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INNOCENT FETZE KAMDEM
LA RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR MARITIME DE: MARCHANDISES AU NIVEAU INTERNATIONAL
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l'université Lavai
pour l'obtention du grade de
maître en droit (LL.M.)
FACULTÉ DE DROIT WVERSITÉ LAVAL
Québec, Canada
DÉCEMBRE 1999
O Innocent Fetze Kamdem, 1999
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AVANT-PROPOS
Nos sincères remerciements aux professeurs Nicole LACASSE et Alain
PRUJCI'ER, ainsi qu'aux familles KAMDEM, LELL, PETIT et TARDIF. Puissent-ils
trouver dans ce mémoire le fruit de leur soutien multiforme.
Aujourd'hui. l'encadrement piuriel de la responsabilité du transporteur maritime de
marchandises au niveau international contraste avec l'importance de sa participation au
développement des échanges commerciaux. Cette responsabilité se trouve en effet régie
tantôt par les Règles de La Haye. tantôt par les Règles de La Haye-Visby et tantôt par les
Règles de Hambotrrg. Tous ces textes traduisent certes une réelle volonté d'uniformiser le
régime international de la responsabiiité du transporteur, mais force est de constater qu'en
bout de ligne. leur application simultanée n'a pas permis d'atteindre la réelle harmonisation
recherchée. Le présent mémoire ayant pour ambition de faire le point sur le cadre juridique
international de cette responsabilité du transporteur maritime de marchandises, c'est de tous
ces textes uniformes que nous avons puisé le droit substantiel pertinent. En principe, les
matériaux juridiques qui le composent sont à jour au 30 novembre 1999.
iii
TABLE DES MATIÈRES
Page
AVANT-PROPOS.. .......................~.................................................... i
TABLE DES MATIÈRES ....................................................................... iii
TITRE 1 : L'ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITÉ DUTRANSPORTEURMARITIME: ............................~....-......................... 4
CHAPTRE 1 : L'ASSUJETTISSEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR MARITIME À UNE MULTITUDE DE RÉGMS INTERNATIONAUX.-. ...................................................... 6
La Convention internationale pour l 'unification de certaines règZes en matière de connaissement de 1924 et ses modificationssubséquentes ............................................................ 8
............... 1 . La Convention initiale du 25 août 1924 (Règles de La Haye).. 8 ..................... 2. Les versions subséquentes de la Convention de Bruxelles 10
2.1. La Convention de Bruxelles de 1924-1 968 (Règles de La Haye-Visby)- ................................................... 10
2.2. La Convention de Bi-uxelles de 1924-1968-19 79 (Règles de La Haye- Visby modifiées par le Protocole de Bruxelles du 21 décembre 19 79). ................................................................. 1 1
II. La Convention des Narions Unies sur le transport des marchandises par mer ....................... signéeàHarnbourgle31 mars 1978(RèglesdeHambourg) 12
m. Les Conventions internationales nationalisées. ...................................... 15
IV. Les conventions internationales apparentées au régime de la responsabilité du transporteur maritime.. ............................................. 18
CHAPITRE 2 : LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITÉ .......................................................... DUTRANSPORTEURMARJTIME 20
1. L'unanimité sur la présomption de responsabilité dans Ia Convention de Bruxelles et ses versions modifiées. .................................................. 2 1
1 . La limitation adoucie de la Convention de Bruxelles aux dommages matériels ............ .. ................................................. 62
2 . L'extension méticuleuse des dommages dans les Règles de Hambourg ...... 67
TITRE 2 : LES PARTICULARITÉS &DUCTRICES DE LA R E S P O N S A B L ~ DU TRGNSPORTEUR MARITIME ........................................................... 71
CHAPITRE 1 : LA LMITATION DE LA RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEURMARITIME ............................................................... 72
1 . La matérialisation du droit à limitation de la responsabilité du . . transporteur mantirne .................................................................... 1 . La limitation propre à la responsabilité du transporteur maritime ............
1.1. Les limites variables de la Convention de Bruxelles ...................... ....................................... 1.1.1. L'énoncé des limites disparates
1.1.2. L'imperfection croissante des dispositions limitatives ............. .. ....................... 1.2. Les limites originales des Règles de Hambourg ..
.................................................... 1.2.1. L'exposé des limites 1.2.2. La critique du système de limitation des Règles de Hambourg ...
2 . La limitation de la responsabilité du transporteur en tant qu'armateur ..................................................................
............................... 3.1. Le plafond établi par la Convention de 1976 2.2. La complexité des mécanismes de définition des limites .................
II . La perte du droit à limitation ........................................................... 89 . . 1 . La perte par renonciation ........................................................... 89 2 . La perte par déchéance ............................................... ,. ............ 91
CHAPITRE 2 : L'EXONÉRATION DE RESPONSABLITE DU TRANSPORTEURMARITIME ............................................................... 99
1 . Les cas exonératoires du transporteur sous l'empire de la ConventiondeBrtaelles ................................................................ 99 1 . La kyrielle de cas exceptés .......................................................... 100 2 . La mise en échec du pouvoir libératoire ............................................ 110
.............. II . Les circonstances libératoires prévues par les Règles de Hambourg 112 ........................................... . 1 La réduction du nombre de cas exceptés 112 ............................................ 2 . Le renversement du pouvoir libératoire 116
.................................................................................... CONCLUSION 118
CONVENTIONS INTERNATIONALES CONSULTÉES ET CITÉES .................. 128
INTRODUCTION
Au début de ce XXC siècle, le transport des marchandises par mer participait d'une
aventure humaine. Aujourd'hui, les risques inhérents à ce type de transport ne semblent pas
plus élevés que ceux de toute autre activité humaine. L'importance du transport maritime
dans les échanges entre les peuples étant restée la même puisqu'il constitue l'un des
premiers véhicules de Ia mondialisation dont on ressent davantage les effets présentement,
nous avons entrepris de mener une étude sur la responsabilité du transporteur maritime de
marchandises au niveau international.
C'est à l'occasion de l'exécution d'un contrat de transport que peut naître cette
responsabilité. En effet, en vertu d'un tel contrat, un professionnel appelé transporteur
s'engage à déplacer par mer les marchandises qui lui ont été remises d'un point à un autre
en contrepartie d'une somme d'argent, le fret payé par une autre personne dénommée
chargeur. Comme l'obligation du transporteur ne s'achève qu'avec la délivrance des
marchandises objet du transport au destinataire' dans un état identique à celui dans lequel il
les a reçues du chargeur, sa responsabilité peut être engagée s'il a manqué d'exécuter
convenablement les obligations contractuelles à lui imparties.
Cependant, la responsabilité survenue à l'occasion d'un cabotage c'est-à-dire d'un
contrat de transport intervenu dans les eaux territoriales ou côtières d'un Etat ne nous
intéressera père dans cette étude. Les règles applicables au cabotage relèvent des droits
nationaux et n'ont pas été uniformisées au niveau international. Aussi, notre étude se veut
axée sur la responsabilité du transporteur partie à un contrat dont «l'une des composantes
' Voir René RODTÈRE, Traité général de droit maritime - Aflrètements & transports, t 2, «Les contrats de transport de marchandises», Paris, Dalloz, 1968, na 400, p. 22. Ainsi, le contrat de transport maritime est un contrat bipartite lorsque le chargeur est en même temps le destinataire. Mais, du moment où chargeur et destinataire sont deux personnes diffdrentes comme c'est le cas dans les ventes intemationaies avec les Incoterms 1990 en «C». le contrat de transport devient une opération tripartite.
(...) relève d'un Etat différent de celui ou de ceux dont relèvent les autres composant es^^', étant entendu que cette composante peut être une partie contractante, un tiers intéressé ou
un lieu3. En clair, nous ne couvrirons que la responsabilité du transporteur intervenant lors
de l'exécution d'un contrat de transport dit international-
Par ailleurs, notre étude porte certes sur la responsabilité du transporteur de
marchandises, mais nous n'entendons pas pour autant aborder la responsabilité du
transporteur pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ou pour dommages
nucléaires. De même, ne nous attarderons-nous que très furtivement sur la responsabilité
liée au transport des marchandises dangereuses, inflammables ou explosives dans la mesure
où la responsabilité du transporteur est en jeu4. En outre, nous n'ambitionnons pas de
couvrir les questions relatives à l'assistance, au sauvetage ou à la contribution aux avaries
communes.
Au demeurant, bien que l'énoncé de notre sujet ne le laisse pas entrevoir, nous ne
traiterons pas non plus de la mise en œuvre procédurale de la responsabilité du transporteur
d'une part et des problèmes nés de la participation des intermédiaires à l'opération de
transport d'autre part. Etendre notre recherche à ces aspects importants de la responsabilité
du transporteur nous aurait amené à excéder considérablement les exigences que présente la
rédaction du seul mémoire de maîtrise. Cependant, te fruit de la recherche que nous
souhaitons exposer dans ce mémoire constitue le préalable substantiel de toute étude
relative à la procédure de mise en œuvre de la responsabilité du transporteur.
Ib., na 733, p. 36 1. fb., pp. 36 1-362. La rcsponsabilité relative au transport des marchandises dangereuses ct autres matières explosives est très
souvent cclle du chargeur. D'ailleurs, cette responsabilité fait l'objet d'une rdglemenration spéciaie. Voir chapitre 7 de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOUS) signée à Londres le l a novembre 1974 et ses modifications subséquentes de 1978 et de 1988. Voir &galement Jcan- Michel FABRE (dir.), Lamy tramport, 25' éd., t, 3, «Marchandises dangereuses, transports intérieurs et intcmationaux», Paris, Lamy, 1999, p. 1345 et suiv. ; Aline F.M. Dc BIÈVRE, ~Liability and Compensation for Damage in Connection With the Carriage of Hazardous and Noxious Substances by Se-, (1986) J Mar. L. & Corn. 61 et suiv. et Stephen D. GIRVIN, ~Shipper's Liability for the carriage of dangerous Cargoes by Sca>p, [ 19961 L. M.C.L. Q. 487-5 18.
Cela étant, nous nous proposons de centrer notre recherche sur les règles de fond qui
gouvernent la responsabilité du transporteur maritime à l'échelle internationale- Il s'agira
alors de voir dans quelle mesure le transporteur maritime répond de ses faits et actes vis-à-
vis de l'ayant droit aux marchandises qu'il a entrepris de déplacer. À cette fin. sous le
précieux éclairage de la doctrine et de la jurisprudence canadiennes, américaines, anglaises
et françaises5, nous scruterons tous les textes internationaux pertinents.
mais, en cette matière, common law et droit civil ont souvent des approches qui
diffèrent et de5ouchent parfois sur des règles juridiques différentes. Il faudra donc éviter
l'écueil de l'amalgame entre les diverses vues. C'est l'un des défis que nous avons entendu
relever quoiqu'il faille reconnaître que la nature civiliste de notre formation juridique n'a
pas manqué d'orienter notre jugement à maints égards.
Le respect de ces balises nous permettra d'aborder la responsabilité du transporteur
de marchandises au niveau international en deux temps : l'encadrement juridique (titre 1) et
les particularités réductrices de la responsabilité du transporteur maritime (titre 2).
-- -
' L'ordre suivi dans cette Cnurnthtion ne présage cependant pas de I'importancc que nous accorderons à l'une ou à I'autrc de ces sources.
TITRE 1 :
L'ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITÉ DU
TRANSPORTEUR MARITIME
Au niveau international, la responsabilité du transporteur maritime de marchandises
baigne dans un magma conventionnel aux dispositions juridiques à la fois classiques et
originales. Classiques, parce qu'elles traitent le transporteur maritirne comme étant, avant
tout un débiteur d'une certaine prestation contractuelle au même titre qu'un transporteur
terrestre, aérien ou ferroviaire. Originales, en ce sens qu'elles tiennent grandement compte
des particularités des activités du transporteur maritime puisque celui-ci évolue dans un
espace qui n'est pas des plus favorables au genre humain.
Nous avons précédemment parié de magma conventionnel. Hyperbole ? Peut-être !
Mais, sans exagérer outre mesure, c'est bien à cela que ressemble a prion le cadre juridique
de la responsabilité du transporteur de marchandises en droit maritime international6. À cet
égard, nous verrons tour à tour que cette responsabilité est assujettie à une multitude de
régimes internationaux (chapitre 1). Aiissi ne faut-il pas s'étonner que son fondement
6 Le droit maritimc international diffcre sensiblement du droit maritjme national puisque ce dernier couvre notamment le cabotage. Ainsi en est-il du droit maritime canadien que la Cour Suprême du Canada a dkfini dans l'arrêt ITO - International Terminal Operators Lrd c. Miida Electronics er al. (également connue sous le nom de Buenos Aires Mm). [1986] 1 R.C.S. 752, 754. La Cour a statué que le adroit maritime canadien» est dbfini à l'article 2 (et subsidiairement aux paragraphes 1 et 2 de l'article 22) de la Loi sur fa CowfédéraIe, L.R. 1985, c. F-7 et wxmprend le droit ( 1 ) dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridiction d'amirauté, en venu de la Loi sur l'Amirauté ou de quelque autre loi, ou (2) qui en aurait relevé si ccttc cour avait eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté». En clair, l'expression adroit maritime canadien» ne réfère à aucun droit provincial. Elle s'entend de l'ensemble dcs règles de droit appliquées en Angleterre par la Haute Cour, en sa juridiction d'amirauté avant 1934 (1 89 1 serait plus appropriée selon le professeur Tetley). Cependant, les textes hérités de l'Angleterre à cette date peuvent avoir été modifiés par te parlement fédéral ou. il l'occasion. ont été interprétés différemment au gré de l'évolution de la jurisprudence. Pour une analyse des conséquences de cette définition, voir André BRAËN, üLe bi-juridisme et l'uniformisation du droit maritime au Canada», (1998) 16 Annuaire de droit maritime et océunique 3 1,3945.
(chapitre 2) et son étendue (chapitre 3) changent souvent à la faveur de t'application d'un
régime pIutôt que d'un autre.
CHAPITRE 1 :
L'ASSUJETTISSEMENT DE LA RESPONS.~BILITÉ DU TRANSPORTEUR A
UNE MULTITUDE DE RÉGIMEs INTERNATIONAUX
Il sera ici question de recenser les bases juridiques internationales sur lesquelles
repose la responsabilité du transporteur de marchandises par mer. Comme le sujet a trait
aux opérations se déroulant essentiellement sur la scène internationale, même si les
personnes impliquées ressortissent avant tout d'un pays envers lequel elles répondent
normalement de leurs faits et actes, il nous a paru judicieux de scruter le corpus des normes
internationales afin de rechercher s'il y existait un instrument juridique uniforme destiné à
régir cette responsabilité. Cette recherche nous a permis de constater que dès après le
Harfer AC^^ adopté aux Etats-Unis d'Amérique en 1893, ladite responsabilité du
transporteur a effectivement fait l'objet de plusieurs travaux fructueux ayant pour but
d'élaborer un régime international uniforme.
Par la suite, la grande révolution soutenue par l'introduction du conteneur dans les
activités maritimes, les changements politiques mondiaux concrétisés notamment par la
décolonisation et l'empressement des nouveaux Etats à adapter les conventions
internationales existantes à leurs nouveaux intérêts8 n'ont pas manqué d'entamer la
dynamique d'harmonisation en cours depuis plusieurs décennies déjà.
À dire vrai, comme l'a majestueusement souligné le professeur Vialard en faisant
un rapprochement avec le personnage central de Le mythe de Sisyphe. essai sur 1 'absurde
7 Harfer Act, Ch. 105.27 Stat. 445 (1893) codifié à 46 U.S. Code App. art. 190-196 (1988). Claire LEGENDRE. <<La Convention des Nations Unies sur le vanspon de marchandises par mem. (1978) 30 D.M. F. 387,388.
d'Albert camus9, «la poursuite de cette uniformité internationale s'apparente à un labeur
auquel Sisyphe lui-même aurait très bien pu être condamné au Leu et place de son
obligation de pousser sans fin, au sommet de la montagne, le rocher qui, à l'approche du 10 sommet, ne manque jamais de retomber à son point de départ» .
En effet, l'uniformisation est rendue difficile essentiellement pour deux raisons. La
première repose sur I'existence actuelle d'une pléiade de Conventions qui, tantôt se
complètent parce qu'elles répondent à la nécessité d'adapter et de moderniser les textes
internationaux déji existants, tantôt se disputent le marché1' des entrées en vigueur dans les
droits positifs nationaux. La seconde raison se trouve dans un phénomène de achauvinisme
juridique>." et se traduit par une certaine nationalisation des conventions internationales-
En conséquence, on compte aujourd'hui dans le monde quatre principaux régimes
internationaux de la responsabilité du transporteur de marchandises par mer. Dans un ordre
chronologique, ces régimes résultent des quatre textes conventionnels de 1924, 1968, 1978
et 1979. À nos yeux, d'autres régimes sont subsidiaires moins parce qu'ils s'appliquent à une
échelle réduite que parce qu'au fond, ce sont les quatre premiers qui leur procurent leur
s~bs tance '~ . Il en est ainsi d'un régime qui se distingue notamment par la nature particulière
de son unité monétaire14 ou par les apports qu'il a r eps d'un législateur national lors de son
adoption sous forme législative1'.
Albert CAMUS. Le mythe de Siqphe : essai sur I 'absurde, Paris. Gallimard, 1985. pp. 16 1- 168. 1 O Antoine VIALARD, (<Sisyphe et l'uniformisation internationale du droit maritime», (1999) 5 1 D.M.F. 213, 213. " Voir ib., 114-218. '' 16.. 214, " Nous verrons le bien-fond6 de ce caractère accessoire dans le passage qui traite des Conventions infernationales nationalisées. 14 C'est le cas de la Carriage ofGoods by Sea Act (COGSA), Ch. 229.49 Stat- 1207 (1936). 46 U.S. Code, art. 1300-1 3 15 (1988) aux Etats-Unis. Ce texte reprend substantiellement la Convention internationale pour l 'unification de certaines règles en matière de connuissement de Bruxelles (Règles de La Hqye) et pourtant son unité monétaire est le dollar américain et non la Livre Sterling. l5 Le régime mis sur pied au Canada par la Loi sur le vonsport des marchondisespar eau. L.C. 1993. c. 21 en est unc parfaite illustration.
Tous les pays ou presque'6 ont adopté l'un des régimes par le truchement de moyens
traditionnels qui vont de la ratification à l'adhésion en passant par l'acceptation,
I'approbation et l'incorporation avec ou sans modifications dans les législations nationales.
Trois régimes découlent directement de la Convention de Bruxelles de 1924 et des
modifications qui l'ont suivie (I). Le quatrième régime est celui de la Convention de
Hambourg de 1978 ( I I ) . Secondairement, mais non sans intérêt, nous verrons ce qu'il en est
de la nationalisation des Conventions internalionaies (III). Comme si cela ne suffisait pas,
cette même responsabilité du transporteur est subordonnée, par ailleurs, à des dispositions
originellement élaborées à des fins auxqueIIes elle n'est qu'apparentée (IV).
1. La Convention internationale pour I'un~;trcation de certaines règles en matière de
connaksement de 1924 et ses modifications subséquentes
Le tout premier régime international de la responsabilité du transporteur de
marchandises par mer ressort de la Convention de Bruxelles adoptée en 1924 (1). Depuis
Iors, celle-ci a successivement subi deux importantes modifications insufflées par les
Protocoles de BrtcxelZes de 1968 et de 1979 (2).
1. La Convention initiale du 25 août 1924 (Règles de La Haye)
La Convention internationale pour 1 'unification de certaines règles en matière de
connaissementi7 signée à Bruxelles, en Belgique le 25 août 1924 est l'œuvre du Comité
Maritime International (cMT)18. Nous ne reviendrons pas sur la genèse de cette Convention
'' Voir William TETLEY..«Le régime juridique du transport des marchandises par eau : l'uniformisation du droit en péril». (1998) 16 Annuaire de doit maritime el océanique 95, 104-107 qui publie une étude faite par l'avocat américain George F. Chandler III en octobre 1997 et htt~://www.uncitral.ordfr-index.htm (à jour au 2 septembre 1999) qui rapportent que la Colombie, la République dominicaine, le Vatican, la Mauritanie, la Slovaquie, l'Uruguay et ie Venezuela n'ont adopté - par quelque moyen que ce soit - ni les Règles de L a Haye, ni les Rigles de La Haye-Visby modifiées ou non, ni celles de Hambourg. 17 COMITÉ MARITIME INTERNATIONAL. Conventions internationales de droit maritime : textes - International Conventions on Maritime L a w : Texrs, Bruxelles, Cornit6 Maritime International, 1987, pp. 42- 53. Ccttc Convenrion comprend 16 articles. Mais, le siège de la matière se trouve dans les 10 premiers articles 18 Le CM1 a été créé en 1897 à Anvers, au Pays-Bas. Comme l'indique son nom, c'est une structure qui rassemble en son sein une quarantaine d'associations nationales de droit maritime. C'est donc sans surprise que l'on dit de la vingtaine de conventions internationales dont il est le maître d'œuvre qu'elles porîent l'estampille des armateurs avec tous les écarts qui peuvent en résulter. Mais depuis 1967, ses pouvoirs juridiques s'effritent considérablement au profit de l'organisation maritime internationaie (OMI) et de la Commission des Nations-unies sur le cornmcrce et le développement (CPUZTCED).
que de brillants esprits ont suffisamment Cette Convention est habituellement
dénommée aRègles de La Haye» ; à ton semble-t-il2'. Néanmoins, par souci de commodité,
nous conserverons cette appellation.
Bien qu'environ soixante-dix pays n'aient jamais ratifié les Règles de L a ~ u y e " ,
dès que celles-ci sont entrées en vigueur le 2 juin 1931, elles ont connu pendant une
quarantaine d'années une période faste au cours de laquelle la responsabilité du
transporteur maritime était presque uniformément encadrée à l'échelle internationale. On se
serait attendu à ce qu'elles soient définitivement modifiées dès 1968, mais elles semblent
avoir résisté au temps car nombreux sont les pays qui continuent de les appliquer soit en
intégralité, soit en substance seulement".
Au fond, les Règles de L a Huye ont un caractère pour le moins atypique car elles se
veulent différentes de toute autre convention intemationaie. En effet, l'article 3 (8) des
Règles de L a Haye en consacre le caractère impératif puisque sont réputées nulles et non
avenues toutes stipulations du connaissement qui y contreviennent en atténuant ou en
obviant à la responsabilité du transporteur maritime".
19 Voir R. ROD&RE, op. cit., note 1, no 736, p. 365 ; William TETLEY, Marine Cargo Claims, 3' éd., ~Monuéal. Editions Yvon Blais, 1988. p. 69. 20 Ccrtains auteurs français pensent qu'il est impropre de donner Ie nom de Règles de L a Haye à la Convenrion de 1921. Voir notamment R. RODIÈRE, op. cii.. note 1, no 736, p. 365 et Marthe REMOND-GOUILLOUD, Droit marifime, Paris, Pedone. 1988, na 510, p. 293. L'argument de taille qu'ils avancent est que la Convention de 1924 n'a aucun lien avec la ville de La Haye notamment parce qu'elle n'y a pas vu le jour. '' A. VIALARD, /oc. cit., note l0, 215.
Voir W. TETLEY. /oc. cit., note 16, 104-107. Voir également A. VIALARD, toc. ci!.. note 10, 215 et htt~://www.uncitral.ordfr-index-htm (à jour au 2 septembre 1999). On y apprend que les Règles de La Haye sont en vigueur dans environ 52 Etats qui sont : Algérie, Angola, Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Bangladesh, Belize, Bolivie, Bulgarie. Cap Vert. Côte d'Ivoire. Cuba, Chypre, Fidji, Dominique, Estonie, Etats-Unis d'Amérique (Carriage of G o o k by Sea Act (COGSA), 1936, 4 6 U.S. Code, art. 1301 -1 3 15). Ghana, Goa. Grcnadc, Guinée-Bissau. Guyane, Iles Maurice, îles Salomon, han, Jamaïque, Kiribati, Koweït, Macao, Madagascar, Malaisie, Malte, Monaco, Mozambique, Nauru, Papouasie Nouvelle Guinée, Paraguay, Pérou, Philippines, République démocratique du Congo, Sao Tome e t Principé, Sarawak, Seychelles, Slovénie, Somalie, St. Christophe et Nevis, St. Vincent-et-ies Grenadines, Ste Lucie, Taïwan, Timor, Trinité-et-Tobago, Turquie et Tuvalu.
Voir notamment en France Cass. corn., 7 déc. 1983, no 8 1 - 14.489, (1984) B. T. 414 ; au Canada, Ontario Bus Industries Inc. c. The Federal Calumet, (1992) 150 N. R. 149 ( Fed. C.A.). Ce faisant, la Convention de Brzaeltes limite considérablement la liberté contractuelle cn matière de uansport maritime. Voir pIus généralcment à cet égard Jan RAMBERG. «Freedom of Contract in Maritime Law», (1993) L.C.M.L.Q., 178 ct suiv.
C'est dire que, en principe, les dispositions que renferment les Règles de La HqYe
ont un caractère impératif2" qu'elles ont conservé malgré le double assaut juridique de 1968
et de 1979.
2. Les versions subséquentes de la Canvenrion âe Brurelles
En vertu de leur article 16, les Règles de La Haye hirent modifiées à deux reprises.
La première modification survint en 1968 (2.1) et la seconde suivit onze ans plus tard (2.2).
2.1. La Convention de Bruxelles de 1924-1968 (Règles de La Haye- Vuby)
C'est sous l'égide du Comité Maritime International (0 que le Protocole portant
rnodrfication de la convention internationale pour f'un~jication de certaines règles en
matière de connaissemenf5 a été signée à Bruxelles le 23 février 1968. Rédigé dans la ville
suédoise de Visby, ce Protocole est, à juste titrez6, communément dénommé «Règles de
Iiisby>>. Le Protocole de 1968 a donc deâouché sur ce qu'on connaît aujourd'hui comme
étant tantôt les Règles de La Haye- Visby, tantôt la Convention de Bnaelfes de 1923-1968.
En vigueur depuis le 23 juin 1977 conformément à son article 13, ce Protocole n'a
pas emporté l'adhésion de tous les pays qui appliquaient déjà les Règles de La ~ ~ e " . À
peine était-il applicable que son succès lui fùt ravi par une modification intervenue en
'' Pierre-Yves NICOLAS. uLes Rtgles de Hambourg devant les tribunaux français », (1998) 50 D.M.F. 547. 560-56 1. 25 C O M ~ MARITIME YrlTERNATIONAL. op. cit., note 17, pp. 54-61. Ce Protocole de 1968 comporte 17 articles. Toutefois, Ic ccrur de la matière réside dans les 5 premiers articles.
René RODIÈRE, *La responsabilité du transporteur maritime suivant Ics Règles de Hambourg 1978 (Le oint de vue d'un juriste latin)», (1978) 30 D.M.F. 451,45 1 .
II faut dire à ce sujet que l'article 6 de ce Protocoie prkvoit qu'entre les parties qui l'appliquent. la Convenrion ainsi amendée sera considérée ci interprétéc comme un seul instrument. Cependant, une partie au Prorocole ne sc verra pas obligée d'appliquer les dispositions du Protocole aux connaissements délivrés dans un Etat Partie à la Convention de 1924 mais n'étant pas partie au Protocole. L'article 7 précise par la suite qu'entre les parties au Prolocole, la denonciation de la Convention de 1924 par une partie au Protocole ne doit pas être comprise comme une dénonciation de la Convention modifiée. À elles seules. ces deux dispositions constitucnr une importante source de dificultés que nous examinerons dans le passage relatif à l'étroitesse du champ d'application de la Convention de Bnaelles.
1979 ; de sorte que les Règles de La Haye-Visby constituent en soi le droit positif d'environ
cinq pays
2.2. La Convention de Bruxeffes de 292449684979 (Règles de La Haye-Viby
modifiées par le Protocole du 21 décembre 1979)
Initié par le Comité Maritime International (C.M.I.). le Protocole portant
mod~j?cotion de la convention internationale pour l'unijication de certaines règles en
matière de connaissement telle qu'amendée par le protocole de modijcution du 23 février
1968~~ a été adopté à Bruxelles, le 21 décembre 1979 en vue, notamment, de remplacer
l'unité monétaire des Règles de La Haye-Visby, le franc Poincaré avaleur OF par les droits
de tirages spéciaux (D.T.s.)~' du Fonàs Monétaire International (F.M.I.). C'est pourquoi, il
reçut très vite le diminutif de <<Protocole des droits de tirages spéciaux>>. On désigne le
régime qui en a résulté de Convention de Bruxelles de 1924-1968-1979 ou de Règles de La
Haye- Visby telles que modifiées par le Protocole de 1979.
Conformément à son article 8, ce Protocole de 1979 est entré en vigueur le 14
février 1984. Assurément, c'est le régime international de la responsabilité du transporteur
2s Voir W. TETLEY, /oc. cit., note 16, 104-107. Voir également A. VIALARD, [oc. cit-. note 10, 215 et htr~://www.uncitnl.ordfr-index.htm (à jour au 2 septembre 1999). On y apprend que les Règles de La Huye- Visby sont en vigueur dans les pays suivants : Équateur, Singapour, Sri Lanka, Syrie et Tonga. " COMITÉ MARITIME INTERNATIONAL. op. cit., note 17. pp. 62-67. Ce Protocole est composé de 1 ! articles dont le deuxième est consacré à la matikre même de la responsabilité du transporteur maritime. Pour un iextc de la Convention de Bruxelles à l'issue des Protocoles de 1968 et de 1979, voir (1987) 39 D M F . 562 ct suiv. 30 Lc droit de tirage spécial (D.T.S.) créé en 1969 est l'unité de valeur utilisée par le Fonds Monetaire International (F.M.I.) et ses 182 pays membres (au 10 août 1999 selon les données disponibles sur le site électronique httu://www.imf.ora/extema~/nu/seclmcmdirlme.htm#total) pour assurer un certain Equilibre monétaire entre la valeur des différentes monnaies nationales de façon à pondérer les hausses et les baisses de chacune dcs monnaies nationales. Même s'iI ne circule pas comme monnaie d'échange, le D.T.S. représente depuis le 28 février 1999 la valeur commerciaIe moyenne des quatre monnaies nationales les plus fortes et les plus sollicitées dans le commerce mondial. Ces monnaies sont : le dollar américain (Etats-Unis), I'Euro (cn remplacement du mark allemand et du franc français), le yen (lapon) et la livre Sterling (Grande- Bretagne). Idéalement, quand la valeur d'une ou de deux de ces quatre monnaies baisse, celle des autres devrait grimper de telle rnaniere que les variations de l'une soient absorbées par les autres et qu'en bout de ligne le D.T.S. lui, ne fluctue pas, du moins pas beaucoup. Voir plus généralement &DR Supplernents Existing Reservesn. (september 1999) 28 IMF Survey Supplement 26.26 et 27.
maritime le plus prisé aujourd'hui car les pays qui y ont souscrit pèsent par leur nombre3' et
leur importance3' dans la communauté maritime. Son étendue serait toutefois plus
considérable si la Convention de Hambourg ne lui avait pas quelque peu fait ombrage.
II. La Convention des Nations Unies sur le transport des marchandises par mer
signée à Hambourg te 31 mars 1978 (Règles de Hambourg)
Si la philosophie qui sous-tend la Convention de B I W X ~ Z Z ~ ~ ~ ~ s'inspire de la nécessité
de créer un droit adapté aux spécificités de l'industrie du transport maritime avec comme
corollaire une grande implication des praticiens dont la figure de proue fut le Comité
Maritime international, la Convention des Norions Unies sur le transport de marchandises
par mer3' signée à Hambourg l e 3 1 mars 1978 traduit quant à elle un changement ou une
volonté de changement de paradigme par un remplacement pur et simple des régimes de
Bruxelles ayant coun alors3'.
3 1 Voir W. TETLEY, loc. cir., note 16, 104-1 07. Voir e n outre A. VIALARD, loc- cd., note 10, 215 et htt~://www.uncitral.ordfr-index-htm (à jour au 2 septembre 1999). Nous avons pu y extraire cette liste des Etats qui appliquent les Règles de La Hqe-Visby telles que modifiées par le Protocole de 1979 : Allemagne (toutefois, les Règles de La Haye demeurent Ie régime applicable dans les relations avec les Etats qui les ont conservées), Argentine (en partie), Bahreïn (en partie), Belgique, Bermudes, Emirats arabes Unis, Espagne, Finlande, France, Gibraltar. Grande-Bretagne (Carriage of Goods by Sea Act 1971 ( U K 1971 c. 19) et Merchanr Shipping Act 1981 (U.K. 1981 c. 10. S. 2)). Grèce, Hollande, Hong Kong, Iles Caïmans, Iles Vierges, Islande, Israël, Italie, Japon, Lettonie, Luxembourg, Mexique, Montserrat, Norvège, Nouvelle- ZCIande, Pays-Bas, Pologne, Portugal (en partie), Qatar, Suède, Suisse, TurkdCaicos et Yernen. 32 Voir à ce sujet, le rapport de l'organisation Mondiale du Commerce sur les «Principaux exportateurs et imponatcurs participant au commerce mondial des marchandises (% I'exclusion du commerce intra-Union Européenne). 1 9 9 7 ~ sur htt~://www.wto.orelfrench/~tatisf/i06f.h~n En présumant que l'importance des exportations et des importations d'un pays est la preuve inéluctable de l'importance de ses activitds maritimes, une analyse dudit rapport montre que Ics pays ayant souscrit aux Règles de L a Haye comptent pour 27.1 % des exportations mondiales et 32.5% des importations mondiales. Les pays ayant adhér6 aux Régies de L a Haye- Vixby représentent 7.6% des exportations et 9% des importations alors que la part du lion revient aux pays qui ont opté pour tes Règles de La Haye-Visby telles que modifiées par le Protocole de 1979 avec 57% des exportations et 52.1% des importations. À l'opposé, les pays ayant adopté les Règles de Hambourg ne représentent que 5.5% des exportations mondiales et 6.9% des importations mondiales. '' Par Convenrion de Bruxelles tout coun. il faudra entendre les Règles de La Haye, les Règles de La Hqve- Visby et les Règles de L a Haye- Visby modifiées par le Prorocoie de 1979. 34 COMITÉ MARITME INTERNATIONAL, op. cite, note 17, pp. 400-427, (1978) 30 D.M.E 396 et suiv. Ccttc Convenrion contient 33 articles dont les 26 premiers recelent la substance du droit de la responsabilit6 du transporteur maritime. " Cette ambition se manifeste par l'obligation faite par i'article 3 1 de la Convention de Hambourg % tout Etat qui y adhère de dénoncer la version de la Convenrion de Brraelles qu'il appliquait jusque Iii.
En effet, la Convention de Hambourg est le résultat d'une forte pression exercée par
les nations de chargeurs, essentiellement pays en voie de développement, qui s'insurgent
contre la Comention de Bruxelles dont on dit qu'eue accorde une trop grande protection
aux intérêts des vieilles nations rnariti~nes'~. La preuve en est que la Convention de
Hambourg a été élaborée sous la houlette de la Commission des Nations Unies pour le droit
commercial international (CNUDCI) à la demande de la Conférence des Nations Unies sur
Ie commerce et le développement (CNUCED) au sein desquelles règnent pratiquement les
pays en voie de développement numériquement majoritaires.
Au-delà de ce ressentiment, il faut voir dans la Convention de Hambourg, que
l'annexe 3 in fine recommande d'appeler <&+$es de ffambourg)~, l'aboutissement d'un
effort de compromis3' entre les divers intérêts colossaux des transporteurs et des
Il faut également y voir un réel désir de combler les vides constatés dans les
différentes versions de la Convention de B ~ Z L X ~ Z I ~ S ~ ~ et une codification d'importantes
leçons jurisprudentielles déjà solidement assimiléesa.
Les Règles de Hambourg sont en vigueur depuis le 1- novembre 1992
conformément à leur article 30. Au 2 septembre 1999, elles étaient en vigueur dans 26
36 A. J. WALDRON, The Harnburg Rules - A Boondoggle for Lawyers », (1991) The Journal o/Business L a c f 305, 305 et C. LEGENDRE, foc. cil., note 8,388. 37 Pour un résurné des débats et discussions de la Conférence tenue a Hambourg sous l'égide des Nations unies du 6 au 3 1 mars 1978, voir C, LEGENDRE, foc. ci^, note 8. 387-395 ; J. C. SWEENEY. «Les Règles de Hambourg, point de vue d'un juriste anglo-saxon», (1979) 31 D.M.F. 323. 335 ; W. TETLEY, f i e Hamburg Rulcs : A Cornmentarym, (1979) L M C . L . Q 1, 1-5 ; R. RODIÈRE, [oc. cil-. note 26.45 1- 464. " J . C . SWEELEY, /oc. cil., note 37,323. 39 À titre d'illustration. les articles 10 et 11 des Règles de Hambourg posent de nouvelles règles tenant rcspectivcmcnt à la responsabilité du transporteur substitué et à celle du uansporteur ayant pris part à un transport successif. C'est aussi le cas des articles 21 et 22 qui énoncent tour à tour des régles salutaires de compétence et d'arbitrage. 4 0 Un exemple en est fourni par l'article 5 (7) des Régies de Hambourg qui enjoint au uansporteur attrait en justice d'identifier d'abord les différentes causes qui ont contribué aux dommages subis par la marchandise et de faire ensuite la part de celles qui lui sont imputables et de celles qui nc le sont pas, codifiant ipso facto la (<Vallcscura Rule» élaborée par la Cour Suprême des Etats-Unis dans l'affaire Schnefl & Co, c. S.S. Vallescura. 293 US. 296, 1934 AMC 1573 (1934).
pays'1. Pour la plupart, ces pays ont une réputation de chargeud2 et ne brillent pas par leur
participation au commerce mondial43.
Il est tout aussi notable de constater que certains pays comme le Canada ont adopté
les Règ/es de Hambourg tout en subordonnant leur entrée en vigueur à un texte
réglementaire pouvant survenir d'un moment à l'autre4. Une telle hésitation est riche
d'enseignements : l'adoption d'une Convention internat ionale doit répondre aux intérêts
des opérateurs économiques nationaux. Or, ces intérêts sont intimement liés à ceux de leurs
principaux partenaires économiques. C'est pourquoi un pays n'opte généralement pour l'un
des régimes évoqués que si les pays avec lesquels il entretient des relations économiques
majeures y ont également souscrit.
