiene todo lo que del Mundo se a descubierto fasta aora, hizola un cosmographo de Su Majestad. Anno M D X X V I I en Sevilla ». R. B . I, page 54, est donc évidemment dans l'erreur quand elle attribue cette carte égale-
1 ) Vo i r aussi M. F . I, pp. 2o2 et suiv.
ment à Diogo Ribeiro. Toutefois, le doute subsiste encore sur l'auteur de ce document.
L a carte de Weimar porte un « R. de uicenteanes pinçon » au sud-est de l'Amazone 1 ) .
L a partie de la carte de Diogo Ribeiro de 1529 qui concerne l'Amérique se trouve dans A. B . I, n° 4, et dans Kretschmer, planche X V 2 ) . Cette carte de Ribeiro concorde en général avec la carte de Weimar. Elle désigne le Vicente Pinzon de cette manière: « R. de uicête pĩson », dans la liste des noms suivants, lus du sud au nord :
1. C. de. S. Agustín, espagnol, « Cap de saint Augustin ». 2. P. nambuco = Pernambuco.
3. C de S. Roque, espagnol, « Cap de saint Roch ». 4. Arboledas, espagnol, « b o c a g e s » , «bois peu touffus». 5. P. del pracel, correspondant à l'espagnol punta del
placer.
6. Tierra de pairo, incompréhensible ; voir terra do prairo de la carte de Turin.
7. B. hmosa = bahía hermosa, espagnol, « belle baie ». 8. C. del aguada, espagnol, « Cap de l'aiguade ». 9. B. apracelada, « baie renfermant des bancs de sable »
ou « baie agréable ». 10. C. negro, espagnol, «Cap noir». 11. R. de uicête pĩson = Rio de Vicente Pinzon. 12. Furna, portugais, « baie ». 13. Caleta, altération probable de tierra cálida, « contrée
très chaude ». 14. C. del monte, espagnol, « Cap de la montagne ». 15. C. daloeste, pour Cabo del oeste, « Cap de l 'ouest». 16. R. de la trenidad. 17. Marañon.
1) M. F . I, page 253 : « R . de Vicentjanès pinçon ». 2 ) Vo i r aussi M. F . I, pp. 252 et suiv., R . F . , page 245.
— 5 3 6 —
L a carte de Weimar et celle de Ribeiro font passer la
Ligne de démarcation par le côté oriental de l'embouchure
du Rio de la Plata, au sud, et par une « Furna grande », au
nord. L a question de cette Furna grande sera reprise plus
tard en détail. Il est à noter seulement ici qu'elle se trouve
à l'ouest du Marañon de Ribeiro, immédiatement à l'ouest
du C. blanco et sous la ligne de l'équateur. La Ligne de
démarcation elle-même est facile à reconnaître par les
pavillons des deux puissances qui sont placés au bas de
la carte des deux côtés de la ligne. L e pays à l'ouest de
celle-ci est attribué à l 'Espagne ; tout ce qui est situé à
l'est est attribué au Portugal. L e Vicente Pinzon de la
carte de Weimar et de celle de Ribeiro se trouve en
territoire portugais et ce territoire s'étend encore passable
ment à l'ouest de l'embouchure du Marañon. Ainsi, ces
cartes déjà admettent, pour la démarcation, une position
notablement plus à l'ouest que celle indiquée sur la carte
de Juan de la Cosa 1).
L a carte de Ribeiro concorde presque exactement avec
la carte de Weimar pour la nomenclature et le dessin du
territoire en question ; les divergences entre les deux cartes
sont d'ordre tout à fait secondaire 2 ) . Il faut conclure de
toutes deux qu'elles ne marquent pas le Vicente Pinzon
dans l'idée d'en faire un fleuve frontière.
1) Kohl, 1. c , page 132, considère la Furna grande comme étant le bras gauche de l'embouchure de l 'Amazone et il fait ainsi passer la Ligne de démarcation de la carte de W e i m a r et de celle de Ribeiro par l'embouchure du grand fleuve. On verra plus tard pourquoi il n'est pas possible de se ranger à cette manière de voir.
1) Kohl, pp. 5 et suiv., voit dans ces deux cartes deux documents essentiellement différents. Non seulement, selon lui, elles ont été composées à des époques et par des auteurs différents, mais d'après des matériaux en partie tout autres. Ces divergences ne peuvent pas se constater pour le territoire dont il est question ici.
5 3 7
2. Cartes avec Vicente au nord-ouest de l ' A m a z o n e . a) Vesconte Majollo (A. B . I, n° 3) indique, en 1527,
loin au nord-ouest de l'Amazone, un «Rio de visenty Janes ». Majollo (nommé aussi Vesconte di Maggiolo, voir Ruge, 1. c , page 48) est un cosmographe d'origine italienne. Une première carte de cet auteur date de 1511 (Ruge, 1. c , page 39) ; une seconde, de 1519 (A. B . I, n° 1 a) ; mais ces deux cartes ne portent ni l'une ni l'autre un Vicente Pin-zon. Sur la carte de 1527, la côte, à partir du Cap San Agustino, est t racée assez directement vers l'ouest ; l'embouchure de l'Amazone est déplacée de plusieurs degrés au sud de l'équateur, de sorte que le R. de visenty Janes , malgré sa distance relativement grande de l'Amazone, se trouve situé encore un peu au sud de l'équateur.
Voic i les observations qu'il y a lieu de faire au sujet de cette carte de Majollo:
a) L e fleuve des Amazones avec ses îles y est marqué sous la désignation de « Paricuria la dulse », et, immédiatement à l'ouest, on lit « Costa de Paricuria ».
A l'est de l'embouchure de l'Amazone, se trouve un « C. bianco » ; plus loin, figure derechef une large embouchure fluviale sans nom, accompagnée à l'est d'un « C. blancho ». Puis vient, toujours dans la direction de l'est, un « Rio fresco », suivi d'une baie avec embouchure fluviale « Maranon ».
A l'ouest de l ' A m a z o n e , après la Costa de Paricuria, viennent les noms suivants :
Visto de lesso, nom altéré qui appartenait primitivement à la désignation antér ieure: Costa de Paricura vista de lexos, « côte de Par icura qui ici a été vue de loin » ; à comparer avec la carte de Turin.
Mas de fondo, corruption de «Visto no mas del fondo» de la carte de Turin, «le fond n'était plus visible».
5 3 8
Rio de nauida, ancienne orthographe pour Rio de Navidad, « fleuve de Noël ».
Alcipelagos, pour l'espagnol : archipiélagos, archipel. Las planas, correspondant bien au terme antérieure
ment employé: « L a s planosas». Bareras vermeias, glaisières d'argile rouge, correspon
dant vraisemblablement au « Cabo rosso » de la première carte de Majollo.
P. blancho, pour punta blanca, « cap blanc ». Populacion, ici dans le sens d'habitations, village indien ;
synonyme de « aldea » en espagnol.
Rio salado, « fleuve salé ». Rio de visenty Janes. Populacion. Rio dulce . . .
Evidemment, pour cette carte, Majollo s'est servi aussi de la carte de Turin.
b) R. F. , page 244, remarque à propos de cette carte de Majollo : « Il faut reconnaître que Vesconte place le rio Vicentianes dans une position qui nous est défavorable, beaucoup trop près du rio Dulce, si bien qu'on peut le prendre pour l 'Oyapoc, mais la carte de Vesconte est si défectueuse comme tracé et surtout comme localisation des
légendes que l'on ne peut guère attacher de valeur à un document aussi inexact». D'après la présente étude, ce jugement sur Majollo ne paraît pas justifié.
Pour se faire une idée de l'exactitude des cartes de Majollo, le mieux est de les comparer avec la carte moderne. On trouvera ci-après, pour les cartes de 1519 et de 1527, les tableaux dressés selon le procédé décrit aux pages 518 et suivantes.
539
Car te de V e s c o n t e de Majo l lo 1519 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , p a g e 5 2 2 Distances
Indication des sections en léguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , p a g e 5 2 2
C S . Agostino
R. de elli maralion
Point A 1)
Point B 2 )
C. bianco
Point M 2 )
Anegados
Longueur totale
189 1. = 1202 km
Y
68 1. = 432 km
Y À.
114 1. = 725 km
Y
25 1. = 159 km
Y A
119 1. = 757 km
Y
147 1. = 935 km
Y
28.5
10.3
17.2
3.8
18.0
22.2
Cabo de S. Agos-tinho
218 km à l'est de Sta Anna
(R. Parnahyba)
191 km au nord-ouest de S t a Anna
318 km au nord-ouest de Tijoca
71 km au sud-est du C. do Norte
(Maraca)
377 km au nord-ouest duC.d'Orange
(60 km à l'ouest du Maroni)
Point X
C S . Agostino
R. de elli maralion
Point A 1)
Point B 2 )
C. bianco
Point M 2 )
Anegados
Longueur totale 662 1. = 4210 km
100.0% d'après Stieler
3970 km
— 540 —
1) L e point A est la pointe orientale de la baie près du Rio de pero. 2 ) L e point B est la pointe orientale près de L a mare dolce. 3 ) L e point M est le milieu de la grande baie (Furna grande).
5 4 1
Car te de V e s c o n t e de Majol lo
1527 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2
Car te de V e s c o n t e de Majol lo
1527 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2
S. Agustino Cabo de S. Agos-tinho
443 km à l'est de S t a Anna
(R. Aracaty-assu)
S. Agustino À
137 1. = 871 km
22.8
Cabo de S. Agos-tinho
443 km à l'est de S t a Anna
(R. Aracaty-assu) Maranon Y
Cabo de S. Agos-tinho
443 km à l'est de S t a Anna
(R. Aracaty-assu) 61 1. = 388 km
10.2
Pointe orientale de la baie près du
C. blancho
40 km à l'est de Sta Anna
Pointe orientale de la baie près du
C. blancho
Y л
40 km à l'est de Sta Anna
Pointe orientale de la baie près du
C. blancho 124 1. = 789 km
20.7
40 km à l'est de Sta Anna
Pointe orientale près de Paricuria
la dulse
Y A
226 km au nord-ouest de Tijoca
21 1. = 134 km
3.5 21 1. = 134 km
3.5
Pointe occidentale du fleuve vers la
Costa de paricuria
175 km au sud-est du C. do Norte
(Maraca)
Pointe occidentale du fleuve vers la
Costa de paricuria
175 km au sud-est du C. do Norte
(Maraca)
Pointe occidentale du fleuve vers la
Costa de paricuria
175 km au sud-est du C. do Norte
(Maraca) 163 1. = 1037 km
27.2 163 1. = 1037 km
27.2 639 km au nord-
ouest du C.d'Orange (40 km au nord-
ouest du Corentyne)
Rio de visenty Janes
Y
639 km au nord-ouest du C.d'Orange
(40 km au nord-ouest du Corentyne)
Rio de visenty Janes
639 km au nord-ouest du C.d'Orange
(40 km au nord-ouest du Corentyne) 94 1. =
15.6
639 km au nord-ouest du C.d'Orange
(40 km au nord-ouest du Corentyne)
598 km 15.6
Costa sola Y Point X
Longueur totale 600 1. = 3817 km 100.0%
d'après Stieler 3970 km
— 5 4 2 —
Il résulte de ces tableaux:
1. pour la carte de 1519, du C. S. Agostino jusqu'à Ane
gados, une longueur totale de 662 1. = 4210 km, au lieu de
3970 km, soit un allongement de 240 km = 6 . 1 % ;
2. pour la carte de 1527, de S. Agustino à Costa sola,
une longueur totale de 600 1. = 3817 km, au lieu de 3970 km,
soit un raccourcissement de 153 km = 3 .9%.
Les deux cartes témoignent donc d'un haut degré
d'exactitude touchant la longueur de la ligne totale; bien
peu de cartes de cette époque les égalent à ce point de
vue. La carte de 1527 se recommande aussi à l'attention
parce que c'est un des rares tracés connus, accusant un
raccourcissement de la ligne de côte.
Aussi bien, contrairement à l'opinion de R. F . , le t racé
(c'est-à-dire l'allure générale et les proportions de la ligne
de côte) est suffisamment exact. Les deux cartes repré
sentent d'une façon claire et non équivoque, sauf qu'elles
les déplacent quelque peu, les deux grandes échancrures
de la baie de Maranhão et de l'embouchure de l'Amazone ;
la carte de 1527 cependant, comme le montre le tableau
ci-dessus, avec plus d'exactitude relative que celle de 1519.
L e s deux dessins ont ce défaut commun de n'assigner
qu'une trop faible largeur à l 'embouchure de l'Amazone.
L a côte au nord-ouest de l'Amazone affecte des formes
moins exactes et plus vagues que la côte située au sud-est
de ce fleuve; cependant, sur ce point encore, la carte de
1527 est supérieure à la carte précédente. L a Furna
grande est représentée de façon fort différente dans les
deux documents. Cette baie qui sur la carte de 1519 se
creuse profondément, apparaît sur la carte de 1527 comme
une ligne doucement arquée vers l'intérieur des terres. Mais
aussi la situation de la Furna par rapport à l'ensemble de
la côte est changée. Comme le Rio de visenty Janes se
trouve à peu près au milieu de la baie et qu'il correspond
par conséquent, au point M de la carte de 1519, la différence
de la position ressort directement des tableaux ; elle est de
262 km. L a Furna, sur la carte de 1527, est déplacée
d'autant - dans sa position relative — vers la Trinidad
Et non seulement le Rio de visenty Janes n'occupe pas la
position de l 'Oyapoc, comme R. F. , page 244, l'admet, mais
même il est situé à 639 km plus au nord-ouest. L'équateur
passant par la Furna grande dans les deux tracés, il est
clair que les indications de latitude doivent différer considé
rablement sur les deux cartes. Voici , pour permettre la
comparaison, la latitude de quelques points pris dans la
carte de 1527, la plus importante pour le présent litige :
Latitude
Indication d e s points d 'après Majo l lo d 'après Stieler
1527 1 9 0 0
S. Agustino 6° 16' S 8° 24' S Milieu de l'embouchure Pari-
curia la dulse 4° 12' S — Rio de visenty Janes . . . env. 0° 30' S — Costa sola 4° 25'N 9 ° 3 4 ' N
La carte de Majollo de 1519 offre un intérêt particulier
par la légende qui accompagne son échelle; au-dessous
de celle-ci on lit : « da vno quadro alartro (al altro) sono
milia cento ; da vno ponto alarto sono milia vinty » (d'une
division à l'autre il y a 100 milles, d'un point à l'autre il y
a 20 milles). L e nombre de milia au degré étant de 74, une
milia est égale à 1.5 km, au lieu du chiffre exact 1.48.
On a déjà fait ressortir plus haut, page 514, note 6, l 'exac
titude de cette donnée; aucun cosmographe de l'époque
n'a fourni de la grandeur du degré une estimation aussi
— 543 —
— 5 4 4
exacte que Majollo. Malheureusement l'échelle manque à la
carte de 1527. Des tracés et des proportions des dessins
de Majollo, on doit conclure qu'il a mis à contribution de
très bonnes cartes espagnoles antérieures et avant tout les
car tes officielles de Séville, ce qui n'exclut pas, de la part
de ce cartographe, l'utilisation de sources portugaises, telles
que Canerio. Une autre raison d'admettre qu'il a recouru
aux cartes officielles de Séville réside dans le degré d'exac
titude de la longueur absolue (voir plus loin la discussion
touchant les cartes officielles de Séville), mais quant à
l'exactitude d'estimation de la longueur du degré , c'est
certainement à Majollo lui-même qu'en revient le mérite.
Ces qualités de l 'œuvre de Majollo rendent d'autant plus
étranges l'arbitraire et le manque de compréhension avec
lesquels il a traité la nomenclature. Il y a lieu, sur ce point,
de se ranger à l'avis de R. F. , page 244. Les dénominations
principales, c'est-à-dire celles qui se rapportent à l'Amazone,
sont bien à leur place ; mais, par exemple, quoique la baie
de Maranhão soit fidèlement représentée, le Maranon, sur
la carte de 1527, et le R. de elli maralion, sur celle de
1519, sont placés loin à l'est de la baie, à laquelle seule
ils peuvent se rattacher. La carte de 1527 laisse, entre
l'Amazone et le Maranhão, un long espace dépourvu de
noms, tandis que la carte de 1519 en place un assez grand
nombre entre ces deux points. Mais l'exemple le plus frap
pant est celui du C. S. Agustino qui, dans le dessin de 1519,
est représenté comme une langue de terre s'avançant loin
en mer, dans une position très exacte d'après la carte
moderne, tandis que la carte de 1527, tout en la dessinant
aussi, marque en cet endroit le R. de S. fransisco qui, en
réalité, est situé beaucoup plus au sud. Sur cette carte de
1527, S. Agustino est placé sensiblement plus au nord, à peu
près dans la position du Cap S. Roque sur les cartes
5 4 5
modernes, alors que celui-ci, indiqué sous le nom de S. Rocho, est repoussé beaucoup trop loin vers l'Amazone. Telle est la raison du raccourcissement de la ligne de côte constaté plus haut. Ce n'est pas le dessin, c'est la nomenclature qui en est la cause
b) La plus ancienne carte qui signale un « Rio de uicõtiãns» dans une position analogue serait, d'après quelques auteurs, celle d 'Ottomano Freducci, qui est reproduite dans R. B . I, en annexe à page 84. D'après E . Casanova, elle doit dater de 1514 ou de 1515; d'autres admettent qu'elle a été construite en tout cas avant 1520 2 ) . Nous la tenons pour plus récente, sans vouloir décider si elle a été faite avant ou après la carte de Majollo de 1527. L a carte de Freducci n'a pas de caractère officiel. Elle reste bien en arrière de la carte de Weimar et de celle de Ribeiro et, par son dessin purement schématique des côtes, elle est de beaucoup inférieure à celles de Majollo.
La carte d 'Ottomano Freducci fournit les données suivantes :
a) Au milieu de l'embouchure de l'Amazone, on découvre une grande île qui porte le nom de « Paricura ». Viennent ensuite au nord-ouest de l'Amazone :
Majollo, 1527 Freducci
Costa de paricuria Costa de paricura
Visto de lesso Visto de lexos
Nouisto Mas de fondo Mal del fondo
— Baia Rio de nauida Rio de nauidat
1) Ce raccourcissement a aussi une certaine influence sur les pro
portions indiquées dans les tableaux. 2 ) Vo i r aussi R . B . I, pp. 82 et suiv.
35
546 —
Majollo, 1527
Alcipelagos
Las planas
Bareras vermeias
Freducci
Arcipelago L a s planoxas Barangas uerneias
11 manque dans la série des noms de Majollo, ceux de « Ba ia » et de « Nouisto » ; ce dernier se rattache au nom « Mal del fondo » qui le suit, et rappelle le « Vis to no mas del fòdo » de la carte de Turin. Mais, à cela près, la série des noms est la même et n'offre que des différences de peu d'importance. Dans la carte de Freducci également l'Amazone est caractérisé d'une façon plus précise par le mot Paricura.
b) Au sud-est de l'Amazone se suivent les noms : C. bianco — Rio fresco — Maranon — C° negro. Majollo
a d'abord un « C. bianco » à l'est de l 'embouchure de l 'Amazone, ensuite une grande baie avec embouchure fluviale sans nom, puis près les uns des autres : C. blancho — Rio fresco — Maranon — C. negro. Ce dernier, dans la carte de F r e ducci, est éloigné du Marañon. Donc, ici aussi, il y a concordance des noms, avec des différences dans leur localisation et dans le dessin de la côte.
y) Après la série des noms cités à « viennent:
Majollo, 1527 Freducci
• P. blancho Arenai
Populacion Poblasion
— Esteros Ponta blancha
Rio salado Rio salado Rio de visenty Janes Rio de uicõtiãns Populacion Esteros Rio dulce Plaia bancha
Rio salado Rio de la buelta
L e Rio de la buelta de Freducci ne se trouve pas
dans Majollo, mais il figure par contre sur la carte de Turin
sous la forme: « R i o da boi ta».
d) Freducci a encore d'autres particularités qui rap
pellent la carte de Turin; mais il n'est pas possible non
plus de dire laquelle de ces deux cartes est la plus ancienne.
En revanche, Freducci se distingue de Majollo et de la carte
de Turin par le dessin de la côte, dessin tracé d'une façon
toute machinale, presque en ligne droite du sud-est au
nord-ouest, à partir du coude près du Cap de San Agustin
jusqu'au Rio dulce. Il procède tout aussi arbitrairement
pour les distances qui séparent les noms les uns des autres.
L e tableau ci-après, construit d'après la méthode adoptée,
donne à ce sujet des éclaircissements suffisants.
547
548 -----
Car t e d 'Ot tomano Freducc i
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
I n d i c a t i o n des s e c t i o n s Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
s u r S t i e l e r
C. de seo. agustino
179 1. = 1138 km
24.1
C. de S. Agostinho
Maranon y
59 1. = 375 km
7.9
422 km à l'est de S t a Anna
C. blanco
401 . = 254 km
5.4
1 19 km à l'est de | Sta Anna
Rive occidentale du grand fleuve
y
219 1. = 1393 km
29.4
88 km à l'ouest de S t a Anna
R . de uicõtiãns y
247 1. = 1572 km
33.2
19 km au sud-est du C. d'Orange
Anegados Point X
Longueur totale 744 1. = 4732 km 100.0%
d'après Stieler 3844 km
— 5 4 9
Pour la comparaison de la carte de Freducci, il a été calculé, d'après Stieler, un nouveau schéma qui ne se différencie toutefois du schéma usuel que sur ce point, à savoir que la distance de Ti joca au C. do Norte a été mesurée directement, parce que le procédé habituel de mensuration ne peut pas s'appliquer au dessin de l'embouchure de l'Amazone de Freducci. Freducci donne une longueur totale de 744 1. = 4732 km à la ligne de côte qui mesure sur Stieler 3844 km, d'où résulte un allongement de 888 km ou de 23.1 %. Pour comprendre combien est inexacte la conception de Freducci, il suffit de considérer le tableau, sans plus amples explications ; on retiendra seulement, sans insister sur ce point, que son R. de uicõtiãns, par la situation qu'il occupe, correspond à l 'Oyapoc.
Ceci constaté, la carte de Freducci peut, sans inconvénient, être laissée de côté pour la suite de la présente recherche.
c) L a carte de Turin (A. B . I, n° 2), à laquelle on donne la date de 1523, et que Harrisse, Ruge et d'autres tiennent pour fort importante comme ayant été établie directement sur des sources de première main, marque aussi le Rio de Vicente Pinzon au nord-ouest de l'Amazone ; mais elle le place sensiblement plus près de ce fleuve que ne le font tes cartes de Majollo et de F reducc i 1 ) .
L e fleuve des Amazones est figuré sans nom, simplement par une grande et large ouverture, mais il est déterminé d'une manière certaine par le nom de « Costa de pari-cura », inscrit à l'ouest 2 ) . Il a son embouchure sous environ 2 ° de latitude sud.
1) Vo i r aussi M. F . I, pp. 250 et suiv., R . F . , page 244. 2) Vo i r M. F . I, page 250, où il est dit au sujet de la dénomination
de « Costa de Par icura » de la carte de Turin : « Ce nom équivaut à un
— 550 —
A une certaine distance de sa rive gauche, on lit le mot « Motas », qui rappelle celui de « Motes » de Juan de la Cosa, et immédiatement au sud se trouve le Rio de Vicetianes. La riviere Vicet ianes apparaît ici (1523) pour la première fois conjointement avec les « Motas ».
Partant de la costa de paricura, on lit en allant vers l'ouest :
Vis to 1) de lexo 2 ) Visto no mas del fondo 3 ) L a s planosas Playa de baxos (« plage des bas-fonds ») Costa de palma Rio de vicetianes Motas
Rio das canoas (« riviere des canots ») Furna Pôta llana (« pointe plate »)
etc.
Appliquant à la carte de Turin le procédé de comparaison indiqué déjà plusieurs fois, on obtient le tableau ci-contre :
L a carte ne renferme pas la dénomination de Cap S. Augustin ; de plus, le dessin de la côte est si défectueux dans cette région qu'il n'est pas possible d'y trouver des points d'appui sûrs pour déterminer la position de ce cap. On est. donc, pour la comparaison avec la carte moderne,
signalement : c'est celui par lequel, dans sa déposition personnelle devant
le Fiscal , Vincent Pinzon désigne la province immédiatement contigue à
la mer d'eau douce ». Vo i r en outre M. F . I, page 251, note. 1) M. F . I, page 251 : vista. 2 ) V o i r ci-dessus, page 538, le nom: visto de lesso de Majollo. 3 ) V o i r ci-dessus, page 538, le nom: mas de fondo de Majollo.
C a r t e d e T u r i n
vers 1523
Distances Indication des sections en leguas et en
kilomètres
Distances en pour-cent de I; longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, p a g e 5 5 2
Costa de spichel
Pointe orientale du grand fleuve sans nom
Pointe occidentale du grand fleuve sans nom
R. de Vicêtianes
Montespeso
Longueur totale
368 1. = 2340 km
t
16 1. = 102 km
58 1. = 369 km
304 1. = 1933 km
746 1. = 4744 km
49.3
2.1
7.8
40.8
R. Sioba
180 km au nord-ouest de Ti joca
253 km au nord-ouest de Ti joca
84 km au sud-est du C. Cachipour, ou environ 27 km au nord-ouest du Counani
Point X
100.0% d'après Stieler
3468 km
— 551
réduit à s 'attacher au contour de la côte uniquement, afin d'obtenir deux points identiques sur les deux cartes. A cet effet, le dessin de la carte de Turin n'offre pas d'autre moyen que d'identifier le point de la côte désigné sous le nom de Costa de spichel avec le point marqué dans Stieler sous le nom de R. Sioba. Sur cette base, on obtient pour Stieler le schéma suivant, dans lequel il a été tenu compte des formes de la carte de Turin en mesurant, sur la carte de Stieler, de Ti joca au C. do Norte de Maraca directement; voir aussi le tableau de la page 530.
S t i e l e r , H a n d a t l a s , c a r t e s n o s 9 0 e t 9 1 , é d i t i o n d e 1 9 0 0
Distances
Indication des sections
en km en pour-cent
de la longueur totale
R. Sioba
I. de Sta Anna
I. Ti joca
C. do Norte de Maraca
C. d'Orange
Point X
972
557
416
265
1258
28.0
16.1
12.0
7.6
36.3
Total 3468 100.0
L a carte de Turin donne à la portion de côte considérée une longueur totale de 746 1. = 4744 km, au lieu de 3468 km; on constate ainsi un allongement de 1276 km ou de 3 6 . 8 % . L e degré d'exactitude absolue de cette carte est donc très
— 5 5 2 —
— 5 5 3 —
faible. L e tracé de la côte procède également d'une con
ception peu précise : on y cherche en vain les formes
caractéristiques de ce rivage. L e dessin entier est plutôt
uniforme et fait de routine ; il est beaucoup moins expressif
que celui de Majollo, par exemple. Pour ces raisons, la
manière de voir de Harrisse et de Ruge, qui croient que
ce document a été dressé d'après des matériaux de pre
mière main, ne saurait être acceptée, bien qu'il témoigne
d'une plus grande unité dans la nomenclature que la plupart
des autres. Malgré les inexactitudes qui, comme il est ex
posé dans l'introduction, sont à prévoir lorsqu'il s'agit de ces
travaux anciens, une carte établie directement d'après les
sources ne pourrait pas présenter une altération de 3 6 . 8 % .
L e dessin de l'extrême pointe orientale du Brésil semble
remonter à la carte de Majollo 1519. D'après sa position
relative, le grand fleuve sans nom correspond exactement à
l'Amazone ; de plus, sur sa rive occidentale figure le nom
signalétique de « Costa de paricura » ; toutefois, la largeur
donnée à son embouchure est beaucoup trop faible et, d'après
le tableau, elle ne représente que le 2 % de la longueur
totale, au lieu du 1 2 % . Les Motas y sont marquées trop
loin au sud-est de 4 . 5 % de la longueur totale, et à une place
où il n'existe pas de montagnes.
Il ne faut donc pas accorder une trop haute valeur à
la carte de Turin. Cependant elle a une importance qui
n'est pas à méconnaître, tant au point de vue de sa grande
influence sur des cartes postérieures, qu'en ce qui concerne
les faits de la cause : Elle rattache le R. de Vicêtianes aux
Motas, une des particularités physiques les plus remar
quables de la côte. Si par cette phrase qu'on lit dans M. F . I,
page 251 : « Or le premier nom de riviere qui succède à
l'Ouest à celui de Paricura est le Rio de Vicëtianes», M. F .
veut dire que la carte de Turin représente par cette riviere
— 5 5 4 —
le Rio Araguary ou tout au moins le Carapaporis, il y a lieu de répondre à cela que la dite carte marque aussi aux mots « Vis to de lexo » une embouchure fluviale qui semble convenir beaucoup mieux au Canal de Carapaporis.
L a carte de Turin n'a pas d'échelle, ce qui empêche d'autres recherches. L e tableau ci-après fournit quelques indications quant aux données de latitude de la carte :
I n d i c a t i o n d e s p o i n t s L a t i t u d e
d'après la carte de Turin j d ' a p r è s S t i e l e r 1 9 0 0
Costa de spichel . . . 8° 6 ' S 5° 8 ' S Embouchure du grand
fleuve sans nom . . . 2° 5 4 ' S —
R. de Vicêt ianes . . . 2° 4 8 ' S — Montespeso 8° 3 6 ' N 9° 3 4 ' N
d) Une haute importance doit être accordée au Padrori real qu 'Alonso de Chaves dressa en l'année 1536, et sur l'établissement duquel quelques indications ont été données ci-dessus, à la page 491 l ) . Ainsi qu'il a été dit, la carte même de Chaves est perdue et la connaissance n'en a été conservée que par une description précise que Gonsalo Fernandes de Oviedo y Valdés, Primer Cronista del Nuevo Mundo, en a faite aux chapitres 3 et suivants du XX0Ie livre de son « Historia generai y natural de las Indias », datée de 1537. L e s passages importants figurent dans le texte espagnol original et en traduction française dans R. B . I V , pages 1-9, II, pages 1-12.
1) Vo i r aussi M. F . I, pp. 256 et suiv., R . B . I, pp. 56 et suiv.
5 5 5 —
Dans cette description, Oviedo fournit les noms et,
pour différents points, la latitude qu'il a empruntés à la
carte. En outre, il donne en lieues (leguas) la longueur
des sections successives de la côte. Des descriptions spé
ciales, portant sur certaines parties de la région, proviennent
probablement de renseignements émanant de Vicente Yañez
Pinzon, avec lequel Oviedo se vante à plusieurs reprises
d'avoir entretenu des relations personnelles. De plus, Oviedo
indique la direction d'un certain nombre de sections de la
côte.
M. F . I, page 257, donne l'esquisse d'une partie de la
carte, et le Brésil a suivi son exemple en reconstituant dans
A. B . II, n° 1, la carte d'Alonzo de Chaves, du Cap St Au
gustin jusqu'au R. Huyapari. Les deux parties attachent
une grande importance aux données d'Oviedo ; et même il
est dit dans M. F . I, page 256 : « C'est à partir de cette
date qu'on trouve la riviere Vincent Pinzon occupant, in
variablement, la même place sur les cartes émanées ou
inspirées des ateliers de Séville ». C'est pourquoi il a
été, pour cette carte également, procédé à une reconsti
tution aussi exacte que possible, qui figure comme annexe
à la présente sentence 1). Une comparaison avec la carte
de Weimar et avec celle de Ribeiro montre que la carte
de Chaves concorde avec elles sur un grand nombre de
points ; le Padron real de Chaves doit être considéré
comme une suite et un développement du type des cartes
de Weimar .
Etant donnée la haute portée de la carte de Chaves,
on reproduit ci-après la série de ses noms pour toute la
côte, du Cap de S. Augustin à l'Orénoque :
1) Vo i r Annexes, planche n° 2.
— 5 5 6 —
A . Du C A B O DE S . AUGUSTIN AU FLEUVE DES AMAZONES.
1. C. de Sanct Augustin.
2. R. de Fernambuco, « port ou riviere de Pernambouc». 3. R. de las Virtudes ou : Rio de las Piedras. 4. B. de Sancto Domingo.
5. R. Epifiaca, incompréhensible. 6. C. Primero, « premier promontoire ». 7. C. del Placel, « cap du bas-fond ». 8. B. de Sanct Rafael. 9. C. y Bahia de Sanct Miguel.
10. R. de Sanct Miguel .
11. C. Corço, « promontoire du chevreuil » (?). 12. B. de Arrecifes, « baie des récifs ». 13. C. Blanco, « cap blanc ».
14. Angla de Sanct Lúcas, « baie de St . L u c a s » . 15. El Aguada, « l'aiguade ». 16. P" Primera, « premier promontoire ». 17. Golpho de Negros, « golfe des nègres ». 18. Playa del Placel, «plage du bas-fond». 19. Playa de las Pesquerias, « plage des pêcheries ». 20. Pta del Palmar, « promontoire du bois de palmiers ». 21. R. del Placél, «fleuve du bas-fond». 22. T i e r r a de Humos, « pays des brumes ». 23. B. de Sanct Vicente, « baie de St . Vincent ». 24. C. del Hueste, « cap occidental ». 25. Pta de Allende, « promontoire d'au delà ». 26. Pta de Corrientes, « pointe des courants ». 27. Pta de F u m o s ó Humos, « pointe des brumes ». 28. C. de Corrientes, « promontoire des courants ». 29. R. Naubor, incompréhensible. 30. R. Segundo, « deuxième rivière ». 3 1 . F. de Johan de Lisbona.
— 557 —
32. B. de Todos Sanctos, « baie de tous les saints ».
33. C. de los Esclavos, « promontoire des esclaves ».
34. R. de Navidad, « riviere de Noël ».
35. R. Marañon, se llamó un tiempo Mar dulce.
B. Du FLEUVE DES AMAZONES A L ' O R É N O Q U E .
36. R. de los Esclavos, « riviere des esclaves » 1 ) .
37. R. de las Arboledas, «riviere des bois».
38. Costa de Laxas, «côte des pierres plates».
39. C. Blanco, «cap blanc».
40. Pta de la Fuma, «pointe de la baie».
41. R. de Aldea, «riviere du village» 2 ) .
42. R. de las Píanosos, « riviere des plaines ».
43. R. de la Vuelta, « riviere du virement ».
44. Pta del Placel, «pointe du bas-fond».
45. R. de Vicente Pinçon. 46. Las Montañas, «les montagnes».
47. Furna, «baie» .
48. Aldea, «vil lage».
49. R. Baxo, «riviere peu profonde».
50. Pta de la Arboleda, «pointe du bois».
51. La Playa, «la plage».
52. R. Salado, «riviere sa lée» .
53. La Fuma, « la baie ».
54. R. Verde, « riviere verte ».
55. Arrecife, « récif ».
1) A noter que les désignations Cabo de los Esclavos et Rio de los Esclavos se rapportent très vraisemblablement au souvenir de la razzia d'indigènes faite ici par Vicente Yañez Pinzon, voir ci-dessus, page 477.
2 ) Dans R . B . I V , page 6, il manque le passage suivant, qui est dans R . B . II, page 9: «plus à l'Ouest la riviere qu'on appelle Aldea ». Cependant ce passage figure réellement dans Oviedo.
56. R. del Placel, «riviere du bas-fond». 57. La Playa, «la plage».
58. Tierra llana, «pays plat». 59. R. Dulce, «riviere douce». 60. Monte-espesso, «forêt épaisse». 61. R. de Canoas, «riviere des canots». 62. R. Salado, «riviere sa lée» . 63. C. Anegado, « promontoire noyé ». 64. El Palmar, «le bois de palmiers». 65. R. Huyapari = Orénoque.
L a reconstruction du Padron real d'Alonzo de Chaves figurant aux Annexes, planche n° 2, n'est autre chose que la traduction graphique de la description d'Oviedo, faite en s'en tenant rigoureusement à celle-ci et en écartant toute donnée non fournie par Oviedo.
Afin d'éviter tout arbitraire, il n'a pas été tenu compte, pour établir le tracé de cette reconstitution, de toutes les mesures qui n'étaient pas déterminées d'une manière précise ; en revanche, ces indications complémentaires ont été mentionnées sur la carte pour que cel le-ci soit la reproduction fidèle de tous les renseignements. Il résulte de la description — et Oviedo l'expose en détail dans un autre passage de son œuvre — que la longueur du degré équivaut à 17 1/2 l e g u a s ) . L a construction ne peut s 'exécuter complètement que par la coordination des
1) Oviedo, 1. c., édition de Madrid, 1851, t. II, page 126: «Pe ro los grados que acqui se assientan, son conformes al assiento de la tierra, por donde discurro ; declarando quanto se alçan los polos sobre el hori-conte, y quanto está ó dista el puerto ó isla, ó promontorio, ó rio apartado de la línia equinoçial, conforme á la cuenta de las 17 1/2 Leguas por grado, de Norte á Sur ; pero no cómo se corren ó navegan las costas por sus diferentes entradas ó salidas ó puntas : que ha de ser por los rumbos é quartas diversas, como está dicho. »
558
données de distances et de latitude, notées très conscien
cieusement par Oviedo ; il en fournit la série, sans lacune,
pour toute la longueur de la côte dont il s'agit. Les indi
cations qu'il joint à celles des distances et qui portent sur les
directions de la ligne de côte sont moins complètes ; il
n'en donne que par exception pour la partie située à l'est
du Marañon, et il serait impossible d'établir le dessin avec
l'aide seule des distances et des azimuts. Les azimuts ne
constituent, par conséquent, qu'un élément complémentaire,
de haute valeur toutefois, car ils peuvent servir à con
trôler l'exactitude, non pas de la carte de Chaves, mais
de la description d'Oviedo. Si l'on considère qu'Oviedo
donne les azimuts seulement dans des quarts de quadrant,
soit à des intervalles de 22°.5, les limites entre lesquelles la
direction peut osciller sont de ± 11°.25, et, cette amplitude
admise, la concordance, telle qu'elle résulte des flèches
rouges indiquées sur la carte, est bonne. Il importe de
relever qu'une description qui permet de reconstituer sans
changements ou additions arbitraires une carte de cette
étendue revêt une grande valeur. Les points obscurs n'y
sont qu'en petit nombre, comme on peut en juger par la
représentation graphique qui les signale. Malgré la préci
sion des mesures, un sentiment d'incertitude naît à l'égard
de la partie comprise entre C. Blanco et Pta del Placél
(vers le R. de la Vuelta), quoique les éléments donnés
n'autorisent qu'une seule construction. Afin de la rendre
plus facilement comparable avec le tracé moderne, la carte
est pourvue d'un système de méridiens représentés en poin
tillé ; il a été jugé utile de transporter au milieu du dessin,
sur la rive occidentale du R. Marañon, le point de départ
de la division d'après les degrés de longitude, c'est-à-dire
de placer celui-ci à l'endroit où Oviedo lui-même opère
une récapitulation des distances indiquées depuis le Cap
5 5 9
— 560 —
S. Augustin. Nous fixons la position de ce méridien à 50° 30 '
à l'ouest de Greenwich. A l'aide du canevas, les différences
de longitude et de latitude peuvent dès lors être obtenues :
1o en les prenant directement sur la reconstitution gra
phique, 2° en tenant compte des azimuts donnés (indications
de direction).
L e tableau placé sur la carte annexe traite par ces
procédés quelques-unes des sections les plus importantes
de la ligne de côte ; on peut en déduire le degré de con
cordance des indications d'Oviedo. Les données corres
pondantes de la carte moderne ont été laissées de côté,
attendu qu'il ne s'agissait ici que de présenter un aperçu
de la connexion qu'offrent entre eux les renseignements
fournis par Oviedo dans sa description.
Il ressort indubitablement de l'ensemble de la carte
et des données de distances que le grand fleuve R. Marañon
représente le fleuve des Amazones. Il manque bien, sur
sa rive occidentale, la significative Costa de paricura,
mais l'identification avec la Mar -Dulce est tout aussi
caractéristique. Oviedo 1) dit : « Este embocamiento, que-
ton señalada cosa hizo Dios en el mundo, se llamó un
tiempo Mar dulçe». L e phénomène caractéristique de l'ex
pansion des eaux douces de l'Amazone au large de son
embouchure trouve aussi son expression dans ces mots 2) :
« Entran las aguas de aqueste rio con mucho impetu en la
mar, y dentro della, diez ó doce leguas, se coje deste rio
agua dulçe». L e R. de Navidad représente le R. P a r a ;
c'est ce qui ressort directement de la suite de cette cita
tion : « é aquel embocamiento haçe allá dentro dos braços
prencipales, y al mas oriental llaman rio de Navidad, y
1) R . B . I V , page 4. 2 ) R . B . I V , page 4.
- 561 —
el mas occidental es el que guarda el proprio nombre de
Marañon, y es el mas principal». L e lien qui existe entre
les origines étymologiques du mot Navidad et des déno
minations de Belém, Para , Presepio qui apparaissent plus
tard, confirme cette opinion et offre un moyen de détermi
nation relative pour le Marañon.
Sur la carte de Chaves, comme sur la carte de Turin, le
R. de Vicente Pinçon est situé immédiatement à l'est des
montagnes, des « Montañas », qui sont, comme il a été démon
tré antérieurement, un point de repère sûr pour la côte
guyanaise.
e) Il a déjà été dit que la carte reconstituée de Chaves
offre, dans le dessin et la nomenclature, une parenté qui ne
peut être méconnue avec deux autres cartes sévillanes
officielles, la carte de Weimar de 1527 et la carte de Ri-
beiro de 1529; c'est pourquoi ces trois cartes officielles
seront soumises conjointement à un examen approfondi
portant sur leurs proportions et leurs rapports réciproques.
Voici tout d'abord un relevé de la nomenclature de ces
cartes, du Marañon au golfe de Paria.
Carte de Weimar.
Maranhon Costa de paricura Visto de lexo R. de pascua Arboledo Costa de basos C. blanco Ffurna grãde Aldea
R . de la buelta
Ribeiro.
Marañon
Costa de paricura Uisto de lexos R . de pascua Arboledo Costa de lajas C. blanco Furna grande Aldea
R . de la buelta
Chaves.
R. Marañon R . de los Esclavos
R . de las Arboledas Costa de L a x a s C. Blanco Pta de la Furna R . de Aldea R . de las Planosas R . de la Vuel ta Pta del Placél
1) V o i r le Mémorial de Parente, M. B . II, pp. 1/ et 18. 36
— 562 —
Curte de Weimar. Ribeiro. Chaves.
R . baxo R . baxo R . de Vicente Pincon
Montañas Motañas L a s Montañas
F u m a Furna Fu rna
C. lanco C. blanco Aldea Aldea Aldea R . baxo R . baxo R . Baxo Arboledas Arboledas Pta de la Arboleda
L a P laya R . salado R . salado R . Salado
L a Furna R . v. de R . uerde R . Verde Areciffes Areçifes Arrecife R . de la barca R . de la barca R . del Placel P . baxa P . baxa L a P laya T ie r r a llana T ie r r a llana Tie r ra llana R . dulce R . dulçe R . Dulce Monte aspesso Mote espesso Monte-espesso R . de canoas R . de canoas R . de Canoas R . salado R . salado R . Salado Pa lmar Pa lmar C. Anegado Anegados Anegados E l Palmar Camari Camari R . Huyapari
L a quasi identité de la nomenclature des deux cartes de We imar et de Ribeiro saute aux yeux. L e rapport étroit de ces deux cartes avec celle de Chaves est non moins évident. Du tableau synoptique qui précède, il ressort, comme résultat essentiel et certain, que le R. baxo marqué à côté des Montañas sur les cartes de Weimar et de Ribeiro est identique au R. de Vicente Pinçon de Chaves.
Pour procéder à une analyse plus serrée, ces cartes seront soumises à la méthode usuelle de comparaison; le tableau ci-joint renferme les résultats de cette opération (page 563).
C a r t e d e W e i m a r 1527 Po in t s co r respondan t s
sur S t i e le r
V o i r tableau, page 522
C a r t e d e R i b e i r o 1529 Po in ts co r respondan t s
sur S t i e l e r
Voir tableau, page 522
C a r t e d ' A l o n z o d e C h a v e s 1536 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
sur S t ie le r
Voir tableau, page 522 Indication des sections Distances en leguas et en
kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
Po in t s co r respondan t s
sur S t i e le r
V o i r tableau, page 522 Indication des sections Distances en leguas et en
kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
Po in ts co r respondan t s
sur S t i e l e r
Voir tableau, page 522 Indication des sections Distances en leguas et en
kilomètres
Distances en pour-cent de la
ongueur tota'e
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
sur S t ie le r
Voir tableau, page 522
C. de s. agostim
R. de Vicenteanes pinçon
R. de la trenidad l )
Costa de paricura 2 )
C. blanco
Milieu de la Furna grande
R. baxo à l'est des montañas
Point X
Longueur totale
A
1841. = 1170 km
881. = 560 km
Y A
261. = 165 km
Y A
56 1. = 356 km
Y A
26 1. = 165 km
Y A
281 . = 178 km
Y A
195 1. = 1240 km
Y
30.5
14.6
4.3
9.3
4.3
4.6
32.4
C. de S. Agostinho
139 km à l'est de Sta Anna
115 km à l'est de Tijoca
56 km au nord-ouest de Tijoca
115 km au sud-est du C. do Norte
(Maraca)
75 km au nord-ouest du C. do Norte
28 km au sud-est du C. d'Orange
Point X
C. de s. agustin
R. de uicête pïson
R. dela trenidad 1)
Costa de paricura 2 )
C. blanco
Milieu de la Furna grande
R. baxo à l'est des mötafias
Point X
Longueur totale
A
183 1. = 1164 km
Y A
85 1. = 541 km
Y A
26 1. = 165 km
Y A
67 1. = 426 km
Y A
20 1. = 127 km
34 1. = 216 km
Y A
192 1. = 1221 km
Y
30.1
14.0
4.3
11.1
3.3
5.6
31.6
C. de S. Agostinho
155 km à l'est de Sta Anna
155 km à l'est de Tijoca
16 km au nord-ouest de Tijoca
83 km au sud-est du C. do Norte
(Maraca)
48 km au nord-ouest du C. do Norte
(Maraca)
4 km à l'ouest du C. d'Orange
Point X
C.de Sanct Augustin
B. de San et Vicente
C. de los Esclavos
R. de los Esclavos
C. Blanco
R. de Vicente Pinçon
C. Anegado
Longueur totale
A
225 1. = 1431 km
112.51.= 715 km
Y A
20 1. = 127 km
Y
55 1. = 350 km
Y A
70 1. = 445 km
Y A
165 1. = 1049 km
Y
34.7
17.4
3.1
8.5
10.8
25.5
C. de S. Agostinho
28 km au nord-ouest de Sta Anna
163 km au nord-ouest de Tijoca
286 km au nord-ouest de Tijoca
S3 km au nord-ouest du C. do Norte
(Maraca)
246 km à l'ouest du C. d'Orange (76 km à l'est du Maroni)
Point X
C. de s. agostim
R. de Vicenteanes pinçon
R. de la trenidad l )
Costa de paricura 2 )
C. blanco
Milieu de la Furna grande
R. baxo à l'est des montañas
Point X
Longueur totale 603 1. = 3834 km 100.0% d'après Stieler
3970 km
C. de s. agustin
R. de uicête pïson
R. dela trenidad 1)
Costa de paricura 2 )
C. blanco
Milieu de la Furna grande
R. baxo à l'est des mötafias
Point X
Longueur totale 607 1. = 3860 km 100.0% d'après Stieler
3970 km
C.de Sanct Augustin
B. de San et Vicente
C. de los Esclavos
R. de los Esclavos
C. Blanco
R. de Vicente Pinçon
C. Anegado
Longueur totale 647.51. = 4118 km 100.0% d'après Stieler
3970 km
— 563 —
1) Correspond au C. de los Esclaves de Chaves : pointe orientale du Maranon. 2 ) Correspond à la position du R . de los Esclavos de Chaves sur la rive occidentale du Maranon.
— 564 —
Sur la carte de Weimar, la longueur totale est de
603 1. = 3834 km, au lieu de 3970 km, ce qui représente
un raccourcissement de la ligne de côte de 136 km, c'est-
à-dire de 3.4 %.
Sur la carte de Ribeiro, la longueur totale est de
607 1. = 3860 km, au lieu de 3970, soit un raccourcissement
de la côte de 110 km, c'est-à-dire de 2 . 8 % .
Sur la carte de Chaves, la ligne de côte atteint une
longueur de 647.5 1. = 4118 km, au lieu de 3970 km, soit
un allongement de 148 km ou de 3.7 %.
Les trois cartes sont donc, en ce qui concerne la sec
tion de côte considérée, des œuvres d'une remarquable
exactitude absolue; elles concordent bien entre elles dans
le détail aussi, sans que cette concordance soit complète.
Le fleuve Marañon occupe indubitablement la place
de l'Amazone ; dans la carte de Weimar et dans celle de
Ribeiro, il est repoussé un peu à l'est. Le R. de la trenidad,
qui correspond certainement au R. de Navidad 1) de Chaves,
se trouve, sur la carte de Weimar, à une distance du point
de départ (C. de S. Augustin) équivalant à 45.1 % de la
ligne totale ; sur la carte de Ribeiro, cette distance est de
44.1 % ; sur le tracé de Chaves, elle est, pour le point
correspondant, le C. de los Esclavos, de 52.1 % ; d'après
Stieler, la distance du point correspondant, c'est-à-dire
de Tijoca, au C. de S. Agostinho, est le 48.0 % de la lon
gueur totale. Dans le C. blanco de Chaves, on reconnaît
le C. do Norte (Maraca), ce que la reconstitution graphique
rendait déjà vraisemblable. Le dessin de la carte de Weimar
et de celle de Ribeiro est beaucoup moins clair sur ce point,
quoiqu'on puisse y reconnaître aussi que l'embouchure du
Marañon ne doit pas occuper seulement l'étroit espace com-
1) Nom qui s'explique facilement par une lecture fautive de trenidad.
— 5 6 5 —
pris entre R. de la trenidad et Costa de paricura, mais que
la portion de côte jusqu'à Vis to de lexos en fait aussi partie.
L e s cartes accusent quelque différence dans l'empla
cement des Monta fias et, par suite, des rivieres situées à
côté. Sur l a carte de W e i m a r et sur celle de Ribeiro, la
position des Montañas concorde avec celle des montagnes
situées à l'ouest de l 'Oyapoc ; la riviere R. baxo, à l'est
des Montafias, est par conséquent, sur les deux cartes,
l 'Oyapoc actuel, car la position et l a particularité phy
sique qu'offre la côte sont en concordance. Chaves assigne
à son R. de Vicente Pinçon et aux montagnes situées sur
la rive occidentale de celui-ci une position beaucoup plus
éloignée vers l'ouest ; sur son tracé, ce cours d'eau figure
à 76 km à l'est du Maroni. Et cependant, il a en vue le
même fleuve que la carte de Weimar et celle de Ribeiro,
comme suffisent à le démontrer la présence des montagnes
et la comparaison de la nomenclature. Ce n'est pas déli
bérément que le fleuve a été déplacé vers l'ouest, mais
simplement, comme la preuve peut en être faite, ensuite
d'une incorrection dans le dessin de la ligne de côte pour
la section dont il s'agit.
Comme il a été montré lors de la première discussion
de ces documents, la carte de W e i m a r et celle de Ribeiro
placent, la première, un R. de Vicenteanes pinçon, la seconde,,
un R . de uicete pison, entre le C. S. Augustin et le Marañon
(c'est-à-dire au sud-est de l'Amazone), ce qui semble appuyer
l'opinion d'après laquelle la riviere R . de Vicente Pinçon
ne se rattacherait pas à un lieu déterminé et apparaîtrait
tantôt au nord-ouest, tantôt au sud-est de l'Amazone. Mais
la riviere portant le nom de Vicente Yañez Pinzon sur la
carte de We imar et celle de Ribeiro est représentée sur la
carte de Chaves avec quelque modification, c'est-à-dire
comme une baie, la Bahia de Sanct Vicente, dont le nom
— 566 —
rappelle celui du saint; or, d'après notre tableau, cette
position n'est nullement une position incertaine: le lieu mar
qué est la baie de Maranhão. Sur Chaves, tout doute à ce
sujet est impossible; quant à la carte de Weimar et à celle
de Ribeiro, elles accusent un raccourcissement de la section
du C. S. Augustin au Maranon (c'est-à-dire l'Amazone), dont
il faut tenir compte (il en sera question plus loin) et qui a
pour effet un déplacement vers l'est. Un l'ait digne d'atten
tion et que met en lumière le tableau, c'est la concordance
parfaite de la distance relative de la riviere de V . V. Pinzon
au R. de la trenidad sur les cartes de Weimar et de Ribeiro,
avec celle de Sta Anna à Tijoca ; la distance considérée est,
sur la carte de Weimar le 14.6 %, sur celle de Ribeiro le
14.0% et sur celle de Stieler le 14.0% de la longueur totale.
Chaves donne à ce rapport une valeur moins exacte, à
savoir 1 7 . 4 % ; en revanche, dans son dessin, la distance
du C. de Sanct Augustin à la B . de Sanct Vicente con
corde exactement avec la longueur S. Agostinho — S t a Anna
de Stieler; sur Chaves, cette section représente 34.7% de
la longueur totale et sur Stieler 34 .0%. Si donc l'on con
sidère séparément la section de côte S. Augustin-Tijoca,
les distances relatives concernant la riviere Pinzon, prises
sur la carte de Weimar et sur celle de Ribeiro avec
Tijoca comme point de départ, conduisent exactement à la
baie de Maranhão ; on aboutit au même résultat avec les
distances de Chaves, en partant du point fixe C. S. Augustin.
Il va de soi que, dans chaque cas, c'est la partie non con
sidérée de la section totale S. Augustin-Tijoca, qui supporte
l'erreur déjà mentionnée, telle qu'elle apparaît dans le ta
bleau. On peut, avec assez de certitude, faire remonter 1)
1) Voir Kohl, 1. c , page 133. D'après l'exposé ci-dessus, la manière de voir de M. F . I, page 254, selon laquelle il ne s'agirait ici que d'une correction insuffisante, ne saurait donc être acceptée.
— 5 6 7 —
à la rencontre sanglante des compagnons de Pinzon avec
les indigènes, le nom de ce R. de Vicente Pinzon placé
au sud-est (ou B . de Sanct Viçente comme écrit Chaves).
Mais baie et fleuve ne sont point devenus des désignations
définitives et disparaissent plus tard de la nomenclature
cartographique.
Pour pousser plus loin dans le détail l'étude de la
représentation de la côte guyanaise, la ligne totale com
prise entre le C. S. Augustin et le point X (C. Anegado)
sera divisée en deux sections, dont la première va du
C. S. Augustin à la rive gauche du Marañon (Costa de
paricura), tandis que la seconde s'étend de là jusqu'au
point X . L e tableau ci-contre indique, pour chacune de ces
deux sections, les proportions des anciennes cartes en
regard des données correspondantes de la carte moderne.
Dans les trois cartes, la côte guyanaise est étirée ; dans
la carte de Weimar, l'allongement est de 1 0 . 7 % ; dans celle
de Ribeiro, il est de 1 3 . 7 % ; dans celle de Chaves , de
5.3 %. Il n'y a pas lieu de s'occuper de cette extension pour
le moment; les mesures données par les anciennes cartes
pour la côte guyanaise seront reportées, sans aucune ré
duction quelconque, sur la carte moderne, de façon à obtenir
un aperçu direct des proportions des tracés. Pour cette
opération, le point X constitue le meilleur point de départ,
car, à l'autre extrémité de la section guyanaise, sur la rive
gauche du Marañon (Amazone), il n'y a pas de point qui
se laisse déterminer aussi exactement, il va sans dire que
l'excédent de longueur débordera, sans compensation, au
delà de l'extrémité libre (ici, l 'embouchure du fleuve des
Amazones). Ce procédé est appliqué dans le tableau ci-
dessous, page 570.
— 5 6 8 —
Ca
rte
de
We
ima
r 15
27
Indi
cati
on
des
sec
tio
ns
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19
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m
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km
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km
=
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%
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rte
de
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ent
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=
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=
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%
Ca
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=
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os 90
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19
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Ind
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int
Z
Po
int
Z
Po
int
X
Dis
tan
ces
en
kil
om
ètre
s
2219
k
m
1751
km
— 5 6 9 —
Les sections indiquées sur ce tableau n'ont pas été déterminées d'une façon arbitraire, mais elles correspondent aux sections successives de la reconstitution de Chaves, voir Annexes, planche n° 2; il serait impossible de choisir d'autres points de comparaison, attendu que les données de distance nécessaires feraient défaut. Par conséquent, pour la carte de Weimar aussi bien que pour celle de Ribeiro, les sections s'imposent. L e tableau fournit une vue générale des véritables rapports de grandeurs et de position des cartes. Il s'en suit que le R. baxo, qui dans la carte de Weimar et dans celle de Ribeiro est à l'est des Montafias, coïncide exactement avec l'embouchure actuelle de l'Oyapoc à l'est des montagnes bien connues. On obtient donc le même résultat qu'avec les premiers tableaux comparatifs dressés sur une autre base. Les Montañas sont incontestablement les montagnes situées sur la rive occidentale de l'Oyapoc. Cela signifie pour les deux cartes que la section comprise entre le point X et l'Oyapoc est juste, au point de vue absolu ; en outre, la position relative, rapportée à la ligne totale allant du point X au C. S. Augustin, est également exacte, et c'est là, en tout cas, une constatation fort remarquable. L e tableau montre de plus, d'une façon très précise, que l'allongement noté plus haut doit être cherché exclusivement dans la portion de côte comprise entre le R. baxo (Oyapoc) et la rive gauche du Marañon (point Z). Le R. de Vicente Pinçon de Chaves tombe de nouveau à l'ouest du C. d'Orange, à 210 km de ce cap; le tableau fournit la preuve que, néanmoins, il doit, sans doute possible, être identifié avec le R. baxo. Toutes les sections de côte situées entre le R. de Vicente Pinçon et le C. Anegado sont trop courtes comparées à celles des cartes de Weimar et de Ribeiro ; quant au C. blanco, de nouveau il concorde mieux. La position relative du R. de
Comparaisons avec les cartes modernes, (L'atlas employé est le Handatlas Stieler, cartes nos 90 et 91, édition de 1900.)
Carte de W e i m a r 1527
Ribeiro 1529
Chaves 1536
Indication des sections
Distances en leguas et en
kilomètres
Sections reportées sur la carte moderne
Indication des sections
Distances en leguas et en
kilomètres
Sections reportées sur la carte moderne
Indication des sections
Distances en leguas et en
kilomètres
Sections reportées sur la carte moderne
Point X
R. dulce
R. baxo
R. baxo à l'est des Montañas
C. blanco
Rive gauche du Marañon
431. = 273 km
96 1. = 611 km
56 1. = 356 km
Y
A
541. = 343 km
56 1. = 356 km
Point X
179 km au sud-est de la Boca de Navios
46 km à l'ouest du Maroni
10 km à l'ouest du C. d'Orange
6 km au nord-ouest du C. Raso do Norte
Cajary (188 km au sud-ouest du point Z) 1 )
Point X
R. dulce
R. baxo
R. baxo à l'est des Môtanas
C. blanco
Rive gauche du Marañon
431 = 273 km
Y
941. = 598 km
Y
A
55 1. = 350 km
Y A
541. = 343 km
Y
67 1. = 426 km
Y
Point X
179 km au sud-est de la Boca de Navios
58 km à l'ouest du Maroni
28 km à l'ouest du C. d'Orange
22 km au nord-ouest du C. Raso do Norte
240 km au sud-ouest du point Z 1)
C. Anegado
R. Dulce
R. Baxo
R. de Vicente Pinçon
Pta del Placel
C. Blanco
R. de los Esclavos
223 km
Y
A
90 1. = 572 km
Y A
401. = 254 km
20 1. = 127 km
50 1. = 318 km
551. = 350 km
Y
Point X
130 km au sud-est de la Boca de navios
R. Suriname (136 km à l'ouest du Maroni)
R. Sinnamarie (210 km à l'ouest du C. d'Orange)
80 km au nord-ouest du C. d'Orange (Approuague)
27 km au nord-ouest du C. de Nord de Maraca
R. Anauarapucú, (93 km au sud-ouest du point Z) 1)
1) Point sur la rive occidentale de l'Amazone, correspondant au R. de los Esclavos de Chaves ; d'après ce que nous avons admis, c'est, sur Stieler, le point où passe le méridien 50° 30' à l'ouest de Greenwich; voir Annexes, planche n° 2.
570
Vicente Pinçon, rapportée à la ligne C. Anegado-S. Augustin,
est à 246 km à l'ouest du C. d'Orange ; ainsi sa position
absolue qui, calculée avec le C. Anegado comme point de
départ, tombe à 210 km à l'ouest du C. d'Orange, est encore
quelque peu plus exacte.
Si l'on détermine les longueurs relatives des sections de
la côte guyanaise, en les exprimant en pour-cent de la
ligne totale comprise entre le C. Anegado (point X ) et le
R. de los Esclavos, les divergences des cartes entre elles
apparaissent encore plus clairement. Cette comparaison est
donnée par le tableau çi-après.
— 571 —
— 572 —
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Il en résulte que la carte de Chaves pèche par un
raccourcissement relatif assez important de la côte située
au nord-ouest du R. de Vicente Pinçon, raccourcissement
qui apparaît de la façon la plus frappante sur la section
allant du R. Baxo au R. de Vicente Pinçon; le tableau
indique qu'à partir du C. Anegado (point X) les distances
relatives au R. de Vicente Pinçon sont : sur la carte de
Weimar le 64 .0%, sur celle de Ribeiro le 6 1 . 4 % et sur celle
de Chaves le 56.9 % de la ligne totale. La carte de Stieler
donne, pour la même section, du point X au Cap d'Orange,
71 .9%. Il n'y a rien de surprenant à ce que la carte de
Weimar et celle de Ribeiro ne concordent pas plus exacte
ment entre elles et avec celle de Stieler, puisque, pour l'en
semble de la section guyanaise, les cartes de Weimar et
de Ribeiro accusent un allongement respectif de 10.7 % et
de 13.7 %, et qu'il a été établi plus haut que la section
située au nord-ouest entre le point X et Montañas, a sili
ces cartes une longueur exacte au point de vue absolu.
Naturellement l'excédent de la longueur totale entraîne, pour
cette section également, une réduction proportionnelle dans
le calcul des pour-cent.
Les mesures de différentes sortes opérées sur les
cartes permettent de comparer ces documents les uns
aux autres. On constate en premier lieu que les trois
cartes possèdent un très haut degré d'exactitude absolue
1) L a remarque de Ruge, 1. c., page 59, d'après laquelle presque toutes les données de distances d'Oviedo seraient trop grandes, n'est par conséquent pas exacte. Nous nous trouvons également en désaccord avec J. G. Kohl, 1. c , pp. 131 et 132. Kohl incline à admettre que le R . dulce représente la Boca de Navios ; d'après notre tableau, page 570, cette conclusion paraît hasardée, car il montre que le point dont il s'agit est situé, sur la carte de Weimar et sur celle de Ribeiro, à 179 km au sud-est de la Boca de Navios. En outre, Kohl croît reconnaître l'Essequibo dans le R . verde; nous appuyant également sur le tableau, page 570, nous trou-
573
— 5 7 4 —
Mais celle de Chaves est en général plus uniformément
exacte que la carte de Weimar et celle de Ribeiro ; la
cause en est que Chaves a représenté plus exactement
l'embouchure de l'Amazone. D'après le tableau, page 568,
les cartes de Weimar et de Ribeiro présentent, pour la
section brésilienne de la côte, un raccourcissement assez
considérable qui est respectivement de 14.6 % et de 15.7 °/o,
vons que la carte de W e i m a r place le R. verde à 65 km à l'est du Coren-tyne, position d'où l'on compte, dans la direction nord-ouest, 254 km jusqu'à l 'Essequibo ; sur Ribeiro, le R . verde est à 46 km à l'est du Corentyne, soit à 235 km de l 'Essequibo. Nous ne pouvons pas non plus identifier le R . salado, près du R . verde, avec le Berb ice ; sur la carte de Weimar , on obtient le point correspondant à 33 km à l'ouest du Suriname, c'est-à-dire à 236 km à l'est du Berbice, et, sur la carte de Ribeiro, à 49 km à l'ouest du Suriname ou à 220 km à l'est du Berbice. Kohl admet que le R . baxo nord-occidental représente le Corentyne ; le tableau de la page 570 place le R . baxo de la carte de W e i m a r à 46 km, et celui de Ribeiro à 58 km à l'ouest du Maroni, c'est-à-dire respectivement à 286 km et 274 km à l'est du Corentyne. Nous ajoutons que d'après nos mesures, le R . de la barca de la carte de W e i m a r coïncide exactement avec le Berbice ; sur la carte de Ribeiro, on ne sait avec certitude à quel point rattacher la désignation de R . de la barca, et l'on obtient par suite deux valeurs qui conduisent l'une à 73 km à l'ouest, l'autre à 17 km à l'est du Berbice. Nos résultats concordent avec ceux de Kohl en ceci que le R . baxo, situé à l'est des Montafias, est l 'Oyapoc. Mais il en résulte, si l'on suit Kohl, que la distance du R . baxo au R . baxo à l'est des Montafias, qui est sur la carte de W e i m a r de 56 1. = 356 km et sur Ribeiro de 55 1. = 350 km, devrait correspondre à une distance de 654 km sur la carte moderne. Kohl voit dans la Furna grande l'embouchure de l 'Amazone. Du R . baxo à l'est des Montafias jusqu'au milieu de la Furna grande, la carte de W e i m a r accuse 28 1. = 178 km, celle de Ribeiro 34 1. = 216 km ; sur la carte moderne, la distance du C. d'Orange au milieu de l 'île Caviana (que nous avons adoptée comme milieu de l'embouchure de l 'Amazone) est de 495 km. Du milieu de la Furna grande au milieu du Marañon, que Kohl considère comme étant le R io Para , la carte de W e i m a r accuse 94 1. = 598 km, Ribeiro 96 1. = 611 km; sur la carte moderne, on compte du milieu de Caviana au milieu du Rio P a r a 222 km. Il résulte clairement de ces chiffres que, malgré la haute opinion qu'il a des cartes décrites par lui, Kohl a gravement méconnu leur exactitude.
— 575 —
en regard d'un allongement assez important aussi, affectant
la section guyanaise de la côte, et se montant respective
ment à 10.7 % et à 13.7 °/o ; ces altérations du dessin en
sens contraire donnent en se combinant un excellent résultat
d'ensemble. Il en est autrement dans la carte de Chaves,
où la section brésilienne de la côte accuse, comme aussi
la section guyanaise, un léger allongement, qui est de 2.4 %
pour la première section et de 5.3 % pour la seconde, et où
le résultat d'ensemble concorde beaucoup mieux avec les
résultats partiels que ce n'est le cas dans la carte de
Weimar et celle de Ribeiro. Les trois cartes renferment
dans la section brésilienne de la côte une distance relative
très exacte. Dans la carte de Weimar et dans celle de
Ribeiro, c'est la partie comprise entre la riviere méridionale
de Vicente Yañez Pinzon et l'Amazone ; l'altération (qui est
ici un raccourcissement) tombe sur la partie située entre
le C. S. Augustin et la riviere Pinzon, c'est-à-dire la baie
de Maranhão. Sur la carte de Chaves inversément, cette
dernière partie de la côte a la dimension relative exacte,
tandis que l'altération (qui est ici un allongement) atteint la
partie située entre la baie de Sanct Vicente et l'Amazone.
Les trois cartes présentent un allongement dans la section
guyanaise de la côte; c'est sur Chaves qu'il est le plus
faible ; sur toutes trois, l'allongement affecte principalement
la partie située entre le C. d'Orange et l'Amazone ; dans
la carte de Weimar et dans celle de Ribeiro, il porte
même exclusivement sur cette partie, de sorte que ces
deux cartes possèdent une section de côte relativement
grande qui est exacte au point de vue absolu. Pour la côte
guyanaise, Chaves est un peu en arrière des deux autres
cartes quant à l'exactitude des proportions. Sur son tracé,
la principale altération (allongement) affecte également la
zone de la côte plate et basse, dangereuse pour la navi-
— 5 7 6 —
gation et, pour cette raison, peu visitée, située entre les
«montagnes» et l'Amazone. Mais il n'a pas figuré la partie
nord-ouest de la côte, des montagnes jusqu'au C. Ane
gado, avec autant d'exactitude que le font les cartes de
Weimar et de Ribeiro; il a resserré cette portion de côte
et lui a fait subir un raccourcissement qui n'est pas sans
importance.
Sur les cartes de Weimar et de Ribeiro, le dessin de
la côte concorde presque en tous points. Mais un examen
plus attentif fait découvrir cependant une foule de petites
différences. Ainsi la carte de Weimar porte dans l'embou
chure de l'Amazone, au nord de l'île allongée, trois îles plus
petites ; Ribeiro en indique quatre. Sur la carte de Weimar ,
la Furna grande est dessinée plus profonde, mais aussi
moins large que sur la carte de Ribeiro ; dans cette dernière,
elle renferme nombre de petites îles, qui manquent sur la
carte de Weimar , etc., etc. Dans les deux cartes, les formes
de la côte offrent peu d'originalité ; les traits caractéristiques
sont représentés dans Majollo d'une façon plus originale,
plus accentuée, voire même avec quelque exagération.
On sait qu'en cartographie un travail de combinaison
minutieuse et de compensation conduit à un effacement ou
tout au moins à une atténuation des formes marquantes;
cela a été le cas, comme le fait est facile à reconnaître,
pour les cartes de We imar et de Ribeiro. Les lignes prin
cipales sont devenues, à la vérité, plus exactes, mais aussi
plus uniformes. On ne voit pas, par exemple, sur la carte
de Weimar ni sur celle de Ribeiro, l 'échancrure caracté
ristique de la baie de Maranhão. Au point de vue du des
sin, Chaves ne peut guère faire l'objet d'une critique, puis
que la connaissance du détail des formes de sa carte
manque complètement. L a figure de la côte, en général,
n'est pas meilleure que dans les deux autres cartes, mais
— 577
un grand progrès se constate dans la représentation de
l'embouchure de l'Amazone.
La carte de Weimar et celle de Ribeiro sont pourvues
d'échelles qui conduisent à ce résultat concordant, que les
deux cartes adoptent comme longueur d'un degré 14.4 leguas
en moyenne 1). L'erreur d'estimation sur la grandeur du
degré, erreur qui ressort de ce chiffre, remonte très pro
bablement à Fernand Colomb qui jouissait à cette époque
d'une haute autorité et qui avait reçu du roi la mission de
faire procéder à la construction du nouveau Padron real
et d'en surveiller l'exécution. La donnée des cartes concorde
avec le préavis qu'il soumit en 1524 à la Junta de Badajoz
et dans lequel il se prononçait pour que l'on comptât
141/6 leguas comme longueur du degré, tandis que, déjà à
ce moment, Cabotto et d'autres combattaient cette opinion
et préconisaient le chiffre de 171/2 leguas. Ainsi qu'il a été
dit précédemment, la carte de Chaves est basée sur cette
dernière évaluation. Le Padron real de 1536 se montre donc,
sur ce point aussi, supérieur à ses devanciers 2 ) .
1) Kohl, 1. c , page 3, écrit : « Beide Karten sind genau nach demselben Masstabe angelegt. Auch ist auf beiden der Grad eines grössten Kreises gleich gross, nämlich zu 17 1 / 2 spanischen Leguen angenommen. » Nous ne nous expliquons pas par quel procédé de mensuration Kohl est arrivé à ce résultat.
2 ) Si l'on voulait adopter comme équivalent de la legua une mesure de longueur uniforme et exactement déterminée (ce qu'elle est bien aussi en réalité), la concordance qui, en fait, existe pour la longueur totale de la côte entre les cartes de Weimar et de Ribeiro d'une part, et celle de Chaves d'autre part, serait tout simplement impossible, étant données les divergences d'opinion sur la grandeur du degré. Si , au lieu de prendre pour base le chiffre admis par nous de 17.5 leguas, nous adoptions 14.4 leguas au degré, il en résulterait pour une même section de côte une différence de longueur de 17.7 %. Nous référant à ce que nous avons dit précédemment, nous voyons dans le fait que — malgré les différences signalées sur le nombre de leguas compté au degré — la concordance existe
— 5 7 8 —
L e tableau ci-contre permet enfin de comparer les lati
tudes de quelques points correspondants dans les trois car tes
qui viennent d'être discutées.
c) M A R - D U L C E - M A R A Ñ O X .
1. D'après ce qui précède, le Golfo de Santa Maria de
Juan de la Cosa est le futur fleuve des Amazones que de
la Cosa fait déboucher sous la ligne de l'équateur. Mais
Juan de la Cosa dessine, au sud de son Golfo de Santa
Maria, une deuxième baie avec des îles et une embouchure
fluviale ; à cette baie-là, il ne marque pas de nom. Il est
dit, dans la capitulation de 1501, que Vicente Yañez Pinzon
avait donné le nom de « Santa Maria de la Mar-Dulce » au
grand fleuve dont l'eau douce pénètre si avant dans la mer ;
cette mention aussi concorde avec la dénomination de «Golfo
de Santa Maria» dans la carte de Juan de la Cosa.
Mais que représente la baie méridionale sans nom de
Juan de la Cosa? On a voulu voir en elle l'embouchure du
Rio Para , bras oriental de l'embouchure de l'Amazone ;
d'autre part, on l'a considérée comme la baie actuelle de
Maranhão. L a première opinion est celle d'Oscar Peschel ,
qui, dans son ouvrage : « Geschichte des Zeitalters der Ent
deckungen, I I e édition, 1<S77 », dit en note à la page 2 4 3 :
pour la longueur totale, une preuve réelle que les échelles de ces cartes ne peuvent pas servir à l'établissement des distances en leguas d'après la valeur précédemment discutée de cette unité de mesure, mais qu'elles expriment seulement l'opinon qui prévalait alors quant au nombre de leguas nécessaire pour faire un degré. L e s unités pour la mesure des longueurs doivent donc, avant tout, s'appuyer sur les parallèles de latitude, et non pas sur les échelles de lieues. Enfin, par le fait de ces diffé-rences entre les cartes de W e i m a r , de Ribeiro et de Chaves, se confirme la manière de voir énoncée plus haut touchant le procédé probablement employé à la Casa de Contratacion pour la construction des cartes.
— 5 7 9 —
3 7
C a r t e d e W e i m a r
Indication des points Latitude
C. de s. agostim 7 o 54 'S
Embouchure du Ma-
ranhom . . . . 1° 18' S
R. baxo à l'est des
montañas . .. . 1°42'N
Point X 8°24'N
C a r t e de R i b e i r o
Indication des points Latitude
C. de s. agustin . . 8° 0' S
Embouchure du Ma-
rañon 1° 12 'S
R. baxo à l'est des
motañas . . . . 10 42'N
Point X 8°24'N
C a r t e d ' A l o n z o de C h a v e s
Indication des points Latitude
C. de Sanct Augustin 8° 30' S
Embouchure du R.
Marañon . . . . 2° 30' S
R. de Vicente Pinçon 1°30'N
C. Anegado . . . 8° 0'N
A t l a s d e S t i e l e r 1 9 0 0
Indication des points Latitude
C. de S. Agostinho 8° 2 4 ' S
Point X 9°34'N
— 5 8 0 —
«Auf Juan de la Cosas Karte ist der Amazonenstrom und
der Rio Para, sowie die von beiden gebildete Insel ele las
Juanes oder Marajo auf den ersten Blick zu erkennen.»
Cette manière de voir est partagée par Kohl, 1. c , page 132.
Après avoir exposé pourquoi il voit dans la «Furna grande»
l'embouchure principale (occidentale) du Marañon, il con
tinue ainsi: «die ganze ostwärts laufende Küste von «furna
grande » bis « paricura » würde demnach die Küste der
grossen St. Johannesinsel und der übrigen Inseln des Ma-
rañondelta vorstellen, und die darauf enthaltenen Namen :
« C. Blanco » (weisses Cap), « Costa de Casas » (Küste mit
Wohnungen), « Arboledo » (Gehölz), « Rio de palcua » (?),
«Vis to de lexos » (gesehen von weitem), würden demnach
Arme des Marañon zwischen jenen Inseln und andere Ufer
punkte dieser Inseln bezeichnen. » La large embouchure que
la carte de Weimar et celle de Ribeiro désignent du nom
de « Marañon » serait tout simplement, d'après Kohl, le bras
oriental du grand fleuve, bras appelé aujourd'hui « riviere
de Para ». La direction du voyage de Pinzon et le dessin
de la grande embouchure dans les deux cartes parleraient
également en faveur de cette version. «Auch die Karte von
Cosa — dit Kohl — scheint für diese Ansicht zu sprechen. »
Mais le point décisif serait la Ligne de démarcation. Finale
ment, Kohl avoue que son hypothèse présente cet incon
vénient « qu'il reste entre la furna grande (embouchure
principale) et le Marañon (Para) une longueur de côte de
85 leguas, alors que la ligne de côte extérieure des îles de
l'estuaire de l'Amazone n'offre en réalité qu'un développe
ment de 45 leguas. Toutefois, cette erreur de nos cartes
est plus admissible que l'autre 1) ».
1) . . . « dass zwischen der furna grande (Hauptmündung) und dem Maranon (Para) ein Küstenstrich von 85 Leguas L ä n g e bleibt, während
— 581 -
En examinant les choses de près, on est conduit, malgré
l'autorité de Peschel et de Kohl, à considérer cette inter
prétation de la carte de Cosa comme n'étant pas con
cluante. Malheureusement, la lacune qu'offre cette carte à
l'est de la baie sans nom rend excessivement difficile une
réponse péremptoire. En comparant la carte de Juan de la
Cosa avec la carte moderne et en prenant telles quelles
les distances données par Cosa sur sa carte et mesurées
conformément au procédé discuté antérieurement, sans tenir
compte pour le moment de la situation relative par rapport
à l'étendue totale des côtes, on trouve que le Golfo de Santa
Maria de Cosa occupe à peu près, sur la carte moderne,
l'espace compris entre le Cabo Raso do Norte et le Cap
Magoari, pointe orientale de l'île de Marajo. Sur Cosa, la
largeur du Golfo atteint 280 km, et, sur Stieler, la distance
du C. Magoari au C. Raso do Norte est de 276 km. Si l'on
prend sur Stieler la distance de Tijoca à l'île de Santa
Anna, située près du promontoire s'avançant à l'est de la
baie de Maranhão, c'est 557 km; si l'on mesure sur Juan
de la Cosa du promontoire situé sous l'équateur, à l'est du
Golfo de Santa Maria, et qui doit correspondre à Tijoca,
jusqu'au cap dessiné sous une forme très accusée à l'est
de la baie sans nom, l'on obtient une longueur de 572 km.
La distance du Cabo Raso do Norte à la Punta Santa Anna
est sur Stieler de 833 km et sur Cosa (jusqu'au cap situé
à l'est de la baie sans nom) de 852 km. Si, en revanche,
dans la portion du littoral qui, sur de la Cosa, est située
entre le Golfo de Santa Maria et la baie sans nom, on
voulait voir l'île de Marajo, on aurait d'après Stieler 195 km
der Saum der Deltainseln des Stromes in der That nur eine Entwicklung von etwa 45 Leguas darbietet. Doch ist dieser Irrtum unserer Karten noch eher zulässig als der andere ».
contre 369 sur Juan de la Cosa. Ces chiffres, empruntés directement à la carte de Cosa, indiquent que la baie sans nom de Juan de la Cosa correspond vraisemblablement à la baie actuelle de Maranhão, que le cap situé à l'est de ladite baie sans nom correspond à la ). de Sta Anna actuelle, et que, par conséquent, l'on ne peut guère considérer cette baie méridionale comme étant le Rio Para actuel.
L e fait que Vicente Variez Pinzon a reconnu non seulement le Rio Para, mais aussi le bras principal du grand fleuve, est prouvé par ses récits et ceux de ses compagnons touchant la Mar-Dulce. L e dessin figurant l'embouchure fluviale dans là carte de Weimar et celle de Ribeiro ne saurait appuyer la version d'après laquelle la grande embouchure fluviale doit représenter le Rio Para. La grande largeur de celle-ci et les îles qui y sont marquées contredisent, a priori, cette manière de voir. Il ressort en outre de l'exposé qui précède (voir les tableaux) que cette embouchure représente non pas le Rio Para, mais l'Amazone. On ne peut décidément pas s'appuyer sur la Ligne de démarcation pour la présente discussion, comme les développements de l'exposé historique l'ont prouvé. Et, en fin de compte, comment expliquer, dans l'hypothèse de Kohl, la situation de la « Furna grande » par rapport aux « Monta-ñas » ? Autant la portion de côte de la Furna au Marañon serait trop grande — deux fois à peu près —, autant celle qui va de la Furna aux Montañas serait raccourcie, et l'on devrait donc faire violence à la carte dans les deux directions, ce qui ne saurait se justifier.
Il résulte de ce qui précède que l'on doit admettre comme fondée l'hypothèse d'après laquelle la carte de Juan de la Cosa a été i n e x a c t e m e n t interprétée par les cartographes postérieurs, et que sa baie sans nom correspond à la baie actuelle de Maranhão.
582
— 5 8 3 —
A vrai dire, on ne sait pas jusqu'à quel point la carte
de Juan de la Cosa a été mise à contribution par les carto
graphes postérieurs. Mais la note inscrite par Ribeiro 1) sur
sa carte de 1529, d'après laquelle cette côte aurait été visitée
une ou deux fois immédiatement après la découverte de
l'Amérique méridionale et n'aurait été revue par personne
depuis lors, autorise à croire que les cartographes qui sui
virent de la Cosa ont, jusqu'en 1540 environ, purement et
simplement puisé dans les cartes établies par les premiers
découvreurs ou dressées d'après leurs données. Parmi ces
sources, la carte de Juan de la Cosa occupa une place mar
quante. C'est par elle seulement que peut s'expliquer la
question Marañon-Maranhão, ainsi que celle de la « Furna
grande». Une comparaison de ce document avec les cartes
ultérieures de cette époque montre en effet que les succes
seurs de Cosa prirent sa baie méridionale sans nom pour
la Mar-Dulce, le Marañon, et qu'ils firent du Golfo de Sta
Maria une grande baie, la «Furna grande».
Majollo, dans ses cartes de 1519 et de 1527, place la
baie sous l'équateur, puis, au sud-est, une large embou
chure fluviale qu'il nomme en 1519 La mare dolce, et en
1527 Paricuria la dulse; cette embouchure fluviale, accom
pagnée à gauche de la Costa de paricuria, est située à 2° S
environ sur la carte de 1519, et à 4° S environ sur celle
de 1527. Il dessine ensuite plus à l'est une autre embou
chure fluviale, à laquelle il ne donne aucun nom, et finale
ment un Rio de elli maralion en 1519, un Maranon en 1527.
On ne voit pas clairement où il emprunte ces derniers; il
est probable qu'il n'a pas puisé directement dans la carte
de Cosa, car la sienne diffère trop de celle-ci.
La carte de Turin porte, sous 2° S, une large embou-
1) Voi r M. F . I, page 255.
— 5 8 4 —
chure fluviale sans nom, accompagnée à gauche de la Costa de paricura. La carte de Weimar figure la Furna grande sous l'équateur et, par 2 ° S, un grand fleuve à large embouchure, nommé Maranhon, accompagné à gauche de la Costa de paricura. Ribeiro concorde en cela avec la carte de Weimar , sauf qu'il donne au grand fleuve le nom de Marañon. Chaves ressemble à ces deux car tes ; toutefois, il n'indique pas de Furna grande, mais seulement une Pta de la Furna, et il ajoute au Rio Marañon la désignation: Mar dulçe.
Il est donc constant que pour toutes ces cartes la grande embouchure fluviale est le cours d'eau appelé plus tard fleuve des Amazones, la Mar-Dulce de Vicente Yañez Pinzon. La carte de Weimar et celle de Ribeiro entendent également par là toute l'embouchure de l'Amazone et non pas seulement le Rio Para . Cela ressort incontestablement des considérations suivantes :
Le fleuve des cartes de We imar et de Ribeiro, comme le fleuve sans nom de la carte de Turin, est le seul grand fleuve de toute la côte nord-orientale ; il renferme des îles et il a sur la rive occidentale la Costa de paricura « qui l 'accompagne fidèlement à l'Ouest » (M. F . I, page 253). M. F . I, page 250, parlant de la carte de Turin, considère à juste titre cette paricura comme « un signalement». Con-séquemment, elle doit posséder la même qualité dans les cartes de Weimar et de Ribeiro. On voit par les cartes de Majollo et par les écrits de Pierre Martyr et d'Oviedo que la Mar-Dulce reçut de bonne heure le nom de Marañon, Maragnon, Maragnonus. Du fait seul que la «Furna grande» est située sous l'équateur, on ne peut conclure qu'elle représente réellement le bras septentrional de l'Amazone. Il faut retenir en outre que la carte de We imar et celle de Ribeiro mentionnent près de la Furna grande une «Aldea», c'est-à-
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dire un village, dénomination qui placée dans une embouchure de fleuve n'a pas de sens 1), et finalement que Ribeiro assimile son Maranon à la Mar-Dulce de V . Y. Pinzon par la remarque suivante, inscrite à l'ouest de ce fleuve: « L e Rio de Maranon est très grand, et les navires y entrent pour faire de l'eau douce; jusqu'à vingt lieues en mer ils puisent de l'eau douce » (voir M. F . I, page 255). Cette observation ne se justifiant que pour l'Amazone, et, d'après Tardy de Montravel (Revue coloniale, août 1847, pages 409-410, citée dans R. B . I, page 51), seulement entre le Cap Magoari et le Cap de Nord, on doit reconnaître que la carte de Weimar et celle de Ribeiro confondent la baie méridionale sans nom de Juan de la Cosa avec son embouchure du fleuve des Amazones, la Mar-Dulce. Mais les deux cartes placent cette embouchure à l'endroit qui lui revient en réalité dans l'ensemble des côtes.
Tout d'abord il faut encore revenir à la carte de Chaves. Les déductions tirées de l'examen de ce document dans M. F., appellent une nouvelle étude des faits.
Il est dit dans M. F. I, page 259: « L'erreur que laissait entrevoir la carte de Diego
Ribero s'affirme ici : l'embouchure du Marañon est portée sensiblement au sud de sa position véritable, à une latitude qui tient probablement à une confusion de noms, puisqu'elle équivaut, en réalité, à celle de la baie de Maranhão. Mais la vaste échancrure, la Furna, qui s'ouvre entre le cap Blanco et la pointe del Placel, ne permet pas de méconnaître, entre l'Équateur et le 1 e r degré de latitude Nord, l'amorce de la véritable embouchure du grand fleuve. Cherchons, à partir de la pointe del Placel, la première riviere qui se présente vers l'Ouest-Nord-Ouest : nous trou-
1) Voir également R. B . I, page 52.
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vons à une distance de 20 lieues, entre 1 degré et demi et 2 degrés de latitude nord, le Rio de Vicente Pinson. »
Ainsi, l'embouchure de l'Amazone ne devrait pas concorder avec l'embouchure du Marañon dans la carte de Chaves, car Chaves aurait confondu un fleuve Maranhão avec le Marañon, et l'embouchure du véritable Marañon serait plutôt représentée par la «Furna» , comprise entre le Cabo Blanco et la Pta del Placel. Pour prouver le bien-fondé de ces assertions, M. F . s'appuie sur les indications de latitude fournies par Oviedo. Oviedo donnant à l'embouchure du Marañon une latitude de 2 1/2 au sud de l'équateur, cette embouchure ne peut pas, d'après M. F . , être celle de l 'Amazone, mais vraisemblablement par suite d'une erreur - on voulait, par là, représenter le Maranhão. La «Furna» étant marquée entre l'équateur et 1 0 de latitude nord, elle représente manifestement la large baie de l'embouchure de l'Amazone. Telle est l'argumentation de M. F.
Il a été dit antérieurement ce qu'il faut penser des déterminations de positions géographiques faites à cette époque et démontré qu'on ne peut en tirer aucune conclusion positive. De ce que, sur la carte de Chaves, le Rio Marañon est situé sous 21/2°de latitude sud, c'est-à-dire sous le parallèle de la baie actuelle de Maranhão, il ne s'en suit pas forcément que ce ne soit pas le Marañon, et le fait que la Furna se trouve placée sous l'équateur, là où les cartes modernes font figurer l'embouchure de l'Amazone, ne prouve pas non plus que la Furna doive, en réalité, représenter cette embouchure.
Oviedo 1) fournit des renseignements si détaillés sur
1) Oviedo, 1. c., R . B . II , pp. 5 et suiv., 11 et suiv. ; I V , pp. 4 et suiv., 8 et suiv.
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la question du Maranon de la carte de Chaves qu'aucun
doute ne saurait subsister. 11 dit clairement, et en s'ap-
puyant sur la déposition orale de Vicente Yañez Pinzon
lui-même, que le Marañon est identique à la Mar-Dulce.
Il dit de l'embouchure du Rio Marañon qu'elle ne se com
pose pas d'un seul bras. Il parle des nombreuses îles qui
se trouvent dans l'embouchure et dont les cartes n'indi
quent que quelques-unes sans les nommer, ainsi que des
nombreux bas-fonds. Il relate la puissance avec laquelle les
eaux de ce fleuve se déversent dans la mer et le fait qu'on
peut puiser de l'eau douce encore à 10 ou 12 lieues en mer.
Il mentionne que l'embouchure comprend deux bras princi
paux, dont celui de l'est est désigné sous le nom de Rio
de Navidad, tandis que celui de l'ouest conserve le nom
de Marañon. Cette embouchure, une des choses les plus
remarquables que Dieu ait créées au monde, se serait
appelée autrefois Mar-Dulce, précisément parce que l'on
trouve encore de l'eau douce très avant dans la mer ;
Vicente Yañez Pinzon l'aurait découverte en 1500 et il
aurait raconté à Oviedo lui-même qu'il avait puisé de l'eau
douce à une distance de 30 lieues au large de l'embou
chure de ce fleuve.
C'est bien là le tableau complet et caractéristique
de l'embouchure du fleuve des Amazones. Mais en ce qui
concerne la latitude, Oviedo-Chaves tomba dans la même
erreur que ses prédécesseurs Freducci, Majollo, les auteurs
de la carte de Turin et de la carte de Weimar, ainsi que
Ribeiro. C'est sur ce point, c'est-à-dire sur la latitude, que
l'erreur existait, mais elle ne portait pas sur le fleuve que
l'on avait en vue.
Les considérations qui suivent viennent encore à l'appui
de cette interprétation touchant la détermination de l'em
bouchure de l'Amazone sur la carte d'Oviedo-Chaves :
— 5 8 8 —
Majollo établit une distinction précise entre la Mar-Dulce avec « Paricura » à l'ouest, et la baie du Maranon, au sud-est; Freducci également. La carte de Weimar et celle de Ribeiro ont la Paricura ; leur Marañon est par conséquent la Mar-Dulce. 11 figure à la même place que celui de Chaves ; ce Marañon de Chaves est donc aussi la Mar-Dulce. Or, le seul fleuve répondant à ces indications est l'Amazone.
Juan Lopez de Velasco, 1571-1574 dans sa « Geografia de las Indias », cite en partant du nord: Rio de Vicente Pinzon 2 3 / 4
0 N, Rio de la Vuelta, L a s Planosas, Furna grande : « prés du Cabo Bianco, à l'entrée et embouchure du Rio de Orellana, du côté occidental». 11 place par conséquent la « Furna grande » à l'ouest, l'embouchure du Rio de Orellana (Amazone) à l'est du Cabo Bianco, et les distingue clairement l'une de l'autre.
L a description d'Oviedo indique enfin qu'il faut entendre par la Furna une large baie bien ouverte, dont la côte est fermée et nettement tracée à l'intérieur, et qui, suivant l'interprétation graphique de M. F. lui-même (I, page 257), reçoit des fleuves côtiers, le Rio Aldea et le Rio de las Planosas, ce qui exclut l'hypothèse d'une puissante embouchure fluviale.
2. Dans ce qui précède, il a été constaté que les cartographes postérieurs à Juan de la Cosa commirent une grave confusion. Cette erreur, dans laquelle ils demeurèrent ancrés, resta sans conséquence sur leurs cartes en ce sens que le grand fleuve y occupe la position relative exacte par rapport au reste de la côte. Comment cette erreur a-t-elle pu être commise ?
1) R . B . II, page 14; I V , page 11.
— 5 8 9 —
La carte de Juan de la Cosa, à laquelle il faut revenir, accuse une altération considérable dans la partie de la côte située à l'est du fleuve des Amazones. Il ressort du tableau comparatif ci-dessus que sa baie suffisamment caractérisée pour pouvoir être identifiée avec l'embouchure de l'Amazone occupe la position relative suivante : elle embrasse l'espace compris entre le point situé à 15 km au sud-est du C. d'Orange et l'embouchure du Sinnamarie. La pointe orientale (désignée par A dans le tableau) de sa baie sans nom, dans laquelle débouche un fleuve, est située à 86 km au sud-est du cap continental C. Raso do Norte, par conséquent directement dans l'embouchure de l'Amazone. Les cartographes postérieurs qui utilisèrent la carte de Cosa devaient donc, s'ils tenaient compte des données fournies par les navigateurs sur les distances côtières et leurs rapports réciproques, arriver forcément, vu les proportions du dessin de Cosa, à cette conclusion que sa baie sans nom représentait la Mar-Dulce. En outre, la présence du puissant cours d'eau se déversant dans la baie contribuait à la confusion en tendant à faire croire qu'il s'agissait du « grand fleuve ». On sait de quelle haute considération jouissait le «maître de cartographie », et combien, dans ce temps-là, on aimait à s'appuyer, les yeux fermés, sur des autorités lorsqu'on se trouvait en présence de questions difficiles ; aussi, s'explique-t-on que pour la position de l'équateur l'on s'en soit tenu scrupuleusement à Cosa, dont l'autorité paraissait être un sûr garant d'exactitude. L'équateur demeura indissolublement lié à la grande baie, l'embouchure de l'Amazone de Cosa. Mais comment la cartographie en vint-elle, après Cosa, à enlever de la place qui leur avait été attribuée à l'origine les noms seulement, tandis qu'elle laissait l'équateur au même endroit? Ce point reste inexpliqué. Peut-être a-t-on supposé que Cosa lui-même avait simplement commis une erreur
5 9 0
dans le placement des noms, ce qui expliquerait la situation
non modifiée de l'équateur.
La baie sous l'équateur, laquelle, d'après le dessin de
Cosa, peut être réellement prise pour une baie, a, dans
la suite, reçu une position des plus variables. Personne,
semble-t-il, n'a rien su de précis à cet égard, et cependant
on ne voulait pas la supprimer. Sur la carte de Majollo
1519, son point central se trouve, d'après le tableau ci-
dessus, page 540, à 377 km au nord-ouest du C. d'Orange
(60 km à l'ouest du Maroni). Sur la carte de Majollo, 1527, le
Rio de visenty Janes occupe à peu près le milieu de la baie;
il est situé à 639 km au nord-ouest du C. d'Orange (40 km
au nord-ouest du Corentyne). La carte de Turin n'a pas de
Furna grande; Freducci n'en a point dessiné non plus. La
carte de Weimar place le milieu de la baie (en se basant
toujours sur les tableaux comparatifs) à 75 km au nord-ouest
du C. do Norte, et la carte de Ribeiro à 48 km; il est im
possible de tirer de Chaves une indication précise à ce sujet.
Ce qui frappe dans la revue des documents cartographiques,
c'est que la Furna n'est représentée que sur les cartes offi
cielles et sur celles qui accusent avec celles-ci un degré
de parenté très rapproché (Majollo). Il est donc a supposer
que la confusion doit remonter à un ancien padron real,
peut-être à celui de 1508.
Enfin, une question s'impose: une autre baie, qui pour
rait correspondre à la baie de Maranhão, n'avait-elle pas
été dessinée dans la partie manquante, à l'est de la baie
sans nom de Cosa? On verra plus loin comment, sur la base
de la relation de voyage d'Orellana, l'embouchure de l'Ama
zone a été replacée à l'ouest, dans la situation primitivement
exacte que lui avait attribuée Cosa. Il y aura lieu d'examiner
alors le point suivant: la Furna grande disparaît-elle dès
que l'Amazone apparaît à l'ouest du Maranon ? On peut par
- 591 -
anticipation répondre affirmativement à cette question et ajouter que l'embouchure de l'Amazone réapparaît alors exactement sous l'équateur, comme dans Cosa.
Si Cosa, dans la partie manquante de sa carte, avait marque une autre baie qui correspondrait à la baie actuelle de Maranhão, il n'y aurait eu, dans la confusion de cette baie avec l'embouchure du Marañon — confusion qui devait avoir pour conséquence l'apparition, à l'ouest de celle-ci, d'une deuxième embouchure fluviale plus puissante encore
aucune raison de supprimer la Furna grande. Car Cosa avait, entre la baie devenue la Furna grande et celle qui aurait disparu de sa carte, dessiné la baie sans nom avec le grand fleuve qui s'y jette. En revanche, si aucune baie ne figurait dans la partie manquante de la carte de Cosa, le grand fleuve, par la confusion dont il vient d'être parlé, devait déboucher dans son ancien estuaire qui était devenu la Furna. La disparition de la Furna grande constitue par conséquent une preuve qu'aucune autre baie n'était marquée dans la partie manquante de la carte de Cosa, et que la baie sans nom avec le fleuve qui y aboutit, située au sud-est de la Mar-Dulce, représente la baie de Maranhão et non le Rio Para.
3. Précisant le point de vue adopté par l'arbitre, il y a lieu d'adhérer à la manière de voir de M. F., lorsqu'il dit que la baie de Maranhão aurait été confondue avec l'embouchure du fleuve des Amazones dans la carte de Weimar et dans celles de Ribeiro et de Chaves. Il faut ajouter toutefois que cette erreur était commune à tous les cosmographes connus de cette période, qu'elle n'existait que par rapport à la carte de Cosa et qu'elle ne provenait pas de la situation cm fleuve des Amazones, lequel, sur ces cartes, est figuré à sa place exacte. La large baie désignée sous le nom de «Furna grande» est une réminiscence de l'embouchure primitive de l'Amazone de Juan de la Cosa.
Mais la question de savoir quelle influence cette erreur a exercée sur le dessin des côtes en général et sur le placement des noms en particulier n'est pas pour autant résolue ; elle exige encore un examen spécial. Car on peut supposer que le déplacement de l'embouchure de l'Amazone vers le sud-est a eu son contre-coup sur le tracé des côtes de la région avoisinante.
L'arbitraire avec lequel différents cartographes de l'époque ont traité la nomenclature rend cette question extrêmement difficile à résoudre et l'on est obligé de s'en tenir aux points nettement établis. Voic i les faits qui peuvent être considérés comme décisifs :
a) La caractéristique Costa de Paricura participe au déplacement vers le sud-est. Elle ne figure pas sur Juan de la Cosa ; on ne connaît son origine que d'après les récits du voyage de Vicente Yaflez Pinzon. Mais il est hors de doute qu'elle est située sur la rive gauche de l'embouchure de l'Amazone. Majollo, Freducci, la carte de Turin, la carte de Weimar et Ribeiro l'ont tous déplacée avec le fleuve vers le sud-est ; ce n'est que dans Chaves-Oviedo que le nom manque, mais il ne figure nulle part sur cette carte.
b) Las planosas de Juan de la Cosa participent également au déplacement vers le sud-est. Sur la carte de Turin, elles se trouvent à peu près au milieu de l'espace compris entre l'embouchure de l'Amazone et le Rio de Vicet ianes; sur la carte de Majollo, 1527, elles occupent également, sous le nom de « Las planas », le milieu de la section située entre l'embouchure de l'Amazone et le Rio de Visenty Janes ; sur celle de Chaves, elles sont devenues un « Rio de las Planosas », qui débouche juste au point de la côte où les Mémoires français voudraient placer l'embouchure de l'Amazone.
592
— 5 9 3 —
c) Les « Motes » de Juan de la Cosa lorsqu'elles sont figurées sur les cartes ultérieures — suivent aussi le déplacement. Elles sont marquées sur la carte de Turin sous le nom de Motas, sur celle de Weimar sous le nom de Montañas, dans Ribeiro sous la dénomination de Môtañas, et dans Chaves sous celle de Las Montañas, à peu près à la même distance relative du grand fleuve que celle à laquelle elles se trouvent de la Mar-Dulce dans Juan de la Cosa.
d) La «Furna grande», là où elle est reconnaissable, revêt le caractère d'une côte continue. Ribeiro, que M. F . invoque en premier lieu, fait figurer sur cette côte, d'accord avec la carte de Weimar, une «Aldea» (village, habitations); à cette place, Chaves fait déboucher un Rio de Aldea, un Rio de las Planosas et un Rio de la Vuelta. La carte de Turin ne porte pas cette Furna, et l'on serait fort embarrassé d'y placer, comme le demandent les Mémoires français, l'embouchure primitive de l'Amazone. En général, après Chaves, la baie disparaît, même sur les cartes de ceux qui, postérieurement au voyage d'Orellana, conservent à l'embouchure de l'Amazone la position méridionale (position erronée d'après la carte de Cosa).
On arrive donc à la conclusion que le déplacement de l'embouchure de l'Amazone vers le sud-est a conduit les cartographes des 40 premières années du XVIe siècle à déplacer dans le même sens la côte tout entière et que, par suite, il n'est pas admissible de se contenter de ramener l'Amazone dans la «Furna grande» en laissant tout le reste dans une situation inexacte.
5 9 4 —
2.
L'Amazone d'Orellana et le développement de la cartographie
jusqu'à la fin du XVIe siècle.
En 1541 et 1542, Francisco de Orellana descendit le fleuve des Amazones ; il rapporta en Europe la nouvelle de son voyage et la connaissance du fleuve puissant qui, de l'ouest à l'est, développe ses longs méandres à travers le Nouveau Monde. Différentes cartes parues à cette époque donnent une idée nette de la façon dont les cartographes contemporains d'Orellana ont interprété les indications fournies par lui. Il convient de distinguer à cet égard les cartes d'origine sévillane de celles qui remontent à des sources portugaises.
a) C A R T E S DE SEBASTIANO CA B O T T O ET DE D I E G O GUTIERREZ,
DE 1544 ET 1550.
1. La carte de Sebastiano Cabotto (A. F . , n° 1, A. B . I, n° 6) porte le nom de son auteur et la date de 1544 Ruge, 1. c , page 67, présume que cette carte a été gravée à Anvers. A-t-elle été publiée sur l'ordre de la Casa de Contratacion ? Le doute subsiste sur ce point.
Quoi qu'il en soit, Cabotto ayant été, de 1518 à 1547 (avec de longues interruptions toutefois), piloto-mayor de la Casa, sa carte mérite d'être prise en considération, bien que, sous le rapport de l'exécution, elle reste en arrière de la carte de Weimar de 1527 et de celle de Ribeiro de 1529. Harrisse, dans son ouvrage intitulé : John and Sebastian Cabot, London 1896, page 288, appelle cette carte « the
1) V o i r Annexes, planche n° 5.
— 5 9 5 —
most imperfect of all the Spanish maps of the X V I t h century which have reached us» (R. B . I, page 67). En revanche, M. F . I, page 261, note 1, dit: «Tel qu'il est, néanmoins, ce document est un des plus remarquables que nous ait laissés la cartographie du X V I e siècle ».
Le parallèle suivant montre que, pour établir sa carte, Cabotto s'est principalement servi du Padron real de Chaves. On lit sur:
Chaves Cabotto
15. El Aguada 16. P t a Primera 17. Golpho de Negros 18. Playa del Placel 19. Playa de las Pesquerias 20. Pta del Palmar 21. R. del Placél 22. Tierra de Humos 23. B . de Sanct Vicente 24. C. del Hueste 25. P t a de Allende 26. P t a de Corrientes 27. P t a de Fumos ó Humos 28. C. de Corrientes 29. R. Naubor 30. R. Segundo 31. R. de Johan de Lisbona Rio de juan de lisbon
C. de fumos Baya de todos Santos Rio de los escla
Rio de nabar Rio segundo
Aguada Primera
Tierra baxa de Corrientes
P. del palmar Baya de fumos Rio del placel
32. B . de Todos Sanctos 33. C. de los Esclavos 34. R. de Navidad 35. R. Mavañon
36. R. de los Esclavos Maragnon Rio de los esclavos
38
— 5 9 6
C h a v e s Caballo
37. R. de las Arboledas 38. Costa de Laxas
Rio de pesqua Arboleda
39. C. Blanco 40. Pta de la Furria 41. R. de Aldea 42. R. de las Planosas 43. R. de la Vuelta 44. Pta del Placel 45. R. de Vicente Pincon 46. Las Montañas 47. Furna 48. Aldea 49. R. B a x o 50. Pta de la Arboleda
51. La Playa
Rio de arecife C. blanco
Amazonas
Rio de uincenanes Montaguas Furna
Aldea queina Rio baxa
Playa
La concordance dans la suite des noms saute aux yeux 1). Quelques divergences s'expliquent comme suit :
Les nos 21 et 22 de Chaves sont intervertis dans Ca-botto ; celui-ci a laissé de côté les n o s 23 et 24 de Chaves, et , au lieu du n° 25 , il a une tierra baxa , tirée sans doute de cartes antérieures ; Cabotto place le n° 27 de Chaves après le n° 31 du même ; du n" 33, Cabo de los Esclavos, Cabotto fait un Rio de los Esclavos ; le Rio de pesqua de Cabotto correspond au R. de pasqua de Ribeiro, il manque dans la carte de Chaves ; le Rio
1) M. F . I, page 261, reconnaît également cette concordance, en disant de la carte de S. Cabotto, qu'elle « ne s'éloigne guère de la carte d'Alonzo de Chaves ».
— 597 —
de arecife de Cabotto peut provenir de cartes plus an
ciennes.
Ce qui frappe avant tout dans la carte de Sebastiano
Cabotto, c'est la construction du canevas. On a l'impression
que Cabotto pourrait avoir cherché à le construire par une
projection sinusoïdale (projection sinusoïdale de N. Sanson).
Les parallèles de latitude, horizontaux et situés à égale
distance les uns des autres, les méridiens incurvés, conver
geant dans la direction des pôles en se rapprochant du
méridien central tracé en ligne droite, caractérisent ce
système de projection dont le but est de représenter les
degrés de longitude, aux différentes latitudes, dans leur
longueur véritable (c'est-à-dire sans l'altération qu'offrent
les cartes plates). Mais Cabotto a commis une grosse faute
en donnant aux degrés de longitude à l'équateur une lon
gueur égale aux 63% des degrés de latitude, au lieu de
leur assigner la même valeur. Les proportions admises par
Cabotto à l'équateur correspondent à celles qui existent à
la latitude de 49-50°. Le canevas de Cabotto accuse des
proportions exactes pour la latitude de 58-60°, où la lon
gueur d'un degré de longitude est le 52 % du degré de
latitude. Dans le voisinage de l'équateur, près du bord occi
dental de la carte (voir A. B. 1, n° 6), on lit l'indication « mil-
liaria 621/2 ». Cette mention ne peut guère avoir d'autre
signification que celle-ci, à savoir qu'un degré de longitude
comprend 15 6/ 8 leguas (voir plus haut l'exposé touchant
cette question). Mais il convient de faire remarquer qu'en
1524, à Badajoz, Sebastiano Cabotto, conjointement avec-
Thomas Duran et Juan Vespucci, représentait l'opinion que
171/2 leguas doivent équivaloir à un degré. Si l'on admet
que les degrés de latitude de Cabotto sont calculés à raison
de 171/2 leguas, la longueur de 15 5/ 8 leguas représente 89 %
de ce chiffre; ainsi ce rapport n'offre pas de concordance
— 5 9 S —
avec le dessin qui indique 6 5 % 1)• Les reproductions pré
sentées de la carte de Cabotto ne renfermant pas d'échelle,
il n'est pas possible de poursuivre les recherches sur ce
point.
Pour appliquer la méthode de comparaison jusqu'ici
suivie, deux moyens se présentent, qui seront utilisés l'un
et l'autre :
a) La carte est considérée comme si l'échelle des
latitudes seule était donnée, ou, ce qui revient au même,
comme si l'échelle des longitudes concordait avec celle des
latitudes. C'est le cas ordinaire.
b) On tient compte de la disproportion qu'offre l'échelle
des longitudes par rapport à l'échelle des latitudes. Dans
1) L a déclaration ci-après, que Cabotto fit également à la conférence de Badajoz, montre comment il faut peut-être comprendre sa car te : « Moins on attribue de lieues au degré, plus la circonférence de la terre est petite, ce qui est tout à fait dans l'intérêt de Leurs Majestés» (Na-varrete, 1. c , I V , page 339) ; qu'on veuille bien remarquer l'accord qui existe entre cette déclaration de Cabotto et sa carte. Harrisse relate dans T h e Diplomatie History of America, 1. c , page 9 4 : « . . .we see Sebastian Cabot, the Pilot Major of Spain, recommend to Philip II . a method of his own invention for taking the longitude at sea, which, if ever applied, would have caused errors actually amounting to sixty degrees, that is, one-sixth of the circumference of the globe ! » Harrisse renvoie sur ce point à son ouvrage: John Cabot, the Discoverer of North America, and Sebastian his Son, London 1S96, pp. 296-308. Il semble ressortir de cela, ou bien que Cabotto ne possédait pas sur ces questions un jugement très net, ou bien qu'il a intentionnellement présenté la chose autrement qu'il ne la considérait lui-même. S a carte et sa déclaration de Badajoz mentionnée ci-dessus semblent parler en faveur de cette dernière supposition. On est continué dans cette opinion par le principe suivant que formulèrent les astronomes et les pilotes espagnols à Badajoz et qui est reproduit dans Navarrete, 1. c , I V , page 349: «Il est notoire en cosmographie qu'un nombre plus petit de lieues sur les parallèles éloignés de l'équateur correspond à un nombre plus grand de degrés . . . Chaque cercle parallèle est d'autant plus petit qu'il s'éloigne davantage de l'équateur ». Il s'en suit que l'on connaissait, au moins d'une manière générale, les proportions réelles.
— 5 9 9 —
C a r t e d e S . C a b o t t o 1
1544
Indication des sections Distances en leguas et en
kilomètres
Distances en pour-cent de la Longueur totale
C. de S. agustin 3)
Rio segundo
Point A 4)
Point B 5)
C. blanco
Point C 6)
Rio de uincenanes
Point X
Longueur totale
236 1. = 1501 km
40 1. = 254 km
17 1. = 108 km
491. = 312 km
324 km
16 1. = 102 km
161 1. = 1024 km
570 1. = 3625 km
41.4
7.0
2.9
8.6
9.0
2.8
28.3
100.0 %
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
su r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , page 522
C. de S. Agostinho
294 km à l'ouest de S t a Anna
16 km a l'ouest de Tijoca
131 km au nord-ouest de Tijoca
67 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
24 km à l'ouest du C. d'Orange
135 km à l'ouest du C. d'Orange
Point X
d'après Stieler 3970 km
C a r t e d e S . C a b o t t o 2 ) 1544
Indication des sections Dis tances en leguas et e n
k i l o m è t r e s
Distances en pour-cent de la longueur totale
C. de S. agustin 3)
Rio segundo
Point A 4 )
Point B 5)
C. blanco
Point C 6)
Rio de uincenanes
Point X
Longueur totale
310 1. = 1972 km
60 1. = 382 km
261. = 165 km
3 6 9 km
801. = 509 km
25 1. 159 km
190 1. = 1208 km
749 1. = 4764 km
41.4
8.0
3.5
7.7
10.7
3.3
25.4
100.0 %
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
su r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , page 5 2 2
C. de S. Agostinho
294 km à l'ouest de Sta Anna
56 km a l'ouest de Tijoca
195 km au nord-ouest de Tijoca
40 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
119 km à l'ouest du C. d'Orange
250 km au nord-ouest du C. d'Orange (72 km à l'est du Maroni)
Point X
d'après Stieler 3970 km
1) Tableau dressé d'après la méthode a. 2 ) Tableau dressé d'après la méthode b. 3 ) L e nom de C. de S. agustin est assez difficile à déchiffrer, car il tombe juste dans la bande où la carte est endommagée. «C. de S a» se
trouve à l'est du méridien principal, « gustin » est repoussé quelque peu vers l'équateur, à l'ouest du même méridien. 4 ) L e point A est la pointe orientale de la baie dans laquelle se jette le Rio maragnon. 5 ) L e point B est la pointe occidentale de la baie dans laquelle se jette le Rio maragnon, pointe située au nord-ouest de A, près du Rio de pesqua. 6) L e point C est la pointe occidentale de l'embouchure du grand fleuve sans nom, un peu au nord de l'équateur.
58 1. =
51 1. =
- 600 —
cette intention, on a opéré de la manière suivante : la côte a été divisée en petites sections formant autant que possible des lignes droites, de telle sorte que la ligne de côte de chaque section peut être considérée comme l'hypoténuse d'un triangle rectangle dont les deux autres côtés représentent la différence de longitude, soit de latitude, des points extrêmes, Puis, considérant la différence de longitude comme ayant 6 5 % de sa valeur réelle, on a fixé la longueur correspondant à cette valeur réelle. La différence de latitude restant la même, on obtient de la sorte un nouveau triangle dont l'hypoténuse représente la longueur de la section de côte corrigée. De cette manière, il a été tenu compte du rapetissement qu'a subi la côte sur la carte de Cabotto.
Voici ci-contre les tableaux résultant de l'application de ces deux méthodes :
Mesurée d'après la méthode a, la longueur totale, conformément au tableau précédent, est de 570 1. = 3625 km, au lieu de 3970 km, ce qui correspond à un raccourcissement de 3)45 km, soit de 6.5 %• D'après la méthode b, la longueur totale est de 7491. = 4764 km, au lieu de 3970 km, d'où un allongement de 764 km = 20.0 %. La question de savoir quel tableau donne les résultats les plus exacts reste pendante; toutefois, d'après ce qui a été dit, il semble que ce soit le deuxième.
11 y a lieu de remarquer que les distances relatives, exprimées en pour-cent, ne peuvent pas concorder exactement sur les deux tableaux, attendu que par la méthode b ce sont les sections de côte orientées dans la direction est-ouest qui éprouvent le plus grand allongement, tandis que celles qui ont la direction nord-sud n'en subissent aucun.
Il résulte des tableaux que le point A s'identifie avec Tijoça et que, par conséquent, le Rio maragnon, avec la
6 0 1
large baie formée par son embouchure, occupe la place de l 'Amazone actuel. Toutefois, ainsi que le montrent les tableaux, on ne peut guère considérer la baie à l'est du Rio maragnon, dans laquelle débouche le Rio segundo, comme étant la baie de Maranhão. Mais qu'en est-il du large et grand fleuve le long duquel Cabotto n'a pas marqué de nom, mais qui, sans aucun doute, doit représenter l 'Amazone ? Il se trouve déplacé beaucoup trop à l'ouest, dans une situation relative tout-à-fait inexacte, et il occupe à peu près la position relative que Juan de la Cosa avait assignée à son G. de Santa Maria, à son Amazone, c'est-à-dire à la Mar-Dulce. D'après le tableau concernant la carte de Cosa, l 'embouchure de l 'Amazone va, sur cette carte, d'un point situé à 10 km au sud-est du C. d 'Orange jusqu'au Sinnamarie ; son milieu (en situation relative) tombe par suite à 87 km au nord-ouest du C. d'Orange. Et , comme dans la carte de Juan de la Cosa, l'embouchure de l 'Amazone dans celle de Cabotto se trouve exactement sous l 'équateur. Elle prend la place qu'occupe, sur les car tes officielles antérieures de Weimar et de Ribeiro, la baie dont la position est intimement liée à l'équateur, c'est-à-dire la Furna grande. Sur la car te de Weimar , le milieu de la Furna grande est situé à 75 km au nord-ouest du C. do Norte ; sur celle de Ribeiro à 48 km au nord-ouest du même cap. Dans la car te de Cabotto, le milieu du grand fleuve tombe, d'après la méthode a, à 111 km au nord-ouest du C. do Norte, et d'après la méthode à 172 km de ce cap. Cabotto n'a plus de Furna grande. Comme il a été expliqué précédemment, les car tographes postérieurs à Cosa, en utilisant les données de sa car te , ont commis une erreur qui, en principe, a été rectifiée sur la car te de Cabotto, mais dont la suppression équivaut, en réalité, d'après ce qui vient d'être dit, à une faute gros-
— 6 0 2 —
sière. D'ailleurs le fait que, par la réintégration de l'Amazone dans sa position première, les proportions de la carte de Cosa sont rétablies et que la Furna grande a disparu, prouve que Cosa, dont la carte a été évidemment consultée, n'avait figuré aucune autre baie dans la partie manquante de son dessin, et que sa baie sans nom avec l'embouchure du grand fleuve représente, non pas le Rio Para, mais la baie de Maranhão.
Le Rio de uincenanes, reconnaissable aussi par les Montagnas qui l'accompagnent à l'ouest comme étant le
fleuve Vincent Pinçon des cartes officielles antérieures, occupe sur la carte de Cabotto la même place que sur celle de Chaves. Dans cette dernière, il est situé à 246 km au nord-ouest du C. d'Orange; d'après la première méthode employée pour l'examen comparatif de la carte de Cabotto, il se trouve à 135 km, et d'après la deuxième, à 250 km au nord-ouest de ce cap ; la concordance avec Chaves est dès lors évidente. L e tableau suivant indique la latitude de quelques points de la carte de Cabotto.
C a r t e d e S . C a b o t t o 1544
Indication des points Latitude
C. de S. agustin Point A 1 ) . Embouchure du grand fleuve . . . . Rio de uincenanes Point X
1) D 'après l'exposé précédent, ce point est ident
9 ° 6 ' S 2 0 30' S
sous l'équateur 1 ° 0 ' N
8° 24' N
ique au cap Tijoca.
— 6 0 3 —
Ce tableau accuse, entre le point A et le Rio de uincenanes, une différence de latitude de 8° 30'. Or le point A représente l 'embouchure de l 'Amazone dans sa position relative exacte . Si l'on part de l 'hypothèse que l 'équateur passe par ce point, il y a concordance entre la latitude du Rio de uincenanes et celle que Jodocus Hondius 1598, Théodore de B r y 1599, j oannes de L a e t 1625, Rober t Dudley 1646, Nicolas Sanson 1650, Pier re Duval 1664 et Guillaume de l'Isle 1700, par exemple, admettent pour le Wiapoco
L 'exposé qui précède dispense de parler du t racé des côtes en général dans la car te de Cabotto. L e dessin de son Maragnon, qui rappelle fortement la baie Ho maranha de la car te de la Riccardiana, offre seul de l 'intérêt; on constate aussi sur la carte de Cabotto la présence des deux fleuves caractérist iques et il se peut que ce cartographe, pour son dessin tout au moins, ait aussi utilisé la car te de la Riccardiana ou un prototype de cette dernière-
L 'examen de la car te de Cabotto fournit la réponse à la question du rapport existant entre le Marañon de Chaves et l 'Amazone de Cabotto.
On a vu que Chaves identifie le Marañon avec la Mar-Dulce. Cabotto maintient le Marañon de Chaves, qui se présente sur sa car te sous le nom de Maragnon, entre deux Rio de los esclavos, tandis que Chaves le situait entre un Cabo et un Rio de los Esc lavos . L e Rio de pesqua de Cabotto figure comme Rio de pasqua sur la car te de Ribeiro et sur celle de Weimar , immédiatement à l'ouest de la Costa de paricura et du Marañon. L a concordance saute aux yeux. Dans le Maragnon de Cabotto, on reconnaît le Maranhom et Marañon de la car te de W e i m a r et de Ribeiro, le Marañon, la Mar-Dulce de
1) V o i r le tableau, pp. 728, 729.
— 6 0 4 —
Chaves-Oviedo. Mais Cabotto dessine l ' A m a z o n e comme une ligne sinueuse se déroulant régulièrement et aboutissant sous l'équateur, et inscrit cette légende : « Rio de las Amasonas descubrio Francesco de Orellana . Orel-lana étant revenu de son voyage en 1542 et la carte de Cabotto étant datée de 1.544, il y a toute apparence que Cabotto crut qu'Orellana avait découvert un nouveau fleuve dont l'embouchure était déjà connue de Cosa qui avait voulu la figurer sur sa carte par la large baie de Sta Maria. C'est ce fleuve que Cabotto introduisit dans sa carte.
Après son Maragnon qui, comme il a été démontré, concorde, quant à la position, avec le Marañon de Chaves, viennent dans l'ordre suivant sur la carte de Cabot to: Rio de los esclavos — Rio de pesqua — Arboleda - Rio de areeife - C. blanco Amazonas. Sur la carte de Chaves, par contre, on lit : R. de los Esclavos — R. de las Arboledas Costa de Laxas C. Blanco. L e Cabo blanco figure dans Cabotto comme dernier cap à droite du fleuve des Amazones. A la place occupée par l'embouchure de l'Amazone de Cabotto, on rencontre les noms suivants dans Chaves : Pta de la Furna - R. de Aldea -R. de las Planosas — R. de la Vuelta Pta del Placél. Viennent ensuite, sur la carte de Chaves, le Rio de Vicente Pinçon et Las Montañas. Sur celle de Cabotto, le Rio de uincenanes, également avec les Montagnas, fait immédiatement suite à l ' A m a z o n e , sur la rive gauche de ce fleuve.
Il est manifeste que les noms de la carte de Chaves qui manquent dans celle de Cabotto ont dû céder la place au nouveau Rio de las Amasonas dont le dessin emprunte une grande largeur. Mais après avoir ainsi violemment fait place à l'Amazone, Cabotto suit de non-
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veau Chaves; il écrit en complète concordance avec lui: « Uincenanes » 1), Montagnas, Furna, Aldea, Rio baxo.
Il résulte de cette comparaison que Cabotto a ajouté le Rio de las Amazonas au t racé antérieur de Chaves , sans s'inquiéter davantage des modifications que cette adjonction entraînait. Il laissa, par défaut de jugement, le Marañon et le Vicen te Pinzon avec les Montagnas à la place qu'ils avaient occupée jusqu'alors. 2 )
Si Cabotto avait reconnu que son Rio de las Amazonas et le Marañon des car tes antérieures ne constituaient qu'un seul et même cours d'eau, et s'il axait voulu placer ce fleuve sous l'équateur, il aurait dû déplacer vers le nord, dans une mesure correspondante, le dessin cartographique tout entier ; le Rio de Vicente Pinzon eût été alors transporté également de 21/2° plus au Nord.
Il est absolument inadmissible de dire que Cabotto, rectifiant l 'erreur de ses prédécesseurs, a rendu à l 'Amazone la position qui lui appartient, occupée par ce fleuve dans la car te de Juan de la Cosa déjà et que ce faisant il a également rétabli les noms à leur place exacte . Il a été montré précédemment que, lors du transport de la Mar-Dulce dans sa position méridionale, les autres noms se sont déplacés avec elle. Or, Cabotto escamote une por-
1) Chaves-Oviedo écrit : « R io de Vicen te Pinçon ». Malgré la diffé-rence dans leur orthographe, on est d'accord sur l'identité des deux noms. V o i r p. ex., dans M. F . I , le tableau page 263, qui d'ailleurs n'est pas toujours exact .
2 ) L a car te de Desceliers, de 1550 (A. B . I, n° 9) , sur laquel le l 'Amazone se trouve représenté de la même façon typique, illustre cet te manière de procéder. L e s noms de C. de buelta, R . de Fumos, R . do pracel , mall abry sont restés dans son embouchure. On voit clairement comment le grand fleuve a été introduit par une correction sur la carte, sans que le reste du dessin ait été modifié. Cabotto a procédé de la même manière, seulement il a supprimé les noms absorbés par le fleuve.
— 6 0 6 -
tion de côte et supprime toute une série de noms qui, jusqu'alors, avaient appartenu à cette partie.du littoral. On est en droit de se demander ce qu'il est advenu du fragment de côte que Cabotto a mis de côté? Chaves n'a-t-il pas placé son Vincent Pinçon en tenant compte, précisément, de la position qu'il attribuait à la Mar-Dulce, soit au Ma-rañon, en un mot au fleuve de sa carte qui doit être identifié avec l'Amazone actuel? Que signifient les « Montagnas » de Cabotto dans le voisinage de l'Amazone, à une place où il n'y eut jamais de montagnes ?
Si la simple comparaison de Cabotto et de Chaves montre déjà nettement les choses sous leur véritable aspect, elles apparaissent sous un jour non moins clair lorsqu'on compare Cabotto аvеc les cartes modernes.
Ainsi, pour interpréter Cabotto d'une façon exacte, on est obligé ou d'enlever son Amazone de la carte, de le considérer comme n'existant pas, ou de reporter son Vincent Pinçon vers le nord-ouest, à une distance égale à la longueur de côte supprimée.
2. La carte de Diego Gîdierres, 1550 (A. F. , n° 2, A. В . I, nos 7 et <S), porte, d'après A. F . , n° 2, le titre suivant: « Diego Gutierrez cosmógrapho de Su Maj d me fizo en Seuilla, año de 1550». Il est vraisemblable que Gutierrez succéda en 1549 à Cabotto comme piloto-mayor de la Casa de Contratacion.
La carte de Gutierrez, par les noms qu'elle porte au sud-est du « R. de las Amazonas », remonte à Cabotto et à Chaves, tandis que par ceux placés au nord-ouest du grand fleuve, elle rappelle les cartes de la Riccardiana et de Desliens. L'embouchure de l'Amazone est entièrement dessinée d'après la carte de Desliens et la baie de Maranhão avec ses deux cours d'eau caractéristiques, d'après Desliens et la Riccardiana. L'influence des cartographes portugais et
6 0 7 —
français se révèle ainsi clairement sur la carte de Gutierrez, et comme cette influence revêt de l 'importance dans la question qu'il s'agit d'examiner spécialement ici, il faut entrer dans quelques détails au sujet de cette carte.
Une comparaison de Gutierrez avec Cabotto et Chaves , pour la nomenclature au sud-est de l 'Amazone, conduit au tableau ci-après, dont les noms se suivent clans la direction du sud-est au nord-ouest :
G u t i e r r e z l)
Pa lmares P l a c e l C. (?) del P l acé l T é r a de
S a n ui cente
C. del ueste C. de fumos P l a c e l
C. de Coryntes
R . de Naubor R . de ? . . . de fumos B a de todo S tos C. de los esclauos
Marañon R i o de los esclauos
Vis to de lexos (laxos No eujsto mas
Chaves
Pta del P a l m a r R . del P l a c e l T i e r r a de Humos
B . de Sanc t V i c e n t e
C. del Hueste
Pta de Al lende
P t a de Corr ientes
pta de Fumos ó Humos
C. de Corr ientes R. X a u b o r R . Segundo R . de Johan de Lisbona B . de Todos Sanc tos C. de los Esc lavos R . de Navidad R. Marañon R . de los Esc l avos
) R . de las Arboledas
Cabotto
P. del parmar B a y a de fumos R io del placel
T i e r r a baxa de Corrientes
R i o de nabar R io segundo Rio de juan de lisbon B a i a de todos Santos Rio de los e s c l a . . . •
Maragnon Rio de los esclavos R io de pescua Arboledo
1) D 'après A . B . I, n° 8 ; la car te de A . F . , n° 2, diffère quelque peu dans l 'orthographe, mais elle est plus claire. A partir du Marañon, on lit dans la direction du nord-ouest: R io de los esclauos, Vis to de lexos, no eujsto mas, que el fondo, R ° de pascua, Costa de arboledas (?), Costa de lajas (?), C. bianco.
6 0 8
G u t i e r r e z
... f ...
Costa de laxa С. Blanco R. de las Amazonas Rio grrande de las Ama
zonas
Chaves
Costa de Laxas С. Blanco Pta de la Furna
Cabotto
Rio de arecife C. blanco
Amazonas
On ne saurait méconnaître que, pour cette partie de la côte, Chaves en première ligne, et Cabotto pour quelques noms, ont servi de base à Gutierrez. Le Marañon de Gutierrez correspond au Marañon ou Mar-Dulce de Chaves ; c'est par conséquent l'Amazone. En revanche, le Rio de las Amazonas de Gutierrez, qui, comme sur la carte de Cabotto, débouche au nord-ouest du C. blanco, correspond au faux Amazone, tel que Cabotto le figure dans sa carte d'après Orellana. On verra, lors de la discussion de la carte de Nicolas Desliens, que Gutierrez, tant dans le dessin de l'embouchure de l'Amazone que dans le tracé de la côte située au nord-ouest de celle-ci et dans la nomenclature, n'a pas suivi la carte de Cabotto, mais celle de Desliens. C'est alors seulement qu'on pourra montrer que le Rio de Vicente Pinzon de Gutierrez, dessiné par celui-ci près de l'Amazone, sous le nom de
est emprunté à la carte de Desliens à laquelle, par conséquent, il convient de se référer pour ce qui le concerne.
11 n'est pas possible de procéder à un examen de la carte de Gutierrez sur la base de la méthode appliquée aux cartes dont il a été parlé jusqu'ici. Les chiffres suivants permettent quelques comparaisons:
Rio de ui
cente pinçon
— 6 0 9 —
D e la Punta anegada au Rio de uicente pinçon, Gu-tierrez accuse 163 leguas et Cabotto (sans allongement des distances) 161 leguas. Du R. de uicente pinçon au C. Cora, Gutierrez a 14 leguas, Cabotto 16. L 'embouchure de l'Amazone, du C. Cora au C. blanco, mesure 40 leguas d'après Gutierrez, 51 d'après Cabotto et 38 d'après Desliens.
b) C A R T E S PORTUGAISES ET FRANÇAISES DU MILIEU
DU X V I E SIÈCLE.
Jusqu 'à présent, il a été question presque exclusivement des car tes de l 'école sévillane. A partir de 1540, apparaissent au premier plan aussi des car tes portugaises et des car tes françaises concordant avec ce l les-c i sur nombre de points. El les sollicitent l'intérêt, tout d'abord en ce qui concerne la question de l 'Amazone ; en outre, le Rio de Vicen te Pinzon se présente chez elles sous un jour nouveau. Il s'agit ici des car tes de Nicolas Desliens, de celle dite de la Riccardiana, des car tes de Pierre Des-celiers, de Diogo Homem et d ' A n d r é a s Homo.
1. Parmi ces cartes , celle de Nicolas Desliens (A. B . I, n° 5), qui porte la date de 1541, occupe une place spéciale. Toutefois, sur cette carte, le dessin de l 'Amazone concorde à tel point avec celui de Cabotto, qui rapporte expressément à Orellana la découverte de ce fleuve, qu'on doit forcément admettre ou bien que la carte de Desliens n'a été terminée qu'en 1543 ou 1544, ou bien que le fleuve des Amazones y a fait l 'objet d'une adjonction ultérieure. Ruge, I. c , page 61, considère la car te de Desliens comme « la plus ancienne car te française connue sur parchemin dans le style des portulans ». Malheureusement la reproduction présentée à l 'arbitre est très difficile à déchiffrer; cependant voici ce qu'elle permet de reconnaître :
— 6 1 0 —
L e cours inférieur de l'Amazone est représenté avec les mêmes sinuosités d'une régularité géométrique que dans Cabotto. L'embouchure est située sous l'équateur. Comme nom du fleuve, on lit « R. grand », « Mer doulce », « R. grand des amazones ». La rive droite aboutit à un « C. blanc », la rive gauche à un « C. Cora ». L e « Marañon » des cartes antérieures est porté au sud-est de l'Amazone et se reconnaît à deux fleuves caractéristiques qui se jettent dans la baie et qui rappellent le dessin de la Riccardiana.
En mettant en parallèle les séries des noms relevés sur les cartes de Desliens et de la Riccardiana, on obtient le tableau suivant pour la côte située au sud-est de l'Amazone :
Desliens Riccardiana
C. des basses C. das baixas C. d. ? Costa Çusa
— B . do Ilheo B. de lisboa Costa vista B . S. Jan B . de s. J o à Costa descou Costa descuberta Montagnes Môtanhas
— Aneguados — C. de baxas
R. fresco R. fresco Attallay Atalaia R . de ? Rio de mal Ansse Elhacon C. de volta C. de buelta R. de fumos R. de fumos R. de pascoa R. du pcel
— Malabrigo Coste des basses R. de baixas
611 —
Desliens Riccardiana
Coste dellagoas Coste de arboledas Coste de lo goas C. blanc C. baixo
R. de nunho
Après le C. blanc de Desliens vient, dans sa carte, le R. grand des amazones, que la Riccardiana n'a pas. Jus qu'ici, Desliens a évidemment suivi la Riccardiana ou une carte semblable. Il intercale toutefois dans le voisinage de l 'embouchure de l 'Amazone un certain nombre de noms nouveaux. Une comparaison de la nomenclature des deux car tes de Desliens et de Gutierrez, pour la partie de la côte située au nord-ouest de l 'Amazone, montre en revanche que la car te de Gutierrez, pour cette portion de côte, procède de celle de Desliens ou d'une car te similaire; c 'est ce que confirme le tableau suivant :
Desliens Gutierrez
C. C o r a R. danes pinçon I
C. Cora R° de ui
vente
R. de aidea
pinçon R° del aidea
R. de barq R" de la ba rca R" salado R° verde
R. de sol R . V e r t e B a s s e s Ansse
R. de la barqua
Forillans L o s fara llonas R° de la \ barca
— 612
Desliens Gut ierrez
Praia basse Ter ra llana R. doulce
Pta baxa Tera llana R° duce Monte as | paço J R° de canoas R. salado
R. de canoas R. sallado C. des basses C. aneguada p t a . megada
L a carte de Desliens datant de 1540 à 1545 et celle de Gutierrez de 1550, il faut bien admettre ou que Gutierrez a travaillé d'après Desliens pour cette section de la côte, ou que leurs deux cartes dérivent du même original. Une comparaison avec la Riccardiana, que Desliens rappelle sous beaucoup de rapports aussi pour cette section, vient à l'appui de la première hypothèse ; elle est corroborée également par le fait que Gutierrez concorde avec la carte de Desliens dans les divergences que celle-ci présente avec la Riccardiana. L a concordance parfaite du dessin de l'embouchure de l'Amazone prouve également que Gutierrez, pour cette partie de sa carte, procède directement de Desliens.
D'autre part, ce dernier qui, à première vue, paraît s'éloigner de la Riccardiana en ce qui concerne la partie située au nord-ouest de l'Amazone, la suit également pour cette section, comme le montre le parallèle suivant :
Riccardiana Desliens
R. del caciq R. de vecëte R. de anes
C. Cora
R. danes pinçon
39
613
Riccardiana
R. bueno
R. verde
Furna
Arecifes 1) R. de pcel T e r a baixa
Rio dulce Mõte especo R. de canoas R. salado Costa baxa Palmar Aneguado
Desliens
R. de aldea R. de sol R. verde
\ Bas se s | ansse
For i l loas 1) R. de la barqua Praia basse T e r r a llana R. doulce
C. de canoas R. sallado C. des basses
C. aneguada
D e cet exposé il ressor t ceci : Desliens repose essentiellement sur la Riccardiana pour la totalité de la côte ; Gutierrez repose sur Chaves et en partie aussi sur Cabotto pour la portion située au sud-est de l 'Amazone, sur Des liens et indirectement par conséquent sur la Riccardiana pour la partie située au nord-ouest de ce fleuve. L 'Amazone d'Orellana ne figure pas dans la Riccardiana. Desliens, Cabotto et Gutierrez l'ont dessiné d'une façon semblable, mais ne lui ont pas donné une position concordante sur leurs cartes .
L a comparaison de la car te de Nicolas Desliens a v e c Stieler donne les résultats consignés dans le tableau suivant :
1) Areci fes et For i l loas ont la même signification (récifs).
— 614 —
Nicolas Desl iens 1543—1544 (?) P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
sur S t i e l e r
V o i r t ab l eau , page 522 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
sur S t i e l e r
V o i r t ab l eau , page 522
C. S. augustin A
2731. = 1736 km
38.2
C. de S. Agostinho
Point A 1 )
9 5 1 . = 604 km
13.3
167 km à l'ouest de S t a Anna
Point B 2 )
1291. = 821 km
18.1
139 km au nord-ouest de Tijoca
C. blanc
(Mer doulce)
y A
381. = 242 km
5.3
52 km au nord-ouest du C. d'Orange
C. Cora
R. danes pinçon 3 )
y A
211. -134 km
1591. l o i : km
2.9
22.2
262 km au nord-ouest du C. d'Orange
377 km au nord-ouest du C. d'Orange (53 km à l'ouest du Maroni)
C. des basses y Point X
Longueur totale 7151. = 4548 km
100.0% d'après Stieler 3970 km
1) L e point A est, sur le dessin de Desliens, la pointe à l'est de la langue de terre avec le nom Assension, pointe correspondant à la moderne I. de Sta Anna.
2 ) L e point B est la place où apparaît encore faiblement un cours | d'eau qui a été effacé du dessin. Ce point se trouve, sur A. B . I, n° 5,
à 29 mm à l'est du C. bianco. 8 ) On ne peut établir d'une façon précise à quelle embouchure I
fluviale ce nom se rapporte.
— 6 1 5
La longueur totale se monte à 715 1. = 4548 km, au lieu de 3970, et accuse ainsi un allongement de 578 km = 14 .6%.
En reportant la car te de Desliens sur la car te moderne, l 'Amazone vient donc se placer encore à l'ouest du Cap d'Orange, tandis que le Vicente Pinzon tombe à 53 km à l'ouest du Maroni. La comparaison montre que Desliens, procédant comme Cabotto, a introduit l 'Amazone dans l'ancien dessin des côtes sans s'inquiéter des conséquences résultant de ce fait. Mais dans Desliens et Cabotto le t racé des côtes est essentiellement différent quant aux proportions, ainsi qu'il ressort suffisamment de la comparaison des tableaux, pages 599 et 614. Les formes caractérist iques de la baie désignée par Ho maranha sur la Riccardiana se retrouvent dans la car te de Desl iens; toutefois, il est impossible de déchiffrer le nom placé à côté.
En ce qui concerne le Rio de Vicente Pinson, il résulte de la comparaison de la nomenclature de Desliens a v e c celle de la Riccardiana que le R. danes pinçon de Desliens correspond au R. de vecete et au R. de anes de la Riccardiana. Su r les deux ca r t e s , les Montagnas manquent à cet te place. On verra plus loin que le Rio de vecëte de la Riccardiana, reporté sur la car te moderne, vient tomber à 146 km à l'ouest du Maroni, tandis que d'après le tableau précédent il est situé dans Desliens à 53 km à l'ouest du Maroni. Cette différence dans la position relative s'explique par le fait que Desliens, ainsi qu'il ressort d'ailleurs de la comparaison de la nomenclature, a utilisé, outre la Riccardiana, d'autres sources encore, que son dessin des côtes diffère essentiellement de celui de la Riccardiana, et que sa car te présente un allongement de 1 4 . 6 % , tandis que celui de la Riccardiana n'est que de 4 % .
Il résulte de ces considérations qu'on est fondé à identifier le R. danes pinçon de Desliens avec le R. de vecëte
— 6 1 6
et le R. de anes de la Riccardiana. Desliens a ajoute le mot pinçon de son propre chef, peut-être parce qu'il a confondu le R. de vecète de la Riccardiana avec le R. de Vicente Pinçon de Chaves. Cela explique aussi la conception de Gutierrez et l'on comprend dès lors pourquoi ce dernier n'a point placé de Montagnas à côté de son R. de ui-cente-pinçon.