Quoi qu'il en soit, les Règks de Hambourg ont un caractère impératif en ce sens que
«toute stipulation figurant dans un contrat de transport par mer [...] est nulle pour autant
qu'elle déroge directement ou indirectement aux dispositions [contenues dans lesdites
~ è j l e s ] D'". D'ailleurs, contrairement à la Convention de Bruxelles, les Règles de Hambourg
semblent insister davantage sur leur caractère impératif puisqu'eiles y attachent une
sanction. Ainsi, lorsqu'une stipulation contractuelle contreviendra malgré tout à l'une
quelconque de ses dispositions et causera un préjudice à l'ayant droit aux marchandises par
sa seule nullité, celui-ci aura droit à l'application de l'une des sanctions prévues par
'' Voir W. TETLEY. foc. cit-, note 16, 104-107 qui compltte les données fournies par htt~://www.uncitral.ore/fr-index-htm (à jour au 2 septembre 1999). Sur la foi des données qu'ils contiennent. nous avons dénombré 25 Etats contractants à la Convention de Hambourg: Autriche, Barbade, Botswana, Burkina Faso, Cameroun, Chili, Égypte, Gambie, Géorgie, Guinée, Hongrie, Irak, Kenya, Liban, Lesotho, Malawi, Maroc. Nigeria, Ouganda, République tchèque. Roumanie, Sénégal. Sierra Leone, Tanzanie, Tunisie et Zambie. '" En témoigne I'emprcssement de nombre d'Etats enclavés de souscrire aux Règles de Hambourg puisqu'ils représentent le tiers des Etats contractants. 11 s'agit de l'Autriche, du Botswana, du Burkina Faso, de la Hongrie, du Lesotho, du Malawi, de l'Ouganda, de la RCpublique tchèque et de la Zambie. 53 Voir à cet égard, note 32 in fine. 44 Au Canada en effet, la Loi sur le transport des marchandisespar eau, L.C. 1993. c. 21 a adopté les Règles de Hambourg en sa Partie II, mais en a reporté l'entree en vigueur à une date qui sera fixée par un décret du gouverneur en conseil sur rccornmandation du ministre fkdéral des Transports (art. 10). L'attentisme est le k ~ m e en France où la loi no 81-348 du 15 avril 1981 (J.O. du 16 avril 1981) auiorise le président de la république ii ratifier la Convention de Hambourg ; l'autorisation étant restée sans suite. La situation est presque identique en Italie. " AR. 23 (1) des Règles de Hambourg. A cette disposition. il faut joindre I'article 22 (5) qui est aux mêmes fins.
l'article 23 (41~. Ce caractère impératif est habimeilement plus ferme dans les Iégislations
nationales.
III. Les Conventions internationales nationalisées
La nationalisation des Conventions internationales consiste tantôt en leur
incorporation dans les lois nationales, tantôt en leur interprétation à l'aide de moules
d'interprétation des lois nationales.
Le premier procédé de nationalisation s'entend de l'insertion avec ou sans
modification dans le texte de loi d'un pays de la Convention à laquelle ledit Etat a donné
effet. Parfois sous l'instigation de la Convention elle-mêmea7, plusieurs pays ont opté pour
ce procédé.
Les Etats adeptes de cette pratique y trouvent le moyen idoine d'adapter certaines
dispositions du texte international à leur contexte nationd8. On peut les regrouper en trois
catégories. Le premier groupe est constitué de l'Aruba, du Bonaire, du Brésil, du Pakistan,
du Panama, de Sabah, de St Martin et de la Russie qui appliquent essentiellement les Règles
de L a Haye. Le deuxième groupe est représenté par l'Afrique de Sud, l'Indonésie, la
Thaïlande et le Viêt Nam qui ont légiféré sur la base des Règles de La Huye- Visby. Le
56 L'article 23 (4) des Règles de Hambourg énonce à cet égard que le transporteur sera condamné à apaycr B L'ayant droit aux marchandises [...] l'éventuel complément de réparation dû afin d'obtenir la réparation de toute perte. dommage ou retard subi par les marchandises. En outre, [il devra] rembourser les fmis encourus par l'ayant droit. sous réserve que les frais encourus dans la procédure au cours de laquelle la [violation d'une disposition des Règles de Hambourg] est invoquée soient déterminés conformément à la ioi de I'Etat où Ia procédure a été engagée». Sur la question de savoir si ces sanctions ont un caractère sui generis ou non. voir le passage traitant de l'extension méticuleuse des dommages sous le rdgime de Hambourg. 5 7 Art. 16 des Règles de Visby notamment.
C'est le cas du Canada dont l'article 7 (2) de la Loi sur le transport des marchandises par eau. L.C. 1993, c. 2 1. cn vigueur depuis le 6 mai 1993, a étendu les Règles de La Haye-Visby au transport de marchandises opéré entre deux lieux situés à l'intérieur du pays. De même, aux Etats-Unis d'Amérique, l'article 3 (6) de la COGSA (46 U.S. Code, art. 1303 (6) ) garantit à l'ayant droit l'opportunité de poursuivre le transporteur pour dommages aux marchandises dans un délai d'un an suivant la livraison. même s'il a préalablement manqué de notifier le défendeur desdits dommages. Il en est de même de l'article 4 (2) (j) de la COGSA (46 U.S. Code, art. 1304 (2) 0)) qui retire au transporteur le droit de se prévaloir entre autres d'une grkve, d'un lock-out comme cas excepté pour obtenir son exonération.
dernier groupe, formé du canada*, de la Croatie, de l'Islande, de l'Inde, de l'Indonésie, de
l'Israël, du Libéria, d'Oman, et de la Yougoslavie. est celui dont les pays ont incorporé les
Règles de L a Haye- Visby modifiées par le Protocole de 1979 dans leur législation.
Certains pays ont procédé à une nationalisation qui sort cependant de l'ordinaire
puisqu'elle donne naissance à un régime hybride associant Règles de L a Haye, Règles de
Lu Hqve-Visby et Règles de Hambourg. C'est d'abord le cas de la Chine qui a fait de son
Code maritime de 1992 un mélange des Règles de L a Haye et des Règles de L a Haye-Vis&
avec une originalité cependant au niveau de la durée de la responsabilité du transporteur
maritime5'. C'est ensuite le cas des pays nordiques (Danemark. Finlande, Norvège et
Suède) et de la Nouvelle Zélande5'. Enfin, il en est ainsi de l'Australie aux termes du
Corrioge of Goodr by Sea Amendment Ac t du 1 5 septembre 1997".
Le second procédé de nationalisation consiste à interpréter la Convention de
Bruxelles en faisant usage des paramètres aidant à l'interprétation des lois nationales sans
égard à son caractère éminemment international. En effet, à la différence de la Convention
de Harnboztrg dont l'article 3 invite expressément à une interprétation «internationdisante»,
aucune des versions de Ia Convention de Bruxelles ne contient de disposition similaire.
Les Etats-Unis d'Amérique se sont illustrés dans cette seconde approche en
développant la doctrine jurisprudentielle de la «fair Prosaïquement, cette
doctrine postule que «a carrier loses the benefit of the package limitation unless it has given
49 Loi sur le rransporr des marchandires par eau, L.C. 1993, c. 2 1. 'O Ainsi. lorsque les marchandises sont transportdes en conteneur. la responsabilité du transporteur court du moment où il les a reçues jusqu'au moment de leur livraison. Par contre, lorsque les marchandises ne se uouvcnt pas dans des conteneurs, la responsabilité du transporteur suit la règle du <<palan à palam. Voir L. Li, (<The Maritime Code of The People's Republic of China.>, (1 993) L. M. C.L. Q. 204,209-2 10. Voir Michacl F. STURLEY, a Uniformity in The Law Goveming the Carriage of Goods by Sea », (1995)
26 J. Mar. L. & Corn. 553,562-563. '' Voir à ce sujet Stuart HETHERINGTON. ~Australian Hybrid Liability Regime*, (1999) L. M.C.L. Q. 12 et suiv. 53 Courhino, Caro & Co. c. W V Sma, 849 F.2d 166, 168- 17 1 , 1988 AMC 294 1 , 2944-2950 (sLb Cir. 1988) ; Aremeth c. Generol S.S. Corp., 694 F.2d 609, 61 1-612. 1983 AMC 885, 888 (9' Ci.. 1982) ; Komarsu, Ltd c. Sraies S.S. Co., 674 F.2d 806, 1982 AMC 2152 (9* Cir. 1982). Cette docuine est exclusive il la jurisprudence américaine.
the shipper a « fair opportunityu to declare a higher value for the cargo before shipment,".
Cette doctrine punit donc le transporteur qui manque d'offrir au chargeur la possibilité
d'opter pour une responsabilité intégrale.
Toutefois, certains tribunaux ont manifesté leur volonté de conférer aux
Conventions internationales traitant de la responsabilité du transporteur maritime de
marchandises le sens international qui leur revient. En témoigne, la décision rendue en
Grande-Bretagne dans l'affaire Stag Line Ltd c. Foscolo, Mango & Co., où il est dit à
propos des Règles de La Haye qu'«[a]s these rules must corne under the consideration of
foreign Courts it is desirable in the interests of unifonnity that their interpretation should
not be ngidly controlled by domestic precedents of antecedent date, but rather that the
language of the rules should be construed on broad pnnciples of general acceptation»55.
L'esprit de cette décision a inspiré la jurisprudence canadienne qui, dans Dominion
Glass Co. Ltd c. The Anglo 1ndiad6, a heureusement suivi la même démarche. Bien que
l'on ait des raisons de penser qu'il ne s'agissait là que d'un coup d'épée dans l'eau ou du
moins, d'une façon extraordinairement surprenante de ramer à contre courant5', même la
Cour Suprême des Etats-Unis d'Amérique a fait sien le souci d'uniformisation dans Vimar
Seguros y Reaguros, S. A. c. MV Sky Reefer en des termes clairs :
«In light of the fact that COGSA is the culmination of a multilateral effort «to establish uniforrn ocean bills of lading to govern the rights and liabilities of carriers and shippers inter se in international traden, [. . .] we decline to interpret Our version of the Ha e Rules in a manner contrary to every other nation to have addressed this issue.. . » d
" M. F. STURLEY, [oc. cir., note 50.566. 55 Stag Line Lrd. c . Foscolo, Mango & Co., 119321 A.C. 328, p. 350; 41 L1. L. Rep. 165 (H.L.), p. 174.
Dominion G l a s Co. Ltd c. The Angio Indian, [1944] R.C.S. 409,420. 57 Nous pensons notamment l'attitude des tribunaux relativement ii la doctrine du «fair opponunitym dans Couthino. Caro & Co. c. MN Suvu. prt?citée, note 53 ; Newterh c. Generul S.S. Corp.. précitée, note 53; Komatsu. Lrd. c. Srares S.S. Co., précitée, note 53.
Vimar Seguros y Reaguros, S.A. c. MN Sky Reder, 1 15 S. Ct 2322, 2328, 1995 AMC 18 17, 1823-1 824 ( 1 995).
L'appropriation des Conventions par nationalisation est donc un phénomène réel et
répandu. L'unification du régime de la responsabilité du transporteur n'en sort sans doute
pas grandie d'autant qu'elle doit en plus composer avec des régimes apparentés.
IV. Les conventions internationales apparentées au régime de la responsabilité du
transporteur maritime
Ce sont celles qui ont pour objet la limitation de responsabilité sans toutefois traiter
des aspects fondamentaux de la responsabilité du transporteur maritime. L'exemple topique
est la Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes
signée à Londres le 19 novembre 1976'~ dans la foulée de la modernisation du droit
maritime international initiée par l'Organisation Maritime Internationale (OMI) depuis
1967~'. Cet te Convention est entrée en vigueur le lff décembre ~ 9 8 6 ~ ' et aspire à se
substituer à la Convention sur la limitation de responsabifité des propriétaires de navire
signée à Bruxelles le 10 octobre 1957% Bien que ce dernier texte soit encore en vigueur
dans certains pays, la Convention de 1976 l'a supplantée par la qualité et le nombre des
Etats qu i
" COMITE MARITIME IhTERNATIONAL, op. ciz-. note 17, pp. 312-329 ; (1977) 29 D.M.F. 205-229. Pour un commentaire de cette Convention, voir Claire LEGENDRE, «La conférence internationale de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes», ( 1977) 29 D. M. F. 195-204. 60 Voir A. VIALARD, foc. cit., note 10. 217-218. Nul doute que cette nouvelle Convention de 1976 est un nouvel élément de diversification du régime applicable à la responsabilité du transporteur maritime. À ce propos, voir Patrick GRIGGS, «Limitation of Liability for Maritime Claims : the Search for Internatioonal Uniformitp, ( 1997) L.M.C.L.Q. 369 et suiv. 6' Conformément à son article 17. 62 COMITÉ MARITIME IhTERNATIONAL, op. cit. , note 17, pp. 106- 1 15. Cette Convention a 6té modifiée par le Protocole de Brurelies du 2 1 décembre 1979 (ib.. pp. 1 16- 12 1 ). Cette Convention de 1957 a remplacd celle du 25 août 1924 traitant du même sujet (voir ib., pp. 32-41). 63 Des données disponibles sur le site électronique htt~://www.irno.ordirno/conven1/status.htm (à jour au l u mars 1999). il ressort que les 33 pays suivants y ont souscrit : Allemagne. Australie, Bahamas, Barbades, Belgique, Bénin. Chine, Croatie, Danemark, Egypte. Emirats Arabes Unis, Espagne, Guinée équatoriale, Finlande, France, Géorgie, Grèce. Guyane, Îles Marshall, Irlande. Japon, Libéria, Mexique, Norvkge, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Royaume Uni, Suède, Suisse, Turquie, Vanuatu et Yemen. Le Canada, pour sa part. a incorporé cette Convention de 1976 et Ic Protocole de 1996 dans sa Iégisiation nationale par la Loi modtFant fa foi sur la marine marchande du Canada (responrabiliré en matière maritime), L.C. 1998, c. 6 et toutes les dispositions pertinentes sont déjh cn vigueur (depuis le 29 mai 1999 au plus tard).
De plus, cette Convention de 1976 semble plus explicite64 et mieux adaptée aux
nouvelles techniques des flottes marchandises même si sa mise en œuvre requiert que l'on
recoure à la Convention internationale sur le jaugeage des navires signée à Londres le 23
juin 1 9 6 9 ~ ~ . Aussi, dans les développements qui suivent, nous nous en tiendrons à la
Convention de 1976 (LLMC 1976).
Deux décennies après sa signature, l'obsolescence dénoncée66 de certaines
dispositions de la Convention de 1976 devait susciter l'adoption le 26 mai 1996 d'un
Pro~ocole ayant pour but de revoir à la hausse la limite de responsabilité qu'elle établit.
Force est cependant de constater que ce Protocole signé le 3 mai 1996 à Bruxelles n'a pas
encore réuni le soutien nécessaire à son entrée en vigueur67. Pourtant, ledit Protocole
améliore substantiellement Ie montant de la limite de la responsabilité et introduit un
mécanisme d'adaptation ou de mise à jour de ladite limite de façon à ce qu'elle corresponde
en permanence à la réalité économique et financière.
En somme, la responsabilité du transporteur de marchandises par mer n'est pas
soumise à un cadre unique au niveau international. Au contraire, elle est diversement
assujettie à plusieurs régimes conventiomels qui semblent lui aménager un fondement tout
aussi pluriel.
fs Contrairement à la Convention de 1957 dont le titre pouvait laisser croire, B ton. que ses dispositions se limitent à la responsabilité du propriétaire du navire seul, la Convention de 1976, dont le titre rdfère à la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, s'étend expressément à d'autres acteurs du transport maritime susceptibles d'avoir la qualité de uansponeur. Nous y reviendrons plus en détail dans le assage consacré à la limitation de la responsabilité du transporteur en tant qu'armateur. ' Jean-Pierre QUÉNEUDEC, Conventions mailimes in1ernc1tiona/es, Paris. Pedone. 1 979, pp. 43 3-448.
66 Pierre BONASSIES. <<Problèmes et avenir de la limitation de rcsponsabilitCr, (1993) 45 D M F . 95. 100. 67 Constat dressé le la mars 1999 à partir des données disponibles sur le site électronique ht~~://www.imo.ore/imo/convent/status.htrn .
CHAPITRE 2 :
LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR
MARITIME,
Définir le fondement de la responsabilité du transporteur comme tel revient à
déterminer dans quelles conditions le transporteur, auteur d'un dommage ou débiteur qui a
mal rempli ses obligations contractuelles engage sa responsabilité68. Le professeur Rodière
s'y est penché et a dégagé quatre réponses correspondant à autant de systèmes de
r e~~onsab i l i t é~~ . Les trois premières réponses reposent sur l'idée de faute alors que l'idée de
risque sous-tend la dernière7'.
La première consiste à soutenir que la faute du transporteur doit être établie pour
que sa responsabilité soit mise en œuvre : c'est le système de la faute prouvée.
La deuxième suppose qu'une présomption simple de responsabilité pèse sur le
transporteur ; présomption qu'il renverse aussitôt qu'il brandit la preuve qu'il n'a commis
aucune faute à l'occasion de la réalisation du dommage ou de l'inexécution de sa prestation
contractuelle : c'est le système de la présomption de faute ".
Aux termes de la troisième réponse, une forte présomption pèse sur le transporteur
et il ne peut s'en défaire qu'en prouvant d'une part la cause exacte du dommage ou de la
non-exécution de son obligation, et d'autre part que cette cause ne h i est pas imputable :
- - -
68 R. ROD&RE, /oc. cit., note 26,454-455. 69 Ib., 454-457. 7 0 Ib.. 454. 7' Ib., 455.
c'est le système de la présomption de re~~onsabilité'~. Dans ce cas, le transporteur demeure
responsable quand bien même la cause du dommage demeurerait en partie ou en totalité
inconnue dors qu'il n'en est pas ainsi dans la présomption de faute. Là réside toute la
différence entre la présomption de responsabilité et la présomption de faute puisque celle-ci
entraîne au contraire la libération du transporteur lorsque la cause du dommage est
totalement ou partiellement inconnue.
En vertu de la quatrième rkponse, le transporteur est automatiquement responsable
dès lors qu'est démontré qu'il a causé un dommage ou manqué d'honorer ses engagements
contractuels. En d'autres termes, le transporteur sera tenu de réparer le dommage sur la
seule constatation matérielle de l'inexécution de ses obligations : c'est le système de la
responsabilité de plein droit ou responsabilité absol~e '~.
Cela étant, le prochain défi consiste à identifier au sein des régimes de
responsabilité présentement en vigueur le système sur lequel est bâtie la responsabilité du
transporteur maritime. Il est loisible de noter qu'on a pu unanimement dégager le système
de responsabilité établi par les régimes de la Convention de Brure1k.s (0 cependant que
celui élaboré par les Règles de Harnbourg suscite encore des chaudes discussions (II).
1. L'unanimité sur la présomption de responsabilité dans la Convention de
Bruxelles
Malgré les dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 3 de la Convention de
Bruxelles qui mettent 5 la charge du transporteur une obligation de <<due diligence», laissant
ainsi croire qu'il pourra se libérer en établissant qu'il n'a pas commis de faute7". l'article 4
(2) qui énumère les 17 causes d'exonération nous en dissuade.
" Ib. 73 Ib. 74 Ce qui répondrait au système de la présomption de faute.
Ainsi, l'exonération du transporteur est subordonnée à la preuve du bon état de
navigabilité du navire, donc de sa due diligence d'une part et à l'établissement de l'un des
cas exceptés de l'article 4(2) d'autre part75. Autrement dit, malgré l'exigence de due
diligence qui frise de facto la condition requise la présomption de faute, il est clair que sous
l'empire de la Corneniion de Bruxelles, le transporteur ne pourra obtenir sa l ibh t ion qu'en
faisant la preuve que la cause du dommage répond à l'une des situations fixées par l'article
4(2) 76. Par une telle preuve, il démontrera également que le dommage ne lui est pas
imputable.
Présenté ainsi, le système de responsabiiité élaboré par la Convention de Bruxelles
se range sous la bannière de la présomption de responsabilitén. Chez les Anglo-saxons, on
dira que «the carrier is prima facie liable for loss or damage to cargo received in good order
and out-turned shon or in bad or der^'^. Il s'ensuit que les dommages d'origine totalement
ou partiellement inconnue n'orchestrent pas pour autant la libération du transporteur, au
contraire, ils engagent sa responsabilité et il est tenu de les réparer7'.
En conséquence, le système de responsabilité construit par la Come~t ion de
Bruxelles se veut un système où Ia responsabilité du transporteur maritime est basée sur une
obIigation de résultat diminuée (1) et où le fardeau de la preuve occupe une place de choix
(3-
'' En France. sentence arbicralc no 434, 26 novembre 198 1 (2' degré), (1982) D.M.F. 44 1 ; en Grande- Bretagne, Marime Footwear Co. Ltd c. Can. Government Merchant Marine, [1959] A.C. 589, 602-603 ; au Canada, Toronto Elevarors. Ltd. c . Colonial Steamships Ltd [1950] Ex. C.R. 371, 375 ; aux Etats-Unis, Isbrandcsen Co. c . Federai 1n.x Co. 1 13 F. Supp. 357. 1952 AMC 1945 (S.D. N.Y. 1952). Sont aussi de cet avis, R. RODIÈRE, /oc. cit., note 26. 456 ; W. TETLEY, op. cii., note 19, p. 373. Cette question sera amplcmcnt traitée dans le passage consacré à la kyrielle de cas libératoires. 76 En France, Cour de Cassation, 2 avril 1974. (1 974) D M F. 458. (1975) Dr. europ. tramp., 486.
R. RODIÈRE, loc. cir., note 26,456 ; René RODIÈRE, Emmanuel du PONTAVICE, Droit maritime, Paris, Dalloz, 1997. no 392, p. 380. 78 W. TETLEY. op. cit., note 19, p. 140. '' C.A. Bordeaux, 7 mai 195 1, (1951) D.M.F. 393. Voir aussi R. RODIÈRE, loc. ci^, note 26,455.
1. Une responsabilité basée sur une obligation de résultat diminuée
Comme tout transporteur, le transporteur maritime est débiteur d'une obligation
essentielle : celle d'acheminer les marchandises qu'il a reçues des mains du chargeur
jusqu'au destinataire. Sa mission contractuelle n'est parfaitement exécutée qu'à condition
que les marchandises qu'il remet au destinataire soient égales en quantité et en qualité à
celles qu'il a reçues de son cocontractant chargeur comme l'atteste le connaissement. Seuls
seront tolérés les dommages normaux dus à la nature même du transport. Ainsi en est-il de
la perte de poids due à l'assèchement d'une certaine quantité d'eau contenue dans les
marchandisess0.
Cependant, lorsque le transporteur n'exécute pas ses obligations contractuelles dans
les conditions que nous venons de préciser, soit qu'à destination il livre des marchandises
endommagées, soit qu'il accuse un retard dans la livraison, sa responsabilité contractuelle
doit être engagée conformément à l'article 4 de la Convention de Bruxelles. Des preuves
sont cependant nécessaires pour atteindre cette fin.
2. Une analyse fondée sur le fardeau de la preuve
Aux termes des paragraphes 1, 2 et 4 de l'article 4 de la Convention de Bruxelles, le
transporteur8' est présumé responsable des pertes et avaries causées à la marchandise. Ainsi
par exemple, chaque fois qu'une perte ou un dommage aura résulté de l'innavigabilité, le
fardeau de la preuve en ce qui concerne l'exercice de la diligence raisonnable incombera au
transponeur ou à toute autre personne se prévalant de l'exonération8'. Or, la jurisprudence
dominante, approuvée en cela par le professeur ~ o d i è r e * ~ subordonne la libération du
80 Ce phénomène est assimilé à la freinte de route qui, au demeurant, libère le transporteur maritime en vertu de I'articlc 4 (2) (m) de la Convention de Bruxelles. 81 Pour la détermination du transporteur maritime. donc du d6fcndeur virtuel, voir W. TETLEY, op. cit., note 19, pp. 233-263 et plus récemment au Canada, Jiun Sheng Co. Ltd c. The Tram Aspirution, 14 avril 1998, no A-342-97 (F.C.A.) ; Patrick SIMON, «Qui est le transporteur maritime ?», (1995) 47 D.M.F. 26-29 82 Art. 4 ( 1 ) in fine de la Convention de Bruxelles,
R- RODIÈRE. [oc. cit.. note 26, 456 ; W . TETLEY, op. cit.. note 19, p. 133.
transporteur à la preuve de sa due diligence d'une part et de l'un des cas exceptés d'autre
part?
Il semble alors admis dès le départ que le dommage survenu à la marchandise
accable le transporteur. Dès lors, faut-il comprendre que le donimage est la pierre angulaire
du système de la présomption de responsabilité ? Nous sommes enclins à répondre par
I'affirmative. En effet, comme l'a soutenu le professeur Tassel, tout part de ce que
l'obligation du transporteur repose sur la preuve et plus précisément sur les questions de
savoir quel est l'objet de cette preuve et qui en a la charges5.
La preuve dont il s'agit ici n'est pas de celles qui écartent tout doute puisqu'elle est
appréciée in comretog6. Cependant, une fois qu'une preuve est avancée par une partie, lui
apporter des modifications laisse planer des doutes sur le sérieux des preuves
ultérieurement présentées par ladite partie87.
Quant à la charge de la preuve, elle n'appartient pas exclusivement à une partie.
Ainsi, dans un premier temps, il est exigé du demandeurs8 qu'il prouve que les dommages
ou la perte des marchandises est survenue au cours de l'opération de transport en établissant
d'abord le bon état des marchandises au départg9. en formulant ensuite des réserves à
destination conformément à l'article 3 (61W.
-
u Cette question sera amplement mitée dans le passage consacré h l'exposé critique des cas libératoires. '' Yves TASSEL. a Droit maritime privt5 w, dans JeamPierre BEURIER, Patrick CHALTMEITE, Philippe- Jean HESSE. André-Hubert MESNARD, Roben RÉZENTHEL et Yves TASSEL, Droits maritimes, t. 1 : mer, navire et marins». Paris. Éditions Juris Service. 1995, p. 321. " AU Canada. Dominion Tanker Lfd c. Shell Pefroleum Co. [1939] Ex. C0.R. 192, 203 ; [1939] AMC 541, 551 ct W. TETLEY, op. cir., note 19, p. 139. 87 Aux Etats-Unis, International Produce, h c . c. Frances Salman, (1975) AMC 152 1, 1540, 119751 2 Lloyd's Rep. 355,365 (S.D. N.Y. 1975). Voir W. TETLEY, op. cir., note 19, p. 140. fi 8 Pour un aperçu des demandeurs potentiels sous l'empire de la Conwenrion de Bruxelles dans ses différentes versions. voir W. TETLEY, op. cit., note 19, pp. 177-213. En France, une décision de la Cour d'appel de Paris rendue en datc du 1" oct. 1986 (1987) 39 D.M.F. 431, 434 élargit le cercle des bénéficiaires du droit d'action contre le transporteur. Ainsi, en plus du destinataire, Ic chargeur dispose du même droit lorsqu'il en a intérêt. 89 Aux Etats-Unis notamment Commodis, Service Corp. c. Hambourg-Amer. Line. 354 F.2d 234, 234 ; 1966 AMC 65.65 (2 Cir. 1965) et Hechr, Levis & Kahn. Inc. c. S.S. President Buchanan. 236 F.2d 627.631 ; 1956 AMC 1970. 1976 (2 Cir.).
L'yticle 3 (6) prescrit notamment que les réserves à destination soient prises par écrit et portdes h Ir connaissance du transporteur ou de son représentant «avant ou au moment de l'enlèvement des marchandises». Toutefois. La notification du transporteur se fera dans les trois jours suivant la délivrance si les dommages ne sont pas apparents. Pour une application de cette disposition, U.S.A. c. Lykes Bros S.S. Co. Inc., 5 1 1 F. 2d 2 18,223, 1975 AMC 2234,2250 (5 Cir. 1975).
La preuve de ces dommages permet déjà de mettre en cause la responsabilité du
transporteur maritime. Toutefois, celui-ci peut estimer que lesdits dommages sont dus à
l'une des circonstances établies par l'article 4 (2). Pour obtenir sa libération, il endosse à
son tour le fardeau de la preuve. il lui appartient alors d'établir la cause d'exonération dont
il se prévautg1. Mais, cette dernière entreprise du transporteur et partant l'effet de la preuve
du cas excepté peut être annihilé par le demandeur si celui-ci parvient à établir par exemple
que celui-là a manqué à son obligation de «due diligence».
La charge de la preuve est donc rotativegt et se présente dans l'ordre qui suit :
preuve du dommage ou de la mauvaise exécution de l'obligation contractuelle à la charge
du demandeur d'abord ; preuve de la cause du dommage ou de la cause de la mauvaise
exécution de sa prestation conmctueile par le défendeur ensuite ; preuve de la faute du
transporteur par le demandeur enfin. Pourrait-on retrouver le même ordre dans les Règles
de Hambourg ?
II. La controverse autour du fondement de la responsabilité dans les Règles de
Hambourg
Dans les Règles de Hambourg, Ie fondement de la responsabilité du transporteur
maritime est encore l'objet de débatsg3 entre les partisans de la présomption de faute (1) et
les tenants de la présomption de responsabilité (2).
1. Les partisans de la présomption de faute : la doctrine majoritaire
L'une des innovations de la Convention de Hambourg résiderait dans l'élaboration
d'un nouveau fondement de la responsabilité du transporteur maritime de marchandises. En
9' En Grande-Bretagne, Gosse Miller4 Ltd c- C m Government Merchanr Marine Lfd, [1929] AC. 223, 234 ; (1928) 32 LI. L. Rep. 91'95. 92 C'est aussi la conclusion à laquelle aboutit ie professeur W. TETLEY, op. cit.. note 19, pp. 373-374. 93 Toutefois. ce débat ne concerne aucunement la responsabilitc? du transporteur en cas d'incendie puisqu'il s'avère que l'article 5 (4) (a) des Règles de Hambourg a érigé à c e sujet un système de responsabilité basée sur la faute prouvée du transporteur.
tout cas, c'est ce que prônent nombre d'espritsgJ dont les deux arguments topiques se
trouvent énoncés à l'article 5 (1) et à l'annexe 1 de la Convention de Hambourg. Il convient
de citer ici les termes du paragraphe 1 de l'article 5 :
«Le transporteur est responsable du préjudice résultant des pertes ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la livraison, si l'événement qui a causé la perte, le dommage ou le retard a lieu pendant que les marchandises étaient sous sa garde au sens de l'article 4, à moins qu'il ne prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l'événement et ses conséquences.»
Sur la foi de cette disposition, le professeur Rodière estime que le transporteur n'est
pas obligé de démontrer que le dommage ne lui est pas imputable. Il ne lui est
conséquemment pas imparti de prouver la cause du dommageg5. De ce simple constat, il
ressort que le système défini par les Règles de Hambourg ne peut pas être celui de la
présomption de responsabilité. Par contre, la formule de l'article 5 (1) requiert du
transporteur maritime qu'il établisse qu'il a pris toutes les mesures raisonnables pour éviter
l'événement dommageable et ses conséquences. En clair, il doit seulement prouver sa
diligenceg6.
iMais, il ne s'agit pas d'une diligence quelconque. De l'avis de Lüddeke et Johnson,
«to avoid liability, the carrier will need to satisfy the burden of showing that he exercised
due diligence to provide a seaworthy ship not merely at the beginning of the voyage but
throughout period of carriages9'. De même, pour le professeur Rodière, la «diligence
raisonnable, du transporteur suffirag8. il se limitera dors à montrer qu'il s'est componé en
.bon père de famille»99. En conséquence, conclut le professeur Rodière, il ne fait aucun
doute que les RègIes de Hambourg ont consacré la présomption de faute.
94 Voir noramment Christof LÜDDEKE and Andrew JOHNSON, The Hamburg Rules, 2' éd., Londres, LIoyd's of London Press, 1995, pp. 11 et 12 : R. RODIÈRE, foc. cit., note 26, 457 ; M. REMOND- GOUILLOUD, Droit maritime, 2' éd., Paris. Pedone, 1993, no 592, p. 382 ; J. C. SWEENEY. foc. cil., note 37, 309. '' R. RODIÈRE, [oc. cit-, note 26,457. % Voir particulièrement art. 5 (1) in fine. 97 C. LÜDDEKE et A. JOHNSON, op. cit-, note 94, p. 12. 98 R. RODI~E, [oc. cit., note 26.457. 99 fb.
Cette démonstration ne manque pas de charme, encore moins de conviction.
Seulement, confrontée à la réalité, elle semble céder à une critique. En effet, certes le
transporteur doit se contenter de prouver qu'il n'a pas commis de faute, qu'il a fait preuve
de «diligence raisonnable», mais dans les faits, pour atteindre cette fin, ne sera-t-il pas porté
à rassembler des éléments prouvant que le dommage est dû à une cause précise ? Une telle
tentation sera d'autant plus grande qu'en tant que seul gardien de la marchandise'" lors du
transport, le transporteur peut facilement démontrer la cause du dommage surtout s'il est
lui-même convaincu que le dommage ne lui est pas imputable. En pratique, le
comportement du transporteur se rapprochera étrangement de celui que prescrit le système
de la présomption de re~~onsabi l i té '~ ' puisqu'il aura à sa charge un fardeau auquel on aurait
pourtant voulu le soustraire. Cette volonté est au cœur du second argument mis de l'avant
par les partisans de la présomption de faute.
Cet argument n'est autre que le «Consensus» annexé de Ia Convention de
Hambourg. Il se lit comme suit :
<dl est entendu que la responsabilité du transporteur en vertu de la présente Convention est fondée sur le principe de la faute ou de la négligence présumée. Cela signifie qu'en règle générale, la charge de la preuve incombe au transporteur mais que, dans certains cas, les dispositions de la Convention modifient cette règle.» 102
Fort de ce texte, le professeur Bonassies estime sans trop de conviction que :
«les Règles de Hambourg paraissent substituer au régime actuel (Convention de BruxeZ/es), qui est celui d'une responsabilité de plein droit atténué par un certain nombre de cas exceptés précis, un régime largement fondé sur la présomption de faute, où le transporteur pourra se décharger de sa responsabilité en faisant la preuve de sa bonne conduite habituelle»'03.
100 Il cst en effet révolu l'époque où le chargeur ou son représentant faisait partie de l'expédition maritime. 101 Comme on verra plus loin, les tenants de la présomption de responsabilité nc se contentent pas d'un simple rapprochement, aussi avance soit-il. 'O- donsensus adopté par la confdrence des Nations Unies sur le transport des marchandises par mer». document annexé à la Convention de Hambourg, (1 978) 30 D. M. F. 434. 1 O3 Pierre BONASSIES, «La nouvelle Convention internationale sur le transport de marchandises par mer (Les règles de Hambourg) : analyse critiqueu, Cahiers de documentarion de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Marseille, no 3 1979, p. 4 cité par Victor-Emmanuel BOKALLI. «La protccuon des chargeurs ?i
travers Ics règles de Hambourg», (1997), 49 D.M. F. 237,240.
Bonassies prend ainsi appui sur un document qui, manifestement, ne fait par partie
du texte même de la Convention de Humbourg. Dès lors, il y a lieu de s'interroger sur la
valeur juridique de ce onse sens us^'". D o ~ e r du crédit à la thèse de la présomption de
faute sur la base de cet annexe 1 reviendrait à reconnaitre à celui-ci une valeur juridique
identique à celle des Règles de Hambourg. Or, deux considérations nous éloignent de cette
prémisse. D'une part, ledit document n'a pas suivi le processus d'élaboration et d'adoption
d'une convention. D'autre part, le texte en question ne figure qu'en annexe des Règles de
Hambozcrg. Or, si on avait voulu donner audit document la valeur juridique de chacun des
34 articles de la Convention de Hambourg, nul doute que les plénipotentiaires lui auraient
consacré un article. Ce qui n'est manifestement pas le cas.
Cette façon singulière d'exprimer la volonté des plénipotentiaires commande que le
contenu de l'annexe sus-dénommée soit interprété d'une manière toute aussi singulière. On
ne saurait lui conférer une valeur juridique similaire à celle de l'article 5 (1) par exemple. il
appert donc que le fondement du régime juridique instauré par les Règles de Hambourg ne
peut être recherche que dans la lettre de leurs dispositions'05 à l'exclusion des vœux ou des
souhaits nourris par leurs rédacteurdo6.
D'ailleurs, cette conclusion nous réconcilie avec le juriste anglais Waldron qui
affinne que l'annexe 1 de la Convention de Hambourg adisguised as a "Common 1 O 7 Understanding," (...) does littie to promote clarity and is of questionable effectm .
Comment pouvait-il en être autrement alors que le texte même des Règles de Hambourg
incite cenains auteurs à penser autrement le fondement de la responsabilité du transporteur
maritime ?
'@ Consensus adoptC par la conférence des Nations Unies sur le transport des marchandises par m m . document annexé la Convention de Hambourg, (1978) 30 D.M.F. 434. 'O5 V.-E. BOKALLI, /oc. cit., note 103, 240. '" Pour plus de développements sur ces vœux. voir I. C. SWEENEY. foc. cii.. note 37.326. 'O7 A. J. WALDRON, Ioc. cit., note 36, 306.
2. Les tenants de la présomption de responsabilité : la doctrine minoritaire
Sériaux et Bokalli s'affichent comme les défenseurs de cette position qui consiste à
soutenir que la présomption de responsabilité demeure le fondement de Ia responsabilité du
transporteur sous le régime de la Convention de Hambourg. Ils font eux aussi de l'article 5
(1) des Règles de Hambourg leur chevai de bataille. Sans redondance aucune, énonçons
derechef son contenu :
«Le transporteur est responsable du préjudice résultant des pertes ou des dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la livraison (...) à moins qu'il n e prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l'événement et ses conséquences.»
De l'avis de Sériaux dont Bokalli approuve la démarchelos, il ressort clairement de
cette disposition que «le transporteur qui veut s'exonérer a deux preuves à rapporter : d'une
part I'existence d'un événement précis qui a causé le dommage ; et d'autre part s a diligence
pour éviter l'événement dommageable ou ses conséquences». 109
Ainsi. lorsqu'il s'agit d'une responsabilité présumée, on attend du transporteur
désireux de faire échec à la mise en œuvre de sa responsabilité qu'il fournisse non
seulement la preuve de la cause exacte du dommage, mais aussi qu'il fasse la preuve de sa
conduite, de son comportement diligent. À la limite, on admettra sa diligence raisonnable.
Or, quand on parle de présomption de faute, cela suppose que le transporteur obtiendra sa
libération en se contentant de démontrer qu'il s'est conduit de façon diligente pour éviter
l'événement dommageable.
On peut donc constater que la présomption de responsabilité qui fixe deux
conditions au transporteur est plus contraignante que la présomption de faute qui ne pose
qu'une exigence. Si l'on s'en tient la lettre de l'article 5 (1) des Règles de Hambourg, il
1 O8 V.-E. BOKALLI, loc. cir., note 103,241. 109 Alain SÉRIAUX, Lafmtre du rransporteur, Paris, Economica, 1984, no 104, p. 7 1.
apparaît que ce sont les deux conditions que charrie la présomption de responsabilité qui se
trouvent clairement définies : la preuve de la cause et celle de la non-imputabilité.
Au demeurant, Sériaux et Bokalli prétendent à juste titre que ce n'est pas la réalité
qui prouvera le contraire. En effet, un coup d'œil furtif sur ce qui se passe dans la pratique
corrobore leur approche. En fait, le transporteur qui souhaite éviter une condamnation, à la
suite de l'événement dommageable en rapportant la preuve de sa diligence, d a pas d'autre
solution que d'établir la cause du Si le transporteur ne peut se passer de
prouver Ia cause du dommage ou de la mauvaise exécution de son obligation contractuelle,
si en vue d'établir qu'il n'a commis aucune faute le transporteur est amené à démontrer que
la cause du dommage ou de la mauvaise exécution de sa prestation ne lui pas imputable, il y
a tout lieu de constater que ce sont autant d'éléments constitutifs du système de Ia
présomption de responsabilité qui sont ainsi exposés.
Cette interprétation est d'autant plus pertinente qu'elle reprend la logique suivie par
les tribunaux1" dans l'interprétation de la Convention de ~arsovie~" sur le transport aérien
même s'il est vrai que celle-ci exige du pilote des «mesures nécessaires>> tandis que les
Règies de Ham bowg requièrent du transporteur maritime des «mesures qui pouvaient
raisonnablement être exigées»' 13.