Dans la carte de Desliens figure enfin un Rio fresco, et cela, d'après la nomenclature, en concordance également avec la Riccardiana. Il est situé à 36 leguas = 226 km à l'ouest du point de la côte désigné par B sur le tableau; par suite, sa position relative est à 202 km au sud-est du Cabo do Norte (Maraca). La question du Rio fresco ne pourra être traitée complètement que lors de la discussion touchant la Riccardiana. Alors il y aura lieu de tenir compte tout particulièrement des proportions inexactes du dessin de la côte sur la carte de Desliens.
2. Une importance spéciale s'attache à la carte dite de la Riccardiana et aux cartes de Pierre Desceliers.
La «Riccardiana» (Atlas Kretschmer, planches X X X V I I et X X X V I I I ) doit son nom à la bibliothèque Riccardiana à Florence, où elle est conservée. C'est un atlas de 25 cartes, dont les deux planches indiquées ont trait au territoire contesté. Sans avoir de caractère officiel, la Riccardiana est un exemplaire typique de la cartographie portugaise; par la configuration des côtes, elle permet de reconnaître qu'elle dérive de Canerio, etc. Ruge, 1. c , page 73, estime que cet atlas date de 1540 à 1550. Il est en tout cas antérieur aux cartes de Desliens et Desceliers qui, tous deux, ont travaillé d'après la Riccardiana.
Deux cartes de Pierre Desceliers sont à examiner. L'une, datée de 1546, dite carte de Henri II (Ruge, 1. c., page 67), n'a pas été versée au débat. Mais on trouve dans M. F . I,
6 1 7
paye 275, une reproduction de sa nomenclature pour la côte dont il s'agit. La seconde car te porte la date de 1550; e l le est reproduite dans A. B. I . n° 9. Sa nomenclature concorde assez exactement avec celle de la première. Des-ce l iers , selon R u g e , est regardé comme le créateur de l 'hydrographie française. Il a travaillé d'après la R icca r diana ou d'après un modèle concordant avec elle. Le tableau ci-après met en parallèle les noms de la Riccardiana et de la carte de Descel iers 1550, relevés de l'est à l'ouest. L e s points sur lesquels la car te de Descel iers de 1546, selon le tableau de M. F . I, page 275, accuse des divergences avec celle de 1550 font l'objet d'une note spéciale.
Riccardiana
Ho maranha Finare T e r r a dos fumos Punta do pracel Costa apçeiada R. de Sa marcel 2 ) B . de do leite R. de Sa paulo C. das baixas Costa Çusa B. do Ilheo Costa vista
Desceliers 1550
Marignan
C. do P. de pcel
R. de S. Paulo 2 ) B. de diogo leite R. St Marcial C. des basses
Ba ia s pequas 4 )
B. de Lisbon 5 )
l ) Desce l ie rs 1546 a « P ina te » et « R . de famus ». 2) L e s noms de R . de Sa Marce l et R. de Sa Paulo sont inter
vertis sur Desce l ie rs 1546 et 1550. M. F . I, page 275, écr i t : Drogoler te , au lieu de diogo leite.
3) Desce l ie rs 1546 a « Coste caia ». 4 ) Desce l ie rs 1546 a « B a y e de l 'Islet ». 5 ) Manque sur Desce l ie rs 1546.
— 6 1 8 —
Riccardiana B. de S. J o à Costa descuberta Môtanhas Aneguado C. de baxas R. fresco Atalaia Rio de mal Elhacon 2 ) C. de buelta R. de fumos R. do pcel Malabrigo R. de baixas R. de nunho C. baxo R. del caciq R. de vecëte R. de aues R. bueno R. verde
Descelier s 1550
B . de S. Ihan Coste descouuerte Monta ignés Anegat l )
C. des basses R. fresco Atallaca R. de mal Ansse C. de buelta 3 ) R. de fumos R. du pcel Mallabry R. des basses R. de munho C. des basses R. de caciq 4) R. de vincente 5 ) R. de anes 6) R. de bueno 7) R. verde
en même temps
embouchure de
l'Amazone
L a concordance des deux cartes dans la nomenclature est à peu près complète. L e tableau ci-dessous, page 620,
1) Desceliers 1546 a « Anegadas ». 2 ) «Elhacon» tire probablement son origine du mot « Ancon », qui dé
signe en espagnol une petite baie propre au mouillage. L e nom correspond donc également au mot français « ansse ».
3 ) Desceliers 1546 a « C. de la tournée » (?). 4) Desceliers 1546 a « R . du cacique ». 5 ) Desceliers 1546 a « R . de Vincent ». 6 ) Desceliers 1546 a « R . des oiseaux » (?). 7) Desceliers 1546 a « R . de bien » (?).
— 619 —
dressé d'après la méthode usuelle, fera facilement saisir la corrélation existant entre elles.
D'après ce tableau, la longueur totale de la portion de côte mesurée est, pour la Riccardiana, de 649 leguas = 4128 km, au lieu de 3970 km; l'allongement est donc de 158 km ou de 4 . 0 % . Desceliers, pour cette longueur totale accuse 656 leguas = 4173 km, au lieu de 3970 km, soit un allongement de 203 km ou de 5.1 %.
Les trois faits suivants revêtent une importance toute particulière.
a) L'Amazone du type Orellanien ne figure pas dans la Riccardiana. Cette carte n'a que le «Ho maranha», mais il est repoussé à l'est de l'Amazone par rapport à la carte moderne. L e côté gauche de l'embouchure, formé par la Tierra do fumos, est situé à 71 km à l'ouest de Ti joca. Le Ho maranha de la Riccardiana est donc évidemment l'Amazone. Desceliers 1550 marque l 'Amazone; quoique ce fleuve n'y présente pas les sinuosités exagérées qu'on remarque dans Cabotto, on reconnaît facilement qu'il est dessiné d'après la conception Orellanienne. On voit que Desceliers n'a introduit qu'après coup le grand fleuve dans la carte et qu'il a procédé absolument de la même manière que Cabotto, avec cette différence toutefois qu'il laissa subsister les noms occupant antérieurement la place du fleuve nouvellement introduit. L a position qu'il lui donne ressort clairement du tableau précédent, qui montre en outre que Desceliers se rattache complètement à la Ric cardiana pour le reste du dessin. L e Marignan de Desceliers occupe une position semblable à celle du Ho maranha de la Riccardiana.
b) En ce qui concerne le Rio de Vicente Pinzon, la grande différence que ces cartes présentent avec celles de Séville saute aux yeux. C'est en vain que dans la Riccar -
620
C a r t e d e la R i c c a r d i a n a
Distances en
Indication des sections leguas et en
kilomètres
Distances en
pour-cent de la
longueur totale
Points cor respondants
sur Stieler
Vo i r tableau, page 5 2 2
C a r t e d e P i e r r e D e s c e l i e r s
Indication des sections Dislances en
leguas et en
kilomètres
Distances en
pour-cent de la
longueur totale
Points cor respondants
sur Stieler
V o i r tableau, page 5 2 2
C. de satagosto
Rio grande
C. àpcelada 1)
Fumos
Point A 2 )
R. fresco
Elhacon
Malabrigo
R. de vecëte
Costa baxa
Longueur totale
214 1. = 1361 km
59 1. = 375 km
50 1. = 318 km
77 1.=
490 km
23 1. = 146 km
17 1. = 108 km
32 1. = 204 km
48 1. = 305 km
129 1. = 821 km
y
649 1. = 4128 km
33.0
9.1
7.7
11,8
3.5
2.7
7.4
19.9
C. de S. Agostinho
40 km a l'est de Sta Anna
234 km à l'est de Tijoca (322 km au nord-ouest de Sta Anna)
71 km au nord-ouest de Tijoca
C. do Norte (Ma-raca)
126 km au sud-est du Cap d'Orange (55 km au sud du Cachipour)
20 km au sud-est du C. d'Orange
175 km au nord-ouest du C. d'Orange
468 km au nord-ouest du C. d'Orange (146 km à l'ouest du Maroni)
Point X
100.0% d'après Stieler
3970 km
C. S. augustin
R. Grande
C. du pracel 1)
C. do (fumos ?)
Point A 2 )
R. fresco
Ansse (rive orientale du grand fleuve)
Mallabry (rive occidentale du grand fleuve)
R. de vincente
Coste basse
Longueur totale
A
227 1. = 1444 km
y A
67 1. = 426 km
y A
28 1. = 178 km
y A
96 1. = 611 km
y A
21 1. = 134 km
y A
18 1. = 114 km
y A
31 1. = 197 km
y A
47 1. = 299 km
y A
121 1. = 770 km
y
656 1. = 4173 km
34.6
10.2
14.6
2,8
7.2
18.4
100.0%
C. de S. Agostinho
24 km à l'ouest de Sta Anna
128 km à l'est de Tijoca (429 km au nord-ouest de Sta Anna)
44 km au nord-ouest de Tijoca
83 km au nord-ouest du C. do Norte (Manica)
56 km au sud-est du C. d'Orange
56 km au nord-ouest du C. d'Orange
242 km au nord-ouest du C. d'Orange
528 km au nord-ouest du C. d'Orange (206 km à l'ouest du Maroni)
Point X
1) Ces points correspondent, d'après le dessin, à l'île de Sta Anna de 2 ) L e point A est le point situé entre les noms de Costa descuberta
la carte moderne. et Môtanhas, respectivement Coste descouuerte et
d'après Stieler 3970 km
Montaignes.
4.9
4.3
3.2
4.7
— 621
diana et Desceliers, on cherche cette riviere dans la situation relative qu'elle occupe sur Chaves comme aussi sur Cabotto. Mais, en revanche, apparaît loin au nord-ouest, un «R . de vecëte» (Riccardiana), ou « R. de vincente » (Desceliers), inconnu des cartes de Séville. Il est accompagné d'un groupe de noms qui semble lui appartenir : à droite, le R. del caciq, à gauche, le R. de anes ou aues et le R. bueno. Des « Montanhas » ne lui sont pas adjointes. C'est à juste titre que M. F. I, pages 27b et suivantes déclare que ce R. de vecëte ou R. de vincente n'est pas le Rio de Vicente Pinzon qui nous occupe. Il a été constaté précédemment que parfois le nom du saint et le nom du navigateur se rencontrent déjà sur les plus anciennes cartes. Il n'est pas impossible non plus que le mot «Vicente » ait formé à l'origine, avec le terme « anes » placé au-dessous, un seul nom: Vicenteanes, et que, sous cette forme, il se soit rapporté à Vicente Yañez Pinzon. Mais cette riviere est beaucoup trop éloignée de l'Amazone, c'est-à-dire du Maranha ou Marignan, pour qu'elle puisse être identifiée avec le Rio de Vicente Pinzon de la cartographie officielle espagnole. De plus, les noms voisins de la riviere, le R. de caciq et le R. bueno — totalement étrangers aux cartes espagnoles — de même que l'absence des «Montagnas», indiquent qu'on ne peut reconnaître le fleuve contesté dans ce R. de vecete ou vincente septentrional.
c) Enfin, un « R. fresco » porté sur ces cartes mérite d'être examiné de plus près. Il se trouve dans le voisinage des «Montanhas» (Montaignes), qui sont situées plus à l'est et à côté desquelles on lit « Costa descuberta » (Coste descouuerte). Le Portugal, dans ses mémoires de 1698 et 1699, a prétendu que le Rio de Vicente Pinzon serait identique à un Rio fresco qui prendrait sa place sur quel-
— 622 —
ques ca r t e s 1). D 'au t re part, le vois inage des montagnes et la mention de la « côte découver te » appellent aussi l 'attention sur c e Rio fresco.
Un R i o fresco figure déjà clans Majollo 1527 et dans Freducci , mais ces deux ca r t e s le marquent au sud-est de la Mar-Dulce , c 'est-à-dire à une p lace qui ne cor respond en tout c a s pas aux indications des mémoires portugais . S u r la R i c c a r d i a n a et Desce l i e r s , en revanche , le Rio fresco apparaît au nord-ouest du « H o maranha » (Marignan), par conséquent , d 'après l 'exposé qui précède , au nord-ouest de l 'Amazone actuel . Pa r contre , clans la ca r te de Desce l i e r s de 1550, il est situé au sud de son (faux) Amazone . D ' a p r è s M. F . 1, page 275, il doit, sur la ca r t e de 1546, se t rouver au nord de l 'Amazone ; mais comme la série des noms concorde dans les deux ca r t e s de Desce l i e r s , c e déplacement ve r s le cô té nord-occidental du grand fleuve ne peut se concevo i r que si Desce l i e r s en 1546 a marqué son A m a zone beaucoup plus au sud-est qu'en 1550. La car te de 1546 n 'ayant pas été remise à l 'arbitre, il ne saurai t obtenir un résultat positif sur c e point. Cela d'ailleurs est indifférent, attendu que, pour pouvoir por ter un jugement motivé sur les c a r t e s de Desce l i e r s , l'on doit faire en tout ca s abs t r ac tion de son Amazone .
La comparaison a v e c la ca r t e moderne montre que le Rio f resco de la R icca rd iana et de Desce l i e r s se t rouve en rappor t étroit a v e c le R io cle V i c e n t e Pinzon. D ' a p r è s la Riccard iana , il tombe à 55 km au sud du Cachipour , et d 'après Desce l i e r s , à 56 km au sucl-est du Cap d 'Orange , soit un peu au nord-ouest clu Cachipour . Anticipant sur les constatat ions ultérieures, il y a lieu de s ignaler ici déjà que, clans la ca r t e cle J a n van D o e t de 1585 (A. B . I,
1) V o i r ci-dessus, pp. 200, 220.
6 2 3 —
n° 30), le Rio freseo tombe à 12 km au sud-est du Cap d'Orange. D'autre part, il a été dit ci-dessus à la page 616, que le Rio fresco de Desliens vient se placer à 202 km au sud-est du Cabo do Norte (Maraca). Desliens ne concordant, en ce qui touche les proportions du dessin, que très imparfaitement avec la Riccardiana, tandis que Desceliers conserve beaucoup plus exactement les dimensions de cette dernière carte, il s'ensuit une notable différence entre la position du Rio freseo de Desliens et celle de cette riviere dans la Riccardiana, Desceliers et van Doet. Mais la. Riccardiana, Desceliers et van Doet fournissent l'explication du fait que le Rio freseo a pu être identifié avec le Cachipour.
La « Costa descuberta » représente par conséquent la côte ou une partie de la côte du Contesté actuel. Seule la situation des Montanhas (Montaignes) reste en question. Ou bien, il s'agit ici d'un déplacement de noms remontant déjà à une époque antérieure, ou bien l'on doit admettre, aussi dans ce cas, que les Montagnas correspondent réellement aux montagnes situées près de l'embouchure de l 'Oyapoc, ce qui conduirait alors à assimiler le Rio freseo, sinon à l 'Oyac près de Cayenne, du moins — et cela d'accord avec R. B . I, page 86, — à l'Approuague actuel. Comme la Riccardiana, de même que les cartes de Desliens et de Desceliers, reste très inférieure aux cartes officielles espagnoles au point de vue de l'exactitude du dessin général de la côte, une telle erreur est parfaitement possible ; c'est pourquoi il convient de ne pas attribuer aux résultats acquis par la méthode employée l'importance que l'on est fondé à leur donner lorsqu'il s'agit des cartes officielles espagnoles.
3. Enfin les cartes de Diogo Homem et Andreas Homo méritent une attention particulière.
— 624
I a été soumis à l 'arbitre trois car tes différentes de Diogo Homem, Por tugais qui vivait à Ven i s e ; les deux plus anciennes, datées de 1558, concordent approximativement, tandis que la troisième, de 1568, diffère essentiellement des deux autres. L a première se trouve reproduite dans A. B . I, n" 11, la deuxième dans A. B . I, n° 12 et dans A. P . , n° 3, et la troisième dans A. B . I, n" 17".
a) Il convient d 'examiner en premici" lieu les deux car tes de 1558, en prenant pour base l 'exemplaire reproduit dans A. B . I, n" 12, dont la nomenclature est plus claire que celle de l 'exemplaire de A. B . I, n° 11.
Il ressort de la nomenclature que cette car te procède en première ligne de la Riccardiana ou d'une car te concordant avec cet te dernière. C'est seulement dans la partie influencée par l'introduction du nouvel Amazone que l'on constate des divergences qui montrent catégoriquement que, pour cette section, Diogo Homem a puisé aux sources sévillanes. Cet te portion de la côte doit donc être traitée à part. L e parallèle suivant montre la concordance de cette ca r te avec la Riccardiana :
Riccardiana Diogo Homem 1558 O maranham
Baia
T e r r a dos fumos
Ho maranha Pinare T e r r a dos fumos Punta do pracel Costa apçelada R. de Sa marce] B . de do leite R . de Sa paulo 1) C. das baixas
R. de Sam Palo R . das baixas
B . de dioguo leite
Costa aparcelada R. de S à migell
1) L a concordance dans la suite des trois derniers noms indique que c 'est la Riccard iana et non pas Descel iers , qui a été mise à contribution.
— 6 2 5 —
Riccardiana
Costa Çusa
B . do Ilheo Costa vista B . de S. J o ä Costa descuberta
Diogo Hontem 1558 P. da costa susa Costa do parçell R. do Ilheo Costa baixa B . de S. Joham Costa descuberta
Ici se place l'Amazone de Diogo Homem et, en passant toute une série de noms à l'ouest du fleuve, on reprend l'énumération au point où la Riccardiana et Homem concordent de nouveau. Loin au nord-ouest se trouvent les noms suivants:
Riccardiana Malabrigo
R. de baixas de nunho
C. baxo R. del caciq R. de vecëte R. de aues R. bueno
Diogo Homem 1558 C. de Sa F r c o
Playa R. de nuno C. de muchas baxas R. del saquine R . de Vte
R. bueno
Il ressort tout d'abord de ce parallèle et de la comparaison du dessin cartographique, que Diogo Homem a emprunté le groupe de noms : R. del saquine — R. de Vte — R. bueno — à la Riccardiana ou à une carte similaire et que, par conséquent, d'après ce qui a été dit antérieurement, il n'y a pas lieu de s'occuper davantage du R. de V e de Homem.
Après avoir établi ci-dessus la concordance avec la Riccardiana, on passera à l'examen détaillé des points sur lesquels il y a divergence. La comparaison portant sur la
— 626 —
partie de la côte qui n'a pas encore été prise en considération donne le tableau suivant :
Riccardiana
Costa descuberta Motan bas Aneguado
C. de baxas R . fresco Atalaia Rio de mal Elhacon C. de buelta R. de fumos R. de pcel
Diogo Homem 1558
Costa descuberta (Embouchure de l 'Ama
zone d'après le type Cabotto)
Plata C. blanco
Far ina (furna) grande Aldea Planosa R. de la buelta Plaiall
R . de V e pinto Montanhas
— Arboledo R. da furna C. do pracell
— B . de muchas islas Malabrigo C. de S. F r c o
On tentera vainement de découvrir une connexion entre ce s deux séries de noms. El les sont complètement étrangè res l'une à l'autre, bien que quelques noms, tels que Montanhas, la Fu rna grande et Elhacon, le R. de la buelta et le C. de buelta, le C. do pracell et le R. do pcel, figurent dans les deux car tes . Mais la présence du R. de V e pinto accompagné des Montanhas, la Furna grande, la Planosa, l 'Aldea et le R . de la buelta rappellent immédiatement le Padron real de Chaves . S i l'on met en parallèle les noms de Chaves et de Diogo Homem 1558, on obtient les séries suivantes :
— 6 2 7 —
Chaves Diogo Homem 1558
R. de los Esclavos R. de las Arboledas Costa de Laxas C. Blanco Pta de la Furna R. de Aldea R. de las Planosas R. de la Vuelta Pta del Placél R. de Vicente Pinçon Las Montañas Furna Aldea R. B a x o P t a de la Arboleda
Plata C. blanco Farina grande Aldea Pianosa R. de la buelta Plaiall R. de Vte pinto Montanhas Arboledo 1) R. da turna C. do pracell B . de muchas islas
Embouchure de l'Amazone
Les deux séries concordent à de petites divergences près ; tout ce que l'on peut dire, c'est que Homem n'a peut-être pas utilisé la carte même de Chaves, mais une carte établie sur le modèle de celle-ci. Si l'on considère encore que Diogo Homem place le nom de « L a s amazonas » à côté du grand fleuve 2 ) , qu'il écrit à l'embouchure de celui-ci: «Mare aque dulcis», et qu'il figure avec vigueur cette mer d'eau douce par un ton bleu foncé, on voit clairement de quels points de vue il est parti dans l'établissement de sa carte.
Diogo Homem est, autant qu'on peut en juger, le
1) Arboledo correspond à la Pta de la Arboleda de Chaves, le R . da furna à la Furna, le C. do pracell au R . Baxo . E n revanche, la B . de muchas islas est d'origine portugaise.
2) A. B . I, n» 11.
— 628 —
premier qui reconnut que la Mar-Dulce des Sévillans est identique à l ' A m a z o n e d ' Orellana. Il cherche en conséquence à faire concorder l'Amasone avec les cartes de Séville. Il croit pouvoir atteindre ce but en suivant, à partir du Marañon — Mar-Dulce de Chaves et dans la direction du nord-ouest, la nomenclature de ce cartographe.
Si l'on compare, suivant la méthode habituelle, la ca r te de Diogo Homem de 1558 avec la car te moderne, on obtient le tableau ci-contre :
L a longueur totale est ainsi de 701 leguas, soit 4458 km, au lieu cle 3970, d'où il résulte que, par rapport à la car te moderne, la car te de Diogo Homem 1558 accuse pour la partie considérée un allongement cle 488 km, ou cle 12 .3%.
Ce tableau montre que Diogo Homem, clans sa car te cle 1558, établit une distinction — exac te en principe — entre la baie cle Maranhão et l 'Amazone— Mar-Dulce. Il repousse trop à l'ouest la baie de Maranhão et dessine l 'embouchure cle l 'Amazone à sa place exacte , mais en lui donnant une beaucoup trop faible largeur. Il place le Rio de Vicen te Pinzon à 95 km à l'ouest clu Cap d 'Orange , ce qui concorde a v e c Chaves . L e R. cle Vte septentrional tombe à 691 km au nord-ouest clu Cap d 'Orange et doit être vraisemblablement identifié avec le Corentyne actuel.
Il résulte de ces considérations que Diogo Homem 1558, se basant sur les cartes officielles espagnoles de l'époque de Chaves, a introduit le Rio de Vicente Pinson dans la cartographie portugaise en l'identifiant avec l'Oyapoc actuel.
b) Il est singulier que Diogo Homem, clans sa car te de 1568, ait abandonné cette conception, qui doit être considérée comme tout à fait exac te , et se soit rapproché de la version de Desliens-Cabotto-Gutierrez. En cela, il suit
Car te de Diogo H o m e m 1558
Indication des sections Distances Distances en
en leguas et en pour-cent de la kilomètres longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, p a g e 5 2 2
C. de S. agostinho
T e r r a de S. V t e
Pointe orientale de Omaranham
Point A 1 )
Point B 2 )
R. de Vte pinto
R. de Vte
C. raso
Longueur totale
212 1. = 1348 km
68 1. = 432 km
103 1. = 655 km
31 1. = 197 km
82 1. = 522 km
105 1. = 668 km
100 1. = 636 km
y
701 1. = 4458 km
30.2
9.7
14.7
4.4
11.7
15.0
14.3
C. de S. Agostinho
151 km à l'est de Sta
Anna
234 km à l'ouest de S t a Anna
262 km au nord-ouest de Tijoca
103 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
95 km à l'ouest du C. d'Orange
691 km au nord-ouest du C. d'Orange (38 km au nord-ouest du Co-rentyne)
Point X
100.0% d'après Stieler
3970 km
l ) L e point A est la pointe orientale du grand fleuve. 2) L e point B est la pointe occidentale du grand fleuve.
40
— 6 2 9 —
6 3 0
1) A . B . II, n° 2, et M. F . I, annexe à page 278.
visiblement l 'exemple d'Andreas Homo, qui, dans sa car te
de 1559 déjà, se place à ce point de vue 1).
S u r les car tes d 'Andreas Homo 1559 et de Diogo Ho-mem 1568, l 'embouchure de l 'Amazone affecte une largeur plus grande que sur la car te de Homem 1558. L e « R . de V i c e n t e PTzon » d 'Andreas Homo ou « R. de uicente pinte» de Diogo Homem 1568 est ramené plus près de l 'Amazone, et cependant les « Montanhas » l 'accompagnent. L e « R. de V e » septentrional disparaît, tandis que Diogo Homem conserve au sud la T ie r r a de San Vicen te .
D 'après Ruge , 1. c , page 84, Desl iens aurait servi de modèle à la car te de Diogo Homem de 1568 pour la côte nord-orientale de l 'Amérique du sud. En tout cas , il devrait en être de même pour la car te d 'Andreas Homo en première ligne. Mais la question n'est pas si facile à résoudre. Il importe tout d'abord de procéder à l 'examen des deux car tes selon la méthode de comparaison adoptée, en commençant par la car te de 1568, c a r elle seule permet, vu son étendue, d'appliquer c e procédé.
D 'après le tableau ci-contre, la car te de Diogo Homem 1568 accuse une longueur totale de 742 1. = 4720 km, au lieu de 3970, soit un allongement de 750 km, ou de 1 8 . 9 % . L e s proportions des sections de la côte sont totalement modifiées par rapport à la car te de 1558. L e point A, pointe orientale du grand fleuve (Mare aque dulcis), se trouve, en position relative, déplacé de 417 km vers l'est et figure dès lors à 155 km à l'est de T i joca . L e R. de uicente pinte est rapproché de la pointe occidentale du grand fleuve, c'est-à-dire de la P. del pacel , dans une mesure telle qu'il a subi dans sa position relative, par rapport à la car te de
6 3 1 —
C a r t e de Diogo H o m e m 1568 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2 indication des sections Distances Distances en
en leguas et en pour-cent de la kilomètres longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2
C. de S. agostinho
T e r r a de S. bicente
Pointe orientale près d'Omaranba m
Point A 1 )
P. del pacel 2 )
R. de uicente pinte
C. raso (près de p. anegada)
Longueur totale
187 1. = 1189 km
58 1. = 369 km
82 1. = 522 km
61 1. = 388 km
30 1. = 191 km
3241. = 2061 km
y
25.2
7.8
11.1
8.2
4.0
43.7
C. de S. Agostinho
349 km à Test de S t a Anna
40 km à l'est de Sta Anna
155 km à l'est de Ti joca
369 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
210 km au sud-est du C. do Norte (Maraca) [475 km au sud-est du C. d'Orange]
Point X
C. de S. agostinho
T e r r a de S. bicente
Pointe orientale près d'Omaranba m
Point A 1 )
P. del pacel 2 )
R. de uicente pinte
C. raso (près de p. anegada)
Longueur totale 742 1. = 4720 km
100.0% d'après Stieler 3970 km
1) L e point A est la pointe orientale du grand fleuve. 2 ) P . del pacel correspond au point B du tableau relatif à
la carte de Homem 1558, par conséquent à la pointe occidentale du grand fleuve.
— 6 3 2 —
1558, un déplacement de 570 km vers le sud-est. La com
paraison des tableaux touchant les deux car tes de 1558 et
de 1568 met également en relief des divergences notables
pour les autres parties de la cô te ; aussi peut-on dire que
ces deux car tes diffèrent à tel point l'une de l'autre dans
le dessin des côtes et dans les proportions des diverses
sections qu'on ne saurait plus guère établir de lien entre
elles. En ce qui concerne le t racé des côtes, il ne peut
donc pas être question d'un type Homem.
Pour pouvoir reconnaî t re à quelles considérations et à
quelles influences Homen a obéi dans l 'établissement de
deux car tes très semblables par l 'aspect extérieur, mais
si différentes dans les proportions, il faut examiner con
jointement la car te d 'Andreas Homo, car elle se place
en date entre les deux ca r tes de Diogo Homem, et son
exécution graphique fait supposer de prime abord qu'elle
émane du même atelier que celles-ci. Dans le tableau qui
suit, page 633, les noms des trois car tes Homem sont mis
en parallèle.
On voit clairement par ce tableau que les trois ca r t e s
Homem accusent une grande concordance dans leurs noms.
Pour la partie comprise entre Omaranham et l 'Amazone,
la ca r te d 'Andreas Homo est liée étroitement à celles de
Diogo Homem de 1558 et 1568, tenant, pour ainsi dire, à
peu près le milieu entre elles; la car te d 'Andreas Homo
et celle de Diogo Homem de 1568 sont un peu plus pauvres
de noms que la ca r te de 1558. Andreas Homo assigne au
grand fleuve le nom d'Amazone (R. grande de S. J o de las
Amazonas) , que Diogo Homem 1568 adopte également sous
la forme: « R. de S. J o a m de las amazonas» . Au-dessus de
l 'embouchure figure, dans la ca r te de 1568 comme sur cel le
de 1558, la « Mare aque dulcis », avec laquelle le fleuve est
expressément identifié.
- 633 —
Diogo H o m e m 1558
A . B . I, n° 12
Omaranham
Ba ia T e r r a dos fumos Costa aparcelada R . de Sa Migell B . de dioguo leite R . de Sam Palo R . das baixas P . da costa susa Costa do parcell R . do Ilheo Costa baixa B . de S. Joham Costa descuberta Mareacue dulcis 2)
Em
bouc
hure
de
l'A
maz
on
e
Pla ta C. blanco Farina (furna) grande Aldea Planosa R . de la buelta Placel l R . de Vte pinto Montanhas Arboledo R . da furna C. do pracell B . de muchas islas C de S. Frco
Playa R . de Nuno
Andreas H o m o 1559
A. B . II , n° 2
Omarankào
Costa d. pracel R . de Sào migel B . de diogo leite B . de S. palos
Costa do pracel B . do Ilheo Costa baixa
R . do estremio (?) R. grande de S.
jo de las Amazonas
Em
bouc
hure
de
l'
Am
azo
ne
pta (do) pracel R . de vicente pîzon Montanhas
Islas R . baxo Arbo(ledas) C. de los Islas R . Salado
Diogo H o m e m 1568
A . B . I, n° 17 a
Omaranham Ba grosa T e r a dos fumos Costa apracelada R . de sam migel B . de diogo leite R . de S. palos R . das laxas
Costa apraçalam B . de ilhes
Costa desc (?) M a r c aqne dulcis R. de S. Joam de
las amazonas
Em
bo
uch
ure
de
l'Am
azo
ne
P. del pacel R . de uicente pinte Montagnas
Chaves 1)
Aldea Riboxo Arboledas
R . salso
Este e m b o c a m i e n -to se llamó un tiempo Mar dulce
R. M a r a ñ o n R . de los Esclavos R . de las Arboledas Costa de L a x a s C. Blanco P t a de la Furna R . de Aldea R . de las Planosas R . de la Vuel ta Pta del Placel R.de Vicente Pinçon L a s Montañas
Furna Aldea R . Baxo P t a de la Arboleda L a P laya R . Salado
1) Chaves, comme cela a été dit antérieurement, ne peut entrer en ligne de compte pour la partie située au sud-est de l 'Amazone. C'est la Riccardiana qu'il faut considérer comme source pour cette section de la côte, ainsi que l'a montré précédemment la comparaison de cette carte avec celle de Diogo Homem 1558.
2 ) Su r la carte A . B . I, n° 11, datant aussi de 1558, on l i t : «Mare aque dulcis» et cela au-dessus de l'embouchure, et en outre, sur la rive droite de celle-ci: « R . de S. Joã de las amazonas».
— 6 3 4 —
Au nord-ouest de l 'embouchure de l 'Amazone, toute une série de noms, qui se trouve sur la carte de Diogo Homem 1558, manque sur les car tes de 1559 et 1568; ce sont: Plata C. blanco Farina grande - - Aldea Planosa - R. de la buelta. Puis la concordance des trois car tes avec Chaves est complète pour les noms: pta (do) pracel (P. del pacel) R. de vicente pizon (R. de uicente pinte) - - Montanhas (Montagnas). Dans la p o r t i o n qui suit, les dénominations divergent quelque peu. 11 n'y a pas lieu d'en poursuivre l 'examen. D'après la suite des noms, il est établi que, malgré sa proximité de l'Amazone, le R. de vicente pison (R. de uicente pinte), aussi bien sur la carte d'Andréas Homo que sur celle de Diogo Homem 1568, doit être considéré connue identique au R. de Ve pinto de Diogo Homem 1558 et par là au R. de Vicente Pinçon de Chaves. La présence des montagnes à l'ouest confirme cette manière de voir.
Le tableau suivant, page 635, permettra de mieux juger des différences dans la position du R. de Vicente Pinçon sur les deux car tes de Diogo Homem et d'Andréas Homo. Il comprend la partie de la côte représentée par Andreas Homo, reproduit directement les dimensions des car tes pour ies différentes sections, et exprime celles-ci en pour-cent de la longueur totale, allant ici du C. raso à la pointe orientale près de Marankão.
C e tableau montre que les longueurs totales des car tes de 1559 et de 1568 concordent presque exactement, mais qu'elles présentent une différence de près de 500 km par rapport à la car te de 1558. La car te de Diogo Homem de 1568 s'appuie manifestement sur celle d'Andreas Homo, bien qu'elle offre, relat ivement à cet te dernière, des différences parfois notables. Dans les proportions si différentes qu'accusent les trois car tes , la pointe occidentale de
6 3 5 —
I n d i c a t i o n d e s s e c t i o n s d ' a p r è s
A n d r e a s H o m o
Distances en leguas et en kilomètres, ainsi
qu'en pour -cent de la longueur totale I n d i c a t i o n d e s s e c t i o n s d ' a p r è s
A n d r e a s H o m o Diogo Homem 1558
Andreas Homo 1559
Diogo Homem 1568
°/o 7» %
C. raso
205 1. = 1304 km
48.7 298 1. = 1895 km
59.7 324 1. = 2061 km
65.2
R; de Vicente pizon
82 1. = 522 km
19.5 49 1. = 312 km
9.8 30 1. = 161 km 6.0
Pointe occidentale du grand fleuve (Amazone)
(287 1. = 1826 km)
(68.2) (347 1. = 2207 km)
(69.5) (354 1 .= 2252 km)
(71.2)
31 1. = 197 km
7.3 75 1. = 477 km
15.1 61 1. = 388 km
12.3
Pointe orientale du grand fleuve (Amazone)
103 1. = 655 km
24.5 77 1. = 490 km
15.4 82 1. = 522 km
16.5
Pointe orientale près d'Omaran-kâo
Longueur totale 421 1. = 2678 km
100.0 499 1. = 3174 km
100.0 497 1. = 3162 km
100.0
— 6 3 6
l 'embouchure de l 'Amazone apparaît comme un point stab l e 1 ) ; elle occupe sur les trois car tes presque exactement la même position relative et divise par conséquent la longueur totale en parties respect ivement égales sur toutes trois. L 'examen comparatif de la première partie qui commence au C. raso permet de se rendre compte de la manière dont le R. de Vicente Pinzon s'est déplacé dans la direction de l 'Amazone. L a distance de 48.7 % de la longueur totale, à laquelle il se trouve du C. raso sur la car te de 1558, augmente déjà sur celle de 1559, où elle est de 59.7 %, et s 'accroî t encore sur la car te de 1568 pour atteindre 6 5 . 2 % . L e s distances mesurées de la rive occidentale de l 'Amazone ont diminué dans la même proportion. L e s chiffres montrent clairement que ces conceptions différentes, touchant la situation du R. de V icen t e Pinzon, ne sont point dues au hasard, ce qui ressort d'ailleurs tout aussi nettement de la comparaison de la nomenclature sur le tableau ci-dessus. Celui-ci permet d'établir que la car te de 1559 ne diffère pas , dans le principe, de la car te de 1568, mais que toutes deux s 'écartent essentiellement de la première car te de Diogo Homem, datée de 1558. L e tableau précédent (page 635) indique en outre la modification qu'a subie l'embouchure de l 'Amazone, située dans la deuxième part ie; dans la car te de 1559, sa largeur relative atteint le double de celle qu'elle possède sur la car te de 1558. El le diminue de nouveau quelque peu sur la car te de 1568. Il est donc clair que les proportions devront être inégales aussi dans la dernière section de la deuxième partie.
l ) Mais seulement pour la longueur totale ici considérée; si l'on prend le C. de S . agostinho comme point ext rême, les proportions sont absolument différentes, comme le montrent les tableaux pour les car tes de 1558 et 1568.
— 6 3 7
Si, pour expliquer la distance du R. de Vicente Pinzon à l'Amazone, on prend comme unité la section de côte comprise entre la rive occidentale de l'Amazone et le C. raso, on obtient pour cette distance le chiffre de 8.5 % sur la carte de 1568, dans laquelle le R. de Vicente Pinzon est situé le plus près de l'Amazone. Parmi les cartes dont il peut être question ici , celle de Cabotto est la seule qui accuse une position relative semblable, avec une distance de 9.0 % d'après les mesures prises directement sur la carte, et de 10.2 % d'après les mesures augmentées conformément à la méthode précédemment décrite. La carte de Homem 1558 donne 28 .6%) Andreas Homo 14.1 %, Desliens 11.6 %, Desceliers 2 8 . 0 % . Il ressort de ces chiffres que Diogo Homem, dans sa carte de 1568, passe de Chaves à Cabotto. Au Padron real de 1536, il a, en 1568, préféré comme offrant plus de garantie la carte de Cabotto publiée plus tard. Ce fait est pleinement confirmé par la comparaison de la nomenclature et par l'absence, sur la carte de 1568, de la portion située à l'ouest de l'Amazone, qui figure dans la carte de 1558. Cabotto, pour placer son fleuve des Amazones, supprime les mêmes noms portés sur le Padron real de Chaves à l'ouest de la Mar-Dulce. Un seul nom, retranché comme les autres par Cabotto, est resté dans la carte de Diogo Homem. La P. del placel de Chaves est épargnée par l'Amazone de Homem 1568; elle témoigne clairement que, pour cette carte encore, Homem a aussi utilisé Chaves en ce qui concerne la nomenclature, tout en modifiant le dessin d'après Cabotto.
il résulte de ce qui précède qu'Andreas Homo obéit complètement quant à la nomenclature, et avec une certaine hésitation en ce qui concerne le dessin, à la conception de Cabotto, ou plutôt à sa façon arbitraire de procéder, tandis que Diogo Homem 1568 se rattache entièrement à Cabotto
6 3 8
par le dessin et moins, en revanche, par la nomenclature. L e s car tes de Homo et de Homem elles-mêmes sont des exemples de dessins arbitraires dont les auteurs ne se rendaient pas suffisamment compte de ce qu'ils faisaient figurer sur leurs car tes . S'il en était autrement, comment Diogo Homem eût-il pu donner, sur sa car te de 1568, un allongement excessi f précisément à la partie de la côte dont il avait, suivant en cela l 'exemple de Cabotto, supprimé toute une portion, les noms y compris? L e s autres proportions des dessins de Homem conduisent à la même conclusion.
Toutefois, les trois cartes dont il vient d'être parlé proviennent des mêmes sources, à savoir : la Riccardiana, le Padron real de Chaves et, en outre pour ce qui a trait au dessin des deux plus récentes, Cabotto — non pas Desliens connue l'admet Ruge. Toutes les trois, malgré la situation différente, reproduisent, pur leur R, de Vicente Pinzon avec les montagnes à l'ouest, le R. de Vicente Pinçon de Chaves et par conséquent l'Oyapoc.
c) A U T R E S C A R T E S D U X V I e S I È C L E .
L e s car tes datant de la deuxième moitié du X V I e s iècle correspondent, dans leur grande majorité, à deux types nettement a distinguer. On peut donc les grouper en deux catégor ies ; il suffira de carac tér i ser les principales de ces ca r tes et de c lasser les autres.
1. Le premier groupe est constitué par les cartes portugaises qu'on appellera cartes à cote coudée (Knie-karten).
L e s ca rac tè res distinctifs de ces car tes ont été signalés à la page 497. C e sont : le coude brusque de la côte au Cap de Nord sur la rive occidentale de l 'Amazone, et qui fait saillie comme un genou, puis le t racé du r ivage guya-
6 3 9
nais dirigé presque directement vers l'ouest, et enfin la haute latitude septentrionale de l'embouchure de l'Amazone.
a) Quelques cartes paraissent appartenir à un type de transition, en ce sens que, d'une part, elles relèvent la côte immédiatement à l'ouest de l'Amazone aussi fortement que les cartes à côte coudée proprement dites, tandis que, d'autre part, elles ne possèdent pas la saillie particulière à ces dernières, mais se rapprochent plutôt de Chaves quant à la forme des côtes, et présentent un double coude de la ligne du rivage, avec une baie intermédiaire.
L a carte cle Bartholomeu Velho, de 1561 (A. B . I, n° 14), apparaît comme la plus ancienne carte cle ce genre; sa nomenclature est malheureusement presque indéchiffrable. Il faut renoncer à discuter cette carte de plus près, vu l'impossibilité de la lire l ) .
Les cartes (espagnoles) de Bartholomeo Olives de Mallorca, de 1562 et 1580 (A. B . I, n° 15, et II, n° 6), d'ailleurs fort peu importantes, offrent le même caractère.
Enfin, c'est ici que se place la carte cle Joan Martines, cle 1582 (A. B . I, n° 28). L a nomenclature de cette carte a. subi de telles mutilations qu'une comparaison avec les cartes antérieures ne conduit à aucun résultat. On ne peut que constater une confusion extraordinaire, tant dans la localisation que clans l'orthographe des noms.
Néanmoins, la méthode usuelle de comparaison a été aussi appliquée à cette carte et il en est résulté le tableau suivant :
1) Voi r aussi R . F . , page 250.
— 640 —
C a r t e d e J o a n M a r t i n e s 1582 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
V o i r t ab leau , p a g e 5 2 2 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de !a longueurtotale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r t ab leau , p a g e 5 2 2
C. d. S. aguitino
257 1. = 1635 km
37.5
C. cle S. Agostinho
Point A 1 )
124 l. — 788 km
18.1
186 km au nord-ouest de S t a Anna
Pointe orientale de l 'Oregliana Rio
84 l. = 534 km
12.2
802 km au nord-ouest cle T i j o c a
P. dl. pracell Y A
20 km au sucl-est clu C. d 'Orange
R. d'uicente
74 1. = 471 km
147 1. = 935 km
10.8
21.4
409 km à l'ouest du C. d 'Orange (87 km à l'ouest du Maroni)
C. tassa Y Point X
Longueur totale 686 1. = 4363 km 100 .0%
d'après St ie ler 3970 km
1) L e point A est la pointe qui, d'après le dessin, correspond à l 'actuelle I. de Sta Anna , c'est-à-dire la pointe située à l 'ouest du R i o maandhibco.
— 6 4 1 —
1) A . B . I, nos 18% 18 b , 22 a , 22 b , 26a 2 6 b ; A . B . II , nos 3 et 4.
Ce tableau indique une longueur totale de 6861. = 4363 km, au lieu de 3970 km, ce qui correspond à un allongement de 393 km = 9.9 %• L'Amazone, désigné sur la carte sous le nom de Oregliana Rio, se trouve rejeté à l'ouest, de sorte que la pointe occidentale de l'embouchure arrive à 20 km au sud-est du C. d'Orange. Reporté sur la carte moderne, le R. d'uicente tombe à 409 km à l'ouest du C. d'Orange ou à 87 km à l'ouest du Maroni. En faisant coïncider la P. de pracell, c'est-à-dire la pointe occidentale de l'embouchure de l'Amazone, avec le Cabo do Norte (Maraca), on constaterait que le Rio de Vicente Pinzon tomberait encore, si l'on prend les distances fournies directement par la carte, à 206 km, et si l'on se base sur les distances relatives, à 164 km à l'ouest du C. d'Orange. Par rapport à la section de la côte située à l'ouest de l'Amazone, le Rio de Vicente Pinzon occupe donc une position qui, comparée à celle qu'il a sur la carte de Chaves, n'est que très peu modifiée.
b) L e Portugais Fernão Vas Dourado apparaît — pour la première fois en 1564 — comme le principal représentant du groupe des cartes à côte coudée ; un grand nombre de cartes de cet auteur, datant de 1564, 1568, 1570, 1571 et 1580, ont été remises à l'arbitre 1 ) . Sur toutes les cartes de V a z Dourado, la rive gauche de l'Amazone accuse une saillie vers le nord, jusqu'à 3° et 4° de latitude septentrionale, où la côte, décrivant presqu'un angle droit, prend la direction de l'ouest. A partir du Cap de Nord, facilement reconnais-sable grâce à ce tracé particulier de la ligne du rivage, se lisent, de l'est à l'ouest, les noms suivants: Las planosas
Ro comprido (fleuve allongé ou étendu) — Cabo baxo — Plaia — Ro de Vte pinçon (pimço, pimcom, picom) — Mon-tanhas — Plaia — Arboledas — R° de la barca — Montanhas,
— 6 4 2 - -
etc . L e s Montanhas accompagnent le Vicen te Pinzon, sur sa rive gauche, dans toutes les car tes de Dourado.
L a nomenclature est portugaise, avec des réminiscences de la Riccard iana et de Diogo Homem. L e Rio de pascua, que les car tes de W e i m a r et de Ribei ro placent au nord-ouest du Marañon, figure immédiatement au sud-est de l 'Amazone dans celles de V a z Dourado. Certains noms, tels que L a s planosas, Cabo baxo, Plaia, Rio de la barca , témoignent également d'une utilisation des sources sévillanes.
L a comparaison des car tes de V a z Dourado de 1568 et de 1580 a v e c la car te moderne donne le tableau suivant :
— 6 4 3
C a r t e d e F e r n a o V a z D o u r a d o 1 )
1568 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
C a r t e d e F e r n a o V a z D o u r a d o
• 1580 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
Indication d e s sections
D i s t a n c e s en leguas et en
k i l o m è t r e s
D i s t a n c e s e n p o u r - c e n t de la l o n g u e u r t o ta l e
s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , p a g e 5 2 2 Indication des sections
D i s t a n c e s en leguas et en
k i l o m è t r e s
D is tances en p o u r - c e n t de la l o n g u e u r to ta le
su r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , page 5 2 2
C. de S. agostinho A
255 1. = 1622 km
35.4
C. de S. Agostinho C. de S. agostinho A
263 1. = 1673 km
35.6
C. de S. Agostinho
Point A 2) y A
56 km à l'ouest de Sta Anna
Point A 2 ) y A
75 km à l'ouest de Sta Anna
Costa baixa (pointe orientale du Rio Damazonas)
Las planozas (pointe occidentale du Rio Damazonas)
R. de V e . pimcon
184 1. = 1170 km
77 1. = 490 km
49 1. = 312 km
156 1. = 992 km
25.5
10.7
6.8
21.6
28 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
131 km au nord-ouest du C. d'Orange
401 km au nord-ouest du C. d'Orange (82 km à l'ouest du Maroni)
Costa baxa (pointe orientale du Rio Damazonas)
Lias planozas (pointe occidentale du Rio Damazonas)
R° de V e pin...
180 l. = 1145 km
75 1. = 477 km
47 1. m 299 km
168 1. = 1068 km
24.5
10.2
6.4
23.0
48 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
61 km au nord-ouest du C. d'Orange
345 km au nord-ouest du C. d'Orange (23 km à l'ouest duMaroni)
P. aneguada y Point X Ponta anagada Point X
Longueur totale 721 1. = 4586 km
100.0 % d'après Stieler
3970 km Longueur totale
733 1. = 4662 km
100.0% d'après Stieler
3970 km
1) Cette c a r t e s e c o m p o s e d e d e u x f e u i l l e s n ' a y a n t p a s t o u t à f a i t l a m ê m e é c h e l l e ; p a r s u i t e , u n e réduction a d û ê t r e f a i t e préalablement. 2.) L e p o i n t A e s t l a pointe qui, d ' a p r è s l e d e s s i n , correspond à l ' a c t u e l l e T. d e Sta Anna, et s e t r o u v e u n p e u à l ' o u e s t d u Ro d o s f u m o s .
— 644 —
On obtient ainsi pour la carte de 1568 une longueur totale de 721 1. = 4586 km, au lieu de 3970 km, d'où résulte un allongement de 616 km = 15.5 %. La carte de 1580 accuse une longueur totale de 733 1. = 4662 km, au lieu de 3970 km, ce qui représente un allongement de 692 km = 17 .4%. L'exactitude absolue de ces cartes n'est par conséquent pas très grande.
Deux autres cartes de Vaz Dourado, de 1564 et d'environ 1570, ne comprennent qu'un fragment de la partie de la côte prise en considération. Elles ne peuvent donc pas être discutées comme les deux cartes dont il est question plus haut; si l'on met en parallèle les distances mesurées directement sur ces cartes de 1564 et d'environ 1570, on obtient le tableau suivant:
C a r t e de F e m à o V a z D o u r a d o 1564 (A. B . II, n° 3)
C a r t e d e F e r n a o V a z D o u r a d o environ 1570 (A. B . II, n° 4)
Indication des sections Distances
en leguas et en ki lomètres
Indication des sections Distances
en leguas et en ki lomètres
Razo (près de la Trinidad)
161 1. = 1024 km
P. anegada A
159 1. = 1011 km
R. de V t e . picom y A
49 1. = 312 km
R. de uicete pimcom y A
47 1. = 299 km
Llas pllanozas Llas pllanosas y
Longueur totale 210 1. = 1336 km
Longueur totale 206 1. = 1310 km
Carte de Dourado 1568
205 1. = 1304 km
Carte de Dourado 1580
215 1. = 1367 km
645
D'après les tableaux qui précèdent, les car tes de 1568 et de 1580 témoignent d'une grande concordance dans leur disposition. L a baie de Maranhão a sa situation e x a c t e ; en revanche, l 'embouchure de l 'Amazone se trouve reportée fortement à l'ouest. Sur la car te de 1568, le Rio de V i -cente Pinzon est situé à 401 k m , et sur celle de 1580, à 345 km au nord-ouest du Cap d 'Orange (c'est-à-dire à 8 2 , respectivement 23 km à l'ouest du Maroni). Ce déplacement vers l'ouest est en majeure partie motivé par celui du fleuve des Amazones dans le même sens, ca r si l'on mesure de la rive occidentale de l 'embouchure de l 'Amazone jusqu'au Rio de Vicen te Pinzon, on obtient des distances qui, reportées à partir du Cap de Nord de Maraca, conduisent à l 'Oyapoc. D 'après Stieler , il y a 265 km du Cap de Nord de Maraca au Cap d 'Orange ; de L a s pla-nozas de Dourado au Rio de Vicen te Pinzon, on trouve 812 km sur la car te de 1568 et 299 km sur celle de 1580, ou, en considérant les distances relatives, 270, soit 254 km. L e Cabo do Norte de Maraca doit être pris comme la pointe occidentale de l 'embouchure de l 'Amazone, attendu que d'après les car tes à côte coudée, le territoire de l'île de Maraca se rat tache à la terre continentale. Il y aura lieu de revenir plus tard sur ce point d'une manière plus détaillée.
L e s distances de L la s pllanozas au Rio de V i c e n t e Pinzon dans les car tes de V a z Dourado de 1564 et 1570 concordent également, comme le montre le deuxième tableau, avec celles indiquées par les car tes de 1568 et 1580.
Enfin, le fait que sur toutes les car tes de V a z Dourado, les Montagnas se trouvent à gauche de son Rio de V icen t e Pinzon, confirme l'opinion que le Rio de Vicente Pinson de Vaz Dourado est identique à l'Oyapoc du Cap-d'Orange.
— 6 4 6
LA version portugaise sur la position du Rio de Vicente Pinzon concorde, par conséquent, dans la deuxième moitié du XVIe siècle, avec la conception de la cartographie officielle, espagnole.
c) D'autres cartes de la même période accusent une divergence touchant le Rio de Vicente Pinzon, en ce sens qu'elles le placent plus au nord-ouest, sans l'accompagner des Montagnas, mais comme un fleuve important qui vient de l'intérieur en décrivant un grand arc. Ces cartes donnent également au Cap de Nord la forme caractéristique d'un coude brusque (Knieform) et le relèvent, tout comme Dourado, jusqu'à 3°—4° de latitude nord. Ce sont principalement des cartes néerlandaises qui appartiennent à cette catégorie, comme par exemple Jan van Doet (1585), Arnold Florentin van Langeren (1596 et au delà), Cornelis Wytfliet (1597 et au delà). Cornelis de Jode (1593) 1) diffère quelque peu.
Sur la carte de Jan van Doet figurent, à partir du C. de Nord et dans la direction de l'ouest, les noms suivants : C. do Norte — C. dos Ilheos — R. Fresco— Atalaya
- R. de Mal - Elancon — C. de Buelta - R. de Fumos — R. do Praçel — C. Corientes — R. das Baixas — R. de Nuno — R. del Cacique — R. de Vincête pinco — Ancones — Aldea, etc.
L a série des noms se présente comme suit dans Florentin van Langeren : C. do Norte — R. do Pracel — Rio dos Fumos — Atalaya — B . de Canoas — Rio Apracelado
- R. de Monthana — R. de Arboledas - - Rio de Canoas — Rio de Caribes — C. de Corientes — Costa Braua — R. de Cacique — Rio de Vinçente Pinçon — R. de Lagartos — R. de Ancones — C. los Farilhones — Aldea, etc.
1) A . В . I, nos 30, 36, 41, 42. 41
Cornelis Wytfliet marque : C. de Norte — R. de P r a c e l -Ata laya - E l Ancon — C. de Buelta R. de fumos — R. de Corr ientes — R. de B a i x a s — R. de Niño - R. de Vincente Pinçon — R . de lagartos — Ancones — R . de Canoas , etc .
C'est dans ces car tes qu'on voit pour la première fois le nom de « Cabo do Norte » et quelques petites î les accompagnant ce cap au nord. Du Cabo do Norte jusqu'au Rio de V icen t e Pinzon, la côte se dirig-e directement ou presque directement vers l'ouest, de sorte que l 'embouchure de ce cours d'eau est située à la même hauteur que le Cap de Nord, sous environ 4° de latitude nord. Mais la distance de la riviere à l 'Amazone est beaucoup plus grande que dans les car tes de V a z Dourado et de Chaves . L e s Montagnas font défaut ; en revanche, sur quelques-unes est marqué le Rio del cacique qui, dans la Riccardiana et dans les car tes de Descel iers et de Diogo Homem 1558, est voisin du R i o de V e c ë t e (Vicente) . L a nomenclature de ces car tes néerlandaises s'inspire en partie de la Riccardiana et de Des celiers. Une comparaison montre que le groupe de noms Rio del Cacique Rio de V icen t e Pinzon de ces car tes correspond au R . de vecë te de la Riccardiana .
aa) L a car te de J a n van Doe t (A. B . I, n° 30) frappe parce qu'elle fait figurer un Rio fresco tout près du C. de Nord; aussi exige-t-elle un examen spécial. E n comparant la nomenclature de cet te car te avec celle de la Riccardiana et de Descel iers , on obtient le tableau ci-contre :
647 —
— 6 4 8 -
Riccardiana
Ho maranha
Pinare
Ter ra dos furrios Punto do pracel Costa apcelada R. de Sa marcel B . de do leite R. de Sa paulo C. das baixas Costa Cusa B . do Ilheo Costa vista B . de S. JoA Costa descuberta Motanhas Aneguado
C. de baxas R. fresco Atalaia Rio de mal Elhacon
C. de buelta R. de fumos R. do pcel Malabrigo R. de baixas R. de nunho C. baxa R. del caciq R. de vécete R. de anes R. bueno
Jan van Doet, 1583)
O maranham J . de S. Sebastian Cidade de Nazare T e r r a de Fumos P. de Pracel
R. de Samarcal B . de dio goletto R. de S. Paulo C. das Baixas Costa Cusa B . do Ilheo
B . de S. Juan Embouchure de l'A-
mazone 1) C. do Norte. Te r r a de
Pescadores P. dos Ilheos R. Fresco Atalaia R. de mal Elancon C. de buelta R. de fumos R. do Praçel C. Corientes R. das Baixas R . de Nuno
R. del Cacique R. de Vincente Pinco Ancones Aldea
Desceliers, 1550
Malignan
R. et P. de pcel
R. de s. paulo B . de diego leite R. St Marcial C. des basses
Baias pequas B . de Lisbon B . de S. Ihan Coste descouverte Montaignes Anegat
C. des basses if . fresco Atallaia R. de mal Ansse
C. de buelta R. de fumos R. du pcel Mallabry R. des basses R. de mimho R. des basses R. de caciq R. de vincente R. de anes R. de bueno
Embouchure de
l'Amazone
1) L a carte de Desceliers 1516 place l'embouchure de l'Amazone après « Coste découverte», ainsi qu'on l'a dit antérieurement en se basant sur l'indication de M. F . I, page 275. J an van Doet aurait donc, sur ce point, suivi Desceliers 1546 tandis que, pour le reste, il copie la Riccardiana.
— 6 4 9 —
On constate derechef sur les trois car tes une concor
dance presque complote des séries de noms. E t l'on re
connaît également la façon tout arbitraire dont l 'embou
chure de l 'Amazone y a été introduite. Mais, fait essentiel,
la seule comparaison de la nomenclature montre clairement
déjà que le Rio fresco des trois car tes constitue un seul et
même fleuve.
L e tableau que l'on obtient en comparant, d'après la
méthode jusqu'ici suivie, la car te de J a n van Doe t avec la
car te moderne se trouve ci-contre, page 650.
L a longueur totale de la côte considérée se monte à
742 leguas = 4719 km, au lieu de 3970 km, ce qui équivaut
à un allongement de 749 km, ou de 1 8 . 9 % .
On voit d'après ce tableau que, comme sur V a z Dou
rado, la baie de Maranhão apparaît dans une position rela
tive assez exacte , quoique un peu déplacée vers l'ouest, et
que l 'embouchure de l 'Amazone, toujours comme dans V a z
Dourado, a été repoussée dans la même direction. L e C. do
Norte tombe à 107 km et le Rio fresco à 12 km au sud-
est du Cap d 'Orange.
11 peut, à première vue, paraî t re étonnant que le R io
fresco, dont la distance au Cabo do Norte, mesurée sur la
carte, n'est que de 111 km (en grandeur relative 95 km), soit,
dans le tableau ci-contre, si rapproché du Cap d 'Orange 1 ) .
L a raison en est que, dans le tableau, la situation relative est
exprimée par rapport à la côte entière, et que, par suite,
le Cabo do Norte de la car te ancienne ne coïncide pas
avec le C. do Norte (Maraca) de la car te moderne. Il y a
lieu de plus d'attirer l'attention sur la concordance remar-
1) E n prenant le C. do Norte (Maraca ) comme point de départ, 111 km conduisent à 2b km au nord-ouest du Counani ; 95 km, à 10 km au nord-ouest de cette riviere.
6 5 0 —
Car te de J a n van Doet
1585 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , page 5 2 2 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , page 5 2 2
C. de S. Augustino C. de S. Agostinho
C. Aparcelado 1 )
263 1. = 1672 km
35.4
56km aunord-ouest de Sta Anna
Pointe orientale du fleuve des Amazones (près de B . de S. Juan)
C. do Norte
124 1. = 789 km
100 1. = 636 km
16.7
13.5
163 km au nord-ouest de Tijoca
107 km au sud-est du C. d'Orange
R. Fresco
17.51. = 111 km
2.4
12km au sud-est du C. d'Orange
R. de Vincete pinco
129.5 1. = 824 km
108 1. = 637 km
17.4
14.6
679 km à l'ouest du C. d'Orange (25 km à l'ouest du Corentyne)
Aneguada y Point X
Longueur totale 742 1. = 4719 km
100.0% d'après Stieler
3970 km
1) L e C. Aparcelado correspond, d'après le dessin, à l'île de Sta Anna de la carte moderne.
6 5 1
quablc que présentent, en ce qui concerne la situation relative du Rio fresco, la Riccardiana et les car tes de Des -celiers et de van Doet , quelque différent d'ailleurs que puisse être, sur ces car tes , le dessin des côtes. Desliens, en revanche, ainsi qu'on l'a vu plus haut à la page 616, repousse le Rio fresco beaucoup plus au sud-est.
On peut remarquer à ce propos, comme déjà pour la Riccardiana et la car te de Descel iers , que des dénominations de lieu conservent leur position relative beaucoup plus sûrement que des points même marquants de la côte, tels qu'embouchures fluviales importantes, caps, etc. Ainsi s 'explique ce fait assez fréquemment constaté que des noms occupant à peu près la même position relative figurent tantôt à gauche, tantôt à droite de points géographiques caractérist iques, à l 'égard desquels toute confusion est pour ainsi dire exclue. Sans entrer dans le détail de cas particuliers, il suffit de se rappeler certains noms de même consonnance qui, selon la car te consultée, apparaissent à gauche ou à droite du fleuve des Amazones.
bb) L a car te de Cornelis de Jodc, de 1593, diffère quelque peu des précédentes. Abandonnant la forme caractéristique du coude à angle droit, de J o d c donne de la côte, au nord de son Rio grande (Amazone), un t racé original qui rappelle plutôt la car te de Chaves . L e côté droit et le côté gauche de l 'embouchure de l 'Amazone sont situés à peu près à la même latitude et sous l 'équateur ; quelques îles s'étendent en avant de l'estuaire. L a côte même court au nord-ouest jusqu'à 4 1 / 2 ° lat. N et tourne ensuite à l'ouest. Quelques îles sont situées également près du cap où le r ivage change de direction ; ce cap porte le nom de Ç. de Nor te ; sur son côté occidental, on lit: C. R a x o ; puis viennent dans la direction de l 'ouest: C. B lanco et C. Ba ixo . A l'ouest du Cabo do Norte se suc-
cèdent: Las planosas — Fuma comprida - R. de la buelte L. planosas R. de Vincete pinçon — R. de montanas, etc.
Ici réapparaît donc le nom de Montagnas, appliqué cette fois à un fleuve. Ceux de Las planosas, Furna et R. de la buelta de Chaves se montrent aussi de nouveau, En revanche, le groupe de noms de l'Atalaya fait défaut. Comprido est vraisemblablement emprunté à Vaz Dourado, Tout porte à croire par conséquent que Cornelis de Jode a travaillé d'après Chaves et Vaz Dourado. Mais par la comparaison de sa carte avec la carte actuelle, on constate que son Rio de Vicente Pinzon se trouve reporté très au nord-ouest. Si l'on considère enfin que le cours du Rio de Vicente Pinzon de Jode correspond à celui de van Doet, de van Langeren et de Wytfliet, on reconnaît dans cette carte un essai de combinaison des cartes hollandaises avec celles des Portugais. L e tableau ci-après, dans lequel la carte de Jode est comparée avec la carte moderne, permettra de se faire une idée plus complète de celle-là.
652
— 6 5 3 —
C a r t e d e C o r n e l i s d e J o d e 1593 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , p a g e 5 2 2 I n d i c a t i o n d e s s e n t i o n s Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
s u r S t i e l e r
V o i r t a b l e a u , p a g e 5 2 2
1 C. de S. Augustino
320 1. = 2035 km 44.5
C. de S. Agostinho
C. de leste de S. 130 km à l'est de Maria
147 1. = 935 km 20.4
T i j o c a
C. d. Norte Y 135 km au sud-est
du C. d 'Orange
86 l. = 12.0 547 km 12.0
341 km à l'ouest du R. de V ince t e pin y C. d 'Orange (19
çon km à l'ouest du
166 1. = 23.1
Maroni)
1056 km 23.1
P. Anegada Y Point X
Longueur totale 719 1. -4573 km 1 0 0 . 0 %
d'après St ieler 3970 km
L a car te de Cornelis de J o d e accuse donc un allongement de 663 km, ou de 1 5 . 2 % .
2. L e second groupe est constitué par les mappemondes de la deuxième moitié du X VIe siècle. 11 est principalement représenté par Gérard Mercator (Gerhard Kramer) et Abraham Ortelius (Abr. Ortelz).
— 6 5 4 —
Les découvertes avaient provoqué un développement considérable des connaissances géographiques qui fit naître de bonne heure la pensée de réunir en un travail d'ensemble les matériaux épars dans les nombreuses cartes spéciales. C'est le but que se proposèrent en particulier G. Mercator et . Ibr. Ortelius, dans leurs œuvres monumentales, qui contribuèrent essentiellement à faire du Rio de Vicente Pinzon un des fleuves les plus connus de l'Amérique méridionale.
Il est évident que les mappemondes portent l'empreinte de leur origine. En établissant sa carte, le compilateur était obligé de faire un choix dans la multitude des noms que renfermaient les anciennes cartes marines ; seules les choses d'une certaine importance étaient reproduites. De l'avis général, Mcrcator notamment a procédé avec le plus grand soin dans l'élaboration de ses cartes. M. F . I, pages 264 et suivantes, et R. F., page 253, le reconnaissent sans réserve: «Nous avons. . . montré tout le prix qu'il faut attacher aux décisions, toujours si mûrement réfléchies, de ce grand géographe 1 )» .
a) Le Rio de Vicente Pinson est représenté sur la carte de Gérard Mercator de 1569 (A. B . I, n° 16, A. F. , n° 4), comme un grand fleuve nettement marqué. M. F . I, page 265, observe que, parmi tous les noms que Mercator trouva sur les anciennes cartes espagnoles, « celui de la riviere de Vincente Pinçon lui a paru l'un des plus importants et des mieux fixés, puisqu'il l'a reproduit à sa position traditionnelle de 1 degré et demi environ de latitude Nord ».
A ce sujet, il y a lieu de remarquer ce qui suit : Un caractère propre aux cartes de Mercator et d'Ortelius, c'est
1) R . F . , page 253.
de faire déboucher le fleuve des Amazones sous 2°—3° latitude sud. Elles se trouvent sur ce point en opposition irréductible avec Cabot to et son groupe, avec Diogo Homem et avec les car tes à côte coudée dont il vient d'être question. Il est incontestable que Mercator et Ortelius se sont inspirés des car tes de l 'école sévillane et en particulier du Padron real de Chaves . La position méridionale que Mercator et Ortelius assignent à l 'embouchure de l 'Amazone ne peut s'expliquer que par l'influence de Chaves , de Ribeiro, de la car te de Weimar , en un mot de toute la car tographie ancienne de Séville.
La car te citée de Gérard Mercator de 1569 est établie pour la première fois d'après la projection nommée plus tard projection de Mercator - c'est-à-dire d'après la méthode des latitudes croissantes. La nomenclature est espagnole et procède de préférence du Padron real de Chaves , comme l'indique le tableau suivant :
655
— 656 —
Gérard Mercator 1569
Terra de humos Terra de S. Vicente C. de alinde C. de coryntes Todos santos C. de los esclavos Orellana Amasones 2) — Marañon fluvius R. de pascua 3 ) R. de arboledas C. blanco R. de Vincente Pincon Aldea de arboledas C. de la barca R. salado R. verde Ancon 5 )
R. de la barca 6) Punta baxa Terra llana R. dulce
Chaves 1536 1) éventuellement
Weimar ou Ribeiro
Pta de Allende Pta de Corrientes B. de Todos Sanctos C. de los Esclavos Marañon Mar-Dulce
R. de las Arboledas C. Blanco R. de Vicente Pinçon Pta de la Arboleda 4 )
R. Salado R. Verde
R. del Placel-la playa Tierre llana R. Dulce
1) Nous ne comparons que les noms portés dans la carte de Mer-cator. Il est évident que Mercator a laissé de côté nombre de noms indiqués dans Chaves. Voir pp. 556 et suiv.
2) Mercator écrit en avant de l'embouchure du grand fleuve : « Ma-ranon fluuius inuentus fuit a Vincentio Yannes Pinçon an : 1499, et an : 1542 totus a fontibus fere ad ostia usq. nauigatus a Francisco Oregliana leucis 1660, mensibus 8, dulces in mari feruat aquas usq. ad 40 leucas. »
3 ) R . de pascua ne se trouve pas dans la carte de Chaves, mais bien dans celles de Weimar et de Ribeiro.
4 ) Dans le voisinage : Aldea. 6 ) L e s cartes de Weimar et de Ribeiro marquent une Furna à cette
place. 6) R . de la barca ne ligure pas sur Chaves, mais bien sur les cartes
de Weimar et de Ribeiro.
— 657 —
La comparaison de la car te de Mercator 1569 avec la car te moderne donne le tableau ci-contre.
C e tableau montre que Merca tor assigne à la côte une longueur totale de 646 1. = 4109 km, au lieu de 3970 km; elle présente donc un allongement de 139 km = 3.5 %• (Chaves accuse un allongement de 3 .7%. )
La car te de Merca tor porte au sud-est de l 'Amazone une T e r r a de S. Vincente qui, par réduction de cette car te à la car te actuelle, se place à 222 km au nord-ouest de Sta Anna. L e nom rappelle le R . de vicenteanes pinçon de la car te de W e i m a r . le R. de uicete pïson de Ribeiro et la B. de Sanc t Vicen te de Chaves , bien que la position relative de cette T e r r a de S. Vincente soit autre que celle des noms analogues sur les car tes espagnoles. L e C. de los esclauos (pointe orientale de l 'embouchure de l 'Amazone) tombe à 214 km au nord-ouest de Ti joca ; la pointe occidentale de l'embouchure de l 'Amazone, à (>7 km au sud-est du C. do Norte (Maraca) . L 'embouchure de l 'Amazone est représentée trop étroite et sa forme diffère du dessin de la car te de We imar et de celle de Ribeiro . El le ne paraît pas non plus concorder exactement avec le t racé de Chaves , tel qu'on le connaît par la description d'Oviedo.
L a car te de Merca tor accuse , du C. S. Augustino à la pointe occidentale de l 'Amazone, une distance de 387 1. = 2461 km, c'est-à-dire 5 9 . 9 % de la longueur totale, au lieu de 2219 km ou 5 5 . 9 % . Cet te partie de la côte est donc allongée dans Mercator de 242 km = 1 0 . 9 % ; sur Chaves , l 'allongement n'est que de 2 . 4 % ; la car te de W e i m a r et Ribeiro accusent pour la même section un raccourcissement de 14.6, respect ivement 15.7 % l ) . Merca tor n'a donc pas adopté complètement pour son t racé les proportions
1) V o i r tableau, page 568.