Ainsi, parce qu'elle est davantage proche de la réalité, nous sommes pIus enclins à
adhérer à la thèse soutenue par Sériaux et Bokalli selon laquelle le fondement de la
responsabilité dans les Règles de Hambourg est celui de la présomption de responsabilité.
Le corollaire en est que dans le régime de Hambourg, le transporteur demeurera
"O V.-E. BOKALLI, Ioc. cit., note 103, 24 1 . "' Notamment Paris. 12 déc. 1961, D. 1962, 707. note Saint-Alary, B.T. 1962. 287, note Rodière, J.C.P. 1962, II, 12596, note de Juglart. II2 Voir la Convention pour I'unrjîcation de certaines règles relatives au transport aérien international signke à Varsovie le 12 octobre 1929 modifiée par le Protocole de La Haye du 3 août 1955 et les Protocoles de Montréal du 25 septembre 1975 d'une part et Comention de Guadalajara du 18 septembre 1961 d'autre part. I l 3 Au demeurant. il semble que cette différence ait disparu en Grande-Bretagne puisque les tribunaux y ont interprété les mecessary stepsm (amesures nécessaires») de la Convention de Versovie comme étant des ~~easonably necessary stepsa (mesures raisonnabkment nécessaires). Voir Grein c. Imperia! Ainuclys Ltd [ 19371 1 K.B. 50.
responsable dans tous les cas où la cause du dommage restera totalement ou partieliement
inconnue. Mais. il faut encore attendre qu'à la lumière de toutes les autorités auxquelles
nous avons référé, juges et arbitres, appelés à statuer en vertu des jeunes RègZes de
~ombour~"' . se prononcent à leur tour sur cette question du fondement de la
responsabilité. D'ailleurs, sur ce point comme sur de nombreux autres, leur arbitrage sera
décisif comme ce fut le cas dans la précision de l'étendue de la responsabilité du
transporteur sous l'empire de la Convention de Bruxelles.
II faut se souvenir que les Règles de Hombourg ne sont en vigueur que depuis le la novembre 1992 dans 26 Etats aux gabarits maritimes quasiment insignifiants.
CHAPITRE 3 :
L'ÉTENDUE DE LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME
Autant le transporteur exerce ses activités dans un cadre précis, autant il est dificile
d'imaginer que sa responsabilité n'est pas conséquemment circonscrite. Etudier l'étendue de
cette responsabilité pourrait porter à croire que le transporteur maritime évolue dans une
sorte de bulle de laquelle il ne peut sortir et dont nous nous contenterons de définir les
contours. C'est peut-être vrai en certaines circonstances. Mais, ceia n'a pas toujours été
ainsi.
En effet, avant que ne soient adoptées les réglementations internationales, les parties
jouissaient d'une grande liberté contractuelle très souvent défavorable au chargeur. Depuis
la Convention de Bruxelles et de plus en plus, les parties au contrat de transport, le
transporteur en tête, se doivent d'adopter une conduite guidée par les Cornenfions
irl~ernationales aux prescriptions généralement impératives, au risque d'engager leur
responsabilité le cas échéant.
Aujourd'hui, à l'image des transporteurs aérien et terrestre1", on peut dire que la
conduite du transporteur maritime est, en principe, dictée par des textes internationaux.
Aussi, il nous semble judicieux d'apprécier l'étendue de sa responsabilité à la lumière de ces
textes. Du reste, s'il est vrai que lesdits textes ont apporté chacun à leur tour un éclairage
nouveau à l'étendue de la responsabilité du transporteur maritime, il sera donné de
constater si d'une certaine pénombre en 1924, on a pu aboutir à plus de clarté aux termes de
la Coirvention de Hambourg.
"' Voir note 112 pour le regime international du transporteur aérien et la Convention relative au contrat de transport international des marchandises par route (C.M.R.) signée à Genève le 19 mars 1956 et entrée en vigueur le 2 juillet 1961 pour le transporteur routier.
Vraisemblablement, l'étendue de la responsabilité du transporteur maritime est
largement tributaire des particularit&s de chacun des régimes internationaux applicables.
Lato sensu, elle est tantôt matérielle, tantôt temporelle, tantôt spatiale. Pour mieux en
examiner tous les aspects, nous andyserons successivement les bases de chacun des
régimes pertinents (Ii), la durée de la responsabilité du transporteur qui y est établie (III)
ainsi que les types de dommages qui y donnent lieu à réparation (IV). Commençons
toutefois par déterminer le champ d'application territoriale d'un régime de la responsabilité
du transporteur maritime (1).
1. Le champ d'application territoriale d'un régime international à la
responsabilité du transporteur maritime
La responsabilité du transporteur maritime tombe sous l'empire d'un régime
internationai si, en plus de réunir les autres conditions requises, le contrat de transport qui
la sous-tend se retrouve dans le domaine territorial défini par l'un des textes internationaux
pertinents. En e f f e t , certes une Convention internationale peut être en vigueur dans un Etat
qui y est partie, mais elle ne s'applique qu'à l'occasion des situations concrètes comme les
litiges116. Mieux, s'agissant particulièrement des conventions maritimes qui nous occupent
ici, il semble qu'il faille les considérer comme étant (ci~elfexecufinp en ce sens qu'elles
s'appliquent de plein droit ou ex proprio vigore dans la plupart des pays contractants dès
lors que les conditions qu'elles posent sont réunies1", asans égard à la loi étatique désignée
par la règle de conflit du juge saisi»118.
116 Tr. com. Marseille, 15 février 1994, (1994) Revue Scapel, 105. 117 En France par exemplc, Cass. com., 20 déc. 1982, navire Coral Acropora, (1983) D.M.F. 526. Position d'ailIeurs soutenue par la doctrinc maritimiste. Voir notamment R. ROD&RE, op. cit.. note 1 , no 743, p. 376 ; M . REMOND-GOWLLOUD, op. cil., note 94, na 516- 517 pp. 335-336. Mais contra C.A. Paris, 2 ddcembre 1998, (1999) 51 D.M.F. 732, obs. P.-Y. Nicolas qui a récemment dkclaré que les Règles de Hambourg n'étaient pas (cself executing» en France puisqu'elles n'y ont pas encore été ratifiées.
R. RODIÈRE, op. cit., note 1 , no 743. p. 376. Contra I'internationaliste Pierre MAYER, pour qui l'application de toute convention maritime passe par Ie recours à une règle de conflit afin de déterminer le droit 6tatique compétent et si celui-ci compone des règles de source conventionnelle. Étant entendu que «le juge d'un Etat Partie à la convention doit appliquer les regles conventionnelles dès fors que le contrat entre dans son domaine spatial» ; voir Pierre MAYER. «L'application par l'arbitre des conventions internationales dc droit privé», L 'internarionalisution du &oit, Mélanges en I 'honneur de Yvon Loussouarn, Paris, Dalloz, 1994. pp. 280-28 1.
Compte-tenu de cette particularité, on note grosso modo que du point de vue
territorial. les domaines d'application que se sont donné les différentes versions de la
Convention de Bnnelles ne cohabitent pas sans tumulte bien qu'ils soient plus étroits (1)
que le champ d'application des RègIes de Hambourg (2) .
1. L'étroitesse tumultueuse des champs d'application de la Convention de
Bruxelles
Les différentes versions de la Convention de Bruxelles ne s'appliquent pas à tout
propos. À des degrés divers certes, elles ont chacune des règles d'application territoriale
bien définies dont la coexistence ne manque pas de faire des vagues.
D'une part, les Règles de L a Haye s'appliquent selon leur article 10 à tout
connaissement créé dans un des Etats contractants, soit qu'un tel Etat ait donné force de loi
à ladite Convention, soit qu'il ait introduit les règles adoptées sous une forme appropriée
dans sa législation nationale. Ainsi, le juge dont le for est Partie aux Règles de L a Haye les
applique forcément dès lors qu'elles sont comprises dans la iex loci contractus. De même,
malgré le silence de l'article 10 à cet égard et sous réserve du respect de l'ordre public du
lieu de l'émission du connaissement, les Règles de La Haye trouvent à s'appliquer en vertu
de la seule volonté des parties au connaissement exprimée au moyen d'une clause de choix
de la loi applicable à leur contrat communément appelée clause <<~aramount»"~.
D'autre part, le Protocole de 1968 pose ses propres critères de rattachement en
éliminant notamment le critère lié à la nationalitéE0 de sorte que «les Règles de La Haye-
Visby n'obéissent qu'à leurs propres conditions d'application et prévalent, par voie de
conséquence, sur toute autre norme de droit privé fût-elle une règle de conflit»"'.
I l 9 En France notamment Cass. com., 4 févr. 1992, navire Hilaire M w e l , (1992) D . M E 289. note P. Lemaître. "O An. 10, al. 1 in fine des Règles de La me-Yisby. "' P.-Y. NICOLAS. foc. cil.. note 24, 560. Au demeurant. cet auteur poursuit en précisant juste titre que l'application des Règles de La Haye-Vis& se veut non pas directe, mais plutôt impérative à l'égard de tout Etat contractant. Selon lui. «[l]e propre de l'application directe des conventions internationales est d'être soumise aux seules conditions qu'elles posent, alors que leur application impérative nécessite en outre leur intégration dans l'ordre juridique du juge saisim.
D'ailleurs, les articles 5, 6, 7 et 10 du Protocole de 1968 n'ont pas été modifiés en 1979.
Par conséquent, le champ d'application des Règles de La Hqe-Visby est à tout point de vue
identique à celui des Règles de La Haye-V'sby telles que modifiées par le Protocole de
1979"'. Leur application est tantôt obligatoire, tantôt facultative'?
Dans un premier temps, l'application des Règles de L a Haye-Visby peut être
obligatoire. Ainsi, dans la mesure où le contrat de transport maritime constaté par un
connaissement est international, conformément à l'article 10 des Règles de La Haye-Visùy,
un juge dont le droit national contient lesdites Règles sera obligé de les appliquer du
moment où l'une des trois conditions suivantes se trouve remplie :
- Si en vertu de l'article 10, al. 1 (a), le connaissement a été émis dans un Etat qui a
lui-même souscrit aux R&&.s de L a ~ c r y e - ~ i s b y ' ~ ~ .
- Si le port de départ de l'opération de transport que constate le connaissement est
situé dans un Etat Partie aux Règles de Lo Haye-Visby (art. 10, ai. 1 (b))'=.
- Si conformément à l'article 10, al. 1 (c), le connaissement contient une clause
«Paramount» indiquant la volonté des parties de soumettre leur contrat aux Règles
de Lo ~ a y e - vis& ' 26.
Dans un second temps, l'application des Règles de L a Haye-Visby peut être
facultative comme le permet le dernier alinéa de l'article IO des Règles de L a Haye-Visby.
En effet, lorsque la l a fori contient les Règles de L a Hqye-Visby et que le connaissement a
été émis dans un Etat qui applique encore les RègZes de L a m e , le juge saisi aura la
faculti d'appliquer soit les Règles de La Haye, soit les Règles de La Haye-Visby. S'il opte
pour ces dernières, il faut craindre que le résultat immédiat en soit d'imposer le Protocole
'" C'est pour cette raison que s'agissant du champ d'application. nous emploierons exceptionnellement Règles de L a Haye-Visby pour ddnommer B la fois tes Règles de La Hcrye-Visby en tant que telles et les Règles de La Haye-Visby teIles que modifiées par le Protocole de 1979. 113 M . REMOND-GOUILLOUD, op. cit., note 94, no 519, p. 337. "' Aux termes dcs articles 6 et 7 du Protocole de 1968. entre les Etats qui y sont Panies. il faut encore distinguer ceux qui ont dénoncé les Règles de La Haye et ceux qui ne l'ont pas fait même si dans tous Ics cas, Iesdites Règles et ledit Prorocole seront interprétiis comme un tout. '" Montpellier. 16déc. 1987. (1988) D.M.F., 250. "' Aix. 5 oct. 1989, (1991) D.M.F. 40.
de 1968 à un Etat qui n'a pourtant pas voulu y souscrire. Par contre, comme en rance'", l'application des Règles de L a Haye semble mieux indiquée.
Comme on peut le constater, le champ d'application territoriale des Règles de La
Hqve-Visby est plus étendu que celui des Règles de L a Haye, Mais, depuis le 23 juin 1977,
date d'entrée en vigueur du Protocole de 1968, les risques de conflit nés de la différence
entre les deux champs d'application sont réels1". Le problème est d'autant plus épineux
que les Règies de La Haye et celles de L a Haye-Visby se disputent âprement la vedette au
chapitre du nombre de pays contractants avec 58 et 44 pays re~~ect ivernent '~~. De surcroît,
hormis l'existence des Règles de Hambourg dont nous analyserons les retombées plus loin,
certains pays n'appliquent aucun des régimes internationaux que nous avons longuement
exposés plus haut. C'est dire l'ampleur du problème auquel juges ou arbitres doivent faire
face lorsqu'ils sont saisis d'une affaire mettant en cause la responsabilité du transporteur
maritime.
La résolution des problèmes du champ d'application ne dépendra pas seulement des
obligations nées de la ratificatiori de l'un des instruments internationaux ou du choix du
droit applicable, mais également du lieu de la juridiction compétenteL30. En effet, il
appartiendra au juge saisi d'un litige de déterminer le droit applicable et en cas de conflit de
lois, il devra recourir aux règles de conflit de lois de son for. Pour avoir un aperçu de la
tâche qui occupe juges et arbitres maritimes, évoquons trois cas évidents de conflit de lois.
Le premier cas est assez contraignant pour le juge1)'. C'est celui où les Règles de La
Naye devraient obligatoirement s'appliquer parce que le connaissement a été émis dans un
Etat qui y est Partie à l'instar du for. Mais, il s'avère ici que les parties au connaissement y
ont inséré une clause «Pararnount» aux termes de laquelle elles choisissent plutôt les Règles
de La Haye- Visby comme loi applicable à leur contrat. Face à cette situation, il semble que,
"' Aix 6 juil. 1987, (1988) D.M.F., 390 ; Paris, 25 oct. 1989, (1991) D.M.F. 590. '" Comme nous le v e n o n s dans le passage suivant, I'enuée e n vigueur des Rëgks de Hambourg dans
lusieurs autres pays n'est pas de nature à estomper les risques de conflits de lois. e9 Comme nous I*avons vu plus haut. ce constat date du 2 septembre 1999. " O Walter MÜLLER. *Problèmes du champ d'application des Règles de La Haye et des Règles de Visbp . ( 1978) 30 D.M.F. 323,325. 1 3 ' Ib.. 324.
sous réserve du respect de l'ordre public, le juge ou l'arbitre doive faire fi de sa fa fari au
profit des Règles de La Hqye- Visby justement parce qu'en vertu de l'article 5 des Règles de
L a Haye, les parties au connaissement peuvent librement y aménager des clauses
contractuelles à condition que ces stipulations aient pour conséquence d'aggraver la
responsabilité du transporteur maritime. Or, dans l'ensemble. les Règles de La Hoye-Visby
sont plus contraignantes pour le transporteur maritime que ne le sont les Règles de La
kfVe lJZ.
Les prochains cas de figure sont ceux à l'occasion desquels, l'application des Règles
de L a Haye ou des Règles de La Haye-Visby devient généralement hypothétique :
Ainsi, dans le deuxième cas, 1'Etat du for n'a ratifié que les Règles de La Haye et le
connaissement, dénué de toute clause «Paramount», a été émis dans un Etat lié aux R è g h
de L a ~ a - y e - ~ i s b ~ " ' . Face à cette situation, la loi applicable au connaissement dépendra à
la fois de la dénonciation ou non des Règles de La Hcrye par 1'Etat partie aux Règles de L a
Hqve-Visby et des règles de conflit de lois en vigueur dans la lex fori. Si 1'Etat Partie aux
Règles de L a Haye-Visby n'a pas dénoncé les Règles de La Haye, il semble que le juge
doive s'y fonder pour appliquer les Règles de L a ~ u y e ' ~ ' . Par contre, si cet Etat Partie aux
Règles de La Huye-Visby a dénoncé les Règles de La H q e , notre juge dont le for n'a ratifié
que les Règles de L a Huye devra alors recourir à ses règles de conflit de lois pour trouver la
loi applicable au connaissement. Selon la règle de conflit appliquée, il y a tout lieu de
penser que la loi applicable sera soit les Règles de La Haye, soit les Règles de La Haye-
visbY'".
Le troisième cas est celui où le connaissement a été émis dans un Etat qui n'a ratifié
aucun régime international pertinent alors que 1'Etat du for est Partie soit aux Règles de La
w e , soit aux Règles de L a Haye-Visby. Ici, à moins que le connaissement ne contienne
131 II suffit pour s'en convaincre dc comparer les limites de responsabilité que nous verrons plus cn détail ultérieurement. 133 Cette hypothèse vaut aussi bien pour un connaissement émis dans un Etat Partie aux RègIes de La Hqye- Visb-v que pour un transport ayant comme point de départ un porc situé d m un Etat Partie aux Règles de La Haye- Visby. 13' W. MÜLLER, /oc. cit., note 130,324. 135 16.
une clause «Paramountn, le juge devra faire usage des règles de conflit de lois du droit
international privé de son for pour déterminer la loi applicable au c~nnaissement '~~.
Ces conflits de lois semblent déjà amplifiés par l'interprétation donnée au champ
d'application des Règles de Hambourg.
2. L'agrandissement de In couverture territoriale dans les Règles de Hambourg
L'envergure territoriale des Règles de Hambourg est plus grande. Aux termes de
l'article 2 ( 1) de la Convention de Humbourg, les dispositions qu'elle prescrit s'appliquent
à tous les transpons maritimes internationaux dans l'une"' des cinq éventualités suivantes :
<< a) le port de chargement prévu dans le contrat de transport par mer est situé dans un Etat contractant, ou b) le port de déchargement prévu dans le contrat de transport par mer est situé dans un Etat contractant, ou C) l'un des ports à option de déchargement prévu dans le contrat de transport par mer est le port de déchargement effectif et que ce port est situé dans un Etat contractant, ou d) le connaissement ou autre document faisant preuve du contrat de transport par mer est émis dans un Etat contractant, ou e) le connaissement ou autre document faisant preuve du contrat de transport par mer prévoit que les dispositions de la présente Convention ou celles d'une autre législation nationale leur donnant effet régiront le contrat».
Comme la Convention de Bruxeffes, les Règks de Hambourg définissent leurs
propres critères de rattachement en éliminant expressément le critère lié à la na~onalité"~.
Ainsi, autant les Règles de Hambourg ambitionnent de régir un grand nombre de transports
in te mat ion au^'^^, autant elles ndoivent s'appliquer impérativement quand les conditions
qu'eIles posent sont accomplies, sans considération de la règle de conflit de lois du juge
136 Ib., 325. 137 Compagnie sénégalaise d'Assurunces et de Réassurances et al. c. Roscoe Shipping Co., M. le Capitaine du navire World Appolo. Steamship Mutual Underwriting Association, T. C. Marseille, 23 janv. 1996% ( 1996) Rctue Scapel5 1 où I'Etat abritant le port de déchargement était Partie aux Règles de Hambourg. 13' An. 2 (2) des Règles de Hambourg. 139 Nous avons vu qu'aux termes d e leur article 2 (3) des Règles de Hambourg, elles n'entendent exclure de leur gouverne que Ics transports maritimes opérés au moyen de contrais d'affiètement
saisi>>'? Par conséquent, il faut s'attendre à ce qu'indépendamment du contenu de la ler
foril", les Règles de Humbourg priment chacune des versions de la Convention de
Bru~eZ1e.s si les deux régimes sont en conflit1".
Aujourd'hui, l'appréhension de ce genre de conflit de lois et la recherche des
avantages comparatifs qu'offrent les Règles de Hambourg et les autres régimes que
véhicule la Convention de Bruxelles sont autant de facteurs qui incitent les acteurs de
l'industrie du transport maritime à recourir au forum shopping'43 ; surtout que dans ces
divers régimes, la responsabilité du transporteur maritime ne repose pas sur des bases
identiques.
II. Les bases instmmentales et matérielles de l'application d'un régime
international de la responsabilité du transporteur maritime
Les contrats de transport dits internationaux doivent répondre à certaines exigences
pour être soumis à un régime international en espérant que les autres conditions
d'application de celui-ci sont aussi réunies. Ces exigences tiennent au support instrumental
du contrat de transport d'une part (1) et à la nature des marchandises transponées d'autre
Part (2)-
150 P.-Y. h?COLAS, foc. cit., notc 24, 561 réaffirmant une position déjà suivie par les tribunaux. Voir notamment Compagnie sénégalaise dvAssurances et de Réassurances et al. c. Roscoe Shipping Co., M. le Capiraine du navire World Appolo, Szeamship Muruai Underwriring Association. T. C. Marseille, 23 janv. 1996. (1 996) Revue Scapel 5 1 ; Aflaire du navire Ain h s e r a , T.C. Marseille, 23 janv. 1997, (1998) 50 D.M F. 585, Obs. P.Y. Nicolas. 141 II faut dire qu'au-delà de cette Ioi du tribunal. en venu de l'article 21 des Règles de Hambourg, le tribunal compétent cst désormais choisi par le demandeur sur un éventail de quatre possibilit6s. "' Pour l'adoption d'une telle solution en Grande-Bretagne, voir ~ h n s t o f LÜDDEKE et Andrew JOHNSON. op. cir., note 94, p. 7. En France cependant, la jurisprudence est presentement déchide entre deux tendances : la première est favorable à cette solution tandis que la seconde la boude au motif que les Règles de Hambourg ne font pas encore partie du droit positif Français. Voir pour plus de développements Pierre-Yves NICOLAS, foc. cit., notc 24,547 et suiv, 153 C. LÜDDEKE and A. JOHNSON, op. cd.. notc 94, p. 6.
1. Les supports instmmentaux
En vertu des règles classiques de droit international privé sur lesquelles nous ne
nous attarderons pas, la formation de tout contrat international est régie quant à sa forme à
la iex loci contractas. fl s'ensuit que s'agissant d'un contrat de transport maritime
subordonné notamment au respect des textes internationaux pertinents qui ont généralement
un caractère impératif, les conditions de formation sont en principe plus sévères. Dans cette
optique, à la différence des Règles de Hambourg qui ont fait montre d'une ouverture
notable sur la nature des supports instrumentaux requis (1.2.), la Convention de Bruxelles
est implacable sur l'exigence d'un connaissement (1.1 .).
1.1. L'application de la Convention de Bruxelles aux seuls connaissements
Aux termes de l'article 1 (b) de la Convention de Bruxelles, seuls les contrats de
transport constatés par un connaissement tombent sous le coup des dispositions qu'elle pose
contrairement à ce que pourrait laisser croire l'article 2 qui réfère a priori à «tous les
contrats de transport de marchandises par mer». En l'absence d'un connaissement ou d'un
document similaire, le tribunal saisi devra rechercher quelle est la loi nationale compétente
pour régir le contrat de transport'". Pourtant, l'utilisation d'une lettre de transport maritime
est particulièrement répandue dans les pays ayant donné effet à la Convention de Bruxelles.
Comme cette dernière semble a priori se limiter strictement aux connaissements et aux
documents similaires en vertu de ses articles 1 (b) et 2, il faut alors en déterminer le régime-
Le professeur Tetley plaide pour la soumission des lettres de transport maritime à la
Convenrion de Bruxelles compte-tenu son caractère impératif d'une part et des termes de
l'article 6 d'autre part'45. En vertu de cet article 6 précisément, l'application de la
Convenfion de Bruxelles n'est exclue que lorsque le reçu émis est non-négociable et que
l'opération concernée n'est pas un transport commercial ordinaire. Or, manifestement les
lettres de voiture maritimes ordinairement émises ne réunissent pas ces conditions. En
1J.l Voir R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE, op. cir., note 77, no 349-2. p. 326. lSs W. TETLEY, op. cit.. note 19, pp. 944-946.
conséquence, il y a lieu de croire que les lettres de voiture qui concernent un vanspon
commercial normal devraient normalement se conformer au régime défrni par la
Convent ion de Bruxelles.
Qui plus est, même si elle est la matérialisation d'un contrat de transport international,
la lettre de voiture est soumise au même régime juridique que le connaissement aux Etats-
Unis et en Grande-Bretagne, mais pas en France et au Canada. Cependant, on devrait au
moins admettre que, par stipulation contractuelle ou clause Paramount insérée dans une
lettre de voiture maritime, les parties ont la f atitude de se soumettre aux Règles de L a Haye-
Visby modifiées ou non. Au pis aller, la Convention de Bruxelles ne s'applique pas en
l'absence d'un connaissement 'j6.
Ledit connaissement doit idéalement porter les signatures des deux contractants.
Mais, dans les faits et souvent sous l'impulsion du législateur national'47, il est
fréquemment signé par le transporteur seul. Néanmoins, il ne cesse pas pour autant d'être
perçu comme la meilleure preuve du contrat de transport maritime148.
Toutefois, plus qu'un simple document du contrat de transport maritime portant les
mentions énumérées par l'article 3 (3) de la Convention de ~ ~ ~ x e l l e s " ~ , il faut entendre le
connaissement comme un document ayant la particularité de représenter1" les
marchandises. En conséquence, il est doublement réglementé par des législations nationales
Id6 En France, voir Toulouse. 13 mai 1977, (1977) D.M.F. 72 1. Au demeurant. l'article 3 (6) prévoit que la Convention couvre toutes les opérations commerciales ordinaires relatives à des cargaisons commerciales ordinaires. Seulement, dans certaines situations exceptionnelles, les parties recouvrent leur pleine liberté contractuelk à la condition qu'«aucun connaissement n'ait été ou ne soit émis*. A contrario, quand le contrat dc transporr cst constaté par un connaissement, les parties n'ont plus les coudées franches et ne jouissent plus de la faculté «de passer un contrat quclconquc avec des conditions quelconques ... » art. 6, al. 1 de la Cornenrion de Bruxelles. 1 G7 II cn est ainsi en France en venu de l'article 37 nouveau du décret du 12 novembre 1987. 148 S.S. Ardennes (Cargo Owners) c. S.S. Ardennes (Owners), [1951] 1 K.B. 55, 59 ; (1950) 84 LI. L Rep. 330.344. "9 Ccs mentions tiennent essentiellement à ta marque. à la quantité et à l'état des marchandises uansportt5es. "O Georges RIPERT, Droit maritime. 4' M.. t- 2. KrCdit maritime - fortune de mer - vansports maritimesr. Paris, Éditions Rousseau et Cie, 1952. no 1586. p. 494 : R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE. o p cil.. note 77, no 348, p. 323 et M. REMOND-GOUILLOUD, op. cif., note 94, no 547, p. 355-
en tant que contrat151 e t par les textes internationaux en tant que document de vanspon
maritime. Mais, pour qu'il produise ses effets. le connaissement doit être obligatoirement
émis par le transporteur dès lors que le chargeur en fait la demande? Il n'est cependant
pas nécessaire qu'il ait été effectivement délivré car la simple intention que les contractants
ont manifestée d'en émettre un, suffit à déclencher l'application du Convention de
~r t r re l [es '~~ . De même, celle-ci sera appliquée à un contrat de transport non constaté par un
connaissement alors qu'il y avait normalement lieu d'en émettre unls4.
Du reste, il ne suffit pas qu'un document constitue le titre de transport maritime pour
être un connaissement au sens de l'article l(b). Il faut surtout qu'un tel document possède
les caractéristiques d'un c o n n a i ~ s e m e n t ' ~ ~ . C'est pourquoi tout document représentatif de la
marchandise peut être hissé au rang de connaissement. Ainsi en e s t 4 du «ship's delivery
order>>, document émis au cours du transport maritime et qui constitue une coupure du
connaissement individualisant la marchandise à bordIs6 dune part, et très
exceptionnellement de l'arrêté de fret ou note de chargement de fiet (booking note) d'autre
Mais, il faut bien distinguer le connaissement d'une charte-partie. Le premier
matérialise un contrat de transport de marchandises alors que le second constate un contrat
d'affrètement. terrain de prédilection de la Liberté contractuelle, qui porte sur la location du
navire, scellant ainsi une relation contractuelle entre le propriétaire du navire (fréteur) e t le
151 Il faut toutefois mentionner que le connaisscmeni, comme document de transport maritime et pas sculcment en tant que contrat, fait parfois I'objet d'une rdglementation nationale précise. Il en est ainsi notamment au Canada avec la Loi sur les connaissements, L.R.C. 1985, c. B-5. C'était aussi le cas en Grande- Brcingne jusqu'en 1992. Malgré l'absence d'une pareille réglementation en France, Ia doctrine en fait une analyse toute particulière. voir par exemple Yves TASSEL, wLe connaissement. Titre représentatif des rnarchandiscs», (1993) 12 Annuaire de droit marilime et aéro-spotiaf, 205 et suiv. 1 ST Puisque le transporteur a l'obligation de delivrer Ic connaissement dès que le chargeur le Iui demande, une émission tardive ayant causC un préjudice à ce dernier peut donner lieu à une réparation à la charge du transporteur (C.A. Aix-en-Provence, 28 avril 1983, (1984) 36 D.M.F. 726). 153 En Grande-Bretagne, Pyrene Co. c. Scindia Steam Nuvigation Co. [1954] 1 Lloyd's Rep. 321 ; [1954] 2 Q.B. 302 et Aix-en-Provence, 16 mars 1982, (1984) D.M.F. 291 en France. 1% En Anglcte~e Pyrene Co., (1 954) Lloyd's Rep- 32 1, 329. En France, C.A. Aix-en-Provence, 30 oct. 1980, ( 1 982) 34 D. M. F. 30. 15' Hugh Mack & Co. Ltd c. Burns & Laird Liner Ltd. (1944) 77 LI. L. Rep. 337. 156 En France notamment Rennes, 21 juin 1985, (1986) 38 D.M.F. 675, note Raymond Achard. ls7 En France, C.A. Aix-en-Provence. 16 mars 1982. (1984) 36 D.M.F. 291, note approbative Bonassies.
transporteur (affréteur) lS8. C'est pourquoi. en vertu de I'article 1 (b) in fine de la Convention
de BruxeZZes, le connaissement émis en exécution d'une charte-partie ne peut régir les
rapports entre le fréteur et l'affréteur qui demeurent liés par leur contrat d'affrètement, la
chartepartie. Cependant, un tel connaissement sera réactivé et gouvernera les relations
entre le porteur et le transporteur soit lorsqu'il sera détenu par le chargeur qui n'est pas
a f f r é t e ~ r ' ~ ~ , soit Ionqu'il se retrouvera entre les mains d'une tierce personne dors que le
chargeur et l'affréteur sont une seule et même personne160.
Au demeurant, comme instrument contractuel, le connaissement se singularise par
ses fonctions qui, somme toute, sont aussi nombreux que les formes qu'il peut épouser.
Au fond, le connaissement possède trois fonctions majeures : il est d'abord la
preuve du contrat de transport dont il contient les clauses et conditions. il est ensuite le reçu
du chargement des marchandises. Il est enfin un titre aégociable16'.
Aux termes de l'article 3 (4) de la Convenfion de Bruxelles, le connaissement est un
reçu en ce sens qu'il certifie que le transporteur a bien pris possession d'une certaine
quantité de marchandise de qualité précise qu'il se charge d'acheminer à bon port'62. Ce
reçu est d'autant plus probant qu'au départ, le transporteur est a priori admis à faire des
réserves sur la conformité des marchandises qu'il a effectivement reçues à celles décrites
par le chargeur dans le connaissement. Mais, v~lontairement '~~ ou non, il s'en abstient
souvent. Seulement, lorsqu'il s'en est abstenu involontairement, le transporteur peut
158 Cette distinction est cependant plus nette Iorsque I'affrEtement est en coque nue ou A temps et l'est beaucoup moins en cas d'affrètement au voyage. lS9 Chambre arbitrale maritimc de Paris, sentence du 22 mars 1986. 160 R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE. op. cii.. noie 77. no 333. p. 309. 161 TETLEY, W., op. ci?., note 19, pp. 216-220. 162 Il convient dc rcrnarquer qu'un connaissement émis sur la base d'une charte-partie tient lieu de reçu uniquement et ce aussi longtemps qu'il ne sera pas cédé à un tiers porteur. 165 II peut arriver que cette abstention soit volontaire puisqu'en raison de la vaIorisation des connaissements nets (clean bills of fading) dans les ventes maritimes, les parties au contrat de transport conviennent souvent d'dudcr Ics teserves en recourant aux lettres de garanties. En France cependant, le transporteur maritime a désormais l'obligation de formuIer Ics réserves quand il y a lieu (Cass. corn., 31 janv. 1989, navire Prince John, (1991) 43 D.M.F. 396).
ultérieurement offnr de prouver la nature mensongère de ladite description en respectant
certaines conditions'?
Les différentes versions de la Convention de Bruxelles divergent sur le degré
d'opposabilité d'une telle preuve de l'inexactitude des déclarations du chargeur. Ainsi,
l'article 3(4) des Règles de L a Haye dispose qu'une telle preuve sera opposable erga omnes,
sans considération de la transmission du connaissement à un tiers porteur ou de la bonne foi
de ce dernier. Les Règles de La Haye-Visby, modifiées ou non, énoncent quant à elles
qu'une telle preuve n e sera pas admise dorsque le connaissement a été transféré à un tiers
de bonne foi»16'.
Cette dernière solution se justifie aisément par la nécessité d'assurer la sécurité des
transactions commerciales internationales à l'occasion desqueiles le connaissement joue un
rôle de premier plan en tant que titre négociable représentant les marchandises
~ a n s ~ o r t é e s ' ~ ~ . En effet. par sa négociabilité'67, sa seule transmission sufi t à céder la
propriété des marchandises alors qu'elles se trouvent encore à bord du navire en mer.
D'ailleurs, en considération de la typologie densément enrichie par la pratique, nous
pouvons ranger les connaissements en deux catégories : les connaissements classiques et les
connaissements modernes.
> D'une part, les connaissements classiques sont ceux dont l'usage est manifestement
aussi vieux que la réglementation du transport maritime international. On en dénombre
au moins huit formes :
'w L'art. 3 (3) (c) de la Convention de Bruxelles pose deux conditions alternatives : soit que le transporteur a de sérieuses raisons de douter de l'exactitude de la description faite par Ie chargeur, soit qu'il n'a pas eu les moyens suffisants ou normaux de contrôler les déclarations du chargeur. 165 Art. 3 (4) in fine des Règles de La Haye-Visby modifiées ou non.
C'est là une fonction propre au connaissement. 1 67 M . REMOND-GOUILLOUD, op. cit., note 94, no 547, p. 355 qui parle de négociabilitd ou transférabilité du connaissement.
Le connaissement nominatif (numed bill of lading) qui est celui dans lequel le
nom du destinataire est expressément indiqué sans qu'il soit toutefois mentionné
qu'il est à son ordre. Bien qu'en principe il ne soit pas négociable, en France, il
peut être transféré sous réserve du respect des conditions relatives à la cession
d'un contrat16'.
Le connaissement à ordre (order bill of l ~ d i n ~ ) ' ~ ~ est celui dans lequel le
connaissement est indiqué comme étant à l'ordre d'un destinataire identifié avec
la mention qayer à l'ordre de X». II est en principe transférable par
endossement de la personne dont le nom y figuren0.
Le connaissement au porteur (bearer bill of lading) est celui qui appartient
d'office à toute personne qui le détient. Il doit cette étiquette soit à la mention
dans le connaissement de la formule "au porteur", soit à l'absence de toute
mention de quelque nature que ce soit. C'est aussi le connaissement à ordre qui
ne précise pas le nom du bénéficiaire ou dont le bénéficiaire a fait un
endossement en blanc. Au demeurant, il se transmet par simple traditi~n"~.
Le connaissement reçu pour embarquement (received for shipment bill of
lading) est le document émis par le transporteur ou son agent alors qu'il vient de
recevoir les marchandises et ne les a pas encore embarquées à bord du navire.
En attendant l'émission du connaissement proprement dit, il constitue la preuve
du contrat de transport dont il contient d'ailleurs Ies termes principaux et
conditions. Ce genre de connaissement est monnaie courante dans la Convention
de Bmelles où la responsabilité du transporteur ne court généralement que dès
embarquement des marchandises 17'.
Par contre, le connaissement embarqué (sh@ped bill of lading) certifie
notamment que les marchandises sont déjà animées au moment où il est émis. Il
168 R. RODIÈRE, op. cit., note 1 , no 482. p 111. 11 s'agit essentiellement des conditions de l'article 1690 du Code civil frayais. ' 6 9 Toutefois, aux Etats-Unis. Ic connaissement à ordre dénommé unegocioble bill o f ladinp se transmet soit par cndosscmcnt, soit par délivrance (Voir Pomenere Act, 1916, 49 U.S. Cde, art. 80103 (a) et art. 6 respectivement). 170 R. RODIERE, op. cit., note 1, na 482, p. 112, 1 7 ' 16. 172 C'est l'ébauche de la règle du «palan A palam sur laquelle nous reviendrons plus en d 6 t . l ultérieurement.
est parfois sollicité par les chargeurs qui désirent éviter toute rupture de charge
de risques.
Le connaissement net (clean bill of lading) est celui dans lequel ne figure
aucune réserve formulée par le transporteur sur la conformité des marchandises
qu'il a effectivement regues à celles déclarées par le chargeur173. Très prisé dans
l'industrie du transport maritime et dans le bon fonctionnement du crédit
documentaire, le connaissement net laisse présumer que les marchandises
remises au transporteur étaient apparemment dans un bon état. En conséquence,
les dommages constatés à l'arrivée l'accablent.
Le connaissement intégral (long form bill of lading) est le connaissement
contenant toutes les stipulations du contrat de transport. Habituellement
disponible auprès de l'organe directeur de la société de transport, on lui préfere
pratiquement le connaissement abrégé qui y réfere directement.
Le connaissement abrégé (short form bill dluding) est la version simplifiée du
connaissement dont la version intégrale est détenue par le transporteur. La
validité du connaissement abrégé est cependant subordonnée à sa stricte
conformité au connaissement intégral.
n convient de noter à ce niveau que seuls le connaissement à ordre et le connaissement
au porteur sont, en principe, par leur nature même, négociables.
> Les connaissements modernes d'autre part sont surtout ceux qui sont apparus avec le
développement de la conteneurisation. Ils sont au nombre de deux :
Le connaissement de transport rnultimodal ou combiné (rnultimodal or
combined bill of lading) est celui qui vise à couvrir une opération de transport
globale qui nécessite l'utilisation d'au moins deux modes de transport différents
173 Voir IVirth Lirnited et al. c. The "Federaf Danube", 10 mai 1996, no T-1701-90 (F.C.T.D.) qui précise que le connaissement net ne signifie pas que (es marchandises rcçues sont d'excellente qualit6 mais seulement qu'au terme d'une vérification raisonnable, les marchandises ne présentaient apparemment pas de vice-
qu'ils soient maritimes, routiers, ferroviaires ou aériens. L'illustration parfaite en
est le connaissement F.I.A.T.A."'.
Le connaissement de bout en bout (ocean through bill of lading) est par essence
celui par lequel un transporteur maritime réalise le transport de porte à porte. il
s'engage à acheminer les marchandises de l'endroit où il les reçoit - qui n'est pas
nécessairement un port - au point de destination - qui n'est pas non plus
forcément un port - alors que l'ensemble de l'opération nécessitera la
participation de plusieurs transporteurs, maritimes ou non.
Comme on peut le constater, cette diversité du connaissement contraste avec
l'étroitesse de la Convention de Bruxelles que les Règles de Hambourg ont
péremptoirement rejetée.