6 5 8
Carte de Gérard Mercator 1569
Indication des sections
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tableau, page 5 2 2
C. de S. Augustino
Ter ra de S. Vincente
C. de los esclauos
Pointe occidentale de l'Amazones
R. de Vincente Pinçon
Aoripana
Longueur totale
256 1. = 1628 km
89 1. = 566 km
42 1. — 267 km
107 1. = 6S1 km
152 1. = 967 km
646 1. = 4109 km
39.6
13.8
6.5
16.6
2 3 . 5
C. de S. Agostinho
222 km au nord-ouest de S t a Anna
214 km au nord-ouest de Tijoca
67 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
326 km à l'ouest du C. d'Orange (4 km à l'ouest du Maroni)
Point X
100.0% d'après Stieler
3970 km
Distances en leguas et en
kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
de ces car tes . Peut-être trouvera-t-on une indication expliquant les proportions du dessin de Mercator dans le fait que Majollo 1519 attribue à cette partie de la côte le 5 9 . 8 % de la longueur totale et Diogo Homem 1558, le 5 9 . 0 % .
Merca tor n 'accompagnant pas son R. de Vincente Pinçon de montagnes sur la rive occidentale, sa carte, pour ce qui concerne ce fleuve, diffère quelque peu des car tes officielles de Sévil le. D e plus, elle le place à 326 km à l'ouest du Cap d'Orange, soit à 4 km à l'ouest du Maroni. Chaves place son Rio de V i c e n t e Pinçon à 246 km à l'ouest du Cap d 'Orange et diffère, par conséquent, sur ce point de 80 km avec Mercator . Il n'est pas impossible que l 'absence des Montagnas et le déplacement vers le nord-ouest soient dus à l'influence des car tes portugaises.
Quoi qu'il en soit, cette divergence motive un examen plus approfondi. S i l'on ne prend comme longueur totale que la partie comprise entre la pointe occidentale de l 'Amazone et Aoripana (identique au point X ) , et si l'on applique a cette portion la méthode usuelle de comparaison, l'on obtient le tableau ci-après, page 660.
D 'après ce tableau, la distance relative du Rio de V icen t e Pinzon au point Aoripana (X) est de 5 8 . 7 % , contre 5 6 . 9 % sur la car te de Chaves (voir tableau, page 572). Pour la position relative, il n'y a donc entre Chaves et Merca tor qu'une différence de 1.8%, ce qui équivaut à 32 km, si l'on adopte, d'après Stieler , comme longueur exac te de la portion de côte examinée, le chiffre de 1751 km déjà admis lors de l 'examen de la car te de Chaves (voir tableau, page 568). Merca tor donne à cette même portion une longueur de 250 1. = 1648 km, lui faisant subir ainsi un raccourcissement de 105 km = 6 . 0 % , tandis que Chaves accuse un allongement de 5 . 8 % . On voit par là que, si l'on s'en tient à cette section, le R . de Vicen te Pinzon occupe
6 5 9
6 6 0
C a r t e d e G é r a r d M e r c a t o r 1569 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
Voir t a b l e a u , p a g e 5 7 0 I n d i c a t i o n d e s s e c t i o n s Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de la longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
Voir t a b l e a u , p a g e 5 7 0
Aoripana
38 1. = 242 km
14.7
Point X
R. dulce
114 1. = 725 km
44.0
164 km au sud-est de la Boca de Navios
R. de Vincente Pinçon
91 km au sud-est du Maroni (231 km à l'ouest du C. d'Orange)
C. bianco
53 1. = 337 km
54 1. = 344 km
20.5
20.8
128 km au sud-est du C. d'Orange ! (137 km au nord-ouest du Cap de Nord de Maraca)
Pointe occidentale de l'Amazones
y Point Z
Longueur totale 259.1. = 1648 km 100.0%
d'après Stieler 1751 km
6 6 1
à peu près la même position relative dans Merca tor et dans Chaves , mais que des différences notables se manifestent dans les distances absolues de cet te riviere aux points extrêmes. Il est donc probable que Mercator n'a emprunté exactement à Chaves que la nomenclature; pour le dessin, il a certainement utilisé d'autres sources e n c o r e 1 ) . Maigre les divergences constatées, le Rio de Vicente Pinzon de Mercator est, selon toute probabilité, identique au fleuve du même nom de la carte de Chaves.
Si l'on considère enfin que Mercator dessine l 'embouchure de l 'Amazone par 3° au sud de l 'équateur et le R . de Vicen te Pinzon par 1° environ au nord, tandis que Chaves place l 'embouchure de l 'Amazone à 2° 30 ' au sud de l'équateur et le Rio de Vicente Pinzon, en revanche, à 1° 30 ' latitude nord, on voit que dans l'une et l 'autre car te la différence de latitude entre l 'embouchure de l 'Amazone et le V icen t e Pinzon est de 4 degrés . L e s deux car tes font passer l 'équateur par le Cabo bianco. Cette concordance montre de nouveau que Merca tor marque évidemment son R. de Vincente Pinçon d'après Chaves et que, par conséquent l'on doit voir aussi, dans son Rio de Vincente Pinçon l 'Oyapoc actuel.
Mais il est peu probable que Merca tor ait estimé que la position géographique du Vicen te Pinzon était déterminée d'une manière exac te seulement par la latitude sous laquelle les anciennes car tes plaçaient l 'embouchure de cette riviere, ca r c 'est précisément sur cet te latitude — si variable sur ces car tes - que les doutes les plus g raves devaient s 'élever.
1) L a comparaison des car tes de cette période fait naî t re en généra l l ' impression que ceux qui s'inspiraient des car tes officielles at tr ibuaient le ca rac tè re officiel à la nomenclature plutôt qu'au dessin.
NOVA TOTIVS TERRARVM ORBIS IVXTA NEO TERICORVAA TRADITIONES DESCRIPTION ABRAH. O R T E L I O ANVERPIANO AVCT.,
ANNO DOMINI . M . C C C C C . LXIIII.
6 6 2
b) La plus ancienne carte que l'on possède d'Abraham Ortelius est datée de 1564. Un exemplaire de cette carte appartient à la bibliothèque de l'Université de Bâle. La carte n'ayant pas été utilisée par les parties, le fragment qui nous intéresse est reproduit ci-après. Ce document offre un intérêt particulier, parce qu'il fait voir, d'une façon significative, la confusion suscitée par le dessin de Cabotto. Deux fleuves puissants d'une largeur exagérée, l'un à l'est, nommé R. Maragnone, l'autre à l'ouest, appelé Rio de las Amasones siue Oregliana, se jettent dans la mer près l'un de l'autre. Près du Maragnone, on lit C. Peste à droite, et R. de los esclauos à gauche de l'embouchure. A l'ouest du R. de los esclauos se succèdent les noms : C. Blanco — C. Corso — Plaia ; puis vient l'embouchure de l'Amazone; ensuite, sur la rive occidentale de ce fleuve: R. de Vicente — R. del Pinzon (ces deux noms pour le même fleuve) — C. Bianco — R. Verde. La nomenclature est donc purement espagnole, mais la suite des noms ne correspond pas à l'ordre adopté par les cartes espagnoles. C'est au sud-est du Maragnone seulement qu'on trouve quelques noms indiens isolés; voir tableau, pages 663 et 664. Ortelius, par son dessin des deux grands fleuves, fournit une preuve nouvelle à l'appui des déductions tirées plus haut de la carte de Cabotto. D'ailleurs, la carte d'Or-telius ne saurait être utilisée comme document probant pour la suite de cette étude.
Deux cartes d'Abraham Ortelius, datant de 1570 (A. B . I, n o s 20 et 21), se distinguent déjà beaucoup de celle qui vient d'être citée. Mais elles diffèrent aussi l'une de l'autre et accusent deux conceptions divergentes qui, dès lors, subsisteront parallèlement. La carte de 1570, qui se trouve reproduite dans A. B . I, n° 20, se rattache, selon toute apparence, à la manière de voir de Gérard
42
— 663 —
Mercator , exprimée dans sa car te de 1569 examinée plus haut. Contrairement à la car te d'Ortelius de 1564, elle n'indique qu'un seul grand fleuve, le Rio de las Amazones, et marque le « R. de S. vin» presque dans la même position que Mercator . Toutefois, cette car te est construite à une si petite échelle et elle est, au surplus, si imparfaite qu'on ne saurait en tirer des déductions probantes.
Une autre car te faisant aussi partie de l'atlas d'Ortelius de 1570 et reproduite dans A. B . I, n° 2 1 , s'appuie bien sur Merca tor p o u r les formes extérieures de la côte, mais rappelle la car te de 1504 en ce qui concerne le système fluvial Maragnon-Amazone. Le tableau suivant montre que Mercator a servi aussi de modèle à Ortelius pour la nomenclature de cette car te de 1570, dans laquelle ce dernier abandonne presque complètement la nomenclature de sa car te de 1564.
Ortelius 1564 Ortelius 1570 et 1587 Mercator 1569
C. de S. Augustino C. de S. Agostino C. de S. Augustino R. di S. Augustino R. Fe rnambuco R. Pernambuco
C. de Spichel Marino R. de S. Domingo R. de S. Domingo R. de Branchi O r a Ora Guarasu C. de placel R. primero Coreican Aguada C. del placel S. R o c h o S. Roque S. Roque
B . de los tortugas R. de S. Dominico R . de S. Miguel
C. Corso C. de Fumos B . de arecifes C. Corso C. blanco C. P re te Aguada C. de Negri G. de los negros
— 6 6 4 —
Ortelius 1564
C. Palmar Humos C. Peste Rio Maragnone R. de los esclauos C. Bianco C. Corso Plaia
Oregliana Rio de las Amasones
sive Oregliana R. de Vicente! R. del Pinzon | rivière
C. Bianco R. verde
Arboledas
R. Arefice Te r r a liana
C. de Canoas
R. dolce R. Salado C. alto P. Anegada
Ortelius 1570 et 158?
C. de Palmar
R. Maragnone
C. de Alinde C. de corintes
Oregliana Amazonum vel Ore
gliana fl. R. de pascua R. Arboledas C. Blanco R. de S. Vincente
Pinçon Aldea de arpoledas
R. salado R. verde
Punta baxa
Ancon R. clolce
Monte especo Acripana
Mercator 1569
C. de Palmar
B. de placeles Terra de humos Terra de S. Vincente C. de alinde C. de coryntes Todos Santos C. de los esclavos Orellana Amazones-Marañon
fluvius R. de pascua R. de arboledas C. blanco R.de Vincente Pinçon
Aldea de arboledas R. de la barca R. salado R. verde Ancon
R. de la barca Punta baxa Terra llana R. dulce
Monte especo Aoripana
La carte de 1564 par le fait qu'elle adopte le dessin de Cabotto, place le Rio de Vicente Pinzon dans le voisi-
p o u r la
mème rivière
— 665 —
nage immédiat du fleuve des Amazones, de sorte qu'il correspond, d'après le tableau précédent, aux R. de pascua et R . de Arboledas de Merca tor 1569 et d'Ortelius 1570 (A. B . I, n° 2 1 ) . Il faudrait donc le chercher à proximité immédiate du Cap de Nord actuel, si le dessin tout entier ne reposait pas manifestement sur une erreur. E n revanche, clans la car te A. B. I, n° 21, d'Ortelius, le R . de V icen t e Pinçon est éloigné de l 'Amazone et placé dans la position que lui assigne Mercator .
L e s car tes reproduites dans A. B . I, nos 31 et 32, d'après l'atlas de A. Ortelius de 1587, ne se différencient pas de celles dont il vient d'être question; elles montrent seulement qu'à cet te date Ortelius maintenait encore parallèlement les deux versions.
c) S i l'on groupe d'après Merca tor et Ortelius les car tes qui s'inspirent des dessins de ces auteurs, on obtient le classement suivant :
a) Cartes d'après Gérard Mercator 1569 (A. B. I, n° 19
et A. F., n° 4), et Abraham Ortelius 1570 (A. B. I, n° 20).
André Thevet , 1575 (A. B . I, n° 23), François de Belleforest, 1575 (A. B . I, n° 24), Philippe Apian, 1576 (A. B. Il, n° 5), Rumold Mercator , 1587-1607 (A. B . I, n° 33), Ortelius, 1587, nombreuses éditions jusqu'en 1624 (A. B . I,
n° 31), Petrus Plancius, 1592—1645 (A. B . I, n° 87), Globe de Zurich, fin du X V I e siècle (A. F., n° 5 b i s ), Michel Mercator , 1595 (A. B . I, n° 39), Théodore de B r y , 1596—1624 (A. B . I, n° 40), Jodocus Hondius, 1597 (A. B . I, n° 43), B . Langenes , 1598 (A. B . I, n° 43 b),
— 6 6 6 —
J . B . Vrient, 1 5 9 9 (A. B . I, n° 48), Jodocus Hondius, 1 6 0 2 — 1 6 3 3 (A. B . I, n° 51), Jodocus Hondius, 1 6 3 3 (A. B . I, n° 63), Dancker Danckerts 1660 (A. B . I, n° 74) ;
b) Cartes d'après Abraham Ortelius 1570 (A. B. I, n° 21).
Giovanni Battista Mazza, 1584 (A. B . I, n° 29), Ortelius, 1584, nombreuses éditions jusqu'en 1024 (A. B. I,
n° 32), Théodore de Bry, 1592—1630 (A. B . I, n° 34), Christianus Sgrothenus, 1588 (A. B. II, n°" 7 et 7 b i s ) , Matthias Quaden, 1598-1608 (A. B . I, n° 43 a), Jodocus Hondius, 1 6 0 2 — 1 6 3 3 (A. B . I, n° 52), Giuseppe Rosaccio, 1657 ( A . B. II, n" 12) .
La différence entre les deux groupes consiste presque exclusivement dans le dessin du système fluvial Maragnon-Amazone ; toutefois la position relative du Rio de Vicente Pinzon n'est guère influencée par cette divergence et correspond à peu de chose près dans les deux groupes à celle que Mercator assigne à cette riviere.
d) Dans la duplique du Portugal, de 1 6 9 9 , Mercator est cité parmi les auteurs qui peuvent être invoqués en faveur de l'identité du Rio de Vicente Pinzon avec l'Oyapoc. Il est dit dans ce document 1) : « En second lieu, on le montre à l'aide, non pas d'un, mais de plusieurs géographes et cartes qui, outre les auteurs mentionnés, parlent spécialement de cette riviere, en lui donnant le nom de Vincent Pinçon, comme peut le voir l'Ambassadeur. Ainsi, Gérard Mercator qui, dans la première Carte générale de l'Amérique, de sa Fabrique du Monde, donne à cette riviere le nom de Vin-
1) Cité d'après R . B . II, page 321.
6 6 7 —
cent Pinçon, et qui, dans sa description de la province de Guyane , présente cet te même riviere sous le nom de W i a p o c ou Yapoc , au nord du fleuve des Amazones, comme aussi Frédéric Wit, et Jean Blaew, Hollandais, ce qui prouve que l'un et l'autre nom lui conviennent ». Cette allégation mérite d'être examinée cle plus près.
L 'arbi tre n'a pas eu sous les yeux d'atlas répondant exactement aux dires de la duplique portugaise. Mais la bibliothèque Vadiana de la ville de St-Gall possède un atlas intitulé: « Gerardi Mercator is Atlas sive cosmographicae Meditationes de Fabr ica Mundi et Fabr ica t i Figura, Editio quarta, Sumptibus et Typ i s Aeneis Judoci Hondij, Amstero-dami, An. D. 1613». Cet atlas renferme, entre les pages 39 et 40, le planisphère avec l 'Amérique cle Michel Mercator, tel que le représente A. B. I, n" 39. Il contient en outre, entre les pages 362 et 363, une car te de l 'Amérique méridionale, qui émane de Jodocus Hondhis et qui correspond à la reproduction figurant dans A. B . I, n° 53. Ces deux car tes portant au verso un texte imprimé qui fait corps avec celui de l'atlas, il est impossible d'admettre que ce soit par hasard seulement qu'elles aient été brochées avec l 'atlas. Cet atlas doit être considéré comme une des nombreuses éditions cle l 'atlas sorti des ateliers Mercator et complété par Hondius ] ) .
La car te de Michel Mercator correspond pour la portion de côte en question au type, déjà discuté, de la car te de Merca tor de 1566. Le Rio de Vicen te Pinzon y est
1) V o i r sur l 'histoire des car tes de Merca tor et sur le transfert des planches originales à Hondius: Dr. A. Breitsing, Lei tfaden durch das W i e g e n a l t e r der Kar tographie bis zum J a h r e 1600, Frankfur t a. M. 1883, et Dr. W. Wolkenhauer, Lei tfaden zur Geschichte der Kar tographie in tabel lar ischer Dars te l lung , B r e s l a u 1895. V o i r en outre Wauwermans, Histoire de l 'Eco le Car tographique B e l g e et Anverso ise , B ruxe l l e s 1895.
marqué par 1o environ de latitude nord, entre le C. blanco au sud-est et une Aldea de Arboledas au nord-ouest. L'embouchure de l'Amazone est située sous 2°—3° latitude sud. On voit que le Rio de Vicente Pinzon occupe la même position que la riviere de ce nom dans la carte de Gérard Mercator de 1569. L'échelle et la projection de la carte ne permettent pas une comparaison d'après le procédé jusqu'ici appliqué.
La carte de Jodocus Hondius est construite sur une projection sinusoïdale dans laquelle les parallèles de latitude ont leur véritable longueur; elle se présente comme une œuvre faite avec beaucoup de soin. Elle porte au sud-est de l'Amazone une nomenclature qui est encore en majeure partie romane, tandis qu'au nord-ouest du grand fleuve apparaît déjà la nomenclature indienne. On y constate l'absence d'un Rio de Vicente Pinzon ; en revanche, la carte renferme un Rio Wajabego à l'ouest d'un C. de la Conde. La comparaison de cette carte avec la carte moderne conduit au tableau suivant:
668
— 6 6 9 —
Car te de J o d o c u s Hondius 1606
Indication des sections
Point A 1 )
C. de Apracellada
C. Blanco
C. de Nord
C. de la Conde (R. W a j a b e g o )
Point X
Longueur totale
Distances en leguas et en
kilomètres
240 1. — 1526 km
122 1. = 776 km
458 km
490 km
245 1. = 1558 km
756 1. = 4808 km
Distances en pour-cent de la longueur totale
31.8
1 6 . 1
9.5
10.2
32.4
100 .0%
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r tab leau , p a g e 5 2 2
C. de S. Agostinho
87 km à l'est de Sta Anna
4 km à l'est de T i j o c a
167 km au sud-est du C. do Norte (Maraca)
28 km au sud-est du C. d 'Orange
Point X
d'après St ie ler 3970 km
1) L e point A est le cap près de I. de A lexo , position qu'occupe ordinairement le C. St August in dans d'autres car tes de ce groupe.
— 6 7 0 —
La longueur totale s'élève à 756 1. = 4808 km, au lieu de 3970; l'allongement est donc de 838 km = 21.1 %. Il est à remarquer que la carte offre quelques difficultés pour la mensuration de la ligne de côte ; il va sans dire qu'on n'a pas tenu compte de toutes les nombreuses indentations qu'elle présente.
Le tableau montre que le C. de la Conde avec le R. Wajabego à l'ouest vient se placer à 2<S km au sud-est du C. d'Orange; le dessin très caractéristique de cette partie de la carte permet, sans doute possible, de reconnaître clans le C. de la Conde le Cap d'Orange actuel. Il sera démontre plus loin, lors de la discussion des cartes à nomenclature indienne, que Wajabego est une des formes du nom de l'Oyapoc actuel.
L e Rio de las Amazones ou « Maragnon seu Oregliana flu. » de la carte de Jodocus Hondius débouche sous l'équateur, et le Rio Wajabego à environ 3° 30 ' X. L a même différence de latitude peut être relevée sur la carte de Michel Mercator entre le Rio de Vicente Pinzon et le « Marannon flu. ». En présence de ces faits, il est difficile de mettre en doute l'identité du R. de Vicente Pinzon de Michel Mercator et du Wajabego de Jodocus Hondius.
Il est à croire que les auteurs de la duplique portugaise de 1699 se sont référés à un atlas publié par Hondius d'après Mercator. Jodocus Hondius lui-même, dans les années 1597, 1002 et 1633, a publié des cartes qui correspondent absolument au type de Mercator et qui marquent un Rio de Vicente Pinzon dans la position que lui assigne Mercator (A. B . I, n° 43, 51 et 63). La carte de Hondius de 1602 (A. B . I, n° 52) dessine en même temps le système fluvial Amazone-Maragnon d'après Abraham Ortelius. On sait que Jodocus Hondius acquit en 1604 les planches de cuivre de
la maison Mercator et continua dès lors l 'œuvre à laquelle elle avait a t taché son nom.
3.
C a r t e s portugaises et espagnoles du XVII e siècle.
L'on a dû déjà, dans le chapitre précédent, lors de la discussion des car tes du groupe de Mercator , empiéter sur le X V I I e siècle pour traiter ensemble des documents appartenant au même système. A v e c la lin du X V I e siècle commence une révolution complète de la cartographie de l 'Amérique méridionale, ca rac té r i sée par l'introduction d'une nouvelle nomenclature empruntée à la langue des indigènes. Mais avant de parler de cet te nouvelle époque, il y a lieu d'examiner encore quelques car tes portugaises et espagnoles qui datent du X V I I e siècle, mais qui s'en tiennent en tout ou partie à la nomenclature romane et qui, pour diverses ra isons , accusent une parenté plus rapprochée avec les car tes du X V I e s iècle qu 'avec leurs contemporaines à nomenclature indienne.
1. Les car tes de Domingo Sanchez, 1618 (A. F . , n° 8) , et de Lucas de Quiros, de 1618 également (A. B. II, n° 10), sont insuffisantes.
D 'après le titre reproduit dans A. F . , la car te de Domingo Sanchez a été construite à Lisbonne. E l le présente un certain intérêt, notamment parce que sa nomenclature sert visiblement de base à celle des car tes de j o ã o Te ixe i r a , et que le dessin qu'elle donne de l 'embouchure de l 'Amazone concorde avec la description de Bento Maciel Parente . Or, si l'on joint les deux points ext rêmes de l 'embouchure, on obtient une ligne qui se dirige exactement au nord-ouest et qui a une longueur de 77 leguas = 460 km. L 'embouchure
671
— 6 7 2 —
est remplie d'îles, et en cela également la carte est d'accord avec la description de Parente.
En revanche, elle s'éloigne de cette description et des cartes de Teixeira par la situation du « R. de uicente ». lequel, repoussé loin vers le nord-ouest et marqué entre le Rio de cayque et le R. de aues, rappelle la Riccardiana et Diogo Homem 1558.
L e tableau suivant fournit des indications sur les rapports de distances que présente cette carte.
— 6 7 3 —
C a r t e d e D o m i n g o S a n c h e z 1618 P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s
s u r S t i e l e r
V o i r t ab leau , p a g e 5 2 2 Indication des sections Distances
en leguas et en kilomètres
Distances en pour-cent de !a longueur totale
P o i n t s c o r r e s p o n d a n t s s u r S t i e l e r
V o i r t ab leau , p a g e 5 2 2
C. S. agostinho
311 1. = 1978 km
41.6
C. de S. Agostinho
Pointe orientale du Maranhão
114 1. = 725 km
15.3
302 km au nord-ouest de Sta Anna
Pointe orientale de l 'Amazonas
353 km au nord-ouest de T i j o c a
Pointe occidentale de l 'Amazonas (. . . dei ylheos)
77 1. = 490 km
10.3
44 km au sud-est du C. d 'Orange
R. de uicente
112 1. = 712 km
133 1. = 846 km
15.0
17.8
552 km au nord-ouest du C. d'Orange (102 km à l'est du Coren-tyne)
P t a aneguada y Point X
Longueur totale 747 1. = 4751 km 1 0 0 . 0 %
d'après St ie ler 3970 km
— 6 7 4
On voit que, pour la longueur comparée, la carte accuse un allongement de 7<S1 km = 19.6 %. L e tableau montre d'ailleurs l'erreur grossière que Sanchez a commise dans le dessin de la côte en ce qui concerne l'Amazone.
La carte des plus primitives de Lucas de Quiros de 1618 marque, à l'ouest de l'embouchure du R. de Orellana, un C. Corto ou Corso, et à côté un R. de mocoreos. A l'ouest de ce dernier se trouve une B a de Vizente et, plus à l'ouest encore, le nom de Pinson attribué à un cours d'eau particulier. Au delà, dans la même direction, passe le méridien principal avec échelle des latitudes, près duquel on lit: «Nueva andalucia » et «Meridiano de la demarcacion». De l'Amazone se détache, très loin dans l'intérieur des terres, une branche qui se jette dans la mer à une grande distance du bras principal, le R. de Orellana. Cette ramification ne porte aucun nom spécial. La nomenclature de la côte comprise entre les deux embouchures indique que cette branche ne représente pas le R. Para, mais doit être considérée comme le fleuve débouchant dans la baie de Maranhão. La carte de Lucas de Quiros est si insuffisante à tous égards qu'elle ne peut entrer en ligne de compte comme document concluant.
2. Les cartes de João Teixeira, cosmographe du roi de Portugal, revêtent plus d'importance ; elles méritent un examen attentif parce qu'elles datent de l'époque de Bento Maciel Parente, qu'elles sont en outre les premières cartes désignant formellement le Vincent Pinçon comme riviere frontière entre l'Espagne et le Portugal, et parce qu'enfin le Portugal, en 1699, dans ses mémoires, se réfère expressément à ces cartes.
Les cartes de Teixeira empruntent en outre une certaine autorité à la fonction officielle qu'occupait leur auteur. Contrairement aux cartes hollandaises et anglaises qui
seront discutées dans la suite, elles ont trait principalement à la région de l 'embouchure de l 'Amazone et aux terri toires situés au sud-est de celle-ci, tandis qu'elles négligent d'une manière frappante la région de la Guyane.
La plus ancienne de ces car tes porte la date : « L i x -boa, Anno de 1627 » (A. F . , nos 10 et 10 b i s ) . El le indique, à partir de la rive gauche de l 'Amazone, dans la direction du nord-ouest, les noms suivants : B a r r a — C. do Nor te -— Pinis buro — Ar icovary — B a g o - - Maba rcy — C a m a — V i c e s
R. Cayparanuco. L e vocable Ar icovary se trouve près d'une baie renfermant une île. Entre C a m a et V i c e s figure une embouchure fluviale. L e Cabo do Norte est situé sous 2 ° 3 0 ' de latitude nord. L a forme de la côte adjacente rappelle celle des car tes de Bar tholomeu V e l h o et de Bar tho-lomeo Olives ; comme dans celles-ci, la côte présente sur la car te de T e i x e i r a de 1627 un double changement de direction. Cette particularité distingue essentiellement cet te car te de celles que le même auteur publia plus tard et qui offrent absolument le type des ca r tes dites à côte coudée. L a car te de T e i x e i r a 1627 accuse également, dans sa nomenclature, une grande différence avec les suivantes du même auteur.
Une deuxième car te de Te ixe i r a , formant la première feuille de son atlas : « Desc r ipção de todo o Maritimo da T e r r a de Sta Crus, chamado vulgarmente o Brazil », date de 1640 (A. F . , n° 12, A. B . I, n° 66). El le ne porte au nord-ouest de l 'Amazone que deux noms : « C. de Norte » et « R. de Vte pinsa». L e C. de Norte, situé sur cette ca r te par 2 ° 3 0 ' N, est dessiné sous la forme caractér is t ique du genou et fait vers le nord une saillie t rès accusée au-dessus du nombreux groupe d'îles de l 'embouchure de l 'Amazone.
Une car te similaire de Te ixe i ra , datée de 1642 et reproduite dans A. B . I, n° 67, omet les noms au nord-ouest de
675
— 6 7 6 —
l'Amazone et, au lieu du « R. de Vte pinsaj », dessine sur la rive occidentale du fleuve une tour accompagnée des mots : « Marco antigo ». L e C. de Norte de cette carte est situé sous 1° 5 0 ' N.
Puis, la 32 e feuille dudit atlas de Teixeira de 1640 est spécialement consacrée à la région de l'embouchure de l 'Amazone; cette carte est reproduite dans A. F. , n° 12 b i s , et A. B . I, n° 68.
Elle marque, à l'ouest de l'embouchure du grand fleuve, trois provinces : « Prouincia dos Tapuyosus », « Prouincia dos Tocujus » et «Prouincia dos Maranguis», en outre, différentes colonies et « Cazas fortes », et enfin un vieux fort hollandais. L a côte ne s'étend pas plus loin que sur la carte de 1627. A l'ouest de l'Amazone, elle ne porte que les mentions suivantes :
« Cabo do Norte em altura de 2 graos do norte », indication au sujet de laquelle il y a lieu de remarquer que le cap, à cause évidemment de l'espace limité, est dessiné sous 0° 40 ' N seulement.
« Rio do Vte Pison per donde passa a linha de demar-caçao das duas conquistas » ; à côté, sur la rive droite de la riviere, figure de nouveau une tour comme signe marquant la frontière.
Une mauvaise copie de cette carte a été, en 1663, annexée au « Livro das praças de Portugal » de João Nunes Tinoco. Elle se trouve dans A. F. , n° 16. L e Cabo do Norte et le R. de V e Pinson y sont marqués, mais sans légende et sans la tour indiquant la frontière.
Un examen superficiel de ces cartes fait naître l'impression que Teixeira, s'occupant essentiellement de l'embouchure de l'Amazone et des territoires situés au sud-est, n'a dessiné la région du Cap de Nord que pour arriver
- 677 —
jusqu'à la frontière entre la Castille et le Portugal. Cepen
dant, l ' importance de ces car tes nécessi te une étude appro
fondie.
A cet effet, trois tableaux ont été dressés, qui accompagnent, comme annexes, la présente sentence 1).
L e tableau I est un tableau synoptique de la nomenclature figurant Le long de la côte dans les car tes de Te ixe i ra , du Rio Grande, au sud, jusqu'au Rio caypara-nuco de la car te de 1627, au nord; cet te nomenclature y est comparée avec les dénominations contenues dans le Mémorial cle B . M. Paren te . L e s noms des car tes de Te ixe i r a sont mis en parallèle entre eux et avec ceux du Mémorial.
L e tableau synoptique II donne la nomenclature figurant dans les car tes de Te ixe i r a à l'intérieur de l 'embouchure de l 'Amazone, aux îles et canaux compris dans cet estuaire, et la compare également avec le Mémorial cle Parente .
L e tableau III compare les données du Mémorial de Paren te sur la création de capitaineries avec les ca r t e s modernes de Vivien de Saint-Martin et de l'atlas de Stieler,. d'une part, et avec les ca r tes de Teixeira, d'autre part.
L e s Mémoires français 2 ) considérant les car tes cle T e i xe i ra comme une représentation graphique exac te de la description de Parente, ces tableaux ont pour but de soumettre cet te question à un examen détaillé. L a comparaison a v e c les ca r tes modernes se ra t tache logiquement à cet te étude, ca r il importe de mettre en parallèle les données
1) Ces tableaux sont annexés à la présente sentence sous couver ture spéciale.
2 ) V o i r M. F . I , pp. 301-309; R . F . , pp. 265, 266.
— 6 7 8 —
de Parente et par là indirectement les cartes de Teixeira avec les cartes actuelles.
Les désignations locales contenues dans le Mémorial de Parente ont été, sur les tableaux I et II, identifiées avec les noms des cartes de Teixeira, d'où il est résulté les points de comparaison pour le tableau III. On a comparé, dans le tableau III, les données de Parente sur la distance séparant les points extrêmes des capitaineries avec les cartes modernes mentionnées et celles de Teixeira. Les chiffres de pour-cent figurant dans les colonnes consacrées aux cartes de Teixeira expriment la valeur des altérations que présentent ces cartes rapportées à Parente ; pour la comparaison avec les cartes modernes, celles-ci constituent la base à laquelle Parente est rapporté 1 ) .
1) L e Mémorial de Parente, qui date de 1627 à 1632 (voir M. B . II, pp. 16-18; et ci-dessus pp. 114 et suiv.), sert de base au tableau III. L e s longueurs de côte des capitaineries, exprimées en leguas dans le Mémorial, ont été converties en kilomètres, en admettant que 171/2 leguas équivalent à 1 degré, ce qui concorde exactement avec les cartes de Teixeira de 1627 et 1642, qui renferment une échelle en latitude et une échelle en leguas. Ces distances en kilomètres ont été reportées directement sur la carte moderne. Dans les cas où, au moyen des noms, les deux points extrêmes d'une capitainerie ont pu être déterminés aussi sur la carte moderne, on a calculé pour cette section l'écart existant entre la longueur accusée par Parente et la longueur réelle, et on l'a exprimé en pour-cent de cette dernière. L e tableau montre donc l'écart que Parente présente par rapport à la carte moderne. Dans les cas où les deux points extrêmes n'ont pu être identifiés sur la carte moderne, le point manquant a été déterminé sur cette dernière exactement d'après la distance indiquée par Parente et l'on a continué de la sorte jusqu'au point concordant le plus proche, qui a permis de trouver ensuite l'écart affectant la section de côte parcourue. On a tenu partout compte de tous les autres moyens de construction possibles, de sorte que le tableau comprendra probablement toutes les combinaisons relatives aux comparaisons de distances. L e s cartes de Teixeira ont été traitées d'une manière tout à fait analogue : les sections de côte de Parente ont été, ou comparées directement, ou reportées en poussant
43
— 679 —
Voic i , d'après ces tableaux, les résultats de cet te étude comparat ive qu'il importe de signaler spécialement :
aa) Il est difficile de dire jusqu'à quel point la car te de T e i x e i r a de 1627 se t rouve en connexion avec Paren te . Il est peu probable que ce soit la car te à laquelle Paren te renvoie dans son Mémorial . S i quelques noms concordent avec les indications de Parente , ce la ne suffit pas à prouver qu'il y ait une relation directe entre les deux documents. L a Punta del Separará, caractér is t ique à Paren te et aux car tes de T e i x e i r a de 1640 et de 1642, figure sous le nom de C. branco sur la car te de 1627. E n général , cet te dernière rappelle à maints égards l 'ancienne nomencla ture , contrairement aux car tes de T e i x e i r a de 1640 et 1642 et à Parente . S i l'on peut donc admettre que Paren te n'a pas eu d'influence sur la car te de 1627, il ressor t à l 'évidence, en revanche, que ses données ont été utilisées par T e i x e i r a pour ses car tes de 1640 et 1642. L e s car tes de 1640, en particulier, sont manifestement établies d'après Parente , mais il n'est pas impossible que, en dehors de lui, d'autres sources aient été mises à contribution. L a car te de 1642 est une copie défectueuse de la grande car te de 1640, copie qui, par suite de fautes de lecture, d'écriture, etc., présente de telles erreurs qu'il paraî t t rès douteux qu'elle ait été faite par T e i x e i r a lui-même. C'est pourquoi il faut se baser sur les deux car tes de 1640 principalement.
bb) Pour la section de côte qui s'étend du R . J agua r ibe à la Punta del Separará et qui comprend les six premières
jusqu'au point de comparaison sûr le plus proche. Ici P a r e n t e a été pris comme base pour le calcul de l 'altération, de sorte que l 'écart de la car te est exprimé par rapport aux données de Pa ren t e . D a n s ces tableaux également, afin de donner une idée aussi c la i re que possible de l 'ensemble des proportions, on a tenu compte de toutes les combinaisons qui pouvaient se présenter .
— 680
capitaineries de Parente, on constate qu'il y a concordance avec ce dernier
à 12 .0% près sur la carte de 1627, » 2 .7% » » » » » 1640, » 4 . 6 % » » » 1642;
dans toutes les trois, l'écart se manifeste dans le sens d'un allongement de la longueur totale qui, d'après Parente, mesure 260 leguas ou 1653 kilomètres. Dans la seconde carte de 1640, qui ne comprend que les capitaineries V et V I de Parente, la différence avec Parente pour la longueur totale se monte à 2.1 %.
Au sud-est, le point extrême pour lequel Parente indique une distance est le Rio Grande; il se trouve également sur les cartes de Teixeira et peut, par conséquent, entrer aussi en ligne de compte. En partant cle ce point, il y a concordance avec Parente
à 1.7% près sur la carte de 1627, » 0 . 6 % » » » » » 1640, » 1.4% » » » » » 1642;
pour toutes les trois, l 'écart consiste également dans une augmentation cle la longueur totale qui, d'après Parente, est de 360 leguas ou 2289 kilomètres.
Des différences beaucoup plus considérables se font quelquesfois sentir, il est vrai , pour les capitaineries prises séparément. Mais il ressort des résultats d'ensemble ci-dessus mentionnés que la partie orientale des cartes de Teixeira, du Rio Grande à la Punta del Separará, doit être considérée comme une reproduction très fidèle des données de Parente. Cela paraît d'autant plus frappant que ces données mêmes se trouvent, comme le montre le tableau, en flagrante contradiction avec la réalité.
cc) Pour la section qui va de la Punta del Separará au Rio de Vicente Pinzon, il n'y a plus lieu de tenir compte
6 8 1 —
de la carte de 1627, car elle n'indique ni le fleuve, ni de signe marquant la frontière. Il n'est pas certain que le nom de V i c e s ou Cama V i c e s puisse se rapporter à Vicente . L e s trois autres cartes de Teixeira , comparées à Parente, accusent pour la section allant de la Punta del Separará au Cap de Nord les raccourcissements suivants :
1640 a 1 4 % , 1640 b 1 1 % , 1642 1 1 % ;
du Cap de Nord jusqu'à la frontière :
1640 a 3 5 % , 1640 b 6 5 % , 1642 2 0 % ;
de la Punta del Separará jusqu'à la frontière :
1640 a 2 1 % , 1640 b 2 9 % , 1642 1 4 % ,
pour une distance totale de 120 leguas ou 763 kilomètres
d'après Parente.
Il en résulte que, pour la partie située à l'ouest de la Punta del Separará, les trois cartes de Teixeira s'accordent mal avec la description de Parente, et qu'elles re-produisent ses données dans un dessin fortement raccourci. Teixeira, comparé à Parente, accusant des différences de 20 à 65% pour la côte allant du Cap de Nord à la frontière, il est inadmissible de mesurer cette partie sur les cartes de Teixeira et de reporter ensuite simplement sur la carte moderne la distance ainsi obtenue pour déterminer la situation de la frontière d'après Parente.
Les résultats obtenus par la comparaison des données de Parente avec les cartes modernes feront l'objet d'un examen ultérieur. Sous ce rapport, le tableau III fournit des points d'appui permettant de se rendre compte de la manière de voir qui régnait en Espagne et au Portugal à l'époque de Parente et de Teixei ra .
dd) L e tableau III permet de jeter un coup d'oeil d'ensemble sur les cartes dressées par João Teixe i ra et d'apprécier leur degré d'exactitude. On peut, de leur concordance
6 8 2
presque complète avec la description de Parente, pour la partie de la côte située au sud-est de l'Amazone déduire d'emblée combien elles sont inexactes. Pour Parente, le tableau accuse, en ce qui concerne la portion Rio Grande —P. del Separará (Rio Grande do Norte—Tijoca), un allongement de 4 6 % , soit 4 3 % ] ) . Si l'on prend la section Rio de Jaguiaribi—P. del Separará (R. Jaguaribe—Tijoca) , le résultat s'améliore un peu; l'extension de la côte n'y dépasse pas 3 3 % , soit 3 1 % . Et, comme les cartes de Teixeira offrent, ainsi qu'on l'a remarqué, presque exactement les mêmes rapports d'altération, elles se rangent parmi les plus inexactes de celles soumises à l'arbitre pour cette partie de la côte.
Les cartes de Teixeira sont dessinées d'une façon caractéristique, et l'on reconnaît clairement que les cartes postérieures à celle de 1627 procèdent de celle-ci. Cette dernière, parce qu'elle s'accorde moins que les autres avec les données de Parente, est bien celle qui dénote encore le plus d'originalité. Mais on constate par ses proportions, comme le montre le tableau, qu'elle n'est pas meilleure que les autres, au contraire.
Les quatre cartes représentent d'une façon particulièrement détaillée l'embouchure de l'Amazone qui, sur la carte de 1627, est figurée le plus inexactement ; au point de vue des proportions, les autres cartes fournissent des données plus exactes que celles de Parente. Toutefois, il ne faut pas se faire d'illusion sur le soin avec lequel semble être traitée l'embouchure de l'Amazone ; selon toute apparence et malgré l'indication des profondeurs, l'on se trouve ici encore en présence d'un dessin en grande partie
1) L e s 46% se rapportent à la carte de Vivien de St-Martin; les 43 % , à la carte de St ieler .
6S3
fantaisiste. On ne voit pas sur quoi s'appuient les cartes de Teixei ra pour le territoire situé au nord-ouest de l'Amazone, mais d'après ce qui précède, il serait clair que les indications de Teixe i ra sur la position du R. de Vicente Pinzon ne peuvent pas faire autorité. L e s cartes sont si insuffisantes qu'il est inadmissible d'en tirer d'autres conclusions. L e tableau III renseigne sur les indications de latitude que fournissent les cartes.
3. Ce n'est que dans son deuxième mémoire que le Brésil fait mention d'une carte de Sebastian de Ruesta, dont l'original paraît être perdu, mais dont une copie hollandaise, qui se trouve au British Museum de Londres, est reproduite dans le second atlas du Brésil 1 ) .
L a carte porte le titre : « Carta nautica del Mar, Costas y Islas de las Indias Occidentales, emendada por Sebastian de Ruesta, natural de Çaragoça, Cosmographo, fabricador de instrumentos mattematicos por Su Mag d en la Casa de la Contractacion de la ciudad de S e v i l l a . . . » D'après des documents trouvés à Séville, la carte de Sebastian de Ruesta a été établie en 1654 et, après un examen minutieux et certaines corrections, approuvée en 1655 au nom du roi par la Casa de Contratacion et le Conseil des Indes. P a r décret royal de Philippe I V , du 10 octobre 1655, certaines recettes de la Casa de Contratacion furent affectées à indemniser Ruesta et à couvrir les frais de reproduction de sa carte. On aurait par conséquent à faire ici à une carte officielle, à un Padron real tardif.
Comme ce document n'a été produit qu'après coup par le Brési l et que la F rance n'a pas eu l'occasion de se prononcer à son sujet, comme en outre cette carte n'est qu'une copie et que des renseignements détaillés font défaut
1) R . B . I, pp. 93 et suiv., et A . B . II , n° 14.
— 684 —
sur l'authenticité de celle-ci, l'arbitre ne peut pas considérer cette carte comme probante. Néanmoins, il y a lieu de la soumettre à un examen attentif.
Pour le Brésil, la copie de cette carte est hollandaise ; comme le contour des côtes rappelle, à première vue, la carte de Laet 1625 (A. B . I, n° 60), il paraît indiqué de rechercher tout d'abord s'il existe une parenté entre ces deux cartes.
Une comparaison de Ruesta avec de Laet montre que la forme des côtes diffère notablement dans les deux cartes, comme on peut le voir par le dessin du delta de l'Orénoque, de la région du Cap de Nord, de l'embouchure de l'Amazone, de la baie de Maranhão, etc. L a carte de Ruesta renferme plus d'indications importantes pour la navigation que celle de Laet . L a nature des côtes, l'étendue des bancs de sable, etc., sont traitées plus en détail dans la première que dans la seconde. L a nomenclature est complètement différente. Une comparaison des deux cartes d'après la méthode usitée montre plus clairement encore les différences qu'elles présentent dans leur conception. Toutefois on ne peut donner que les distances relatives par rapport à la longueur totale, attendu que la carte de Ruesta ne contient aucune échelle des latitudes — pas même l'équateur — ni d'échelle en lieues, et ne permet pas par conséquent de déterminer comme d'ordinaire l'unité de longueur.
Voic i le tableau que l'on obtient :
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— 686 —
Tout cela montre que la copie de la carte de Ruesta qui a été produite ne doit pas être regardée comme une imitation de Lact .
L e tableau comparatif concernant la carte de Sebastian de Ruesta place le C. de Orange à 84 km trop à l'ouest de sa position réelle et rappelle, par ce fait, la conception de Chaves. L a nomenclature présente quelques analogies frappantes avec celle de la carte de Lucas de Quiros de 1618 (A. B . II, n° 10), comme on peut le constater par le parallèle suivant 1) :
Sebastian de Ruesta Lucas de Quiros
I. Maranan Ciuidad de naçare I. Tatiperaza I. Maranoen I. de S. Sebastiaen Almadia C. Plazel R. de S. Marcio Costa suecia R. de S. Pabulo Angilas C. los Baxos Costa des Cubierta B . d. Lysleo B . de Pascua C. S . J u a n R. cl. las Amazones Tunosa
C. del Plazer R. de San Marcel
R. de S. Pablo
C° de las vasas
B a del ysleo
C° de St. Juan Rio de Orellana
1) Cependant la carte de Ruesta accuse, dans le dessin, un tout autre degré de perfection, et l'on ne saurait, à cet égard, lui comparer la carte de Lucas de Quiros, d'une valeur bien inférieure.
— 6 8 7
Sebastian de Ruesta Lucas de Quiros
R. do Mocoreas R. de Conitaluna C. de Norte R. de mucaracos Costa de medanos C. de Orange B a de Biçente Pinçon R. de canoas I. de los Diablos R . verde
C. corte R. de mocoreos B a de vizente
Pinson R. de canoas
R. Berde.
Il faut signaler tout particulièrement le mot Ysleo, écrit sur les deux cartes avec un y, et le R. de mocoreos ou mucaracos que l'on ne rencontre pas sur d'autres cartes. L a B a près de Biçente (Vizente) est commune également aux deux cartes. On voit en outre que la nomenclature de Ruesta est, notamment dans la région située au sud-est de l'Amazone, fréquemment entrecoupée de noms connus des cartes portugaises, ce qui s'explique par le fait que ces territoires étaient depuis longtemps déjà en possession du Portugal. A l'ouest de la B a cle Biçente Pinson de Ruesta et du Pinson cle Quiros, figure un Rio de canoas que l'on trouve déjà sur les cartes de V a z Dourado, sur la Carte anglaise anonyme de 1598 (A. B . I, n° 44) et d'autres encore sous le nom de Rio de la barca, et qui revient sur les cartes à nomenclature indienne, où il est appelé B . ou R. de canoas, et où il avoisine à l'ouest le Wiapoc ou Wajabego , c'est-à-dire l 'Oyapoc. (Voir , par exemple, la carte cle Jodocus Hondius de 1606, A. B . I, n° 53). L e s noms ci-après se suivent sur
— 6 8 8 —
Ruesta C. de Orange 1 )
B a de Biçente Pinçon
R. de Canoas
Jodocus Hondius 1600 C. de la Conde 1 )
R. Wajabego
R. de Canoas.
L a constatation la plus importante à laquelle donne lieu la carte de Sebastian de Ruesta est que la B a de Biçente Pinçon, c'est-à-dire le Rio de Vicente Pinzon, y est identifié sans équivoque possible avec l'Oyapoc, par le fait que le C. de Orange est situé immédiatement à l'est de son embouchure.
4. Enfin, il y a lieu de mentionner ici les cartes du P. Samuel Frits de 1691 et 1707 2 ) . Ces cartes adoptent la nomenclature indienne pour la côte contestée et ne font qu'une seule exception en écrivant le Rio de Vicente Pinzon à la place de Wiapoco ou Oyapoc. Ce n'est qu'après l'examen des cartes du X V I I e siècle, à nomenclature indienne, qu'il sera possible d'apprécier la valeur des cartes du P. Fritz; aussi suffit-il de les avoir signalées ici.
III. Cartes à nomenclature indienne. 1598-1703.
1 .
Aperçu général.
Avec les dernières décades du X V I e siècle, la période cartographique pendant laquelle le dessin de la côte comprise entre l'Amazone et l'Orénoque procède du type sévil-lan peut, en principe, être considérée comme close. On vient
1) C. de Orange et C. de la Conde sont des dénominations identiques. 2 ) A . B . I, nos 8 6 b et 91 ; A . F . , n° 17.
— 6 8 9
de voir dans quelle mesure les Espagnols et les Portugais conservèrent au X V I I e siècle l 'ancienne image de la contrée. De même, le nom du Rio de Vicente Pinzon se maintient dans les éditions parues au X V I I e siècle d'Ortelius 1624, de Théodore de B r y 1630 et 1644, de Plancius 1645, de van Langeren 1645, de Rosacc io 1657, de Dancker Dankerts 1660. Jodocus Hondius, Théodore de B r y et vаn Langeren ont même publié des cartes d'après les deux types, ancien et nouveau. Il est surprenant toutefois que personne, lors du passage à la nomenclature indienne, n'ait cherché à comparer les anciens noms avec les nouveaux et à en établir l'identification.
Avec le commencement du X V I I e siècle s'ouvre une nouvelle phase de la cartographie de la côte guyanaise. Elle est caractérisée par la substitution des noms indiens indigènes aux noms hispano-portugais. L a nomenclature romane se maintient plus longtemps sur la côte brésilienne ; certains cartographes adoptent la nomenclature indienne pour la côte guyanaise, tandis qu'ils se servent encore de la nomenclature romane pour la côte du Brésil .
Toutefois des traces de nomenclature indienne se rencontrent déjà antérieurement, par exemple sur la carte espagnole reproduite dans A. В . I, n° 13, qui date, à ce que l'on prétend, du milieu du X V I e siècle (1560?) et qui présente une série de noms indiens de fleuves, tels que R. curetic, R. copanama, R. moruca, etc. Mais cette carte, d'ailleurs très primitive, resta sans influence sur les dénominations des œuvres cartographiques ultérieures ; aussi, n'y a-t-il pas lieu de s'y arrêter plus longuement.
L e s voyages entrepris par Sir Walter Ralegh 1) 1595
1) C'est depuis le voyage de W . Ralegh , 1595, que le littoral compris entre l 'Amazone et l 'Orénoque est nommé «Guyane».
— 6 9 0
et par ses contemporains Lawrence Keymis 1596, Charles Leigh 1604 et Robert Harcourt 1608, clans le but de chercher, à l'intérieur de la Guyane, l'Eldorado fabuleux dont parlaient les récits espagnols, sont de la plus haute importance pour la cartographie de toute la côte des Guyanes, car ils fournirent la base de la nouvelle nomenclature de cette région 1 ) .
Ce sont en première ligne les tables 2 ) des rivieres de Guyane, dressées par Lawrence Keymis et Robert Harcourt, qui font règle pour la nouvelle nomenclature. Ces tables, séparées en date par un intervalle de 17 ans, diffèrent dans l'orthographe de certains noms ; les rivieres citées par Keymis et par Harcourt dans le voisinage de l'embouchure de l'Amazone forment deux séries quelque peu différentes, comme le montre le tableau suivant:
Keymis (1596): Harcourt (1613):
Arrowary. Arrowary.
Iwaripoco. Maipari. Maicary.
Connawini.
Caipurogh. Cassipurogh.
Arcooa. Arracow. Wiapoco. Wiapoco. Wanari. Wianary.
Cowo. Capurwacka. Apurwacca.
Cawo.
L a différence d'orthographe entre Keymis et Harcourt affecte principalement les rivieres Maipari — Maicary, et
1) L a première carte avec la nouvelle nomenclature est celle de Jodocus Hondius de 1598, A . B . I, n» 45.
2 ) Vo i r R . B . II, pp. 17-23.
— 6 9 1
Capurwacka — Apurwacca. Aussi ces noms offrent-ils, poulies cartes du X V I I e siècle établies avec la nouvelle nomenclature, un moyen de reconnaître laquelle des tables de Keymis ou de Harcourt a été utilisée comme source première de la nomenclature.
Pour pouvoir poursuivre la présente étude sur la base de la nouvelle nomenclature, il paraît opportun d'établir et de comparer entre elles les séries de noms des cartes les plus importantes. On obtient ainsi les tableaux synoptiques suivants :
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— 6 9 5 —
L'examen détaillé de ces cartes soulève une série de questions qui seront discutées dans les pages suivantes.
2.
Le Cap de Nord, cap insulaire. Le Rio Arowary considéré
comme bras de mer.
Il importe, notamment à cause de la donation en faveur de Bento Maciel Parente, de 1637, et du Mémorial de Parente qui lui a servi de base, de savoir quel cap il faut entendre par le «Cap de Nord». Aux termes du Mémorial, la capitainerie, que la donation désigne sous le nom de capitainerie du Cap de Nord, devait comprendre : les terres de la région du Cabo del Norte, s'étendant le long de la côte sur 40 leguas comptées à partir du grand canal jusqu'au Rio de Vicente Pinzon, où se trouve la frontière entre le Portugal et la Castille, textuellement : « De la otra parte del Rio en el cabo del Norte, corre la costa a Loeste hasta et rio de Vicente Pinçon, en altura de trez grados de la linea al Norte : h a b r á cosa de quarenta leguas por costa entre el gran canal, y la deniarcacion entre Portugal y Castilla », M. B . II, page 18. Les dites terres sont décrites comme suit dans la donation : « Das terras que jazem no cabo do norte cõ os Rios que dentro que nellas estiuerem que tem pella costa do mar trinta te quarenta legoas de distrito que se contão do dito cabo ate o Rio de vicente picon aonde entra a reparticào das jndias do Reino de castella », M. B . II, page 27. Une fois établi ce qu'il faut entendre sous le nom de Cabo del Norte, la position du Rio de Vicente Pinzon, fleuve frontière entre le Portugal et l 'Espagne, peut se déduire de cette description, même si l'on admet a priori que les données de Parente touchant la distance de 40 leguas ne voulaient ni ne pouvaient
— 696 —
être absolument exactes. Mais les parties ne sont pas d'accord sur la question de savoir quel est le point de la carte moderne qui doit représenter le Cabo del Norte.
Il y a lieu de remarquer à cet égard que le cap s'avan-çant en mer du côté occidental de l'embouchure du Marañon-Amazone a porté autrefois différents noms. Il est appelé 1) :
C. bianco dans Majollo (1519), C. corà dans Desliens (1543), C. cora dans Gutierrez (1550), C. blanco sur la carte de Weimar (1527), dans Ribeiro
(1529), dans Chaves (1536), ainsi que dans Mer-cator et Ortelius et dans les groupes de cartes qui s'y rattachent,
Punta do Pracel dans Andreas Homo (1559), Pta del parcell dans Bartholomeu Velho (1561), P. del pacel dans Diogo Homem (1568), P. del pracell dans Joan Martines (1582), C. do Norte dans Cornelis de Jode (1593), A. Fl . van
Langeren (1596), Cornelis Wytfliet (1597), Joào Teixeira 1627 et 1640,
C. de Nord Hispanis dans Jodocus Hondius (1598), C. curco sur la Carte anglaise anonyme (1598) 2) et
dans Walter Ralegh (1618), P. Perlious dans Tatton (1608), C. di Arowari dans Dudley (1646), et aussi C. del
Nort dans les cartes du même auteur (1661), Cabo Race aux Espagnols, Cap de Nord aux autres
dans Nicolas Sanson (1656),
1) Il ne s'agit ici que de la situation du Cap de Nord par rapport à l'Amazone et cela indépendamment de la question, précédemment traitée, de la position relative, exacte ou inexacte, du grand fleuve.
2 ) A . B . I, no 44.
— 6 9 7 -
C. de Nort, al. Cabo Race dans Pierre Du V a l (1664), Cabo de Noord dans de Lae t (1625), Blaeuw (1630),
Vooght (1680), C. du Nord dans de l'Isle (1700), C. de Nord dans Lefebvre de la Ba r re (1665), F roge r
(1698), L a Condamine (1743). Mais ce n'est pas seulement le nom de ce cap, c'est
aussi sa position qui a subi de grands changements dans le cours du temps. Jusqu'à la fin du X V I e siècle, on trouve un cap continental représenté relativement à la côte adjacente de deux manières caractéristiques : la ligne convexe de la carte de Weimar , de Ribeiro, de Chaves, de Bartholomeu Velho, de Joan Martines et de J o ã o Teixe i ra 1627, adoptée aussi par Mercator et Ortelius ; et la forme coudée (Knieform) des cartes de V a z Dourado, Florentin van Langeren, Jodocus Hondius, van Doet, Cornelis Wytfliet, et de João Te ixe i ra 1640 et 1642. Aucune de ces cartes ne dessine de grande île près de ce cap, qu'elles représentent comme appartenant au continent. Si , sur quelques cartes, des îles sont dessinées, ce ne sont que des îlots, qui ne rappellent en rien les formes des cartes postérieures. On ne connaît à cette époque qu'un seul Cap de Nord, dont la situation par rapport à l 'embouchure de l'Amazone se modifie, il est vrai, selon les auteurs.
L o p e z de Velasco, 1571-1574 (R. B . II, page 14), mentionne le premier « trois petits îlots » près de « L a s Planosas », immédiatement au nord du « Cabo Bianco » ; van Doet 1585 et Sanchez 1618 les ont reportés sur leurs cartes — sans nom particulier. Wytfliet, van Langeren, et d'autres, font de même. V a n Doet a une «Punta dos I lheos», immédiatement à l'ouest de son C. do Norte. L a Carte anglaise anonyme de 1598 (A. B . I, n° 44) est, à notre connaissance, la plus ancienne carte qui dessine une grande île près du Cap
— 6 9 8 —
Curco; mais celle-ci est située à l'est du cap, en avant de l'embouchure du grand fleuve.
Peu à peu le Cap de Nord fut séparé du continent et figuré comme île. Il est représenté sous cette forme, par exemple dans Dudley 1646, où il est appelé C. Arowari; dans A. Fl . van Langeren 1630 (C. de Nort) ; sur la carte « meilleure » de R. Dudley, où il est nommé C. del Norte ; dans de Laet 1625 et G. Blaeuw 1631 (C. de Noord) ; dans N. Sanson 1656 (Cabo Race aux Espagnols, Cap de Nord aux autres). Ruesta 1655 se range également dans cette catégorie. Lefebvre de la Barre 1665 dessine le cap d'après Sanson, avec la dénomination : Cap de Nord, aux Espagnols Cabo race. Les cartes du P. Fritz, de 1691 et 1707, sont les dernières qui figurent le Cap de Nord de cette manière. Elles le représentent comme le sommet d'un angle aigu s'avançant fortement vers l'est, le séparent du continent par un bras de mer et lui donnent une latitude nord de 1° 45 ' à 2°.
L a carte de Gabriel Tatton, de 1608 accuse une tout autre conception. Sa P. Perilous (le Cap de Nord) fait saillie au-dessus de l'embouchure de l'Amazone dans la direction du nord-est jusqu'à 1° 4 5 ' de latitude nord; puis, décrivant une courbe prononcée, la côte continue vers le nord-ouest. Cette P. Perilous de Tatton est un cap continental. Ce n'est qu'à l'ouest de celle-ci que Tatton dessine deux grandes îles et une plus petite. Par leur disposition, les deux grandes îles forment une sorte d'île double dont les parties ne sont séparées que par un étroit chenal. Tatton les appelle « Carrapoporough Iles » et il écrit en travers du canal qui les sépare du continent : « Freshwater ». L e même dessin accompagné des mêmes dénominations se
1) A. B. I, n° 54.
— 699
trouve dans Walter Ralegh (1618) 1 ) ; seulement, la P. Perilous dans Tatton s'appelle ici C. Curco.
Ce tracé subit quelque modification dans les cartes des Hollandais Claes J. Vooght (1680), Arnoldo Roggeveen (1680) et Joannes van Keulen (1695) 2 ) . Claes J. Vooght dessine les trois « Carrapoporough Iles » de Tatton et Ralegh de la même façon que ces derniers, mais il donne à la plus grande le nom de Tarpory. Il place la P. Perilous ou le C. Curco par 1° 5 5 ' N, et l'appelle Cabo Noord. Contrairement à Tatton et à Ralegh, il représente le Cabo Noord comme un cap insulaire. L'î le, qui dépasse de beaucoup en grandeur celles qui viennent d'être citées, porte la mention : «J. Carpori, oste Laag Land vol Boomen » ; le Cabo Noord forme sa pointe nord-orientale. On reconnaît encore facilement, surtout à l'ouest du Cabo Noord, le contour du continent tel qu'il est figuré sur les cartes de Tatton et de Ra legh , et l'île tire simplement son origine du fait que Vooght sépare du continent, par un large bras de mer qu'il nomme Rio Arowary, une portion notable de la côte. L' î le a sa plus grande étendue dans la direction nord-sud et sa longueur dans ce sens mesure 11/3 degré de latitude environ. Elle constitue la partie orientale de la saillie en forme de genou des anciennes cartes. Van Keulen a exactement le même dessin, tandis que Roggeveen supprime les trois îles septentrionales Tarpory et n'en indique plus qu'une grande: « Carpory oste Laegh Eylandt vol Boomen » , derrière laquelle passe le large bras de mer nommé Rio Arowary. L a ligne de plus grande étendue de l'île suit également ici à peu près la direction nord-sud; en revanche, elle n'a pas, comme dans les cartes
1) A . B . II , n° 9. 2 ) A . B . I, n o s 81 a et b; A . F . , nos 15, 18 et 1 8 b i s .
7 0 0 —
précédentes, la même orientation que la rive occidentale de l'Amazone, mais elle forme avec celle-ci un angle obtus. Le Cabo de Noort n'occupe plus l'extrémité septentrionale de l'île, mais se rapproche du milieu de celle-ci, en faisant toutefois fortement saillie vers le nord-est. Il est situé sous 2° de latitude nord. Sur le continent, au sud de l'île, et par 0° 40 ' de latitude nord, se trouve un «Cabo Aroswary». Dans le bras de mer «Arowary Flu» débouchent, lus du sud au nord, un Rio Warypoco, un Rio Maypuroch et un Rio Caypurogh.
L e dessin de Claes J . Vooght et de van Keulen se retrouve plus tard dans les cartes de d'Anville 1729 et 1745 1), dont la première nomme la grande île méridionale : «Isle Carpori ou terre des Ilapins», tandis que la seconde n'indique, sous le nom de «I. Maraca», que les trois îles situées au nord. La petite carte de d'Anville, de 1748 (A. F., n° 25 b i s), présente le même dessin que cette dernière. En outre, les cartes de Nicolas de Fer (1719), La Condamine (1743 et 1744), la Mapa dos Confins do Brasil etc. (1719), J. Gibson (1763), Bellin (1763), Hartsinck (1775), Thompson (1781), et d'autres 2 ) , procèdent de la même conception que celles de Vooght, Roggeveen ou van Keulen. Guill. de l'Isle (1703) se rapproche plutôt de cette version que de celle de Laet. Il y aura lieu de discuter plus tard comment ces cartes rattachent la Baie de Vincent Pinçon au groupe d'îles du Cap de Nord. La première question qui se pose est de savoir ce que signifie le « Rio Arowary » marqué derrière les îles, attendu que ce point, que suscite l'examen des cartes du X V I I e siècle, revêt une certaine importance dans le différend actuel.
1) A . F . , nos 22 et 24. 2 ) A. В . II, n° 18; A. F . , nos 23, 25 b i s , 26, 31 b i s , 32 et 38; A. В . II, n°36.
Des développements qui précèdent se dégagent donc les deux questions suivantes, qui intéressent le présent litige : Quelle est la situation du Cap de Nord, eu égard surtout à la donation eu faveur de Parente? Que signifie le Rio Arowary des cartes de Vooght, Roggeveen et van Keulen ?
1. Contrairement aux cartes anciennes qui ne connaissent qu'un Cap de Nord, les cartes modernes indiquent : une «Punta do Norte » ou Pointe de (du) Nord qui limite à gauche l 'embouchure de l 'Araguary, par 1° 16 ' de latitude nord, vis-à-vis de la Ponta Grossa qui la termine à droite ; puis un « Cabo Raso do Norte » au nord de l'embouchure de l 'Araguary, appartenant au continent et situé sous 1° 40 ' de latitude nord; enfin un «Cabo do Norte», formant la pointe septentrionale de l'île de Maraca, sous 2° 15' de latitude nord 1 ) . Suivant la carte sur laquelle s'effectue la mesure, ces deux derniers caps sont éloignés de 75 à 85 kilomètres l'un de l'autre. L'« Atlas universel de géographie » de Vivien de St-Martin, 1894, nomme le cap continental : Cap de Nord, et le cap de l'île de Maraca : V ieux Cap Nord. L a carte « du service hydrographique français » porte près du cap de l'île de Maraca, la mention : « Cap du Nord des anciens géographes » 2 ) . Mais il n'est pas dit qui l'on doit entendre par « anciens géographes » ; cette désignation peut se rapporter à ceux du X V I e ou du X V I I e siècle.
Dassié, dans son «Architecture navale», place le «Cap de Nord ou Cabo race » sous 1° 5 6 ' de latitude nord 3) ;
1) V o i r Stieler, Handatlas, n° 91, et Vivien de St-Martin, 1. c . feuille 2.
2 ) A . JB., II , n° 86. 3) Dassié, L 'Archi tecture navale contenant la manière de construire
les navires, avec les Tables des Longitudes, Latitudes et Marées, Cours et distances des principaux Ports des quatre parties du Monde, Par i s 1677.
7 0 1
— 7 0 2 —
Manuel Pimentel 1), dans son « Arte de Navigar», 1/12, le place par 1° 54 ' N. Sa position coïnciderait donc à peu près avec celle du Cap Tourlouri actuel (voir Annexes, planche n° 3). Comme il a été dit plus haut, la latitude indiquée par Tatton est de 1° 45 ' N, ce qui se rapprocherait de celle du cap continental des cartes modernes; les autres cartes du X V I I e siècle qui font figurer l'embouchure de l'Amazone sous l'équateur donnent au cap environ de 1° 50 ' à 2 ° de latitude nord et se rapprochent donc plutôt de la position du cap situé à l'extrémité nord de l'île de Maraca. En général, on peut dire que la position admise pour le cap est à 2° environ au nord de l'embouchure de l'Amazone. C'est le cas dans les cartes de Mercator, d'Ortelius et de leurs imitateurs, comme aussi dans celles de Weimar, de Ribeiro et de Chaves, qui placent le cap sous l'équateur et l'embouchure du grand fleuve par environ 2o au sud de cette ligne. Vaz Dourado et quelques autres dessinent le Cap de Nord sous 3° et 4° de latitude nord. Teixeira, sur sa carte de 1627, place le cap par 2° 30 ' N; sur sa carte 1640 a, également; sa carte 1640 b le figure sous 0 ° 40 ' N (mais Teixeira ajoute: Cabo do Norte em altura de 2 graos do norte) ; et celle de 1642, à 1° 50 ' N. Toutefois, la description de Parente, suivant laquelle le cap est situé par 3°, ne concorde pas avec les cartes de Teixeira. En ce cas aussi les données touchant la latitude n'offrent pas de base sûre et l'on est par conséquent obligé de recourir à d'autres moyens.
Vers 1630, à l'époque où Bento Maciel Parente rédigeait son Mémorial, il existait déjà différentes cartes signalant la présence d'îles près du Cap de Nord. Ce sont par exemple celles de Gabriel Tatton 1608, de Walter Ralegh 1618, de Joannes de Laet 1625. Mais ces cartes émanaient
1) R. B . II, page 405.
— 7 0 3 —
d'Anglais et de Hollandais. Il ne semble pas que Parente en ait eu connaissance, car il ne parle pas d'îles, et sa description s'accorde beaucoup mieux avec les cartes à côte coudée (Kniekarten) des Portugais qui ne marquent encore aucune île. Teixeira n'a point d'îles non plus; il indique tout au plus des bas-fonds.
Parente dit: à partir de la « Punta del Separará », il y a 80 leguas jusqu'au Cap de Nord dans la direction du nord-ouest. L a Punta del Separará ligure sur quelques cartes de Teixeira, mais nulle part ailleurs, que nous sachions. Elle correspond à la Pta Ti joca de Vivien de St-Martin, à l'île de Ti joca de Stieler. Comme le montre le tableau III des Annexes, ces 80 leguas ne conduisent pas au cap continental, mais bien plutôt au cap septentrional de l'île de Maraca, ce qui correspond aussi à la direction donnée. Parente dit qu'à partir du Cap de Nord la côte tourne à l'ouest. C'est la conception qui prévaut en général dans les cartes de cette époque et dans les cartes à côte coudée tout particulièrement. Pa r son dessin, Teixeira l'exprime également d'une façon claire. Or celui qui, partant du cap continental actuel, irait dans la direction de l'ouest, aboutirait au canal de Tourlouri.
Mais ni Parente, ni Teixei ra ne paraissent avoir eu une connaissance détaillée du contour de la côte du Cap de Nord. On évitait le cap à cause des bas-fonds environnants et de la pororoca; ce n'est pas sans raison que Tatton l'appelle « Punta Perilous ». L e gouverneur de Para , Antonio de Albaquerque, dit dans son rapport de 1687 1) au roi Pedro I I : «J'entrai dans la riviere d'Araguary voisine de la pointe dudit Cap du Nord, laquelle je n'ai pu doubler, vu le péril de la navigation sur cette côte, qui ne
1) V o i r ci-dessus, page 143.
— 7 0 4 —
se fait qu'à de certaines saisons ». Bellin, ingénieur français de la marine, parlant de la section de côte comprise entre le R. Aricari et le Cap de Nord, dit en 1763: «Toute cette partie de la côte n'est presque pas connue ». On peut donc s'expliquer pourquoi Maraca, comme île, et le canal de Carapaporis sont restés si longtemps inconnus, et c'est là sans doute la raison de l'incertitude du dessin cartographique.
Or, lorsqu'à cette époque on parlait du Cap de Nord, ce n'est pas tant un point précis de la côte que l'on avait en vue, mais bien les parages où la côte tourne à l'ouest selon l'idée admise alors.
En se basant sur cet ensemble de considérations et notamment sur la description de Parente, on arrive à cette conclusion que le Cap de Nord dont parlent Parente et la donation en sa faveur est le cap septentrional de l'île de Maraca.