1.2. L'élargissement des Règles de Hambourg a tous les contrats de transport
maritime
La Convention de Hmbourg a fait preuve d'ambition en élargissant la
réglementation internationale à tous les contrats de transport maritimes sans considération
du véhicule contractuel emprunté. Ainsi, aux termes de l'article 1 (6) appuyé par l'article 2
(1) des Règles de Hambourg, celles-ci s'appliquent <<à tout contrat par lequel le transporteur
s'engage, contre paiement d'un fret, à transporter des marchandises par mer» même si elles
semblent accorder une certaine supériorité au connaissement eu égard à la sûreté qu'il
confère à son détenteur"'.
Certes, il suffira que les parties conviennent des termes du contrat de transport
maritime pour q u e le régime de Hambourg soit mis en branle, mais il pourrait leur être
demandé de prouver qu'un tel contrat a effectivement été conclu. C'est pourquoi, il est
judicieux de recourir à un document contractuel quel qu'il soit. Il semble que l'on ait ainsi
sonné le glas du connaissement déjà progressivement délaissé à cause de la forte
174 Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés CF.1.A.T.A.). 17' Art. 14 et suiv. des Règles de Hambourg.
concurrence que lui servent notamment les documents caractère n ~ n - n é ~ o c i a b l e s ' ~ ~ en
tête desquels figure la lettre de transport maritime (seo way-bill)'n.
En effet, il va sans dire que les parties pourront continuer à faire usage du
connaissement auquel s'appliquent mutatis rn~tondis"~ les règles de forme et certaines
règles de fond dégagées plus haut dans le cadre de la Cornenfion de Bruxelles. Mais depuis
quelques années, des facteurs tenant notamment à la rapidité des navires et à la lourdeur du
formalisme du connaissement et au transport par conteneurs ont favorisé la vulgarisation de
la lettre de transport maritime. Sans aucune intention de restreindre la portée des Règles de
Hambourg, nous pensons que parallèlement à la naissance et au développement d'autres
instrurnen ts contractuels électroniques ou non179, les lettres de transport maritimes, déjà
bien implantées, connaîtront une expansion fulgurante. Aussi convient-il de voir ce qu'il en
est exactement.
La lettre de transport maritime est un document clairement identifié comme étant
non-négociable dont la finalité est notamment de constater le contrat de transport de
marchandise par mer, la prise en charge et le chargement de la marchandise par le
transporteur. Pour l'heure, elle trouve son terrain de prédilection dans le transport de courte
distancelsO ou dans le transport dont le contrat de vente sous-jacent fait fi d'un paiement
documentaire. il semble qu'elle tienne aussi ce succès de ses caractéristiques propres.
En effet, si elle permet aux parties d'échapper à toutes les contraintes formalistes du
connaissement, la lettre de transport maritime est aussi bien indiquée pour le transport de
port à port que pour le transport multimodd. Mieux, à l'exception du straight waybill
176 L'importance de tels documents incite la communauté internationale à leur fignoler un encadrement juridique global, voir à cet égard Eric A. CAPRIOLI, «La normalisation internationale des documents de transport maritime non négociables», (1995) 13 Annuaire de droit maritime 177 ct suiv. "' Pour des dCvcloppernents plus étendus sur les lettres de transport maritime, voir Wil:iam TETLEY, «Way- bills : The Modem Contract Carriage of Goods by Sea», (oct. 1983) J. Mar. L. & Corn. 465 et suiv. 178 Les Règles de Hambourg ont en effet réaménagé le connaissement aux termes des articles 14 et suivants. Ainsi par exemple, les lettres de garanties sont ddsormais r6glementées (art. 17). "' Sur I'informatisation du connaissement et son avenir par exemple, voir en général R.1.L- HOWLAND, <<L'avenir du connaissement et les connaissements électroniques mai 1 9 9 4 ~ ~ (1995) 13 Annuaire de droit maritime 20 1 et suiv. '*O Notamment sur l'Atlantique-nord où l'une de ses variantes est le adaiafreight recelpi,, utilisé par l'Atlantic Container Line, la Manche, la mer du Nord et la mer Baltique.
américain qui est négociable par sa fonction de titre de la marchandise, la lettre de voiture
maritime est en principe non négociable et répond ainsi aux attentes de nombreuses
entreprises transnationales qui sont à la fois chargeurs et destinataires et n'ont pas besoin de
faire des transactions sur les marchandises en cours de transport. De surcroît, contrairement
au connaissement, le destinataire n'a pas besoin de remettre la lettre au transporteur pour
recevoir la marchandise puisqu'il se contente de décliner son identité.
2. Les bases matérielles de l'application d'un régime internationai pertinent
Poser les bases matérielles de l'application d'un régime international de la
responsabilité du transporteur maritime consistera à déterminer les marchandises (2.1)
et les paramètres de la responsabilité (2.2) auxquels s'applique l'un des régimes de la
responsabilité du transporteur.
2.1. Les marchandises
La pratique dans l'industrie du transport maritime enseigne que les marchandises en
vrac, très volumineuses, échappent généralement à l'emprise de chacune des Conventions
internationales qui nous occupent parce qu'elles sont de préférence transportées en vertu de
contrats d'affrètement librement négociés par des parties aux pouvoirs contractuels
quasiment égaux'8'. Ceci étant, la plupart des marchandises dont le transport pourrait être
l'occasion pour le transporteur d'exhiber son énorme pouvoir contractuel sont soumises à
l'un des régimes pertinents. Toutefois, la Convention de B~uxeIIes s'applique de façon
restrictive aux marchandises (2.1.1) alors que les Règles de Hnmbourg sont plus généreuses
à cet égard (2.1.2).
2.1.1. Une conception restrictive de la marchandise dans la Convention
de Bruxeiies
Pour la détermination des marchandises auxquelles elle s'applique, la Cornenfion de
Bruxelles est assez restrictive. Ainsi, aux termes de l'article 1 (c), elle ne couvre ni le
"' Hugh M. KTNDRED, From Hague to Harnburg : International Regulation of The Carriage of Goods by Seri », (October 1983) Dalhousie L a w Journal 585,589.
transport des animaux vivants'8z, ni les marchandises transportées sur le pont du navire. S'il
est vrai qu'en général l'émission d'un connaissement net suppose que les marchandises
seront transportées dans la cale du navire1", il est des situations où les marchandises sont
transportées en pontée. L'exclusion de cette modalité de transport retiendra plus
longuement notre attention puisqu'il faut notamment distinguer le transport en pontée
régulier du transport en pontée irrégulier.
L'article 1 (c) de la Cornenfion de Bruxelles exclut de son champ d'application «la
cargaison qui, par le contrat de transport, est déclarée comme mise sur le pont et, en fait, est
ainsi transportée». Ainsi, à moins d'une clause spéciale du connaissement exprimant
clairement la volonté des parties de maintenir leur contrat sous l'empire d e la Convention
de ~ r u x e ~ i e s ' ~ ~ , lorsque le transporteur arrime les marchandises sur le pont du navire avec
le Consentement du chargeur, le transport en pontée est régulier et échappe au texte de
~ m x e l l e s ' ~ ~ . Par conséquent, les clauses et conditions du connaissement émis à cette
occasion se trouvent en dehors de la portée de la Convention de Br?areks et la
responsabilité du transporteur s'en éloigne d'autantlg6.
-Mais, prévoir dans une clause du connaissement qu'une marchandise pourra être
placée en pontée «ne vaut pas à elle seule déclaration de mise sur le pont telle qu'exigée par
la onv vent ion»*^' même si le navire est muni d'installations appropriées'88. Nonobstant
cette interprétation relativement inflexible, une clause du connaissement autorisant le
''' L'exclusion du transport des animaux vivants sc justifie vraisemblablement par Ia nécessitk de ne pas soumettre i un régime commun une opération qui par sa seule nature exige du transporteur des soins minutieux. 153 Aux Etats-Unis d'Amérique, T. Roberts & Co. c . Calmar S.S. Corp., 59 F. Supp. 203. 209 ; 1945 AMC 375. 384-385. 1s W. TETLEY, op. cit., note 19, p. 654. 165 En France, C.A. Pais, lm oct. 1986, (1987) 39 D.M.F. 43 1. 166 Toutefois, la Convention de Bnaelles et particuliérement les Règles de Lu Haye-Visby seront à nouveau pcnincntes si le transporteur a commis une faute au cours du transport en pontée et que les auucs stipulations conuactucIlcs énoncent qu'il doit en être tenu. C'est l'essentiel de la décision rendue au Canada dans Canadian Pacfic Forest Prodtrcts Limited et. al. c. The"Belfimbern et. al., 23 avril 1996, no T-1861-92 (F.C.T.D.). 187 En France notamment, Affaire du navire Seven Seas, CA de Paris du 24 avril 1992, (1992) B.T. 620 ; (1993) D.MF. 91. Ainsi en est-il a fortiori si une telle clause figure au verso du connaissement. Voir B cet égard Cass. corn. 7 juillet 1998, Affaire nuvire Atluntic Island, ( 1 998) D. M. F. 570, 826. 168 Affaire navire Atlantic Island, précitée, note 187, 826.
transport en pontée suffit à régulariser cene modaiité de chargement si a posteriori, le
transporteur a pris soin d'informer le chargeur de son initiative de charger la marchandise
en pontée'89.
Plus généralement cependant, pour que les marchandises soient régulièrement
transportées en pontée et donc exclues de la sphère du régime de Bruxelles, il faut que le
chargeur y ait expressément consenti avant ou au moment de la disposition des
marchandises sur le pont. Lorsque son acceptation est sollicitée seulement au moment où il
reçoit le connaissement après l'embarquement. le transport en pontée est réputé irrégulier19o
et ressortit conséquemment de Ia Convention de Bruxelles.
En clair, les marchandises irrégulièrement transportées sur le pont du navire
demeurent couvertes par la Convention de ~ruxeiles*~'. Par contre, les marchandises, objet
d'un contrat de transport en pontée réguIier, ne sont pas régies par les dispositions
généralement impératives de la Convention de ~rwrelles'~'. Dans ce dernier cas, chargeur
et transporteur intéressés seront admis à discuter librement les clauses et conditions de leur
contrat. Tandis que le premier sollicitera la réduction du fret, le second pourra négocier des
clauses limitatives ou exonératoires de sa r e~~onsab i l i t é '~~ , voire des clauses Himalaya pour
ses employés et ses sous- contractant^^^'.
189 Cass. corn. 18 janv. 1994, (1 994) D.M. F. 55 1, obs. Bonassics, (1 995) D.M.F. 184 ; Tr. corn. de Marseille, 1 1 septembre 1998, navire Canaille, (1998) Scapel 165. IgO C.A. Paris, la oct. 1986, (1987) 39 D.M.F. 431,432. 19' Affaire navire Atfantic Island, précitée, note 1 87, 826. 19' Canadian Pacific c. Belships, (1 996) 1 1 1 F.T.R. 1 1 ; 1996 AMC 2 168 (Can. F.C.). 193 H.B. Contracring c. Northland shipping (197 1 ). 24 D.L.R. (3d) 209 (B.C.C.A.) " La clause Himalaya est une clause du connaissement qui permet B un transporteur d'étendre le béndfice des moyens de défense et des clauses l imi tahx et exonératoires de responsabilité à une tierce personne comme ses employés et ses agents. Pour les conditions de validité d'une clause Himalaya, voir Scruttonr Ltd c. Midland Silicones Ltd., [1962] A.C. 446. Pour d'amples dkveloppements sur le sujet, voir W. TETLEY, «The Himalaya Clause - Heresy or Genius ? m. (October 1977) 9 J. Mar. L. & Corn. 11 1 et suiv. et W. David ANGUS, (<A Victory for Pragmatism : Supreme Court Confirms validity of Himalaya Clause under Canadian Maritime Law», dans FACULTY OF LAW, McGILL UNIVERSITY, Current Problems in Maritime L m Canada / United States / International - Le droit maritime : problèmes d'actualité au Canada / Etats-Unis / étranger, Don Mills. Richard De Boo Publishers. 1987, pp. 119 et suiv. Au demeurant, la clause Himalaya ne pourra pas être valide dans les Règles de Hambourg parce qu'en vertu de l'article 5 (4) (a), ceIlesci s'appliquent impérativement aux préposés et mandataires du transporteur.
En général, le transport en pontée porte sur des marchandises conteneurisées et s'il a
lieu de façon régulière, la Convention de Brzrxe2Ze.s manque de régir un nombre
impressionnant de situations mettant en cause la responsabilité du transporteur maritime. À
cet égard, le professeur Kindred estime très pertinemment que cette exclusion «maices no
sense at a11d9'.
Au surplus, les conteneurs ainsi utilisés sont eux-mêmes des biens dotés d'une
valeur'96. Aussi, que le conteneur soit vide ou plein, qu'il soit arrimé dans la cale du navire
ou irrégulièrement transportés sur le pont du navire, la jurisprudence197 le considère comme
une marchandise distincte de son contenu et le soumet à ce titre aux dispositions de la
Convention de Bruxelles. C'est là un enseignement jurisprudentiel dont les Règles de
Humbourg ont su tirer le meilleur parti'98.
2.1.2. Une conception extensive de la marchandise dans les Règles de
Hambourg
Les Règles de Hambourg couvrent une vaste gamme de marchandises. Aux termes de
leur article 1 (5) en effet, les marchandises doivent «s'entendre également des animaux
vivants ; lorsque les marchandises sont réunies dans un conteneur, sur une palette ou dans
un engin de transport similaire ou lorsqu'elles sont emballées, [elles doivent] s'entendre
également dudit engin de transport ou dudit emballage s'il est fourni par le chargeur».
Comme on peut constater, Ies Règles de Hambourg s'appliquent notamment aussi bien
aux marchandises ordinaires qu'aux animaux vivants et aux marchandises transportées en
pontée'99 même si elles se gardent bien de les soumettre à un régime de responsabilité
t '35 H. M. KTNDRED, loc. cit., note 18 1,598. '% M. REMOND-GOülLLOUD, op. cir.. note 94. no 576, p. 372. '97 Aix-en-Provence, 19 déc. 1979, (1980) D.M.F. 731 pour les conteneurs ct Corn. 26 février 1980, (1980) B. T., 260 pour Ies palettes et autres engins de groupage coûteux. 193 En effet, l'article 6 (2) des Règles de Hambourg traite les conteneurs et autres engins similaires comme des marchandises à part entière. 1 99 Art. l(5) des Règles de Hambourg.
commun. En effet, dans une large mesure, les animaux vivants et les marchandises
transportées en pontée sont assujettis à des règles de responsabilité particulières'00.
D'une part, le transporteur qui entreprend de déplacer les animaux vivants est tenu de
respecter les instructions à lui données par le chargeur sur le type de traitement que doivent
recevoir lesdits animau~'~'.
D'autre part, sous peine d'aggraver sa re~~onsabilité'~', le transporteur est admis à
mimer Ies marchandises sur le pont du navire dans l'une des trois conditions ci-dessous
fixées par les articles 9 (1) et 15 (1) (m) :
- Si le transporteur s'est tout simplement conformé à une réglementation en vigueur
dans le lieu de chargement qui exige une telle modalité de transport.
- Si ledit transporteur s'est contenté de suivre un usage en cours dans le port de
chargement. Sur ce qu'il faut entendre par un usage. il nous semble approprié d'en
définir le contenu au cas par cas sans faire f i des ébauches jurisprudentielles
pertinentes'03. On pourrait notamment considérer qu'il est d'usage que les navires
porte-conteneurs transportent leurs marchandises en pontée2w et pourquoi pas que
les marchandises .empotées» dans des conteneurs soient pareillement transportées.
- Si le transporteur et le chargeur y ont convenu par un accord qui de l'avis du
professeur Tetley ne devrait pas forcément être exprèszos d'autant plus qu'une simple
200 Comme nous le verrons plus loin, les Règles de Hambourg ont aminagé des régimes de responsabilité particuliers aux animaux vivants et aux marchandises transportées en pontée (art. 5 ( 5 ) et 9 respectivement 1. "' Art. 5 ( 5 ) des Règks de Hambourg. 'O' Cette aggravation est préconisée par l'article 9 (3) des Règles de Hambourg sur lequel nous reviendrons dans le passage uaitant dc l'extension des dommages. 'O3 Voir notamment le juge Brett dans l'espèce Royal Exchange Shipping Co. c. Dhon. (1886). 12 App. Cas. 1 1 citée par Jarncs B. WOODER, ~ D e c k Cargo : Old Vices and New Law», (1 99 1) 22 J. Mar. L. & Corn. 13 1, 14 1 qui estime que la preuve d'un usagc «rnust indicale a practicc so general and universal in the uade and at the port of shipment that cverybody shipping goods must be taken to know that his goods wcre likely to be siowed on dccb . 20.4 C. LÜDDEKE et A. JOHNSON, op. cil., notc 94, p. 22. En France d'ailleurs, aux termes de l'article 22 (2) de Ia loi modificatrice du 21 déc. 1979. le choix d'un porte-conteneurs par le chargeur laisse présumer son conscntcment au transport de ses marchandises en pontée. 20.5 W. TETLEY, loc. cir.. notc 37, 10 : dans le même sens, C. LÜDDEKE et A. JOHNSON, op. cit., note 94, p. 21. L'argument avancé est que la version anglaise des Règles de Hambourg utilise les mots «in the bill of lading» au lieu de «on the face of the bill of ladingm.
mention permissive insérée dans un connaissement intégral conformément à
l'article 15 (1) (m) semble suffisant'06. Mais, en l'absence d'une telle mention, le
transporteur a la charge de prouver l'existence de accord'^ bien qu'en l'occurrence.
cette preuve ne puisse nullement être opposable à un tiers détenteur de bonne foi du
connaissement (art. 9 (2)).
Que l'une de ces conditions ait été respectée ou non, les Règles de Hambourg
gouverneront la responsabilité du transporteur maritime.
2.2. La responsabilité contractuelle et/ou délictuelle
11 sera ici question de définir la nature de la responsabilité que le transporteur maritime
expose à l'occasion de l'opération de déplacement des marchandises. À cette fin, nous
apprécierons jusqu'à quel point Iadite responsabilité tombe sous le coup des Règles de La
Huye (22.1) et des régimes internationaux qui les ont suivies (2.2.2).
2 . 2 . L'apparente restriction des Règles de La Haye à la responsabilité
contractuelle
Les Règles de La Haye ne contiennent aucune disposition expresse permettant de
cerner la nature de la responsabilité qu'elles régissent. Cependant, si l'on considère que les
dommages survenus antérieurement à l'embarquement ou postérieurement au
débarquement nc donnent pas lieu à l'application de la Convention de Bruxelles, on est
tenté de croire que pratiquement, les Règles de L a Haye ne trouveront à s'appliquer que
lorsque l'action intentée sera à caractère contractuel. Ainsi, généralement, seule une action
fondée sur une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles par le transporteur sera
régie par les Règles de L a ~ u y e ' * ~ .
'O6 W. TETLEY, foc. cit., note 37, 1 1. 207 M. REMOND-GOUILLOUD, op. cil., note 94, no 565. p. 366.
W. TETLEY, op cil., note 19, p. 230.
Cependant, dans deux hypothèses, l'ayant droit à la marchandise a aussi été admis à
poursuivre le transporteur sur la base d'une action en responsabilité extracontractuelle.
La première hypothèse est celle où l'ayant droit à la marchandise est forclos parce
que le délai d'un an qui lui est alloué pour intenter une action contractuelle contre le
transporteur est expiré. Aussi, malgré la prescription qui le frappe par ailleurs, il peut quand
même poursuivre le transporteur en responsabilité d é l i c t ~ e l l e ~ ~ ~ . En conséquence, les
Règles de L a Haye ne trouvent plus à s'appliquer et font place au droit commun de la
responsabilité et plus ostensiblement au principe de la réparation intégrale. À cet égard, on
assiste à une dénaturation de l'un des objectifs fondamentaux des Règles de La Haye qui est
de limiter la responsabilité du transporteur maritime.
La seconde hypothèse, la plus répandue, suppose que dans le for où cela est
possible"0. l'ayant droit à la marchandise peut cumulativement poursuivre le transporteur
sur des bases contractuelle et déLictuelle" ' .
L'interprétation suggérant que les Règles de La Haye se bornent en principe à
couvrir Ia responsabilité contractuelle du transporteur maritime est d'autant plus
convaincante que les régimes internationaux subséquents couvriront explicitement tout
genre de responsabilité"'.
'O9 Leigh and Silrivan Lrd c. AIiokmon Shipping Co. Lrd. (The Aliokmon), [I985] 1 Lloyd's Rep. 199, 206. Mais, au Canada, le droit d'action délictuelle ainsi reconnu au cas par cas à l'ayant droit à la marchandise paraît fondamentalcment subordonné aussi bien à la proximiik du lien existant entre celui-ci et le transporteur qu'à Ia prévisibilité raisonnable des dommages réprochés A ce dernier. Voir dans ce sens Canasrrand Industries Ltà. c. The Lara S., [ 19941 176 N.R. 3 1 (Fed. C.A.). 210 Sur le cumul de responsabilités, Voir notamment William TETLEY, Maritime Liens and Cluims, 2' éd., Montréal. Éditions Yvon Blais. 1998, pp. 718 et 719. Le cumul de responsabilités contractuelle et extracontractuellc est généralement admis aux Étas-unis et dans les pays de cornmon law tandis que dans certains systèmes civilistes comme en France et au Québec (art. 1458, alinéa 2 du C.C.Q.), i1 est carrément interdit. " ' Maxime Foorwear Co. c. Can. Governmenr Merchant Marine Ltd , [ 1 9521 Ex. C. R 569,575, 212 C'est en tout cas la conclusion à laquelle nous mene la règle expressio unius est exclusio aherius.
2.2.2. L'extension des régimes subséquents à la responsabilité à
caractère extracontractuel
Les Règles de L a Haye-Visby, les Règles de L a Haye-Visby telles que modifiées par
le Protocole de 1979 et les Règles de Hambourg ont expressément étendu leur régime à la
responsabilité contractuelle et à la responsabilité délictuelle du transporteur maritime de
marchandises.
Aux termes de l'article 4 bis (1) in fine des Règles de L a Huye-Visby. modifiées ou
non, «que l'action soit fondée sur la responsabilité contractuelle ou sur une responsabilité
extra-contractuelle», le régime de la responsabilité du transporteur est désormais le même.
II est ainsi utilement énoncé qu'indistinctement de la nature de l'action intentée contre le
transporteur maritime de marchandises par son ayant droit, la rzsponsabilité dudit
transporteur tombe sous le coup des RègIes de L a Haye- Visby modifiées ou non.
Quant aux Règles de Hambourg, conformément à leur article 7, elles gouvernent la
responsabilité du transporteur, qu'elle soit «contractuelle ou délictuelle ou autrement ».
Ainsi, quelle que soit la nature de l'action intentée contre le transporteur maritime, dès lors
que les autres conditions d'application des Règles de Hombourg sont réunies, les
dispositions qu'elles énoncent trouveront à s'appliquer et le transporteur pourra notamment
se prévaloir des limites qu'elles établissent. Cependant, qu'elle soit contractuelle ou
délictuelle, la responsabilité du transporteur maritime ne tombe sous le coup de l'un des
régimes internationaux pertinents que pour des activités menées au cours d'une certaine
période.
III. La durée de la responsabilité du transporteur maritime
Nous envisagerons tour à tour la durée de la responsabilité du transporteur maritime
telle qu'elle apparaît dans la Convention de Bruxelles ( 1 ) et dans les Règles de Hambourg
( 2 ) .
1. La durée de la responsabilité dans le régime de la Convention de BruxeUes :
ta règle du ccpalan à palan»
La particularité des risques inhérents au transport maritime, la différence entre les
modalités de manutention en cours dans bien de pays et le fait que cette manutention
échappe généralement à l'emprise du transporteur sont autant de facteurs qui semblent
avoir milité pour une délimitation temporelle de la responsabilité confmée à la partie
maritime même du transport maritime sous l'empire de la Convention de B ~ ~ L X ~ I Z ~ S " ' .
En effet, la durée de la responsabilité du transporteur maritime y est fixée par
l'article 1 (e) à la période qui <<couvre le temps écoulé depuis le chargement des
marchandises à bord du navire jusqu'à leur déchargement du navire». De plus, les articles 2
et 3 (2) de la même Convention disposent que le chargement et le déchargement sont à la
charge du transporteur et toute clause du connaissement qui l'en dispense est nulle? En
clair, la responsabilité du transporteur maritime court du de%ut du chargement à la fin du
déchargement.
L'interprétation de ces dispositions conventionnelles a consisté à rechercher de
façon concrète le moment auquel commence le chargement et celui auquel le déchargement
du navire prend fin. Lorsqu'on sait qu'aujourd'hui toutes ces opérations se font, en
g,énéralXs, soit à l'aide du palan du navire, soit grâce au palan placé sur le quai, la difficulté
se situe au niveau de la place à accorder à ces grues dans la délimitation précise de la durée
de la responsabilité couverte par la Convention de Bruxelles. Il faut distinguer deux cas :
"' Samir MANKAB ADY, The Hamburg Ruler on The Carriage of GooL by Seo, Boston. Leyden, 1 978. p. 39. 214 En France notamment Cass. corn., 19 mars 1985, navire Valais, (1986) D.M.F. 20 : (1 985) B. T 332 et Cass. corn., 14 mai 1991, (1992) D.M.F. 151. 115 Il ne faut cependant pas oublier que certaines opérations de chargement et de déchargement ne recourent pas au palan. Ainsi cn est-il lorsque celles-ci son1 effectuées par ro-ro pour routiers, sea lines pour les pétroliers, suceuses pour les grains, bennes preneuses ou encore il dos d'hommes dans certains ports.
Si le palan utilisé est celui du navire, dans l'affaire Fyrene Co. c. Scindia Steam
Navigation CO. "6, les juges anglais ont heureusement consolidé une vieille
tradition"' en statuant que le d b u t du chargement coïncide avec le moment où la grue
du navire souJève les marchandises même si elles n'ont pas encore traversé le
bastingage du navire car «when the goods are Ioaded on were not intented to do any
more than identify the fxst operation in the senes which constituted the carriage of
goods by sea». La jurisprudence française n'est pas aussi méticuleuse puisque pour elle,
le chargement ne s'entend que de la saisie des marchandises à quai à proximité du
navire pour être hissées ou introduites dans celui-cias.
Par contre, si le palan utilisé pour le chargement est celui placé sur le quai, il est de
tradition de considérer le moment où les marchandises qu'il soulève traversent le
bastingage du navire comme point de départ de la durée de la re~~onsabili té"~. Mutatis
rnzrtandis, les règles ainsi posées servent également à déterminer la fin du déchargement
et partant la fin de la période de responsabilité couverte par la Convention de Bruxelles.
C'est dire qu'en général, sous réserve de la distinction qui précède, la responsabilité du
transporteur court du moment où les marchandises sont soulevées par le palan au port
de chargement jusqu'au moment où lesdites marchandises sont soulevées par le palan
du même navire au port de déchargement. C'est la règle du qalan à palan»"2o.
Cette règle du <<palan à palan» a une double conséquence. D'une part, elle opère un
«sectionnement légal du contrat>>"' de transport maritime. En effet, dans la pratique, il est
courant que les marchandises soient remises au transporteur bien avant leur embarquement,
dans un entrepôt appartenant au transporteur ou dans un terminal portuaire notamment. Or,
si la responsabilité du transporteur ne tombe sous le coup de la Convention de Bruxelles
'16 En Grande-Bretagne. Pyrene Co. c. Scindia Sream hrmigarion Co. Il9541 2 Q.B. 402. p. 418 ; [1954] 1 Lloyd's Rep. 321,328-329. '" W . TETLEY. op. cil.. note 19. p. 14. "' En France, C.A. Aixen-Provence, 5 mai 1987. (1988) D.M.F. 384. =19 W. TETLEY. op. cit., note 19, p. 14.
W. TETLEY, op. cit., note 19, p. 14 221 C.A. Aix-en-Provence, 8 mars 1974, (1974) D.M.F. 520.
qu'en verru de la règle du upalan à palan*z, il subsiste une incertitude quant au régime
juridique qui la gouvernera avant le chargement et après le déchargement, deux périodes
charnières qui sont pourtant considérées comme des parties terrestres du transport maritime
proprement ditm.
Comme la Convention de Bruxelles ne peut s'appliquer d'office, les parties peuvent
s'en prévaloir dans leur connaissement au moyen d'une clause «Pararnount>> À défaut, il
faudra recourir à une loi nationale. À cet égard. certains Etats comme la rance^ et les
€ta&-LJnisX6 ont des textes qui s'appliquent impérativement aux phases du pré-chargement
et du posr-déchargement. Toutefois, dans l a majorité des Etats, les dispositions légales
pertinentes sont supplétives. Dans ce cas, comme le permet l'article 7 de la Convention de
Bruxelles. le transporteur est passé maître dans l'art de négocier des clauses exonératoires
dont ia validité ne fait aucun doute"'.
D'autre part, la règle du «palan à palam crée une rupture de charge importante dans
Ia transmission des risques au cours du déplacement des marchandises. Cela se manifeste
surtout en cas de transbordement des marchandises au cours du transport maritime? En
effet, une application stricte de l'article 1 (2) peut amener à mettre un terme à la
responsabilité du transporteur si avant le port de destination survient u n transbordementzg.
Or, cette opération suppose nécessairement le déchargement d'un navire au profit d'un
autre et donc le transfert des marchandises d'un navire à un autre. À cet égard. le
-77
Voir notamment C.A. Paris, 2 décembre 1998, navire Lucy, (1999) 51 D.M.F. 732. 2-3 Bernadette KERGUELEN-NEYROLLES (dir.), Lamy transport, 25' éd., t. 2, Komrnission dc uansporr, ventes intemationdes, modes de paiement, transports maritimes, ü-ansports ferroviaires, transports aériens, transports fluviaux, la douane,., Paris, Société Lamy, 1999. p. 268. 1 4 Nous verrons plus en détail cette clause dans la partie traitant du champ d'application d'un régime intcrnationaI de Ia responsabilité du transporteur maritime.
Voir art. 15 in j h e et 16 de la loi na 66420 du 18 juin 1966. "' Voir art. 1 du Narrer Act 1893 ou art- 190 du 46 U.S. Code. 227 Notamment ITO-international Terminal Operators c. Miida Ekcrronicr Inc., précitée. note 6, 799 ; 1986 AMC, 2580, 2619 au Canada. The Arawa, [1980] 2 Lloyd's Rep. 135 en Grande-Bretagne. En France, cette clause ne vaut que pour la période antérieure u Ia prke en charge de la marchandise et a partir du déchargement du navire, C.A. Rouen, 2" ch. civ., 7 févr. 1985. Rhône Méditerranée c. Canadian Pacifc, Lamylinc. 228 Le chargement et Ie déchargement par dléges sont des exemples courants, quoique d'envergure réduite, de ce genre d'opération. 229 H. M. KINDRED, Zoc. cit.. note 18 1,596.
déchargement ainsi effectué à l'occasion d'un transbordement a pour conséquence de
suspendre l'application de la Convention de B~wxeZZes à la responsabilité du transporteur
ainsi .soulagé» des marchandisesuo. Cette interprétation est d'autant plus pertinente que la
Conven~ion de Bnrxeffes n'a pas envisagé la substitution d'un transporteur et encore moins
le transport par transporteurs successifs. C'est là l'une des différences notables qu'ont
instituées les Règles de Hambourg dont la durée de responsabilité se veut d'ailleurs plus
pratique'31.
2. Le pragmatisme des Règles de Hambourg : la règle du «port à port»
Sous l'empire des Règles de Hambourg, la durée de la responsabilité se veut
conforme à la période du transport maritime proprement ditB'. En vertu de l'article 4 (1)
des Règles de Hambourg, la responsabilité du transporteur maritime couvre «la période
pendant laquelle les marchandises sont sous sa garde au port de chargement, durant le
uanspon et au port de déchargement». Ainsi, elle ne commence à courir que dès la prise en
charge de la marchandise par le transporteur dans un endroit quelconque du port de
chargement et ne s'achève qu'après 1' acheminement de ladite marchandise au port
dl
Certains événements courants dans l'industrie du transport maritime ont été
identifiés dans l'article 4 (2) des Règles de Hambourg afin de matérialiser de façon précise
les frontières temporelles de la responsabilité. Aussi, la prise en charge survient à l'instant
où le transporteur repi t les marchandises du chargeur ou du représentant de celui-ci'34,
730 Marcellino Gonzalez c. James Nourse Ltd, il9361 1 K.B. 565 ; Captain c. Far Earstern Steamship Co. (1978). 7 B.C.L.R. 279 (B.C.S.C.). Voir aussi pour un cas de déchargement par allège, Cass. corn., 8 juin 1948, D. 1948. p. 553 où il est notamment décidé que la rnisc sur allège constitue livraison. "' Les opdrations de transport au cours desquelles un transporteur se substitue un autre ou succède à un autre sont rcspcctivernent régies par les articles 10 et I I des Règles de Hambourg. 232 De surcroît. aux termes de l'article 1 (6) des Règles de Hambourg, lorsque le vansport concerne est combiné ou multimodal, seule la partie inhérente au transport maritime est assujettie au régime de Hambourg.
II convient cependant de noter que l'article I I des Règles de Hambourg permet au transporteur de SC libérer pour la partie de ses obligations contractuelles accomplie par un transport substitué qu'il avait expressément identifié dans le contrat dc transport. 234 Le représentant du destinataire ici peut être un mandataire, un préposC ou toute personne agissant pour le compte du destinataire conformément à l'article 4 (3) des Régies de Hambourg.
d'une autorité ou autre tiers auquel lesdites marchandises doivent légalement être remises
pour expédition'35. De même, cette prise en charge se termine du moment où le transporteur
remet la marchandise au destinatairez6, à une autonté ou à toute autre personne
«conformément au contrat ou aux lois ou aux usages du commerce considéré applicables au
pon de déchargernent>p3'.
Force est de constater que la largesse de cette dernière disposition'3s pourrait
notamment profiter au transporteur qui a la latitude de participer à la détermination du
moment de la livraison d'autant plus facilement que très peu d'Etats ont obvié sa liberté
contractuelle à cet égard239. En effet, nonobstant les dispositions de l'article 23 des Règles
de Hambourg, la place laissée au contrat par l'article 4 (2) (b) (ii) permet au transporteur
maritime de raccourcir la durée de sa responsabilité en avaqant le moment de la livraison
dans le port de déchargementzM. À cet égard, le transporteur se trouve libéré de toute
responsabilité pour les dommages consécutifs au déchargement'41.
Mieux et toujours dans le sens de l'article 4 (2) des Règles de Hambourg, en
l'absence d'une loi nationale impérative, il n'est pas exclu que les parties recourent à une
clause aPararnount» pour s'assurer par exemple de l'applicabilité de l'une des conventions
internationales pertinentes à la phase postérieure au déchargement'42. Cela semble possible,
- -
235 Art. 3 (2) (a) des Règles de Hambourg. '36 Compagnie sénégalaise dV.4ssurances et de Réassurances et cd. c. Roscoe Shipping Co.. M. le Capitaine du navire FVorld Appolo. Sieamhip Mutual Underwriting Associaf ion, T. C. Marseille, 23 janv. 1 996, ( 1 996) Revue Scape15 1-55. 3' Art. 3 (2) (b) des Règles de Hambourg.
Étant donné que Ies articIes 4 (2) (a) (ii) et 4 (2) (b) (ii) (iii) réfèrent notanunent aux aiois», «règlements» et ~~usagesm dont on sait que le contenu peut varier d'un Etat à un autre. il y a Iieu de se demander si elles ne constituent pas ipso facto un facteur important de diversification des textes devant régir la matiEre du transport maritime et conséquemment dc la responsabilité du transporteur maritime. =' Voir note où nous avons fait remarquer que seuls les Etats-Unis ct la France ont pour i'heure dcs dispositions nationales qui régissent impérativement les phases de pré-chargement et post-déchargement du transport maritime. ''O W. TETLEY, loc. ci!., notc 37, 16 et S . MANKABADY, op. cit.. note 213. p. 52. Contra C. LUDDEKE et A. JOHNSON, op. cit., note 94, p. 86 qui, en venu de l'article 23 des Règles de Hambourg semblent péremptoires sur l'interdiction faite aux parties d'utiliser ce moyen pour raccourcir la durde de Ia responsabilité du transporteur. "' CSAR c. Roscoe Shipping Co., T . com. Marseilte, 23 janv. 1996, (1996) Ra). Scapel51. '" W . TETLEY, loc. cii., note 37, 16.
par exemple au ~ameroun'~~. fl pourrait également en être ainsi au Canada dans
l'éventualité de l'entrée en vigueur des Rè& de ~ombour~'". Cette situation ressemble
étrangement à celle que l'on connaît sous l'empire de Ia Convention de Brzae22e.s.
Autrement dit, sous les Règles de Hambourg, la règie du <<palan à palan» paraît pour le
moins résurgente en certaines circonstance^^^^. De là à dire qu'on n'est pas plus avancé sur
la détermination de la durée exacte de la responsabilité du transporteur maritime, il n'y a
qu'un pas que nous franchirons moins rapidement que de passer en revue les types de
dommages qui accablent le transporteur maritime.
IV. Les types de dommages
Il sera ici question de voir quels sont les types de dommages susceptibles d'engager
la responsabilité du transporteur maritime. Parallèlement, nous verrons qu'ils déclenchent
périlleusement mais universellement l'application de la Convention de Bnaelles d'une part
(1) et tombent uniformément sous l'empire des Règles de Hambourg d'autre part (2).
1. La limitation adoucie de la Convention de Bruxelles aux dommages
matériels
Pour que la responsabilité du transporteur maritime de marchandises soit mise en
jeu, il faut entre autres conditions que des dommages lui soient imputés. Les différentes
versions de la Convention de Bruxelles réfèrent tantôt aux <<penes et d ~ m m a ~ e s u ' ~ ~ , tantôt
aux «pertes ou dommages causés aux marchandises ou les con~ernantw~~~ . Autant de termes
dont l'interprétation la plus restrictive consiste à soumettre les seules et moindres
243 II convient de rappeler que les RègIes de Hambourg sont en vigueur au Cameroun depuis Ic 1" novembre 1994 où elles ont unc valeur infra constitutionnelle et supra légale.
Z U Art. 8 et 10 de la Loisur le transport des marchandisespar eau, L.C. 1993, c. 21. '" W . TE?ZEY. loc. ci!.. note 37, 16. '" An. 3 (6) des Règles de La Haye CL an. 3 (6). 3 (8). art, 4 (1). 4 (2) 4 bis (1) des Règles de L a Hqye-Visby et de Visby. Au demeurant. ces dispositions laissent librc cours au principe aespondeat superion, qui a eénbrdement permis d'imputer au transporteur les dommages commis par ses prépos&s. 547 Art. 4 ( 1 ) - (5) des Règles de La Haye et art. 4 (1)- (5) dcs Règles de L a Haye et d e Visby modifiées ou non.
dégradations physiques de la marchandise à la Convention de B T U X ~ I ~ R T ~ ~ ~ . Or, il f d a i t
aussi donner une suite aux demandes en réparation initiées par un ayant droit dont les
marchandises étaient parvenues en retard à destination.
II semble cependant qu'a prion, aucune version de la Convention de B1uxeI1e.s ne
vise le cas de dommages, directs ou indirects, résultant du retard à la livraison dans le
transport international de marchandise par merz4'. Ce constat a très souvent permis au
transporteur maritime de recourir aux clauses limitatives ou exonératoires pour se prémunir
contre d'éventuelles poursuites en responsabilité advenant un dommage généré par le
retardz0. Si telle est la pratique, f au t4 pour autant en conclure que la Convention de
Bnaelles ne s'applique que du moment où le dommage qui accabIe le transporteur est
matériel ?