En tout cas, il faut faire abstraction complète de l'hypothèse tendant à identifier le Cabo del Norte de Parente avec la Punta Pedreira que les cartes récentes marquent dans la région de l'embouchure de l'Amazone, au nord-est de Macapa, loin au sud-ouest de l'embouchure de l'Ara-guary. La description de Parente est en opposition directe avec une telle interprétation. Son Cap de Nord est situé au nord-ouest de la Punta del Separará. (Voir Teixeira, 1640, A. B . I, n o s 66 et 67.) Près du Cap de Nord, la côte s'infléchit suivant lui vers l'ouest. Cela aussi exclut toute identification de la Punta Pedreira avec le Cap de Nord.
L'occasion se présentera de revenir encore sur ce sujet. 2. Pour fonder l'hypothèse d'une ancienne bifurcation
de l'Araguary inférieur en deux bras dirigés l'un vers l'est, l'autre vers le nord, M. F . I, pages 295 et suivantes, cite le Rio Arowary des cartes hollandaises déjà mentionnées, et il dit : « . . . Il est un fait que les patientes
7 0 5
investigations des premiers navigateurs hollandais réussirent à mettre en évidence dès le X V I I e siècle, c'est qu'il existait, entre le continent proprement dit et le groupe des terres dont fait partie le cap de Nord, une séparation fluviale due a la bifurcation de l'embouchure de l 'Araguary. Ceux, dit De Laet, qui, cherchant à entrer dans l'Amazone, auraient, sans le vouloir, dépassé le promontoire du cap Nord, peuvent sans difficulté rentrer dans le fleuve à la voile au moyen de ce chenal. L a bouche septentrionale de cet Arewary (sic) est distante de l'Equateur de un degré trente minutes vers le Nord. »
« Remarquons cette position — poursuit M. F . , 1. c , — elle se rapproche sensiblement de celle que nous assignons aujourd'hui à l'embouchure du Carapapori, et elle est exactement la même que celle que le Portugais Berredo, après le traité d'Utrecht, assignait à la riviere de Vincent Pinzon. » M. F . renvoie ensuite aux cartes de Roggeveen (1675) et de van Keulen (1695) 1), qui indiquent le chenal par lequel on pourrait faire le trajet décrit par de Laet, et continue: L e cours intérieur (supérieur) de l 'Araguary n'est pas marqué sur ces cartes, « pas plus que le point de bifurcation des deux bras ; on y voit seulement l'Araguary débouchant, ici au Nord, là au Sud d'une grande île terminée par le cap de Nord-». On constate par ces cartes qu'un bras septentrional de l'embouchure de l 'Araguary a existé encore au X V I I e siècle et a été utilisé pour la navigation. A plus forte raison devait-il exister au X V I e siècle ; ce n'est qu'au X V I I I e siècle qu'il a commencé à s'obstruer et à devenir innavigable. C'est dans ce bras septentrional de l 'Araguary que la France voit le Vincent Pinçon, qu'elle rattache à la Baie de Vincent Pinçon de G. de l'Isle.
1) Vo i r A . F . , nos 15, 18, 1 8 o s .
— 7 0 6
Il est à remarquer à cet égard: Le passage de Laet cité dans M. F . I, page 295,
est emprunté à l'ouvrage de cet auteur: « Novus orbis », édition de 1633, page 631. Ce passage commence ainsi : «Are-wary non tam fluvius quam fluvii ramus sive fretum, pro-montorium abscindens », d'où il ressort clairement que, selon de Laet, cet Arewary n'est pas un fleuve, mais un bras de mer, un détroit (« fretum ») séparant l'île du Cap de Nord du continent. Lorsque de Laet dit ensuite : « os autem illius septentrionale distat ab æquatore uno gradu et triginta scrupulis », « os » ne signifie pas « branche » (suivant la traduction de M. F. , 1. c), mais embouchure, et il se rapporte, comme le montre la fin de ce passage: «os hujus freti », non pas à un fleuve, mais précisément à ce détroit. Cet Arewary ou Arowary est représenté également comme un détroit dans les cartes de Claes J . Vooght, Roggeveen, van Keulen et autres. Il y a lieu de comparer avec ce qui précède ce que de Ferrolles, dans son rapport de 1688, dit du Cap de Nord 1): « C'est le Cap d'une isle qui a 20 lieues de tour, nommée par les Indiens Caracapouri. Elle est séparée de la terre ferme par un bras des Amazones d'une lieue de large, elle est toute en marais et savannes. Les pirogues ne passent par là qu'en petite marée, à cause que dans les grandes la barre y est tellement rude que de gros bastimens ne s'en pourroient sauver ». L e Routier d'Amaral de 1723 2 ) décrit ce détroit exactement de la même manière : « L e courant est très violent entre cette île et la terre ferme, laquelle, du Sud-Est au Sud-Ouest 3), forme une très large baie, la distance de l'île à la terre ferme
1) M. F . II , page 158; ci-dessus, page 175. 2 ) Voir ci-dessus, pp. 347 et suiv. 3 ) Sud-Ouest est évidemment une erreur d'écriture; il faut l i re:
Nord-Ouest.
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étant à peine de trois quarts de lieue. Entre ces trois îles et la côte, il y a une grande riviere ; mais comme les courants y sont très violents et qu'il y a des bas-fonds, le pororoca agit sur eux. Les indigènes donnent à cette rivière le nom d'Igarapepucá 1) ». Le nom seul diffère, mais de Laet , de Ferrolles et Amaral donnent sur la nature de ce canal de communication des informations absolument concordantes. Ce n'est pas une branche de l'embouchure de l 'Araguary qu'ils décrivent, mais un bras de mer indépendant.
De Laet, décrivant son canal ou bras de mer Arewary, dit: l'embouchure septentrionale du canal est située par 1° 30 ' latitude nord, elle se dirige d'abord directement vers le sud, ensuite vers le sud-est, où le canal s'infléchit et débouche finalement vers l'est-nord-est. Les Hollandais rapportaient avec raison ces indications à la région du Cap de Nord; la description s'applique absolument aux conditions existant encore aujourd'hui pour le canal Carapaporis-Tourlouri. Si l'on compare la latitude de 1 ° 3 0 ' N indiquée par de Laet avec celle qu'accuse la carte jointe à son ouvrage, on reconnaît qu'il n'y a pas concordance sur ce point, car celle-ci place l'embouchure septentrionale du canal par 1° 50' N.
L a version de Nicolas Sanson (1656) et de L e f e b v r e de la Barre (1665) 2) diffère quelque peu de celle des Hollandais. Sanson et de la Bar re font pointer vers l'est le cap insulaire, comme de Laet , Blaeuw et d'autres, contrairement donc à Tatton, Ralegh, Vooght, qui assignent à leur Cap de Nord une tout autre forme et une tout autre position (voir plus haut, pages 698 et suivantes). Puis ils
1) R . B . III , page 44. 2 ) A . B . I, nos 73 et 76; A F . , n° 14.
7 0 8 -
dessinent un « Arrewari R. » sous la forme d'un canal qui, décrivant un arc étendu dont la convexité est tournée vers l'intérieur, sépare du continent une deuxième et importante portion des terres du Cap de Nord.
Ceci conduit à d'autres considérations. Le nom d'Ar-rowary apparaît pour la première fois en 1596 dans la relation du second voyage de Keymis en Guyane, où il est décrit comme le premier fleuve au nord de l'Amazone 1). A partir de Jodocus Hondius (1598), on le voit, avec de petites divergences dans l'orthographe, figurer dans les cartes sous les formes suivantes : Arowary, Ariowary, Arouari, Arowari, Arrewari, Arauuari. C'est dans le rapport de d'Albuquerque, de 1687, qu'il est orthographié pour la première fois Araguary. A l'origine, le nom est placé le plus souvent à l'ouest du Cap de Nord, dans les parages du Canal de Carapaporis actuel. Sur quelques cartes, on le trouve dès le début au sud du Cap de Nord. Mais il représente toujours une riviere venant de l'intérieur des terres et non pas un canal de communication, comme dans Sanson et Lefebvre de la Barre. Dudley (1646) 2) est le premier qui marque à la fois un Rio Arowari à l'ouest, et une Baie Arowari au sud du Cap de Nord. La baie pénètre assez profondément dans l'intérieur ; le fleuve vient du sud-ouest et n'a aucune relation avec elle. Sanson (1656) relie les deux et fait du R. Arowari le canal dont il s'agit. Mais il ne figure aucune riviere Arowary venant de l'intérieur et qui aurait deux embouchures; il n'indique pas non plus une communication entre deux fleuves, c'est le canal lui-même qu'il qualifie de Rio. Lefebvre de la Barre (1665) le suit exactement.
1) Voir R. B . II, page 17; M. F . I, page 286. 2 ) A . B . I, n° 69.
— 7 0 9 —
La Condamine est le premier qui dessine un fleuve Arauari avec deux embouchures 1), et son autorité domina longtemps toute la cartographie. De nos jours on sait que l 'Araguary est un grand fleuve débouchant au sud du Cap de Nord (Cabo Raso do Norte). Mais il y aura lieu d'examiner de plus prés ce qu'il en est du soi-disant bras septentrional.
Il suffit ici de constater que les cartes du X V I I e siècle n'offrent aucun argument en faveur de l'hypothèse de la double embouchure de l 'Araguary. L e dessin de Sanson et de Lefebvre de la Ba r re provient probablement de ce que certains de leurs devanciers, ensuite d'une interprétation erronée de la relation de Keymis, avaient donné à l 'Arowary une position à l'ouest du Cap de Nord. L a présence du fleuve tantôt d'un côté du cap, tantôt de l'autre, et la connaissance qu'il existait, pendant la période des pluies, une communication du Mayacaré vers le fleuve des Amazones par l'intérieur des terres, ont pu également accréditer cette erreur. Mais Vooght, Roggeveen et van Keulen indiquent, sans équivoque possible, le bras de mer qui passe derrière l'île actuelle de Maraca, et ils ne peuvent pas, par conséquent, être invoqués à l'appui de la thèse de M. F .
3.
Le Cap de Nord, l'île de M a r a c a , le bras septentrional de l'Ara
guary et les conditions hydrographiques du Contesté 2 ) .
Pour apporter toute la clarté nécessaire dans les questions discutées au chapitre précédent sur la base des cartes,
1) A . F . , n° 23, et A . B . II , n°» 24 et 2 4 b i s . 2 ) Pour ce chapitre, voir la planche 3 des Annexes, qui donne une
esquisse du système fluvial et lacustre Tartarugal-Mapa.
7 1 0
il est indispensable de soumettre à un examen attentif les conditions hydrographiques du Contesté. Une carte (Annexes, planche n° 3), représentant le territoire dont il s'agit, a été dressée en vue de donner un aperçu de ces conditions. La carte n° 3 de R. F . lui a servi de base; les cartes marines françaises et anglaises de la même région et notamment la carte spéciale du littoral guyanais de Azevedo (A. B . II, nos 84 et 85) ont été également utilisées pour l'établir. Cependant ce travail présente les mêmes lacunes que toutes les cartes actuelles de ce territoire. Voici ce que dit sur ce point le Dr Göldi, 1. c , page 1 1 1 : «Wi r sind überhaupt zur unerschütterlichen Überzeugung gelangt — dies muss gesagt und festgenagelt werden, — dass, wer diese Küstenregion Guyanas kartographisch bearbeiten wollte, einfach von neuem anfangen müsste und von all dem Bestehenden als zuverlässigen Ausgangspunkt kaum mehr benützen könnte, als etwa die Küstenumrisslinien, wie sie auf der Seekarte von Mouchez gegeben sind ».
a) L e territoire du Cap de Nord n'a pas encore fait de nos jours l'objet d'une exploration détaillée. H. Coudreau remarque à cet égard 1) : « L a région qui va de Tartarugal à l'Amazone a été quelque peu étudiée par les Brésiliens; il n'en a pas été de même des lacs côtiers ou lacs du Cap Nord, dont je n'ai pu visiter qu'un seul, un des plus vastes, paraît-il, le Lago-Novo, découpé de baies nombreuses, libre, profond et plein d'îlots. Il suffit de consulter les documents géographiques antérieurs à mon voyage pour s'apercevoir que si les cartes brésiliennes donnaient au sujet de cette région de Mapa-Araguary quelques renseignements, exacts d'ailleurs, mais fort incomplets, les cartes françaises n'en donnaient à peu près aucun qui ne fût de pure fantaisie. »
1) H. Condreau, Dix ans de Guyane, 1. c., page 453. 45
Les conditions hydrographiques du territoire contesté
ont déjà été examinées plus haut, pages 27 et suivantes ;
toutefois, il est nécessaire de compléter cette étude. Elle a,
on s'en souvient, mis en évidence le fait que la côte, dans
la région du Cap de Nord, ne s'est pas formée durant
l'époque historique. Les îles Marajo, Caviana, Mexiana,
Maraca sont les restes d'une côte préhistorique plus étendue,
détruite depuis par suite d'affaissements et par l'action des
vagues 1 ) . Ce littoral se trouve encore en état de transfor
mation constante. Il ressort des notices du P. Pfeil que des
modifications de cette nature ont été aussi observées clans
les temps antérieurs. Dans R. B . I V , page 22, et V , fol. 106,
fac-simile V I , on lit : « Summa versus Jannuaoum et ejus
aspectum : nam sensim avulsa et perrupta aestuarii vi Insula
Joannis fuit, initio inquam aestuarium 2 Insulas tantum
habuit et Para et Joannis. » L'esquisse contenue dans le
fac-simile V , au haut du fol. 13, et sous lequel on li t : «justo
na mesma era» , représente peut-être cet événement.
R. F. , page 185, commet une erreur en donnant à
entendre que l'île de Maraca s'est formée dans le courant
du X V I I I e siècle seulement, et en ajoutant, page 192:
« Il faut remarquer que l'île de Maraca n'est pas très
ancienne ; elle était encore en formation en 1700 et en
1713», et plus loin, page 219: «L' î le de Maraca s'est
formée lentement dans le fond de la baie de Vincent
Pinson, par suite des alluvions rejetées par la riviere de
Vincent Pinson, branche septentrionale de l 'Araguary, et
refoulées en sens inverse par le prororoca. » Une preuve
de cette assertion résiderait dans le fait que l'île de Maraca
et les autres îles du Cap de Nord n'apparaissent que sur
1) E. Reclus, Géographie universelle, X I X , page 29; Berghaus, Physikalischer Atlas, 1892, n° 3. Voi r aussi ci-dessus, pp. 35, 36.
711
les cartes postérieures, tandis qu'elles ne figurent pas sur celles datant d'une époque plus ancienne. Mais cette formation soi-disant tardive de Maraca ne se concilie pas avec la supposition de R. F. , page 186: «que l'îlot de Japioca, qui subsiste toujours en face, et à une faible distance du rivage, dans la baie traditionnelle de Vincent Pinson, comme un témoin survivant de la riviere Japoc, soit peut-être un débris du pays primitif de Japoco». L a petite île de Japioco ou Jipioca a aujourd'hui complètement disparu sous les eaux ; la supposition de R. F. , que le pays de Japoco aurait disparu par suite d'un affaissement contredit par conséquent l'autre hypothèse, d'après laquelle l'île aurait été, à la même époque, formée par des atterrissements.
L a côte du Cap de Nord, comme la remarque en a déjà été faite, était évitée par les navigateurs, à cause de la pororoca et des nombreux bas-fonds qui la rendent dangereuse. Aussi les cartes de tout le X V I e et d'une bonne partie du X V I I e siècle donnent-elles une image absolument insuffisante des parages du Cap de Nord. Dès la carte de Juan de la Cosa, il est facile de constater que l'incertitude régnait sur la configuration de cette région. L'absence des îles dans les cartes anciennes doit, par conséquent, être attribuée à l'ignorance des navigateurs au sujet de cette partie de la côte.
Mais les cartes de Gabriel Tatton (1608), Wal ter Ra-legh (1618), Claes Vooght, et d'autres, montrent clairement l'erreur de M. F . quand il prétend que l'île de Maraca était encore en formation en 1700 et 1713. Ferrolles, dans son rapport de 1688, décrit l'île à peu près telle qu'elle est encore aujourd'hui 2 ) . Froger la fait figurer sur sa carte
1) Voir Dr E. A. Göldi, 1. c , page 188. 2 ) Voi r ci-dessus, page 175.
712
7 1 3 —
de 1696 1) en marquant le Cap de Nord comme l'un de ses promontoires. De tels témoignages permettent d'affirmer que l'assertion d'après laquelle l'île de Maraca serait d'origine récente manque de fondement.
Aussi bien, si Maraca, en tant qu'île, était inconnue des anciens cartographes, cela prouve que de leur temps on ignorait l'existence du détroit de l'Arowari, c'est-à-dire du Canal actuel de Carapaporis. C'est dans ce détroit, en face de la pointe sud-ouest de l'île de Maraca, que se jette la riviere Carapaporis que M. F . voudrait identifier avec le Vincent Pinçon des anciens. L e détroit étant inconnu, il devait en être de même du fleuve qui y débouche. Par conséquent, il ne faut en tout cas chercher le Vincent Pinçon des anciens cartographes ni dans le Canal, ni dans la riviere de Carapaporis.
b) L e s anciennes cartes du Contesté sont muettes sur les conditions hydrographiques du pays. Seul Tatton (1608) dessine un « L a k e of Macary » ; le P. Fritz (1691) paraît être le premier qui figure, dans l'intérieur, quelques lacs communiquant avec l 'Araguary. Poirson (1814, A. B . II, n° 59) marque un « Lago Real » et différents lacs plus petits ; ce n'est que depuis Azevedo (1860), Mouchez (1868) et Coudreau (1891) que l'on a une idée de cette plate-forme lacustre, mais elle est loin d'être complète.
Les enchevêtrements de fleuves et les systèmes de lacs reliés les uns aux autres par des canaux irréguliers
- igarapés — sont un phénomène ordinaire dans le territoire contesté. Les lacs apparaissent souvent sous forme de chaînes disposées parallèlement à la côte. Mais il ne s'en suit pas forcément qu'ils doivent, ainsi que l'admet
1) A . B . I, n° 85.
714
Reclus, être considérés comme d'« anciens cours d'eau ». Ce ne sont pas des restes de fleuves disparus, ou des chapelets de lacs occupant d'anciens lits de rivieres, tels que ceux situés entre Saratow et Astrakhan et ceux de l'ancien lit du Hoang-ho. L a forme presque isodiamétrique des plus grands lacs — pour autant qu'ils sont exactement représentés sur les cartes actuelles — ne témoigne pas non plus en faveur de l'hypothèse d'après laquelle on se trouverait en présence de lacs de barrage.
De Laet déjà (1. c., édition de 1640, page 55) dit qu'on ne peut pénétrer qu'à marée haute dans les rivieres Micary, Conawini et Cassipurough ; « à marée basse, elles sont presque bouchées » ; il fait la même remarque au sujet de l'Iwaripogo de Keymis. Ferrolles, en 1688, signale particulièrement le fait que ce que les cartes appellent rivieres ne sont que des « égoux de savannes ou petits lacs ». Coudreau (1. c , page 450) dit à propos du système fluvial et lacustre Tartarugal-Mapa : « C'est une contrée en formation et déformation incessantes ; des lacs se comblent, d'autres se forment qui n'existaient pas auparavant, des arroyos s'obstruent, d'autres s'ouvrent, d'autres coulent du Sud au Nord après avoir coulé du Nord au Sud, ou inversement ; on trouve fréquemment des traces du mouvement oscillatoire du sol : le régime hydrologique de la contrée n'est pas encore fixé. » Un affluent de la Mapa Grande, la petite Mapa, prend l'aspect d'une « riviere partie lacustre, partie obstruée». . . «Du lac Redondo au lac Pracouba, qui est vaste et profond tout se comble, lacs et rivieres, ou semble se combler . . .»
On parvenait dans l'intérieur du pays exclusivement par canots. Ainsi firent les gens de Para en 1646 1), Albu-
l ) Vo i r R . B . II, pp. 70 et suiv.; ci-dessus, page 128.
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querque en 1687 1) et Ferrol les en 1688 2 ) . D'après Azevedo (A. B . II, n° 85), ce n'est qu'en petits canots, « para pequenas canôas », que J . Fre i re de Andrada, en 1840, passa du R. Carapaporis au Rio Piratuba; en 1850, le capitaine Martin H. Boldt employa le même moyen pour arriver jusqu'au Lago del R e y par l 'Umacary (chenal de communication avec l 'Araguary, situé à gauche de ce fleuve et aujourd'hui comblé). On rencontrait des difficultés extraordinaires pour se rendre de l'Amapa à l 'Araguary par le Lago de duas boccas. Ferrolles dit déjà qu'il n'a pu qu'« avec bien de la difficulté » pénétrer « dans des pirogues », à travers les savanes, dans le territoire du lac d'Amocary (entre le Maiacari et l 'Araguary). On ne peut, dans les eaux de ce territoire, naviguer que huit mois de l'année « dans ces petits canots». Il ne fut pas possible à de Albuquerque d'arriver jusqu'à la côte par la même route : « et voyant que la baisse des eaux rendit difficile le passage de mes canots et m'empêchait de poursuivre mon voyage à travers l'intérieur du pays jusqu'au point de la côte où fût ladite forteresse de Mayacary, je me suis décidé à r e t o u r n e r » R. B . II, page 138.
D'après da Silva I, page 278, Abreu, officier brésilien, atteste qu'en 1760 non seulement une, mais deux voies navigables existaient encore du Carapaporis à l 'Araguary.
c) Quelques faits particuliers méritent une mention spéciale. Il est dit dans le Routier Japoco-Marajo, datant de 1740 environ (R. B . III, page 202) : « L a riviere Maacaré débouche par les lacs de Maacaré ; et en amont des lacs elle est surnommée Caurapupu; et on trouve difficilement la voie pour pénétrer dans cette riviere. Puis la riviere Amanahi,
1) Vo i r R . B . II, pp. 134 et suiv.; ci-dessus, pp. 143 et suiv. 2 ) Vo i r M. F . II, pp. 155 et suiv.; ci-dessus, pp. 171 et suiv.
qui jadis était un bras de la riviere Arari; et ce bras, nommé Amacari, a pris une autre direction sous l'action des pororocas, et il débouche à la mer depuis 1728; cette embouchure se trouve près de celle du Maacaré. » Dans une description de la Guyane faite, vers 1757, à propos de la Relation de L a Condamine et de l'ouvrage de Berredo (1749), P. Bento de Fonseca à Para confirme le changement de direction du R. Amanahy, à la suite duquel il se jetterait dans un grand lac Camacari renfermant une île Comunicary (R. B . III, pages 218, 219). Il s'agit sans doute du lac Camonixary d'Albuquerque 1), c'est-à-dire du Lago del Rey ou Lago Novo actuel. L'Amanahy, pour les auteurs français, est la Mannaye. C'est pour la première fois que, dans ces régions, on signalait un cours d'eau qui, après avoir coulé du nord au sud, se dirige du sud au nord.
Les levés de S. Mentelle, 1778 et 1788 (A. F. , n° 34), sont les premiers à figurer la riviere Carapaporis, et cela avec cette remarque : « La Riv. de Carapa-pouri prend naissance dans des marécages 2) » ; comme affluent de gauche, elle reçoit la riviere Mannaye. Dans la carte de S. Mentelle, le Carapaporis se jette dans le « Canal et Baye de Carapa-pouri», entre le continent et l'île de Maraca. Alors que Poirson 1814 dessine le Carapapori R. et l 'Araguary R. comme deux fleuves séparés, Brué, dans ses cartes de 1834 et 1839 (A. B . II, nos 78 et 80), indique une communication entre le R. Carapapoury et le R. Araguary. L a jonction existait vraisemblablement sous la forme d'une chaîne de rivieres et de lacs : R. Carapaporis — L. J a c a — L. Maprouenne — L. Novo (L. del Rey) — R. Umacary (Amacari, Maycary, Batabouto), tandis que l'Amanahy-
1) R. B . II, page 136; ci-dessus, page 144. 2 ) Vo i r Annexes, planche n° 3.
716
Mannaye établissait à gauche une communication avec le système actuel Tartarugal-Mapa 1). D'après Azevedo, le Lago J a c a (Carapaporis) et les L . et R. Mapa communiquaient probablement encore en 1794 par le Lago des Bagres . En 1840, le L . Maprouenne, en 1845 ce lac et le L . Piratuba, en 1850 le L . del R e y et l 'Araguary étaient encore en communication. A partir de 1857, l 'Umacary s'obstrua.
De plus en plus les issues septentrionales se fermèrent aussi.
L e baron Walkenaer , Conservateur des Cartes à la Bibliothèque royale à Paris, décrit en 1837 le R. Carapaporis « ou riviere de Vincent Pinçon » comme « un cours d'eau intérieur, sans issue dans la mer ; l'embouchure a été obstruée par des sables qui s'élèvent au-dessus des grandes marées et qui ne permettent plus d'y pénétrer. C'est ce qui arrive souvent dans ce pays, où les eaux sont constamment en mouvement et les courants d'une effrayante rapidité ». L e capitaine Peyron, chargé en 1857 d'explorer le Carapaporis-Vincent-Pinçon, rapporte à ce sujet : « Il n'y a plus actuellement de communication possible avec la branche Sud, et si elle a existé autrefois ce ne peut être que dans un temps très éloigné. »
D'après E. Reclus, 1. c , page 87, le Canal de Carapaporis serait « le bassin profond. . . qui s'ouvre à l'est de l'île Maraca et qui fut probablement à une époque peu éloignée la bouche de l 'Araguary ». L a question du Canal de Carapaporis et la cause pour laquelle il est resté ouvert ont été traitées plus haut, page 41. Or, il n'est pas non plus nécessaire, pour expliquer l'origine de ce canal, de supposer l'existence antérieure d'un bras nord de l 'Araguary, origine
1) Voir Annexes, planche n° 3.
717
qu'on peut attribuer avec beaucoup plus de raison au courant de marée. 11 est extrêmement invraisemblable que l'origine du canal doive être rapportée à l'Araguary ; en effet, la force vive de ce fleuve, par suite de sa chute minime, était dans tous les cas très restreinte, et elle eût été beaucoup plus faible qu'à l'embouchure actuelle, puisque son cours inférieur se serait trouvé notablement plus long. L a profondeur que la carte marine anglaise n° 1803, Small corrections X I I 98, accuse pour l 'Araguary en amont de Nova da Bocca est de 4.6 m. Dans l'estuaire proprement dit, elle diminue jusqu'à n'être plus que de 2.7 m, 1.8 m et même 0.9 m. Ce n'est qu'au delà de l'embouchure, sur la ligne du courant de l'Amazone, qu'elle redevient plus grande et atteint 3.6 m, 6 m, puis 10-12 m. L e peu de profondeur de l'embouchure (actuelle) de l 'Araguary — où les courants de marée sont cependant très violents et où le fond n'est pas consistant, mais se compose de sable et de limon — ne laisse guère de crédit à l'opinion suivant laquelle le même fleuve aurait pu, au point extrême d'un cours plus allongé, c'est-à-dire avec une force de propulsion moindre, produire à sa soi-disant ancienne embouchure (C. Carapaporis) des affouillements de 20 à 22 m de profondeur. C'est peut-être la carte marine anglaise déjà citée qui, avec les nombreuses cotes de profondeur qu'elle porte dans ces parages, peut le mieux donner quelque éclaircissement au sujet de l'ancienne embouchure de l'Araguary. Le dessin de la ligne de cinq brasses est de nature à fournir une indication, aussi bien sur la bouche de l'Araguary que sur la direction du courant de l'Amazone. En dehors de la ligne de cinq brasses, on pourrait obtenir d'autres isobathes d'un tracé analogue.
Quant à l'opinion tendant à faire de la riviere Carapaporis le Vincent Pinçon et en même temps un bras nord
7 1 8
de l'Araguary, il importe de remarquer encore : Il y a
eu certainement par l'intérieur des terres des communica
tions de l 'Araguary vers le nord. Mais ce n'est que pen
dant l'époque des pluies et toujours avec de grandes diffi
cultés qu'on pouvait trouver une voie accessible aux petits
canots. Il est difficile d'admettre qu'il n'existait qu'un pas
sage déterminé, ouvert quelque part dans la direction du
Carapaporis actuel ; il y avait sans doute aussi une voie
dans la direction du Mayacaré, d'où de Ferrolles partit
en 1688. Mais ces voies de communication n'étaient pas
des rivieres capables de creuser un ravin sous-marin tel
que celui du Canal de Carapaporis. Ce n'étaient pas non
plus des branches fluviales comparables à celles du delta
d'un grand fleuve. Les voies d'eau de la basse Guyane,
à l'ouest du Cap de Nord, doivent être assimilées à ces
communications fluviales si caractéristiques pour les affluents
de l'Amazone. Il faut tenir tout particulièrement compte
du fait qu'à l'époque des pluies l'Amazone apporte aussi
des hautes eaux, produisant un remous dans l 'Araguary, qui
monte encore davantage et déborde. Comme la région qui
s'étend au nord de ce fleuve est très basse et, par sa con
figuration, couverte d'amas d'eau, il pouvait facilement s'y
former un chenal d'écoulement pour les flots de crue ;
mais ce chenal n'était pas une branche fluviale propre
ment dite, et une fois les hautes eaux retirées, il se trans
formait en une suite de nappes stagnantes.
L'importance de l 'Araguary a été signalée plus haut,
pages 38 et suivantes. Si un bras nord de ce fleuve
avait existé, c 'eût été, en tout cas, un cours d'eau impor
tant, et l'on ne saurait concevoir dès lors que cette
branche septentrionale ait pu disparaître sans laisser de
trace visible de nos jours. Or, on n'a découvert jusqu'à
présent aucun vestige d'un ancien cours nettement recon-
7 1 9
7 2 0 —
naissable pouvant être regardé comme bras nord de l'Araguary.
E. Reclus, 1. c , page 28, dit : « Les pointes d'alluvion, à l'Approuague, à l'Oyapok, au Cachipour, s'allongent dans la direction du nord, et, dans leur cours inférieur, ces rivieres suivent toutes la même inflexion, évidemment sous l'influence du courant côtier qui projette latéralement ses dépôts vaseux. N'est-il pas à supposer que, soumis au contact de ce courant, l'Araguari se recourba également vers le nord et que les lacs alignés qui se succèdent clans ce sens sont les restes de l'ancien cours fluvial ? L e détroit de Maraca ou l'estuaire de Carapaporis, ce bras de mer projeté entre l'île de Maraca et le continent et qui se distingue si nettement par sa profondeur de toutes les basses eaux environnantes, serait l'ancienne bouche de l'Araguari, à peine déformée depuis le temps où le fleuve se rejeta vers l 'Est». Ainsi qu'il a été dit antérieurement, page 52, l'Araguary, à l'encontre de la citation qui précède, doit à sa puissance d'être rangé parmi les fleuves de la Guyane qui n'ont pas subi l'inflexion parallèle à la côte et les preuves établissant qu'il ait jamais pris la direction supposée par Reclus font défaut. Bien plus, la formation de la vallée de l'Araguary rend cette hypothèse des plus invraisemblables.
L a conclusion de cette étude peut se formuler ainsi : Il n'existe pas et il n'a jamais existé de bras nord
de l'Araguary, dans le sens des mémoires français. Les canaux qui établissaient, par l'intérieur des terres, la
jonction entre l'Araguary et la côte septentrionale, étaient formés par des communications fluviales et lacustres continues, mais changeantes, qui constituent un système hydrographique particulier et ne peuvent, eu aucune manière, être considérées comme un bras du cours terminal de l'Araguary.
— 7 2 1 —
4.
Pinis Baye .
Jodocus Hondius (1598) marque, immédiatement à l'ouest du Cap de Nord, une «Pinis Baye » qui figure sous le nom de « Pynes Bayo » dans Hulsius (1599), sous celui de « R. de pinas », à l'est du Rio Arouari et à l'ouest du Cap de Nord non nommé, dans Harmen Janss et Marten Janss (1610), sous le nom de « Pinis buro » dans Teixeira (1627), de « B . Pinas » dans van Langeren (1630), de « J . de Pinos, R. de Pinos, B . di Pinos, Costa di Pinos » dans Dudley (1646), tandis qu'elle fait défaut sur les cartes du groupe de Harcourt. Hulsius l'indique deux fois, c'est-à-dire sur les deux côtés du Cap de Nort. V a n Langeren la place au sud ou à l'est de ce cap ; Dudley également ; Teixeira, en revanche, la situe à l'ouest du même cap et concorde sur ce point avec Jodocus Hondius.
Les parties se sont occupées de cette Pinis B a y e ; tandis que la France la considère comme l'embouchure du Vincent Pinçon 1 ) , le Brésil cherche à l'expliquer par la dénomination anglaise Pinesse bay ou Pinace bay, rappelant le danger qu'aurait couru, en 1597, une pinasse de Leonard Berr ie dans une baie de ces parages, près d'un cap, M. B . I, pages 66 et 67 2 ) . Toutefois, cette explication ne paraît pas plausible, attendu qu'il existe une carte datée de 1598 qui fait déjà mention de la Pinis Baye . En revanche, la carte de Jacques de Vandeclaye de 1579 porte sur le côté gauche de l'embouchure de l'Amazone le nom de « pinace », et c'est plutôt ce vocable qui paraît avoir donné naissance à celui de Pinis Baye . Sur la carte
1) Vo i r R . F . , pp. 363 et suiv. 2 ) V o i r également R . B . I, page 153.
de l'Isle 1700, on trouve, à l'intérieur de la Guyane, comme nom de tribus ou de familles indiennes, le mot « Pinos » dans lequel on pourrait également découvrir une certaine parenté avec Pinis Baye.
Il paraît en tout cas téméraire de considérer le nom de « Pinis » comme une abréviation du génitif « Pinsonis » et d'en conclure qu'il se rapporte à Vicente Yañez Pinzon, ainsi que de Butenval chercha à le faire lors des conférences de 1855/1856
En fait, rien ne prouve que la Pinis Baye soit en connexion avec la riviere ou la Baie de Vincent Pinçon.
5.
L'Iwaripogo et la question du Rio de Vicente Pinzon.
Les cartes de Robert Dudley.
Les parties reproduisent plusieurs cartes tirées du grand ouvrage : « Dell'Arcano del Mare, di D. Ruberto Dudleo, duca di Nortumbria e conte di Warwick », Firenze, Francesco Onofri, 1647 ; ces cartes sollicitent l'attention, car elles sont les seules qui, avant 1700, marquent à la fois l'Oyapoc du Cap d'Orange et un Vincent Pinçon immédiatement au nord du Cap de Nord. Il s'agit des cartes suivantes :
1. Carta prima Generale d'Affrica è par e d'America (1646 et 1661, A. B . I, n° 69).
2. Une carte de Guyane, à grande échelle, à laquelle le Brésil donne les dates de 1646 et 1661, et la France celle de 1647 (A. F. , n° 13, et A. B . I, n° 70).
3. Une carte dont l'objet principal est l'embouchure de l'Amazone, mais qui figure en outre, à l'est, le territoire
1) Voi r M. B . III, page 192.
7 2 2
— 7 2 3 —
s'étendant jusqu'à la baie de Maranhão, et à l'ouest, le Cap
de Nord jusqu'à la Costa di Maipare ; elle est aussi à grande
échelle et datée par les parties comme le n° 2 (A. F. , n° 13 b i s ,
et A. B . I, n° 71).
Les nos 1 et 3 font du Cap de Nord un cap insulaire,
suivant un dessin conforme à la conception de Laet (voir
A. B . I, n° 60). L e n° 2 en diffère essentiellement ; cette
carte représente le Cap de Nord non pas comme un cap
insulaire, mais comme un cap continental; elle ne l'accom
pagne d'aucune île et la forme de genou qu'il y revêt
rappelle les cartes de Teixeira de 1640. Il paraît indiqué
de définir ici, d'une manière générale, le caractère de ces
cartes.
Avant tout, leur dessin est de nature purement sché
matique. Sous le rapport de l'exactitude dans le tracé des
côtes, elles restent très en arrière des cartes de Tatton,
de Ralegh et de Blaeuw. Les embouchures fluviales sont,
sans traits caractéristiques, dessinées sur le même modèle ;
seuls les R. Ciane, R. Wiapoco et R. Arowari se signalent
par leur longueur plus grande, mais il n'en est pas de
même du « very great » R. Iwaripogo de Keymis.
Une particularité remarquable des cartes de Dudley
est l'abondance des dénominations de même consonnance.
Les noms tirés de Keymis et figurant sur les cartes anté
rieures ont été multipliés de telle façon que, dans la règle,
le même vocable sert à désigner une riviere, une région
littorale ou une baie, et une localité. En voici quelques
exemples : C. (Costa ou Cap) di Arowari, R. (Rio) Arowari,
B . (Bahia) d'Aroware ; R . Maipare, Maipare (localité), Costa
di Maipare; Costa di Pinos, Bahia di Pinos, Isla de Pinos
et Rio di Pinos — il ne manque plus qu'un Cabo di Pinos !
L e C. de la Conde se transforme en C. Lucon auquel, pour
être conséquent, est jointe une B . di Lucon.
— 724 —
Il est intéressant de poursuivre le sort réservé au Vincent Pinçon dans les cartes de Dudley. Sur la carte n° 1 (A. B . I, n° 69) figurent un « R. Vincez ò Pinçon » et une « J : Pinçon » ; dans la carte n° 2 (A. B . I, n° 70, A. F. , n° 13), un « R. di Vincent o Pinçon ò Awaripaco», une B . di V : Pinçon » et une « I. Pinçon ». En revanche, la carte n° 3 (A. B . I, n° 71, A. F., n° 13 b i s ) porte les noms: « B . di Vin-cen° Pinçon, C. Pinçon, | : di Vicenzio Pinçon », et encore une île « Pinco ».
L e fait suivant témoigne de la manière dont Dudley a procédé : dans la carte n° 2, il mentionne l'Awaripaco et l'Iwaripogo comme deux fleuves différents, bien que Awaripaco soit synonyme de Iwaripogo. Sur la troisième carte de Dudley, l'Iwaripoco figure aussi, mais sous la forme: R. Waripogo.
On ne saurait souscrire au jugement suivant que R. F., page 266, porte sur ces cartes : « Ce sont des cartes à très grande échelle faites avec le plus grand soin». En outre, M. F . I, page 294, dit des mêmes documents : « C'est, en effet, la première fois que nous nous trouvons en présence de cartes relativement précises permettant de suivre la configuration véritable des lieux. Or l'épreuve paraît décisive; elle permet bien de retrouver, dans les linéaments tracés par les hydrographes du commencement du X V I I e
siècle, le signalement caractéristique de la riviere Vincent Pinson que nous ont fait entrevoir les vieilles cartes du Padron real». A cela, il y a lieu de répondre, en se référant à l'exposé qui précède : En ce qui concerne la position du Vincent Pinçon par rapport à l'Amazone, les cartes de Dudley paraissent, à la rigueur, concorder avec Desliens, Cabotto, Gutierrez, Diogo Homem 1568 et quelques autres cartes similaires; mais elles ne cadrent absolument pas avec les cartes de Chaves, Diogo Homem 1558, Vaz
Dourado, Mercator, Ortelius et de tout le groupe de ceux qui ont su éviter la faute que Cabotto et autres auteurs ont commise lorsqu'ils ont introduit sur leurs cartes le fleuve des Amazones. Or il a été démontré précédemment que, pour ce qui a trait à la position du Vincent Pinçon, la différence entre ces deux catégories de cartes n'est qu'apparente et qu'elle a son origine dans l'erreur sur laquelle repose la conception de Desliens-Cabotto.
L a présente étude a suffisamment mis en relief le fait que les « Montanhas » situées à l'ouest de l'embouchure du Rio de Vicente Pinzon constituaient, dans les anciennes cartes du Padron real, le « signalement caractéristique » de cette riviere. Mais ni Dudley, ni aucun des auteurs qui ont dessiné d'après lui la baie de Vincent Pinçon près du Cap de Nord ou près de l'île de Maraca, ne l'accompagnent de ce « signalement caractéristique » des anciens, les Montes ou Montanhas.
D'après M. F . I, page 291, Dudley se serait inspiré de la relation de voyage de Keymis pour le dessin de ses cartes. Keymis, lit-on dans M. F. , écrit, en regard de I w a r i -poco qu'il cite comme une très grande riviere située immédiatement à l'ouest de l'Arowari, que, comme il semble, c'est là que l'Espagnol Vincent Pinzon a trouvé ses pierres précieuses. Il aurait ainsi identifié l'Iwaripoco avec le Rio de Vicente Pinzon et Dudley aurait adopté cette identification « dans le célèbre traité de navigation accompagné de cartes, qui est intitulé: Dell' Arc ano del mare». Dudley, toujours d'après M. F . , marque les noms de riviere et baie de Vincent Pinçon à l'ouest et environ à la hauteur du Cap de Nord, qu'il place par 1° 41 ' N, c'est-à-dire à peu près à sa latitude exacte. Il donnerait ces noms à une riviere Iwaripoco qu'il place quelque peu au sud de l'Iwaripoco de Keymis. Dans une carte postérieure, on trouverait la
725
« baie de Vincent Pinçon » identifiée avec une riviere Tapo-naowiny empruntée aux cartes hollandaises. Par l'île « Pinçon » de Dudley, il conviendrait d'entendre sans conteste l'île actuelle de Maraca.
A ce sujet, il y a lieu de faire observer: a) Keymis en disant à propos de l'Iwaripogo : « here
it was, as semeth, that Vincent Pinson, the Spaniard had (found) his Emeralds », veut simplement désigner un lieu où Vicente Pinzon aurait probablement trouvé des pierres précieuses. Il ne donne à aucun fleuve le nom de Vincent Pinzon ; il n'écrit pas Iwaripogo or Vincent Pinçon. Déduire de la remarque de Keymis que la riviere dont il parle a porté le nom de Vicente Pinzon est donc inadmissible. Il est vraisemblable d'ailleurs que l'observation de Keymis repose tout entière sur une confusion de sa part, car dans les descriptions du voyage de Vicente Yañez Pinzon il n'est nulle part question de pierres précieuses ; ce fut Diego de Ordaz qui, le premier, en découvrit lors de son voyage dans le territoire de l'Amazone.
b) Au surplus, Dudley n'a même pas maintenu l'identification du Vincent Pinçon avec l'Iwaripogo, car, sur la seconde carte (A. F. , n° 13, A. B . I, n° 70), il distingue l'Iwaripogo du R. di Vincent 0 Pinçon qu'il cherche à préciser plutôt par cette mention : « ô Awaripaco ». En général, les cartes de Dudley dénotent chez cet auteur un manque de stabilité. Dans la première figurent le R. Waripogo et, à côté, le R. Vincez ò Pinçon, tandis que l'Awaripaco manque. De nouveau, la troisième marque simplement le R. Waripogo. Cette carte porte au-dessus du cadre l'indication suivante : « Questa Carta per il Rio Amazonas è migliore della precedente ». Mais, sur cette carte « meilleure », le R. di Vincent o Pinçon disparaît pour faire place à un « R. Taponaowiny » qui semble être emprunté
46
7 2 6
à de Lae t 1625. Elle n'a plus qu'une J : di Vincenzio Pinçon, ainsi qu'une baie de même nom et une côte ou un cap (C. = Costa ou Capo) Pinçon, avec une autre île Pinçon.
c) D'après M. F. , le « signalement caractéristique » du Rio de Vicente Pinzon résiderait manifestement dans la latitude qui lui est attribuée. Or, il a été démontré précédemment qu'aucune conclusion certaine ne peut être tirée des indications de latitude. Dans une argumentation basée sur de telles données, ce n'est en tout cas pas la latitude absolue d'un point qui seule peut être l'élément déterminant, mais il faut pour le moins tenir compte aussi de la différence de latitude par rapport aux points importants et généralement connus de la côte.
De là résultent les conclusions suivantes : 1. Il n'est pas prouvé que l'Iwaripoco de Keymis ait
été identifié avec le Vincent Pinçon.
2. Le signalement caractéristique — les Montanhas des anciens cartographes — manque à l'Iwaripoco et à la Baie de Vincent Pinçon de Dudley.
3. Les cartes de Dudley sont si défectueuses, si peu concluantes, voire si inexactes dans leurs données touchant le Vincent Pinçon, qu'on ne saurait en tirer aucun argument probant.
6.
L'Oyapoc des cartes du XVII e siècle.
1. L'orthographe que les cartes du X V I I e siècle donnent au nom de la riviere débouchant près du Cap d'Orange offre un grand nombre de variantes. Ce nom emprunté à l'idiome des indigènes a été écrit différemment par les voyageurs et les cartographes, selon la langue qu'ils parlaient ; comme c'est en premier lieu dans des auteurs anglais que
727
7 2 8 —
le fleuve est désigné par son nom indigène et que la langue
anglaise offre des difficultés particulières pour la transcrip
tion des mots étrangers, il ne pouvait manquer de se pro
duire de grandes divergences dans la manière de repro
duire ce nom. Des différences assez grandes se manifestent
également dans la position géographique du fleuve.
L a carte de Walter Ralegh de 1595, publiée en 1892
par L. Friedrichsen 1) est peut-être la première qui désigne
la riviere sous un nom indien qu'elle orthographie : « guia-
poro » ; cependant, malgré la similitude des noms, l'identifi
cation avec l'Oyapoc actuel ne peut être établie d'une façon
certaine. C'est en 1596, dans la relation de voyage de
Lawrence Keymis, qu'apparaît le nom de « Wiapoco » ;
bientôt après, il passe dans les cartes. L e tableau suivant
indique la latitude du fleuve et l'orthographe donnée à son
nom sur les cartes les plus importantes de la période qui
s'étend de la fin du X V I e siècle au commencement du X V I I I e :
Cartes Orthographe Latitude
Jodocus Hondius 1598 . . Wiapago 3° 3 0 ' N Levinus Hulsius 1599-1663. Waiapago 3° 3 0 ' » Théodore de Bry 1599 . . Wiapago 3° 3 0 ' » Gabriel Tatton 1602 . . . Wiapogo 4° environ »
Jodocus Hondius 1606 . . Wajabego 3° 3 0 ' » Gabriel Tatton 1608 . . . Wiapoco 4° 15' » Wal ter Ralegh 1618 . . . Wiapoco 4° 30 ' » Joannes de Laet 1625-1640 Wiapoca 3° 50 ' » van Langeren 1630 . . . Wiapago 4° 30 ' » Blaeuw 1631 Wiapoca 3° 5 5 ' » Robert Dudley 1646 et 1661
(A. B . I, n° 70) . . . . Wyapogo 3° 5 5 ' »
1) Voi r Hamburgische Festschrift, t. II.
— 7 2 9 —
Cartes Orthographe Latitude
Nicolas Sanson 1650. . . Wiacopa 4 0 N
Nicolas Sanson 1656. . . Wiapoco 4 0 2 5 ' »
Pierre Du V a l 1664-1677 . Viapoco 4°
Lefebvre de la Bar re 1665 Yapoco 4° 2 6 ' »
Pierre Du V a l 1679 . . . Viapoco 2 0 4 5 ' »
Guillaume Sanson 1680. . Yapoque-Viapoco 4° 2 5 ' »
Claes J . Vooght 1680 . . Wayapoco 3° 5 5 ' »
A. Roggeveen 1680 . . . Wayapoco 4° 0 5 ' »
Manesson Mallet 1688 . . Wiapoco 3°
F roge r 1698 et 1699 . . . Oyapoc 2° (?) »
Guillaume de l'Isle 1700
(A. B . I, n°87) . . . . Wiapoco 1 ) 4°
Guillaume de l'Isle 1703 . Yapoco 4° 2 5 ' »
Dans la description du Hollandais Jesse de Forest ,
datée de 1625, le fleuve est appelé Wiapoko et Wiapoco
et situé par 4° 3 0 ' N 2 ) . L '« Histoire du Nouveau Monde,
1625 », de Joannes de Laet , donne la même indication.
Lefebvre de la Barre , dans sa « Description de la France
équinoxiale », écr i t : Yapoco ; il assigne au Cap d'Orange
une latitude de 3 ° 4 0 ' à 4° N 3 ) . « L e monde ou la descrip
tion générale de ses quatre parties », 1637, 1643 et 1660, par
Pierre d'Avity, indique les noms de Yapoco, Wiapoco et
Vajabogo, et une latitude d'environ 4 ° N 4 ) . L e «Journal du
voyage » des PP . Grillet et Bechamel, de 1674, nomme le
fleuve : Yapoque. V e r s 1682, le P. Pfeil, missionnaire por-
1) Su r la carte A . B . I, n° 88, G. de l'Isle écrit: Viapoco. 2 ) R . B . II , page 35. 3 ) R . B . II , page 98 et R . F . , pp. 325 et 326. 4 ) R . B . II , pp. 43 et 44 ; R . F . , pp. 320 et 321. C'est à tort que
R . F . conteste que les données de d'Avity se rapportent au fleuve du Cap d'Orange.
— 7 3 0 —
tugais, cite l'« Oyapoc », qu'il place sous 3° 40 ' N. De Ferrolles, dans son rapport de 1688, écrit: Ouyapoque.
L e Portugal, dans sa réponse de 1698, nomme la riviere : Oyapoc et Oyapoca, et lui donne une latitude de 2° 50 ' N. Dans sa réplique de 1699, la France parle du « Yapoco », mais évite toute indication touchant sa latitude. Les copies de la duplique du Portugal communiquées à l'arbitre renferment les dénominations : Oviapoc, Wiapoc, Ojapoc, Oyapoc, Yapoc. L e traité provisionnel du 4 mars 1700 écrit: Oiapoc et Ojapoc ; il ne renferme aucune donnée sur la latitude.
Ainsi, au X V I I e siècle, le nom du même cours d'eau se présente sous des formes orthographiques variées, parmi lesquelles, seule, l'orthographe du traité d'Utrecht ne figure pas. Nous ne connaissons aucun document du X V I I e siècle employant pour désigner le fleuve la forme «Japoc». Néanmoins, il est hors de doute que cette dernière ne doive être rangée parmi les nombreuses variantes du nom Wiapoc — Wayapoc — Oyapoc — Yapoc, et d'ailleurs les parties sont au fond d'accord sur ce point. Lors des délibérations qui eurent lieu à Paris, en 1855/56, entre les plénipotentiaires des deux Etats, le représentant de la France déclara n'avoir jamais entendu nier : « ni que le territoire contesté en 1700 n'ait été, en 1713, abandonné par la France, ni que la limite, refusée par elle en 1700, du Vincent Pinçon, n'ait été par elle, en 1713, formellement acceptée » 1), Et R. F. , page 134, dit à ce sujet : « Nous n'avons rien à retirer de cette déclaration ». Il convient donc d'assimiler la forme Japoc aux autres variantes orthographiques du nom d'Oyapoc.
2° On a beaucoup disserté sur l'étymologie de ce nom, mais aucune des explications données n'est concluante,
1) M. B. III, page 84.
parce que l'on ne sait pas exactement comment les indi
gènes le prononçaient. Une faible nuance dans la pronon
ciation peut modifier entièrement le sens du mot ; c'est
pourquoi il faut renoncer à examiner les divers essais d'ex
plication étymologique ou à les utiliser pour le jugement
du présent litige.
L e nom d'Oyapoc est-il un «terme générique», ainsi
que M. F . I, pages 325 et suivantes, et R. F . I, pages 230
et suivantes, cherchent à le démontrer? Nul ne peut le dire
avec certitude. Mais, même le fait de le reconnaître comme
tel ne prouverait rien en faveur de l'hypothèse soutenue
dans les mémoires français. L a nomenclature géographique
compte un grand nombre de noms d'une signification géné
rale, qui, nonobstant, ne peuvent pas être considérés comme
des «noms génériques». Ils ont été attribués par l'usage à
un objet déterminé. L'Amérique méridionale en fournit un
exemple frappant dans le mot Orénoque qui répond au
vocable indien «orinucu» signifiant «grande eau», ou, d'après
Egli, «fleuve» (Nomina geographica, Leipzig 1893, page 674);
et néanmoins, il n'y a qu'un fleuve de ce nom. En Afrique,
il n'existe qu'un seul lac Nyassa, et cependant « nyassa »
ne signifie pas autre chose que « lac ». Lorsque R. F . ,
page 229, cite divers noms de fleuves du Brésil méridional
ou du bassin oriental de l'Amazone, tels que Japo, Yapo, Ipu,
Yiapo, aux fins de montrer que le nom d'Oyapoc—Japoc
apparaît ailleurs également, on peut lui objecter qu'aucun
de ces noms ne concorde avec Japoc ou Oyapoc et qu'ils
ne figurent pas dans le territoire contesté.
3° L e signalement particulier de l 'Oyapoc (Wiapoco,
Wayabogo , etc.) des cartes du X V I I e siècle est en premier
lieu le Cap d'Orange, qui limite l'embouchure du côté
oriental. Après Juan de la Cosa, qui, en 1500 déjà, dessina
ce cap sous sa forme caractéristique, celle-ci disparaît près-
7 3 1
que totalement des cartes du X V I e siècle. Ce n'est qu'après les voyages des Anglais et des Hollandais que le cap surgit de nouveau en 1598 dans la carte de Jodocus Hondius, qui le représente, en l'exagérant, sous le nom de C. de la Conde. Mais petit à petit son dessin se rapproche de celui qu'il revêt sur les cartes modernes, et il est intéressant de voir comment les deux langues de terre du Cap d'Orange et du Cap Cachipour font leur apparition dans de Laet 1625, Blaeuw 1631 et Nicolas Sanson 1656, par exemple.
Le cap varie de nom. Suivant les cartes, il s'appelle C. de la Conde, C. de la Corde, C. Condé, C. Sicell, C. Cecil, et même, par suite d'une confusion évidente, C. North sur la carte de W . Ralegh (1618). C'est de Laet qui, le premier, se sert du nom de C. d'Orange, qui prédomine finalement. Mais, bien que la dénomination du cap change, son identité, et par conséquent aussi celle du grand fleuve qui débouche tout auprès, est facile à constater d'après la forme et la situation que lui donnent toutes les cartes de l'époque.
Le cap ne porte pas de nom sur les cartes suivantes, appartenant à la même période : Hondius d'après l'ancien type, Cornélis Claeszon (1605 et 1617), Domingo Sanchez (1618), Lucas de Quiros (1618), João Teixeira (1627), Giu-seppe Rosaccio (1657), Danker Danckerts (1660), Pierre Du V a l (1679), Manesson Mallet (1688), Nicolas de F e r (1708) et P. Samuel Fritz (1691 et 1707). Ainsi, le cap était certainement moins connu des Portugais que des Anglais, des Hollandais et des Français, et ceci explique vraisemblablement pourquoi il n'est mentionné ni dans le traité provisionnel de 1700, ni dans le traité d'Utrecht.
Outre la forme caractéristique que Juan de la Cosa a donnée à la côte dans la région du Cap d'Orange, il faut rappeler l'autre signe distinctif que sa carte porte au nord-
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ouest de ce cap, c'est-à-dire les Montes faisant suite aux Planosas. V u l'importance qui, d'après ce qui a été dit plus haut, s'attache à cette « marque signalétique », la question s'impose de savoir si les cartes du X V I I e siècle, celles à nomenclature indienne, présentent quelque chose de semblable.
Celles qui s'inspirent de Keymis ne renferment aucun nom de montagne ni aucun dessin pouvant être interprété comme indiquant la présence de montagnes. Toutefois, Keymis lui-même, dans ses « observations » (voir R. B . II, page 18), parle de « mountains ». En effet, on lit en regard du fleuve Wiapoco : « The first mountains that appear within land do lie on the East side of this r iver». Or, sur la rive droite du Wiapoco, il n'existe pas de hauteurs visibles de loin. On ne rencontre des montagnes d'une certaine élévation à droite de ce cours d'eau que très avant dans l'intérieur. L a remarque : « on the Eas t side of this river » doit reposer par conséquent sur un lapsus calami ou sur une erreur d'orientation. Quoi qu'il en soit, on peut constater que Keymis signale la présence de hautes montagnes près de l'embouchure du Wiapoco.
Parmi les cartes qui procèdent de Harcourt, celle de G. Tatton 1608 porte un « Mount Cowob » situé loin dans l'intérieur des terres, près de la source du « Macary » ; elle marque en outre une « Hauck Hill », dans laquelle R. F . , page 263, reconnaît avec raison le Mont Mayé ; puis, quelque peu au nord du Wiapoco, entre l 'Aparowaka et le Wianary 1), petite riviere sans importance qui confond son embouchure avec celle du Wiapoco, une chaîne de montagnes se prolongeant jusqu'à la mer avec le nom de «Jomeribo ». W. Ralegh (1618) indique un certain nombre
1) Dans Harcourt 1613: «a creek or inlet of the sea »
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de montagnes clans l'intérieur et, en outre, deux sommets sur la rive gauche de l'embouchure du Wiapoco. Au sud de ceux-ci figure le nom de « Wianary », et au nord court une petite riviere; tout près, on lit le nom de «Gomeribo», que suit à l'ouest celui d'« Aparawacca ». Joannes de Laet (1625) place le nom de « Comariboo » au nord du R. Wiapoco et du petit R. Wanary. Blaeuw concorde avec lui sur ce point et mentionne de plus un établissement entre le Wanary et le Wiapoca. Nicolas Sanson dessine un sommet à gauche de l'embouchure du Wiapoco, puis le Waynari comme petite riviere, ensuite une chaîne de montagnes « Massoure M. » et dessus une habitation avec le nom : « Commaribo » ; puis vient l'« Apurwaca als Caperwaca R. ». La carte de Pierre Du Val 1664 indique à l'ouest de son R. Viapoco une hauteur avec un établissement; plus loin, près de la côte, à gauche d'une petite riviere, elle porte une habitation « Comari Habitaôn de François » ; vient enfin le C. d'Aperwaque. Lefebvre de la Barre (1665) fait figurer sur la rive gauche du Yapoco R., près de l'embouchure, quelques montagnes et huttes, avec cette légende: «Habitation d'Indiens sur ces Montagnes », ensuite la petite riviere, puis « Comaribo Habitation Françoise » avec quelques montagnes et, dessinée sur celles-ci, une église avec des maisons, enfin l'Appruaque. Plus loin dans l'intérieur du pays, on voit des chaînes de montagnes qui s'étendent jusqu'au Huine Mari R. L e long de la côte, entre le Huine Mari R. et le Yapoco R., on lit: «Terres basses » et, au sud de Huine mari, la remarque : « Coste fort basse inondée de haute Mer où sont des Arbres sur lesquels les Indiens ont leurs Maisons». Vooght également marque le mot « Cormori » au-dessous de R. Wayapoco et, sur la rive gauche de l'embouchure du fleuve, une habitation et le signe indiquant une montagne. Enfin Guillaume de
l'Isle (1703) place à gauche de l'embouchure du Yapoco le nom de « Comaribo » et un établissement.
L e s « terres basses » de Lefebvre de la Barre rappellent « L a s Planosas » de Juan de la Cosa et des cartes sévillanes ultérieures ; les « Costes fort basses inondées de haute mer » éveillent le souvenir de la « Costa anegada » de Cosa. On a vu que les « Montes » de Juan de la Cosa et de la carte de Turin, les « montagnas » de Chaves-Oviedo et de Sebastiano Cabotto, les « Montanhas » de Diogo Homem, d'Andréas Homo et de Vaz Dourado constituaient un signalement pour le Rio de Vicente Pinzon. A leur place apparaissent maintenant les « mountains » de Keymis, les montagnes de Tatton, de Ralegh, de Joannes de Lae t , de Nicolas Sanson, de Lefebvre de la Ba r re et d'autres, qui partout — sauf dans Keymis — sont placées à l'ouest de l'embouchure de l 'Oyapoc. L'établissement des Français qui, selon le Mémoire français de 1698, était une forteresse, figure également dans les cartes du X V I I e siècle sur la rive gauche de l'estuaire du même fleuve.
7.
Les car te s du P. Samuel Fritz, de 1691 et 1707, et la carte
de Guillaume de l'Isle de 1703.
Parmi les cartes du X V I I e siècle, quelques-unes seulement présentent ce caractère particulier d'adopter la nouvelle nomenclature, tout en maintenant le nom de Vincent Pinçon. Celles de Sebastian de Ruesta et de Robert Dudley ont été discutées antérieurement; les cartes du P. Samuel Fritz et de Guillaume de l'Isle, qui n'ont été jusqu'ici que mentionnées, doivent être maintenant examinées d'une façon détaillée.
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1. Les cartes du P. Fr i t z méritent une attention spéciale, parce qu'elles expriment l'idée que se faisaient les Portugais de Para de la géographie du territoire contesté, à une époque décisive de l'histoire du litige, et parce qu'elles ne portent pas l'Oyapoc des autres cartes contemporaines, mais marquent à sa place le « Rio de Vicente Pinçon » l ) .
L a carte de 1691 a été construite pendant un long séjour que son auteur fit malgré lui à Para chez les Portugais. Elle est consacrée principalement au fleuve des Amazones, mais elle figure aussi la côte du « Contesté » et s'étend jusqu'à Cayenne (Cayana). Sur la rive gauche de l'Amazone, on lit les noms suivants, de l'est à l'ouest : «Comaù», c'est-à-dire Macapa, représenté comme une position fortifiée, « Rio Arouari », « Cabo de Norte », « Rio Corassini», «Rio Maripanari », « Rio de Vicente Pinçon», «Rio Aperuaque », «Cayana» et «Rio Oya ». L e Rio Arouari est placé par le P. Fritz au sud du Cap de Nord. Cet auteur lui donne un affluent de gauche, qui sert d'émissaire à trois lacs situés au nord-ouest. Son R. Corassini correspond au Corassune de Claes Vooght, au Corossony de Froger et au Corassune de G. de l'Isle. Dans le R. Maripanari, on reconnaît le « Mariée Banare » de Froger. Le R. Aperuaque est l'Approuague actuel. Inopinément, la dénomination ancienne de Rio de Vicente Pinçon apparaît dans cette série de noms. Evidemment, le P. Fritz a travaillé d'après les renseignements qui lui ont été fournis par les Portugais de Para et il est fort probable qu'il a pu consulter les archives de cette ville. Si l'on objecte que sa carte n'a été publiée en Europe qu'en 1717, c'est-à-dire après la paix d'Utrecht, cela ne prouve pas que le gou-
1) Voir les cartes A. B . I, n° 86 b et no 91, A . F . , no 20, et A . B . II, no 16.
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verncment portugais n'en ait pas eu connaissance avant
cette date. C'est au début du conflit entre les Portugais
et les Français dans le territoire contesté que le P. Fritz,
après avoir descendu l'Amazone, arriva à Para , ou il fut
arrêté. Il avait apporté de bons levés cartographiques et
d'importantes informations sur l 'Amazone. On l 'engagea à
englober dans son dessin le littoral contesté.
Si l'on examine sa carte de plus près, on est frappé
de ce qu'il place l 'Araguary dans sa position exacte, sans
tomber en aucune manière dans la confusion qui avait
régné jusqu'alors au sujet de ce fleuve, et qu'il connaît
parfaitement aussi les lacs de l'intérieur et la voie fluviale
jusqu'au point où de Albuquerque avait pénétré. L'authen
ticité de ce document est confirmée par La Condamine qui
y inscrivit de sa main la note suivante, en décembre 1752:
« Carte de la Rivière des Amazones. Original de la main
du Père Samuel Fri tz Jésuite allemand levée par lui en
1689 et 1691. » Il y a tout lieu de croire que cette carte est
en relation avec les incidents qui se sont produits, peu de
temps avant son établissement, entre de Albuquerque et de
Ferrol les 1) ; par suite, il est très vraisemblable aussi qu'un
exemplaire en soit parvenu, peu après 1691, à Lisbonne où,
pour une raison quelconque, on peut l'avoir tenu secret un
certain temps (il faut remarquer, à ce propos, que la carte
renferme des données très détaillées sur tout le système
fluvial de l'Amazone). On se rappelle que les représen
tants du Portugal à Vienne en 1815 ont affirmé que les
négociateurs portugais à Utrecht avaient été induits en
erreur par le « géographe Freitz 2 ) ». D'après ce qui pré
cède, il n'est pas possible, en tout cas, de se ranger au
1) V o i r ci-dessus, pp. 146 et suiv., 175 et suiv., et 179. 2 ) Vo i r ci-dessus, page 440.
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jugement de R. F . (page 273), qui dit de cette carte : « elle ne repose sur rien » l ) .
Il est vrai que le P. Fritz n'a pas exploré personnellement la côte de Guyane et qu'à maints égards son dessin du littoral est erroné. Il place le Rio de Vicente Pinzon sous 2 ° 50 ' de latitude nord ; toute la côte, du Cabo de Norte à Cayana, est étirée. Si l'on prend pour point de départ la pointe nord de la petite île dont dépend le Cabo de Norte sur la carte du P. Fritz et qu'on regarde cette pointe comme représentant le Cabo do Norte de Maraca, le R. de Vicente Pinzon, d'après les distances indiquées par le P. Fri tz, se place sur Stieler à 80 km à l'ouest du Cap d'Orange. En effet, Stieler accuse pour cette section une longueur de 265 km, le P. Fritz, 345 km. D'autre part, si l'on mesure la section Cabo de Norte— Cayana, on obtient sur la carte du P. Fritz 534 km, au lieu de 380 km que la même section compte sur Stieler ; par la réduction de cette section de la carte du P. Fritz sur la carte moderne, le Rio de Vicente Pinzon tombe à 20 km au sud-est du Cap d'Orange. Ainsi, la position relative du fleuve par rapport à la section Cabo de Norte— Cayana est celle de l'Oyapoc. Sur la carte du P. Fritz, la distance du Rio de Vicente Pinzon à la pointe nord-orientale de l'embouchure de l'Amazone (la Punta del Separará de Parente) est de 107 leguas = 681 km; d'après Stieler, celle du Cap d'Orange à Tijoca est aussi de 681 km exactement ; d'où il résulte de nouveau que le Rio de Vicente Pinzon du P. Fritz est l'Oyapoc actuel.
A maints égards, le P. Fritz, par son tracé, rappelle Parente. L a ligne unissant les points extrêmes de l'embouchure de l'Amazone est dirigée, dans sa carte, du sud-est
1) Voir aussi M. F . I, pp. 322-324.
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au nord-ouest exactement; Parente lui donne la même orientation. Mais , tandis que ce dernier assigne à cette ligne une longueur de 80 leguas, le P. Fritz ne lui attribue que 53 leguas = 337 km. Son embouchure de l'Amazone est raccourcie de 79 km par rapport à St ie ler , où elle mesure 416 km. En revanche, la section de côte comprise entre le Cabo de Norte et le Rio de Vicente Pinçon mesure sur la carte du P. Fritz 54 leguas = 344 km, tandis que Stieler indique pour cette portion une longueur de 265 km, d'où résulte pour le P. Fritz un allongement de 79 km; Parente ne donne à cette section que 40 leguas. Il compte par conséquent 120 leguas de la Punta del Separará au Rio de Vicente Pinzon, au lieu des 107 leguas attribuées à la même section sur la carte du P. Fritz. L'excédent de 13 leguas qu'accuse Parente équivaut précisément aux 83 km dont son Rio de Vicente Pinzon, d'après le tableau (voir Annexes, tableau n" III), se trouve porté à l'ouest du Cap d'Orange. Sur la carte du P. Fritz, comme dans Parente, la différence de latitude entre la pointe nord-orientale de l'embouchure de l'Amazone et le Rio de Vicente Pinzon s'élève exactement à 3 degrés; Parente place la Punta del Separará sous l'équateur et le P. Fri tz le point correspondant par 0° 10' S. L a latitude du Rio de Vicente Pinzon est de 3° N d'après Parente et de 2° ,50' N selon le P. Fritz. Il y a tout lieu de croire que celui-ci a eu connaissance des données de Parente, mais il les a revisées en les améliorant sensiblement.
L a carte du P. Fri tz prouve donc qu'à la fin du XVIIe siècle les Portugais identifiaient le Rio de Vicente Pinçon avec l'Oyapoc.
Une deuxième carte du même auteur (A. B . I, n° 91), datant de 1707 et établie sur une échelle un peu plus petite, porte exactement le même dessin.
Une troisième, de 1717 (A. F., n° 20, et A. B . II, n° 10), est invoquée par la France aux fins de montrer que le P. Fritz était devenu hésitant dans son opinion touchant le Rio de Vicente Pinzon et qu'il y avait même renoncé, puisque le tracé du cours d'eau fait totalement défaut dans cette carte et que le nom de « R. de Vincent Pinçon » y est écrit en travers de la direction des rivieres, au-dessus de l'ensemble de la côte. C'est là une hypothèse qui évidemment va trop loin, car il se peut qu'il s'agisse ici d'une modification arbitraire, introduite plus tard par un éditeur. D'ailleurs ce document est postérieur à la paix d'Utrecht. Il ne saurait donc affaiblir la haute portée des deux premières cartes du P. Fritz.
2. Entre ces cartes et celle de l'éminent géographe français Guillaume de l'Isle, datée de 1703 (A. F. , n° 19, et A. B . I, n° 89), le contraste est très net. Cette dernière marque: le Yapoco R. près du C. d'Orange et une B. de Vincent Pinson près du Cap de Nord. De l'Isle fait donc une distinction formelle entre Yapoco et Vincent Pinçon.
Lorsqu'il a élaboré sa carte de 1700 1), il ne savait encore rien de la Baie de Vincent Pinçon ; il ignorait également que le Cap de Nord fût un cap insulaire. Sur cette carte, le Viapoco n'a pas encore l'importance qui lui est attribuée en 1703 ; en revanche, on constate plus au sud-est la mention d'une «Arcoa R que l'on croit être un bras de celle des Amazones ». Bien que les deux cartes de de l'Isle n'aient été établies qu'à trois ans d'intervalle, elles se distinguent essentiellement entre elles sur ces points si importants pour le présent litige. L'auteur, dans celle de 1703, dessine le Cap de Nord comme la pointe orientale d'une « I. des Ilapins », séparée de la terre ferme par un large
1) A. B . I, n» 88.
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canal à l'entrée méridionale duquel on lit le nom de « Arre-wary R », tandis que vers son débouché septentrional figurent une petite île et le nom de « B . de Vincent P inson» ; ce dernier occupe la place de l 'Iwaripoco R. de N. Sanson. L a carte de 1703, comme celle de 1700, marque l 'Araguary actuel sous le nom de Rio Arabony, mais elle lui donne en plus un affluent de gauche, le « Bata-bouto ». Cet Arabony-Batabouto est emprunté à la carte de F roge r (A. B . I, n° 85) ; à ce propos, il y a lieu de noter que le Cap de Nord de F r o g e r diffère essentiellement, par le dessin, de celui de de l'Isle, que F roge r attribue à l'île actuelle de Maraca le nom de C. de Nord, enfin qu'il n'indique aucun canal du nom de Rio Arewary , ni aucune Baie de Vincent Pinçon.
L a représentation que de l'Isle fournit de la région du Cap de Nord est donc le résultat de la compilation de données prises dans différentes cartes. Ainsi qu'il a été dit, ce cartographe dessine la Baie de Vincent Pinson, avec la petite île, suivant Nicolas Sanson 1656, mais c'est d'après Robert Dudley (A. B . I, n° 71) qu'il lui donne son nom. L'î le des Ilapins, avec le Cap de Nord comme pointe orientale, a la même forme que dans de Lae t 1625 1) et les cartes imitées de celle-ci, mais le nom, de nouveau, rappelle Sanson qui, au nord du « Carsewinnen et Conawini R . », marque une « Cuniculorum Insula » et plus au nord encore un « Clapepouri alias Crabebouren R » . Au mot Cuniculi a été substitué celui de Ilapins ou Lapins; toutefois, de l'Isle a transféré à l'île du Cap de Nord ce nom que Sanson donnait à une terre située soi-disant plus loin au nord-ouest, terre qui n'existe pas. L e nom de Crabebouren de la carte de Sanson est tiré de la description de Lae t 1640; l'on doit,
1) A . B . I, n» 60.
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semble-t-il, le faire remonter à celui de Carrapaporough Islands indiqué par Tatton et W . Ralegh. Il résulte de tout cela que G. de l'Isle a désigné par son « Cap de Nord » le cap de l'île de Maraca et par son « I. des Ilapins » l'île de Maraca elle-même, et qu'en attribuant ce nom à cette terre, il a cherché à corriger l'erreur qu'il avait constatée chez Sanson. De l'Isle dessine le canal Arrewary conformément aux descriptions de Laet et de Ferrolles ; il le dénomme d'après Sanson, dont il corrige toutefois le tracé en supprimant le canal intérieur Arrewary que porte la carte de cet auteur et en ne gardant que le canal extérieur suivant de Laet et d'autres. Enfin la riviere Arabony-Batabouto est particulière à la carte de Froger et ne peut provenir que de celle-ci.
On voit clairement par quelles combinaisons Guillaume de l'Isle a établi le dessin de sa carte. Sa Baie de Vincent Pinson est tirée directement de Dudley; elle repose donc sur une conception qu'il faut taxer d'inexacte.
IV. Cartes postérieures au traité d'Utrecht.
Pour l'interprétation du traité d'Utrecht, les cartes postérieures à cet acte international ne doivent être utilisées qu'avec la plus grande circonspection, car la tendance de donner au Vincent Pinçon de la paix d'Utrecht une position favorable à l'un ou à l'autre Etat s'y révèle de multiples manières. La divergence d'opinion des parties sur l'interprétation dudit traité commença à se manifester peu d'années après sa conclusion : les Portugais prétendaient que la frontière se trouve à l'Oyapoc, les Français la cherchaient plus au sud-est. Il suffira donc de donner ici
47
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une brève caractéristique des principales œuvres cartographiques postérieures au traité et de discuter quelques questions sur lesquelles les parties insistent plus particulièrement.
1.
Aperçu général des car tes postérieures au trai té .
1° L e s œuvres cartographiques de source espagnole, portugaise ou brésilienne, élaborées après la paix d'Utrecht, sont en nombre très limité et, en partie, de faible valeur. Il y a lieu de citer :
a) carte de João de Abreu Gorjão 1747 (A. B . II, n° 26) et deux cartes de José Monteiro Salasar, dont l'une est d'une date qui ne peut être déterminée exactement, tandis que l'autre porte la mention de l'année 1777 (A. B . II, nos 42 et 43). Ces cartes, qui ont un certain cachet d'archaïsme, sont basées sur les données de latitude et de longitude fournies par Manoel Pimentel en 1712 et contiennent encore quelques anciens noms, tels que : «Aroa ry» , «May-ca ry» , «Ar ica ry» , « R. de Tagar tos » ( = Lagar tos de van Langeren = Approuague). Salazar marque dans sa car te sans date le Cap d'Orange et, immédiatement à l'ouest, « Rio B y a de Vicen Vicente Picon » ; sa carte de 1777 porte le C. d'Orange ainsi qu'une Ba ja Picon à l'ouest de ce cap. Gorjão indique un «C. de Orange», avec, à l'ouest, le « R . de Vte Pinçon ».
b) Deux cartes qui ont été utilisées lors de la conclusion de la paix entre l ' E s p a g n e et le Portugal à Madrid, en 1750, et relatives à la frontière intérieure des deux Etats dans l 'Amérique du Sud (A. F . , n o s 26, 26 b i s , n° 27 et A. B . II, n° 29). L'origine de ces cartes n'est pas connue ; mais il semble, tout au moins en ce qui concerne la région du Cap de Nord et du Canal de Carapaporis, que pour
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leur confection L a Condamine (1745) a été utilisé comme modèle original.
Les reproductions qui figurent dans les Atlas français et brésiliens concordent matériellement entre elles, mais les originaux qui ont servi à les établir sont des copies provenant de mains différentes. Ces cartes seront discutées plus tard en détail, car les deux parties leur attribuent de l'importance.
c) L a carte de l'Espagnol Olmedilla, de 1775 (A. B . II, n° 41). Elle marque le « C. del Norte » comme pointe orientale de la grande île « Carpory », qui y est aussi nommée «Tierra de Conejos » et qui est limitée du côté de la terre par deux larges bras fluviaux formant les bouches du «R. Arowary ». Au nord de Carpory figure un groupe d'îles, avec les noms de «I. Maraca, û Tarpory» et «I. Gronden». Plus au nord-ouest, la carte porte un « C. de S. Vicente » entre les embouchures du «R. Machacary» et du «R. Aricary», cours d'eau dont le premier forme non loin de son embouchure, sous le nom de « L. Maypur », un élargissement en manière de lac qui reçoit les rivieres «Warypoco», «Maypur, û Maypuroch », « Caypuroch » et «Caripura». L a carte est établie d'après des modèles néerlandais. Elle ne tire son intérêt que du fait qu'elle indique une ligne frontière qui part du « C. de Orange», entre le R. Oyapoco et le «R. Wassa» , court d'abord vers le sud jusqu'au faîte de partage des eaux entre le bassin de l'Oyapoc et celui de l'Arowary, puis tourne vers l'ouest et, en suivant toujours la ligne de séparation des bassins fluviaux, se dirige vers la «Sierra de Tumucuràque ».
d) Enfin la carte brésilienne de Conrado Jacob de Niemeyer, Rio de Janeiro 1846, et la carte anonyme brésilienne « Oyapockia », de 1853 (A. B . II, n o s 81 et 83). L a première marque comme frontière entre la Guyane
française et le Brésil le « R . Oyapok ou Vicente Pinçon » — qui, dans son cours supérieur, porte le nom de « R. Caynopy » — et, dans l'intérieur, la crête de la « S e r r a Tumucucuraque ». Sur la carte Oyapockia, la frontière est formée par le « R. Oyapock ou Vicente Pinçon», qui s'appelle « R . Caynapy » dans sa partie supérieure ; aucune montagne n'est dessinée à l'intérieur du pays, mais la frontière suit le même tracé que dans la carte de Niemeyer.
2. L e s cartes de source française, anglaise et néerlandaise et postérieures à 1713 accusent un progrès considérable et représentent en partie l'opinion qui prévalait dans les cercles officiels. T e l est le cas notamment des travaux des França is d'Anville, L a Condamine, Bonne, Bellin, Mentelle, Lapie et Brué. Il y a lieu de mentionner les cartes suivantes :
La carte de d'Anville, « Géographe Ord™ du Roi, Septembre 1729 » (A. F . , n° 22). Elle indique au nord de l'île « Carpori ou T e r r e des Ilapins » la Baie de Vincent Pinçon, ouverte au milieu des petites îles situées en avant de l'île principale, tout près du Cap de Nord. En arrière de l'île Carpori, est marquée la « R r e d'Arawari ». L e dessin procède de Vooght , à qui le nom de Carpori est également emprunté, tandis que la dénomination de « T e r r e des lia-pins » est prise dans G. de l'Isle 1703, comme le prouve l'orthographe du mot Ilapins, commune aux deux cartes.
De la Condamine, 1743 et 1744 (A. F . , n° 23), nomme l'île Carpori : « Maraca I. » Il place la B a y e de Vincent Pinçon au débouché septentrional du canal séparant Maraca de la terre ferme. C'est dans sa carte que l 'Araûari R . est figuré pour la première fois comme une riviere venant de l'intérieur et se divisant en deux branches pour se jeter dans l'océan. Celle de droite, qui est la plus forte, se dirige vers l'est et se déverse dans la mer au sud du C. de Nord ;
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celle de gauche, orientée vers le nord, aboutit au canal situé au sud-ouest de l'île de Maraca, au point où se jette la riviere Carapaporis actuelle. Il convient de comparer avec cette carte la relation que L a Condamine a publiée en même temps sur son voyage au fleuve des Amazones et le long de la côte de Guyane jusqu'à Cayenne. L'explorateur décrit 1) comment, après avoir doublé le Cap de Nord, il a passé devant le bras septentrional de l'Arawari qui, dit-il, est maintenant obstrué par les sables : « Quelques lieues à l'Ouest du Banc des sept jours, raconte-t-il, et par la même hauteur, je rencontrai une autre bouche de l'Arawari aujourd'hui fermée par les sables ». Cette bouche et le canal large autant que profond y accédant par le nord (Canal de Carapaporis) et situé entre la terre ferme et les îles qui la « couvrent sont la riviere et la Baye de Vincent Pinçon». L a Condamine ajoute que, nonobstant le traité d'Utrecht, le Vincent Pinçon et l'Oyapoc se trouvent à plus de 50 lieues l'un de l'autre. Dans un article sur la Guyane, publié en 1757 dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, il maintient cette version, en déclarant toutefois que la frontière entre la Guyane française et la Guyane portugaise est à l'Oyapoc du Cap d'Orange 2 ) .
Dans un projet de carte manuscrit dû à d'Anville et daté de 1745 (A. F. , n° 24), celui-ci adopte la manière de voir de La Condamine, aussi bien dans la dénomination de l'île de Maraca que dans l'application du nom de R. Aro-wari au cours d'eau aboutissant au canal situé entre l'île et le continent ou enfin dans le placement de la Baye de Vincent Pinçon à la sortie septentrionale de ce canal.
1 ) Voi r M. F . I, page 347 ; ci-dessus, pp. 403 et suiv. 2 ) Voi r ci-dessus, page 406.
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D'Anville conserve aussi sur cette carte le dessin des îles d'après Vooght .
L a carte à plus petite échelle de John Gibson, 1763 (A. F. , n o s 31 et 31 b i s ) , figure la « B a y of Vincent Pincon » également à la sortie septentrionale du canal de M a r a c a ; elle ne fait, en revanche, aboutir à ce canal qu'une petite rivière indépendante, qui ne se rattache aucunement à l 'Araguary indiqué ici sans nom, plus au sud.
L a carte de l'ingénieur de marine Bellin, de 1763 (A. B. II, n° 36), identifie la B a y e et Riviere de Vincent Pinçon avec la baie septentrionale du Canal de Carapa-poris et une rivière qui, indépendante de la R. d'Arowari, se jette dans la Baie de Vincent Pinçon. En outre, un bras de jonction va d'un affluent gauche de l 'Araguary à la B a y e de Vincent Pinçon.
Sur la « Caart van Guiana », de 1770, qui accompagne la description de Jan Jakob Hartsinck (A. F. , n° 32), le R. Pinzon est figuré comme une petite rivière qui se jette dans l 'océan près de la sortie septentrionale du bras de mer de Maraca. D e l 'embouchure du R. Arawari , une communication par eau, dirigée droit vers le nord, conduit à ce bras de mer.
Edward Thompson, dans sa carte de 1783 (A. F. , n° 33), écrit en travers de la baie de Mayacari et du débouché septentrional, en forme d'entonnoir, du Canal de Carapa-poris : « Pentecost B a y or Vincent Pincon's B a y », et il ajoute : « according to la Condamine Boundary of F r e n c h Guyana according to the T r e a t y of Utrecht ». C'est aussi la carte de L a Condamine qui lui a servi de modèle pour le dessin de l'île de Maraca et pour la bifurcation de l 'Arawari R.
L a belle carte « de la Guiane Française dressée à Cayenne par Ordre du Gouvernement . . . ., Juin 1778 et
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Mars 1788 » (A. F., n° 34) 1»), par Simon Mentelle, « Garde du Dépôt des Cartes et Plans de la Colonie de Cayenne et ancien Ingénieur Géographe », ne mentionne aucune baie de Vincent Pinçon, ni rien qui rappelle ce nom. En arrière de l'Ile du Cap de Nord, elle porte le « Canal et Baye de Carapa-pouri », dont la bouche orientale prend le nom de «Canal de Tourlouri ». Immédiatement au sud de ce dernier bras de mer, on lit : « Cap de Nord, Latitude 1 0 51 ', observ o n de la Condamine ».
Avec cet auteur se ferme la période pendant laquelle les cartes françaises et celles qui en procèdent attachent une importance spéciale à la question de la Baie de Vincent Pinçon. Depuis G. de l'Isle 1703, mais surtout depuis La Condamine et sous l'influence de sa grande autorité, le nom de Vincent Pinçon, dans l'opinion française, s'était de plus en plus fixé à l'extrémité septentrionale du Canal de Maraca ou de Carapaporis. Mais les exemples cités montrent combien hésitantes et incertaines étaient sur ce point les idées des géographes de cette époque.
En 1729, d'Anville place la Baie de Vincent Pinçon au nord de l'île de Carpori et au débouché oriental du Canal de Maraca, tandis que L a Condamine la situe à la sortie septentrionale de ce canal, version à laquelle d'Anville se rallie en 1745 et qu'adopte aussi Gibson en 1763. Bellin 1763 marque au même point ces mots : Baye et Rivière de Vincent Pinçon, mais il dessine la rivière comme un cours d'eau distinct et indépendant de l'Araguary, contredisant ainsi L a Condamine qui avait sanctionné la thèse de la double embouchure de l'Araguary. Hartsinck 1770 ne mentionne qu'un canal de jonction conduisant de la bouche de l'Araguary au bras de mer situé en arrière de
1) V o i r auss i M . F . I, pp. 349 et su iv . ; v o i r c i -dessus , p a g e 407.
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l'île de Maraca ; pour lui, le R. Pinzon est une petite rivière indépendante qu'il place un peu au nord de cette île. En revanche, Thompson 1781 suit plutôt L a Condamine.
Mais les cartes françaises du X V I I I e siècle accusent encore d'autres divergences. Une carte intitulée « Carte française par S. », datant de 1739 (A. B . II, n° 20), place le Vincent Pinçon dans la position de l 'Oyapoc. Bonne 1780 (A. B. II, n° 45) marque à l'ouest du Cap d'Orange la « R. d'Oyapok ou de Vincent Pinçon », et W. A. Bachienne 1785 (A. B . II, n° 52), une « Riv Oyapok of Vincent Pincon ». Dans une carte de 1748 (A. F. , n° 25 b i s ) , d'Anville supprime la Baie de Vincent Pinçon et n'indique plus que la communication fluviale joignant l 'embouchure de l 'Arawari avec le Canal de Maraca, communication à laquelle il donne également le nom d'Arawari. Ce dessin sans cesse modifié ne peut constituer une base solide pour la théorie qui voudrait voir dans la Baie de Vincent Pinçon, placée près du Canal de Carapaporis, le point de départ de la frontière fixée par le traité d'Utrecht.
A partir de Simon Mentelle et de Malouet 1), cette Baie de Vincent Pinçon disparaît peu à peu de l'entrée nord du Canal de Maraca pour faire place au Canal de Carapaporis, en même temps que, dans quelques cartes, la « Rivière Oyapok ou de Vincent Pinçon » apparaît à l'ouest du Cap d'Orange et que la frontière entre la Guyane française et le Brésil est transportée en ce point.
L e s géographes français Lapie 1820, 1828 (A. B . II, n o s 65 et 76), Brué 1825, 1826 et 1834 (A. B . II, n o s 66, 73,
1) L a B a i e de V i n c e n t P i n ç o n , q u e M a l o u e t c i t e e n c o r e d a n s s e s M é m o i r e s de 1776 , n e s e t r o u v e p l u s s u r s a c a r t e de 1802. L e p o s t e mi l i t a i r e f r a n ç a i s , dont l ' é t a b l i s s e m e n t s u r l a B a i e d e V i n c e n t P i n ç o n a v a i t é t é o r d o n n é e n 1776, e s t m a r q u é s u r l a c a r t e de 1802 à l ' e m b o u c h u r e du b r a s n o r d d e l ' A r o u a r i R . d a n s l e C a n a l de C a r a p a p o u r i ( A . B . I I , n° 5 6 ) ; v o i r c i - d e s s u s , pp. 4 1 2 e t s u i v .
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74 et 78), Vivien 1825 (A. B. II, n° 67), Buchon 1825 (A. B. II, n0s 68 et 71), Darmet 1825 (A. B. II, n° 96), Perrot 1826 (A. B. II, n° 72) s'accordent tous à faire de l'Oyapoc la frontière entre la Guyane française et le Brésil.
Durant cette période, Delamarche 1825 (A. B. II, n° 70) est seul à vouloir placer la frontière au Carapana R., au sud du Cap de Nord ; Vivien, qui en 1825 se prononçait pour la frontière de l'Oyapoc, transporte, l'année suivante, la limite à une rivière qui paraît correspondre à l 'Araguary (A. B. II, n° 75), bien que, sur la même carte, il inscrive près du Cap d'Orange : « R. Oyapok ou B. de Vincent Pincon ». Brué, Géographe du Roi, qui en 1834 adoptait encore l'Oyapoc comme rivière frontière, place dans sa carte de 1839 (A. B. II, n° 80) la limite à la R. Manaye, à l'embouchure de laquelle il dessine une « B e Pinçon», en marquant néanmoins, comme en 1834, une « B e Oyapok ou Pinçon » au Cap d'Orange. C'était à l'époque de l'occupation de Mapa par la France. Mais, comme on le voit, les géographes français officiels, après avoir, pendant les dix ans qui suivirent le traité de 1817, identifié l'Oyapoc avec le Vincent Pinçon, se bornèrent ensuite — dans les années 1830-1840 — à marquer, comme frontière du territoire de la France, la Manaye et à partir de la source de cette rivière, la crête des monts Tumuc-Humac. Il n'était pas question alors d'étendre les prétentions françaises vers le sud jusqu'à l 'Araguary et vers l'ouest jusqu'au Rio Branco.
2.
Cartes utilisées dans les négociations de la paix de 1750
entre l'Espagne et le Portugal.
Les cartes employées par l'Espagne et le Portugal au cours des négociations qui curent lieu à Madrid pour le
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traité de 1750, marquent à l'entrée septentrionale du Canal de Carapaporis une Baie de Vincent Pinçon. L o r s de ces tractations, les plénipotentiaires ont indiqué la division politique par des couleurs qui, sur les cartes A. F . , n° 26, et A. B . II, n° 29, sont un ton carmin rougeâtre pour les territoires espagnols et une teinte jaune clair pour les territoires portugais.
Il s'agit des cartes suivantes : A. F . , nos 26 et 26 b i s , carte datée de 1749, légalisée comme
carte officielle, Madrid, 12 juillet 1751. A. F. , n° 27, « Facsimile reduzido de uma das tres cópias
portuguezas, feitas em 1751, do Mappa de 1749 (n° 7 A) de que se serviram os Plenipotenciarios de Portugal e Hespanha para concluir o Tratado de 1750 ».
A. B . II, n° 29, de 1751, légalisée comme carte officielle, Madrid, 12 juillet 1751.
Ces cartes donnent lieu aux remarques que voici : a) C'est avec raison que M. F . I, page 351, dit: « L a
carte de 1749 porte le nom de Vincent Pinçon exactement placé comme dans L a Condamine » ; mais on ne peut pas conclure de ce fait exact en soi que le Portugal ait reconnu par là que la position attribuée par L a Condamine au Vincent Pinçon devait marquer la frontière du côté de la Guyane française. Ces cartes n'étaient pas destinées à servir au règlement des questions de frontière entre le Portugal et la F r a n c e ; la limite de l 'Oyapoc ou Vincent Pinçon n'a nullement été en discussion à Madrid. L e s cartes furent simplement utilisées pour noter les arrangements intervenus entre l 'Espagne et le Portugal au sujet de leurs frontières réciproques.
b) L e s deux cartes légalisées (A. F . , n° 26, et A. B. II, n° 29) portent des délimitations, ainsi que des couleurs distinguant les territoires. L a ligne frontière, dans les deux
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exemplaires, sert seulement à séparer les territoires du R. Negro, au sud, de ceux de l'Orénoque, au nord. Elle manque en Guyane vers la côte atlantique. M. F . I dit à la page 352 : « L a ligne séparative s'arrête entre l'Orénoque et l'Essequibo, fixant ainsi la frontière de la Nouvelle-Grenade, mais réservant celle de la Guyane ou Nouvelle-Andalousie. Cela n'a pas empêché le Portugal d'étendre sa teinte jaune, sur la carte de 1749, jusqu'au cap d'Orange.» Il est à remarquer en réponse à cette dernière phrase, que le coloriage de la carte n'a pas été un acte unilatéral du Portugal.
En effet, les deux cartes légalisées renferment à l'intérieur du cadre la légende suivante expliquant leur coloris :
« Mapa dos Confins do Brazil com as terras da Coroa de Esp a na America Meridion1.
Oque esta de Cor Amarela he oque se acha ocupado pelos Portuguezes.
Oque esta de Cor de Roza he oque tem occupado os Espanhoes.
Oque fica em Branco esta athe aoprezente por ocupar. » L a carte A. F., n° 26, correspond exactement à cette
légende : Une teinte jaunâtre recouvre, à l'est de la délimitation, les territoires portugais y compris les régions du Rio Negro et du Rio Branco jusque près du Rio Maho, affluent de droite de ce dernier. Plus à l'est, elle s'étend sur toute la contrée comprise entre l'Amazone et une ligne de partage des eaux marquée par une rangée de montagnes, ainsi que sur le territoire allant de la rive orientale du Yapoco à la mer. Un ton rougeâtre désigne les possessions espagnoles de l'Orénoque, dont une partie s'avance quelque peu sur la rive droite de ce cours d'eau; la région entre l'Orénoque et le Yapoco n'est recouverte d'aucune teinte. Sur la carte A. B. II, n° 29, les couleurs
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ne sont pas, en Guyane, délimitées d'une façon précise, et l'on peut se demander si, dans cette partie de la carte, les deux teintes ne se sont pas mélangées. L e fait est sans conséquence dans le présent litige, car il ne regarde que l 'Espagne. En revanche, il ressort des indications concordantes des cartes légalisées que le territoire attribué au Brésil s'étend jusqu'à une frontière septentrionale partant du haut Rio Negro et du Rio Branco et coïncidant avec la ligne de partage des eaux de l 'Amazone du côté nord, et qu'il comprend aussi la source de l 'Araguary et le pays situé sur toute la rive droite du Yapoco jusqu'au Cap d'Orange.
Tel le était en 1750 la version hispano-portugaise. Elle n'engage pas la F r a n c e , mais elle prouve en premier lieu que la Baie de Vincent Pinçon n'était pas regardée par le Portugal comme marquant la frontière, ensuite que le Portugal n'a pas procédé à un acte unilatéral en étendant sa teinte jaune jusqu'à l 'Oyapoc, mais que l 'Espagne était d'accord avec lui sur ce point.
c) Comme complément de ces cartes de Madrid, A. F. , n° 28, reproduit un « Borrador topográfico de la línea divisoria qve cita el artícvlo 12° del tratado preliminar, y ajvstadas distancias hasta sv pvnto final ». Au-dessous du bord inférieur de la carte, on lit la légende : « L a línea amarilla, es la antigua, que separava los Establecimientos de Portugal, y la colorada es la nueva convenida en los Preliminares en el Articulo 12° del T r a t a d o » . Cette esquisse est sans date et, sous le rapport technique, elle a un cachet moderne. M. F . I, page 353, la rattache à la paix de 1750 et s'exprime ainsi à son sujet : « V o i l à donc un document espagnol, ayant servi aux négociations entre l 'Espagne et le Portugal, dans lequel la « Cayenne française » s'étend jusqu'à 2° au moins vers l 'Equateur, au lieu
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de se terminer vers le 4° de lat. N, comme l'eût exigé l'interprétation portugaise ». Le Brésil (R. B. III, page 270) considère cette carte comme ayant été établie après la conclusion du Traité préliminaire de San Ildefonso, du 1 e r octobre 1777; il lui refuse le caractère de carte officielle et prétend qu'elle n'est « qu'une simple esquisse faite par le Gouverneur de la province espagnole de Maynas, d'après les renseignements d'un campagnard», et il estime « que la ligne divisoire tracée par l'auteur était une ligne fantaisiste ».
R. B. III, pages 271 et suivantes, reproduit une dépêche de l'ambassadeur de Portugal à Madrid, datée du 14 décembre 1779, et qui doit avoir trait à ce « Borrador », lequel s'y trouve désigné comme « une petite carte, à vrai dire d'imagination, sur laquelle il a tracé une ligne fantaisiste, mais cette carte sert pour indiquer la position des rivières et des montagnes et, plus ou moins, les distances».
L e Borrador n'étant pas daté et les lignes frontières qu'il porte étant en complète contradiction avec les indications ci-dessus discutées des cartes de Madrid, et comme on ne possède aucune donnée certaine sur l'importance de ce document, il ne peut en être tiré aucune preuve.
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V. ,,Terres appellées du Cap du Nord, et situées entre la riviere des Amazones, et celle de Japoc, ou de Vincent Pinson" Art. VIII du traité d'Utrecht.
1.
Les te r res appelées du Cap du Nord.
L'article 8 du traité d'Utrecht désigne sous le terme de « terres appellées du Cap du Nord » le territoire au sujet duquel la F r a n c e se désiste de tous droits en faveur du Portugal. L e s parties discutent en détail dans leurs mémoires la portée de cette expression. L a F r a n c e ne voit dans les « terres du Cap du Nord » que le territoire situé dans le voisinage immédiat du Cap de Nord, soit le territoire compris entre le Cap de Nord et le fleuve des Amazones, et elle veut en conclure à une position méridionale de la rivière frontière « J a p o c ou Vincent Pinson » 1). L e Brésil prétend que la désignation « terres du Cap du Nord » embrasse en réalité toute la contrée située entre l 'Amazone et l 'Orénoque 2 ) .
L'expression « terres du Cap du Nord » ne se rencontre pas dans les cartes anciennes comme nom d'un territoire déterminé. L a carte de Vivien de St-Martin « Atlas universel de géographie, Par is 1894 » et celle que Cou-dreau a annexée à son ouvrage « L a F r a n c e équinoxiale, Par is 1887 » sont les premières qui marquent le nom de « T e r r e s du Cap de Nord » ; elles l'indiquent dans le voisinage immédiat dudit cap. Ces cartes ne peuvent servir
1) V o i r M . F . I, p p . 21 e t s u i v . 2) V o i r R . B . I, p p . 147 e t su iv .
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cependant de documents probants pour établir la portée de ce terme. Il y a lieu de rechercher tout d'abord comment cette désignation a été introduite dans le texte du traité d'Utrecht.
Du côté portugais, l'expression « Capitainerie du Cap de Nord » figure en premier lieu dans les « Lettres Royales » que Philippe I V délivra le 14 juin 1637 à Bento Maciel Parente. D'après le texte de ce document, la capitainerie devait avoir une étendue « sur la côte de la mer de 30 à 40 lieues, comptées à partir du susdit Cap (de Nord) jusqu'au rio de Vicente Pinçon, où commence la démarcation des Indes du Royaume de Castille . . . . » ; on lit dans un autre passage : « . . . . là où se termineront les 35 à 40 lieues de côtes de sa Capitainerie,. . . . » 1 ) . Du côté français, le sens attaché à l'expression de Cap de Nord est beaucoup moins précis. En 1633, ce nom est celui d'une compagnie de commerce ; en 1640, une deuxième compagnie « du Cap de Nord » est fondée, dont la concession s'étend « depuis la riviere d'Orenoque, icelle comprise, jusqes a (la) riviere des Amazones, icelle comprise ». En 1651, une troisième compagnie se constitue dans le but d'occuper « la Terre ferme du Cap de Nord », avec les mêmes limites qu'en 1640 2) ; les « Lettres patentes » de cette compagnie parlent des « pays, terres et Isles du Cap de Nord. » Ferrolles écrit dans son mémoire de 1698 3) : « Macapa est une dépendance du Cap du Nord, qui s'estend jusques là, et les Terres d'alentour de Macapa s'appellent par les Portugais mesmes les Terres du Cap du Nord ». Mais Ferrolles était le représentant intéressé de la France et il s'était donné pour but de chasser les Portugais de la Guyane.
1) M . B . I I , pp. 22, 24 ; vo i r c i -dessus , pp. 122 e t suiv . 2) V o i r c i -dessus , pp. 78 , 79, 130 et suiv . 3 ) M . B . I I , p a g e 37 ; c i -dessus , p a g e 181 .
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Dans les mémoires qui furent échangés en 1698 et 1699 entre la F r a n c e et le Portugal 1), la première n'emploie l'expression que dans un sens tout à fait généra l 2 ) . L e Portugal dit dans sa réponse de 1698 : « L a grande etendue de terre qui est entre la Riviere d'Oyapoc et Cayenne a la denomination de Cap de Nord aussy bien que celle qui est entre laditte Riviere et celle des Amazones » 3 ) .
L e traité provisionnel du 4 mars 1700 emploie deux fois la dénomination de « terres du Cap de Nord », mais seulement dans l'introduction. Il y est dit chaque fois que ces « terres » sont situées entre Cayenne et la rivière des Amazones. L e s articles mêmes du traité ne font pas mention du nom de « terres du Cap de Nord », mais l'art. 1 e r définit de la manière suivante le territoire auquel se rapporte le traité : « terres qui s'etendent depuis lesdits forts (d'Ara-guary et de Cumati ou Macapa) par le rivage de la Riviere des Amazones vers le cap de Nord et le long de la coste de la mer jusqu'à l 'embouchure de la Riviere d'Oyapoc dite de Vincent Pinçon ».
P a r le traité du 18 juin 1701 4 ) , le traité provisionnel du 4 mars 1700 relatif à la « possession des terres du Cap de Nord, confinant à la rivière des Amazones » est rendu définitif. L e s parties ne jugèrent pas qu'une spécification plus exacte de ce territoire fût nécessaire, puisqu'il s'agissait d'une simple confirmation du traité provisionnel.
L e traité du 16 mai 1703 5 ) , par lequel le Portugal acquiesça à l'alliance contre la F r a n c e , parle de « R e giones ad Promontorium Boreale vulgo Caput de Norte
1) V o i r c i - d e s s u s , pp . 184 e t s u i v . 2 ) V o i r p a r e x e m p l e M . F . I I , pp . 3 8 , 4 1 . 3 ) M . F . I I , p a g e 2 5 ; v o i r c i - d e s s u s , p a g e 2 0 3 . 4 ) V o i r c i - d e s s u s , pp . 2 3 8 - 2 4 0 . 5) V o i r c i - d e s s u s , p p . 2 4 1 - 2 4 3 .
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pertinentes et ad ditionem Status Maranonii spectantes, jacentesque inter Fluvios Amazonium et Vincentis Pinsonis ». L e territoire que visent les mots « Regiones ad Promon-torium Boreale pertinentes » est donc désigné de nouveau d'une façon suffisamment claire, car, bien que le nom d'Oyapoc manque, il est indubitable que par celui de Vincent Pinçon on a eu en vue la rivière indiquée dans le traité de 1700.
Au cours des négociations qui précédèrent la conclusion du traité d'Utrecht, les Portugais emploient à plusieurs reprises l'expression de « terres du Cap de Nord », en particulier dans les pièces suivantes : lettre de Dom Luis da Cunha à la reine Anne, du 14 décembre 1711; Memorandum portugais de janvier 1712; Demandes spécifiques du roi de Portugal, du 5 mars 1712; Demandes des Portugais à Utrecht, du 22 juillet 1712 1 ) . Chaque fois, ils ajoutent que le territoire dont il s'agit est situé entre l'Amazone et le Vincent Pinçon et se réfèrent au traité provisionnel de 1700. Les plénipotentiaires français n'emploient ni le nom de Terres du Cap de Nord, ni celui de Vincent Pinçon, mais ils parlent du territoire compris entre l'Amazone et l'Oyapoco en renvoyant au traité provisionnel de 1700, ce qui suffit pour désigner clairement l'objet du litige 2 ). L'ultimatum anglais 3 ) (17 février, 6 mars 1713) stipule de même « que (les Portugais) rentreront dans la possession des Païs qu'ils étaient obligés de quitter en vertu du Traité provisionel, pour en jouir des à present sans y être en aucune maniere inquietés de la part des François ». Cette condition fut acceptée par Louis X I V .
1) R . В . I I , pp. 380, 385 , 388 et 3 9 5 ; v o i r c i -dessus , pp. 248-255, 264 e t suiv. , 271 et suiv.
2) M. F . I I , p a g e 62 , R . В . I I , pp. 403 , 4 4 7 ; v o i r c i -dessus , pp. 257, 274, 2 8 1 , 2 8 3 .
3) M . F . I I , pp. 66, 6 8 ; v o i r c i -dessus , pp. 291 , 296 .
4 8
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Aussi, lorsque les plénipotentiaires portugais procédèrent à la rédaction de l'article 8 du traité d'Utrecht, ils s 'efforcèrent d'en faire concorder le texte avec le traité provisionnel de 1700, dont ils avaient un exemplaire sous les y e u x 1 ) .
Il ressort de cet ensemble de faits que, dans la pensée des deux parties, la notion des « terres du Cap du Nord » n'a pas varié de 1700 à 1713. Déjà , dans le traité de 1700, elle reçoit un sens déterminé par ces mots : « situées entre Cayenne et la rivière des Amazones », et elle est précisée par cette indication qu'elle s'applique au territoire compris entre le fleuve des Amazones et l 'Oyapoc ou Vincent Pinçon. L e s expressions «confinant», «pertinentes ad» , « spectantes ad» , qui figurent dans les traités de 1701 et 1703, sont élastiques et susceptibles d'interprétations différentes; mais il n'est pas possible d'admettre que, par ces termes, la portée que le traité de 1700 avait voulu donner à la notion des « terres du Cap du Nord » devait être limitée ou même simplement déterminée d'une manière plus complète 2 ) . Il s'agissait toujours du même territoire, et la question qui demeure est de savoir quelle rivière on avait en vue en désignant l'Oiapoc—Ojapoc—Japoc ou Vincent Pinson comme frontière du territoire en litige.
11 n'y a rien d'extraordinaire à ce que le mot « T e r r e s » ait été employé pour indiquer une assez grande et même une très grande étendue de pays. On constate par exemple que, par l 'expression: « L e s terres de cette conquête», Pa rente, dans son Mémorial (datant de 1630 environ), entend l'ensemble de l ' E s t a d o do Maranhão 3).
1) R . B . I I , p a g e 4 3 4 ; v o i r c i - d e s s u s , p p . 2 7 5 , 3 0 2 . 2 ) V o i r a u s s i c i - d e s s u s , pp . 2 4 0 , 2 4 2 - 2 4 3 . 3 ) M . B . I I , p a g e 9 ; v o i r c i - d e s s u s , p a g e 114 .
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Dans la carte de João Teixeira, 1640 (A. F., n° 12) le Brésil est désigné ainsi : « T e r r a de Santa Crvz aqve chamão Brazil ». Le même auteur écrit sur sa carte de 1642 (A. B. I, n° 67) « Provinsia de Santa-Crvz aqve vulgarmente chamão Brazil ». D'autre part, dans la Carte de la T e r r e ferme du Perou, du Brésil, . . . . 1703, de Guillaume de l'Isle, on lit: « Brésil nommé cydevant Terre de Sainte Croix ».
2.
Japoc.
Il a déjà été dit que, par le nom de «Japoc », on n'avait pas eu l'intention de désigner un nouveau cours d'eau, et que ce vocable n'était qu'une variante des formes Wiapoc, Wayapogo, Oyapoc, Yapoc, etc.
La question à examiner ici est donc uniquement de savoir si les différentes variantes du nom d'Oyapoc doivent être rattachées exclusivement à la rivière débouchant immédiatement à l'ouest du Cap d'Orange, ou si, antérieurement au traité d'Utrecht, il existait plusieurs cours d'eau de ce nom.
Sur ce point les parties diffèrent notablement. L e mémoire du Brésil soutient cette thèse qu'il n'y
a jamais eu, avant le traité d'Utrecht, qu'un Oyapoc, celui du Cap d'Orange, et que, par conséquent, le nom de Japoc du traité d'Utrecht ne peut s'appliquer à aucune autre rivière que l 'Oyapoc actuel 1 ) ; le mémoire français défend l'opinion contraire. M. F . I, page 39, dit « que non seulement des noms de même racine, tels que Jaos, Iwari-poco, Awaripoco, Waripoco, Oyapoc, Japoc, se rencontraient aux environs de l'embouchure des Amazones et du
1) M . B . I, p a g e 195.
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cap de Nord, mais que la contrée elle-même portait, au commencement du X V I I E siècle, le nom de pays de Yapoco ». Cette assertion qui est exprimée d'une manière plus développée dans R. F . 1) doit faire l'objet d'un examen détaillé.
a) L E P A Y S D'YAPOCO D E J E A N MOCQUET.
L a relation que Jean Mocquet, « Garde du Cabinet des singularités du Roi, aux Tuileries », publia en 1616 du voyage qu'il avait fait en 1604 à la côte de Guyane est invoquée par la F r a n c e comme fournissant la preuve que le territoire désigné par Mocquet sous le nom de Yapoco devait être situé dans le voisinage du Canal de Carapa-poris ac tue l 2 ) .
M. B . 3 ) , en revanche, qualifie la description de Mocquet de « voyage décrit assez confusément » et, pour affaiblir l'argumentation française, relève tout d'abord les inexactitudes chronologiques de Mocquet.
S i l'on examine les données de Mocquet d'après sa relation de voyage, les points suivants sollicitent tout particulièrement l 'attention 4 ) .
Son bateau parvint, l'après-midi de Pâques fleuries, à la côte américaine dans une région où se fait sentir le phénomène de la pororoca, qui, pendant la nuit, effraya vivement les voyageurs par sa violence. Ils ne purent pas voir le pays, à cause de l'obscurité, mais ils pensèrent qu'ils en étaient proches. L 'eau de la mer était de couleur tannée et la sonde accusait une profondeur constamment
1) R . F . , pp . 2 1 2 e t s u i v . 2 ) M . F . I, pp . 3 2 8 e t su iv . , e t R . F . , pp . 2 1 4 e t s u i v . ; v o i r c i - d e s s u s ,
p a g e 105, n o t e 3 . 3 ) M . B . I , pp. 6 8 e t su iv . , e t R . B . I , pp. 125 e t s u i v . 4) Jean Mocquet, V o y a g e s en A f r i q u e , A s i e , I n d e s O r i e n t a l e s e t
O c c i d e n t a l e s , é d i t i o n de P a r i s 1830 , pp . 61 e t s u i v .
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décroissante qui, finalement, bien qu'on ne vît encore aucune terre, n'était plus que de 3 à 4 brasses. Enfin, le lundi, on aperçut vers l'ouest-sud-ouest une côte plate dont on s'approcha avec précaution, car le bateau touchait constamment sur le fond vaseux. Le pilote « s'écria que nous étions en la rivière des Amazones».
Tandis que le navire louvoyait de la sorte, il rencontra en mer un bateau indien dont l'équipage, fort de 17 hommes, monta à bord et raconta aux voyageurs qu'il revenait d'une guerre au cap Caypour, l'un des caps près de la rivière des Amazones 1). Le patron laissa deux de ses gens comme pilotes-côtiers sur le navire français, qu'ils conduisirent au pays de Yapoco, « à l'embouchure de la rivière ou fort près ». En arrivant à cette terre de Yapoco, les voyageurs laissaient la rivière des Amazones à leur gauche ; du côté nord étaient établis les Caripous et les Caraïbes.
Les Français se mirent alors à faire des échanges avec les habitants en leur faisant comprendre par signes ce qu'ils voulaient avoir ou ce qu'ils comptaient donner.
L e chef de cette terre de Yapoco, du nom d'Anacaioury , était alors occupé à armer une flottille de guerre destinée à combattre les ennemis héréditaires, les Caraïbes. Mocquet appelle Caraïbes (Caribes) les Galibis. L a langue des Caripous est, d'après Mocquet, si différente de celle des Caraïbes que ces deux peuples ont beaucoup de peine à
1) O n s e d e m a n d e c e qu'i l faut e n t e n d r e p a r le C a p C a y p o u r . J o d o -c u s H o n d i u s 1598, T h é o d o r e de B r y 1599, G a b r i e l T a t t o n 1602 ment ionnent un R i o C a i p o r o n n e dans la r é g i o n du C a c h i p o u r a c t u e l . L e nom d'« A n a c o r y », s e m b l a b l e à ce lu i du c h e f A n a c a ï o u r y , a p p a r a î t c o m m e nom de pays près de l ' e m b o u c h u r e du C a s s i p o r o u g h ( C a c h i p o u r ) s u r l a c a r t e de G . T a t t o n 1608 ( A . B . I, n° 54 ) . A i n s i le n o m de C a y p o u r doit v r a i s e m b l a b l e m e n t ê t r e identifié a v e c ce lu i de C a c h i p o u r qui a p r e s q u e l a m ê m e c o n s o n n a n c e .
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se comprendre, quoique les territoires qu'ils habitent ne soient distants que de 30 lieues.
« Quand le canon avoit tiré, le bruit en demeuroit près d'une quart-d'heure dans ces forêts de bois, pour être tout ce pays montagnes et vallons». L e pays de Yapoco est éloigné de plus de 120 lieues de celui des Toupinambous dans le Brésil .
Cette description appelle les remarques suivantes : 1. L e s renseignements fournis par Mocquet sur la région
de l'embouchure de l 'Amazone sont de nature si incertaine qu'ils ne permettent pas de déterminer le point exact où il se trouvait.
2. Lorsque Mocquet dit qu'en arrivant au Yapoco, il laissait l 'Amazone à gauche, il ne fournit qu'une indication absolument vague ; tout ce qu'on peut en conclure, c'est qu'il se trouvait quelque part au nord de l 'Amazone et au sud du pays des Caraïbes .
3. Mocquet décrit la terre de Yapoco comme une région montagneuse et vallonnée, où le bruit du canon se répercutait longtemps.
L e pays de Yapoco ne peut donc pas être situé dans les terres plates avoisinant le Carapaporis, mais il faut le chercher dans le bassin inférieur de l 'Oyapoc ou au sud-est de Cayenne.
4. L'information d'après laquelle la tribu des Caripous du Yapoco et celle des C a r a ï b e s de Cayenne n'habitaient qu'à 30 lieues l'une de l'autre est exacte pour la région de l 'Oyapoc et ne l'est plus pour la région du Carapaporis.
5. M. F . I, page 331, se basant sur la donnée de Mocquet d'après laquelle le pays de Yapoco devait être distant de plus de 120 lieues de celui des Toupinambous, conclut que — puisque 25 lieues équivalent à un degré équatorial -il faut placer la terre de Yapoco dans la région du Canal
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de Tourlouri, c'est-à-dire au sud de l'île de Maraca. L a France suppose que, par la rivière de Maragnon de Mocquet, il faut entendre la baie de Maranhão (M. F . I, 1. c , note 1).
Une « Prouincia dos Tupinambas » figure sur la carte de João Teixeira 1640 (A. В. I, n° 68, et A. F., n° 12 b i s). Elle est comprise entre le R. Turj et l'embouchure de l'Amazone. Mais le R. Turj est situé à l'ouest de la baie de Maranhão, comme on peut le voir sur les cartes de Teixeira de 1640 (A. В. I, n° 66) et 1642 (A. В . I, n° 67) 1). La province s'étend sur un territoire de plus de 70 leguas, jusqu'à la Punta del Separara. D'autre part, Mocquet a-t-il réellement compté 25 lieues au degré ou n'a-t-il pas eu plutôt en vue la legua hispano-portugaise alors fort en usage ? Cette question ne saurait être résolue. En tout cas, l'indication de 120 lieues concorde étonnamment avec la description postérieure de B. M. Parente, qui donne à la section s'étendant de la Punta del Separará au Rio de Vicente Pinzon une longueur de 80 + 40 leguas, ce qui conduit encore au delà du Cap d'Orange, ainsi que le fait est signalé plus haut (voir Annexes, tableau n° III). Toutefois, comme le point à partir duquel Mocquet compte la distance dont il s'agit ne peut être fixé avec certitude, on ne saurait tirer aucune conclusion de sa donnée.
6. Mocquet n'indiquant le nom d'aucun cours d'eau de sa terre de Yapoco, il est inadmissible de parler d'une «riviere d'Yapoco», comme le fait par exemple le mémoire du président Rouillé 2 ) , de 1698, dans la phrase suivante: «Jean Moquet, dans la relation de ses voyages, rapporte
1) G u i l l a u m e S a n s o n 1679 m a r q u e l e nom de T o u p i n a m b o u s dans l a c a p i t a i n e r i e de P a r a ; G u i l l a u m e de l ' I s le 1700 et 1703 é c r i t ce lu i de T o u p i n a m b e s e n t r e l e M e a r y et l ' A m a z o n e .
2 ) M . F . I I , p a g e 1 ; voir c i -dessus , p a g e 193.
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celuy qu'il fist en ce pays en 1604 avec le capitaine R a v a r -diere, et de quelle maniere ils firent commerce avec les Indiens de la riviere d'Yapoco, scituée entre l'isle de Cayenne et la riviere des Amazones ».
L e mémoire français de 1688 (publié par Malouet) dit expressément dans le passage correspondant : . . . « ils y firent commerce avec les Indiens de la riviere d'Yapoco, située à quatre degrés et demi de la ligne »
7. L a carte de Jean Guérard (A. F. , n° 9), sur laquelle M. F . I, page 333, s'appuie pour fixer la position du pays de Yapoco, est d'un dessin absolument inexact et grossier. Dans la reproduction présentée, on ne peut guère reconnaître que les noms de C. du Nord et C. de la Conde.
L e mot qui les sépare est illisible ; il est impossible d'y voir le nom de Vapogue ou Yapogue et d'en tirer une indication touchant la situation du pays de Yapoco de Mocquet.
8. R. F. , page 267, discutant la carte de Dudley (A. B . I, n° 70), cite en faveur de sa thèse le nom de peuple « J a y » , qui est placé sur cette carte près de W a r i p o g o — I. Pincon, et remarque à ce propos : « L e mot de J a y annonce que le pays est habité par cette peuplade; nous sommes dans le pays de J a p o c o » . A cette assertion, il y a lieu de répondre qu'on peut lire sur la même carte :
J a y J p a y
R. di Ciana J a y
R. W y a p o g o I. War ipog o
J a y
1) V o i r c i - d e s s u s , pp . 193 e t su iv . , n o t e 2 .
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Si le nom de J a y doit désigner le pays de Yapoco, il résulte donc de la carte de Dudley que ce pays s'étendait vers le nord-ouest, loin au delà de l'Oyapoc.
Keymis déjà mentionne une peuplade du nom de Iaos, une première fois comme habitant sur l'Iwaripoco, puis sur le Cawo. Harcourt la connaît aussi; il cite les Yaos avec les rivières Maicary — Connawini et , de nouveau, avec les rivières Wiapoco—Wianary. Dans la série des cartes, les Iayes apparaissent en premier lieu dans de Laet 1625, sur le R. Arycary, et ensuite à la même place dans Blæuw 1631. Pierre Du V a l 1655 écrit le mot Iayes en travers du cours d'eau qui représente vraisemblablement l'Oyapoc. Nicolas Sanson 1656 marque les noms de Iaiy près du Mikary R. alias Maikari, Iaoyi à l'ouest du Wiapoco et Iayoi vers le Marwynen R. (Maroni). Pierre Du V a l 1664-1677 mentionne le nom de Yaos à l'ouest du Viapoco ; de même, Lefebvre de la Barre 1665 place ses Iaoys à l'ouest du Yapoco. Guillaume Sanson 1680 écrit Yayes à l'ouest du Viapoco R. et, en outre, à l'est du Marony R. Guillaume de l'Isle 1700 situe les Yaios à l'ouest du Marony. D'Anville 1729 marque le nom de Ouayes sur le cours supérieur de l'Oyapok, ainsi que sur la Rre d'A-prouague. De cette courte revue, il résulte que déjà les premiers auteurs, Keymis et Harcourt, assignaient à la peuplade dont il s'agit des situations géographiques très différentes, que, d'après les cartes, les Jayes étaient certainement répandus, le long de la côte guyanaise, sur une vaste région (jusqu'au Maroni), et par conséquent que le nom de «Jay » ne peut pas être rattaché à une localité déterminée. L a plupart des auteurs sont d'accord sur le fait qu'en tout cas des Jayes étaient établis aussi dans le territoire de l'Oyapoc.
9. Pierre d'Avity (Le Monde ou la description générale de ses quatre parties, Paris 1637) l) et Lefebvre de la Barre
1) R . B . I I , pp. 43 , 44.
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(Description de la F r a n c e équinoxiale, Paris 1666) 1) parlent du pays de Yapoco de Mocquet et l'identifient avec celui de l 'Oyapoc actuel.
Il ressort de ce qui précède que la situation de la terre de Yapoco de Mocquet ne peut pas être déterminée avec certitude, mais que ce pays doit être très probablement cherché dans la région avoisinant la rivière d'Oyapoc.
b) L ' O Y A P O C DE L 'ARRICARI , P R E M I E R OYAPOC DU C A P
D E N O R D 2 ) .
L e s ouvrages d 'Antonio de Alcedo (1786—1789) et de John Malham (1801), invoqués dans R. F . aux fins de prouver l 'existence de cet Oyapoc, pourraient être passés sous silence, non seulement parce qu'ils datent d'une époque de beaucoup postérieure au traité d'Utrecht, mais encore parce que la méthode critique nécessaire à de pareils travaux y fait défaut. Voic i toutefois les observations qu'ils suggèrent :
R . F . , pages 215 et suivantes, prétend qu'il existerait près du Cap de Nord un Oyapoc ou Oyapo, comme affluent de l 'Arricari, et que ce cours d'eau serait le J a p o c de la paix d'Utrecht. Il dit d'Alcedo, dont il invoque en premier lieu le témoignage, qu'il aurait « sommairement cité » ce second Oyapoc. L e passage y relatif, dans le « Diccionario geográfico-histórico de las Indias occidentales ó America, Madrid, 1786—1789 » d'Alcedo, est ainsi formulé en traduction française : « Oyapo, rivière de la même province et gouvernement que le précédent (Guyane)
1 ) R . B . I I , pp . 9 8 , 9 9 . 2 ) R . F . , pp . 2 1 5 e t s u i v .
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dans la partie occupée par les Français». Aucun renseignement n'est donné sur la position géographique de cette rivière, et l'on ne sait, d'après ce texte, où il faut la chercher ; au surplus, il est possible qu'Alcedo ait eu en vue le Rio Oyac près de Cayenne. Le principal témoin cité par la France à l'appui de sa thèse est John Malham qui a écrit ce qui suit, dans « The Naval Gazetteer or Seaman's complete Guide», Londres 1801, t. II, page 541 1): «Wiapoco, ou petite Wia, une branche à l'ouest de l'Oré-noque 2 ) sur la côte N.-E. de l'Amérique du Sud. Elle se divise en tous sens et reste navigable dans toutes les directions. Elle pénètre dans l'intérieur sensiblement comme la rivière Arrowary, et, après avoir remonté l 'Arricary 5 ou 6 lieues, sont six petites îles en face desquelles est la présente rivière ; pour y entrer, gouvernez droit sur la montagne Caripe, entrez dans 3 ou 4 brasses d'eau et jetez l'ancre dans un fond de vase molle». R. F., page 217, fait suivre la citation de Malham de cette remarque : « Le nom d'Arricary et celui de Mayacaré, tous deux donnés aux rivières qui se déversent, l'une en face de la pointe nord de l'île de Maraca, l'autre un peu plus haut, ont été souvent intervertis. »
L a description de Malham soulève les objections suivantes :
a) Depuis Keymis, le nom de « Wya » est connu comme celui d'une rivière située à l'ouest du Wiapoco, entre le « Capurwaka » et le « Caiane ». C'est l '«Ouia» de Ferrolles et 1'« Uvia » de de l'Isle 1703. Aucune carte n'indique un W y a dans une autre position. Ce W y a est situé à l'ouest du C. d'Orange. D'autre part, jamais le Wiapoco n'a été
1) C i t é d 'après R . F . , p a g e 217. 2) A u l ieu d ' O r é n o q u e , l ' a u t e u r a voulu dire A r r i c a r y .
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appelé « petite W i a ». Au contraire, le P. Pfeil, en 1682, donne au nom d'Oyapoc la signification de grand O y a ; voir ci-dessus, раде 157.
b) En dehors de Malham, aucun auteur ne marque une rivière W i a près de l 'Arricary, cours d'eau connu, voisin du Mayacaré .
c) L e passage cité de Malham rappelle la carte de Rog-geveen, de 1680 (A. F . , n° 15), et paraît être écrit d'après cette carte. Roggeveen dessine un R. Wya au nord du R. Caperwaca, à la place indiquée par Keymis. En outre, il marque un R. A r y c a r a se déversant, comme affluent de droite, dans l 'embouchure du « W a y a p o c o » ; le « Cabo Oran-gien » est la pointe d'une terre « Aricara ». Il ressort de la description de Malham que, par son Orénoque ou Arricary, il faut entendre une grande rivière : « elle se divise en tous sens et reste navigable dans toutes les directions ». L e s six petites îles, situées à 5 ou 6 lieues en arrière de l 'embouchure de l 'Arricary de Malham, figurent aussi sur la carte de Roggeveen dans l 'embouchure de l 'Oyapoc-W a y a p o c o , en amont de l 'Arycara ; si l'on suit l'indication de Malham, on trouve également son point de repère, la montagne Caripe, marqué dans Roggeveen, à sa place exacte.
Malham s'est donc trompé dans la lecture de Roggeveen, dont le W a y a p o c o est dessiné, en effet, de façon à induire en erreur. L ' A r y c a r a de Roggeveen correspond à l 'Arcoa de van Keulen et le grand fleuve est le Wiapoco lui-même.
Cette interprétation du texte de Malham est confirmée par les cartes figurant comme annexes (n o s 4 et 4 b i s ) de R. F. , qui marquent également un R. Arikario près du Wiapoco et du C. d'Orange.
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c) L E S TÉMOINS DU NOM D'OYAPOC DANS LA B A I E
DE VINCENT PINSON 1).
R. F., pages 219—221, dans un chapitre spécial, prétend :
1° que la petite île indiquée sur les cartes du milieu du X I X e siècle sous le nom de Japioca, au sud de l'île de Maraca, et qui plus tard est devenue l'Ilha Jipioca, aujourd'hui disparue sous les eaux, aurait conservé dans son nom de Japioca celui du pays de Yapoco ;
2° que le mot Maraca aurait le sens de « calebasse » dans la langue des Galibis et que celui de Yapoco ne serait que la traduction de « crique calebasse » en langue tupi.
A ce propos, il y a lieu de remarquer ce qui suit: D'abord, on peut opposer à l'assertion d'après laquelle
le nom de la terre de Japoco (Yapoco) se serait conservé sous la forme de celui de l'île de Japioca, les résultats de l'exposé précédent, relatif au pays de Yapoco (voir ci-dessus, pages 761 et suivantes). En outre, c'est un cours d'eau, et non une île ou un pays, qui fait l'objet de la présente étude. Enfin, le nom de l'île n'est pas même fixé et elle s'appelle tantôt Japioca, tantôt Jipioca (D r Göldi, 1. c , page 188), ou même Jipioa (Mouchez, A. B . II, n° 86).
Le mot Maraca, soi-disant de langue galibi, qui est donné comme tel pour la première fois par Barrère et qui, de sa relation de voyage, a passé dans le petit dictionnaire galibi joint à la « Maison rustique » de Préfontaine, ne signifie pas simplement « calebasse », c'est-à-dire le fruit
1) V o i r , par e x e m p l e , s u r l ' î le de J a p i o c a , l a c a r t e de C.J. de Niemeyer (1846), dans A . B . I I , n° 8 1 , e t l a Carte anonyme brésilienne (1853) , A . B . I I , n° 8 3 ; vo i r auss i M o u c h e z ( A . B . I I , n° 86 ) .
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du calebassier ouvré en façon de récipient — comme M. F . le suppose —, mais il désigne une sorte de crécelle, instrument de danse revêtu d'un caractère religieux, qui était en usage chez les Indiens dans l'ordination de leurs prêtres 1). Si l'on remonte à l'origine du mot, on constate que Maraca n'est dans la langue galibi qu'un mot d'emprunt qui lui est venu du tupi. Il est déjà cité par Lery2) (1567) comme mot tupi s'appliquant audit instrument de danse ; pareillement, dans la relation de voyage d ' Y v e s d'Evreux (1615) 3), il est souvent question des joueurs de maraca de Maragnan. Aujourd'hui encore, dans la langue tupi, l'instrument dont il s'agit est appelé m a r a k a 4 ) .
D e plus, dans le tupi du nord, « eau » ne se dit pas ya., mais y-ig.
L'al légation de R. F. , page 221, d'après laquelle « le nom de crique calebasse, traduit en tupi, donnerait exactement Yapoco », n'est donc pas soutenable.
d) L ' O Y A P O C SUD D E LA TERRE D'OYAPOC,
DELTA D E L 'ARAGUARY.
Sous ce titre, R. F . , pages 222 et suivantes, discute deux questions. En premier lieu, il considère comme synonyme d'Oyapoc le nom de Weypo, par lequel Jesse des Forests et J. de Laet désignent une rivière dans le voisinage de l 'Araguary ; mais rien ne prouve que ces deux noms aient la même signification. Il dit ensuite
1) Barrère, N o u v e l l e R e l a t i o n de l a F r a n c e e q u i n o x i a l e 1743 , p a g e 2 0 9 .
2) Lery, H i s t o i r e d 'un voyag0e fa i c t en l a T e r r e du B r é s i l , 1567 , é d i t i o n d e P a r i s , 1880, t. I I , pp . 7 0 e t 198 .
3 ) S u r Yves d'Evreux, v o i r c i - d e s s u s , p a g e 2 8 6 , n o t e 1 . 4) Barbosa Rodrigues, V o c a b u l a r i o i n d i g e n a , R i o de J a n e i r o ,
1892 , p a g e 2 3 .
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que l'officier français d'Audiffrédy aurait appris des indigènes, en 1731, lors d'une reconnaissance entreprise en mission officielle, qu'une rivière venant de l'intérieur et située à quelques lieues au sud de l 'Araguary, portait le nom de Yapok, nom qui aurait désigné aussi une île située en face de l'embouchure de ce cours d'eau.
L e Journal d'Audiffrédy, auquel R. F., 1. c , se réfère, n'a pas été produit devant l'arbitre. On peut conclure des données de R. F., que d'Audiffrédy n'a pas vu personnellement la rivière signalée par lui, mais qu'il fonde ses assertions uniquement sur les rapports des indigènes. Or, ces dires sont excessivement vagues et l'on ne sait même pas si d'Audiffrédy a bien compris les naturels. Enfin il faut se souvenir que l'expédition d'Audiffrédy n'a eu lieu qu'en 1731, c'est-à-dire 18 ans après la conclusion du traité d'Utrecht. Au surplus, le soi-disant Yapoc d'Audiffrédy serait situé à 12 lieues au sud de l 'Araguary, de sorte qu'en tout cas il ne pourrait être identifié avec le Japoc de la paix d'Utrecht.
e) L ' O Y A P O C DE L'ÎLE DE MARAJÓ 1 ) .
L a carte de d'Anville, datée de 1748 (A. F., n° 25 b i s), par conséquent de beaucoup postérieure au traité d'Utrecht, est la première qui marque sur la côte septentrionale de l'île de Marajo une petite rivière du nom d'Oyapoco. C'est, jusqu'à cette date, le seul cours d'eau portant un nom qui offre une incontestable similitude avec celui de l'Oyapoc actuel et dont l'existence puisse être cartographiquement démontrée.
L'Oyapoco de Marajo emprunte un intérêt particulier au fait que son nom s'est maintenu en usage, à cette place, jusqu'à nos jours.
1) R . F . , pp. 227 et suiv .
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Quant à l'époque où ce nom est apparu pour la première fois, les documents présentés à l 'arbitre ne permettent pas de la déterminer. En tout cas, et la question n'a pas besoin d'être discutée, ce n'est pas cet Oyapoco ou Goiapucu, comme il est aussi appelé, que l'on avait en vue à Utrecht.
f) L ' I L E D'OUYAPOC D E F E R R O L L E S .
Dans une lettre de 1694, de Ferrolles, gouverneur de la Guyane, dit au sujet du fleuve des Amazones : « Cette rivière est éloignée de l'île de Cayenne de 70 lieues; son embouchure est remplie d'îlets où les Indiens sont habitués ; le plus grand est nommé Ouiapoc (Oyapok), situé à moitié chemin ou environ du cap de Nord à P a r a ; il doit faire la séparation des dépendances de F r a n c e et de Portugal » (voir ci-dessus, page 182, note).
Plus tard, dans son mémoire du 20 juin 1698 (voir ci-dessus, pages 180 et suivantes), Ferrol les s'exprime ainsi :
« J 'ay envoyé en cour l'Original des Let tres que le Sr d'Albuquerque capitaine général du Maranhom m'a escrites sur ce sujet 1) et mes responses, dans lesquelles je luy ay fait connoitre, qu'il se trompoit pour les limittes qu'il marquoit entre la F r a n c e et le Portugal prenant un Ouyapoc pour l'autre, car il y en a deux. L'un est dans la Guyanne au deçà du Cap de Nord à quinze lieues de nos habitations de Cayenne. L 'autre est une Isle assez grande au milieu de la rivière des Amasones, qui a toujours esté prise pour borne. L e s rivières de la Guyanne qui donnent leurs noms aux endroits qu'elles arrosent sont Ouyapoc, L a Raouary
1) I l s ' a g i s s a i t de l ' a r r e s t a t i o n , p a r l e s P o r t u g a i s , d e s F r a n ç a i s qui a l l a i e n t t r a f i q u e r s u r l ' A m a z o n e , a v e c l e c o n s e n t e m e n t d e s a u t o r i t é s de C a y e n n e ; v o i r c i - d e s s u s , p a g e 182.
2 ) A r a g u a r y .
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Merioubo, Macapa, Yar j , Parou, Oroboüy, Couroupatcoua, et autres plus petites dont pas une ne s'appelle du nom de Vincent Pinson, que le Sr d'Albuquerque marque néant-moins pour bornes vers notre Ouyapoc. C'est une rivière et un nom que personne ne nous a appris que Luy. Les Cartes geographiques nj les Indiens d'icy ne la connoissent point. »
En 1699 enfin, Ferrolles se fit confirmer « par les principaux et plus anciens habitants de Cayenne ayant fait le commerce dans la rivière des Amazones », « que de temps immémorial et par tradition continuelle ils savent certainement par eux et leurs auteurs, comme ils l'assurent, qu'il y a dans le milieu de l'embouchure de la rivière des Amazones une île beaucoup plus grande que celle de Cayenne, que les Portugais, les Indiens Arouas habitants de cette île, les Français, les autres voisins et aussi les Galibis sous la domination du Roi, ont toujours nommé Hyapoc 1) ».
On ne peut tirer aucune conclusion de la différence d'orthographe qui existe entre Ouyapoc (Oyapoc) et Hyapoc. D'autre part, il n'est pas possible de dire s'il y a une corrélation entre la petite rivière Oyapoco de l'île de Marajo et l'île Ouyapoc ou Hyapoc de Ferrolles.
En revanche, il faut retenir ce qui suit des citations qu'on vient de lire : De Ferrolles défendait l'opinion que le fleuve des Amazones devait former la frontière entre le Portugal et la France. Il estimait que la frontière était tout indiquée par la grande île Ouyapoc ou Hyapoc située au milieu du grand fleuve. Sur le continent, il ne connaissait qu'une seule rivière d'Ouyapoc, et la distinction qu'il établissait ne portait expressément que sur deux Ouyapoc, la rivière et l'île.
1) M . F . I, pp . 46, 47 ; M . B . I, p a g e 13/ ; c i -dessus , p a g e 182, note . 4 9
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M. F . I, page 47, dit au sujet de ces rapports de F e r rolles : « On peut par là se rendre compte que la confusion existait dès cette époque sur le nom d'Oyapoc ou Yapoc . Cette confusion était telle qu'au seul témoignage de Ferrol les , on ne comptait pas moins de trois Oyapoc ou Y a p o c dans ces parages : 1° celui du cap d'Orange ; 2° celui que Ferrol les appelle Ouyaproque et qui est visiblement la rivière de Vincent Pinson du cap de Nord ; 3° enfin l'île appelée H y a p o c ou encore Ouiapoc située à moitié chemin ou environ du cap de Nord à P a r a à l'embouchure du fleuve des Amazones et qui devait être la limite des deux Etats, aux yeux de Ferrol les ». Voici ce qu'il y a lieu de répondre à cette assertion : Comme on l'a montré dans l'exposé historique, il est reconnu que l 'orthographe « Ouyaproque » résulte de la faute commise par un copiste et que Ferrol les lui-même a écrit « Ouya-poque ». L 'argumentation de M. F . visant à prouver que l'Ouyaproque correspondrait au Vincent Pinçon tombe ainsi d'elle-même. Au surplus, il résulte des propres explications de Ferrol les qu'il savait pertinemment que la rivière frontière revendiquée par son adversaire sous le nom de Vincent Pinçon ne pouvait être que la rivière du Cap d'Orange, c'est-à-dire son « Ouyapoque ». A cette rivière du Cap d'Orange, de Ferrol les opposait, comme frontière, l'île de Hyapoc. Tel les étaient alors les revendications contraires, formulées clairement et catégoriquement par les deux parties et au sujet desquelles il n'existait de confusion ni d'un côté, ni de l'autre. C'est seulement après que la F r a n c e eut par le traité d'Utrecht définitivement renoncé à la frontière de l 'Amazone que surgirent peu à peu les doutes sur le point de savoir quelle rivière ledit traité avait eu en vue.
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g) L ' O Y A P O C A L'ÉPOQUE DU TRAITÉ DU 4 MARS 1 7 0 0 , D'APRÈS
LA CONCEPTION FRANÇAISE.
L'ambassadeur de France à Lisbonne, Rouillé, reçut du gouvernement de Versailles aussi bien le projet de son premier mémoire, de 1 6 9 8 , que celui de la réplique de 1 6 9 9 (M. F . I, pages 11 et 13) 1). Il ressort de ce fait que le ou les auteurs desdits projets avaient à leur disposition tous les matériaux documentaires réunis par la France et qu'ils purent ainsi prendre connaissance des cartes et des rapports officiels envoyés de Cayenne. L e gouvernement de Louis X I V était renseigné sur l'existence de la rivière Yapoco-Oyapoc.
L e premier mémoire de l'ambassadeur Rouillé, daté de janvier 1 6 9 8 , déclare que « les François ont fait des cartes fort exactes de ces pays et des costes, depuis la riviere des Amazones jusqu'à celle de Marony » 2 ) . A ce propos, M. F . II, page 3 , note 4 , renvoie à la carte imprimée et à la relation de la Barre de 1 6 6 6 3 ) .
En outre, il est dit dans M. F . I, page 3 1 5 , note 2 : « Il existe, au dépôt du Service hydrographique de la Marine, deux exemplaires, l'un à l'échelle de 1 5 lieues, l'autre à l'échelle de 2 0 lieues, d'une carte manuscrite du gouvernement de Cayenne qu'envoya le gouverneur, M. de Fer rolles, le 2 9 janvier 1 6 9 6 (Portef. 1 6 3 , pièce 2 - 1 ) . C'est la carte qu'on peut trouver reproduite, à une échelle il est vrai très minime, à la suite de la relation de Froger (Relation d'un voyage fait en 1 6 9 5 , 1 6 9 6 et 1 6 9 7 aux costes d'Afrique, détroit de Magellan, Brésil, Cayenne et îles An-
1) V o i r c i -dessus , pp. 189, 207. 2 ) M . F . I I , p a g e 3 ; voir c i -dessus , p a g e 196. 3 ) M . F . I I , p a g e 3 : « I l y en a une i m p r i m é e a v e c l a r e l a t i o n du
s i e u r de la B a r r e , chez J e a n R i b o u , a u P a l a i s , en 1666. »
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tilles, par une escadre de vaisseaux du R o y commandée par M. de Gennes, Paris 1699). » L'une de ces cartes, celle qui est construite à l'échelle de 20 lieues, est la carte de F r o g e r reproduite dans A. B . I, n° 85.