Le fait qu'elles «ne régissent pas en toute vraisemblance le retard est certainement
une omission importante,,z' qui semble résulter du rapport de forces qui existait à l'époque
entre les parties présentes à la table des négociations? <<Il ne fallait surtout pas ranimer les 253 querelles» . C'est pourquoi, par le truchement de divers artifices, les tribunaux ont
su donner une autre dimension aux textes conventionnels. De sorte que la
responsabilité pour retard se trouve désormais quasiment soumise au régime de la
responsabilité pour dommage matériel.
24 8 À cette fin, I'ayant droit à la marchandise doit se conformer aux dispositions de l'article 3 (6) de ta Cornenrion de Bruxelles qui, en principe, lui exigent de notifier le dommage apparent au transporteur au plus tard le jour même de la livraison ou dans les trois jours consécutifs si lesdits dommages sont apparents. 249 Fi. M. KJNDRED, loc. cir., note 18 1,598. 3 0 La validité de ces clauses limitatives ou exonératoires dépend intimement du type de dommage engendré par le retard. Si tc dommage est une perte ou une avarie de la marchandise, une telle clause n'est pas valable (Art. 3, al. 8 de la Convention de Bruxelles e t C.A. Aix-en-Provence, 2' ch., 10 janv. 1992, GAN c. Zim Conrenair Service. LamyIinc). Par contre, si le dommage qui découle du retard est de nature purement commerciale, une telIe clause peut être valide à condition que le retard ne soit pas exagérk (C.A. Aix-en Provence, 19 oct. 1988, Libanaise Akak marine c. Chirinian et autre, (1990) D. M.F. 39). XXXW CONFÉRENCE DU COMITÉ MAFUTME INTERNATIONAL, Documents, vol. 1, Paris,
I W O , p. 127. 252 Raymond ACHARD, «La rcsponsabilitt5 résultant du retard dans le transport international des marchandiscs par mer», (1 990) 49 D.M. F. 668, 673. I S 3 Ib. 2.. La tendance jurisprudentielle de départ était en effet d'exclure la responsabilité pour retard du régime de la Corrvenrion de Bnaelles comme en témoigne la décision rendue aux Etats-Unis en 1953 dans United .Vercham & Manufacrurers Inc. c. US. Lines Co. ( 1 953) 1 26 N.Y .S. 2d 560.
Le retard en tant que tel ne peut véritablement être apprécié qu'en de situations
concrètes. Ainsi peut-il être constaté soit lorsqu'un transporteur n'a pas Livré Ia marchandise
au port de débarquement à une date expressément fixée d'un commun accord avec le
soit quand le transporteur a livré la marchandise à une date postérieure à un
événement pour lequel elle était attendue alors qu'il en avait eu connaissancez6 ou encore
lors d'un transbordement qui devait être effectué?
Dans tous Ies cas, le retard débouche soit sur des pertes ou avaries physiques, soit
sur une perte de marché, un arrêt de fabrication ou plus généralement une perte
économique. Le premier type de dommage ne pose pratiquement pas de problème parce
qu'il se confond souvent avec un dommage matériel et est apprécié comme tel"'. Par
conséquent. pratiquement tous les tribunauxx9 ont résolu de reconnaître que la
«responsabilité pour la détérioration physiquement subie par la marchandise en raison d'un
retard dans son transport était régie par les Règles de La Haye ou la législation nationale les
incorporant »'60.
Par contre, les positions jurisprudentielles ont longtemps vacillé sur le second type
de dommage dit préjudice économique ou commercial. C'est ici que se fait jour la véritable
dimension du mot délai (dehy) tel que défini par Ganado et ~ indred '~ ' . Pour eux, le retard
n'est pas un préjudice matériel. il s'entend plut6t d'un événement continu dans le temps qui
T C < -- Voir par exemple, Harrison c. Mksouri Pacflc Ry. Co. ( 1 88 1) 4 1 Am. Rep. 31 8 (Cir. Ct. Mo.). S'agissant d'un télcx n'emportant pas. pour autant, de délai convenu. voir Cass.com., 21 févr. 1995, no 92-20.043/M, no
- -
368, Lamyline. A fortiori. les horaires affichées par une compagnie maritime n'ont qu'une vaieur indicative (CA Rouen, 13 oct. 1988. Unifiet c. Sealand, (1990) D.M.F. 37) surtout si Ic connaissement contient des dates approximatives (voir Ci cet égard Mirsui O.S.K. Lines Ltd. c. Garnac Grain Co. hc . , The Myrros 11984) 2 Lloyd S Rep. 449 (Q.B .)). 256 Clticago & Alton Railroad Co. c. Kirby (19 12) 225 US. 155. 3 7 G. RIPERT, op. cit.. note 150, no 1702, pp. 576 et 577.
R. RODIÈRE, op. Or., note 1. no 608, p. 248. 25 9 Ainsi encore récemment en France, Cass., Maersk line c. Société d'études et de commerce (SEC) e-a., 3 février 1998, arrêt no 353 D, (1999) 34 Dr. europ. tramp. 203.
R. ACHARD. loc. cir.. noie 252. 678. 'O1 Max GANADO et ~ u i h K I N D ~ D . Marine Cargo Deloys, Londres. Lloyd's of London Press Ltd. 1990, p. 20.
cause occasionnellement un tel préjudice matériel, et débouche généralement sur une perte
financière ou plus largement sur une perte économique.
Appelés à statuer sur une action en réparation suite à un retard, les tribunaux
s'attellent d'abord à évaluer le dommage économique. À cet égard, il conviendra de
s'assurer comme pour tout dommage matériel qu'il était prévisible par le transporteur et que
les conséquences en sont directes et immédiares. Ce procédé d'évaluation des dommages est
très usité par les tribunaux de divers pays'6' qui, comme on le verra bientôt, n'interprètent
pourtant pas les dispositions de la Convention de B~uxelles de la même manière.
Lesdits tribunaux s'emploient ensuite à trouver le régime juridique qui convient à la
responsabilité pour dommages commerciaux ou économiques. Les juges anglo-saxons ont
rapidement trouvé leur voie. les tribunaux français ont péniblement
Tout commence en Angleterre en 1957 par 1' affaire Anglo-saxon Petroleum Co. LI.
c . Adatnasros Sltipping Co. L f d . à l'occasion de laquelle le juge Devlin s'exprime en ces
termes :
[...] The Act is dealing with responsabilities and liabilities under contracts of
camiage of goods by sea, and clearly such contractual liabilities are not limited to
physical darnage. A carrier may be liable for loss caused to the shipper by delay or
misdelivery, even though the goods themselves are intact. 1 can see no reason why
the general words «loss or damage» should be limited to physical loss or
damage.» 764
Dans le même sillage, la jurisprudence américaine parvenait à la même conclusion
dans I'espèce Cornmercio Tronsifo Internazionale. Lfd c. Lykes Bros. Sfeamship Co.. Inc.
Comme en témoigne L'extrait suivant :
'" En Grande-Bretagne notamment, Kou/os c. C. Czurnikow Ltd, (égaiement connue sous 7he Huon Il) , [1969] 1 A..C. 350, pp. 388,406,410,414-415 et 425 (H.L.). '15~ Voir R. ACHARD, loc. cit., note 252,678-680. 'u A nglo-smon Perroleurn Co Ltd c . Adumastos Shipping Co Ltd. ( 1957) 2. Q.B. 223,253 (C.A.).
« Although we agree that there are places in the section [Article I Q in which the
phrase need have no broader meaning than Ioss of or physical damage to the goods,
we disagree with the conclusion that it must be so limited wherever it is used. We
take it that the phrase has a uniform meaning, not merely in Section 3, but
throughout the Act [. . .]»265
11 faudra attendre longtemps pour que ces décisions aient enfin un écho favorable au
Canada dans l'espèce Sr Lawrence Construction Ltd c. FederaZ Commerce and Navigation
Co. Lfd où le juge Stone déciare à propos des dispositions conventionnelles qu'il est d s o
of the view that the language of Article N, Rule 5 is suficiently broad as to embrace loss
or damage for delay in delivering the cargo>??
Les tribunaux français, eux aussi finiront par s'aligner sur cette position. En effet,
dans l'affaire c<Tillia», la Cour de cassation a récemment décidé :
«qu'en application de I'article 4-5 de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924,
la responsabilité du transporteur maritime en raison du retard à la livraison de la
marchandise [est] limitée selon les modalités prévues audit article, dès lors que ce
texte vise non seulement les dommages «causés aux marchandises», mais aussi ceux
<< les c~ncernant»»'~'.
On le voit, tandis que les tribunaux anglais'68, canadien269 et frangais'70 interprètent
généreusement les qertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant», aux
~ ta t s -~n i s" ' , on a préféré s'en tenir à l'expression «pertes ou dommages» pour assujettir la
réparation d'un préjudice commercial à Ia Convention de Bruxelles. Ainsi, comme les
dommages matériels, la responsabilité qui découle du préjudice commercial ou économique
265 Commercio Transito Internazionale., Ltd c. Lykes Brus. Steamship Co., Inc. ( 1 957) AMC 1 1 88 (2* Cir.). 266 SI Lawrence Constructiou Lrd c. Federal Commerce and Navigation Co Lrd [1985] 1 F.C. 767.778. '67 Cass. corn., 29 mai 1990, (1990) 42 D.M.F. 1990, 682. 683. Voir également Cass., Maers& line c. Société d 'études er de commerce (SEC) e. a., 3février 1998. arrêt na 353 Dl ( 1 999) 34 Dr. w o p . tramp. 203, 208..
Anglo-saron Perroleurn Co Ltd c. Adatnastos Shipping Co Ltd (1957) 2. Q B . 223 (C.A.). "' St Lawrence Construction Ltd c. Federal Commerce and Navigation Co Ltd [ 19851 1 F.C. 767.77 8. ''O Tillia, Cass. corn., 29 mai 1990, D.M.F. 42, 1990.687. " ' Commercio Transito Int. Ltd c. Lykes Bros. Steamship Co lm. ( 1 957) AMC 1 188 (2Dd Cir.).
né d'un retard est soumise aux règles pertinentes de L'une ou l'autre des versions de la
Convention de Bruxelles. Plus précisément, dans les Règles de L a Haye-Visby. elle est
calculée .par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées» ou
devrait-on dire <<par kilogramme de poids brut des marchandises retardées, en appliquant
toutefois le plafond fixé pour les dommages maténels.
La doctrine de l'heure semble favorable aux solutions retenues par la jurisprudence.
Ainsi par exemple, messieurs Ganado et Kindred pensent que la Convention de Bnaelles
couvre bien les cas de responsabilité due au retard"', même si certaines de ses dispositions
sont plutôt restrictive^"^. Monsieur Bonassies estime quant à lui que chacune des
dispositions conventionnelles que nous avons rappelées plus haut est «assez large pour
englober le préjudice résultant du seul retard»274.
En somme, certes les textes de Bruxelles semblent se limiter aux dommages
matériels, mais les tribunaux ont su les circonvenir. Il paraît donc que sous l'empire de la
Converrtion de Bruxelles, autant le transporteur répondra des dommages matériels, autant il
ne pourra échapper à la réparation inhérente à son retard comme dans les Règles de
Hambourg.
2. L'extension méticuleuse des dommages dans les Règles de Hambourg
En vertu des Règles de Hambourg, la responsabilité du transporteur maritime peut
être engagée sur la base d'un certain nombre de dommages275 que nous regrouperons en
deux catégories : les dommages classiques et les dommages sui generis.
"' M. GANADO ct H. KINDRED, op. cir., note 261, p. 23. 273 II s'agit principalement de l'article 3 (6) qui porte sur les réserves faites ii destination sur l'état de ia marchandise lors du dichargement et sur les délais de notification y afférents. À 116vidence. une telle disposition nc saurait régir les dommages dus au retard puisqu'ils ne sont pas matériels et ne peuvent faire l'objet de constat. "' Pierre BONASSES, «Le droit positif français dc 1988», (1989) 41 DMF. 147, 163. 275 L'article 5 (1) met d'ailleurs les dommages commis par ses pr6pos& et mandataircs à la charge du transporteur.
3. Les dommages classiques
Les dommages classiques trouvent leur fondement dans l'article 5 (1) des Régies de
Hambourg. Le retard, à I'instar de la perte et du dommage, y est expressément prévu
comme cause de responsabilité. Ainsi, le transporteur est responsable non seulement des
pertes et avaries, mais également du préjudice causé du fait du retard.
Prosaïquement, les pertes et dommages s'entendent ici de toute dégradation
physique subie par la marchandise au cours du transport maritime comme dans 13
Cornenfion de Brzaelles. Au surplus, à la différence de cette dernière, lorsque au bout de
soixante jours suivant la date prévue pour la livraison ou celle de l'expiration du délai
raisonnable, le transporteur n'a toujours pas acheminé les marchandises à destination,
l'ayant droit à la marchandise peut la considérer comme perdue"6. À cet égard. le
transporteur se verra imposé les limites générales de l'article 6 (1) (a) plutôt que celles
afférentes aux dommages pour retard.
Plus largement, dans tous les cas de perte ou de dommage, l'ayant droit à la
marchandise devra en notifier le uansponeur. À cet effet, l'article 19 (1) énonce que si les
dommages sont apparents, l'ayant droit dispose, en principe, d'un délai d'un jour à compter
du jour de Ia livraison. Mais, le paragraphe 2 du même article ajoute que ce délai est porté à
quinze jours si les dommages ne sont pas apparents.
Relativement au retard, il ressort des termes de l'article 5 (2) qu'il est consommé
lorsque le «délai expressément convenu» par les parties est dépassé ou que la marchandise
n'est pas parvenue à destination dans un délai raisonnable2". Partant, les dommages
consécutifs au retard doivent être entendus de manière stricte. Aussi, les avaries physiques
causées à la marchandise du fait du retard sont assimilées aux pertes et dommages et
276 An. 5 (3) des Règles de Hambourg. 277 11 semble que ce délai devra être apprécié sous un double angle objectif et subjectif. Voir C. LÜDDEKE et A. JOHNSON, op. cir., note 94, p. 13. Selon ces auteurs, «the [Hamburg] Convention lays down a test that is both objective and subjective. Objective in that the lime for delivery is judged by rcference to what would be «reasonable to rcquire o f a diligent camerw : subjective, in that the court should have regard to the circumsranccs of the case». Pour une appréciation plus simple, voir H. M. KINDRED, foc. cii., note 18 1, 614 qui est d'avis que awhat is reasonable conduct in the circumstances - will Vary wirh the particular carriagew.
assujetties à toutes les dispositions conséquentes278. Par contre, les dommages de nature
purement ceux auxquels réfere nettement l'article 5 (3, seront seuls soumis
aux limites particulières de l'article 6 (1) (b). Qui plus est, sous peine de forclusion, l'article
19 (5) des Règles de Hambourg prévoit que le destinataire se doit de notifier de tels
dommages au transporteur dans les soixante jours qui suivent la réception des
marc handises.
> Les dommages sui generis
Les dommages sui generis sont de deux genres. D'une part, l'article 9 (3) des Règles
de Hambourg qui traite du transport en pontée institue un dommage d'un type nouveau. Ii
s'agit des pertes, dommages ou retard <<qui résultent uniquement du transport en pontéem.
11 semble qu'il faille comprendre lesdits dommages de l'article 9 (3) comme ceux face
auxquels le transporteur ne sera pas admis à fournir la preuve de sa conduite raisonnable.
Assurément cette seule sanction n'est pas proportionnelle à la gravité du manquement
contractuel que représente dans les circonstances le transport en pontée280.
D'autre part, l'article 23 (4) des Règles de Hambourg énonce que lorsque l'ayant
droit aux marchandises a subi un préjudice du simple fait de l'annulation d'une stipulation
contractuelle, «le transporteur est tenu de payer à l'ayant droit aux marchandises [...]
l'éventuel complément de réparation dû afin d'obtenir la réparation de toute perte,
dommage ou retard subi par les marchandisesm. Cependant, en raison de la maxime nerno
auditur.. .à laquelle nombre d'Etats donnent plein effet. certains auteurs croient que
l'obtention d'une réparation sur le fondement de ce seul article 23 (4) sera pour le moins
difficile lorsque la demande sera faite par le chargeurz8'.
278 Cette sotution est orientée par la définition restrictive que l'article 6 (2) donne au retard. À cela, il faut ajouter qu'elle matérialise Ic vcru exprimé par cenains conférenciers en 1978. Voir à cet égard, W. TETLEY, /oc. cil., note 37, 15. 279 I l peut s'agir notamment d'un profit manque ou de la perte d'une occasion d'affaires. 280 II faut en effet sc souvenir que sous l'empire de la Convention de B ~ e l k s , un vansport en pontée irrégulier peut donner lieu à ce que les tribunaux anglo-saxons appdent «the fondamental breach of the contract» qui prive le transporteur du droit de limiter sa responsabilité. Nous y reviendrons dans le passage traitant de la déchéance forcée du droit à la limite. "' C. LÜDDEKE et A. JOHNSON, op. cif., note 94, p. 40.
Mais, quels que soient le type et la nature du dommage engageant la responsabilité
du transporteur, celui-ci est généralement assuré de se prévaloir de dispositions
particulières.
TITRE 2 :
LES PARTICULARITÉS &DUCTRICES DE LA RESPONSABILITÉ DU
TRANSPORTEUR MARITIME
En principe, l'obligation de base impartie au transporteur maritime est celle
d'acheminer à bon port les marchandises à lui remises par le chargeur. Généralement, il ne
remplit sa mission contractuelle que si les marchandises livrées à l'arrivée sont dans le
même état que celles reçues des mains du chargeur au départ. Il semble donc que le
transporteur maritime soit soumis à une certaine obligation de résultat. Au-delà d'une telle
obligation, si d'aventure il était simplement donné de constater la mauvaise exécution ou
l'inexécution de ses obligations par le transporteur maritime. l'engagement de sa
responsabilité à la lumière des conventions internationales pertinentes permettrait-il de
réparer intégralement le dommage souffert par l'ayant droit à la marchandise ?
Assurément, une réponse négative paraît ici indiquée puisqu'en dépit du principe de
justice naturelle qu'est la réparation in integrum au sens le plus large, la responsabilité du
transporteur, habituellement fondée sur une présomption de responsabilité, répond à des
règles particulières qui, en principe, l'édulcorent en l'enserrant dans des limites calculées
(chapitre 1 ), quand elles ne l'excluent pas carrément en certaines occasions exonératoires
(chapitre 2 ) .
CHAPITRE 1 :
LA LIMITATION DE LA RESPONSABUITÉ DU TRANSPORTEUR
La responsabilité du transporteur maritime a la particularité d'être soumise à des
limites fixées par les conventions internationales qui la gouvernent directement ou
indirectement. Si cette limitation a été présentée par le doyen Ripert comme «la clé de
voûte. du droit maritime"', il faut regretter que sa ralio legis semble aujourd'hui en porte-
à- faux.
Au tout début, la limitation de la responsabilité, plus particulièrement celle de
l'armateur, était fondée sur la théorie d e la fortune de merzg3, théorie selon laquelle
l'armateur ne doit pas engager sa responsabilité au-delà du navire et du fret qui sont autant
de valeurs impliquées dans l'expédition maritime284. Mais, depuis la signature de la
Cornent ion de 19 76 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maririmes
qui élargit le cercle de ses bénéficiaires dont plusieurs sont des transporteurs potentiels, la
théorie de fortune de mer s'est avérée si étroite'85 qu'il a fallu trouver ailleurs la justification
de la limitation de la responsabilité. Selon Bonassies, la limitation répondrait au souci
d'accorder un caractère particulier et «d'intérêt général» aux activités maritimes au regard
des risques qui les entourent'86. Aussi, estime-t-il que l'idée de risques de mer est plus
adaptée à la nouvelle donne"'.
-- - -
"' G . RIPERT, op. cir., notc 150, no 1229- 1230, p. 140. 283 Ib., no 1228, p. 139. iSJ Pierre BONASSES, Conférence intitulée les «Réflexions sur la convention de 1976 sur la limitation des créances maritimes» (1986) 38 D.M.F. 53'55. 28 5 On verra plus en détail en quoi consiste cet élargissement du cercle des bénéficiaires des limites de la Convenrion de 1976 dans le passage traitant de la Iimitation de la responsabilité du transporteur en tant yu'arrnateur. Voir en outre P. BONASSES. foc. O f . . noie 66.95. ' fi P. BONASSIES. foc. cit., note 66.95. '87 Pierre BONASSES, «Le droit positif français en 1985», (1987) 39 D M F . 3.4.
Cette idée postule que la limitation de la responsabilité du transporteur maritime est
un instrument d'équiiibre qui vise à répartir entre les opérateurs de l'industrie maritime
l'ensemble des risques inhérents à toute entreprise maritime'88. Pour Sériaux, cette
limitation semble aller de soi car, explique-t-il :
[. . -1 il faut bien reconnaître que cette limitation est monnaie courante dès I'instant où la responsabilité de plein droit est liée à l'exercice d'une activité, dans le souci d'assurer un équilibre budgétaire face à l'énormité des risques encourus. En outre, il ne faudrait pas que la recherche d'une indemnisation totale des victimes about i sse à Ia ruine d'un de'biteur dont l'activité est socidement utile. Tel est Ie cas des transporteurs [maritimes]
Cette idée de risques marins devrait néanmoins être relativisée. Le plafond de la
responsabilité du transporteur maritime n'est pas établi de façon à assurer, en permanence,
un juste équilibre entre l'ayant droit à la marchandise avariée, perdue ou retardée et le
transporteur'*. Par conséquent, ce plafond n'est pas assez élevé pour persuader le
transporteur d'apporter aux marchandises tous les soins qui leur sont normalement dus.
D'ailieurs, en dépit des fluctuations permanentes causées par 4'érosion
monétaire^'^' et en l'absence de mécanisme de mise à jour des limites. le principe même de
'9s Pour couvrir ces risques, chargeurs et transporteurs font désormais de l'assurance une des formalités incontournabIes dans la gestion de leurs affaires. Ainsi. le chargeur fait appel aux assureurs traditionnels en vue de souscrire une assurance-faculté couvrant les marchandises tandis que le transporteur désireux de couvrir les risques encourus par le navire. recourt généralement ii des mutuelles plus connues sous l'appellation de Protection and Indemnity Clubs (P&I cIubs). Ce sont ces assureurs et P&I clubs qui. moyennant une contrepartie financière conséquente, supportent cn définitive l'essentiel des risques marins. 289 Alain SÉRIAUX. La faute de transporteur, thèse de doctorat, Marseille, Faculté de droit, d'économie et des scicnccs, Université d'Aix-MarseiIle, 198 1, p. 6 .
Voir P. BONASSES, [oc. cit., note 66, 100-101. C'est semble-t-il la raison pour laquelle Tasse1 justifie auuement ladite limitation puisqu'il pense que celle-ci est «le résultat de deux idées : cclle d'une conuepartie de la responsabilité a prion du transponcur et celle d'un partage des risques dc l'expédition (...)m. Voir Y. TASSEL. op. cir., note 85. p. 322. '9' P. BONASSIES. [oc. cit., note 66, 100. En effet. tandis que fluctue la valeur de la plupart des unités monétaires auxquelics s'apprécient les montants des limites, ceux-ci ne sont pas révisds consécutivement à la croissance des économies nationales et de l'économie mondiale dans sa globalité. La solution consisterait à insircr une clause d'indexation dans chacune des conventions pertinentes. Encore faudrait4 veiller à en rcspecrer la finalité quand les auteurs d'unc convention y ont heureusement pensé. En effet, conformérncnt à l'article 21 de Ia Convenrion de 1976, le Protocole de 1996 a été adopte ; et pourtant cn dehors du Canada qui l'a incorporé dans une loi nationale, aucun pays ne l'a ratifié jusqu'h présent.
la limitation de la responsabilité du transporteur maritime nous paraît comme un simple
bouclier au service des transporteurs. En effet, il est facile de constater que les montants qui
matérialisent les seuils de la responsabilité du transporteur ne reflètent que sporadiquement,
sinon rarement, la valeur économique des marchandises transportées par mer.
Cela dit, la récurrence du droit à limitation de la responsabilité du transporteur
maritime dans les textes internationaux est une réalité qui se traduit par des plafonds précis
(0. bien que ce droit soit souvent paralysé lorsque le transporteur perd la faculté de s'en
prévaioir (0.
1. La matérialisation du droit à limitation de la responsabilité du transporteur
Dans tous les textes internationaux traitant de la responsabilité du transporteur
maritime de marchandises, il revient comme un leitmotiv que celui-ci aura, en principe, la
latitude de limiter sa responsabilité. Ce courant n'a pas manqué de s'affirmer dans des
conventions internationales originellement destinées à d'autres acteurs de l'industrie du
transport maritime. Avec une certaine bénédiction de la Convention de ~ r z a e l l e s ' ~ ~ et des
Règles de ~ a m b o u r ~ ' ~ ~ , le transporteur s'est vu alloué la possibilité de cumuler les
limites'9J que lui reconnaissent les textes pertinents. C'est ce qui a fait dire au professeur
Bonassies que la limitation ainsi posée est une véritable «institution» qui ne risque pas de
disparaître de sitôtZgS.
"' Art. 8 des Règ!es de La .!laye ; art. 8 des Rig i s de L a Haye-Vkby, modifiées ou non par le Protocoie de 1979 qui énonce que leurs «dispositions ne modifient ni les droits ni Ies obligations du transporteur tels qu'ils résultent de toute loi en vigueur en ce moment relativement à la limitation de la responsabilité du propriétaire de navire de mer,). 293 En plus d'étendre son effet au transporteur substitué notamment, l'article 25 (1) des Règles de Hambourg est aux mêmes fins que l'article 8 de la Convention de B ~ e f k s ci-dessus citd. 294 R. RODIÈRE, E. du PONTAVICE, op. cit., note 77. no 156. p. 133 ; conua C.A. Paris, 31 oct. 1984, (1985) 37 D.M.F. 668, note P. BONASSES qui attribue cette décision à une «confusion commise par la Cour>, et prend clairement parti pour le cumul (Tbid. 679). '95 P. BONASSIES, foc. cit., note 66, 99.
Au total donc, le transporteur maritime est en droit de se prévaloir de certaines
limites qui lui sont propres (1) tandis qu'il profite d'autres limites quand il a également la
qualité d'armateur (2).
1. La limitation propre à la responsabilité du transporteur maritime
La limitation propre à la responsabilité du transporteur est ceile dont il jouit en sa
qualité d'opérateur de transport maritime. C'est celle qui est prévue dans les différentes
versions de la Convention de Bruxelles et dans les Règles de Hambourg. Elle constitue une
limitation eau premier degré» autrement appelée limitation «de premier rang»'%, dont la
base juridique s'ajuste facilement au régime applicable. Aussi verrons-nous successivement
les limites variables de la Convention de Bruxelles (1.1) et les limites onginaies des Règles
de Hambourg ( 1 -2).
1 .l. Les limites variables de la Convention de ~ruxeife?~'
Les différentes versions de la Convention de Bruxelles ont coulé la responsabilité du
transporteur maritime dans des moules juridiques dont il ressort à la fois des iirnites
disparates (1.1.1) et des imperfections croissantes (1.1.2).
1.1.1. L'énoncé des limites disparates
Les limites de la Convention de Br laeks varient selon que sont applicables les
Règles de L a H q e , les Règles de La Haye- Visby ou les RègIes de L a Huye-Visby modifiées
par le Protocole de 1979. Mais, quel que soit le régime applicable, les limites légalement
établies ne peuvent être modifiées par stipulation contractuelle que dans le sens de leur
Une clause qui en va autrement encourt alors
"15 P. BONASSIES commentant C.A. Paris, 31 oct. 1984, (1985) 37 D.M.F. 668,679. 297 Rappelons que par Convention de B ~ e i l e s tout court, i l faudra entendre les Régies de La Haye, les R è g h de La Haye- Visby et les Règles de La Haye-Visby modifiées par le Protocole de 1979. 299 Art. 3 (8) et 5 al. 1 de la Convention de Bnaelies. 299 AU Canada, Trenron Workr LavaZin Inc. c. Panaipina Inc., (1995) 139 N.S.R. (2D) 46 ; 397 A.P.R. 46 (N.S. C.A.).
Cela étant, aux termes des Règles de La Hqve d'abord, lorsque le transporteur a mis
le navire en bon état de navigabilité et a procédé, de façon appropriée et soignée au
chargement, à la manutention, à l'arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au
déchargement des marchandises transportées3", il n'est tenu e n aucun cas des pertes ou
dommages causés aux marchandises ou les concernant, pour une somme dépassant 100
livres Sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre monnaie»301.
Aux Etats-Unis, la Carriage ofGoods by Sea Act du 29 décembre 1937 prévoit une limite
unique de 500 US.$ par colis.
Ensuite, les Règles de Lu me-Visby, en leur article 4 (5) (a), ont des montants plus
substantiels dont le calcul se fait désormais soit par colis302 ou unité, soit par kilogramme.
Deux critères parmi lesquels l'ayant droit à la marchandise endommagée choisira librement
celui qui lui convient le mieux303. Le plafond de responsabilité y est fixé à une somme de
«IO 000 francs par colis ou unité ou 30 francs par kilogramme de poids brut des
marchandises perdues ou endommagées», étant entendu que la limite la plus élevée est
applicable.
Enfin, dans les Règles de La Haye-Visby telles que modifiées par le Protocole de
1979, non seulement les limites s'expriment en principe3w en droits de tirage spéciaux
(D.T.S.) du Fonds Monétaire ~nterna t iona l~~~, mais également elles connaissent une nette
bonification. C'est ainsi que la responsabilité y est limitée à une somme qui ne peut excéder
666,67 unités de compte par colis ou unité, ou 2 unités de compte par kilogramme de poids
brut de marchandises perdues ou endommagées.
pp
'a~ Art. 3 ( 1) et 3 (2) des Règles de La h%ye. Ces dcux obligations dévolues transporteur maritime constituent cc que Waldron a appelé «the dud standard of tare». Voir A. J. WALDRON, !oc. cite, notc 36. 309. 'O' Art. 1 (5) des Règfes de L a Haye. 'e Trenron Works Lavalin Inc. c. Panalpina Inc., précitée, note 299. 'O3 Choix qce ne lui offrent guère les Règla de La Haye puisque le montant de la réparation est calculé sur la seule base du colis ou de l'unité. 3Di II peut arriver que 1'Etat Partie aux Règles de La Haye-Visby modifiées par le Promcole de 1979 ne soit pas aussi membre du F.M.I.. dans ce cas. la limite de responsabilité pourrait être calculée à partir de l'unité monétaire établie par les paragraphes i) et ii) de l'article 4 (5) (d). Au 13 octobre 1999. selon les données publiees au htt~://www.imf.ora/external~n~~sec/memdir/members.htm, il semble que la Yougoslavie se retrouve seule dans cette situation. 305 Sur les D.T.S. en gtnéral, voir notc 30.
Toutefois, il ne faut pas se laisser leurrer par l'apparente cIarté de ces dispositions
limitatives car leur application a révélé des imperfections qui ne cessent de se multiplier.
1.1.2. L'imperfection croissante des dispositions limitatives
La modernisation de l'industrie du transport maritime a très tôt mis en lumière
certaines insuffisances et imprécisions de la Conwentbn de Bruxelles. Nous en étudierons
trois.
L'insuffisance est d'abord apparue dans la manière dont les marchandises arrimées
dans le conteneur doivent êue évaluées pour les fins du calcul de la limite de la
responsabilité306. Et pour cause, e u égard aux marchandises conteneuri~ées~~', l'article 4 (5)
de chacune des versions de la Cornenfion de Bruxeks ne fournit pas de méthode sûre ou
fiable permettant de déterminer les limites de la responsabilité. Sa mise en œuvre suppose
en effet que soit préalablement déterminée la notion de «colis» puisque ledit article 4 (5)
dispose que le transporteur maritime limite sa responsabilité à un certain montant «par colis
ou unité». Aiors, Ia question posée est celle de savoir si ladite unité doit être appréciée
comme une unité de chargement ou comme une unité de marchandise. Deux approches de
solutions émergent à cet égard.
Tandis qu'aux Etats-Unis d'Amérique, l'article 1304 (5) de la COGSA a carrément
évité le problème en parlant plus largement de «customary freight unit^»^^^, bien de pays
comme le ont, par application de la règle aejusdem generis.. . W. rapproché l'unité
du "colis" lorsque le connaissement ne contient aucune mention des marchandises chargées
dans un conteneur. Par contre, il faut considérer comme une unité chaque marchandise se
trouvant dans le conteneur lorsque cela ressort des descriptions faites dans le
--
306 Consumers Distriburing Co. Lzd. c . Dart Containerhe et a1 (1980), 3 1 N.R. 18 1 (F.C.A.D.) 307 H . M . KINDRED, loc. cit., note 18 1,614. 308 Art. 1304 ( 5 ) ( 1 988) du United States' Carriage ofGuo& by Sea Act, 1936 (COGSA), 46 U.S. Code app. 'm Folconbridge Nickel Mines et al. c. Chimo Shipping Lld. Et al, [1974] R.C.S. 933.
connai~sernent"~. En clair, pour autant que le chargeur ait pris la peine de décrire dans le
connaissement le contenu du conteneur ou d'un outil de chargement similaire. chacun des
articles ainsi mentionnés sera considéré comme un colis3" lors du calcul de la limite de la
responsabilité du transporteur maritime3".
L'imperfection s'est ensuite manifestée par le flou gênant l'identification de l'unité
monétaire. Il a en effet fallu définir si la limite de 100 £ par colis de l'article 4 (5) des
Règles de Lu Hqe doit être comprise comme 100 livres Sterling exprimées en monnaie
nationale anglaise ou comme 1 0 livres Sterling ayant une valeur or conformément à
I'article 9 dont le libellé est loin d'être innocent.
La solution est venue de la combinaison des articles 4 (5) et 9 des Règles de L a
Hoye dont le résultat semble avoir fait l'unanimité auprès des tribunaux européens. En
effet, dans The ~ o s o ~ ' ' , la jurisprudence anglaise a clairement admis que les 100 livres
Sterling de l'article 4 (5) ont une valeur or. Pareillement en France, la Cour de cassation3I4
a refusé de reconnaître comme unité monétaire la monnaie nationale anglaise pourtant
exprimée dans une limite fixée contractuellement. Ce faisant, le juge français de demière
instance, soutenu dans cette démarche par la doctrine a u t o r i ~ é e ~ ' ~ , donnait une valeur
impérative à la livre Sterling entendue valeur or. C'est une interprétation qui consacre le
triomphe de l'article 9 et restaure conséquemment le caractère impératif des Règles de L a
Haye, un temps soit peu malmené.
L'insuffisance des dispositions juridiques consacrant la limitation s'illustre enfin par
l'absence de modalités de détermination de la contre-valeur en monnaie nationale de l'unité
310 Aux Etats-Unis Mirsui & Co. Lrd andriraka & Co. Lrd. c . American fiport Lines, (19811 A.M.C. 331 (2d Cir.) 3'1 Ib. 312 C'est d'ailleurs la solution retenue par l'article 6 (2) des Règles de Hambourg qui assimilent en outre les conteneurs et autres engins d'emballage aux marchandises lorsqu'ils n'appartiennent pas au transporteur. 313 The Rosa S.. (19881 2 LIoyd's Rep. 574, 577 (Q.B.). Dans cette cspècc, le caicul de I'dquivalent en or de 100 livres Sterling fut effcctué en recourant la Coinage Act de 1971 (U.K. 1971 c. 24, article I ( l ) et Annexe 1, partic 1. r e f lbn t le U.K Coinage Act, 1870, 33 & 34 Vict. c. 10, art. 3 et Annexe en vigueur en 1824) pour obtenir 798,805 milligrammes d'or au titre de 916,66 milli2mes de fin ou 732,238 milligrammes d'or fin.
Affaire Hilaire-MaureIl Cass. 4 février 1992, D.M. F. 1992, 289. 315 Notamment R. RODIÈRE, E. du PONTAVICE. op. cil., note 77, p. 381.
de compte lorsqu'il s'agit particulièrement de la livre Sterling ayant valeur-or ou du franc
Poincaré. Ainsi, au-delà de la pluralité d'unités monétaires dont l'existence n'est pas p u r
faciliter la tâche des juristes maritime^"^, nombre de difficultés apparaissent lorsqu'en
application des Règles de L a Haye et des Règles de Lu Huye-Visby, vient le temps de
calculer la montant réel de la limite en une monnaie nationale afin de permettre au
transporteur d'exécuter la réparation à laquelle il a été condamné.
Sous les Règles de L a Haye d'une part, les articles 4 (5) et 9 fournissent
d'importantes orientations que les tribunaux ont différemment suivies en ouvrant deux
pistes de conversion.
La première, utilisée par la jurisprudence franÇaise3l7 consiste à convertir les 100
livres Sterling ayant valeur or en droits de tirages spéciaux avant de déterminer l'équivalent
de ces D.T.S. en francs français. Cette façon de procéder a notamment essuyé la critique du
professeur Tetley qui, sans ambages, affirme que «such a method seems inappropiate for 3 18 the conversion of the 100 Sterling gold limitation of the Hague Rules» .
316 Cette multitude d'unités monétaires (la livre Sterling et le franc Poincaré en particulier) génère certes plusieurs modalités de conversion de la limite de responsabilité en monnaie nationale, mais elle entraîne de surcroît une variation intolérable du montant maximal de la réparation auquel le transporteur peut en principe Etre condamné. Cette situation n'est pas sans inciter B la pratique du u$orurn shoppingn.
Qui pis est, s'il est vrai que l'unité monétaire actuellement utilisée par la plupart des Ems est le D.T.S., i l reste que les monnaies contenues dans le panier représentatif du D.T.S. ont, pour la plupart. connu depuis 1976 une chute de leur valeur réelle à telle enseigne que par exemple Les Droits de Tirages Spéciaux ont perdu environ 55 % de leur valeur en Dollar américain entre 1976 et 1993. Voir plus genéralement à ce propos William TETLEY, u Package & Kilo Limitation and The Hague, HagueNisby and Hamburg Rules & GoId )., (January 1995) 26 J. Mar. L. & Corn. 133. 144-147. En conséquence. le professeur TetIey estime que l'unité monétaire approprié au contexte maritime est Ic prix du marché de l'or ( voir aussi W. TETLEY, foc. cil., note 37. 9 ; contra Pierre LATRON, (1986) 38 DMF 51, 53). En effet, explique-t-il, c'est par le prix de I'or sur le marché que peuvent Etre fixées les limites de réparations correspondant B la valeur réelle des marchandises transportées par mer aujourd'hui. De plus, au contraire des monnaies nationales-or ct des D.T.S., il fait remarquer que la valeur de I'or est restée stable depuis des dizaines d'années traversant de nombreux soubresauts économiques et financiers. Mais, la justesse de cet argument a quelque peu souffert des récentes fluctuations du cours de I'or A cause dc la baisse de la demande en Asie et de l'imminente vente d'une partie de son stock d'or par le F.M.I. Mais, il semble que l'évolution du prix de I'or ait repris son cours normal. Voir B cet égard François RIVERIN, «Les banques européennes redonnent vie au marché de l'on>, (semaine du 2 au 8 octobre 1999) 7 1 Les Aflaries 76. "' Cour d'Appel d'Aix, 6 juillet 1987, D.M.F. 1988.390, note R. Achard. 3'g W. TETLEY, [oc. cit., note 316. 139.