Il est donc manifeste que c'est en première ligne des cartes de la B a r r e et de Ferro l les -Froger que le président Rouillé veut parler dans son mémoire. Lefebvre de la B a r r e dessine la rivière Yapoco immédiatement à l'ouest du Cap d'Orange ; de même, F r o g e r marque le C. d'Orange et, débouchant immédiatement à l'ouest de ce cap, l 'Oya-poc R., avec un affluent de gauche, le Camoby R. L e Yapoco ou Oyapoc de la B a r r e et de Ferro l les -Froger est donc l 'Oyapoc actuel se jetant dans la mer près du Cap d'Orange. L e s cartes françaises antérieures, datant du X V I I e
siècle, conduisent à la même conclusion. Au nombre de celles-ci se rangent Nicolas Sanson (1650 et 1656), comte de Pagan (1655), P ierre Du V a l (1664-1677 et 1679), Guillaume Sanson (1679 et 1680) et Manesson Mallet (1688). Dans ces cartes, la rivière du Cap d'Orange se trouve désignée sous les noms de W i a p o c o , V i a p o c o , V i a c o p a , Yapoque ; sur aucune d'elles, il n'est donné de nom analogue à un autre cours d'eau du territoire contesté. L e s mêmes constatations peuvent se faire sur les cartes de de l'Isle, de 1700 et 1703. Dans toutes les cartes françaises de cette époque, ladite rivière correspond à l 'Oyapoc actuel.
L e mémoire français de 1698 et la réplique de 1699 se réfèrent à de Laet, et cela d'une manière qui prouve que son ouvrage, «l'Histoire du Nouveau Monde », et par conséquent la carte qui s'y trouve annexée étaient connus des rédacteurs de ces mémoires. Or, cette c a r t e 1 ) marque la rivière, sous le nom de Wiapoca , à l'ouest du Cap d'Orange ;
1) V o i r A . B . I , n° 6 0 ; A . F. n° 1 1 .
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dans l'ouvrage lui-même, elle est appelée à diverses reprises : Wiapoco.
Lefebvre de la Barre, qui remplit en 1664 les fonctions de gouverneur de Cayenne, est l'auteur d'une carte, datée de 1665, et d'un ouvrage : « Description de la France Equi-noxiale, 1666 » (voir ci-dessus, page 132), dont les autorités françaises avaient indubitablement connaissance. Dans son livre, il cite la rivière Yapoco qui, dit-il, se jette dans la mer près du Cap d'Orange, par 3° 40' de latitude nord ou, selon d'autres, par 4° N 1). L a carte jointe à l'ouvrage indique la rivière avec le nom de Yapoco et en place l'embouchure au Cap d'Orange sous 4° 26' N 2 ) . L a réplique française de 1699, discutant la réponse du Portugal où il est question de l'Oyapoc ou Oyapoca, donne à la rivière le nom de Yapoco, d'après de la Barre . Les Français savaient donc exactement de quelle rivière il s'agissait et il n'y avait, dans leur esprit, aucune incertitude sur ce point.
Dans son mémoire de 1698 et sa réplique de 1699, la France tire argument du voyage que les pères jésuites Jean Grillet et François Bechamel avaient effectué, vers 1670, à l'intérieur de la Guyane et spécialement dans la région du haut Oyapoc ; ces missionnaires citent la rivière Yapoque et mentionnent le Camopi comme l'un de ses affluents. Gomberville, qui édita en 1682 leur relation de voyage, ajoute que le Yapoque a son embouchure entre Cayenne et l'Amazone, à 20 lieues environ de l'Aprouague 3).
L e rapport de Ferrolles, du 20 juin 1698, était également connu de l'auteur de la réplique française de 1699, car il lui emprunte deux passages caractéristiques. L'un a
1) V o i r R . B . I I , p a g e 98 . 2 ) A . B . I, n° 76. 3) Silva, I I , p a g e 6 9 ; R . F . , pp. 326, 327 .
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trait à la remise de passeports aux Français qui se rendent à l 'Amazone pour s'y livrer à la pêche et au commerce ; Ferrol les , déclare la réplique, a délivré ces passeports sans difficulté depuis 1679, mais, en 1686, les Portugais se mirent à user de violence envers ces França is et à les arrêter 1 ) . L 'autre passage se rapporte à la confusion qui, d'après Ferrol les , existait entre la rivière Ouyapoc et une île de ce nom située dans l 'Amazone 2 ) . « A l'egard du nom d'Yapoco, — dit la réplique f rançaise 3 ) — le gouverneur de Cayenne soustient que ce n'est qu'une equivoque, et qu'il y a une isle de ce nom assez grande au milieu de la riviere des Amazones, et qui peut servir de borne d'autant plus que les Portugais ne se sont jamais establis depuis le Cap de Nord jusques a Cayenne. » Or, lorsque l'auteur de ce mémoire de 1699 a utilisé le rapport de Ferrol les de 1698, il ne pouvait pas avoir de doute sur l'identité de la rivière Ouyapoque de Ferrol les et de l 'Oyapoc du Cap d'Orange. Ferrol les décrit exactement cette rivière ; il dit qu'elle est éloignée de 15 lieues « de nos habitations de Cayenne » 4 ) ; dans son rapport de 1688 au ministre de Seignelay 5 ) , il mentionne que son embouchure forme une grande baie entre le Cap d'Orange et la Montagne d'Argent. Au surplus, la carte de F r o g e r , construite sous les auspices de Ferro l l es 6 ) , prouve que, pour celui-ci, l 'Ouyapoque des França is était l 'Oyapoc actuel.
Cet ensemble de faits démontre péremptoirement qu'en 1698 et 1699, et par conséquent aussi lors de la conclu-
1) M. F . I I , p a g e 3 9 ; v o i r c i - d e s s u s , p a g e 212 , e t a u s s i pp . 174, 182. 2 ) V o i r c i - d e s s u s , pp . 7 7 3 e t s u i v . 3 ) M . F . I I , p a g e 3 8 ; v o i r c i - d e s s u s , p a g e 212 . 4 ) V o i r c i - d e s s u s , p a g e 182. 5) V o i r c i - d e s s u s , pp. 162 e t su iv . , e t n o t a m m e n t pp. 171, 172. 6 ) A . B . I , n° 8 5 ; c i - d e s s u s , p a g e 7 7 6 .
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sion du traité de 1700, la France n'entendait par Yapoco ou Oyapoc (Ojapoc) aucun autre cours d'eau que l'Oyapoc actuel.
3.
Vincent Pinçon.
a) RÉSULTATS DE L'EXAMEN DES CARTES.
Les résultats de l'étude des matériaux cartographiques présentés à l'arbitre peuvent se résumer comme suit:
1. Juan de la Cosa applique le nom de « Motes » aux montagnes qui, succédant aux « Planosas », constituent pour le navigateur, entre le Cap d'Orange et Cayenne, un point de repère important. Le Cap d'Orange est, d'après le dessin de la ligne de côte, également reconnaissable sur la carte de Cosa. L a baie marquée du nom de Golfo de Santa Maria est la Mar-Dulce de Vicente Vanez Pinzon, le Maranon de Lepe, l'Amazone actuel. L e golfe sans nom situé plus au sud correspond à la baie de Maranhão et non pas à l'embouchure du Rio Para.
2. Dans la période qui suit, Majollo, les auteurs de la carte de Turin et de la carte de Weimar, Ribeiro et Chaves, interprétant la carte de Juan de la Cosa, prennent sa baie méridionale sans nom pour la Mar-Dulce, soit le Marañon. Toutefois, le Marañon figure sur leurs cartes dans une situation relative exacte. L a majorité d'entre elles fait du golfe septentrional — le Golfo de S t a Maria — une grande et large baie désignée par les mots de Furna ou Furna grande. Par suite de cette confusion, le dessin de la côte avoisinante subit un déplacement.
3. L e nom du découvreur Vicente Yañez Pinzon est donné au début à différents objets géographiques. Il apparaît parfois en relation avec celui de San Vicente. On le trouve de bonne heure au sud-est du grand fleuve. Dans la carte de Weimar
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1527 et dans celle de Ribeiro 1529, il sert à désigner une rivière, le Rio de Vicente Pinzon, dont la position, au sud-est du Marañon, correspond à celle de la baie de Maranhão. Il reste lié encore un certain temps à une baie de cette région, la baie de San Vicente . Certaines cartes portugaises portent un R. de V e c e t e ou de Vincente repoussé très au nord-ouest, dont les cartes néerlandaises font plus tard un Rio de Vicente Pinçon. Mais ni la position méridionale, ni la position septentrionale ne peuvent être considérées comme celles de la rivière frontière séparant les possessions de l 'Espagne et du Portugal.
4. L a carte de Turin 1523 marque, en l 'accompagnant du nom de Motas, un Rio de Vicetianes situé au nord-ouest du grand fleuve et sensiblement plus rapproché de celui-ci que ce n'est le cas dans les cartes portugaises et hollandaises mentionnées tout à l'heure. Sur la carte de Majollo 1527, un Rio de visenty J a n e s débouche dans la Furna grande à une distance beaucoup plus grande du Marañon que sur la carte de Turin.
L a carte de Weimar et celle de Ribeiro, cartes espagnoles officielles qui préparent le Padron real de Chaves, indiquent au nord-ouest du Marañon un Rio baxo accompagné des Montanhas. Cette rivière est identique à l 'Oya-poc du Cap d'Orange. Elle est identique aussi au R. de Vicente Pinçon de Chaves, d'où résulte que le Rio de Vicente Pinçon de Chaves doit également être identifié avec l 'Oya-poc actuel.
5. Après que Francesco de Orellana, en 1542, eut achevé son voyage et que la nouvelle de sa prétendue découverte de l 'Amazone fut parvenue en Europe, des cartographes considérés et influents, tels que Sebastiano Ca-botto, Diego Gutierres, Nicolas Desliens et Pierre Des-celiers, prirent ce cours d'eau pour un fleuve nouveau,
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différent du Marañon—Mar-Dulce des cartes antérieures. Ils introduisirent dans leurs cartes ce fleuve soi-disant nouveau, sans tenir compte des proportions du reste de la côte et un certain nombre d'entre eux le placèrent dans le voisinage immédiat du Rio de Vicente Pinzon. Mais cette dernière rivière conserve sur toutes ces cartes son ancienne position ; sa proximité de l'Amazone résulte donc d'une interprétation erronée et de la confection défectueuse de ces cartes.
6. Ce Rio de Vicente Pinzon passe des cartes espagnoles officielles dans la cartographie portugaise. Diogo Homem reconnaît en 1558 l'identité de l'Amazone et de la Mar-Dulce (Marañon) et il maintient, en conséquence, son Rio de Vicente Pinzon à une distance de l'Amazone correspondant à celle qu'indique le Padron real de Chaves.
En revanche, Andreas Homo 1559 tombe dans l'erreur commise par Cabotto ; il est imité par Diogo Homem en 1568. Tous deux placent l'Amazone dans une situation beaucoup trop rapprochée du Vicente Pinzon, exactement comme le fait Cabotto. Toutefois, cette dernière rivière garde la position que Chaves lui a donnée, et Vaz Dourado rétablit les distances exactes dans ses cartes datées de 1564 à 1580. Aussi le Rio de Vicente Pinzon de Vaz Dourado correspond-il à l'Oyapoc actuel.
7. Quelques cartes, telles que la Riccardiana, Desce-liers, van Doet, mentionnent un Rio Fresco. En les comparant entre elles au point de vue de la nomenclature et en mettant leur dessin en parallèle avec celui de la carte moderne, on reconnaît que ce Rio Fresco correspond à l'Oyapoc ou au Cachipour. Desliens, lui aussi, indique un Rio Fresco, mais il le relègue sensiblement plus au sud-est.
8. En ce qui concerne la côte guyanaise, les importantes cartes de Mercator et d'Ortelius procèdent de la
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cartographie officielle de Séville. L e Rio de Vicente Pinzon y est marqué à la place que lui assigne le Padron real de Chaves. Dans un atlas publié par Jodocus Hondins, d'après Mercator, le cours d'eau figure même sur l'une des cartes avec le nom de Rio de Vicente Pinzon et, sur une autre, sous celui de Wajabego , qui correspond sans aucun doute à la dénomination actuelle d'Oyapoc.
9. Ainsi, à partir du Padron real de 1536, la rivière que les cartes espagnoles et portugaises du XVIe siècle désignent du nom de Rio de Vicente Pinson, en l'accompagnant des Montanhas, est l'Oyapoc actuel du Cap d'Orange. Cette manière de voir passe dans les mappemondes de Mercator et d'Ortelius ; c'est principalement par ces cartes qu'elle s'est transmise au siècle suivant.
10. L e s cartes de João Teixeira, datées de 1640 et 1642, sont manifestement établies d'après la description de Bento Maciel Parente, pour la partie située au sud-est de l 'Amazone. Quant à la région s'étendant au nord-ouest du grand fleuve, elles la représentent par un dessin tellement raccourci qu'elles ne peuvent pas, en ce qui concerne ce territoire, être considérées comme reproduisant la description de Parente.
11. L a copie du Padron real de Sebastian de Ruesta identifie, sans équivoque possible, le Rio de Vicente Pinzon avec l 'Oyapoc actuel. Il est très vraisemblable que cette copie correspond à l'original. Toutefois, ce document ne saurait être regardé comme probant, car le Brésil ne l'a pas produit avec son mémoire, mais seulement dans sa réplique, de sorte que la F r a n c e n'a pas eu l'occasion de s'exprimer à son su jet ; en outre, aucune attestation ne garantit que cette copie hollandaise reproduise exactement l'original.
12. L e s cartes du P. Frits, de 1691 et 1707, utilisent dans le territoire contesté la nomenclature indienne, mais
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à la place de l'Oyapoc, elles marquent le Rio de Vicente Pinzon. Elles expriment l'opinion qui régnait alors à Para chez les Brésiliens portugais.
13. L a reconnaissance plus exacte de la côte du Contesté provoque, au X V I I e siècle, dans la représentation cartographique de cette région, une révolution complète, que caractérise notamment le remplacement de la nomenclature romane par la nomenclature indienne.
14. Au X V I e siècle, le détroit de Carapaporis n'étant pas connu, l'île de Maraca était prise pour une partie de la terre ferme et, par conséquent, le Cap de Nord était considéré comme un cap continental. C'est seulement au X V I I e siècle que le dessin de cette région tend à se rapprocher peu à peu des formes exactes, tout en accusant encore maintes erreurs.
15. Sur ses cartes, qui datent de la première moitié du X V I I e siècle, Robert Dudley dessine près du débouché septentrional du Canal de Carapaporis actuel une rivière, une baie et une île de Vicente Pinzon. Cette version cartographique repose sur une interprétation inadmissible d'un passage tiré de la relation de voyage de Keymis, relatif à des pierres précieuses soi-disant trouvées par Vicente Yañez Pinzon à l'Iwaripogo. En 1703, Guillaume de l'Isle, s'inspirant probablement de Dudley, figure de même à la sortie du Canal de Carapaporis une Baie de Vincent Pinson, qui est maintenue à cette place au X V I I I e siècle, par la cartographie française en particulier. Cette Baie de Vincent Pinson ne correspond pas au Rio de Vicente Pinzon des Espagnols et des Portugais.
16. Ce n'est qu'au X V I I I e siècle que s'accrédite, spécialement chez les cartographes français, l'idée d'une double embouchure de l ' A r a g u a r y , notion qui toutefois ne se justifie pas en fait. L a théorie d'un bras nord de l 'Araguary
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identifié alors avec le Rio de Vicente Pinzon, s'appuie sur le dessin de cette double embouchure, mais ici aussi les preuves font défaut.
17. Sur les cartes du X V I I e siècle, l 'Oyapoc est situé invariablement au nord-ouest du Cap d'Orange et il est, au surplus, caractérisé par des montagnes que beaucoup de cartes marquent sur sa rive gauche. L e nom, il est vrai, n'est pas toujours écrit de la même manière, mais les diverses orthographes se rapportent constamment et sans exception au même cours d'eau.
b) L E MÉMORIAL DE BENTO MACIEL PARENTE, D E 1 6 3 0 ENVIRON,
ET LES L E T T R E S R O Y A L E S DU 1 4 JUIN 1 6 3 7 .
L e Mémorial et la donation de B . M. Parente ont déjà été discutés à plusieurs reprises, d'abord dans l'exposé historique puis dans la partie géographique consacrée aux cartes de J o ã o Te ixe i ra et à la question du Cap de Nord 2 ) . Il est toutefois nécessaire de revenir sur ces importants documents, attendu qu'en revendiquant la limite du Vincent Pinçon les Portugais, lors des négociations de
1698-1700 à Lisbonne, avaient en vue la rivière frontière entre les possessions de la Castille et du Portugal, qui servait en même temps de borne occidentale à la capitainerie du Cap de Nord de Bento Maciel Parente.
1. Il y a lieu de reproduire de nouveau les passages suivants du Mémorial de B . M. P a r e n t e 3 ) :
« L e gouvernement de Marañon, commençant à la Capitainerie de Ceará , et se terminant au Rio de Vicente Pinçon, compte trois cents quatre-vingts lieues de côte sous
1) V o i r c i - d e s s u s , pp . 114 e t s u i v . 2) V o i r c i - d e s s u s , pp . 6 7 4 e t su iv . , p p . 6 9 5 e t suiv . , e t pp . 7 0 2 e t s u i v . 3 ) M . B . I I , pp. 9 e t su iv . ; t e x t e e s p a g n o l , i b i d e m , pp. 16 e t su iv .
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l'Equinoxiale depuis 8° Sud jusqu'à 3° Nord, cette côte ayant la direction de l'Ouest 1/4 N.-O. » Et plus loin : « Depuis la pointe de Separará sous la ligne Equinoxiale et sur la rive orientale du fleuve, en allant vers le Nord-Ouest, jusqu'au Cap du Nord, se trouve l'embouchure du fleuve des Amazones, le vrai Marañon, et il y a quatre-vingts lieues toutes d'eau douce, et dans cette Archipel se trouvent de nombreuses îles peuplées de beaucoup de sauvages, lesquelles îles peuvent se répartir en quatre Capitaineries 1)». Enfin : « De l'autre côté du fleuve, au Cap du Nord, la côte se dirige vers l'Ouest, jusqu'au Rio de Vicente Pinçon à la hauteur d'environ 3 degrés au Nord de la ligne : il y aura environ quarante lieues de côte entre le grand canal et la démarcation entre le Portugal et l'Espagne. Ici on peut établir une autre Capitainerie ».
Dans les « Lettres Royales de Philippe I V d'Espagne, III e du nom en Portugal, reconnaissant la donation qu'il avait faite précédemment de la Capitainerie du Cap de Nord à Bento Maciel Parente » 2 ) , il est dit que le roi a « attribué au susdit Bento Maciel la Capitainerie du Cap de Nord, dont l'étendue sur la côte de la mer est de 30 à 40 lieues, comptées à partir du susdit Cap jusqu'au Rio de Vicente Pinçon, où commence la démarcation des Indes du Royaume de Castille . . . », et enfin, la même indication touchant l'étendue de la capitainerie est répétée avec une adjonction stipulant que « là où se termineront les 35 à 40
1) « D e l a punta del S e p a r a r á , que es tá en l a l inea E q u i n o c i a l , de l a p a r t e de L e s t e del R i o , c o r r i e n d o a l N o r o e s t e , h a s t a e l c a b o del N o r t e , es la b o c a del r io de l a s A m a ç o n a s , v e r d a d e r o M a r a ñ o n , y a y o i t ienta l e g u a s t o d a s de a g o a dulce , y d e n t r o des te A r c h i p i e l a g o a y m u c h a s I s l a s p o b l a d a s de m u c h o s G e n t i l e s , l as q u a l e s I s l a s s e pueden r e p a r t i r en q u a t r o C a p i t a n i a s », M . B . I I , p a g e 18.
2 ) M . B . I I , pp. 21 et su iv . ; t e x t e p o r t u g a i s , ib idem, pp. 2 5 et suiv.
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lieues de côtes de sa Capitainerie, des bornes frontières en pierre seront placées. E t ces bornes seront placées en ligne droite vers l'intérieur » 1).
Ces citations donnent lieu aux observations suivantes: aa) Pour Bento Maciel Parente, l 'embouchure comprend
l'ensemble de la baie, large selon lui de quatre-vingts lieues, qui forme l'estuaire de l 'Amazone. Son Cap de Nord est un point où la côte tourne a l'ouest. Ce n'est donc ni la Punta Pedreira, ni le cap continental.
A elle seule l'inflexion de la côte vers l'ouest indiquerait qu'il s'agit plutôt du Cap de Nord de l'île de Maraca ; c'est à ce même point que s'appliquent les données de Parente touchant la distance de 80 leguas = 509 km, à compter de la Punta del Separará et dans la direction nord-ouest. Chaves-Oviedo accuse, du Cabo de los Esclavos au Cabo Blanco, une longueur de 69 leguas ou 438 km ; d'après lui, cette ligne est dirigée presque exactement vers le nord-ouest. Domingo S a n c h e z 1618 donne à la même section 77 leguas = 490 km (voir le tableau, page 673) et une orientation strictement nord-occidentale. D'après Stieler, la ligne joignant Ti joca au C. do Norte de Maraca mesure 416 km ; sa direction n'est pas rigoureusement celle du nord-ouest, mais ne s'en écarte que de 5° vers le nord.
Ensuite, B . M. Parente place l'embouchure du Rio de Vicente Pinzon par 3 0 N ; puisque au Cap de Nord, d'après sa description, la côte tourne à l'ouest, son Cap de Nord doit être placé également sous 3° N. L e s 80 leguas reportées sur la carte moderne, à partir de la Punta del Separará dans la direction du nord-ouest, conduisent à un point situé par 3° 14' N. Ce fait aussi confirme l'hypothèse
l ) V o i r c i - d e s s u s , p a g e 125, n o t e .
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suivant laquelle le Cabo del Norte de Parente est le Cap de Nord de l'île de Maraca.
bb) Ainsi qu'il a été dit dans l'exposé historique, les 40 leguas séparant le Vicente Pinzon du Cabo del Norte ne doivent pas, d'après la description de Parente, être comptées d'un point situé à l'intérieur du « grand canal » des Amazones, mais bien à partir de l'extrémité de celui-ci (voir ci-dessus, page 120, chiffre 5). En effet, les nombres de leguas indiqués par Parente pour ses capitaineries ne portent que sur le développement des côtes; or, pour lui. la côte commence où se termine le grand canal, c'est-à-dire au Cap de Nord. En se reportant aux cartes à côte coudée qui, à cette époque, étaient principalement en usage chez les Portugais, on comprendra facilement cette manière de voir. L a donation parle de 30 à 40 et, dans un autre passage, de 35 à 40 leguas qui doivent être mesurées à partir du Cap de Nord ; Parente indique le chiffre de 40 leguas environ. On peut donc admettre que, des deux parts, la distance a été estimée à 40 leguas à peu près et qu'elle doit être comptée avec le Cap de Nord de l'île de Maraca comme point de départ.
cc) On ne sera pas surpris de la latitude de 3 0 N que Parente assigne à l'embouchure de la rivière, si l'on se souvient que Jodocus Hondius 1598, Levinus Hulsius 1599, Théodore de B r y 1599, Jodocus Hondius 1606, marquent l'embouchure de l'Oyapoc par 3° 3 0 ' N, et que, beaucoup plus tard, Pierre Du V a l 1679 la place sous 2° 4 5 ' N, Manesson Mallet 1688 sous 3° N, et Froger 1696 par 2° N seulement.
dd) Dans son interprétation de B. M. Parente, la France s'appuie encore sur les cartes de João Teixeira. Celles-ci ont déjà fait l'objet d'une étude détaillée, à laquelle il suffira de renvoyer (voir ci-dessus, page 681). Elle a eu pour
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résultat de montrer que notamment celles de ces cartes qui portent la date de 1640 ont été certainement établies d'après Parente, mais que la côte guyanaise s'y trouve raccourcie à tel point qu'il n'est pas possible d'en tirer des conclusions quant à la position que Parente donnait à la rivière frontière.
Pour compléter cet examen, il y a lieu de comparer la description de Parente avec la carte moderne.
Il ressort du tableau III des Annexes que, d'après le Mémorial de Parente, la section s'étendant du Rio Jaguaribe à Ti joca et comprenant les six premières capitaineries, accuse une altération considérable (32 % ) , dans le sens d'un allongement. Ainsi, pour cette section, la côte, calculée d'après Parente , est de près d'un tiers plus longue qu'en réalité. Du Rio Grande à T i joca , l'allongement atteint même 45 % environ.
L e s 80 leguas que Parente compte de la Punta del Separará (Cap Ti joca) au Cap de Nord (Cap de Nord de l'île de Maraca) représentent, par rapport aux cartes modernes, un allongement de 21 % à peu près.
Si, partant du Cap de Nord de l'île de Maraca, on reporte les 40 leguas = 254 km le long de la côte vers le nord-ouest, on arrive au Cap d'Orange sur la carte de Vivien de St-Martin, ou à 12 km plus au sud sur Stieler.
L e s 120 leguas dont, selon Parente, le Rio de Vicente Pinzon est éloigné de la Punta del Separará conduisent — aussi bien sur Vivien de St-Martin que sur Stieler — de Ti joca à un point situé à 83 km à l'ouest du C. d'Orange.
L e s six premières capitaineries de Parente offrant, dans leur ensemble, un allongement de 32 %, on pourrait peut-être objecter que la section comprise entre la Punta del Separará et le Rio de Vicente Pinzon présente la même altération. Mais, déjà pour la portion s'étendant de la Punta
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del Separará au Cabo del Norte, le Mémorial n'accuse qu'un allongement de 21 %, et d'autre part rien ne prouve que Parente ait donné une trop grande longueur à la section Cabo del Norte—Rio de Vicente Pinzon. Si l'on admet néanmoins que la section Punta del Separará—Rio de Vicente Pinzon offre aussi l'allongement de 32 % indiqué plus haut, cela revient à dire que le chiffre de 120 leguas cité par Parente pour cette section représente le 132 % de sa véritable longueur. Celle-ci, reportée sur la carte moderne, aboutit à un point situé à 26 km au sud du Cap Cachipour sur Vivien de St-Martin, et à 23 km au sud du même cap (Cassiporé) sur Stieler. Si, par hypothèse, on considère que l'allongement de 21 %, mentionné plus haut pour la section Punta del Separará — Cabo del Norte, affecte toute la section Punta del Separará—Rio de Vicente Pinzon, et si l'on calcule, comme ci-dessus, la longueur réduite de celle-ci , on constate que cette longueur conduit, en partant de Tijoca, à 23 km au nord-ouest du Cap Cachipour sur Vivien de St-Martin, et à 25 km au nord-ouest du Cap Cassiporé sur Stieler.
En prenant pour base les données des Lettres Royales de 1637, d'après lesquelles le Rio de Vicente Pinzon est éloigné de 30 à 40 ou de 35 à 40 leguas du Cap de Nord, on trouve que ces distances, comptées à partir du Cap de Nord de l'île de Maraca, conduisent : celle de 30 leguas, à 13 km au nord-ouest du Cap Cachipour d'après Vivien de St-Martin, et à 4 km du Cap Cassiporé d'après Stieler; celle de 35 leguas, sur Vivien de St-Martin, à 45 km au nord-ouest du Cap Cachipour, c'est-à-dire à 33 km au sud-est du Cap d'Orange, et, sur Stieler, à 36 km au nord-ouest du Cap Cassiporé, c'est-à-dire à 41 km au sud-est du Cap d'Orange.
Ces comparaisons montrent que le Rio de Vicente Pinzon de Parente doit être très vraisemblablement identifié
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avec l 'Oyapoc actuel. Elles prouvent qu'en tout cas l 'Ara-guary, le Carapaporis, le Mapa Grande et le Counani ne peuvent pas être considérés comme la rivière frontière dont B . M. Parente a voulu parler. C'est tout au plus du R. Ca-chipour qu'il pourrait être question à côté de l 'Oyapoc.
2. L e Mémorial de B . M. Parente continue à propos des limites à donner à la capitainerie du Cap de Nord : « Cette capitainerie pourra s'étendre en remontant le fleuve, jusqu'à l 'embouchure du fleuve des Amazones et à la Province de Tapuyosús, comprenant aussi les Provinces des Tucuyús et des Mariguins ce qui lui donnera environ deux cents lieues en remontant le fleuve » 1 ) . D'autre part, dans les Lettres Royales de 1637, il est dit à ce sujet : « E t vers l'intérieur, en remontant l'Amazone, du côté du canal qui va à la mer, de 80 à 100 lieues jusqu'au Rio des Tapujusus » ; et elles ajoutent, touchant l'étendue de la capitainerie du côté de l'intérieur, qu'elle doit être prolongée « jusqu'au Rio Tapujosus, et de là encore aussi loin qu'il sera possible de pénétrer et fera partie de mes conquêtes . . . » 2 ) .
L a carte de Teixeira 1640 (A. В . I, n° 68) porte à partir du Cap de Nord, en remontant l'Amazone, les noms suivants : Provincia dos Maranguis — Provincia dos Tocujus
- Provincia dos Tapuyosus — Rio das Amazonas.
1) M . B . I I , p a g e 1 3 ; t e x t e e s p a g n o l , i b i d e m , p a g e 18 : « p u e d e - s e e s t e n d e r p o r e l R i o a r r i b a , h a s t a l a b o c a de l r i o de l a s A m a ç o n a s , y P r o v i n c i a de l o s T a p u y o s ú s , c o m p r e h i n d i e n d o t a m b i e n l a s P r o v i n c i a s de l o s T u c u y ú s y M a r i g u i n s , e n q u e h a b r á c e r c a de d o c i e n t a s l e g u a s p o r e l R i o a r r i b a ».
2 ) M . B . I I , pp. 2 2 e t 24 ; t e x t e p o r t u g a i s , ib idem, pp. 2 6 e t 2 8 : « e p e l l a t e r r a d e n t r o R i o d a s a m a s o n a s a r i b a da p a r t e do c a n a l q u e v a i s a i r a o m a r o i t e n t a p e r a c e m l e g o a s a t e o R i o dos t a p u j u s u s » . . . « e e n t r a r ã o e t e r r a firme a d e n t r o p e l l a m a n e i r a r e f e r i d a a t e o R i o t a p u j o s u s e dahi p e r d i a n t e t a n t o q u a n t o p o d e r e m e n t r a r e f o r de m i n h a c o n q u i s t a . . . »
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L a France a voulu déduire de cette donnée que, lors de la création de la capitainerie du Cap de Nord, il ne s'est agi que de réunir en une seule capitainerie les territoires situés dans le voisinage immédiat de l'Amazone, c'est-à-dire les pays des Maranguis, des Tocujus et des Tapuyosus.
Il faut rappeler ici que la donation en faveur de B. M. Parente prescrit également que des bornes-frontières seront érigées à l'embouchure du Rio de Vicente Pinzon et que ces bornes seront placées en ligne droite (via recta) vers l'intérieur 1). Ainsi, la capitainerie du Cap de Nord devait être délimitée à l'intérieur des terres. Mais quelle direction entendait-on donner à la ligne droite marquée par les bornes-frontières? On pourrait croire qu'il s'agissait d'une ligne orientée de l'est à l'ouest, c'est-à-dire d'un parallèle de latitude, comme le demande aujourd'hui le Brésil pour la frontière intérieure. Or, dans ce cas, que la ligne parte de l'estuaire de l'Oyapoc, du débouché du Canal de Carapa-poris ou de l'embouchure de l'Araguary, elle n'aurait pu constituer pour la capitainerie une frontière fermée. L'idée d'une délimitation dirigée de l'est à l'ouest n'était point d'ailleurs dans la tradition hispano-portugaise, non plus que dans l'esprit de l'époque. L a notion de l'ancienne Ligne de démarcation, tracée suivant le méridien, était beaucoup plus familière aux Espagnols et aux Portugais ; c'est cette ligne qui figure encore sur la carte de Teixeira de 1642. Une troisième version, qui se rapprocherait plus que les précédentes du texte de la donation, consisterait à regarder la frontière intérieure comme devant être perpendiculaire à la direction générale de la côte ; cette ligne correspondrait à peu près au cours de l'Oyapoc.
1) M . B . I I , p a g e 2 7 : « . . . se p o r ã o m a r c o s de p e d r a , E es tes m a r c o s c o r r e r ã o v i a r e c t a pel lo s e r t ã o dentro ».
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Si l'on recherche où aboutissent, sur la carte moderne (Stieler), les 200 leguas du Mémorial de Parente et les 80—100 leguas de la donation, on obtient les résultats suivants :
200 leguas, soit 1272 km, conduisent du Cabo do Norte de Maraca jusqu'à mi-chemin à peu près entre Capella et S t a Anna, sur le fleuve des Amazones.
100 leguas, soit 636 km, du Cabo do Norte de Maraca à 32 kilomètres à l'est de Prainha.
80 leguas, soit 509 km, du Cabo do Norte de Maraca à 28 kilomètres au sud de l'embouchure du J a r y .
On considérait alors la côte s'étendant du Cap de Nord vers Cayenne comme orientée à l'ouest ou presque à l'ouest, d'où résulte qu'une ligne méridienne devait, sur les anciennes cartes , atteindre l'Amazone sensiblement plus à l'ouest que ce n'est le cas sur la carte moderne. L e méridien tracé par l'embouchure du J a r y ou du Parou passe quelque peu à l'ouest de la P t e Behague, soit un peu à l'ouest de Cayenne Si l'on tient compte de la différence que les cartes du temps de Parente présentent avec celles d'aujourd'hui dans l'orientation de la côte, on conçoit que ce méridien doit, sur les premières, aboutir à un point du littoral correspondant à peu près à l'embouchure de l 'Oyapoc actuel. S'appuyant sur ces considérations, on est en droit d'admettre comme très vraisemblable que les Lettres Royales de 1637 ont eu en vue, pour la ligne des bornes-frontières, un tracé nord-sud, basé sur celui de la Ligne de démarcation, avec l'embouchure de l 'Oyapoc comme point de départ.
Sur les anciennes cartes qui donnent au rivage une orientation est-ouest ou approchant, une ligne perpendiculaire à la direction générale de la côte doit coïncider à peu près avec le méridien.
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L a carte de Teixeira dessine le Tapuyosus de telle façon qu'il semble correspondre au Rio J a r y actuel. En plaçant le Cap de Nord par 2 0 N, conformément à l'indication qu'elle porte, on constate que, de ce cap au Rio Tapu-yosus, elle accuse une distance de 100 leguas exactement.
c) L E S NÉGOCIATIONS DE 1698 ET 1699 ET LE TRAITÉ
PROVISIONNEL DU 4 MARS 1700.
L'échange des mémoires entre la France et le Portugal en 1698 et 1699 a fait l'objet d'une étude détaillée dans l'exposé historique 1 ) ; aussi n'y a-t-il lieu d'y revenir que dans la mesure exigée par l'examen des faits d'ordre géographique.
On peut dire d'une manière générale qu'au point de vue géographique cette correspondance ne jette pas une grande clarté sur la question soumise à l'arbitre. L a cause peut en être attribuée d'une part au fait qu'à cette époque le différend portait avant tout sur la frontière de l'Amazone, réclamée par la France, et que le Portugal opposait à cette prétention la limite de l'Oyapoc ou Vincent Pinçon. La France savait quel cours d'eau il fallait entendre par l 'Oyapoc; elle déclarait seulement ne pas connaître le nom de Vincent Pinçon. Et c'est la raison pour laquelle le Portugal cherchait à prouver que son Vincent Pinçon était précisément l'Oyapoc des Français. Ainsi la question de l'identification de l'Oyapoc et du Vincent Pinçon était plutôt d'ordre secondaire, car en fait il aurait suffi de décider entre l'Amazone et l'Oyapoc. D'autre part, il faut reconnaître que lors des négociations de Lisbonne, les représentants du Portugal n'étaient qu'insuffisamment renseignés sur la géographie du territoire en litige
1) V o i r c i -dessus , pp. 184 et s u i v .
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et que les moyens de preuve qu'ils invoquaient ne concordaient même pas entre eux. Il est dit expressément dans l'introduction du traité de 1700, pour motiver la conclusion d'une convention qui ne devait avoir qu'un caractère provisoire: « Comme il a paru qu'il etoit necessaire de chercher encore de nouvelles informations et enseignemens outre ceux qui avoient deja été produits et examinés, il a été proposé un projet de Trai té provisionnel et de suspension » (M. F . II , page 49). C'est alors que le Portugal manda le P. Pfeil en Europe 1 ) . Il y a lieu de croire qu'en 1698 et 1699, on était moins bien informé à Lisbonne sur la position de la rivière revendiquée comme frontière qu'au temps de B . M. Parente.
Du côté français, on ne constate aucune incertitude de cette nature. L'ambassadeur Rouillé, dans son mémoire de 1698, s'abstient de toute indication sur la position du Yapoco, bien que le mémoire de 1688 donne expressément à cette rivière la latitude de 41/2 ° N 2 ) . Quant au Vincent Pinçon, Rouillé dit simplement qu'il est inconnu en F r a n c e .
Parmi les indications contenues dans les mémoires portugais de 1698 et 1699, il en est qui ont donné lieu à une controverse entre les parties. Ce sont notamment les suivantes :
le Cap de Nord est situé par 2 0 à peine ; l 'embouchure du Vincent Pinçon ou Oyapoc, à peine par 3° ou, suivant un autre passage, par 2° 5 0 ' de latitude nord;
de Cayenne au Vincent Pinçon ou Oyapoc, il y a environ 60 lieues de côte avec quelques ports ;
de Cayenne au Vincent Pinçon ou Oyapoc, la distance est à peu près la même que de cette rivière à l 'Amazone;
1) V o i r c i - d e s s u s , p a g e 153 . 2 ) V o i r c i - d e s s u s , p a g e 193, n o t e 2 .
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le Vincent Pinçon ou Oyapoc est appelé aussi Rio fresco dans de nombreux routiers et cartes.
On a inféré de ces données que la rivière revendiquée par les Portugais est située notablement plus au sud que l'Oyapoc actuel, dans le voisinage du Cap de Nord, et qu'elle correspond à la baie de Vincent Pinçon, au débouché septentrional du Canal de Carapaporis, ou tout au moins à l'un des cours d'eau qui ont leur embouchure non loin de là, le Mapa grande ou le Counani.
Il y a donc lieu d'examiner : 1. sur quelles cartes les parties, et spécialement les
Portugais, se sont appuyées lors des négociations de Lisbonne; quels renseignements apportent ces cartes;
2. comment s'expliquent les indications des Portugais sur la distance qui sépare leur rivière frontière de Cayenne et de l'Amazone, et sur la latitude de cette rivière;
3. la question du Rio fresco. De plus : 4. l'allégation du Portugal d'après laquelle la rivière
frontière aurait été désignée autrefois comme port des navires portugais.
1. Sur quelles cartes les parties, et spécialement les Portugais, se sont-elles appuyées au cours des négociations de Lisbonne et quels renseignements apportent ces cartes ?
aa) L a question de savoir quelles cartes ont pu être utilisées par la France a été traitée lors de la discussion relative au nom d'Oyapoc 1 ) .
Aucune de ces cartes ne porte un Vincent Pinçon. En revanche, elles ne laissent aucun doute sur la position de l'Oyapoc.
1) V o i r c i -dessus , pp. 776 et suiv.
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L a situation que Pierre Du Va l , dans sa carte de 1 6 7 9 , et Manesson Mallet en 1 6 8 8 assignent au EL Wiapoco par rapport à l'île de Cayenne et à l'Amazone offre un intérêt particulier; en effet, ils l'éloignent fortement de Cayenne et le rapprochent sensiblement du Cap de Nord. L a carte de Manesson Mallet est imitée de celle de Pierre Du Val ; il est difficile de supposer, vu son peu de valeur, qu'on lui ait accordé un grand poids. En revanche, la duplique du Portugal invoque expressément une carte de Pierre Du V a l .
bb) Dans ce mémoire, les Portugais citent au nombre des cartes qui doivent entraîner la conviction sur l'identité du Vincent Pinçon et de l 'Oyapoc, celles de Gérard Mer-cator, Frédér ic Wit , J e a n Blaeuw, Abraham Ortelius, J o ã o Teixeira. Ils s'en réfèrent en outre aux cartographes français Sanson et Du Val . Peut-être ont-ils eu également à leur disposition la carte du P. Samuel Fritz, de 1 6 9 1 Que la duplique portugaise ait été ou non remise à l 'ambassadeur Rouillé, on peut admettre que, lors des conférences qui précédèrent le traité provisionnel, le Portugal appuya son argumentation sur les cartes mentionnées dans ce mémoire et que celles-ci furent consultées par les plénipotentiaires des deux Etats. Il y a tout lieu de croire qu'ils prirent en considération la position du Vincent Pinçon par rapport non seulement à l'équateur, mais aussi à l 'Amazone et à Cayenne. Ils ont dû également s'occuper du Cap de Nord, surtout à propos de B . M. Parente. Mais la question de savoir si la carte du P. Fritz était déjà parvenue à Lisbonne et, dans l'affirmative, si elle a été produite par les Portugais, reste ouverte. Il n'est pas probable qu'elle l'ait été, car dans ce cas la duplique portugaise en aurait fait aussi mention ; il est bien
l ) V o i r l e s c a r t e s : A . F . , n°s 4 , 10 , 1 0 b i s , 12, 1 2 b i s , 17 ; A . B . I, n°s 19, 2 0 , 2 1 , 3 1 , 32 , 62 , 6 6 , 67 , 6 8 , 8 6 .
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possible toutefois qu'elle se trouvât entre les mains des Portugais, attendu que la latitude de 2° 50 ' N, que la réponse du Portugal assigne au Rio de Vicente Pinzon, correspond précisément aux indications de la carte du P. Fr i tz 1 ) .
Les cartes de Mercator et d'Ortelius ont été discutées en détail plus haut, pages 653 et suivantes. D'une manière générale, elles placent le Cabo blanco, c'est-à-dire le Cap de Nord, sous l'équateur; l'Amazone, par 2—2 1/ 2 plus au sud; le Rio de Vicente Pinzon, par l 1/ 2—2° de latitude nord, soit à 4° environ au nord de l'Amazone, ce qui concorde avec la différence de latitude existant entre l'Oyapoc actuel et l'embouchure de l'Amazone. Ces cartes ne mentionnent pas Cayenne. Celle de Frédéric W i t n'a pas été soumise à l'arbitre et ne peut donc pas être utilisée dans la présente discussion 2 ) . Guiljelmus Blaeuw 1631 (A. B. I, n° 62) marque l'embouchure du Rio Wiapoca par 3° 55' N, l'île de Cayenne par 4° 45 ' N, et l'estuaire de l'Amazone entre l'équateur et 1° S, de telle sorte que le bras gauche de ce fleuve est coupé par l'équateur ; enfin, par 1° 5 0 ' N, il dessine le Cap de Nord comme une pointe saillant fortement vers l'est. Les cartes de Teixeira de 1627, 1640 a, 1640 b et 1642 placent le Cap de Nord par 2° 30', 2° 30' , 2° et 1° 5 0 ' N; la côte s'étendant au nord-ouest de l'Amazone y subit un raccourcissement tel que la position attribuée au Vincent Pinçon par ce cartographe ne peut pas être vérifiée; Cayenne ne figure pas sur ces
1) V o i r c i -dessus , p a g e 738 . 2) Note supplémentaire : En rédigeant ce chapitre on n'avait pas
présent à la mémoire que la carte de Wit a été reproduite dans R. F. comme Annexe n° 4. Toutefois cette omission n'a pas d'importance touchant la présente étude, ainsi qu'il sera facile de le constater par un examen attentif de la carte.
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cartes qui, au demeurant, n'ont pas dû être d'une interprétation facile pour les plénipotentiaires des deux Etats. L a carte de Pierre Du Val 1679 (A. B . I, n° 79) repousse le Viapoco R. loin de Cayenne, jusque dans le voisinage du Cap de Nord, en sorte que la distance de l'Amazone au Viapoco est à peu près égale à celle du Viapoco à Cayenne. L e Viapoco est éloigné de Cayenne des deux tiers environ de la distance de cette localité au Cap de Nord. L e dessin de la côte est insuffisant, et même les îles voisines du Cap de Nord y font totalement défaut. D'autre part, dans la carte de 1664 du même auteur (A. B . I, n° 77), la distance de Cayenne à l'embouchure du Viapoco s'élève à un peu plus du tiers de celle de Cayenne au Cap de Nord ; elle est donc encore quelque peu trop grande. Enfin la duplique portugaise cite Sanson, mais sans dire s'il s'agit de Guillaume ou de Nicolas Sanson. Les cartes de Guillaume Sanson (A. B . I, n°s 78 et 80), comme aussi celles de Nicolas Sanson, accusent en général des proportions exactes. Toutefois, l'une de ces dernières, celle de 1650 (A. B . I, n° 72), éloigne quelque peu trop le Rio Wiacopa de Cayenne, tandis que celle de 1656 (A. B . I, n° 73) est à cet égard meilleure.
L a carte de Pierre Du V a l 1664 (A. B . I, n° 77) dessine entre Cayenne et le Viapoco deux rivières assez importantes, les « R. Caubone al. Cawo » et « R. Aperwaque dite R. Pyrague », dont les larges embouchures pourraient correspondre aux ports que la réponse du Portugal cite comme existant entre Cayenne et le Vincent Pinçon ou Oyapoc. Il résulte de cette revue des cartes qu'en réalité celle de Manesson Mallet, qui est insignifiante, et celle de Pierre Du Val 1679 (A. B . I, n° 79) sont les seules qui concordent avec l'assertion formulée dans la réponse du Portugal, d'après laquelle il y aurait à peu près la même distance
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de Cayenne au Vincent Pinçon ou Oyapoc que de cette rivière à l'Amazone.
Si l'on mesure sur la carte de Pierre Du V a l 1679 la distance de Cayenne au Viapoco R., en se basant sur l'indication de la carte de 1664 du même auteur suivant laquelle il faut 24 « lieues de France pour un degré », on obtient environ 70 lieues ; du Viapoco R. au Cap de Nort, on trouve 35 lieues environ, soit pour la section totale Cayenne — Cap de Nort à peu près 105 lieues. Mais les « lieues de France » ne peuvent nullement être identifiées avec les leguas des Portugais et des Espagnols. Toutes les autres cartes qu'il y a lieu de retenir comme pouvant éclairer ce débat, et notamment celle de Pierre Du Val 1664, accusent des proportions tout à fait ou approximativement exactes, bien que quelques-unes d'entre elles donnent à tout le littoral une position trop méridionale.
L a comparaison des cartes de Mercator et d'Ortelius avec celles de Blaeuw et de Nicolas Sanson 1 ) témoigne certainement en faveur de l'identification du Vincent Pinçon et de l'Oyapoc. D'autre part, la carte de 1679 de Pierre Du V a l est de nature à faire naître une conception erronée, et il n'est pas impossible que les auteurs de la réponse du Portugal aient voulu tirer parti de cette circonstance pour faire paraître plus acceptable à l'ambassadeur Rouillé la revendication qu'ils formulaient 2).
2. Un autre fait aide aussi à l'explication des données
1) Note supplémentaire : De même la carte de Frédéric Wit. 2 ) L ' e m p l o i de s e m b l a b l e s m o y e n s n ' a r ien d ' e x t r a o r d i n a i r e p o u r
1 é p o q u e ; il suffit de r a p p e l e r l a d é c l a r a t i o n de C a b o t t o à l a c o n f é r e n c e de B a d a j o z ( v o i r c i -dessus , p a g e 598) e t l e c a l c u l i n t é r e s s é des p lénipot e n t i a i r e s p o r t u g a i s à U t r e c h t , b a s é sur le fait q u e l e u r s c a r t e s m a r q u a i e n t l e fleuve f r o n t i è r e p a r 3 3 / 4 ° N, tandis q u e c e l l e s des F r a n ç a i s l e p l a ç a i e n t b e a u c o u p plus a u n o r d .
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de la réponse portugaise, relatives à la distance séparant la rivière frontière qu'elle avait en vue, de Cayenne et de l'Amazone.
Parmi les auteurs auxquels le Portugal en appelle dans sa duplique de 1699, pour démontrer l'identité du Vincent Pinçon et de l 'Oyapoc, figure le P. J o ã o De Souza F e r r e i r a ; celui-ci, y est-il dit, raconte dans son Noticiario Maranhense que dans l'état de Maranhão vivaient de son temps plusieurs personnes qui avaient vu et touché les bornes-frontières aux armes du Portugal, placées à la rivière de Vincent Pinson ; la duplique ajoute qu'il cite plusieurs auteurs et cartes qui font passer la frontière par le Cap de Humos et le Rio fresco, lesquels selon lui correspondent au Cap de Nord et au Vincent Pinçon 1 ) .
Dans R. B . II, pages 123 et suivantes, le Brésil donne en traduction des extraits du Noticiario Maranhense du P. J o ã o De Souza Fer re i ra (1685); le passage suivant est emprunté à ces extraits 2 ) :
« Du Maranhão à l'embouchure du Para, par 15 minutes Nord, il y a 100 lieues. De là au Cap du Nord (ainsi nommé parce que c'est la pointe de terre que le fleuve des Amazones avance de l'autre côté sur la mer par 2 degrés 40 minutes Nord) il y a 70 lieues, largeur de l'embouchure du fleuve, et vers le Couchant, en doublant ce Cap autrement nommé de los Humos, à 40 lieues derrière lui se trouve le ryo de Vicente Pinção, par un autre nom dit aussi ryo Fresco , et les indigènes dans leur langue le nomment Quachipurú, où, d'après le bon accord des deux couronnes, se termine la frontière du Brésil pour cette partie du Nord et commence celle des Indes Occidentales, et
1) R . B . I I , p a g e 3 2 0 ; c i - d e s s u s , p a g e 2 2 0 . 2 ) V o i r c i - d e s s u s , pp. 147-149 .
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d'où, en longeant la côte à vue de terre, il y a 60 lieues jusqu'à Cayenne, par 4 degrés, première île de celles qui en très grand nombre sont éparpillées dans ce grand golfe . . . . »
R. B. II, pages 157 et suivantes, fournit en outre un extrait de V « America Abbreviada » du même auteur et datant de 1693 2), traité dans lequel il est dit : « Du Maranhão à l'embouchure du Para, par 15 minutes Nord, il y a 135 lieues ; de là au Cap du Nord, ainsi nommé parce que c'est la pointe de terre que le fleuve des Amazones avance de l'autre côté sur la mer par 2 degrés 40 minutes Nord, cet Empereur des fleuves a soixante-dix lieues de largeur à son embouchure, et d'autres lui en donnent quatre-vingts, ce qui n'est pas exagéré, car de ses innombrables îles la principale, celle des Joannes, a trois cents lieues de circonférence en longeant son rivage, et de là en remontant le fleuve jusqu'au Gurupá. En doublant, vers le Couchant, ce Cap (le Cap du Nord) autrement nommé des Humos, à 40 lieues derrière lui se trouve le ryo de Vicente Pinçon, par un autre nom dit aussi ryo Fresco, et les indigènes dans leur langue le nomment Quachipuru, où se termine la frontière du Brésil dans cette partie du Nord et commence celle des Indes Occidentales, ainsi que le déclare l'Histoire Pontificale, 5. part., lin. 9, Chap. 5, litt. D 3 ) , que là furent plantées deux bornes de marbre, l'une au Levant avec les Armes du Portugal, l'autre au Couchant avec les Armes de Castille, suivant les ordres de Sa Majesté Charles Quint et de S a Majesté le Roy Dom Jean III.
1) P a r les « l i eues » de l a t raduct ion f r a n ç a i s e , il faut e n t e n d r e l e s « l e g o a s » ; voir le t e x t e p o r t u g a i s , R . B . I V , pp. 31 et suiv.
2 ) V o i r c i -dessus , pp. 149-152. 3 ) I l s ' ag i t de l ' o u v r a g e du P . M a r c o s de G u a d a l a x a r a ; vo i r ci-
dessus , p a g e 1 5 0 .
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D e cette rivière à Cayenne, il y a soixante lieues en longeant la côte à vue de terre, par 4 degrés, et c'est la première des nombreuses îles éparpillées dans ce grand golfe de quatre cents lieues et peuplées d'étrangers jusqu'à l'île de Saint-Domingue, située par 9 degrés Nord, éloignée deux cents vingt lieues de la côte de la Nouvelle Espagne . . . . » 1 ) .
C'est évidemment à cette source que le Portugal a puisé ses renseignements relatifs aux 60 lieues qu'il attribue à la section Cayenne-Vincent Pinçon, comme aussi ceux qui concernent le Rio fresco.
D e Souza Ferre i ra place l'embouchure du P a r a par 0 ° 15 ' N et le Cap de Nord, sous 2° 4 0 ' N; il donne à l'embouchure du fleuve des Amazones une largeur de 70 leguas, en ajoutant que d'autres portent cette dimension à 80 leguas ; enfin il place le Rio de Vicente Pinzon à 40 lieues « derrière » le Cap de Nord 2 ) . Ces différentes données rappellent fortement la description de Bento Maciel Parente. Fer re i ra lui a certainement fait des emprunts, tout en adoptant pour l'embouchure une largeur de 10 leguas plus faible et pour le Cap de Nord une latitude de 2° 4 0 ' N, au lieu de celle de 3° N, qu'indique Parente. A partir du point où Ferre i ra quitte la région sur laquelle porte la description de Parente, les inexactitudes commencent. Il compte 60 leguas du Vicente Pinzon à Cayenne et assigne à cette localité une latitude de 4 ° N, indications dont celle-
1 ) L e t e x t e p o r t u g a i s f i g u r e d a n s R . B . I V , pp. 3 9 e t s u i v . 2 ) L a l a r g e u r de 7 0 l e g u a s , c o m p t é e , c o n f o r m é m e n t à l a d o n n é e de
P a r e n t e , d a n s l a d i r e c t i o n du n o r d - o u e s t , à p a r t i r de l ' e m b o u c h u r e du P a r a ( T i j o c a ) , c o r r e s p o n d à u n e d i f f é r e n c e d e l a t i t u d e de 2 ° 5 2 ' ; c o m m e l ' e x t r é m i t é s u d - e s t de l a l i g n e m a r q u a n t c e t t e l a r g e u r a, s u i v a n t F e r r e i r a , u n e l a t i t u d e d e 0 ° 1 5 ' N , l ' e x t r é m i t é n o r d - o u e s t d e v r a i t ê t r e s i t u é e p a r 3 ° 7 ' N , a u l i e u d e 2 ° 4 0 ' N , l a t i t u d e i n d i q u é e p a r F e r r e i r a .
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ci suppose une direction de côte se rapprochant fortement de l'ouest, et celle-là, une distance de 100 leguas du Cap de Nord à Cayenne.
Il importe d'expliquer cette dernière erreur de Ferreira. M. B. I, page 179, la fait remonter à l'ouvrage de Moreri (Le grand Dictionnaire Historique, Lyon 1681), d'après lequel la distance de l'Amazone à Cayenne serait d'environ 100 lieues (lieues ou leguas?). Si l'on retranche de ces 100 lieues les 40 lieues de Parente, il reste les 60 lieues de Ferreira pour la distance du Vincent Pinçon ou Oyapoc à Cayenne. Cette explication offre une grande vraisemblance. L a duplique portugaise de 1699 se réfère expressément à Moreri 1 ) , et s'il n'est pas certain que Ferreira, lui aussi, ait recouru au Dictionnaire de cet auteur, le fait est cependant très probable.
Il s'agirait donc d'une assimilation des lieues aux leguas, confusion dont témoigne à l'évidence la description de Souza Ferreira (de même que la carte de Pierre du Val , 1679) et qui doit sans doute être attribuée à l'incohérence qui régnait alors au sujet des unités de longueur. C'est ce qui ressort clairement de l'examen des cartes présentées par la France et le Brésil, comme le montrera une rapide revue d'un certain nombre d'entre elles.
André Thevet 1575 compte approximativement de 29.5 à 30 « Lieuës Françoises » ou 15 « Lieuës marines » environ au degré ; cette dernière indication rappelle, semble-t-il, l'ancienne legua espagnole ou la lieue allemande. Théodore de B r y 1592 assigne au degré 27 « leue gal. » (lieues françaises). L e chiffre de 171/2 lieues au degré est indiqué (généralement avec la mention additionnelle : « lieues espagnoles ») par Levinus Hulsius 1599, Van Langeren 1596,
1) V o i r R . B . I I , p a g e 315.
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Jodocus Hondius 1606, Johannes de Laet 1625, Mathieu Merian 1634, J o ã o Teixeira 1627 et 1642, Roggeveen 1680, V a n Keulen 1695, Claes Vooght 1680, et enfin par le P. Fritz 1691 et 1707. G. Blaeuw 1631 compte 20 lieues au degré. Lefebvre de la Barre 1665 marque une « Eschelle de Lieues Francoises à Vingt quatre au Degré », et au-dessous de celle-ci une échelle de « Lieues Francoises à Vingt au degré ». Pierre Du V a l 1664 écrit au-dessous de l'échelle de sa carte : « Lieues de France à 24 pour un degré ». F r o g e r dessine une « Echelle de 20 Lieues », d'où l'on peut conclure qu'il adopte ce chiffre pour le degré. Guillaume de l'Isle 1700 cite les unités de longueur suivantes : « Lieues communes de F r a n c e de 25 au degré. Lieues marines de F r a n c e et lieues communes d'Espagne de 20 au degré, Lieues marines d'Espagne et de Portugal de 171/2
au degré ». Nicolas de F e r 1705 donne 20 lieues au degré. D'Anville 1729 écrit : « Lieues communes à 25 au Degré » et « Lieues marines à 20 au Degré ». En 1748, il mentionne différentes échelles : « Lieues Françoises, de 3000 Pas Geométriques ou 2500 Toises », ce qui représente 23 lieues au degré ; « Lieues Marines Françoises et Angloises, et pareillement Lieues communes d'Espagne de 20 au D e g r é ; Lieues Espagnoles, définies à 2127 Toises, et employées par les Hollandois dans la Guyane » ; cette dernière échelle correspond à 27 lieues pour le degré. Nicolas de F e r 1719 compte 20 lieues au degré.
Il ressort de cette énumération qu'en tout cas la legua hispano-portugaise est déterminée sûrement par le rapport de 171/2 au degré. Chose curieuse, il n'est question de lieues communes espagnoles que dans les cartes des géographes français, notamment dans celles de de l'Isle 1700 et de d'Anville 1748, où elles sont évaluées à raison de 20 au degré. Mais, tandis que de l'Isle 1700 mentionne, outre les
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susdites Lieues communes, les Lieues marines d'Espagne et de Portugal de 171/2 au degré, c'est-à-dire les anciennes leguas espagnoles, d'Anville 1748 indique une unité de longueur espagnole toute nouvelle qu'il désigne simplement sous le terme de Lieues Espagnoles et qui mesure 27 au degré du méridien ; on ne voit pas d'où il l'a tirée. En tout cas, on est en droit de considérer l'ancienne legua d'usage courant comme étant encore utilisée par les Portugais à l'époque du traité provisionnel de 1700. Il est plus difficile de dire de quelle unité de mesure la France se servait alors. De la revue des échelles cartographiques qui vient d'être faite, il résulte qu'à part quelques données extrêmes provenant de cartes antérieures, la valeur de l'unité oscille entre 7M et 1/25 du degré. L a longueur de la lieue passe de 4.45 km, à 4.64 km et à 5.565 km, selon que l'on compte 25, 24 ou seulement 20 lieues au degré. Si, sur cette base, on mesure la section comprise entre Cayenne et le C. do Norte de Maraca, on obtient sur la carte moderne :
86.5 lieues de 25 au degré 83.0 » » 24 » 69.0 » » 20 »
D'autre part, pour la section s'étendant de Cayenne au Cabo Raso do Norte, on trouve les chiffres suivants :
104.0 lieues de 25 au degré 99.8 » » 24 » 73.0 » » 20 »
L e chiffre de 100 lieues indiqué par le « Grand Dictionnaire Historique » de Moreri (1681), pour la distance de Cayenne à l'Amazone, correspond donc exactement à la longueur de la section Cabo Raso de Norte-Cayenne, lorsqu'on la calcule sur la base de 24 lieues au degré, mais il ne s'applique pas aux autres cas.
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L a carte de Pierre Du V a l 1679 cadre assez bien avec la donnée de Moreri. L a section C. de Nort—Cayenne y mesure 110 lieues de 25 au degré, 105 lieues de 24 au degré, 88 lieues de 20 au degré. L e chiffre qui se rapproche le plus de Moreri est de nouveau celui qui est calculé avec la lieue de 24 au degré, unité qui figure sur la carte de 1664 de Pierre Du V a l . L e dessin de la carte de Pierre Du V a l 1679 ne permet pas de reconnaître quel cap il représente sous le nom de Cap de Nort, s'il s'agit du Cap de Maraca ou du cap continental.
On peut déduire de ce qui précède que très vraisemblablement, vers la fin du X V I I e siècle, l'idée tendait à s'implanter en France de considérer comme Cap de Nord le cap continental (Cabo Raso do Norte) et, d'autre part, qu'à la même époque les auteurs et les cartographes français comptaient 24 lieues au degré. En revanche, les Espagnols et les Portugais, dont les progrès en cartographie avaient été beaucoup plus lents, ainsi que leurs cartes l'attestent suffisamment, entendaient alors, comme auparavant, par Cabo do Norte le cap de l'île de Maraca et s'en tenaient au chiffre de 171/2 leguas au degré. Ces divergences étaient grosses de conséquences et pouvaient très facilement conduire à des malentendus et à des idées erronées. Il y a lieu d'admettre que le P. de Souza Ferre ira , tout en s'inspirant avant tout des données de Parente pour sa description, savait que la distance de l'Amazone à Cayenne était évaluée à 100 lieues. Sans tenir aucun compte du désaccord existant entre Portugais et Français aussi bien sur l'interprétation du dessin cartographique que sur la grandeur de l'unité de mesure, il aura simplement — et après lui les rédacteurs des mémoires portugais de 1698 et 1699 — fait ce calcul : d'une part, il y a 100 leguas du Cabo do Norte à Cayenne; d'autre part, Parente compte 40 leguas du Cabo do Norte au Rio de
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Vicente Pinzon; restent 60 leguas du Rio de Vicente Pinzon à Cayenne.
Il convient finalement de rechercher où aboutissent les 60 leguas dont parlent le P. De Souza Ferreira ainsi que la réponse portugaise de 1698, et clans ce but, de mesurer cette distance à partir de Cayenne. Cette opération, effectuée sur Stieler, donne les résultats suivants :
60 leguas espagnoles (de 17.5 au degré) conduisent à 3 km au nord-ouest du Cabo do Norte de Maraca ou au débouché septentrional du Canal de Carapaporis ;
60 lieues de 25 au degré, à 73 km au sud-est du Cap Cassiporé ou à 38 km au nord-ouest du Counani ;
60 lieues de 24 au degré, à 84 km au sud-est du Cap Cassiporé ou à 27 km au nord-ouest du Counani ;
60 lieues de 20 au degré, à 29 km au sud-est du Counani.
Entre ces points et le Cabo do Norte (Maraca), il ne reste plus de place pour les 40 leguas que Ferreira, d'accord avec Parente, compte de ce cap au Rio de Vicente Pinzon ; l'erreur de Ferreira est par conséquent manifeste.
L e fait que le Portugal se réfère aux cartes de Blaeuw, Sanson, Mercator et Ortelius ne permet pas d'admettre que, dans sa réponse de 1698, il ait réellement considéré la rivière frontière revendiquée par lui comme étant si rapprochée du Cap de Nord.
3. L a réponse du Portugal de 1698 identifie par deux fois le Vincent Pinçon ou Oyapoc avec un Rio fresco. Il y est dit en effet : « La raison pour laquelle les Portugais ne passerent point de l'autre coté de la Riviere d'Oyapoc ou de Vincent Pinson comme disent les Espagnols, ou Rio Fresco comme marquent plusieurs c a r t e s . . . . » 1 ) ; et ail-
1) M . F . I I , p a g e 20 ; R . B . I I , p a g e 223 .
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leurs : « L e s Portugais ne doutent en aucune maniere que les François n'ayent comercé dans la Riviere de Oyapoc ou Vincent Pinson ou Rio Fresco , par ou se divisent les terres des Indes d'avec celles du Bresil » l ) .
L a France s'appuie à plusieurs reprises sur ces passages et allègue que la carte de Desceliers 1546 marque une « Rivière fresche » dans une position qui semble correspondre tout à fait à celle de l 'Araguary actuel. L a Riccardiana également, dit-elle, indique le Rio fresco immédiatement au nord d'un cap situé un peu au-dessus de l'équateur (M. F. , pages 43 et 273).
On a vu plus haut que la mention du Rio fresco, qui figure dans la réponse du Portugal, a été empruntée aux écrits du P. D e Souza Ferreira , de 1685 et 1693. D'après ces mêmes écrits les indigènes donnent au Rio de Vicente Pinçon le nom de Quachipurú. Ce vocable désigne évidemment le Cachipour actuel qui débouche à un demi-degré environ au sud du Cap d'Orange et auquel conduisent certaines des mesures de distances calculées sur la base des données de Parente. Mais le Portugal, dans ses mémoires de 1698 et 1699, n'a pas admis la relation établie par Fer re i ra entre le Rio de Vicente Pinçon et le Quachipurú ou Cachipour.
Il a été démontré, pages 621 et suivantes, 647 et suivantes, que le Rio fresco de la Riccardiana, des cartes de Desceliers et de celle de van Doet correspond à l 'Oyapoc actuel ou au Cachipour ; l'assertion de Souza Ferre i ra n'est donc pas simplement fantaisiste. M. F . I, page 274, dit il est vrai : « Notons ici la confirmation significative qui résulte de la cartographie : le Rio fresco portugais se trouve exactement à la même place où les documents espagnols
1) M . F . I I , p a g e 2 2 ; R . B . I I , p a g e 226 .
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contemporains marquent le Vincent Pinzon ». A cela il importe d'opposer que la discussion relative au Vincent Pinçon des Espagnols a eu pour résultat de montrer que cette rivière est précisément l'Oyapoc actuel.
Il est pour le moins douteux que le « Freshwater », qui dans G. Tatton 1608 et W . Ralegh 1618 occupe la place du Canal actuel de Carapaporis, soit en corrélation avec le Rio fresco. L e nom de « Freshwater », en effet, se rapporte au bras de mer du Carapaporis et non à une rivière. Au surplus, il est plus que probable que le P. De Souza Ferreira n'a pas eu connaissance des cartes de Tatton et de Ralegh.
4. Peut-on, de la donnée fournie par la réponse du Portugal et suivant laquelle le Rio de Vicente Pinzon ou Oyapoc aurait été désigné dans des cartes anciennes et des routiers comme Port des navires portugais 1), tirer une conclusion quant à la position et à l'identification de la rivière que le gouvernement de Lisbonne avait en vue ?
Ni les cartes présentées par les parties, ni les autres que l'arbitre a utilisées n'indiquent un « Porto de Navios Portuguezes », et les routiers sont également muets à cet égard. Il ne s'ensuit cependant pas qu'une dénomination de ce genre n'ait pu exister.
La France tend à identifier ce «Porto» avec la baie de Mayacaré qui, sur la carte de Coudreau, figure sous le nom d'« Anse de Mayacaré », en face de l'extrémité nord-ouest de Maraca et au sud du Calçoene (Carsevenne). Cette baie est nettement marquée dans les cartes de Claes J . Vooght (A. B. I, n° 81 b) et d'Anville 1729 (A. F., n° 22). Coudreau2)
1) V o i r R . B . I I , pp. 232 , 233 . 2) Coudreau, L e C o u n a n i et le M a p a . B u l l e t i n de l a S o c i é t é de g é o
g r a p h i e , 1889, p a g e 402.
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la décrit en ces termes : « L e Mayacaré est un golfe sur la rive septentrionale duquel on remarque quelques ranchos (huttes) de pêcheurs. L e golfe de Mayacaré ne reçoit aucun cours d'eau important. L'anse est assez profonde ; elle offre partout 5 à 6 mètres d'eau ; elle est vaseuse et constitue un bon mouillage. Derrière, dans l'intérieur, s'étendent de nombreux pripris peu connus, vestiges de l'ancien lac écoulé. »
L a baie de Mayacaré a pu avoir une certaine importance à cause de la pêche à laquelle s'y livraient les indigènes, ainsi que les Français, les Anglais, les Hollandais et probablement aussi les Portugais. Il est à supposer que ces derniers l'utilisaient également comme mouillage.
Mais les indications du Mémorial de B. M. Parente et de la donation en faveur de ce dernier excluent l'hypothèse qui assimile cette baie au Rio de Vicente Pinzon des Portugais et des Espagnols. A part ces indications il n'existe aucune preuve que les Portugais aient identifié le Mayacaré avec le Vicente Pinzon. L a carte du P. Fritz de 1691 rend cette version absolument inadmissible. L a baie « Mi-kary R. alias Maikari » est dessinée sur la carte de Nicolas Sanson 1656, sans confusion possible avec l'Oyapoc. Le-febvre de la Barre marque également le « Maiakari R. » avec une large embouchure fluviale. Les plénipotentiaires réunis à Lisbonne auraient dû constater sans aucun doute, par la comparaison des cartes qu'ils avaient sous les yeux, que l'Oyapoc et le Mayacaré sont deux rivières ou deux baies fluviales différentes. Rien ne permet de supposer qu'il ait été question du Mayacaré.
Or comme, en dehors de cette baie, on ne trouve guère d'autre havre de quelque importance le long de la côte du Contesté jusqu'à l'Oyapoc, il ne reste qu'à rechercher si l'embouchure de l'Oyapoc répond aux conditions exigées d'un mouillage.
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Ferrolles, dans son rapport du 22 septembre 1688, s'exprime comme suit au sujet de l 'Oyapoc l ) : « L e 15, après avoir fait 10 lieues, je me rendis à Ouyapoque. L'embouchure de cette rivière est aussi establie nord et sud et a une lieüe de large. Il y a deux passages a l'est et a l'ouest de 2 brasses en rangeant la terre. A 4 lieues de là du costé de l'ouest estoit le fort des Holandois. L a rivière s'y estrecit tout d'un coup en faisant un coude et qui done lieu d'une tres bone defense contre les bastimens qui vou-droient y p a s s e r . . . J e trouvé les terres de cette rivière bien meilleures que celles de C a y e n n e , . . . ses deux bords estant terres fermes et point marescageux comme dans les autres de la coste . . . les gros vaisseaux pourroient venir mouiller à l ' embouscheure . . . L a mer n'y est jamais grosse parce que le Cap d'Orange et la Montagne d'Argent, y formant une grande baye, font qu'elle y est toujours belle ».