La seconde méthode suppose la conversion des 100 livres Sterling valeur or en
monnaie nationale en se référant tout simplement au cours de l'or en vigueur sur le marché
soit au moment où la marchandise aurait dû être livrée à de~tination"~. soit au jour du
prononcé de la dé~ision''~.
D'autre part, lorsque la somme accordée s'exprime en franc Poincaré conformément
à I'ariicle 4 (5) des Règles de La Haye-Visby, il faut également la convertir en une monnaie
nationale pour permettre l'exécution de la réparation. Ici règne une temble incertitude
quant à savoir si, dans le calcul de la limite, la vaieur monétaire de l'or va servir dans la
conversion du franc Poincaré en monnaie nationale3".
À cet égard. quand I'occasion s'y prête, les tribunaux n'hésitent pas à s'inspirer des
méthodes dégagées dans l'interprétation des dispositions similaires de la Convention de
Varsovie relative au transport aérien. Certes la date de la conversion est subordonnée au
respect de la Z e r fori en la matière3*', mais il reste que juges et arbitres ont dégagé trois
méthodes de conversion auxquelles ils recourent généralement3" :
La première est basée sur le cours de 1'09". Elle consiste à convenir le franc
Poincaré en en déterminant l'équivalent en or à l'aide des dispositions de l'article 4 (5) (d)
des Règles de Lu Haye-Visby qui énoncent que «[p]ar franc, il faut entendre une unité
consistant en 65'5 milligrammes d'or, au titre de 900 millièmes de fin». Une fois que cette
équivalence est établie, on se réfère au cours de l'or en vigueur au jour du prononcé de la
décision3" pour effectuer la suite des opérations. Comme le prix de l'or s'exprime
319 The Rosa S., [1988] 2 Lloyd's Rep. 574. p. 577 (Q.B.) cn Grande-Bretagne ; W. TETLEY, lm. cif., note 3 16, 137 ; Francesca BERLINGERI, «Conversion of the Gold Monetary Unit into Money o f Payment», (1991) L.M.C.L.Q. 97,98-100. '" Associored Merals CG Minerals Corp. c. W V Lumbe 1993 AMC 700 (D.N.J. 199 1 ). "' 1. C . SWEENEY, loc. cii.. note 37. 324. 322 An. 4 (5) (d) in fine des Règles de La Haye-Visby. j" W . TETLEY, /oc. cil., note 3 16, 140. 3M /b. '" Au Royaume-Uni, SS Pharmaceuticrrl Co. Ltd c . Quantas Aiways Ltd 92 F.L.R. 23 1, (1988) 22 N.S.W.L.R. 734, [1989] 1 Lloyd's Rep. 319 (N.S.W.S.Ct,).
généralement en dollar américain, il suffira de convertir le résultat ainsi libellé en dollar
américain en la monnaie nationale souhaitée.
La deuxième méthode est fondée sur le prix officiel de l'or tel que fixé par les
autorités américaines326. Elle consiste à calculer l'équivalent de la réparation en monnaie
nationale à partir du prix de l'or te1 qu'officiellement établi en dollar américain. Mais, c'est
davantage la crainte des fluctuations du cours de I'or que la nécessité de respecter une
prescription légale qui a conduit la Cour suprême des Etats-Unis à ressusciter cette
méthode3" qui, au demeurant, ne s'impose plus d'elle-même depuis 1974~". Comparée à la
méthode précédente, la présente modalité nous semble assurer une certaine stabilité et une
prévisibilité conséquente. compte-tenu des récentes fluctuations du cours de l'or?'9.
La troisième méthode est axée sur Ia fixation de l'équivalent du franc Poincaré en
D.T.s.~". C'est l'approche choisie notamment331 par le Canada dont l'article 3 du
Règlement sur la conversion des froncs-or (responsabilité dispose que
d'équivalent en dollars des francs-or s'établit en convertissant d'abord les francs-or en
D.T.S. au taux de change de 15.075 francs-or par D.T.S. et finalement, ces derniers en
dollars américains au taux de change établi par le Fonds monétaire internationai pour les
D.T.S. et les dollars canadiens»333.
'25 W. TETLEY. foc. cir., note 3 16, 141. "' Tronc worfd Airiines c. Franklin Minr Corp., 466 US. 243, 1984 AMC 18 17. [1984] 2 Lloyd's Rep. 432 ( 1984). Contra SS Pharmaceutical Co. Lfd. c. Quantas Airways Ltd 92 F.L.R. 23 1, (1988) 22 N.S.W.L.R. 733, [19S9] 1 Lloyd's Rep. 319 (N.S.W.S.Ct.). j'' Voir W. TETLEY. foc. cil.. note 3 16, 141. Depuis 1974 en e f f e ~ les autorités américaines ont cessé de fixer périodiquement le prix de I'or. '19 Toutefois. pour une perspective réjouissante, voir F. RIVERIN, foc. cit., note 3 16,76. 330 W. TETLEY, foc. cir., note 3 t 6, 142. 331 Ccttc méthode est pareiIiernent suivie en Grande-Bretagne. en Italie et en Suède où existent des règlements allant dans le même sens. La France, elle aussi, semblc avoir dEfinitivcmcnt souscrit B la forrnuie 15.075 = 1 D.T.S par adhésion des juges (Cass. 5 mai 1987, (1988) D M F . 256) et des arbitres (Sentence du 5 juillet 1990 de la Chambre arbitrale maritime d e Paris), 332 Règlemenr sur la conversion des francs-or (responsabililé maritime), (1978) 11 2 Gaz. Can. II, 465 (no 3, 1978-01 -24). '" C'est ainsi qu'au 22 octobre 1999, en recourant aux données du F.M.I. établissant que 1 D.T.S. = 2.059710 K a n , sous l'empire des Règles de La Haye-Visby, les limites en dollars canadiens sont de (10,000 f 1 15.075 D.T.S.) x 2.0597 10 $Can = 663.34 D.T.S. x 2.059710 $Can = 1366.2880 $Cm par unité ou colis et de (30 f 1 15.075 D.T.S.) x 2.059710 SCan = 1.904 D.T.S. x 2.059710 $Cm = 3.923257 $Can par kilogramme.
Les difficultés liées à la conversion que nous venons d'exposer sont tout de même
d'une fréquence relativement faible étant donné que la plupart des Etats font usage des
D.T.S. Or, la conversion du D.T.S. en monnaie nationale ne pose pas de problème
particulier car, presque quotidiennement, le Fonds monétaire international établit la valeur
de la monnaie de chacun des Etats membres334 et le juge ou l'arbitre se doit seulement de
s'y référer à la date fixée par la ler f01-i~~'. Cette conversion aisée des D.T.S. en monnaie
nationale ne peut que faciliter le calcul des limites des Règles de Hambourg.
1.2. Les limites originales des Règles de Hambourg
Les Règles de Hambourg aménagent des limites de responsabilité originales (1 -2.1)
dont les modalités de mise en œuvre ne sont pas exemptes de critiques (1.2.2).
1.2.1. L'exposé des limites originales
L'article 6 des Règles de Hambourg formule des limites beaucoup mieux adaptées
au contexte maritime que ne le sont graduellement devenues celles des Règles de L a m e ,
voire celles de La Haye-Visby. En effet, non seulement le montant de la limite a été revu à
la hausse336, mais également les modalités de calcul ont été nettement améliorées337. Mieux,
l'originalité tient à ce que le montant de la limite y est tributaire de la nature du dommage
reproché au transporteur maritime. Ll faut donc déterminer le montant de la limite
applicable selon qu'il s'agit d'un dommage matériel ou d'un retard.
'" Pour unc consultation de nombre de taux quotidiens. voir notamment htt~:llwww.imf.ornlextem~l/n~/t~e/sdr/drated0701ht. A titre d'illustration, la limite au 22 octobre 1999 est 666.67 D.T.S. x 2.059710 $ Can = 1373.11 S Can par unité ou coiis et de 2 D.T.S. x 2.059710 S Can = 4.11 S Can par kilogramme pour le Canada ; de 666.67 D.T.S. x 0.83274 f = 555.16 f par unité ou colis et de 2 D.T.S. x 0.83274 f = 1.67 f par kilogramrnc pour la Grande-Bretagne ; de 666.67 D.T.S. x 1.29679 euro = 864.53 euro par colis ou unité et de 2 D.T.S. x 1.29679 euro = 2.59 euro par kilogramme pour la France. ''' Al. 1 de l'art. 4 (5) (d) des Règles de La Hqe-Virby telles que modifiées par le Profoco(e de 1979. 5 56 Bien que les Règles de La Haye-Visby telles que modifiées par le Protocole de 1979 soient postérieures aux Règles de Hambourg, les montants des limites de ces dernières sont supérieurs d'un quart aux montants dcs Iimites des Règles de La Haye-Visby. Toutefois, il faut noter que ces limites restent moins valorisantes q)e cellcs de la C-M.R. par exemple qui se situent globalement à 8.33 D.T.S. par kilogramme (art. 23). ' Pcnsons notamment & l'article 6 (2) des Règles de Hambourg qui assimile en outre les conteneurs et autres
engins d'cmbûllage aux marchandises Iorsqu'ils n'appartiennent pas au transporteur.
En premier lieu, l'article 6 (1) (a) limite la responsabilité du transporteur pour le
préjudice résultant des pertes ou des dommages subis par Ies marchandises à une somme
maximale équivalant à 835 unités de compte par colis ou autre unité de chargement ou à 2,5
unités de compte par kilogramme de poids brut de marchandises perdues ou endommagées.
En second lieu, il ressort de l'article 6 (1) (b) qu'en cas de retard, la responsabilité
du transporteur maritime est limitée «à une somme correspondant à deux fois et demie le
fret payable pour les marchandises ayant subi le retard, mais n'excédant pas le montant
total du fret payable en vertu du contrat de transport de marchandise par mem.
L'unité de compte dont il s'a& ici n'est autre que le D.T.S. et il est heureux de
constater que, pour l'instant, le D.T.S. est dans les faits l'unique unité de compte usitée dans
les Règies de Hambourg, puisque les Etats y ayant souscrit sont aussi membres du
F.,M.L~~'. Ce choix des D.T.S. fut. semble-t-il, décidé par le souci de pallier les divergences
crkées par les variations des taux de change des monnaies nationales, même s'il y a lieu de
constater que le D.T.S. n'endigue pas tout à fait l'inflation mondiale339. Mais, juges et
arbitres devront s'en accommoder, eux qui ont la charge de fixer Ie montant définitif de la
réparation en convertissant ces D.T.S. en monnaie nationale d'un ~ t a t ~ ' suivant le taux de
change en cours au jour du prononcé de la décision ou au jour arrêté par les parties en 33 1 Iitige . Si ces précisions des Règles de Hambourg sont d'une importance capitale, celles
qui leur conErent leur originalité sont moins appréciées.
338 Cependant, i l ne faut pas duder l'hypothèse où on aurait affaire B un Etat non-membre du F.M.I.. C'est ici que l'article 26 (3) prend tout son sens, lui qui permet dans ce cas dc déterminer le montant en monnaie nationale dc la limite. À cette occasion en effet, la limite est de 12 500 unités monétaires par colis ou unité de chargement et dc 37.5 unités monétaires par kilogramme de poids brut des marchandises (art. 26 (2)) ; une unité monétaire équivalant alors à (csoixante-cinq milligrammes et demi d'or au titre de neuf cents millièmes de f in» (art. 26 (3)). 339 À CC sujet, il faut Iouer la sagesse de l'article 33 des Règles de Hambourg qui, advenant une importante modification de la valeur des limites, prévoit la possibilité de convoquer, à la demande d'un quart au moins des Etats contractants, une conférence pour réviser, voire remplacer au besoin, à la majorité des Etats psencs. les montants de limitation ct I'unild de compte.
O L'article 26 prevoit certes des modalités de conversion qui varient selon que I'Etat en cause est membre du F.M.I. ou non, mais avec le démantèlement de l'Union Soviétique et du COMECON et la ruée vers le F.M.I. qui a suivi, on est enclin à penser que les paragraphes 2 et 3 de I'articte 26 gardent tcur raison d'être à l'égard de Cuba et de la Corée du Nord . tr l Art. 26 des Règles de Hambourg.
1.2.2. La critique du système de limitation des Règles de Hambourg
Les Règles de Hambourg distinguent les limites selon que le dommage a un
caractère matériel ou selon qu'il s'agit d'un retard. L'idée de cette seule distinction nous
parait acceptable, mais le mécanisme de calcul de la Limite de la responsabilité en cas de
retard institué par l'article 6 (1) @) est d'une telle complexité que les
opérateurs de transport maritime risquent de ne pas s'y retrouver. C'est là que le bât blesse !
Les propos de Waldron traduisent fort bien le malaise :
~[tfhere seems no real logical reason why delay should be accorded different
treatment from other species of loss, it is likely to be as damaging as physical loss
so far as the owner is concerned. it will also inevitably produce fine distinctions as
to whether perishable goods have merely been delayed and so are subject to lower
Ievels of limitation, or have suffered «damage» (consequent on delay) covered by
higher l i r n i t s ~ ~ ~ .
Sans être alarmiste, il faut donc craindre que ces dispositions de l'article 6 ne
fassent resurgir la distinction entre les dommages matériels proprement dits et les
dommages matériels causés par le retard3". Mais, dans tous les cas, le transporteur verra en
principe sa responsabilité plafonnée. De surcroît, que soit applicable la Convention de
Bruxelles ou les Règles de Hambourg, la responsabilité dudit transporteur sera soumise aux
limites de la Convention de 1976 lorsqu'il a aussi la qualité d'amateur.
2. La limitation de la responsabilité du transporteur en tant qu'armateur
En plus des limites aménagées dans les différentes versions de la Convention de
Bruxelles et les Règles de Hambourg, les limites fixées dans la Convention de 1976
a' W. TETLEY. loc. cil., note 37, 10. -13 A. J. WALDRON. loc. cit., note 36, 31 1.
Une telle distinction. déjà rejetée par les tribunaux dans la Convention de Bruxelles ( voir par exemple Cass.. bfuersk Iine c. Société d'études es de commerce (SEC) e.a., 3 février 1998, arrêt no 353 D, (1999) 34 Dr. europ. rrunsp. 203) pourrait remettre en question le désaveu formel que semble pourtant lui avoir réservé I'ârticic 6 (2) des Règles de Hambourg.
profitent généralement au transporteur maritime des marchandises. Ces dernières limites
sont dites de <<second degré» ou de <<second rang>>345. Certes, cette Convention de 1976 ne
trouve à s'appliquer qu'à l'égard des navires de mer, mais elle est plus explicite et plus claire
que la Convention de 1957 sous I'empire de laquelle certains tribunaux français notamment
subordonnaient le bénéfice de la limitation qu'elle prévoyait à la preuve par le transporteur
qu'il était également propriétaire du navire346.
Désormais, compte-tenu d'importantes considérations juridiques, il apparaît
nettement que les dettes imparties au transporteur maritime à la suite des dommages causés
aux marchandises transportées347 sont également couvertes par le régime de la Convention
de 1976 qui, faut-il le rappeler, limite la responsabilité en matière de créance maritimeY8.
D'une part, l'article 1 de la Convention de 1976 énonce qu'est notamment admis à
se prévaloir de ses limites le propriétaire du navire qui, désormais, s'entend largement du
propriétaire du navire comme tel, de l'affréteur, de l'armateur et de l'armateur-gérant d'un
navire de mer34g. Or, généralement, le transporteur poursuivi en réparation des dommages
aux marchandises n'est autre que l'armateur ou l'affréteur350. R suffira alors qu'une fois sa
responsabilité établie, le transporteur dévoile sa qualité d'armateur?
D'autre part, l'article 2 de la Convention de 1976 dispose qu'indépendamment du
fondement de la responsabilité, les créances q o u r pertes et pour dommages à tous biens»
et pour «tout préjudice résultant d'un retard dans le transport par mer de la cargaison» sont
soumises à la limitation de responsabilité.
US P. BONASSES, commentant C.A. Paris. 3 1 oct. 1984, (1985) 37 D.M.F. 668,678. 3.46 C.A. Paris, 31 oct. 1984, (1985) 37 D.M.F. 668,679 ; notc Picm BONASSES. t17 Est4 nécessaire de préciser que cette dette impartie au transporteur est en retour une créance pour l'ayant droit aux marchandises ? US Cc nouveau titre marque la votonté des artisans de la Convenrion de 1976 de rompre avec les apriori de la Convenrion de 1957 dont le tiue rkférait aux armateurs. Le nouveau tiue dénote l'élargissement des bénéficiaires de la limitation de responsabilité à des acteurs de l'industrie maritime autres que les armateurs. Voir P. BONASSES, Conférence intitulde Ics ~Réflcxions sur la convention de 1976 sur la limitation des créances maritimes» (1986) 38 DM F. 53.53-56. 349 Art. 1 (2) de la Convention de 1976. '50 Voir W. TETLEY, op. cit., note 19. p. 335 ct suiv. : P. SIMON. foc cit.. note 81.26-29. "' P. BONASSil3, note sur C.A. Paris. 3 1 oct. 1984, (1985) 37 D.ME 668.679.
De la combinaison des articles 1 et 2 sus-évoqués, il ressort clairement qu'en cas de
perte, dommage ou retard survenu à l'occasion de l'opération de transport des marchandises
par mer, la responsabilité de l'armateur est limitée conformément aux dispositions de la
Cornenrion de 1976. Le corollaire en est que si le transporteur est aussi armateur dans les
circonstances, il cumulera35' les limites de qremier degré, de la Convention de BmxeZZes
ou des Règles de Hambourg avec celles de «second degré» prévues par cette Convention de
1976. -Mais, ces dernières limites (2.1) reposent sur un mécanisme de mise en œuvre assez
lourd (2 .2) .
2.1. Le plafond établi par la Convention de 1976
Puisque à l'évidence les créances qui nous intéressent ici ne présentent aucun rapport
avec Ies passagers, les limites applicables à la responsabilité de l'armateur constituent
l'essentiel des articles 6 et 8 de la Convention de 1976. Ces limites s'expriment, en principe,
en Droits de Tirages Spéciaux (D.T.s.)'~~ et sont définies selon le système dit de «la
variante, au taux de base dégressif354. Ainsi, à l'exception du canada3", les limites en
cours dans les Etats parties à la Convention de 1976 sont les suivantes :
167 000 unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 500 tonneaux. > Pour un navire dont la jauge excède 500 tonneaux, il faut ajouter à 167 000 unités
de compte
167 unités de compte pour chaque tonneau de 501 à 30 000 tonneaux
3s1 ib. 355 La conversion de la limite ainsi exprimée en D.T.S. dans la monnaie du for s'effectue suivant la contre- valeur de cette monnaie soit à la date où le fonds auquel renvoie l'article 13 aura ét6 constitué. soit à celle du paiement, soit encore à la date de fourniture de la garantie équivalente conformément à la lexfori (art. 8 (1) de la Comention de 1976). 354 AR. 6 (1 ) (b) de la Convention de 1976. '" AU Canada, les limites de l'article 6 (1) (b) sont les suivantes :
Un million d'unités de compte pour un navire dont la jauge ne dépasse pas 2 000 tonneaux. 3- Pour un navire dont la jauge exctde 2 000 tonneaux, il faut ajouter à un milIion d'unités de compte
400 unités de compte pour chaquc tonneau de 2 001 à 30 000 tonneaux 300 unités de compte pour chaque tonneau de 30 00 1 à 70 000 tonneaux et 200 unités de compte pour chaque tonneau au-dessus de 70 000 tonneaux.
125 unités de compte pour chaque tonneau de 30 00 1 à 70 000 tonneaux et 83 unités de compte pour chaque tonneau au-dessus de 70 000 tonneaux.
Toutefois, l'armateur qui entend bénéficier des limites ainsi déterminées doit
constituer un fonds de limitation dans les conditions fixées par l'article 1 1 de la Convention
de 1976~'~. Une fois ledit fonds constitué, les biens de l'armateur357 initialement saisis
devront faire l'objet d'une mainlevée en vertu de l'article 13 de la Convention de 1976.
-Mais, l'interprétation de cet article 13 a récement soulevé des vagues en France.
En effet. dans l'affaire ~ H e i d b e r p , interrogé sur le point de savoir si cette mainlevée doit
automatiquement être ordonnée suite à une constitution réguhère du fonds indépendamment
des doutes pesant sur l'existence même du droit à limitation, le tribunal de commerce de
Bordeaux, dans une décision hardie du 16 avril 199 1, a statué, comme nous le rapporte le
professeur Vialard, que «malgré la lettre du texte [de l'article 131 qui ne paraît pourtant
laisser aucune échappatoire, l'automatisme de la mainlevée n'est pas acquis dès lors qu'il y
a un doute sérieux sur le droit même à limitation de l'exploitant du navire»3s8. Par la suite
cependant. la Cour de cassation française a pris le contre-pied de cette interprétation en
décidant le 23 novembre 1993 qu'«en statuant ainsi, alors qu'après la constitution d'un
fonds de limitation, la mainlevée de la saisie conservatoire du navire doit être ordonnée.. . l'ordonnance a violé les textes
C'est dire que de toutes façons, dès que l'armateur constitue le fonds de limitation à
partir duquel son créancier virtuel prélèvera le montant de sa réparation, il reprend la libre
556 II s'agira notamment de consigner unc somme ou de fournir une garantie acceptable en venu de la législation de I'Etat Partie dans lequel le fonds est constitué, et considérée commc addquate par le tribunal ou ar une autorité compétente (art. 11 (2) de Ia Convention de f 976).
P57 Rappelons quc l'armateur doit s'entendre ici au sens de l'art. 1 (2) de la Convention de 1976 h o n a 5 ci- haut.
Antoine VIALARD. nl'affaire nHeibergu : gros temps sur la Convention de Londres 1976 sur la limitarion de responsabilité cn matikre de créances maritimesn, (1993) 45 D.M.F. 706,708. 359 Timothy CLEMENS-JONES u*Heidbergw : malfaiteur ou victime d'une injustice ?n, (1993) 45 D M F . 712, 713,
disposition de ses biens préalablement saisis3? C'est sur la base dudit fonds que sera
effectivement calculé le montant de la limite à l'aide de données complexes.
2.2. La complexité des mécanismes de définition des limites
L'application des limites de la Convention de 1976 est sujette à une difficulté causée
essentiellement par la complexité de ses mécanismes. Deux considérations illustrent bien
notre propos.
D'un côté en effet, l'article 6 ( 1) (b) de la Convention de 1976 instaure un système
de variante au taux de base dégressif qui signifie que la valeur de Ia limitation s'améliore de
façon dégressive au fur et à mesure qu'augmente la capacité du navire une fois que sa jauge
dépasse les 500 tonneaux. Qui pis est, le calcul des limites qu'elle pose se fait sur la base du
tonnage brut du navire? Dès lors. il faut recourir aux dispositions très techniques de la
Comenrion de Londres sur le jaugeage des navires dont nous nous abstiendrons d'explorer
les méandres.
De l'autre côté, l'article 8 institue le D.T.S. comme unité monétaire tout en
permettant aux Etats qui ne sont pas membres de Fonds Monétaire International et à ceux
dont la loi nationale ne permet pas l'usage des D.T.S. de continuer à se référer à un poids
d'or. Mais, cette disposition ne sera mise à contribution que si l'armateur est admis à se
prévaloir des limites ainsi légalement posées. En effet, il est possible que cet armateur-
transporteur se retrouve dans l'incapacité de se prévaloir desdites limites.
3 6 0 La constitution du fonds de limitation ayant pour corollaire l'ordonnance de la mainlevée sur les saisies. clic est de nature à priver le futur créancier de l'armateur (transporteur en I'occurrcncc) de toute garantie inhérente ?I la réparation intégrale du préjudice par lui subi au cas où ledit armateur serait ultérieurement dechu de droit à limitation. Aussi, le moins que l'on puisse dire est que I'automatisme ainsi réaffirmé en France vient consacrer dans les faits un droit à limitation qui pourtant reste encore tributaire d'une reconnaissance judiciaire. Voir A. VIALARD, loc. ci!., note 358, 708 qui conclut péremptoirement, mais Iogiquement que «le droit de constituer un fonds n'cst rien sans le droit de limitation correspondant [...]. Cessante ratione legis, cessat lex [...]M. 36 1 Art. 6 (5) de la Convenrion de 1976.
II. La perte du droit à limitation
Il peut arriver que le transporteur perde le droit de limiter sa responsabilité. Son
corollaire étant généralement la restauration du principe de la réparation intégraie du
préjudice causé au demanded6', nous nous contenterons d'étudier les causes ou
événements ayant pour conséquence une telle perte. À l'évidence, de tous les régimes
pertinents, il apparaît que le transporteur maritime encourt la perte de son droit de limiter sa
responsabilité s'il y a renoncé (1) ou si son comportement est répréhensible (2).
1. La perte par renonciation
Les parties au contrat de transport maritime peuvent convenir d'augmenter la
responsabilité du transporteur avant l'exécution dudit contrat. Ce faisant, le transporteur
renonce à un droit qui lui est d'office reconnu par chacune des Conven~ions pertinentes363.
L'acte de volonté constitutif de la renonciation se manifeste soit par un accord des
parties au contrat de transport, soit sous la forme d'une déclaration de la valeur des
marchandises avant leur embarquement.
La renonciation se produit lorsque le chargeur et le transporteur ont convenu
d'aggraver la responsabilité de ce dernier. Cela semble unanimement admis à chaque fois
que cette responsabilité se trouve préalablement limitée aussi bien sous l'empire de la
Convenrion de Brlael1e.s en ses différentes versions364 que dans les Règles de ~ m b o u r g ?
362 C'cst vrai que par le déplafonnement de la réparation du transporteur, ce principe de la restitutio in inregrznn n'aura pas pour effet d'effacer le préjudice en replaçant notamment le demandeur dans la situation où i l se serait trouvé si Ie dommage ne s'était pas produit, mais elle aura au moins l'heureux mérite de le compenser au micux. Voir notamment Henri MAZEALJD, Jean MAZEAUD, E o n MAZEAUD et François CHABAS, Leçons de droit civil. t. 2, «Obligations, théorie générale», 8' 6d. par François CHABAS, Paris, h?ontchrestien, 199 1. no 623, pp. 736-739. 363 Art. 2 in fine des Règles deLa Huye, art. 2 in fine des Règles deLa Haye-Yisby, art, 6 ct 23 des Règles de Hambourg. Cependant. comme la Convention de 1976 ne dispose aucunement sur la déchéance volontaire, il
a lieu d'en conclure qu'elle ne l'autorise pas. Y61 Art. 4 (5) al. 3 des Règles de L a Haye, art. 4 (5) (g) des Règles de La Hoye-Visby modifiées ou non par le Protocole de 1979. 365 Art. 6 (1) et 23 (2) des Règles de Hambourg.
Toutefois, à la différence des Règles de Hambourg, la perte par accord mutuel est
subordonnée dans la Convention de Bruxelles à I'accomplissement d'une condition de
forme puisque pour être effective, mention doit en être faite dans le connaissement délivré
au chargeu? ; quoiqu'une mention sur une note de chargement puisse Mais, en
vue d'en faciliter la preuve, il nous semble que, dans les Règ[es de Hambourg, le chargeur
ait intérêt à faire constater la limite conventionnelle dans l'instrumenrum du contrat de
transport qui ne sera pas nécessairement un connaissement.
De plus, une déclaration de la valeur des marchandises368 avant leur
embarquement369 laisse présumer la perte volontaire du droit à limitation du transporteur.
Seulement, cette voie semble exclusive à la Convention de Bruxelles puisque les Règles de
Hambourg sont muettes à cet égard.
Sous l'empire de chacune des versions d e la Convention de ~ r t a e l l e s ~ ~ ~ en effet, le
transporteur perd le droit de limiter sa responsabilité lorsque, avant l'embarquement, le
chargeur a pris soin de déclarer dans le conna i~semen t~~ ' la nature et la valeur des
marchandises qu'il lui remet3". Dès lors, à moins que le transporteur ne conteste
'u An. S al. 1 des Règ!es de La iïuye ; art. 5 al. 1 des Règles de L a Haye-Visby et art- art. 5 al. 1 des Règles de L a Hqe-Visby modifiées par le Protocole de 1979. j6' Rouen, 18 octobre 1984, (1986) D.M.F. 33. 368 Voir R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE. op. cir., note 77, no 380. p. 361 pour qui Ia nature juridique de cette déclaration de valeur se résume en «une présomption conventionnelle d'appréciation de la valeur de la chose>>. 11s ajoutent très pertinemment que la déclaration de valeur «n'est pas un plrfond conventionnel» car, 5 la différence du plafond érigé par les textes internationaux, le transporteur ne devra pas automatiquement la somme dkclarée en cas de perte ou avarie partielle. En l'espèce, il ne sera condamné que d'une somme
roportionnelle à l'ampleur du dommage. P69 II faut remarquer que dans les faits, I'exercice de la dklaration de valeur est loin d'éue banal puisqu'il entraîne en principe un calcul ad valorem du fret à payer par le chargeur au transporteur maritime. 3 70 Art. 3 (5) a!. 1 des Règles de La Haye ; art. 3 (5) (a) des Règles de La Haye-Visby et art. 4 (5) (a) des Règles de L a Huye-Visby modifiées par Ic Protocole de 1976. 57 1 II faut toutefois reconnaître que la facult6 ainsi IégaIement reconnue au chargeur de déclarer la valeur des marchandises n'est pas très effective de nos jours car dans les faits. le moins que l'on puisse dire est que le chargeur ne concourt plus réellement à l'émission du connaissement. 372 Art. 4 (5) al. 1 des Règles de La Hoye qui a reçu aux Etats-Unis une interprétation plutôt originale puisque les tribunaux y ont décidé que le transporteur perd automatiquement le droit de se prévaloir des limites à sa responsabilité dès lors qu'au moment de la signature du connaissement, iI n'a pas informé le chargeur de la possibilité qui lui est offerte par les Règles de La Haye de déclarer la valeur des marchandises au transporteur. C'est ce qu'on a appelé la doctrine de la «fair opponunity». Voir note 53.
l'exactitude de la valeur déclarée373, celle-ci produira ses effets en servant d'unique base de
calcul du montant de la réparation à la charge du transporteur une fois la responsabilité de
celui-ci établie37". Cet effet se rapproche de celui de la déchéance du droit à limitation.
2. La perte par déchéance
La perte par déchéance s'entend de la perte du droit à limitati ar le transporteur
de façon imprévisible alors qu'elle n'a pas été voulue dès la conclusion du contrat de
transport maritime. Contrairement à la perte par renonciation, elle n'est, en réalité, qu'une
sanction. Ainsi, autant la déchéance sanctionne généralement un comportement fautif du
transporteur, autant ledit comportement est diversement évalué selon qu'on se trouve dans
un cadre civiliste ou dans un système de common law. Compte-tenu de cette variable, il
convient de présenter les causes précises de la déchéance selon qu'on se trouve sous les
RègZes de L a H q e , sous les Règles de L a Haye- Visby modifiées ou non par le Protocole de
1979, sous les Règles de Hambourg ou sous l'empire de la Convention de 1976.
Sous l'empire des Régies de L a H q e , la déchéance intervient en à
l'occasion d'un chargement en pontée irrégulier ou d'un déroutement jugé déraisonnable. À
cet égard, les pays civilistes et ceux de common law utilisent généralement deux véhicules
juridiques différents376.
-73 Art. 4 (5) al. 2 des Règles de L a Haye ; art. 4 (5) (f) des Rêgles de Lu Hqye-Visby modifiées ou non par le Protocole de 1979. "" Art. 4 (5) al. 1 in fine des Règles de La Haye ; art. 4 (5) (a) in principio des Règles de L a Haye-Visby rnodifiics ou non par le Protocole de 1979. 37s 11 faut signaler qu'au sur ph^^, la doctrine de la doctrine de la <<fair opportunityw appliquc'e au Etats-Unis constitue une cause supplémentaire de la déchéance forcée puisque le transporteur qui y a néglige d'informer le chargeur dc la possibilité à lui reconnue de déclarer la valeur de la marchandise dans Ic contrat de transport et dont la responsabilité est ultérieurement étabiie pour dommage auxdites marchandises est condamné à en ré arer intégralement le prejudice conséquent. '7gCetic diffkrencc s'effrite très vitc quand se posc la question de savoir si le transporteur doit répondre des agissements fautifs de ses préposés dans t'exercice de leurs fonctions puisque prévaut presque univcrscllcmen t le principe respondeat superior. Voir Raymond ACHARD, 4hargement en pontde irrégulier, dol. faute intentionnelle et limitation de responsabilité du transporteur maritime. Essai de synthèse)). (1983) 35 D.M.F. 3, 1 1.
Dans les Etats civiiistes comme la
irrégulière est traité comme un do1377. Ains
France, le transport en pontée opéré de façon
i, à défaut de la faute lourde du transporteur qui
n'a nullement été envisagée par les Règles de L a ~ a y e ~ ' ~ . le dol, défini en matière de
transport maritime comme d a faute commise avec l'intention de provoquer le
dommage»379, a été retenu pour faire sauter la limite de réparation380. On ne peut en effet
toiérer qu'un transporteur qui, par de tels agissements, a abusé de l'ayant droit à la
marchandise, se prévale impunément du droit à limitation38'.
De même et de façon accessoire, le déroutement effectué par le transporteur en vertu
de I'articie 4 (4) des Règles de L a Haye provoque la perte du droit à limitation lorsqu'il a
été établi qu'en violation de cette disposition, te transporteur s'est déraisonnablement écarté
de son itinéraire. Dans ce cas, la déchéance du droit à limitation se présente en France
comme le corollaire de la perte de l'opponunité d'exonération par le transported8'.
'" Cas . corn.. I 1 mars 1960. (1960) D. 277, note Rodière qui. en assimilant le do1 à Ia fraude. a conclu que le do1 fait exception à toutes Ies règles Viaus omnia corrumpir) et a const?quemment refusé de faire jouer le droit à limitation (Voir note de Rodière, Ib. 278). 378 Ripert fait d'ailleurs remarquer que la faute lourde. notion qui n'appartient qu'à la technique juridique française, «n'aurait pas été acceptEe par la Conférence». Voir Georges RPERT, note au D. 1952, 691. 579 C'est donc une conception ancicnne et restrictive du do1 qui réfute d'ailleurs la maxime mlpa lara dolo aequiparatzrr. Voir R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE. op. cil.. note 77, no 378, p. 359. Cette conception assez étroite est, semble-t-il, due à l'emploi dc «en aucun cas» dans I'articIc 4 (5) des Règles de La Haye. Voir à cet égard R. ACHARD, [oc- cir.. note 376. 9. Mais, une telle conception doit être distinguée dc celle adoptie en droit commun français. À ce sujet, voir généralement H. MAZEAUD, J. MAZEAUD, L. MAZEALrD et F. CHABAS, op. cir., note 362, no 446, p. 440 qui résument bien la situation dans ce dernier contcxtc. Ils assimilent le do1 à la faute intentionnelle ou à la faute dolosive, et expliquent qu'il existe «non seulcmcnt [lorsqu'il est commis] avec l'intention méchante de causer le dommage. mais chaque fois [qu'il est commis] de propos délibéré, c'est-à-dire dès que l'inexécution de l'obligation est volontaire*. ''O Vqir généralement R. ACHARD, loc. cir., note 376, 3 et suiv. j8' Voir Pierre LUREAU, «Del, faute lourde et responsabilité du transporteur», (1956) D.M.F. 67 cité par R. ACHARD, [oc. cif., note 376, 9 qui déclarait fort à propos que le système du droit à limitation des Règles de L a H q e s'applique «hors hypothèse où intentionnelkment et pour nuire au contractant, le transporteur dltruirait de ses propres mains son obligation, minerait la charte contractueik, parce que détruisant ainsi le contrat passé, le débiteur (<tombe sous l'empire du droit délictuel», ce qui, par définition, est le do1 mais rien ue Ic dol>~. '' Comme nous Ic verrons dans le renversement du pouvoir lib6ratoirc. la perte de cette opportunite
d'exonération est subordonnie la preuve d'une faute personnelle du transporteur maritime.
L'effet ainsi produit, par Ie do1 notamment, est similaire au résultat obtenu par
l'affirmation. assez rare d'ailleurs383, de la doctrine de la ~fùndamental breach of the
c~ntrac t»~~ ' dans les pays de common law. Outre le transport en pontée effectué de façon
irrégulière38s, le déroutement jugé déraisonnable occasionne la mise en branle de la
doctrine sus-dénommée386. Or. celle-ci entraîne notamment la perte du droit à ~imitatior?~~.
Cette doctrine est ensuite mise à contribution pour l'application des Règles de La
Haye-Visby modifiées ou non par le Protocole de 197P'88. Ainsi, dans les pays de
common law, le déroutement et le transport en pontée irrégulier38g sont sanctionnés
383 Voir W. TETLEY, op. cit., note 19. p. 107. Aux termes des Règle de La Hqye. cette affirmation a lieu généralement en trois occasions. Il n'est pas nécessaire de faire état ici des fausses declarations du chargeur (4 (5) al. 4) qu'il sera opportun d'étudier comme cause d'exonération du transporteur.
Voir W. TETLEY, op. cir., note 19, p. 100 et suiv. qui définit cette doctrine comme celle en vertu de laquelle une partie qui manque délibérément à ses obligations contractuelles de manière à atteindre la racine même du conuat (traduction de «go to the root of the contract»), privant de fait son coconuactant du bénéfice mcmc dudit contrat, est réputé avoir substantiellement porté entrave au contrat. En consqucnce, cette partie ne peut se pr&valoir des clauses limitatives et autres clauses libératoires du contrat. Voir également W. TETLEY, 43ossary of Maritime Law Abbreviations, Definitions. Terms and Odds'N Ends», htt~://www.admiraltvlaw.com/tetlev/Glosind.htm (à jour au 02 novembre 1999). 'YS AU Canada St-Simeon Navigation fnc. c. A. Couturier & Fils Lrée (1974). 44 DL.R (3d) 478, 480. Aux Etats-Unis cependant. les tribunaux traitent le transport en pontée irrégulier comme un déroutemcnt ( un «quasi-deviationm pour être plus précis). Voir notamment Calmapip c. West Coast Carriers Ltd 650 F.2d 633, 1984 AMC 839 (5 Cir. 108 1) et Encyciopedia Britannica c. Hong Kong Producer 422 F. 2d. 7, 1969 .&MC 174 1, [ 19691 2 Lloyd's rep. 536 (2 Cir. 1969). Mais, le transport en pontée des marchandises sous contcncur n'a pas donné lieu à déchéance du droit à limitation (voir à ce sujet Mormacvega (Dupont de Nemours Internat. c. S.S. Mormacvega). 493 F.2d 97, 1971 AMC 67, [1974] 1 Lloyd's Rep. 296 (2 Cir. 1973). Qui pis est, la jurisprudence anglaise sembte abandonné cette doctrine en matière de uansport en pontée irrégulier (Voir sur cetie tendance The Aniares, [1987] 1 Lloyd's Rep. 424 (C.A.) notamment) même si le transporteur perd pareillcment son droit ?î limitation. Voir à cet égard. The Chanda, [1989] 2 Lloyd's Rep. 494 (Q.B. Corn., Ct.). 156 Résultat d'une interprétation a contrario de l'article 4 (4) des Règles de La Haye qui exonère le transponeur cn cas de déroutement raisonnable. Voir notamment Generul Electric c. Nancy Lykes, 706 F. 2d 80, 82 ; 1983 AMC 1947, 1949 et Dow Chemical c. Rascator Maritime. 1985 AMC 523. 529 (S.D. N.Y. 1984) qui font de l'intention du transporteur de ddroutcr un élément essentiel dans l'appréciation du caractère déraisonnable du dérouternent Voir égaiement W. TETLEY. op. cit., note 19. p. 113 et suiv. 387 Voir W. TETLEY, op. cit., note 19, p. 109. ''' Ici, les dispositions pertinentes relatives au transport en pontée irrégulier ct au deroutement déraisonnable ont été reconduites aux articles 1 (c) et 4 (4) des Règles de La Haye-Visby modifiées ou non par le Protocole de 1979. Mais, Ic nouvel article 4 (5) (e) est porteur de profonds changements. 389 A fortiori Canadian Pacfic Forest Producrs Limited et- al. c. TherrBeltimber" et. al., (June 10, 1999) no A- 406-96 (F.C.A.) où le transporteur avait certes régulièrement proc6dé à un chargement en pontée alors que le contrat dc transport contenait de surcroît une clause exonératoire de sa responsabilité pour les marchandises ainsi transportées- Pourtant, ledit transporteur n'a pas été admis à se prévaloir du droit à limitation car les domrnagcs causés aux marchandises étaient dus à sa faute et la clause exonératoire ne stipulait pas cxprcssémcnt sa libération en cas de négligence. Cette solution était d'autant plus indiquée que les autres clauses du contrat n'excluaient pas sa responsabilité en cas de faute.
seulement3g0 par la perte du droit à limitation si, conformément à l'article 4 (5) (e), le
demandeur prouve que le transporteur a eu t'intention de provoquer le dommage ou a agi
témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement391.