L e Routier de Paes do Amaral, daté de 1723, décrit ainsi l'embouchure de l 'Oyapoc 2 ) : «Au Nord-Ouest se trouve un mont élevé et la distance doit être de trois à quatre lieues. Ici est l'entrée de la rivière ou baie de Vincent Pinçon (rio ou bahya de Vicente P i n s o n ) . . . . Pour entrer dans cette rivière on prend la direction de Sud-Sud-Ouest. Elle est large et profonde . . . Et à l'intérieur on trouve un bas-fond près de l'île, qui partage la rivière en deux bras et ce bas-fond est orienté à l'Est-Ouest ; des deux bras que les Gentils et les Français appellent rivières, l'un se dirige vers le Sud, puis vers le Sud-Est, et les Gentils le nomment Curupi, lequel se trouve à main gauche ; l'autre, nommé Guyapoco, entre au Sud-Ouest et tourne
1) V o i r c i -dessus , pp. 171, 172. 2 ) R . B . I I I , pp. 46, 47 ; voir auss i ci dessus, pp. 347 et suiv.
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vers le Sud. Et à l'entrée de cette rivière ou bras Guya-poco, il y a une montagne élevée . . . Cette rivière est le Rio de Vicente Pinson, lequel, les Français nous l'ont dit, sépare les terres du Roi de Portugal, notre Maître, de celles de la France... Un navire de deux cents tonnes qui, manquant d'eau ou de bois, veuille entrer dans cette rivière, peut le faire sans danger. Le fond est bon et vaseux1). »
Voici enfin ce que dit de la même rivière, en 1763. l'ingénieur français de la marine Bellin, qui, le premier, a fourni une description assez exacte de l'hydrographie de la côte du territoire contesté 2 ) :
« L'Oyapoko a deux lieues de large à son embouchure ; on peut y mouiller par 4 brasses 3 ) d'eau fond de vase, ayant la Montagne de Lucas à l'Ouest, à la distance de 3A de lieue. Une lieue en dedans il y a une Isle basse, qu'on appelle l'Isle aux biches, qui est couverte dans les grandes marées ; on en passe à l'Ouest, lorsqu'on veut entrer dans la Rivière, car le côté de l'Est est rempli de bancs de sable et de vase, qui en rendent le passage impratiquable ; on trouve dans la passe de l'Ouest quatre brasses tout près de terre. Lorsqu'on a remonté le Fleuve 5 à 6 lieues, il fait un enfoncement qui forme un fort beau Port, où l'on mouille par 4, 5 et 6 brasses d'eau, aussi près de terre que l'on veut. C'est en cet endroit que nous avons bâti en 1726 un nouveau Fort et un Bourg, aux environs duquel plu-
1) V o i r à c e su je t A n n e x e s , p l a n c h e n° 4. 2) Bellin, D e s c r i p t i o n g é o g r a p h i q u e de l a G u i a n e , P a r i s 1763,
pp. 174, 175. 3 ) D ' a p r è s l e « H a n d b u c h d e r N a v i g a t i o n des H y d r o g r a p h i s c h e n
A m t e s des d e u t s c h e n R e i c h s - M a r i n e - A m t s » de 1 8 9 1 , p a g e 1 6 , u n e b r a s s e = 1.624 m è t r e . Q u a t r e b r a s s e s é q u i v a l e n t p a r c o n s é q u e n t à 6.5 m è t r e s .
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sieurs nations sauvages Indiennes sont venues s'établir. En 1735 on établit pour elle à quelques lieues du Fort la mission appelée de St-Paul. Les terres aux environs sont fort bonnes et donnent abondamment à la culture toutes sortes de denrées. C'est sans doute la beauté du lieu et la commodité du Port qui avoient engagés les Hollandais à s'établir en 1676 dans cet endroit, et d'y bâtir un Fort, contre tout droit, et d'où nous n'avons pas tardé à les chasser. »
L a carte de Mouchez donne à l'embouchure de l'Oya-poc des profondeurs de 3, 4, 5 et 6 mètres ; elle marque un fond de 5 mètres vis-à-vis du mont Lucas, au point où, selon Bellin et Ferrolles, se trouvait l'ancien mouillage. D'après des informations plus récentes, l'entrée de la rivière paraît présenter aujourd'hui des difficultés pour les vaisseaux d'un certain tonnage ; peut-être, avec le temps, l'embouchure s'est-elle quelque peu ensablée. Quoi qu'il en soit, il ressort clairement de ce qui précède que l'on connaissait autrefois le mouillage à l'intérieur de l'embouchure de l'Oyapoc et qu'on le considérait comme un bon mouillage. Ce n'est pas sans motif que les Hollandais et les Français avaient établi en ces parages des colonies et des forts.
L a preuve n'est incomplète que sur le point de savoir si ce havre a été considéré autrefois, de préférence, comme le port des vaisseaux portugais.
5. Cette discussion conduit à reconnaître que les mémoires portugais de 1698 et 1699 ont pu donner, à l'époque qui suivit le traité d'Utrecht, quelque crédit à l'opinion attribuant à la rivière frontière une position au sud de l'Oyapoc. Mais il faut rappeler d'autre part l'assurance avec laquelle ces documents établissent l'identification du Vincent Pinçon et de l'Oyapoc et la façon catégorique dont le Portugal déclare que les bornes-frontières doivent
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se trouver près de ce fleuve. Il est dit dès le début de la réponse portugaise de 1698 : « L a même année 1615 Alexandre de Moura envoya le capitaine Francisco Caldeira de Castello-Branco vers la région de Para avec ordre de se rendre maître du pays jusqu'au Rio de Vicente Pinson ou Oyapoc, comme l'appellent les indigènes . . . » ; vient ensuite l'historique des expéditions de B . M. Parente, de la fondation de la capitainerie du Cap de Nord et de la donation en faveur de Parente, où il est fait mention particulière des 30—40 leguas à compter le long de la côte ; suit l'indication des bornes-frontières, etc. Partout les noms de Rio de Vicente Pinzon et d'Oyapoco sont considérés comme synonymes et cités conjointement pour désigner la même rivière. Dans le passage suivant, le nom d'Oyapoc est même employé seul : « aussi n'y a-t-il ni mémoire ni tradition que les Français aient jamais eu aucune colonie ou comptoir depuis la rivière d'Oyapoc jusqu'à celle de l ' A m a z o n e . . . . » Force est donc d'admettre que le Portugal identifiait son Vincent Pinçon avec l'Oyapoc des Français.
VI. La limite intérieure. A teneur du traité d'arbitrage, la frontière entre les
deux Etats, à partir de la mer, doit être constituée par le thalweg de la rivière adoptée par l'arbitre comme étant le « Japoc ou Vincent Pinçon » du traité d'Utrecht. Cette limite, appelée au cours de l'étude qui précède « frontière extérieure ou maritime », s'étend de l'embouchure à la « source principale » de ladite rivière. Il n'est pas dans les attributions de l'arbitre de décider quelle est cette source principale. Ce point doit être tranché par les parties, en exécution de la pré-
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sente sentence. C'est seulement après avoir fixé la source principale que l'on pourra déterminer le point de départ de la limite dite intérieure, cela évidemment dans l'hypothèse du rejet par l'arbitre de la prétention du Brésil tendant à placer la frontière au parallèle de 2° 24 ' N.
Autant la question de la limite extérieure a dû être discutée en détail, autant celle de la limite intérieure peut être traitée succinctement. Si l'Oyapoc du Cap d'Orange est reconnu comme étant le cours d'eau frontière du traité d'Utrecht, la prétention française touchant la délimitation intérieure tombe d'elle-même. On pourrait objecter qu'à Utrecht il a été question de deux territoires frontières faisant l'objet de deux clauses distinctes, lé territoire maritime et la région intérieure ; le traité aurait attribué au Portugal, d'une part, sur la côte, le territoire limité au nord-ouest par le Japoc ou Vincent Pinçon, et, d'autre part, dans l'intérieur, les deux bords de l'Amazone seulement ; aucune décision ne serait intervenue en 1713 au sujet du grand territoire compris entre la Guyane française et la zone riveraine au nord de l'Amazone. Mais les parties elles-mêmes ne se sont placées à ce point de vue ni dans le traité d'arbitrage, ni dans l'exposé des motifs à l'appui de leurs revendications. Elles n'exigent pas que la limite intérieure soit arrêtée conformément au « sens précis » du traité d'Utrecht. Elles se bornent à demander que l'arbitre, dans sa sentence, tranche également la question de la délimitation intérieure, soit en se prononçant en faveur de l'une des prétentions articulées par les parties, soit en adoptant la proposition intermédiaire présentée par elles, aux termes de laquelle la ligne de partage des eaux formée par les monts Tumuc-Humac doit constituer cette limite, à partir de la source de la rivière frontière jusqu'à la Guyane hollandaise.
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L e Brésil, pour justifier sa prétention tendant à fixer la frontière intérieure au parallèle de 2° 24 ' N, de l'Oyapoc jusqu'à la Guyane hollandaise, se fonde sur la convention de Paris, du 28 août 1817. Mais ainsi qu'il a été dit précédemment 1), les frontières stipulées dans cette convention n'avaient qu'un caractère provisoire. L e Brésil l'a reconnu lui-même. L e règlement provisoire de 1817 ne saurait constituer aucun titre en faveur de l'adoption définitive de la limite par 2° 24 ' de latitude nord.
Lors des négociations de 1855/56, le plénipotentiaire du Brésil déclara dans son mémoire du 15 juin 1855 que le parallèle de 2° 24 ' N constituait une frontière défectueuse et qu'il serait préférable d'en fixer une autre coïncidant avec la ligne de partage des eaux 2 ) . Caetano da Silva s'exprime dans le même sens et affirme que le Brésil n'a jamais revendiqué le droit de s'établir sur le versant nord des monts Tumuc-Humac, ce qui serait, dit-il, contraire à l'intention du traité d'Utrecht 3 ) . Dans le projet de traité d'arbitrage présenté par le Brésil en date du 18 juin 1896, cette puissance proposait elle-même, comme limite intérieure, la ligne de partage des eaux, et elle ne retira sa proposition qu'après avoir eu connaissance de la prétention de la France à la possession d'une partie du bassin de l 'Amazone 4 ).
M. B. I, dit à la page 245: «Si le Traité d'Utrecht dans son intégrité, et non l'article 8 seul, était en vigueur, la ligne intérieure devrait être celle du partage des eaux sur les monts Tumucumaque, depuis la source du Japoc ou Vincent Pinçon jusqu'au point de rencontre de la frontière hollandaise.» Et on lit dans R. B. I, page 11, que « la ligne
1) V o i r c i -dessus , pp. 15-18. 2) M . B . I I I , pp. 19 et 20 . 3) Silva, I I , pp. 4 1 6 e t suiv . 4 ) R . B . I I I , pp. 354 , 3 5 5 .
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intermédiaire indiquée par les deux Parties est celle de la limite intérieure adoptée implicitement en 1713, et la même qu'indiqueraient les règles du Droit International s'il était prouvé que le droit conventionnel fît défaut»; plus loin R. B . I, page 173, exprime une idée semblable.
Il serait d'un intérêt général de fixer la délimitation à une frontière naturelle, si cela était possible. Le Brésil ne fournissant aucun titre en faveur de sa prétention à la limite par le parallèle de 2° 24 ' N, il n'existe pas de motif pouvant engager l'arbitre à adopter cette frontière.
De nombreuses considérations parlent en faveur du choix de la solution intermédiaire prévue par les parties.
L e s négociations d'Utrecht témoignent déjà que, par les deux bords de l'Amazone attribués au Portugal, on n'entendait pas seulement une étroite bande de terre. L e but de l'article 10 du traité était d'éloigner les Français de l'Amazone. L a dépêche du ministre anglais Bolingbroke à l'ambassadeur d'Angleterre à Paris, du 17 février 1713, le déclare explicitement : « Bref, il faut que la source de la rivière (des Amazones) appartienne aux Espagnols et son embouchure aux Portugais ; et ni les Français, ni les Anglais, ni aucune autre nation ne doivent avoir une avenue ouverte sur ce pays 1). » L a suite des négociations et leur résultat final prouvent que c'était là une résolution bien arrêtée et que l'Angleterre maintint son point de vue.
A cette époque, la tendance était aux frontières naturelles : chaînes de montagnes, lignes de partage des eaux et cours d'eau. On a vu plus haut (pages 68 et suivantes, et 81) qu'en 1750 ce principe fut adopté pour la délimitation des territoires de L a Plata. L'Espagne et le Portugal notamment connaissaient par expérience les défauts inhérents à
1) R . B . I I , pp. 461 , 462 ; c i -dessus , p a g e 289 .
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la Ligne de démarcation. L a fixation, telle que la France la réclame, d'une limite courant parallèlement à l'Amazone et, par conséquent, la création d'une zone riveraine le long de ce fleuve entraîneraient les mêmes inconvénients et les mêmes difficultés.
Mais si l'on admet qu'aucune décision n'ait été prise à Utrecht au sujet des vastes territoires inconnus de l'intérieur, il s'ensuit simplement que cette région ne fut attribuée à aucun des deux Etats. Il y a donc lieu d'examiner si l'une des parties adverses et laquelle des deux a acquis depuis des droits sur ces territoires, ainsi que, cas échéant, la nature et la portée de ces droits.
L a réplique française de 1699 s'exprimait ainsi : « Suivant l'usage de touttes les nations de l'Europe, la donation qui n'est pas suivie de la possession actuelle, et non interrompue, si ce n'est pour fort peu de temps, ne donne aucun droit. Ces pays esloignez sont estimez abandonez, et ils appartiennent au premier qui les occuppe, autrement il s'en suivroit qu'un prince auroit droit sur tous les pays dont il auroit accordé la concession et ou il auroit envoyé faire descente et planter ses armes, sans se mettre en peine de les faire habiter ; ce qui seroit assurément injuste et contre la pratique de tous les peuples 1 ). » Ce principe fait encore règle aujourd'hui et il a été formellement sanctionné en 1885, pour les côtes d'Afrique, par la Conférence de Berl in 2 ) .
Or, si les voyageurs français Crevaux, Coudreau et d'autres ont exploré certaines parties de la région située au sud de la ligne de faîte des monts Tumuc-Humac, la France, comme état, n'a accompli dans ces territoires situés
1) M . F . I I , p a g e 32 ; v o i r auss i c i -dessus , p a g e 208 . 2) Jules Hopf, N o u v e a u r e c u e i l g é n é r a l de t r a i t é s . C o n t i n u a t i o n du
g r a n d r e c u e i l de G . F r . de M a r t e n s , D e u x i è m e s é r i e , t. X , 1885 et 1886, p a g e 426 .
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en dehors de là région maritime, ni avant, ni après le traité d'Utrecht, aucun acte de prise de possession ou de protectorat, et fait aucune tentative de colonisation. Aucune partie de ces régions ne lui a appartenu d'une façon permanente. Les traités de Paris, du 10 août 1797, de Badajoz, du 6 juin 1801, de Madrid, du 29 septembre 1801, et d'Amiens, du 27 mars 1802, qui prolongent la limite intérieure jusqu'au Rio Branco, n'ont, en fait, jamais été mis à exécution.
En revanche, la souveraineté du Brésil, notamment dans la vallée du Rio Branco, est reconnue par la population. Dans son ouvrage « La France équinoxiale », Cou-dreau dit à ce sujet : « Nous ne pouvons plus aujourd'hui faire valoir nos prétentions jusqu'au rio Branco ; le rio Branco ne saurait être contesté, car les Brésiliens l'exploitent et le peuplent» (tome I, page 248). Elisée Reclus confirme cette déclaration dans le passage suivant : « Toutefois le débat n'a d'importance réelle que pour le contesté de la côte, entre l'Oyapock et l'Araguary. A l'ouest, toute la vallée du rio Branco est devenue incontestablement brésilienne par la langue, les mœurs, les relations politiques et commerciales » 1 ) .
Le territoire compris entre la vallée du Rio Branco et le « Contesté maritime » est très peu connu et les quelques milliers d'indigènes qui l'habitent sont indépendants. Mais le Brésil possède le cours inférieur de toutes les rivières qui en descendent et tous les points par lesquels on peut y accéder de l'Amazone. Conformément au principe adopté par les puissances pour l'Afrique, il fait partie du hinterland brésilien.
1) Reclus, 1. c , t. X I X , 1894, p a g e 84 .
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D. E X P O S É DES MOTIFS
L e traité d'arbitrage conclu le 10 avril 1897 entre la République française et les Etats-Unis du Brésil, qui a pour objet de faire fixer définitivement les frontières de la Guyane française et du Brésil, soumet deux points litigieux à la décision de l'arbitre choisi par les parties : le premier concerne la frontière extérieure ou maritime, soit la question de savoir quelle est « conformément au sens précis de l'article 8 du traité d'Utrecht » la rivière « Japoc ou Vincent Pinçon » ; le second est relatif à la frontière intérieure, l'arbitre ayant pour mission de la déterminer.
L a tâche de l'arbitre diffère essentiellement selon qu'il a à juger l'une ou l'autre des questions. L e traité d'arbitrage le fait ressortir très nettement. Dans cet acte, les parties formulent leurs prétentions tant en ce qui concerne la frontière extérieure que la frontière intérieure. Pour déterminer la première, l'arbitre doit rechercher quelle est, d'après le sens précis de l'article 8 du traité d'Utrecht, la rivière Japoc ou Vincent Pinçon. L a rivière qu'il aura adoptée comme telle sera la rivière frontière et son thalweg formera la ligne frontière, que cette rivière soit celle indiquée par la France, ou celle indiquée par le Brésil, ou un troisième cours d'eau. En revanche, pour résoudre quelle est la limite intérieure, s'il n'admet comme fondée la pré-
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tention ni de l'une ni de l'autre des parties, il prononcera selon la « solution intermédiaire » que les parties d'un commun accord ont déterminée dans le traité d'arbitrage ; il tracera en conséquence la frontière intérieure qui partira du point extrême de la limite extérieure.
L a première question a donc exclusivement pour objet d'interpréter les termes « Japoc ou Vincent Pinson » de l'article 8 du traité d'Utrecht ; la seconde concerne uniquement l'examen de la légitimité des prétentions de chacune des parties.
II.
L'arbitre, considérant que la fixation de la frontière intérieure dépend de la solution qui sera donnée à la question de la frontière extérieure, constate, sur la base des données détaillées fournies par l'exposé historique et géographique que « conformément au sens précis de l'article 8 du traité d'Utrecht» la rivière «Japoc ou Vincent Pinson » de cet article 8 est l'Oyapoc actuel qui se jette dans l'Océan entre le 4 e et 5 e degré de latitude nord immédiatement à l'ouest du Cap d'Orange.
Pour déterminer quelle est la rivière Japoc ou Vincent Pinçon du traité d'Utrecht du 11 avril 1713, il faut rechercher préalablement si les pièces contemporaines de la conclusion du traité établissent d'une manière précise quel sens les parties contractantes ont entendu attribuer et ont effectivement attribué à la dénomination «Japoc ou Vincent Pinson » dont se sert l'acte diplomatique.
En procédant à cette recherche, l'arbitre a été amené à étudier non pas seulement les négociations qui ont immédiatement abouti à l'adoption de l'article 8 et des autres dispositions connexes du traité d'Utrecht, mais encore les traités de 1700, 1701 et 1703. L e traité provisionnel du
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4 mars 1700 a, en effet, revêtu une telle importance lors de la discussion du traité d'Utrecht qu'il a fallu admettre d'emblée qu'il existait un certain rapport d'identité entre le Japoc ou Vincent Pinçon du traité d'Utrecht et la « Riviere d'Oyapoc dite de Vincent Pinçon » (Rio de Oiapoc ou de Vicente Pinson) du traité provisionnel.
Les délibérations dont est sorti le traité provisionnel de 1700 ont été précédées en 1698 et 1699 de tout un échange d'explications écrites par lesquelles les parties, la France d'un côté, le Portugal de l'autre, ont développé dans leurs moindres détails les questions qui les divisaient, chacune s'efforçant à l'aide de faits, de documents, de considérations tirées de l'histoire et de la géographie, de convaincre sa partie adverse du bien-fondé de ses prétentions. Pour arriver à apprécier sainement les mémoires si importants de 1698 et 1699, qui ont exercé une incontestable influence même sur les thèses soutenues par les parties dans le litige actuel, et à bien comprendre les documents qui sont en connexité plus ou moins étroite avec ces mémoires, il a été nécessaire de se livrer à une étude complète des faits et des pièces.
C'est pourquoi l'arbitre a eu pour tâche d'examiner toute l'histoire du contesté, du territoire en litige qui va de l'Amazone jusqu'à l'Oyapoc actuel à l'ouest du Cap d'Orange, depuis les premiers voyages de découverte effectués dans l'Amérique du sud ; il a dû notamment se former une opinion sur la valeur des revendications du contesté fondées sur des concessions de terrains octroyées par des gouvernements d'Europe et voir jusqu'à quel point de semblables concessions ont été suivies de l'occupation effective du pays.
Il eût d'ailleurs été impossible d'omettre cette étude approfondie de l'histoire du contesté depuis l'origine de sa découverte par des Européens, cela d'autant moins que les
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parties ont invoqué dans leurs mémoires l'historique de la question et que le nom de la rivière frontière, Vincent Pinçon, se rattachait à l'évidence à Vicente Yañez Pinzon, qui découvrit l'embouchure de l'Amazone et le littoral du continent au sud-est et au nord-ouest de celle-ci. C'est précisément pourquoi les questions d'ordre purement géographique que soulève l'identification de la rivière Vincent Pinçon avec un des cours d'eau du littoral brésilien-guya-nais ne pouvaient pas être tranchées à l'aide seulement des cartes datant de l'époque du traité d'Utrecht ; il a fallu examiner ces questions dans leur relation avec l'histoire, et c'est ainsi qu'on est parvenu au cœur de l'étude de ce problème scientifique aussi intéressant que controversé du développement de la cartographie de la côte sud-est de l'Amérique en général, du littoral du Contesté en particulier.
III.
Cela posé, il y a lieu de relever les points ci-après: Ce n'est qu'à la fin du X V I e et au commencement du
X V I I e siècle que divers Etats d'Europe se préoccupent du territoire côtier situé au nord-ouest de l'embouchure de l'Amazone. A cette époque, les Portugais s'établissent et restent fixés à l'embouchure et sur les rives du fleuve, non pas seulement en vertu du titre historique créé par le partage du monde fait par le Pape entre l'Espagne et le Portugal, mais plutôt en vertu d'une domination effective et d'une possession défendue à main armée contre quiconque cherchait à la troubler ou à la restreindre.
Seule l'Espagne aurait pu disputer cette contrée au Portugal en se fondant sur le traité de Tordesillas, mais le conflit fut écarté grâce à la réunion des deux Couronnes qui dura jusqu'en 1640. A la fin du X V I e et au com-
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mencement du X V I I e siècle, l'opinion généralement accréditée chez les auteurs espagnols et portugais semble avoir été que la frontière entre l 'Espagne et le Portugal, l'ancienne « linea de demarcacion » passait au nord-ouest de l'embouchure de l'Amazone et qu'en particulier la rivière Vincent Pinçon qui se jette dans la mer au nord-ouest du « Cabo del Norte » formait la limite du Brésil portugais et des possessions espagnoles au nord. Il n'est pas besoin de rechercher comment cette opinion a pu se former ; il suffira de constater que le roi d'Espagne Philippe IV , troisième du nom en Portugal, avait par ordonnance du 13 juin 1621 partagé les possessions portugaises dans l'Amérique du sud en deux grands arrondissements administratifs dont l'un, l'Estado de Maranhão, situé au nord-ouest, s'étendait au delà de l'embouchure de l'Amazone jusqu'à la frontière du territoire espagnol. Or cette frontière était la rivière Vincent Pinçon.
A la même époque des Brésiliens relevant du Portugal avaient entrepris de chasser du territoire de l'embouchure de l'Amazone les ressortissants des nations européennes, notamment les Hollandais, les Anglais et les Français, et de se défendre contre toute intrusion étrangère; cette entreprise, ils la menèrent à bien.
Il ne s'agit plus aujourd'hui de décider si c'est le Portugal ou toute autre puissance européenne dont la prétention à posséder le territoire de l'embouchure de l'Amazone était la mieux fondée en droit, mais uniquement de constater qu'effectivement les Portugais devinrent les maîtres du pays et qu'ils assurèrent également leur domination sur la rive gauche du fleuve en refoulant toutes les autres nations européennes; puis, que la Couronne de Portugal partagea le territoire en « Capitaineries » et qu'en 1637 elle fit donation de la « capitania do cabo do norte » à Bento Maciel
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Parente, un des Conquistadores portugais. L e long du littoral cette Capitainerie avait une étendue de 30 ou 35 à 40 leguas comptées du Cabo do Norte. A lui seul le texte de l'acte de donation montre que cette concession n'était pas une « commission de découverte » ; le fait que Parente dressa procès-verbal officiel de la prise de possession de sa Capitainerie, que celle-ci passa à ses héritiers, et la présence d'agents de Parente dans le territoire, prouvent bien que la donation fut suivie d'exécution.
Ce n'est que depuis 1676 que les Français ont pris définitivement possession de Cayenne. A partir de ce moment-là, ils tentèrent de donner à leur colonie le développement que lui attribuaient les concessions des rois de France. Ces concessions assignaient à la France Equino-xiale les territoires entre l'Amazone et l'Orénoque. L e lieutenant-général de ce pays, Lefebvre de la Barre, dans sa description de la contrée, fait ressortir la différence qui existe entre les concessions et l'occupation effective des Français. Il désigne le pays situé entre l'embouchure de l'Amazone et le Cap d'Orange, où débouche la rivière Yapoco, comme étant la Guyane indienne à laquelle il oppose, comme formant la Guyane française, le pays compris entre le Cap d'Orange et la rivière Maroni. C'est ce dernier territoire et non l'autre qui est possession française. Et encore pour Lefebvre de la Barre la Guyane indienne est-elle susceptible d'être occupée. Lorsque les Français s'appliquèrent à procéder à l'occupation du Cap d'Orange jusqu'au fleuve des Amazones, en se prévalant des concessions de leur roi et « pour le maintien et l'augmentation de la Colonie de Cayenne», comme il est dit dans les instructions du Président Rouillé, en date du 11 décembre 1697, ils se heurtèrent aux Portugais. Ceux-ci s'opposèrent à la pénétration des Français dans leur ter-
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ritoire qui, selon le Portugal, s'étendait au delà de l'Amazone et du Cap de Nord jusqu'à la rivière de Vincent Pinçon. Ils se mirent à construire des forts pour défendre leur possession où ils avaient déjà quelques missions. L e conflit entre la France et le Portugal ne tarda pas à éclater.
Tout d'abord les Français , venant de Cayenne et rencontrés aux alentours du Cap de Nord, sont pris par les Portugais et expulsés du pays, pendant qu'à Cayenne les autorités continuent à autoriser des Français à se rendre dans ce territoire jusqu'au fleuve des Amazones, et notamment à y faire le commerce avec les Indiens. L e conflit s 'aggrave du moment que les Français élèvent leurs protestations contre l'établissement des forts construits par les Portugais sur la rive gauche de l'Amazone, qu'ils demandent la destruction des ouvrages de défense, l'abandon du territoire par les Portugais « attendu que toute la rive septentrionale de l'Amazone appartenait de droit à Sa Majesté Très Chrétienne», tandis que les Portugais songeaient à de nouvelles mesures pour protéger leurs possessions. Pierre-Eléonor de la Ville de Ferrolles, qui en 1688 alla de Cayenne remettre la « sommation » de la France au commandant du fort portugais sur la rive gauche de l'Araguary, relate en ces mots l'accueil qu'il y reçut : « Il me demanda ensuite ce que j'estois venu faire. J e dis que j'estois venu scauoir pourquoy ils s'esta-blissoient sur les terres du R o y qui estoient separées des leurs par le fleuve des Amazones. Ce qui l'estonna, disant que le capitaine-major de Para auoit encore des ordres de construire des forts plus prez de nous, et que les terres du Roy son maistre s'estendoient jusques a la Riviere Pinson, que nous appelons Ouyapoque. » L'attaque infructueuse tentée par de Ferrolles en mai 1697 contre les forts portugais sur l'Amazone marque la phase aiguë de la querelle.
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Sur ces entrefaites, on recourut aux voies diplomatiques pour mettre fin au litige ; en même temps les parties, après avoir recueilli des données historiques et géographiques, exposaient leurs prétentions dans les mémoires de 1698 et 1699.
L e traité du 4 mars 1700 régla provisoirement la question. Il s'agissait de «l'affaire de la rivière des Amazones», ainsi que le faisait remarquer fort bien le négociateur français, le Président Rouillé; aussi son mémoire de janvier 1698, qu'il remit au gouvernement portugais, était-il intitulé : « Mémoire contenant les droits de la France sur les pays scituez à l'oüest de la riviere des Amazones. » Ce n'était donc pas la frontière de la rivière Vincent Pinçon, appelé « Ouyapoque » par les Français de Cayenne, qui aux yeux de la France formait l'objet du litige, mais bien la frontière de l'Amazone ; et l'instruction remise à l'Ambassadeur de France à Lisbonne lui recommandait d'obtenir des Portugais qu'ils reconnussent « que la rivière des Amazones serve de borne aux deux nations et que les Portugais laissent aux François la possession libre de la partie occidentale de ses bords». Le Portugal opposait à cette prétention la revendication de la rive gauche de l'Amazone jusqu'au « Rio de Oyapoca ou Vincente Pinson, como querem os Castelhanos, ou Rio Fresco como mostrão muitos roteiros e cartas ».
Les mémoires ainsi que les documents et cartes communiqués à l'arbitre établissent à l'évidence que, lors de la conclusion du traité du 4 mars 1700, les Etats contractants, par Rivière d'Oyapoc dite de Vincent Pinçon, n'ont pas entendu désigner et n'ont pas en fait désigné d'autre cours d'eau que l'Oyapoc actuel, immédiatement à l'ouest du Cap d'Orange.
Les différences d'orthographe du nom Oyapoc n'avaient aucune importance; en effet, l'Oyapoca ou Oyapoc de la
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réponse du Portugal de 1698 s'appelle Yapoco dans la réplique de la France de février 1699, probablement parce que de la Barre et d'autres auteurs français le dénommaient ainsi, tandis que la duplique du Portugal écrit : Ojapoc (Oyapoc) ou Oviapoc (Wiapoc ou Yapoc) ; c'est le même cours d'eau qui figurera dans le traité d'Utrecht sous le nom Japoc, que de Ferrolles écrit Ouyapoc ou Ouyapoque, tandis que les Hollandais et les Anglais employaient plutôt les expressions Wiapago, Wiapoco, Wyapogo, Wayapoco, Wajabego, etc. Or, pour les Français, cet Oyapoc était l'Oyapoc actuel du Cap d'Orange. De Ferrolles le dit clairement dans son rapport du 20 juin 1698, quand, voulant établir la différence entre l'île d'Ouyapoc (Hyapoc) et la rivière de ce nom, il fait observer au sujet de celle-ci : elle « est dans la Guyanne au deçà du Cap de Nord à quinze lieues de nos habitations de Cayenne ». Déjà même, en 1688, dans son rapport sur son expédition vers l 'Araguary, il avait décrit exactement sous le nom d'Ouyapoque le fleuve qui se jette dans l'Océan à l'ouest du cap d'Orange, sans connaître ni nommer aucun autre cours d'eau de ce nom dans le contesté entre Cayenne et l'Amazone. Bien plus, il n'eut aucune objection quelconque à faire, ainsi qu'il résulte de son entretien avec le commandant portugais du fort sur l 'Araguary, contre l'identification du Pinson, la rivière frontière portugaise (Vincent Pinçon) et de son propre Ouyapoque (c'est-à-dire l'Oyapoc du Cap d'Orange). Son objection ne visait pas cette identification, mais simplement la fixation de la frontière à l'Oyapoc du Cap d'Orange, parce qu'il revendiquait pour la France la frontière de l'Amazone.
Des délibérations qui eurent lieu entre 1698 et 1700 se dégage la même conclusion. A la revendication par les Portugais de la frontière Oyapoc-Vincent-Pinçon, les Français n'opposent pas cette objection: il n'y a pas d'identité
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entre l'Oyapoc et le Vincent Pinçon, car l'Oyapoc est la rivière qui coule près du Cap d'Orange et le Vincent Pinçon est un cours d'eau plus rapproché de l'Amazone. Les Français s'attachent plutôt à démontrer que le Vincent Pinçon est une rivière imaginaire ; les Portugais, disent-ils, n'ont aucun droit à revendiquer l'Oyapoc comme rivière frontière; en outre, cette frontière serait inutile et insuffisante; il existe d'ailleurs dans l'Amazone une île du nom d'Oyapoc (Yapoco), elle peut servir de frontière entre le Portugal et la France. On voit clairement que pour les Français, lorsqu'ils ont à s'occuper de la frontière de la rivière d'Oyapoc, il s'agit de l'Oyapoc d'eux connu, de l'Oyapoc du Cap d'Orange et non d'une autre rivière. Aussi les Portugais se bornent-ils à répondre dans leur duplique : il n'existe pas d'île d'Oyapoc dans l'embouchure de l'Amazone, les auteurs et les cartes signalent l'existence d'une rivière Vincent Pinçon qui n'est autre que l'Oyapoc ; cette frontière de l'Oyapoc n'est d'ailleurs, à l'égard même de la France, ni inutile ni insuffisante, pas plus qu'elle ne le fut autrefois lorsqu'elle constituait la limite de l'Espagne et du Portugal.
Il importe toutefois de retenir que les Portugais étaient loin d'être renseignés avec exactitude sur la position de l'Oyapoc du Cap d'Orange, pour eux le Vincent Pinçon. Mais on attachait si peu d'importance à connaître exactement la position de la rivière revendiquée comme frontière par les Portugais, que le mémoire français de janvier 1698 ne contient sur la latitude aucune des indications figurant dans le mémoire sur lequel il se basait.
On conçoit que les Français connussent l'Oyapoc mieux que les Portugais, puisque, pour atteindre l'Amazone, ils devaient passer près de l'Oyapoc et du Cap d'Orange; pour les Portugais en revanche, cette rivière frontière était fort éloignée.
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Une fois que les négociations eurent abouti à obliger les Portugais à raser tous leurs forts sur la rive gauche de l'Amazone et que la possession du Contesté fut déclarée « indecise entre les deux Couronnes», la France n'avait plus d'intérêt à ne pas délimiter le Contesté de manière à lui donner l'Amazone pour frontière méridionale, conformément à sa propre revendication, et l 'Oyapoc (Ojapoc) ou Vincent Pinçon pour frontière septentrionale et occidentale, conformément à la revendication du Portugal. L a France avait atteint le but qui lui importait le plus, le libre accès de l'Amazone. Elle n'avait pas à redouter que les Portugais avançassent vers Cayenne. Mais rien n'indique que l 'Oyapoc o u Vincent Pinçon du traité provisionnel du 4 mars 1700 fut un autre cours d'eau que celui que les débats préliminaires font connaître sous ce nom, savoir l 'Oyapoc d'aujourd'hui.
I V .
On s'en tint à la convention du 4 mars 1700. L'article 9 du traité avait prévu que la question des frontières, Amazone ou Oyapoc-Vincent-Pinçon, serait éclaircie et définitivement tranchée selon les nouvelles données qui devaient être recueillies, mais cette disposition resta lettre morte, et le 18 juin 1701 le traité provisionnel de l'année précédente fut converti en un traité définitif et perpétuel.
L a France considérait cet acte comme une concession qu'elle devait faire au Portugal à cause de la situation politique générale. Aucune réserve ou exception n'ayant été stipulée, il faut admettre que la dénomination adoptée en 1701 « terres du Cap de Nord, confinant à la rivière des Amazones » (article 15, première rédaction, ou article 6, seconde rédaction du traité), ne peut pas viser autre chose que le territoire du Contesté, tel que le délimitait le traité provisionnel, auquel on se référait expressément.
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Ce que le Portugal avait en vain demandé à la France en 1701, savoir la renonciation de cette Puissance « à toute prétention des terres du Cap de Nord confinant à la rivière des Amazones », et s'étendant « jusqu'à la rivière de Vincent Pinson autrement dit de Oyapoc », il se le fit garantir le 16 mai 1703 dans son traité d'alliance avec l'Empereur, l'Angleterre et les Pays-Bas. L'article 22 de ce traité d'alliance stipule expressément : « . . . pax fieri non poterit cum Rege Christianissimo, nisi ipse cedat quocumque Jure, quod habere intendit in Regiones ad Promontorium Boreale vulgo Caput de Norte pertinentes et ad ditionem Status Maranonii spectantes, jacentesque inter Fluvios Amazonium et Vincentis Pinsonis ». L e Portugal désignait la rivière devant servir de frontière septentrionale sous le nom qu'il lui donnait d'habitude, rien ne l'engageait à y ajouter la dénomination adoptée par les Français pour la même rivière. L a désignation « Regiones ad Promontorium Boreale vulgo Caput de Norte pertinentes » est la traduction aussi exacte que possible du terme « T e r r e s du Cap de Nord».
L e traité de 1703 donne au Contesté la même étendue que les traités de 1700 et de 1701, et le traité d'Utrecht du 11 avril 1713 ne peut être interprété différemment.
Cela ressort directement des articles 8 et 9 du traité d'Utrecht, où le traité provisionnel de 1700 est déclaré nul et de nulle vigueur, où le même territoire dont avait disposé ce traité provisionnel est définitivement attribué au Portugal et où ce territoire, le Contesté, est désigné selon les mêmes termes que ceux dont s'étaient servis les traités antérieurs « terres appellées du Cap du Nord et situées entre la riviere des Amazones et celle de Japoc ou de Vincent Pinson ». Cette opinion est corroborée par l'article 12 qui fait défense aux Français « de passer la riviere de Vincent Pinson, pour negocier.... dans les terres du Cap du Nord» ;
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cette dénomination ne vise pas d'autre territoire que celui délimité par l'article 8. En conséquence, les terres françaises de Cayenne commencent sur la rive gauche et nord-ouest du Vincent Pinçon des Portugais ou du Japoc des Français et c'est pourquoi l'article 12 précité stipule en outre : « Sa Majesté Portugaise promet.... qu'aucuns de ses sujets n'iront commercer a Cayenne ».
L'origine des articles du traité d'Utrecht que l'arbitre doit interpréter est expliquée dans toute une série de documents dignes de foi ; l 'arbitre a puisé clans toutes ces pièces la conviction que par le J a p o c ou Vincent Pinson de l'article 8, on ne peut pas entendre une autre rivière que celle à laquelle se rapportent les traités de 1700 et de 1703, donc pas d'autre cours d'eau que l 'Oyapoc actuel du Cap d'Orange.
Au fond, les parties sont d'accord pour reconnaître qu'il ne saurait être attaché aucune importance à la différence d'orthographe de J a p o c et d'Oyapoc ; dans les délibérations qui ont abouti à la conclusion du traité, on a écrit indifféremment Yapoco, Oyapoco, Oyapoc (Ojapoc). L a dénomination J a p o c est due probablement à ce que les plénipotentiaires portugais à Utrecht, qui connaissaient la rivière sous le nom de Vincent Pinçon, rédigèrent les articles du traité, et, d'après la forme usuelle pour eux, firent alors du Yapoco des cartes françaises, un Japoc .
Il résulte des négociations que l'intervention de l'Angleterre a valu au Portugal des clauses favorables, en premier lieu l'attribution du Contesté et l'interdiction faite aux Français de naviguer sur l'Amazone. Cette ligne de conduite était dictée aux Anglais par leur propre intérêt et aussi par le respect des obligations que le traité de 1703 leur imposait à l'égard du Portugal.
Dès le début des négociations, le Portugal, se prévalant du traité d'alliance de 1703 et ce nonobstant le
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traité du 4 mars 1700, demandait que la France renonçât à son profit à toute prétention sur les « Terres du Cap du Nord situées entre la Rivière des Amazones et celle de Vincent Pinson » ; sa demande avait incontestablement pour objet le territoire dont, en 1700, la possession avait été déclarée « indecise entre les deux couronnes » et dont la frontière vers Cayenne était formée par l'Oyapoc actuel du Cap d'Orange. L a France, en revanche, entendait d'abord maintenir l'état de choses antérieur à la guerre et observait: « quant aux domaines de l'Amérique, s'il y a quelques différends à régler, on tâchera d'en convenir à l'amiable » ; plus tard, les plénipotentiaires français au congrès d'Utrecht avaient pour instruction de réclamer la frontière de l'Amazone et, au cas où ils ne pourraient pas l'obtenir, d'insister sur ce point « que les François auront la liberté entière de la Naui-gation dans la Riviere des Amazones», en même temps que le traité provisionnel de 1700 resterait en vigueur «jusqu'a ce qu'on soit convenu deffinitivement des Limites de la Province de la Guyanne »; mais si cette convention venait à ne pas être conclue dans le délai d'une année à partir du traité de paix, le fleuve des Amazones deviendrait la frontière.
L e Portugal qui avait complètement confié la défense de ses intérêts à l'Angleterre fut soutenu par cette Puissance. Lord Bolingbroke fit savoir au Marquis de Torcy, ministre français des Affaires étrangères, que la reine d'Angleterre avait pris à l'égard du roi de Portugal « par traité des engagements plus solides qu'à l'égard de tout autre allié » ; à Londres, ce fut principalement le ministre portugais José da Cunha Brochado qui fit valoir avec succès les prétentions du Portugal ; il exposa combien le traité provisionnel de 1700 avait été préjudiciable au Portugal, en imposant au roi de Portugal de « s'abstenir de l'an-
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cienne Possession et de la jouissance des Terres , qu'il possedoit, situées depuis la Riviere appelée Yapoco jusques au Cap du Nort de la Riviere des Amazones inclusive», «au grand prejudice de son ancien Domaine, avec si peu de seureté pour le reste du Maragnan » ; il faisait ressortir que le maintien de ce traité de 1700 amènerait de nouvelles disputes et de nouvelles querelles. L 'Angleterre était disposée à prendre contre la France la défense de la prétention du Portugal sur le Contesté, cela en ce sens « que les Français abandonnent totalement ces terres-là, pour les éloigner du voisinage du Brési l» , mais les égards qu'elle avait pour la France firent qu'elle ne mit toute son énergie à soutenir cette prétention que du moment où, au cours des négociations, la France réclama pour ses ressortissants la libre navigation sur l'Amazone et présenta cette demande comme étant pour elle la plus importante.
L e s rapports sur la mémorable conférence d'Utrecht, du 9 février 1713, à laquelle ont pris part les plénipotentiaires français, portugais et anglais, démontrent — et cela mérite d'être relevé — que la contestation au sujet de la latitude de l'embouchure de la rivière frontière aurait pu naître alors, si l'on avait attaché quelque importance à connaître exactement cette latitude. Mais comme tel n'était pas le cas, la question ne devint pas aiguë. Il faut toutefois insister sur ce point: en 1713, pas plus qu'en 1700 et dans les années précédentes, la question actuellement litigieuse n'existait et elle n'existait pas par cette raison : l'on était d'accord sur l'identité du J a p o c (Oyapoc) et du Vincent Pinçon et d'accord aussi que sous ce nom, il fallait entendre une seule et unique rivière et cette rivière était l 'Oyapoc d'aujourd'hui, l 'Oyapoc du Cap d'Orange.
L a discussion du 9 février 1713 montra bien que les Français et les Portugais n'étaient pas du même avis
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touchant la latitude de l'embouchure de ce cours d'eau. Deux prétentions étaient en présence : le Brésil réclamait le Contesté, la France le maintien du traité provisionnel de 1700, subsidiairement le partage du Contesté, avec la clause que la libre navigation de l'Amazone serait garantie aux ressortissants français. Et quand le partage fut discuté, les Portugais déclarèrent l'accepter en principe ; ils exigeaient cependant que le traité même traçât la ligne frontière de manière que celle-ci atteignît la côte par 3 3/4 ° de latitude nord ; partant du point de vue que leur carte, qui donnait au Vincent Pinçon ou Oyapoc une latitude nord de 3 3/4 °, était plus exacte et plus précise que les cartes françaises, qui plaçaient la rivière beaucoup plus au nord, ils estimaient que ce partage leur vaudrait non seulement tout le Contesté, mais encore une frontière sûre et indiscutable à l'avenir. Mais les Français étaient opposés à ce mode de partage; en premier lieu, un partage immédiat ne leur convenait pas; ils préféraient un partage auquel il aurait été procédé après la conclusion de la paix, sur place ou ailleurs, par des commissaires des deux Etats ; en outre, ils n'agréaient pas le projet, parce que la part qu'il attribuait au Portugal leur paraissait trop grande. Parlant des plénipotentiaires portugais, ils rapportent : « I l s . . . se reserverent toujours, non seulement la plus grande partie des costes jusqu'au cap de Nort, mais encore tous les bords de la riviere des Amazones, jusqu'au fort le plus reculé, qu'ils avoient avant 1700. »
Ce qui importait le plus aux Français, c'était la libre navigation de l'Amazone. Leurs plénipotentiaires le disent clairement dans le rapport qu'ils adressaient à Louis X I V sur la conférence du 9 février 1713: « L a première chose que nous demandames fut la liberté de la navigation poulies sujets de Vostre Majesté dans la riviere des Amazones. »
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Et Louis X I V qualifie la liberté de navigation sur l'Amazone de « condition fondamentale » qui seule le déterminera à entrer en matière sur le projet de partage du Contesté. L a divergence des opinions sur la latitude de la rivière frontière perdit toute importance, du moment que la France , au lieu d'obtenir la libre navigation fut obligée d'y renoncer expressément ensuite de l'ultimatum de l 'Angleterre, des 17 février — 6 mars 1713, en même temps qu'elle devait abandonner au Portugal tout le Contesté tel qu'il avait été délimité par les précédents traités. Les Français acceptèrent le J a p o c (Oyapoc) ou Vincent Pinçon comme étant le cours d'eau frontière visé par le traité de 1700, cela sans restriction ni réserve. L a réserve que Louis X I V fit stipuler, lors de la signature du traité d'Utrecht, concernait non l'identité du Vincent Pinçon et de l 'Oyapoc actuel, mais la liberté de navigation de l'Amazone ; c'était là le but qu'il se proposait, il ne tenait pas à une ligne frontière au sud-est de l 'Oyapoc actuel et qui n'eût pas atteint l'Amazone.
V .
L e litige, tel qu'il existe actuellement entre les parties, est né depuis la conclusion du traité d'Utrecht, en un espace de temps relativement court.
L e conflit surgit lorsqu'en 1723, le Gouverneur français de Cayenne, Claude d'Orvilliers, tout en reconnaissant encore l 'Oyapoc actuel comme étant la frontière adoptée par le traité d'Utrecht, revendiqua pour la France le territoire entier de l'embouchure de ce cours d'eau, par la raison que le traité d'Utrecht avait attribué au Portugal les terres du Cap de Nord seulement et non pas celles du Cap d'Orange. Il estimait qu'on pouvait d'un commun accord prendre le Cachipour pour limite. D e son côté,
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j o ã o da Maya da Gama, gouverneur portugais à Para, soutenait, en invoquant la découverte faite en 1723 par João Paes do Amaral d'une borne frontière entre les possessions espagnoles et portugaises sur la Montagne d'Argent, qui est sur la rive gauche de l'Oyapoc, que « les territoires du Roi Très-Chrétien commencent à la dite pointe appelée Comaribô, qui se trouve à l'Ouest de la rivière de Vicente Pinçon et non pas au Cap d'Orange... attendu que celui-ci se trouve à l'Est, et que toute l'embouchure de la rivière de Vicente Pinçon laquelle est et forme la limite des deux territoires appartient au Roi mon Maître». Les deux parties partent donc du même cours d'eau comme cours d'eau frontière, c'est-à-dire de l'Oyapoc du Cap d'Orange, mais non pas du thalweg de ce cours d'eau; elles revendiquent par contre le terrtoire sis de l'autre côté.
Tandis que le Portugal renoncera tôt après à toute prétention sur la rive gauche de l'Oyapoc, il n'en sera pas de même de la part des autorités françaises à Cayenne. En 1726 déjà, d'Orvilliers tire argument de la «Baie de Vincent Pinson » qui devient pour la suite du litige d'une grande importance ; il considère la frontière du Cachipour comme une concession à faire au Portugal et motive son opinion en ces termes : « Quoique la Baie de Vincent Pinson soit plus au Sud que la Rivière de Cachipour, je conviendrai, pour le Roi mon Maître, que nos limites soient à la Rivière de Cachipour ; cette Rivière ne dépend nullement des terres dites du Cap du Nord, qui sont celles que le Roi a cédées par le dernier traité au Roi de Portugal ; mais comme la Rivière de Vincent Pinson, autrement nommée Oyapoc, est petite, je crois que le Roi ne désapprouvera pas que nous placions la limite à la Rivière de Cachipour, qui est une grande rivière».
L'exposé historique a démontré que cette argumentation ne peut pas se concilier avec l'article 8 du traité d'Utrecht;
5 3
8 3 9
il suffit d'avoir signalé les premiers faits auxquels se rattache le litige actuel. Ceux-ci ne sauraient rien changer aux constatations qui se dégagent des débats qui ont précédé le traité d'Utrecht et qui fixent le sens véritable et précis de son article 8. L'histoire des rapports qu'ont entretenus depuis 1713, au sujet de la question de la frontière, les autorités françaises de Cayenne et les autorités brésiliennes de Pará d'une part, puis, d'autre part, le Gouvernement français et le Gouvernement portugais, remplacé plus tard par le Gouvernement brésilien, n'a d'autre intérêt pour l'arbitre que de démontrer avec une entière clarté, quelle est l'origine du litige actuel et de quelle manière les parties, au cours du conflit, ont formulé et défendu leurs prétentions. Il n'est pas nécessaire de revenir encore sur cette partie de l'histoire de la contestation, pas plus que sur les œuvres cartographiques sur lesquelles elle exerça son influence; ces points ont été examinés d'une manière approfondie dans l'exposé historique et géographique.
V I .
Après qu'en 1822, le Brésil se fut séparé du Portugal pour devenir un Etat indépendant et eut été reconnu comme tel par les puissances, il se trouva à l 'égard de la France , en ce qui concerne le Contesté, dans la même situation que le Portugal jusqu'alors. Aucun désaccord n'existe sur ce point entre les parties.
VII.
L'examen auquel l'arbitre s'est livré l'a conduit à adopter, en conformité de la demande formulée par le Brésil dans l'article 1 e r du traité d'arbitrage, l 'Oyapoc d'aujourd'hui comme devant former la frontière extérieure ou
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maritime entre la Guyane française et le Brésil. Cette décision entraîne le rejet de la revendication par la France de la frontière de l'Araguary. Il y a lieu de même d'écarter comme frontière tout autre cours d'eau coulant entre l'Araguary et l'Oyapoc. Ce résultat se trouve confirmé, sous tous les rapports, par l'examen de chacune des questions d'ordre purement géographique.
L'exposé géographique a montré comment un seul et même cours d'eau a reçu des noms différents, le nom de Vincent Pinçon de la part des Espagnols et des Portugais, le nom d'Oyapoc, très diversement orthographié d'après la dénomination primitive d'origine indienne, de la part des Anglais, des Hollandais et des Français. Il montre aussi que les indications de la latitude de cette rivière variaient beaucoup selon les divers géographes et les diverses cartes géographiques, mais que l'identité du cours d'eau n'en peut pas moins être établie grâce aux « montagnes » qui, situées à l'ouest de son embouchure, le signalent, grâce aussi à la détermination de sa position et à la nomenclature reproduite dans les cartes.
Il reste acquis pour l'arbitre que la cartographie espagnole et portugaise du X V I e siècle, depuis le Padron real de Chaves de 1536, entend par le Rio de Vicente Pinzon accompagné de « Montañas », l'Oyapoc actuel du Cap d'Orange. V e r s le milieu du X V I e siècle, un fleuve nouveau et important fut introduit dans les cartes, en premier lieu par Nicolas Desliens et Sebastiano Cabotto, qui l'empruntèrent à la relation qu'Orellana avait donnée de son voyage. Il figura sur les cartes comme un cours d'eau distinct du Marañon déjà connu et au nord-ouest de celui-ci. Or les cartes identifiaient le Marañon connu avec l'Amazone d'aujourd'hui, lui donnaient une position presque analogue, et le nouveau fleuve étant également identifié
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avec l'Amazone, il s'en suit que la position du nouveau fleuve était inexacte ; il devait forcément être déplacé trop au nord-ouest, parce que le reste du littoral n'avait subi aucun changement. L e Rio de Vicente Pinzon, abstraction faite du fleuve nouvellement introduit, garda l'ancienne position que lui avait donnée Chaves ; il était en conséquence beaucoup plus rapproché du nouveau cours d'eau que de l'ancien Marañon. Mais quelques géographes reconnurent bientôt l 'erreur ainsi commise, et, en 1558 déjà, Diogo Homem remet le Rio de Vicente Pinzon avec les Montañas, à la distance primitive et exacte, du fleuve des Amazones. L e représentant le plus autorisé de la cartographie portugaise de la seconde moitié du X V I e siècle, V a z Dourado, se rallia à cette opinion, ainsi que Gérard Mercator dans ses mappemondes, établies d'après les cartes de l'école de Séville, qui firent connaître universellement et transmirent au X V I I e siècle le nom du Rio de Vicente Pinzon.
L a description que donna B . M. Parente vers 1630 et la donation qui lui fut octroyée en 1637, démontrent avec une assez grande certitude, ainsi que l'explique l'exposé géographique, que le Rio de Vicente Pinzon et l 'Oyapoc sont un seul et même cours d'eau. En revanche, les cartes de J o ã o Teixeira ne peuvent pas servir à déterminer la position du cours d'eau frontière, par le motif qu'elles ne figurent cette partie du littoral que d'une manière absolument insuffisante.
L'exposé géographique réfute aussi les divers arguments developpés par la France à l'appui de la frontière de l 'Araguary. Il est démontré que cette prétention n'est pas fondée, par la raison qu'il est impossible d'établir que l 'Araguary ait eu autrefois une seconde embouchure et qu'il n'a pas été constaté de fait permettant d'admettre
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l'identification du Rio de Vicente Pinzon avec un bras septentrional, aujourd'hui disparu, de l'Araguary. L'Ara-guary a son embouchure au sud du Cap de Nord, tandis qu'incontestablement le Rio de Vicente Pinzon se jette dans l'Océan au nord-ouest du Cap de Nord. Et de tout temps, on a fait une distinction entre ces deux cours d'eau.
C'est ensuite d'une fausse combinaison que la Baie de Vincent Pinçon figure sur la carte dressée en 1703 par Guillaume de l'Isle et plus tard notamment sur celle de L a Condamine, au débouché septentrional du Canal actuel de Carapaporis ; cette erreur provient, d'après les documents versés au débat, de celle qu'a commise Robert Dudley dans son interprétation du rapport que Keymis avait fait de son voyage, et des fausses notions qu'avaient au sujet de l'Amazone Desliens, Cabotto et d'autres.
Outre les mémoires de 1698 et 1699, ce sont notamment la carte dressée par le père Fritz en 1691 et la description du père Pfeil qui montrent que le Portugal, à la fin du X V I I e siècle et lors de la conclusion du traité de 1700, identifiait le Rio de Vicente Pinzon et l'Oyapoc d'aujourd'hui. Sur la carte du père Fritz, qui suit en général la nomenclature indienne, le Rio de Vicente Pinzon prend la place de l 'Oyapoc; le père Pfeil identifie expressément le Vincent Pinzon avec l'Oyapoc, en relevant que c'est toujours le même cours d'eau, qu'on l'appelle Rio Pinçon ou Wiapoc, ou Yapoc, ou Vaiabogo, ou Oyapoc. L a rivière dont il parle est l'Oyapoc d'aujourd'hui, car il dit : il se jette dans la mer en formant une belle baie et son eau douce se perd entre les deux célèbres promontoires du Mont-d'Argent et du Cabo d'Orange. Il est d'ordre secondaire que le père Pfeil, à l'exemple de tant d'autres géographes, indique une latitude inexacte, car c'est le cours d'eau et non la latitude qui revêt de l'importance.
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VIII.
A teneur du traité d'arbitrage et en conformité des explications ci-dessus, la frontière extérieure ou maritime va jusqu'à la source principale de l 'Oyapoc d'aujourd'hui, à moins que le Brésil ne puisse donner un fondement juridique à la prétention qu'il a articulée aux fins d'obtenir une frontière intérieure passant par le parallèle de 2° 24'. Mais le Brésil n'a pas réussi à justifier sa prétention, par la raison que le seul argument qu'il invoque est tiré de la convention de Paris du 28 août 1817; mais ce moyen, de l'aveu général, n'est pas définitif; il n'est que provisoire. Or comme il s'agit en l'espèce de la revendication d'une frontière définitive, la convention de Paris doit être écartée du débat.
Il y a lieu de remarquer en outre qu'une ligne frontière déterminée d'après un parallèle, constitue une limite artificielle, que l'arbitre ne saurait adopter si elle ne peut pas se fonder sur un titre.
L a limite intérieure que la France revendique dans le traité d'arbitrage, et qui devrait suivre une ligne parallèle au cours de l'Amazone jusqu'au Rio Branco, manque, elle aussi, de base juridique.
Il est exact que la ligne parallèle qu'elle revendique aujourd'hui, la France l'a déjà en principe réclamée sous la forme de la « ligne de M. de Castries » ; mais pour que l'arbitre pût attribuer à la F r a n c e cette ligne parallèle, il serait nécessaire qu'elle fût basée sur une convention ou sur un autre acte incontestable.
Ce titre fait défaut ; car c'est à tort que la France estime que l'article 10 du traité d'Utrecht n'a cédé au Portugal qu'une bande de terre relativement étroite le
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long des bords, tandis que le vaste territoire qui se trouve derrière cette bande serait resté à la France.
L e traité d'Utrecht se borne à édicter : « les deux bords de la riviere des Amazones, tant le meridional que le septentrional, appartiennent.... a Sa Majesté Portugaise ». Il ne parle pas d'une bande de terrain le long des bords, mais des bords même ; il ne stipule pas davantage que le territoire qui s'étend derrière la bande côtière appartient à la France, pas plus qu'il ne dit que les terres qui sont derrière les bords sont cédées au Portugal. Il dispose en termes identiques des deux bords ; une interprétation restrictive du terme « bords » ne paraît admissible ni pour l'un ni pour l'autre côté du fleuve.
L'allégation de la France qu'elle est fondée à revendiquer, en vertu d'une possession effective, les territoires qui sont limités par la frontière intérieure qu'elle propose, n'est pas confirmée par des faits.
Par ces motifs, l'arbitre doit, en ce qui concerne la frontière intérieure, adopter la « solution intermédiaire » convenue par les parties dans l'article 2 du traité d'arbitrage.
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E. SENTENCE
Vu les faits et les motifs ci-dessus,
L e Conseil fédéral suisse,
en sa qualité d'arbitre appelé par le Gouvernement de la République française et par le Gouvernement des Etats-Unis du Brésil,
selon le traité d'arbitrage du 10 avril 1897, à fixer la frontière de la Guyane française et du
Brésil, constate, décide et prononce :
I.
Conformément au sens précis de l'article 8 du
traité d'Utrecht, la rivière Japoc ou Vincent Pinçon
est l 'Oyapoc qui se jette dans l 'Océan immédiatement
à l'ouest du Cap d'Orange et qui par son thalweg
forme la ligne frontière.
I I .
A partir de la source principale de cette rivière
Oyapoc jusqu'à la frontière hollandaise, la ligne de
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partage des eaux du bassin des Amazones qui, dans
cette région, est constituée dans sa presque totalité
par la ligne de faîte des monts Tumuc-Humac, forme
la limite intérieure.
Ainsi arrêté à Berne dans notre séance du 1 e r décembre 1900.
L a présente sentence, revêtue du sceau de la Confédération suisse, sera expédiée en trois exemplaires français et trois exemplaires allemands. Un exemplaire français et un exemplaire allemand seront communiqués à chacune des deux parties par les soins de notre Département politique ; le troisième exemplaire français et le troisième exemplaire allemand seront déposés aux Archives de la Confédération suisse.
Au nom du Conseil fédéral suisse :
Le Président de la Confédération,
Hauser.
Le Chancelier de la Confédération,
Ringier.
T A B L E D E S M A T I È R E S
Page A. Les éléments du litige 5
I . L e t r a i t é d ' a r b i t r a g e 5 I I . L a p r o c é d u r e 19
I I I . L e t e r r i t o i r e c o n t e s t é 2 5 1. V u e g é n é r a l e 2 5 2 . L e s f r o n t i è r e s r e v e n d i q u é e s p a r l e s p a r t i e s 5 5
B. Exposé historique 6 2 I. L ' é p o q u e a n t é r i e u r e au t r a i t é provis ionne l du 4 m a r s 1700 . 62
a) A p e r ç u h i s t o r i q u e g é n é r a l 6 2 b) A c t e s de possess ion de l ' E s p a g n e et du P o r t u g a l et
donat ions fa i tes p a r ces p a y s 8 1 c) A c t e s de possess ion fai ts p a r l a F r a n c e e t c o n c e s s i o n s
f r a n ç a i s e s 128 d) L e s n é g o c i a t i o n s de L i s b o n n e , de 1698 et 1699, et l e
t r a i t é prov is ionne l du 4 m a r s 1700 184 I I . D e p u i s 1700 j u s q u ' à l a conc lus ion du t r a i t é d ' U t r e c h t , 11 avr i l
1713 2 3 4 I I I . L ' h i s t o i r e du l i t i g e depuis 1713 323
C. Exposé géographique 462 I . I n t r o d u c t i o n 462
1. P r e m i è r e c o n n a i s s a n c e du t e r r i t o i r e c o n t e s t é . . . . 464 2. D é v e l o p p e m e n t de l a c a r t o g r a p h i e de l ' A m é r i q u e du
S u d j u s q u ' a u c o m m e n c e m e n t du X V I I e s i èc le . . . . 483 3 . M é t h o d e suiv ie d a n s l ' e x a m e n des a n c i e n n e s c a r t e s . . 510
I I . C a r t e s à n o m e n c l a t u r e r o m a n e 5 2 2 1. D e J u a n de l a C o s a à O r e l l a n a 5 2 2
a) C a r t e de J u a n de l a C o s a , de 1500 522 b) L e R i o de V i c e n t e P i n z o n des plus a n c i e n n e s
c a r t e s 532 c) M a r - D u l c e - M a r a ñ o n 578
— 8 4 9 —
Page 2 . L ' A m a z o n e d ' O r e l l a n a e t l e d é v e l o p p e m e n t de l a c a r t o
g r a p h i e j u s q u ' à l a fin du X V I e s i è c l e 5 9 4 a) C a r t e s de S e b a s t i a n o C a b o t t o e t de D i e g o G u t i e r r e z ,
de 1544 e t 1550 5 9 4 b) C a r t e s p o r t u g a i s e s et f r a n ç a i s e s du m i l i e u du
X V I e s i è c l e 6 0 9 c) A u t r e s c a r t e s du X V I e s i è c l e 6 3 8
3 . C a r t e s p o r t u g a i s e s e t e s p a g n o l e s du X V I I e s i è c l e . . 671
I I I . C a r t e s à n o m e n c l a t u r e i n d i e n n e . 1598-1703 6 8 8 1. A p e r ç u g é n é r a l 6 8 8 2 . L e C a p de N o r d , c a p i n s u l a i r e . L e « R i o A r o w a r y »
c o n s i d é r é c o m m e b r a s de m e r . 6 9 5 3 . L e C a p de N o r d , l ' î l e de M a r a c a , l e b r a s s e p t e n t r i o n a l
de l ' A r a g u a r y e t l e s c o n d i t i o n s h y d r o g r a p h i q u e s du C o n t e s t é 709
4 . F i n i s B a y e 721 5 . L ' I w a r i p o g o et l a q u e s t i o n du R i o de V i c e n t e P i n z o n .
L e s c a r t e s de R o b e r t D u d l e y 722 6 . L ' O y a p o c des c a r t e s du X V I I e s i è c l e 727 7. L e s c a r t e s du P . S a m u e l F r i t z , de 1691 e t 1707, et l a
c a r t e de G u i l l a u m e de l ' I s l e de 1703 7 3 5
I V . C a r t e s p o s t é r i e u r e s a u t r a i t é d ' U t r e c h t 742 1. A p e r ç u g é n é r a l des c a r t e s p o s t é r i e u r e s a u t r a i t é . . . 7 4 3 2. C a r t e s u t i l i s é e s d a n s l e s n é g o c i a t i o n s de l a p a i x de 1750
e n t r e l ' E s p a g n e e t l e P o r t u g a l 7 5 0
V . « T e r r e s a p p e l l é e s du C a p du N o r d , e t s i t u é e s e n t r e l a r i v i e r e des A m a z o n e s , e t c e l l e de J a p o c , ou de V i n c e n t P i n s o n . » A r t . V I I I du t r a i t é d ' U t r e c h t 7 5 5
1. L e s t e r r e s a p p e l é e s du C a p du N o r d 7 5 5 2. J a p o c 760
a). L e p a y s d ' Y a p o c o de J e a n M o c q u e t 761 b) L ' O y a p o c de l ' A r r i c a r i , P r e m i e r O y a p o c du C a p
de N o r d 767 c) L e s T é m o i n s du n o m d ' O y a p o c d a n s l a B a i e d e
V i n c e n t P i n s o n 7 7 0 d) L ' O y a p o c s u d de l a T e r r e d ' O y a p o c , D e l t a de
l ' A r a g u a r y 7 7 1 e) L ' O y a p o c de l ' î l e de M a r a j ó 7 7 2
f) L ' î l e d ' O u y a p o c de F e r r o l l e s 7 7 3 g) L ' O y a p o c à l ' é p o q u e du t r a i t é du 4 m a r s 1700,
d ' a p r è s l a c o n c e p t i o n f r a n ç a i s e 7 7 6
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Page 3 . V i n c e n t P i n ç o n 7 8 0
a) R é s u l t a t s de l ' e x a m e n des c a r t e s 780 b) L e M é m o r i a l de B e n t o M a c i e l P a r e n t e , de 1630
envi ron , et les L e t t r e s R o y a l e s du 14 j u i n 1637 . 785 c) L e s n é g o c i a t i o n s de 1698 e t 1699 et l e t r a i t é pro
v i s i o n n e l du 4 m a r s 1700 794 V I . L a l i m i t e i n t é r i e u r e 8 1 5
D. Exposé des motifs 821
E. Sentence 8 4 5
A N N E X E S
P l a n c h e n° 1 : C a r t e g é n é r a l e de l a G u y a n e . » » 2 : R e c o n s t i t u t i o n du P a d r o n r e a l d ' A l o n z o de C h a v e s 1536. » » 3 : P a r t i e o r i e n t a l e du L i t t o r a l g u y a n a i s . » » 4 : R o u t i e r de P a e s do A m a r a l 1723. » » 5 : C a r t e de S e b a s t i a n o C a b o t t o 1544.
T a b l e a u I : C a r t e s de T e i x e i r a et M é m o r i a l de P a r e n t e , n o m e n c l a t u r e l e l o n g de l a c ô t e .
I I : C a r t e s de T e i x e i r a et M é m o r i a l de P a r e n t e , n o m e n c l a t u r e à l ' i n t é r i e u r de l ' e m b o u c h u r e du fleuve des A m a z o n e s .
I I I : C o m p a r a i s o n des d o n n é e s du M é m o r i a l de P a r e n t e a v e c l e s c a r t e s m o d e r n e s et a v e c l e s c a r t e s de T e i x e i r a .
E R R A T A
Page Ligne 24 16 en remontant, au lieu de: éclaicissements, lisez : éclaircissements. 36 9 au lieu de : ainsi que de la jonction, lisez : ainsi que la jonction. 39 4 » qui passe devant, lisez: qui passent devant. 43 9 en remontant, au lieu de : figure, comme, lisez: figure comme. 44 7 au lieu de : carte n° 3 de la R. F . , lisez: carte n° 3 de R. F. 57 13 » par laquelle la R. F . , lisez : par laquelle R. F. 57 15 en remontant, au lieu de : D'autre part, la R. F . , lisez : D'autre part, R. F. 59 6 au lieu de : La R. F . , page, lisez : R. F., page. 60 11 » dans la R. F., lisez : dans R. F. 64 15 en remontant, au lieu de : qu'en était-il, pour, lisez : qu'en était-il pour. 72 17 au lieu de hispano-portugais donnant, lisez : hispano-portugais, donnant. 74 13 en remontant, au lieu de : presqu'immédiatement, lisez : presque immédia
tement, 74 11 » » mis la main, lisez: mit la main. 81 17 au lieu d e : presqu'en, lisez : presque en.
132 8 » les pleins pouvoirs, lisez: des pleins pouvoirs. 181 9 » construit les forts, lisez : construit le fort. 185 4 en remontant, au lieu de : d'ailleurs R. F. I, lisez: d'ailleurs M. F. I. 189 8 » » presqu'identité, lisez: presque identité. 194 9 » » carte de 1698, indique, lisez : carte de 1698 indique. 202 6 » » du Brésil, lisez : du Portugal. 223 1 au lieu de : fut réglée, lisez : fût réglée. 240 14 » indiquée par, l isez: indiquées par. 260 8 » n'opposèrent pas, aux, lisez: n'opposèrent pas aux. 281 6 en remontant, au lieu de : désignant, lisez : désignent. 324 1 au lieu d e : presqu'impossibilité, lisez : presque impossibilité. 365 8 » quelqu'exagérés, lisez: quelque exagérés. 634 3 » 1568 ; ce sont, lisez: 1568, savoir. 680 10 en remontant, au lieu de : quelquesfois, lisez : quelquefois. 718 4 » » on pourrait obtenir, lisez : on peut obtenir. 800 5 » » lépoque, lisez : l'époque.