Toutefois, dans un système civiliste comme celui de la France, ce même article 4 (5)
(e) est autrement interprété puisqu'il donne lieu tantôt au do1 quand le trausporteur a eu
l'intention de provoquer le dommage par son acte ou son omission392, tantôt à la faute
inexcusable lorsque le transporteur a agi témérairement et avec conscience qu'un dommage
en résulterait393 ; autant de brèches faites au droit à iimitatiodg".
S'agissant particulièrement de la faute inexcusable, inconnue sous les Règles de La
Haye, les tribunaux français ont décidé de la juger ~bjectivement~~'. En ce sens, ils
analysent le comportement du transporteur par rapport à l'attitude qu'aurait adoptée un
«bon transporteur de famillem. En revanche, ils font fi de la conception subjective de la
faute inexcusable en s'abstenant bien de ascruter la conscience» du transporteur et de
comparer ainsi son comportement à celui d'un transporteur raisonnable dans les
circonstances396.
Sous le régime des Règles de Hambourg, l'article 8 (1) est l'arsenal juridique dont
dispose tout demandeur désireux de crever le plafond de la responsabilité du transporteur
3W Voir W. TETLEY, op. cit.. note 19. pp. 123, 125 pour qui l'étendue de la doctrine de la afundamental brcach,> se trouve restreinte puisqu'elte ne débouche plus que sur la perte du droit à limitation, 391 Lc professeur Tetley estime que i'intention ainsi requise n'est pas facile à rapportcr car le transporteur qui déroute est bien souvent animé par le désir de réaliser des économies (lb., pp. 122-123). N'est-ce pas ce que la doctrine française a appelé faute lucrative» (Voir notamment R. RODIÈRE, note sous cass. corn.. 11 mars 1960, (1960) D. 277, 278-279) qui d'aiIleurs n'a finalement pas été retenuc dans le droit positif français (Voir R. RODIERE et E. du PONTAVICE, op. cif., note 77, no 378, p. 359). j9' Cass. corn., 29 avril 1969, (1 969) D.M.F. 61 3. 393 Mais, à la question de savoir si le do1 ou Ia faute inexcusable du préposé, agissant dans I'exercice de ses fonctions, peut permettre d'écarter le plafond légal de réparation du transporteur, il semble qu'il faille de nouveau recourir à la maxime respondeat srcperior, l'article 4 bis des Règles de L a Hoye-Visby modifiées ou non nc devant servir qu'en cas d'action directe contre le préposé. Sur cette solution et les débats soulevds par la question, voir R. ACHARD, loc. cit., note 376, 12 et 13. 394 R. ACHARD, /oc, cif.. note 376, 1 1. 395 Tr. corn. Marseille 22 avril i986, Scapel 1986, 27. 396 Ib.
maritime. Ledit article 8 (1) énonce, en substance, que le transporteur est déchu de son
droit de limiter sa responsabilité &il est prouvé que la perte, le dommage ou le retard à la
livraison résulte d'un acte ou d'une omission de [sa part] commis soit avec l'intention de
provoquer cette perte, ce dommage ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette
perte, ce dommage ou ce retard en résulterait probablementm.
Aussi, si la doctrine de la «fundamental breach of the contract» ne poum y avoir
d'autres effets que la déchéance du droit à lirnitati~n~~', comme dans les pays de tradition
civiliste cependant, le demandeur devra préalablement établir que Ie transporteur a agi
témérairement ou avec 19iatention de causer le dommage souffert par In
La France, par sa doctrine, semble y lire l'exigence du do1 ou de la faute
inexcusable du transporteur399. Mais, le moins que l'on puisse dire est que le demandeur
rencontrera nombre d'écueils lorsqu'il entreprendra de se conformer à l'article 8. Le
professeur Tetley n'a pas manqué d'y dénoncer ce qui n'est pas qu'un travers4" : «[i]t
favours fraud, it requires claimant to prove intent to commit a fraud and intent to cause
damagep?O'. a-t-il conclu. La perpective de ces difficultés jette un sérieux doute sur
1' effectivi té même de l'obtention d'une déchéance forcée dans les RègZes de Hornbourg4".
397 W. TETLEY, [oc. c h , note 37, 10. 393 Quid de l'effet de la faute de son préposé ou de son mandataire sur la déchéance du droit à Iirnitation du transporteur? Voir René RODIÈRE, <<Incidence du do1 du préposé sur la responsabilité de I'employeurm (1979) 1870 B.T., 230 cité par R. ACHARD, [oc. ci^. note 376, 12 pour qui il est clair que les RègIes de Hambourg «prennent bien soin de distinguer et [il semble] résulter de-l'artiie 8, dans ses deux parag&hcs, que l'on ne s&rait fair= saum le plafond-de réparation établi par ces règles pour le transporteur que s'il a lui- meme commis une pareille faute, pour les préposés que s'ils ont eux-mêmes commis une faute de cette gravité. En d'autres termes, si. engager la &ponsabilité. la faute du préposé vaut celle du transporteur. pour le montant de la réparation il n'en est plus ainsi». Conm A. I, WALDRON, [oc. cir., note 36, 309 qui estime pour sa part que «[t]he article [8] is silent as regards [this question]. so national courts would be teft to ascertain when an act by a servant or agent is properly seen as an act of the carrier*. II ajoute toutefois qu'-[i]n such a situation the servant or agent would lose the right to Iimit in an action brought by the cargo- ownern. Autant dire qu'ici l'ayant droit à la marchandise a tout intérêt à poursuivre directement l'employé ou le mandataire s'il le juge suffisamment solvable. 399 R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE. op. cit., note 77, no 378, p. 359. uY) W . TETLEY. foc. cil., note 37. 10. -loi /b.
/h.
Cette déchéance semble pourtant acquise dans deux cas de figure inscrits dans le
corps même des Règles de Hambourg. Il en est ainsi, d'une part, de l'hypothèse prévue par
l'article 9 (4) : lorsque le transporteur effectue un chargement en pontée «contrairement à
un accord stipulant expressément que le transport doit être réalisé en cale». D'autre part, la
déchéance paraît aussi automatique quand, en acceptant une lettre de garantie en
contrepartie de l'émission d'un document de transport dénué de toute réserve sur l'état des
marchandises à lui remises par le chargeur, le transporteur a eu l'intention de léser un tiers
alors que celui-ci vient d'établir la responsabilité du transporteur dans les dommages causés
auxdites marchandises303.
En dépit de ces déchéances factuelles dont la seconde comporte la nécessité de
rapporter la preuve de l'intention vicieuse du transporteur, la relative certitude que leur
obtention semble s'amenuiser davantage du moment où, le demandeur est appelé à se plier
aux exigences de l'article 8 (1) alors que le transporteur a procédé à un chargement en
pontée sans se fonder ni sur un règlement étatique, ni sur un accord et encore moins sur un
usage, violant ipso facto l'article 9 ( 1 ) des Règles de Hambourg.
Cependant, en l'état actuel des dispositions internationales pertinentes et sur la base
du principe du cumul des droits à limitation, il semble qu'en établissant Ia faute
intentionnelle ou inexcusable du transporteur telle qu'exigée par l'un des textes propres à la
responsabilité de ce dernier, le demandeur parviendra généralement à renverser
simultanément le droit aux limites de premier degré et le droit aux limites de deuxième
degré que formule la Convention de 197#04. Il semble d'ailleurs que l'interprétation de
I'article 4 de cette dernière Convention sera d'une certaine utilité dans l'application de
l'article 8 des Règles de Hambourg puisque l'une et l'autre disposition paraissent similaires
dans leur lettre et dans leur esprit.
403 .kt. 17 (4) des Règles de Hambourg. 4w R. RODIÈRE, E. du PONTAVICE, op. cit.. note 77. no 156, p. 133 ; contra C.A. Paris, 31 oct. 1984, (1985) 37 D.1W.F. 668, note Pierre BONASSES qui attribue cette décision à une «confusion commise par la Cour» et prend clairement parti pour le cumul (Ibid. 679).
Enfin, sous l'empire de la Cornenrion de 1976 en effet, l'article 4 énonce que «une
personne responsable n'est pas en droit de limiter sa responsabilité s'il est prouvé que le
dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de
provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel
dommage en résulterait probablement».
Comme le professeur Tetiey à propos de l'article 8 des Règles de Hambourg,
l'article 4 ci-haut cité a fait dire à du Pontavice et Rodière que «la responsabilité illimitée
des armateurs devrait être retenue moins souvent que par le passé»4o5. Bonassies est bien
plus sceptique. S'agissant de la preuve de la faute intentionnelle de l'armateur désormais
requise, il estime qu'elle «est bien improbable» car on ne voit pas comment le demandeur
pourra établir que l'armateur-transporteur a bien eu l'intention d'endommager les
marchandisesJo6.
Mais, les tribunaux français ne semblent pas de cet avis. En témoigne, cette décision
du tribunal de Cherbourg qui, dans l'affaire Khi-Karsten, définit plus Iargement la faute
inexcusable de l'armateur car «en choisissant de faire naviguer son bâtiment avec un seul
officier de pont, au lieu de deux, I'armateur a commis une faute inexcusable qui lui est
directement imputable»407. Dans cette optique. il semble que, comme dans la Convention
de 195 7, sera reconnu comme faute inexcusable personnellement commise par l'armateur le
chargement irrégulier des marchandises en pontée au sens de l'une des versions de la
Comenr ion de 13ruxellesa8.
Si donc la preuve de la faute inexcusable demeure malgré tout possible, il faut
encore qu'avant d'ordonner la mainlevée de la saisie opérée sur les biens de l'armateur à la
''O5 R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE, op. cir., note 77, no 156, p. 135. Ils ne pouvaient, semble-t-il, pas s'empêcher de comparcr la prdsente Convention de 1976 3 celle de 1957 qui n'exigeait que la faute simple comme cause de déchéance du droit à limitation. 106 P. BONASSIES, foc. cit.. note 287.4. 'O7 TG1 de Cherbourg, affaire KM-fisren. 3 septembre 1990, cité par P. BONASSES, /oc. cit., note 66. 103-104 ; voir dgalement Tr. corn. Bordeaux du 23 septembre 1993 comment6 par T. CLEMENS-JONES, /oc. cit., note 359, 7 12 et suiv. 'O8 Affaire du navire PepCorczf, C.A. Paris, 1" oct. 1986, (1987) 39 D.M.F. 43 1.432.
demande de l'ayant droit aux marchandises, il soit accordé à celui-ci le temps d'apporter la
preuve de la faute inexcusable de celui-là4? Cette suggestion respectueuse du «fair playu
ou de la «due process of ~ a w » ~ ' ~ vient de ce qu'en l'état actuel des procédures consacrées
par la jurisprudence française notamment, les biens saisis par le demandeur font l'objet
d'une mainlevée dès la constitution d'un fonds de limitation par l'armateur alors que
l'ayant droit à la marchandise n'est admis à rapporter la preuve de sa faute inexcusable que
beaucoup plus tard4' ' . Par conséquent. lorsque cette faute inexcusable est proüvée, l'ayant
droit à la marchandise se retrouve privé de garanties pouvant faciliter l'exécution de la
réparation intégrale qui en résulte4".
En clair, il semble qu'autant «le droit à limitation n'est ouvert qu'à l'amateur
irréprochable»"3, autant le transporteur ne saurait prétendre à limiter sa responsabilité alors
qu'il ri failli à ses obligations sans pouvoir se libérer au moyen d'un cas exonératoire.
R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE, o p cil-, note 77, no 160-9. p 141 (opinion propre à du Pontavice). lb.
41 1 Cass. corn. 23 novembre 1993 citée par T. CLEMENS-JONES, /oc. cit., note 359,713. "' A. VIALARD, /oc. cir., note 358,707. ''13 lb., 709.
CHAPITRE 2 :
VEXONÉRATION DE RESPONSABILITE DU TRmSPORTEUR
MARITIME
S'il est un élément qui réduit considérablement la responsabilité du transporteur
maritime au point de l'annihiler, c'est bien le privilège qui lui est laissé de s'exonérer de sa
responsabilité en certaines circonstances. Tandis que la Convention de Bruxelles a aménagé
une kyrielle de cas qui se veulent, en principe. libératoires (1)' les Règles de Hambourg sont
plus restrictives sur le sujet (II).
1. Les cas exonératoires du transporteur sous l'empire de la Convention de
Bruxelles
Dans les Règles de La Haye et ses versions subséquentes, il n'est pas surprenant que
transporteurs et Clubs de protection et d'indemnisation mutuelles (PM Clubs) semblent
particulièrement attachés à l'article 4 (2). Cette disposition rassemble. en effet. l'essentiel
des occasions permettant au transporteur maritime d'être exonéré lorsqu'il a manqué à son
obligation de «[procéder] de façon appropriée et soigneuse (. . .) au transport, à la garde et
aux soins (. . .) des marchandises transporté es^^'^.
Ainsi, en contrepartie4I5 du système de la responsabilité présumée du transporteur
dont l'une des conséquences, faut-il le rappeler, est d'en retenir la responsabilité même
lorsque la cause du dommage demeure inconnue, la Convention de Bncxelles lui laisse, en
41' AR 3 (2) des Règles de La H q e . des Règles de La Haye-Visby, modifiées ou non par le Prorocole de / 9 79. '"' John O. HONNOLD. ~Ocean Carriers and Cargo : Clarity and Fairness-Hague or Hamburp, (1993) 24 J Afar. L. & Corn. 75, 104.
principe, la faculté de s'exonérer de la responsabilité qui pèse a priori416 SUC lui s'il établit
que les dommages subis par la marchandise résultent d'un événement survenu dans l'une
des circonstances qu'elle a aménagées.
Toutefois, au-delà de la kyrielle de cas exceptés dont la preuve de l'un suffit en
principe à exonérer le transporteur de la réparation des dommages prouvés par le
demandeur (1). ce dernier a Ia possibilité de contrecarrer la libération du transporteur (2) ;
alors que, parallèlement, se fait jour le partage du fardeau de la preuve"7.
1. La kyrielle de cas exceptés
Autant «un cas excepté constitue une circonstance qui, par l'effet de la loi, entraîne
une irresponsabilité du transporteur maritime*'*, autant il se veut le pilier de la protection
du transporteur sous le régime de la Convention de Bruxelles. En effet, dans les paragraphes
1 et 3 de son article 4, des événements habituellement avancés devant les tribunaux par le
transporteur désireux de se départir de sa responsabilité, la Convention de Bruxelles 419 a
retenu dix huit4". Ainsi, le transporteur peut s'exonérer de sa responsabilité en établissant
que le dommage causé à la marchandise est dû à l'un de ces dix huit cas bien qu'il se soit
montré diligent4".
Toutefois, si le dommage est concurremment dû à un cas excepté et à une autre
cause , Ie transporteur a la charge d'établir la part du dommage attribuable au cas libératoire
et celle imputable à l'autre cause sous peine de demeurer responsable pour le tout?
'16 Francesca BERLINGERI. «Period of Rcsponsability and Basis of Liabiliiy». Les Règles de h b o u r g er /a CEE, Colloque d;lnvers 18-1 9 nov. 1993, MAKLU Uitgevers, Anvers, 1993 cité par Y. TASSEL, op. cit., note 85, p. 322. 41' Voir W. TETLEY. op. cd., note 19, pp. 434-435. 418 V.-E. BOKALLI. [oc. cir., note 103. 24 1. 419 Voir Scnrtton on Charterparries and Bills of Luding, 20' éd., par Stewart C. BOYD, Andrew S- BURROWS et David FOXTON, Londres, Swcet & Maxwell, 1996, p. 209-215 qui égrène méticuleusement le chapelet desdits événements. 420 Aux 17 cas exceptés énumérés par Ies paragraphes 1 et 2 de l'article 4 de la Convention de Bnrxefles, il faut. en effet. ajouter le cas exceptk d'ordre général de I'anicle 4 (2) (q). "' Voir W. TETLEY, op. cit.. note 19, p. 434, précisant l'ordre de la preuve ?î l'occasion de l'allkgation d'un cas excepté. '3 Schneil & Co. c. S.S. VuIIescura, précité, note 40.
Bien qu'elle soit un peu répétitive, l'énumération des cas libératoires de l'article 4
rassemble les événements allant des actes du personnel de navigation aux vices cachés en
passant par les actes de Dieu et les activités de sauvetage et d'assistance. Mais,
concrètement, leur application, ou mieux, leur appréciation individuelle, sujette aux
considérations naturelles, géographiques, saisonnières et temporelles n~tamment'~, est une
question de fait généralement laissée à l'entière sagesse du juge ou de l'arbitre, désormais
grandement aidé par les nombreux qrogrès de l'expertise»"".
Ainsi, juges et arbitres exigent généralement du transporteur qui désire se libérer de
la présomption de responsabilité qui pèse sur lui de démontrer cumulativement sa «due
diligence>>"5 ou sa «diligence au moment où s'est produit l'événement qu'il
invoque comme cas excepté, d'une part ; et d'autre part, le bien-fondé dudit événement
comme cas exonératoire. Cet extrait de la décision rendue au Canada dans l'affaire Marine
Foonvear Co. c. Can. Governmenr Merchant Marine Ltd illustre bien cette double
exigence :
«Article ID, rule 1, [relatif à l'obligation du transporteur maritime d'exercer une diligence raisonnable] is an ovemding obligation. if it is not fulfilled and the non- fulfilment causes the damage, the immuaities of article IV cannot be relied on. This is the natural construction apart from the opening words of Art. IV, Rule 2. The fact that the Rule is made subject to the pro&ion of Art. N and Rule 1 is not so conditioned makes the point clear beyond argument.» 427
W. TJTLEY, op. cil., note 19, pp. 436-437. "" R. RODIERE et E. du PONTAVICE. op. cit.. note 77, no 364-2. p. 333.
Voir W. TETLEY. op. cir.. note 19. pp. 369 et 370 qui définit la d u e diligence^ comme -a genuine, competent and reasonable effort of the carrier» de respecter les obligations mises à sa charge par l'article 3 (1) de la Convenrion de Bruxelles. Ces obligations consistent a) à mettre le navire en bon Ctat de navigabilité, b) à armer, équiper et approvisionner convenablement Ic navire et c) à amhager conséquemment les parties du navire devant abriter les marchandises transpon8es. 426 La diligence raisonnable est cependant moins strictement évaluée par les tribunaux civilistes que la «due diligence>, dans la jurisprudence anglo-saxonne. 427 Au Canada, M a i n e Foonvear Co. c . Cam Governrnenf Merchant Marine Ltd, (1959) A.C. 589,602-603. [ 19591 2 Lloyd's Rep. 105, 1 1 3 (P.C.) et Goodfeelllow Lumber Sales Lfd c. Verreaulr. [ 197 1 ] R.C.S. 522.528 ; [197 11 1 Lloyd's Rep. 185, 188. Aux Etats-Unis d'Amérique, sauf en cas d'incendie, U.S.A. c. Emmounr Shipping Co. (The Susquehanna), 1974 AMC 1 1 83, [1975] 1 Lloyd's Rep. 2 16 (S.D. N.Y. 1974). En France, récemment encore. sentence arbitrale no 972 du 24 novembre 1997, (1998) hors série no 3 D.M.F. 710 et c a s 27 juin 1995, (1997) D.M.F. 315, note F. Régnier et obs. Pierre Bonassies (ibid. 255).
En clair, le transporteur doit faire la preuve de sa udue diligence» avant de
démontrer la réalité de l'un des cas exceptés. Toutefois, pour mieux cerner Ia portée de ces
cas libératoires, il convient de les regrouper en trois catégories suivant les modèles déjà
établis4" : les cas exceptés tenant à des événements extérieurs tant au navire qu'à la
cargaison, les cas exceptés tenant à la cargaison et ceux tenant au navire.
> Catégorie 1 : Les cas exceptés tenant à des événements extérieurs au navire et à la
cargaison
Lls sont au nombre de dix. Il s'agit de l'incendie, des périls de mer, d'un «acte de
Dieu», des faits de guerre, du fait d'ennemis publics, d'un arrêt ou fait du prince, d'une
restriction de quarantaine, de grèves ou Iock-out, d'émeutes ou de troubles civils, de toute
autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur''9. Mais, de façon
globale et à l'échelle planétaire, les progrès technologiques ainsi que ceux enregistrés au
niveau de la paix et de la sécurité en ont rendu bon nombre relativement peu utilisés devant
les Aussi ne nous pencherons-nous que sur l'incendie - davantage en raison de
ses effets dévastateurs qu'à cause de sa r ec~ r r ence~~ ' - et sur les périls de mer.
L'incendie
S'agissant de l'incendie de l'article 4 (2) (b) d'une part, il constitue a priori une
cause d'exonération automatique du transporteur sous la Convention de BrtcxeZZes lorsque,
""air B. KERGUELEN-NEYROLLES (dir.). op. ci(., note 223, p. 268 et H. M. KZNDRED, loc. c k , note 18 1,608 dont nous emprunterons le procédé de ctassification.
J29 Rcspectivcment. paragraphes b, c, d, e, f, g, hl j, k et q de l'art 4 (2) de la Convention de Bruxelles. 530 I l s'agit d'un «acte de Dieu» qu'on a pu définir comme 4'intervention du hasard», des fails de guerre, du fait d'ennemis publics dont l'exemple le plus connu est la piraterie. des émeutes ou troubles civils, des faits du prince qui reposent ghéralement sur dcs décisions prises par les autorités adminisuatives et judiciaires, de ia restriction de quarantaine, des «grèves ou lock-outs (sic) ou d'arrêts ou cntraves apport& au travail pour quelque cause que cc soit, partiellement ou complttementm et «de toute autre cause ne provenant pas d u fait ou de la faute du transporteur, ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur),. Le transporteur recourt à ce dernier cas pour éviter sa condamnation pour dcs dommages dont la cause ne lui est pas imputable. mais dont l'origine ne se confond pas avec l'un des dix sept autres cas exonératoires. À cette fin. i l n'a certes pas à prouver son absence de faute, mais il se doit d'étabiir que le dommage résulte d'une cause étrangère et que lui et ses agents n'en ont pas contribué à ia production. "' Voir R. RODIÈRE et E. du PONTAVICE, op. cir., note 77, no 371, p. 351 qui estiment que l'incendie est de nos jours une source de litiges tarie. en France du moins.
de prime abord, celui-ci prouve que les flammes432 sont à l'origine des dommages causés
aux rna rchu id i~es~~~ . Aussi, à moins que le demandeur ne prouve que l'incendie résulte
effectivement du fait ou de la faute du transporteur, celui-ci reste exonéré si le feu a été
causé soit par le fait ou la faute d'un étranger, soit accidentellement, soit encore par un fait
indé te~miné''~'.
D'ailleurs, les avaries causées par I'incendie sont largement entendues puisque sont
également pris en compte les dommages dus à la chaleur précédant le fed3' ou encore ceux
causés soit par la fumée, soit par l'eau utilisée pour éteindre le feuJ36 à condition cependant
que d'autres dommages aient directement résulté dudit feu.
Le péril de mer
Relativement au péril de mer de l'article 4 (2) (c) de la Convention de ~rtaelles~~',
s'il est perçu comme <<the carrier's best though least dependable f n e n d ~ ' ~ ~ , le professeur
Tetley le définit comme rsome catastrophy force or event that would not be expected in the
area of the voyage, at that time of the year and that could be reasonably guarded
- - -
432 Voir Tempus Shipping Co. c. Louis Dreyfirs, [1930] 1 K.B. 699,708 où le juge Wright faisait remarquer que : (([mlere heating, which has not atrived at the stage of incandescence or ignition is not within the spccific word «firem». 433 Aux Etats-Unis cependant où le US. Fire Srome, Act of March 3, 1851, c. 43, sect. 1, 46 US. Code 182, R.S. 4282 prime les Règles de La Haye (la situation et quasiment identique en Grande-Bretagne o ù prdvaut le :Mt.rchanr Shipping Acr 1979, (1979) U.K. c. 39, sect- 18 (1) et Partie 1 de l'annexe 4). le transporteur n'est pas astreint à une telle preuve puisque, d'entrée de jeu. il revient au demandeur de démontrer que l'incendie duquel résulte le dommage à la marchandise a été causé par la faute du transporteur. Voir plus généralement W. TETLEY, op. cd.. note 19, p. 4 13. 434 Sur cettc dernière hypothèse CA Rouen . 12 juill. 1957, (1958) D.M.F. 27 notamment, Voir également H. M. KINDRED, lm. cir., note 181, 609 pour qui cette irresponsabilité du transporteur alors que l'incendie est dû à unc cause indCterminEe n'entame nullement la substance même du système de la responsabilitd présumée qui. faut-il le rappeler, est notamment de retenir la responsabilité du transporteur quand bien même la cause du dornmagc resterait inconnue. 435 .4meric& Tobacco Co. c. S.S. Katingo Ho+ipatercz, 8 1 F. Supp. 438,446, 1949 AMC 19. 58 (S.D. N.Y. 1948).
~ h e Diamond. [1906] P . 282, (1906) 10 Asp. M.L.C. 286. "' 11 est plus connu en France sous l'appellation de <<fortune de mer)) et y reçoit une interprétation plus large que celle dc la force majeure puisqu'ii s'entend de «tout événement anormaIement pénible». Voir CA Aix-en- Provence, 9 mai 1973, (1973) D.M.F. 654. "' Arakan. 1 i F.2d 79 1,79 1 1926 AMC 19 1, 192 (N.D. Cal. 1926).
against»"9. Dès lors, le transporteur qui souhaite s'en prévaloir avec succès doit établir que
l'événement alléguéw comme la cause du dommage était imprévisible4?' et d'une certaine
intensitéu'. Plus précisément, il lui revient de prouver &at the weather encountered (. ..)
was of such a nature that the danger of damage to the cargo arising from it could not have 443 been foreseen or guarded against as one of the probable incidents of the voyage* .
Ces exigences n'empêchent cependant pas que le péril de mer soit Fréquemment
plaidé par Ie transporteur au même titre que les cas exceptés tenant à la cargaison.
). Catégorie 2 : Les cas exceptés tenant a la cargaison
Ils sont quatre. Ce sont les actes ou omissions du chargeur, la freinte en volume ou en
poids et autres vices inhérents à la marchandise, l'insuffisance d'emballage et l'insuffisance
ou l'imperfection de marquesw. Nous les passerons tous en revue.
Les actes ou omissions du chargeur et l'insuffisance ou l'imperfection des
marques
En vertu de l'article 4 (2) (i) de la Convention de Bruelles d'abord, le transporteur
n'est pas responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise si ces pertes ou
dommages sont dus à des actes ou omissions du chargeur. de son agent ou représentant ou
439 W . TETLEY, op. cil-. note 19. p. 432. Voir également Yves POUPARD, note sous arrêt de la CA de Paris du 12 janvier 1983. (1984) 36 D.M.F. 424 pour qui le péril de mer. fortune de mer en France, est «tout événement anormalement pénible (...) qui résulte d'un concours de circonstances dans lesquelles entrent en cause la forcc du vent (. . .), l'état de la mer et la hauteur des vagues».
Les évtherncnts invoqués sont généralement des phénomènes naturels tels qu'un gros temps. une tempête. une tornade, une houle, un ouragan ou tout simplement des mauvaises conditions météorologiques. Aux Etats- Unis par cxcmplc, voir Chiswick Producrs. Lrd c. S.S. Srolt Avance, 257 F. Supp. 91, 95 ; 1966 AMC 307, 313 (S.D. Tex. 1966) où il a été conséquemment jugé que ces conditions doivent être «of such force to ovcrcome the strength of a well-iound ship and the usual precautions of good seamanshipw. " Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Spear & Thorpe c. Bofivier (1931). 40 LI. L. Rep. 13. 19. Au Canada, Consolidaring Mining & Smelring Co. c. Srrairs Towing Lrd, [1972] F.C. 804. Les tribunaux français semblent moins exigeants sur la nature imprévisible et même insurmontable de l'événement du moment où aucune faute du transporteur ou de ses préposés n'est démontrée. Voir CA Aix-en-Provence, 11 juin 1974, ( 1 975) D. M. F. 720. JJZ Par exemple, compte-tenu des circonstances g&ographiques, climatiques et saisonnières notamment pour Ic vent, force 9 et plus ; pour les vagues, hauteur de 14 métres et plus, pour un ouragan, environ 64 nœuds. 4.1' Goodfe(low Lumber Sales Lrd c. Verremir, Il9711 R.C.S. 522.535 ; [197 11 1 Lloyd's Rep. 185. 191. 4 - u Rcspcctivemen~ paragraphes i, m. n, O de l'art. 4 (2) de la Cornenrion de Bnaelles.
tout simplement du propriétaire de la marchandise"'. En son paragraphe (O), l'article 4 (2)
offre un bon exemple d'un acte ou d'une omission du transporteur446 sous la forme d'un
autre cas excepté constitué par l'insuffisance ou l'imperfection des marques. Mais, le
transporteur qui se prévaut de ce dernier cas doit, dans un premier temps, démontrer que les
marques étaient inadéquates avant d'établir, dans un second temps, que l'insuffisance ou
l'imperfection conséquente est la cause du dommagea7.
La freinte en volume ou e n poids
Ensuite, le transporteur n'est pas non plus responsable des dommages causés par «la
freinte en volume ou en poids ou de toute autre perte résultant de vice caché, nature
spéciale ou vice propre de la m a r c h a n d i ~ e , ~ ~ ~ . En d'autres termes, outre les vices propres à
la marchandiseug, le transporteur ne répond pas de la freinte définie comme la perte du
volume d'une marchandise par tassement ou la perte de son poids par d e s s i c ~ a t i o n ~ ~ ~ . il
faut toutefois remarquer que le niveau de tolérance de la freinte varie selon la nature du
produit transporté et les usages du p~n4S'.
Qui plus est, lorsque le transporteur invoque les vices propres à la marchandise, il
revient exceptionnellement au demandeur d'établir que les marchandises remises au
transporteur étaient en bon état4", avant que celui-ci n'offre à son tour de prouver que le
dommage est dû à un vice caché ou à un vice propre. Pour ce faire, l'ayant droit à la
marchandise et le transporteur peuvent recourir au contenu du connaissement pour voir s'il
comporte ou non des réserves. Mais, l'absence de réserves n'empêche pas le transporteur
"* Voir W. TETLEY. op. cd.. note 19. pp. 451 et 471 pour qui le propriétaire des marchandises inclut de facto Ic dcstinatairc des marchandises, le vendeur desdites marchandises ou même leur manufacturier. U6 W. TETLEY, op. cil.. note 19. p. 452-
Ib. U 8 Art. 4 ( 2 ) ( m ) dc la Convention de Bnaeffes. U 9 II est inthxsant de constater ici qu'à la différence du professeur Rodièrc (voir R RODIÈRE. op. cil., note 1, no 763, p. 405) et de la jurisprudence pertinente (aux Etats-Unis par exemple Vana Trading Co. c . S.S. Merte Skou, 556 F.2d 100. 104 ; 1977 AMC 702, 706 (2 Cir. 1977)). le professeur Tetley insiste sur la distinction cntre les vices cachés et les vices propres à Ia marchandises (voir W. TETLEY, op. cit-, note 19,
-479480). '' R. RODLÈRE, op. cir.. noie 1. no 640, p. 280. 4" R. RODIÈRE. op. cii.. note 1. na 763, p. 406. '" Snlman Tobacco Co. c. S.S. Morrnacwind, 37 1 F.2d 537,539 ; 1967 AMC 277,279-280 (2 Cir. 1967).
de démontrer que les dommages ne sont dus qu'à un vice propre de la marchandise, peu
importe que le connaissement ait été ou non transmis à un tiers de bonne foi453.
= Les insuffisances d'embaiiage
Aux termes du paragraphe (n) de l'article 4 (2) de la Couvention de Bruxelles, le
transporteur maritime se libère également de toute responsabilité lorsqu'il prouve que le
dommage résulte d'une insuffisance d'emballage. À cet égard, l'emballage standard n'est
autre que l'emballage d'usage4% compte-tenu de la nature même de la marchandise455. En
clair, le transporteur doit établi?" que les marchandises n'étaient pas emballées comme à
l'accoutumée étant entendu qu'il bénéficie déjà d'une certaine afreinte de casse^'^'.
Concrètement, l'insuffisance d'emballage se manifestera tantôt par son
inadaptation'58, tantôt par sa d é f e c n i o ~ i t é ~ ~ ~ , mais rarement par son absence totale46o. En
conséquence, te transporteur ne peut, en principe, se prévaloir d'une insuffisance
453 En France, Cass. Com., 16 fév-r. 1988, no 86-14.630. Bull. civ. IV, p. 51, BT 1988. 211. 4 -54 Cass. corn., 15 mars 1983, no 79- 14.3 18. no 27 1, Lamyline. '" W. TETLEY, op. cir.. note 19. p. 491. '" Voir A. CG P. Tea Co. c. Lloyd Brasiieiro, 1963 AMC 443. 444 (N.Y. City Ct. 1962) qui prkise qu'en présence d'un connaissement net. il revient au transporteur d'établir l'insuffisance d'emballage alors que la charge de la preuve est transférée au demandeur dans le cas contraire. Voir à cet égard Hunt Fooak c. Matson Armigarion Co., 249 F. Supp. 572. 1966 AMC 50 (E.D.). 457 Voir CA Aix-en-Provence, 23 févr. 1960, (1960) D.M F. 406, 407 qui statue que a. ..toute marchandise, plus ou moins fragile, doit être présumée chargée avec une réserve tacite de freince de cassc, dont le pourcentage est d'autant plus faible que l'emballage est plus soigné...». Dès lors, la freinte de cassc suppose simplement la tolérance de certains dommages physiques causés aux marchandises. 458 C.A. Paris, 13 déc. 1976. (1977) B.T. 143 pour un emballage sous papier goudronné de fauteuils transport& de France sur le Cameroun. '19 II e n est ainsi si le conieneur fourni par le chargeur est en mauvais état, voir Cas- corn.. 27 OC[- 1998. no 96-15.654, (1998) B.T.L. 803, si le conteneur choisi par le chargeur était cn réalité inadapté à la marchandises empot6es, voir Cass. corn., 1" déc. 1992, no 90-19.61 VA, (1992) B.T.L. 806 '60 Lorsque les marchandises sont transportées sans emballage comme c'est habituellement le cas des automobiles. l'insuffisance d'emballage n'est plus de mise car l'usage est de procéder ainsi (Sourhern Cross, 1930 AMC 59, 65-66 (S.D. N.Y. 1939)) et le transporteur bénéficiaire, en principe, d'une exonération pour Ics petites bosses et égratignures (traduction de aninor dents ou scratches»), doit s'en accommoder en formulant cependant une réserve au connaissement indiquant qu'il a reçu ce type de marchandise sans emballage (voir à cet égard W. TETLEY. op. cit.. note 19, pp. 497 ct 505). En l'absence d'une telle rkserve, ta responsabilité du transporteur pourra être engagée pour des dommages qui ne relèvent pas d'égratignures ou d e bosses mineures. Au Canada cependant. mêmes ces dommages dits mineurs ne sont nullement tolérés comme en témoigne la décision rendue dans l'affaire Nissan Automobile Co. c . The Continental Shipper (The Conrinenral Shipper), [ 19741 1 F.C. 76 : [ 19741 1 Lloyd's Rep- 482-
d'emballage apparente lorsqu'il s'en était pourtant accommodé dès le départ ; surtout s'il a
émis un connaissement net auquel s'est fié le demandeur?
Qui plus est, l'insuffisance d'emballage est aussi une cause d'exonération du
transporteur lorsque les marchandises transportées ont été c~empotées» dans des conteneurs.
Seulement, il convient de distinguer selon que l'arrimage du conteneur a été effectué ou
non par le chargeur.
Lorsque le transporteur a reçu les marchandises dans un conteneur scellé par le
chargeur, il ne peut vraisembtablement vérifier si l'emballage est adéquat ou non. En
conséquence, il est absous s'il prouve que les dommages découlent de I'insuffisance
d'emballage soit au niveau du conteneur, soit au niveau de chacun des articles empotés
dans ledit conteneur462. En revanche, le transporteur engage pleinement sa responsabilité
s'il a lui-même chargé les marchandises dans le conteneur463. On suppose alors que le
transporteur a comrnis une faute dors que dans d'autres circonstances, certains de ses
agissements l'exonèrent quand même.
). Catégorie 3 : Les cas exceptés tenant au navire
Cette dernière catégorie réunit quatre cas exceptés. Il s'agit de l'innavigabilité du
navire, de la faute nautique, des actes d'assistance et de sauvetage, des vices cachés
échappant à la diligence raisonnable? Nous les étudierons successivement.
L'innavigabilité et les vices cachés du navire
Relativement au cas excepté d'innavigalibité de l'article 4 (1) dont la substance se
confond souvent46s avec celle des vices cachés du navire échappant à la diligence
461 Silver c. Ocean S.S. Co.. (1929), 35 L1. L. Rep. 49 qui applique ainsi la théorie de I'estoppel de la cornmon law.
Hapag-Lloyd c. Great South, 1986 AMC 1390 (S.D. Alab. 1985). '" En France notamment, Cass. corn. 13 juin 1995, no 93-14.861 Z Lamyline. Voir également W. TETLEY, O . ci!., note 19, p. 499. 4 6 Respectivement. art. 4 (1) et paragraphes a, 1 et p de l'art. 4 (2) de la Convention de B ~ e k s . 46s B. KERGUELEN-NEYROLLES (du.), op. cit.. note 223. p. 332. Aussi allons-nous Ctudier simulian6ment ces dcux cas exceptés.
raisonnable de l'article 4 (2) (p), sa mise en brade est subordonnée à la preuve de sa «due
diligence» de mettre le navire en bon état de navigabilité au début du voyageJ66. La célèbre
affaire Muncasfer ~ a s t l e ~ ~ ' a apporté une précision à cet égard en arrêtant que l'obligation
de «due diligence» allait bien au-delà de la simple désignation d'experts suffisamment
compétents pour examiner le navire. Autrement dit, le transporteur doit établir qu'il s'est
componé en «bon père de famille», en «armateur consciencieux», souïigne Kerguelen-
~ e ~ r o l l e s " ~ ~ .
Néanmoins, l'appréciation du cas d'innavigabilité. comme celle des vices cachés
échappant à «une diligence raisonnable» d'ailleurs, tient compte de deux principales
considérations : la complexité d'un navire moderne d'une part ; et d'autre part, son examen
a t t e ~ ~ t i p ~ ~ , soigné et continuq0 comme l'attestent par exemple les certificats du bureau 9 471 Veritas ou du Lloyd s . L'irresponsabilité à laquelle donne lieu la reconnaissance du
caractère innavigable du navire devient absolue en cas de faute nautique.
La faute nautique
Lorsque le dommage causé aux marchandises ou les concernant est dû à des «actes,
négligence ou défaut du capitaine, marin, pilote ou des préposés du transporteur dans la
navigation ou dans l'administration du il y a faute Il convient de la
distinguer de la faute commerciale474. La faute nautique. définie comme «an erroneous act
266 Art. 3 ( 1 ) des Règles de La Haye, des Règles de Lu Haye- Visby, modifiées ou non par le Protocole de 1979 qui vise aussi bien le navire que ses équipements et son équipage alors que les vices cachés de l'article 4 (2) (p) ne tiennent qu'au seul navire quoiqu'ils puissent Strc découverts à n'importe quel moment de Ia vie du navire. Voir W. TETLEY, op. cit.. notc 19. p. 508. J67 Riversrone Meat Co. Pty. Ltd c. Lancashire Shîpping Co. (The bfuncaster Carle) f 196 1 ] A.C. 807, E 196 1 1 1 Lioyd's Rcp. 57, 196 1 AMC 1357 (H.L.).
468 B . KERGUELEN-NEYROLLES (dir.), op. cit., note 223, p. 332. 469 CA dc Roucn. 8 novembre 1952, (1953) DMF. 84, 85. 470 B . KERGUELEN-iNEYROLLES (dir.), op. cit., note 223, p. 333. 47 1 C'esi l'un des enseignements de la décision rendue dans l'affaire The Falls Cip, (1933). 44 LI- L. Rep. 17, 18 qui définit Ic vice caché comme «a defect which could not be discovcred by a person of comptent ski11 and using ordinary caren. "' Art. 4 ( 2 ) (a) de la Convention de Bnaelles. 473 Concept utilisé pour signifier à la fois la faute dans la navigation (in the navigation of the ship) et la faute dans l'administration du navire (in the management of the ship). 474 Bicn que cette distinction ne soit pas toujours évidente en cas de collision débouchant sur des dommages au navire et aux marchandises. Voir Leva1 & Co. Inc. c. Colonial Steamships, Ltd, [1961] 1 L1. R. 560 (S.C.C.).
or omission, the original purpose of which was primarily directed towards the ship, her
safety and well-being and towards the cornmon venture generally»'75, libère le transporteur
tandis que la faute dite commerciale, commise plutôt dans l'administration de d a cargaison
ou [des] appareils et installations du navire établis pour la conservation de la cargaison»476,
engage sa responsabilitém.
Cependant, la faute nautique ne vaut que si I'acte ou la faute est effectivement
imputable à toute autre personne visée par l'article 4 (2) (al4? Cette personne ne doit pas
avoir agi sous les ordres du Il faut alors comprendre qu'à l'origine, la faute
nautique se justifie par le manque de contrôle du transporteur sur les actes de l'équipage
engagé dans l'aventure maritime en raison notamment de la distance qui les sépare. Or,
compte-tenu des facilités de communication de l'heure, il est difficile de nier qu'en dépit
des distances, le transporteur maintient un certain contrôle sur les actes de l'équipage, ceux
d u capitaine en particulier. Dès lors, il y a lieu de douter aujourd'hui de la justesse de la
faute nautique en tant que cas excepté. Vraisemblablement, elle paraît obsolète.
Les actes d'assistance ou de sauvetage
Quant aux actes d'assistance ou de sauvetage, déroutement commandé par la
nécessité de sauver des vies humaines ou des marchandises, de tout déroutement
rais~nnable'~~, leur effet est tout aussi net: le transporteur qui en fait la preuve obtient son
475 W . TETLEY, op. cil.. note 19. p. 398 citant Kalamazoo Paper Co. c . C.P.R. (The Noorka), [1950] R.C.S. 356. [ 19501 2 D.L.R. 369. 1951 AMC. Ainsi définie. la faute nautique ne devrait pas couvrir les dommages résultant d'une incompétence. Pour une affirmation de cette thèse, voir plus généralement Roger WHITE, <<The Hurnan Factor in Unseaworthiness Claimsm, (1995) L.M.C.L.Q. 221 et suiv. Au contraire, la faute nautique est réelle en tant qu'elle est constituée d'une erreur survenue lors du ballastage visant à assurer I'lquiIibrc ct la sécurité du navire au cours du voyage. Voir à cet égard notamment aux Etats-Unis Orient Ins. Co. c . Utzired S.S. Co.. 196 1 AMC 1228 (S.D. N.Y. 196 1 ) ; en France CA Paris, 25 janv. 1977, (1 977) D.M.F. 284. ."' R- RODIÈRE. op. cir., note 1 , no 621, p. 264. 477 En France, Cass. corn. 12 avril 1976, p. 282. Voir également W. TETLEY, op. c d , note 19, p. 398. 478 Relativement à la faute du capitaine. hsurance Co. of America c. S.S. Fiying Trader, 306 F. Supp. 22 1 , 225, 1970 AMC 432, 337 (S.D. N.Y. 1969) ; quant à la faute du pilote, voir Cornplaint ofGrace Line Inc., 1973 AhlC 1253 (S.D. N.Y. 1973) ; pour celle d'un préposé, Leval & Co. Inc. c. Colonial S.S. Lfd., [I960] Ex. C.R. 172. 479 Au Canada. C - N R c. E &S. Barbow Lrd., [1963] R.C.S. 323. 4 a0 En Grande-Bretagne, Stag Line Ltd. c. Focsolo, Mango and Co., [1932] A C . 328 W.L.).
ex~néra t ion~~ ' . Celle-ci ne pouvant déboucher sur sa libération définitive que si le
demandeur ne parvient pas à mettre en échec le cas excepté allégué.
2. La mise en échec du pouvoir Libératoire
Que le chargeur, destinataire ou toute autre personne pouvant intenter une action
contre le transporteur ait la possibilité de neutraliser un cas excepté est typique du
contentieux de la responsabilité du transporteur maritime des marchandises dans la 482 , Cornenrior1 de Bruxelles. Rappelons brièvement l'ordre de la charge de la preuve .
primo, il revient au demandeur de rapporter la preuve du dommage subi par la marchandise.
Secundo. lorsque l'occasion s'y prête, le transporteur établit tour à tour sa due diligence et la
cause du dommage. Tertio, il démontre que ledit dommage est dû au cas libératoire dont il
se prévaut. C'est alors que le demandeur peut offrir de mettre en échec l'exonération du
transporteur en se fondant notamment sur l'un ou l'autre des paragraphes 1 et 2 de l'article
3 de la Convention de ~ruxelfes"~.
Grosso modo, le demandeur peut concrètement faire rejeter la libération de
responsabilité du transporteur soit par la preuve de l'absence de «due diligence» ou de la
faute du transporteur, soit par la preuve que l'événement invoqué comme cas excepté n'en
est pas un.
D'une part, sauf preuve de la faute nautique par le transporteurJ84, le demandeur
pourra établir que le dommage subi par la marchandise est dû à une faute du transporteur
dans l'exécution des obligations à lui imparties par l'article 3 (1) de la Convention de
Brztxelles. La faute que rapporte le demandeur tient alors, en principe, à un manquement du
transporteur d'exercer sa «due diligence». Si la preuve d'une telle faute paralyse
normalement l'exonération du transporteur et débouche sur la reconnaissance de sa pleine
"' Art. 4 (4) de la Convention de Bruxelles. 482 Voir plus généraiement à cet égard W. TETLEY, op. cd., note 19, pp. 133-147. a83 En France, Cass. 23 juill. 195 1,533 ; aux Etats-Unis d'Amérique. Fred W. Sargent, 32 F. Supp. 520,532 ; 1940 AMC 670,678 (E.D. Mich. 1940). au II faut en effet se souvenir que longue le dommage est dû I une faute nautique. le transporteur est exonéré quel que soit le degré de gravité de la faute qui en est la source tant qu'il ne s'agit pas de sa faute personnelle.
responsabilité, il n'en est plus ainsi en France où de nouveaux développements viennent de
voir le jour.
En effet, sous l'impulsion du professeur ~ é r i a u x ~ ~ ~ , la jurisprudence française
semble aujourd'hui affirmer que la preuve de la faute du transporteur paralyse certes le cas
excepté prouvé, mais qu'elle n'entraîne pas pour autant sa pleine responsabilité
automatique. Aussi, suivant la nature du cas excepté prouvé par le transporteur, celui-ci
sera totalement ou partiellement condamné à la réparation du dommage subi par les
marchandises. Lorsque le transporteur a pu établir un <<cas libératoire tenant à la
cargaison,>, bien que le demandeur ait prouvé sa faute, on ne retiendra que partiellement sa
responsabilitéJ86. Par contre, si le cas excepté établi par le transporteur releve des autres
catégories, la preuve de sa faute entraîne sa pleine
D'autre part, la mise en échec du cas libératoire peut être le fait de Ia contre-preuve
de la réalité de I'événement qui le constitue. Cela se manifeste plus singulièrement lorsque
le transporteur a allégué le péril de mer488, le déroutement raisonnable489 ou l'incendie.
Dans le cas précis de l'incendie, on sait qu'il ne peut valablement être invoqué
comme cas exonératoire s'il est dû au fait ou à la faute du transporteur4g0. En cette
'" AAin SERIAUX. La faute du T m p o r f e w , 2' fd.. 1997 cité par Pierre BONASSIES, -Le droit positif franqais en 1998~. (1998), Hors série no 3. D.M.F. 8.75. 4 6 Cass. corn. 5 mars 1996, (1996) D M F. 507 ; Bull. civ. IV. no 78 et Cas. corn., 2 janvier 1998 : Bull. civ. IV, no 37 (navire Redsea Elbe). "' Sentence 97 1, (1998) D.M.F. 706 et Cas. 7 juillet 1998. affaire navire Atlantic Island, (1998) D.M.F. 826. "' Pour parvenir A ses fins, le demandeur pourra notamment se servir des données météorologiques et ne manquera pas de comparer la conduite adoptée par le transporteur A celles des transporteurs ayant &galement v6cu l'aventure alléguée comme cas excepté. Voir notamment The Lady Gwendolen. [1965] 2 Al1 E.R. 283. [ 19651 1 Lloyd's Rcp. 335.
Le demandeur pourra aIors pareillement se fonder sur l'article 4 (4) des Règles de la Cornenrion de Briccelles en prouvant que le déroutement qu'a effectué le transporteur est d6raisonnable. Voir par exemple en Grande-Bretagne Sfag Line Ltd c. Foscolo, Mango & Co., (19321 A C 328, 340,41 LI. L. Rep. 165, 170 et Nemerh c . General S.S. Corp. Lrd , 694, F.2d 609, 612-613, 1983 AMC 885, 889-891 (9 Cir. 1982) aux Etats- Unis. '* Art. 4 (2) (b) de la Convenrion de Bnaella.
circonstance, il appartient, en principe, au demandeur49' qui souhaite éviter la libération du
transporteur d'établir que le fait ou la faute personnelle49' du transporteur est à l'origine de
I'incendie ou qu'une telle faute découle de la négligence du transporteur dans la maîtrise de
l'incendie'lg3. Étant donné que celui-ci est très souvent une personne morale. il a été admis
que a . . . the fault or privity is the fault or pnvity of somebody who is not merely a servant
or agent for whom the compagny is Iiable because his action is the very action of the
compagny i t se l f~>~ '~ même si plus tard, on a moins toléré que la faute d'un simple employé
n'engage pas le transporteur495. C'est dire que l'incendie est singulièrement encadré.
D'ailleurs. en dépit de nombreux bouleversements qu'elles orchestrent. les Règles de
Hambozcrg ne vont pas procéder autrement à cet égard.
II. Les circonstances libératoires prévues par les Règles de Hambourg
C'est au niveau de la faculté du transporteur maritime à s'exonérer de sa
responsabilité que les Règles de Hambourg ont rédisé l'une de leurs innovations les plus
significatives. En témoigne, Ia réduction du nombre de cas exceptés (1) et la nouvelle
modalité de renversement du pouvoir libératoire du transporteur (2)-
1. La réduction du nombre de cas exceptés
En principe, la responsabilité du transporteur telie que conçue par les Règles de
Hambourg est établie à chaque fois que sont réunies les conditions de l'article 5 (1).
Cependant, sur la base du même article 5 (1) in fine, ledit transporteur peut, en principe, se
- -- --
49 1 Au Canada, Drew Brown Ltd c. 7he Orient Trader (The Orient Trader), ( 1972) 1 Lloyd's Rep. 35, 50. Aux Etats-Unis, Wesringhouse c. Leslie Lykes, 734 F.2d 199, 206-207 même si dans ce cas Ic demandeur s'Cvcflucrri aussi à montrer comment est né I'incendie. En France, Cass.. 27 mai 1964. (1964) D.M.F. 666 ; voir aussi R. RODIÈRE, op. ciz., note 1 , no 736. no 758, p. 400 qui ajoute péremptoirement que «en cas d'incendie dont Ia cause demeure inconnue, le transporteur est iibérém. En Grande-Bretagne pourtant, on peut présumer que malgré le mouvement législatif de 1979 sur la question, c'est le uansporîeur qui continuera à démontrer qu'il n'a commis aucune faute lors dc la naissance de I'incendie. Voir à cet égard W. TETLEY, op. cd-, note 19, p. 416. 292 Il ne s'agit donc ni de la faute d'un employé du transporteur, ni de celle de son mandataire. 493 .-i fortiori si dès Ic début, I'incendie a eu pour conséquence de priver le transporteur des équipements devant servir à l'éteindre. Voir 3 cet égard Asbestos Corp. c. Cyprien Fabre (The Marquette), 480 F.2d 669, 672, 1973 AMC 1683, 1686 (2 Cir. 1973). JW Lennard's carrying Co. c. Asiatic Petroleum Co., El9151 A.C. 705,713-714 ; [1914-151 AI1 E.R. Rep. 280, 283 (HL.). 495 The Lady Gwendolen, [1965] 2 Al1 E.R. 283. [I965] 1 Lloyd's Rep. 335.
soustraire de toute responsabilité en prouvant que lui, ses employés et ses mandataires ont
pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement4% être exigées pour éviter
l'événement et ses conséquences4g7.
Ce faisant, les Règles de Hambourg ont gravement écorné l'une des institutions de la
Cornenfion de Bruxelles. En effet, de prime abord, on peut y constater la disparition de la
litanie des dix-huit cas exceptés de la Convention de BrzaeZles. Mais, on peut égaiement y
voir quelques lueurs exonératoires en cinq occasions que constituent l'incendie,
l'assistance, le transport des animaux vivants, la responsabilité concurrente d'un tiers et le
défaut d'information du transporteur sur la nature dangereuse des marchandises
S'agissant d'abord de t'incendie, il est présenté par l'article 5 (4) des Règles de
Harnbozrrg comme l'événement face auquel le transporteur jouit exceptionnellement d'une
présomption d'irresponsabilité499. En l'occurrence en effet, sauf preuve de sa faute ou de sa
négligence, la seule réalité de l'incendie suffit à absoudre le transporteur.
Quant à l'assistance ensuite, l'article 5 (6) pose la règle selon laquelle le transporteur
n'est pas responsable si le dommage résulte des mesures qu'il a prises pour sauver des vies
humaines ou des mesures raisonnables qu'il a prises pour sauver des biens en mer. Ainsi, il
496 Les mesures raisonnables ne seront pas d'une appréciation facile. Voir à cet égard A. J. WALDRON. [oc. cit., note 36, 309 qui y pressent d'ailleurs une grande sourcc de différends maritimes. Néanmoins. il semble que lesdites mesures raisonnables puissent être appréciées par rapport B celles qu'aurait prises un «bon uansponeur de famille» car en France notamment, le juge du 23 septembre 1993 ne s'était41 pas référé aux mesures raisonnables qu'aurait adoptées un «bon armateur de famille» en de pareilles circonstances ? Voir A. VIALARD, /oc. cit., note 358,709. '" La preuve de cette diligence raisonnable du transporteur est cependant inopérante A l'égard des pertes. dommages et retard subis par la marchandise et qui résuhent uniquement du transport en pontée Iorsque, au sens de l'article 9 (3) des Règles de Hambourg. il a irrégulièrement transporté sur le pont du navire les marchandises endommagées. À cette occasion, sa seule planche de salut réside dans l'article 6 dont il peut se prkvaloir pour limiter sa responsabilité. 498 Certes l'attribution expresse d'une partie du transport successif à un autre transporteur libère en principe le transporteur des dommages survenus dans la partie du transport qu'il n'a pas accomplie (art. 11). mais il nous semble que cette question sera d'emblée tranchée lors de la détermination de l'étendue de I'cngagement contracuel dudit transporteur plutôt qu'au moment de la mise en cruvre de sa responsabilité. " 99 corollaire de ce régime particulier B l'incendie est qu'il échappe aussi bien au système de la responsabilité présumée qu'au système de la présomption de faute et se rapproche davantage du système de la faute prouvée. Voir Chapitre 2 in principio du Titre 1 du présent mémoire.
semble qu'à la différence du transporteur qui entreprend de sauver des biens, celui dont
l'action vise à sauver des hommes bénéficie d'une présomption d'irresponsabilité
irréfragable même s'il recourt à des moyens déraisonnables car il faut croire que 4 a
noblesse de l'intention effacera l'ineptie des moyens (. . . ) mSW.
Puis, relativement au dommage, à la perte ou au retard dû aux risques
inhérents au transport d'animaux vivants, comme en matière d'incendie, le vansporteur
semble jouir d'une simple présomption d'irresponsabilité lonqu'il s'est conformé aux
instructions concernant les animaux uansportésso2. Ainsi, lorsque dans les circonstances de
fait, le vansporteur établit qu'il a suivi les instructions concernant les animaux qui lui ont
été confiés par le chargeuio3 et que la perte, le dommage ou le retard peut être imputé aux
risques particuliers inhérents au transport de ces animaux, cette perte. ce dommage ou ce
retard n'engage pas sa responsabilité.
Pour ce qui est de la responsabilité concurrente d'un tiers, le transporteur fautif n'en
répond pas s'il prouve. d'une part, la proportion de la faute imputable au tiers dans la
réalisation du dommage, de la perte ou du retard ; et d'autre part, la proportion du montant
de la perte, du dommage ou du retard attribuable audit tierssw. Mais, il semble que la
preuve de la première condition sera plus difficile à établir que celle de la secondeso5. Il faut
cependant reconnaître que cette mesure de l'article 5 (7) sera d'une utilité certaine pour le
transporteur impliqué dans une collision maritime qui, on s'en doute, engage désormais sa
responsabilité.
Enfin. en ce qui concerne le défaut d'information du transporteur sur la nature
dangereuse des marchandises transportées, l'article 13 (2) (b) des Règles de Hambourg lui
MO R. RODIÈRE, foc. cit., note 26,458. 5 0 1 Voir C. LÜDDEKE et A. JOHNSON, op. cil.. note 94, p. 14 qui estiment que ces risques particuliers seront appréciés suivant Ic type d'animaux transportés d'unc part et les risques d'ordre général liés au transport maritime des animaux vivants d'autre part. 'O2 An. 5 (5) des Règles de Hambourg. 503 René RODIÈRE, loc. cit., noie 26,460 qui fait ainsi remarquer que, de prime abord, le vansporteur aura la charge d'établir qu'il s'est plié auxdites instructions.
C'est la codification de la nVallescura Rule* établie sous l'empire de la Convention de BmxeIIes. SM Voir C. LÜDDEKE et A. JOHNSON. op. cir., note 94. p. 15.
donne le droit de se départir en mer de telles marchandises lorsque le chargeur ne l'avait
pas informésM de leur caractère dangereux et que même autrement, il n'en a pas eu
connaissance avant leur embarquement. En de telles circonstances, le transporteur paraît
bénéficier d'une présomption d'irresponsabilité irréfragable cependant qu'une telle
présomption disparaît Iorsqu'il avait eu connaissance de la dangerosité des marchandises
transportées et qu'il a du s'en débarrasser par la suites0'.
En bout de ligne, la disparition de la liste des cas exceptés dans les Règles de
Hambourg ne signifie pas pour autant qu'ils y soient inexistants. Manifestement, il s'agit
davantage d'une réduction formelle du nombre de cas exceptés que de la privation du
transporteur de toute opportunité d'exonération.
Mais, selon le professeur Tetley, au-delà de cette réduction formelle, il faut croire que
conformément à l'article 5 (1) des Règles de Hambotirg, à l'exception de la faute
nau tiqueso8, les cas exceptés de la Convention de Bnaelles continueront d'exonérer le
transporteur dans la mesure où celui-ci apporte la preuve de sa diligence raisonnable, de
celle de ses employés et de ses mandatairesso9. Laquelle diligence raisonnable, nous
semble-t-il, doit avoir, d'une part, précédé l'événement pour le prévenir ; et d'autre part,
accompagné ledit événement en vue d'en parer le dommage, la perte et le retard
subséquents comme paraît l'exiger l'article 5 (1).
Quoi qu'il en soit, en réduisant ainsi le nombre de cas exceptés, formellement du
moins, on espère que le transporteur redoublera de vigilance afin d'acheminer les
marchandises à bon port dans l'état où il les a reçues du chargeur, et qu'en conséquence, les
occasions de contentieux s'amenuiseront. Sous le voile d'un encouragement, l'objectif
serait alors d'amener le transporteur à prendre les mesures qu'exige la nécessité d'éviter un
dommage, une perte ou un retard car, comme l'a souligné Sturley, «ft]he new regime
-- -
'0.5 Cette information se fait au moyen des marques et étiquettes apposées sur lesdites marchandises (art 13 ( 1 )) et des instructions pertinentes à suivre par le transporteur (art. 13 (2)). 'O7 Ari. 13 (5) des Règles de Hambourg. 508 La disparition de la faute nautique comme cas excepté dans les Règles de Hambourg. saIuée presque unanimement, corrobore ainsi la critique de son obsolescence dans la Convention de Bruxelles. 509 W . TETLEY, foc cil., note 37.7.
simply gives the carrier a direct incentive to be carefulu ''O. Au demeurant, le transporteur a
tout intérêt à changer son fusil d'épaule en optant pour la prévention puisque l'étroit
pouvoir libératoire à lui reconnu peut céder assez rapidement.
2. Le renversement du pouvoir libératoire
Sous l'empire des Règles de Hambourg, lorsque le transporteur a pu démontrer sa
diligence raisonnable, celle de ses employés et celle de ses mandataires comme le lui
impose l'article 5 (l) , sa libération n'est pas pour autant acquise. En effet, l'ayant droit à la
marchandise a la possibilité d'empêcher l'exonération sollicitée en démontrant que le
dommage, la perte ou le retard résulte de l'un des cas de figure ci-après :
- Le transporteur, ses préposés ou mandataires ont commis une faute ou une
négligence ayant causé l'incendie5" (art. 5 (4) (a) (i)).
- Le transporteur, ses préposés ou mandataires ont commis une faute ou une
négligence relativement à l'adoption des mesures pouvant raisonnablement5" être
exigées pour éteindre I'incendie, d'une part; et en éviter ou en minimiser les
dommages sur ta marchandise, d'autre part (art. 5 (4) (a) (ii)).
5 ' 0 M. F. STURLEY, M Changing Liability Rules and Maritime Insurance : Conflicting Empirical Arguments About Hague, Visby. and Hamburg in a Vacuum of Empirical Evidence w , (1993) 24 J. Mar. L. & Corn. 1 19, 123-135. D'ailleurs, poursuit-il, l'aménagement d'un tout petit nombre de cas d'exonération du transponeur par Ics RGgles de Hambourg est de nature à satisfaire les intérêts des principales parties au contrat de transport maritime. En effet. explique-t-il. plus la réduction des cas exceptds garantit au chargeur les bons soins du transponeur dans la garde des marchandises, moins le chargeur payera pour l'assurance de celles-ci. De son côté. puisque le transponeur aura par ses bons soins enregistré moins de sinistres, le coût de l'assurance auprès des P&I Clubs diminuera conséquemment. Ainsi, uttirnement, chacun réalise des économies, même le consommateur car le prix de vente de la marchandise sur le marché courant s'en trouvera affecté. " ' II ne s'agit donc pas pour le demandeur de démontrer que le transporteur a manqué de prendre des mesurcs raisonnables pour combattre l'incendie. Voir à cet égard C. LÜDDEKE et A. JOHNSON. op. cit., note 94, p. 13. Aussi, dans ce cas comme dans ceux qui suivent, la preuve de la faute ou de la négligence du transponeur comme cause dc I'incendie ne sera guère aiséc puisque, n'ayant pas pris part au voyage maritime, le demandeur est. en fait, appelé à prouver des faits qui échappent à son contrôle. Nkanrnoins, relativement à I'incendie, la preuve de la faute ou de la négligence du transporteur pourra être facilitde par l'enquête que suggtrc l'article 5 (4) (b). 5 ' 2 Voir R. RODIÈRE. [oc. c k , note 26, 458 qui attire l'attention sur la formulation différente des paragraphes (i) et (ii) de l'article 5 (4) (a). Il fait opportunément remarquer que l'exigence de la preuve d'une faute concernant les mesures raisonnables en vue de l'extinction de I'incendie n'implique pas pour autant que, s'agissant dc la survenance de I'incendie, le demandeur doive prouver la faute des mesures déraisonnables.
- À l'occasion du vaaspon des animaux vivants, le transporteur, ses préposés ou
mandataires ont commis une faute ou une négligence en manquant notamment de se
conformer aux instructions relatives au transport desdits animaux (art. 5 (5)).
- En vue de sauver des biens en mer, le transporteur a adopté des mesures
déraisonnables comme permet de le croire une lecture a contrario de l'article 5 (6).
Ainsi, lorsque le demandeur parvient à établir la faute ou la négligence du
transporteur ou celle de ses préposés et mandataires dans les trois premières hypothèses et
le caractère déraisonnable des mesures adoptées dans l'ultime cas de figure, il semble que
le transporteur ne pourra se soustraire à sa responsabilité. Mieux, le transporteur ayant
succombé aux agissements sus- relevés manque ipso facto de se conformer à l'article 5 des
Règies de Hambourg. Or, ne peut bénéficier du plafond de responsabilité de i'article 6 que
le transporteur qui s'est conformé audit article 5. Pourtant, la responsabilité du transporteur
n'est limitée conformément à l'article 6 des Règles de Hambourg que si le préjudice
résultant des pertes, dommages ou retard est survenu dans les conditions définies par ledit
article 5.
Par conséquent, le transporteur ayant succombé à l'une des hypothèses ci-dessus
énumérées perd cumulativement l'opportunité de se libérer de sa responsabilité et le droit
d'en limiter l'ampleur au plafond fixé par l'article 6 des Règles de ~ a r n b o u r ~ ~ ' ~ .
Tout compte fait, cette dernière conséquence est à l'heure actuelle le niveau de
responsabilité le plus élevé auquel peut être condamné un transporteur maritime sur la base
d'un texte international. Nous avons en effet vu que de prime abord, chacun des régimes
applicables plafonnent légalement la responsabilité du transporteur maritime, à défaut de
l'exonkrer complètement en certaines circonstances, même si ces privilèges peuvent être
paralysés par l'ayant droit à la marchandise dans des conditions encore fluctuantes.
5 ' 3 A. J. WALDRON, /oc. cit., notc 36, 3 15.
CONCLUSION
En défini tive, au niveau in ternationai, la responsabilité du transporteur de
marchandises par mer est loin d'être soumise à un corps de règles uniformes. Elle est
encadrée par trois principaux textes : les Règles de La Haye, les Règles de L a Haye-Visby et
les RègZes de Hambourg. Ainsi, le fondement et l'étendue de la responsabilité du
transporteur maritime varient selon qu'on appliquera l'un ou l'autre des trois régimes en lice.
En conséquence. le montant de la réparation à laquelle sera condamné le transporteur
dépend étroitement du régime juridique appliqué. Sous l'empire des Règles de L a Haye et
des Règies de L a Haye- Visby modifiées ou non, cette situation est pleinement exploitée par
le transporteur qui se livre assez librement au forum shopping.
Face à ce constat, l'uniformisation du régime de la responsabilité du transporteur
maritime est devenue un souhait, un vœu, pour ne pas dire un impératif diversement partagé
aussi bien par les que dans le milieu Pourtant le moins que l'on
puisse dire est qu'elle est de plus en plus ignorée par nombre de législateurs nationaux5?
C'est ce qui a fait dire à Vialard que <<Sisyphe paraît avoir abandonné la partie »'".
Assurément, un régime international unique de la responsabilité du transporteur
maritime de marchandises est pourtant d'une importance capitale. Non seulement il
permettra aux opérateurs du transport maritime de prendre des décisions conséquentes dans
la gestion de leurs affaires, mais plus largement. il participera à l'optimisation des
514 Riversrone Mear Co. Py- Ltd. c . Lancashire Shbping Co. (The Muncusrer Carie) [1961] A.C. 807, p. 836 ; [ 196 1 ] 1 Lloyd's Rep. 57. p. 67 ; 196 1 AMC 1357. p. 1362 (H.L.) et The Asrurias 40 F. Supp.168, p. 1 69 ; 194 1 AMC 76 1. p. 762 (S.D. N.Y. 1 94 1 ) ; Vimar Seguros y Reaguros. S. A- c. W V Sky Reefer pr&citée, note 58. 5 ! 5 William TETLEY. nWhat They Say About US Senate COGSA ' 9 8 ~ . ( 1 999) 34 Dr. eurup. tramp. 159. 162 ; A. VLALARD, [oc. cir., note 10, 213 ; M. F. STUUEY, foc. cit., note 50, 559. jl' Il s'agit notamment des Iégislations des pays nordiques, de la Chine et bientôt peut-être celle des etas-unis d'Amérique.
A. VIALARD, [oc. cir., note 10, 220.
opérations du commerce international. Ainsi par exemple, un chargeur pourrait prendre les
mesures qu'il estime adéquates sur la qualité et le niveau de l'emballage des marchandises à
transporter et sur le type d'assurance à souscrire parce qu'il saura d'avance, avec certitude,
le montant de la réparation auquel il aura droit en cas de dommage auxdites marchandises.
De même. chaque partie à une opération de u;inspon, sachant à l'avance les termes du droit
applicable et donc les limites de responsabilité applicables, pourra prévoir la solution d 'un
litige et donc participer plus activement à la recherche d'une solution extra-judiciaire.
Si «tout commence par la c o n s c i e n ~ e ~ ~ ' ~ e t que «[l]e simple <<souci>> est à l'origine
de tout^^'^, il y a lieu d'espérer que. contre vents et marées, l'unification du régime
international de la responsabilité du transporteur maritime de marchandises se fera dans un
proche avenir. D'ailleurs, ce ne sont pas les propositions qui manquent.
Rodière suggère rien de moins que de rédiger à nouveau les articles 4 à 11, c'est-à-
dire le m u r de la responsabilité du transporteur maritime sous le régime de ~ a m b o u r ~ ~ ~ ~ .
Pour sa part, le professeur Tetley estime que la communauté maritime internationale
«should either adopt Harnburg, wiib perhaps rninor changes. or in alternative, (which is
more iikeiy to succeed), [it] should slightly amend the Hague-Visby Rules by adding
uactual~ and iicontracting carnier», abolish the defense of «errer in navigation and
management of the ship, and add the Harnburg provisions on arbitration and junsdicùon
c~auses»'".
Pour notre part, nous estimons qu'un droit n'est dit bon que lorsqu'il répond aux
aspirations des sujets auxquels il est destiné tout en se gardant de trahir l'impératif de
rigueur juridique et sunout de pragmatisme. Cette vérité nous invite à jeter, derechef. un
regard furtif sur ce qu'est l'industrie maritime aujourd'hui pour mieux en cerner les
ambitions et les défis juridiques.
CAMUS. cil-, note 9, 29.
''O R. RODIÈRE, foc. cit., note 26, 464. W. TETLEY, /oc. cil., note 5 15. 162
Nous pensons qu'aucun régime international ne peut adéquatement servir l'industrie
du transport maritime sans prendre en compte, d'une part, les progrès phénoménaux
générés par l'informatisation des relations contractuelles et la banalisation de la
conteneurisation des marchandises ; et d'autre part, les multiples intérêts apparemment
contradictoires des transporteurs maritimes et des chargeurs ou destinataires, propriétaires
de marchandises.
Les progrès techniques et technologiques ont retiré au transporteur maritime la
pleine capacité de préserver l'intégrité des marchandises transportées par conteneurs
puisqu'il doit désormais compter, et cela très souvent, avec l'intervention de partenaires
routiers. ferroviaires qui précèdent ou suivent son entrée en scène5". Difficile donc de lui
faire endosser la responsabilité du transport des marchandises conteneurisées des entrepôts
du chargeur à ceux du destinataire. Difficile aussi de déterminer si les dommages causés
aux marchandises sont survenus lors du transport maritime et donc de faire porter le
chapeau au transporteur maritime.
Or, force est de constater que les Règles de L a Haye, les Règles de L a H q e - V i s b y et
les Règles de La Haye-Visby modifiées par le Protocole de 1979 semblent faire fi de cette
réalité. Les Règles de Hambourg contiennent des solutions pertinentes5'3 qu'il faut
maintenant arrimer au régime international du transporteur multirnodals'" ou à tout autre
texte devant réguler la responsabilité du transporteur multimodal.
S'agissant des intérêts des différents intervenants, il va de soi que le régime adéquat
sera celui qui aura pu les concilier. VraisemblabIement, un tel régime devra concrétiser une
entente de toutes les parties sur le poids des obligations imparties à chacune d'elles.
L'importance des intérêts en cause s'agissant notamment de l'agrandissement ou de la
' 2 ~ Voir W. TFiLEY. foc. cir.. note 16. 1 0 0 qui en conclut que ales Règles de La HayeNisby sont maintenant démodées~. ''3 Voir les conclusions du sous-comité du CM1 sur le transpon des marchandises par mer citées par W. TETLEY, foc. cil., note 16. 102. 524 Nous pensons notamment ii l'article I l des Règles de Hambourg qui pourrait prendre en compte i ' c xistc nce de la Convention des Nations Unies sur le tramport multimodal internarional des rnarchatrdises du 23 mai 1980 dont on attend désespérément l'entrée en vigueur. Voir également J. C. SWEENEY, foc. cir., note 37. 323.
diminution des risques assurables au profit ou au détriment du chargeur ou du transporteur
justifie à première vue la cristallisation des positions5">. Aussi sommes-nous enclins à
penser que l'unification du régime de la responsabilité du transporteur maritime de
marchandise est subordonnée à un compromis sur le partage des risques de l'activité
maritime.
Or, il faut reconnaitre que la Convention de Bruxelles dans ses différentes versions
lèse considérablement le propriétaire des marchandises endommagées en conservant la
kyrielle des occasions d'e~onération~'~ du transporteur maritime. Dès lors, s'il est un atout
unanimement mis au crédit des Règles de Hambourg, c'est qu'elles traduisent bien le
compromis réalisé entre les transporteurs et les propriétaires de marchandises5". Il nous
semble que s'ils ont accepté ce compromis, c'est parce qu'ils y ont vu un tremplin de
sauvegarde de leurs intérêts respectifs. On peut en déduire que la Convention de Hanibourg
consacre un certain équilibre entre les divers intérêts en jeu, du moins au moment de sa
signature en 1978.
Jusqu'à un certain point, on peut ainsi dire que les règles édictées par la Convention
de Hambourg ont su allier la rigueur juridique. le pragmatisme et le souci d'équilibre.
C'est peut-être pour cela que Vialard l'a qualifiée de «presque e x c e l ~ e n t e ~ > ~ ~ ~ . En tout cas,
soyons plus modestes pour constater avec Sturley que les Règles de Hambourg sont plus
claires et plus prévisibles que les régimes précédents ayant leur charpente dans la
Cornenrion de Bruxelles de 1924~~'. Ces éloges semblent manifestement insuffisants pour
conférer aux Règles de Hambourg la stature d'unique régime de la responsabilité du
transporteur maritime de marchandises.
A l'occasion, nous avons le sentiment que la pluralité actuelle des régimes d e
responsabilité est délibérément entretenue pour les besoins d'une cause étrangère aux stricts
-
525 Sur le débat cn cours sur le partage des risques assurables, voir M. F. STURLEY, /oc. cit., notc 5 10, 12 1. 526 Le plus célèbre et le plus injustifié de tous les cas exceptés étant sans doute la faute nautique. 5'7 J. C. SWEENEY, !oc. cit., notc 37,323. 528 A. VIALARD, loc. cir., notc 10, 218. 5'9 M. F. STURLEY, [oc. cir., note 37, 121.
intérêts de l'industrie maritime. Il n'y a donc pas que les armateurs, les transporteurs
maritimes qui se sentent a prion menacés dans leurs intérêts par les Règles de Hambourg.
En effet, il semble qu'il faille faire en sorte de ne pas retirer à cenains juristes maritimes
leur gagne-pain quotidienS3o. Dans un article publié par une f m e d'avocats américaine, les
Règles de Hambourg sont vertement perçues comme un <<boondoggle for certain circles of
maritime ~ a w ~ e r s ~ ~ ~ ' . Et d'ailleurs. la COGSA' 98"' illustre parfaitement cette autre
réalités3). Elle qui propose un régime qui se singularise notamment par des dispositions
dont l'application conduirait au règlement sur le sol américain de tous les litiges survenus à
l'occasion de l'exécution d'un contrat de transport maritime signé aux Etats-Unis, à
destination ou en provenance de ce paysS34.
Loin de jeter l'anathème sur qui que ce soit, nous pensons qu'à l'heure de la
mondialisation, l'industrie du transport maritime ne peut se permettre de faire piètre figure
en s'obstinant de ramer à contre courant. Près d'un siècle après l'énoncé du problème. le
moment est venu de mettre à contribution l'énorme expérience juridique engrangée afin de
concilier les divers intérêts et de donner à l'industrie du transport maritime un régime
uniforme de la responsabilité du transporteur maritime de marchandises. La preuve sera
ainsi faite que l'uniformisation dans ce domaine n'était ni une chimère ni une utopie, mais
plutôt un nœud gordien.
530 1. C. SWEENEY. [oc. cir.. note 37, 323. 53 1 Lane, Powell, Moss and Miller, P&I International, M y 1988, p. 4 cite par A. J. WALDRON, loc. cit., note 36.305. "' U.S. Draft "Carriage of Goods by Sea Act of 1999" (Senate COGSA199)., (1999) 34 Dr. europ. rransp. 425. "' Voir W. TJXLEY, .The Proposed New US COGSA (The Important International Consequences)n. (1999) 3 4 Dr. europ. tramp. 4 15 ct suiv. ; également disponible à htt~://www.admiraltvIaw.corn/frames.htm. 53' Ib., 419.
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