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ANNIE MARCHILDON
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ÉMOTIVITÉ = FÉMINITÉ?
REGARD SUR LA CONSTRUCTION D'UNE REPRÉSENTATION SOCIALE
PARTICULIÈRE
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures
de l’Université Laval pour l’obtention
du grade de maître en psychologie (M.Ps.)
École de psychologie FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES
UNIVERSITÉ LAVAL
NOVEMBRE 2002
© Annie Marchildon, 2002
11
Résumé
La présente étude explore certains aspects de la représentation sociale de l’émotivité de
jeunes adultes québécois, notamment l’évocation de sa dimension féminine et de la connotation
négative que cette représentation engendre. Les propos de 264 étudiants de niveau collégial de la
région de Québec sont recueillis par un questionnaire s’enquérant de leur définition de
l’émotivité, de leurs perceptions des réactions typiquement masculines ou féminines à certaines
situations suscitant des émotions, et de leur avis sur les réactions qu’ils jugent appropriées à ces
mêmes situations. L'analyse des résultats montre que leur définition de l’émotivité, et plus
particulièrement de l’émotivité féminine, se caractérise par la présence des éléments suivants:
intensité des émotions et/ou des réactions, irrationalité, perte de contrôle, larmes. L'interprétation
des résultats, qui s’appuie sur le cadre théorique des représentations sociales, permet de discuter
de l’insertion de ces conceptions dans le discours social actuel.
Ill
Avant-propos
Je tiens à remercier Marguerite Lavallée pour la supervision de ce mémoire, et Andrée
Pedneault pour la relecture des nombreuses versions de ce travail.
À Andrée et Pierre. Merci beaucoup, pour tout.
IV
Table des matières
Page
ii
iii
iv
vi
vii
viii
Résumé,.......................................
Avant-propos............................. .
Table des matières.....................
Liste des tableaux et graphique,
Liste des annexes.......................
Introduction générale.................
ARTICLE: ÉMOTIVITÉ = FÉMINITÉ? REGARD SUR LA CONSTRUCTION D'UNE
REPRÉSENTATION SOCIALE PARTICULIÈRE
Résumé............................................................................................... 3
L’émotivité.......................................................................................................................... 4
Les représentations sociales,............................. 5
La définition de l’émotivité................................................................................. 7
L’émotivité: au cœur d’une dynamique de valorisation-dévalorisation..................... 8
Objectifs et questions de recherche,................................................................................. 9
Méthode...................................................................................................................... 10
Participants...................... 10
Matériel................................................................................................................................ 10
Choix des émotions.................................................................................................. 11
Questionnaire (formes féminine et masculine)................................................ 12
Formulation des questions....................................................................................... 12
Mesures... ........... ............................. .... . ........... 13
V
Page
Procédure.................................................................. 14
Étude pilote.............................................................. 15
Rétroaction sur les résultats de l’étude proprement dite..................................... Γ5
Méthode d’analyse des résultats.............. 15
Résultats............................................................................................................................................ 18
Définition de 1 ’ émotivité.................................................................................................... 18
L ’ émotivité féminine.............. 18
L’émotivité masculine............................................................... 20
La représentation de l’émotivité..................................................... 21
Connotation de gerne à l’image de l’émotivité.................................................................. 21
L’émotivité: caractéristique immuable de la féminité?....................................... 21
Correspondance entre la définition de l’émotivité et le stéréotype féminin.... 22
La valorisation de l’émotivité,................................................................... 24
Discussion......................................................................................................................................... 26
Références bibliographiques........................................................................................................ 30
Conclusion générale........................... 36
Tableaux...................................................... 42
Graphique.......................................................................................................................................... 50
Annexes.......................................................................................................................................... 52
Liste des tableaux et graphique
Tableaux Page
1. Nombre et sexe des participants en fonction du questionnaire complété...................... 43
2. Analyse de la représentation des réactions typiques et appropriées des hommes et des
femmes: exemples de six catégories et de leur contenu..................................................44
3. Analyse de la représentation de l’émotivité: exemples de quatre
catégories et de leur contenu...............................................................................................45
4. Catégories indivisibles faisant l’objet d'une codification spécifique:
exemples de verbatims....................................................................................................... 46
5. Répartition des verbatims liés à la définition de l’émotivité, en fonction du niveau
d’intensité.......... ............................................................ 47
6. Exemples de jugements négatifs et positifs à l’égard de l’émotivité.............................48
7. Exemples de réponses illustrant les pôles des réactions jugées appropriées pour les
hommes et pour les femmes ( expression des émotions - contrôle de soi )................. 49
Graphique
1. Fréquence de réponses associées aux stéréotypes féminin et masculin,
pour les quatre principaux éléments de définition de l'émotivité................................... 51
Vil
Page 52
Liste des annexes
Questionnaire féminin fermé
Questionnaire féminin ouvert
Questionnaire masculin fenné
Questionnaire masculin ouvert
Annexes...
Annexe A.
Annexe B.
Annexe C.
Annexe D.
VIH
Introduction générale
« Sentir, armer, souffrir, se dévouer, sera toujours le texte de la vie des femmes. »
Honoré de Balzac, Eugénie Grandet
« Les femmes sont émotives et les émotions prennent le dessus régulièrement. Elles se sentent
souvent envahies par une émotion et ne peuvent la contrôler. »
Daphnée, 21 ans1
Les femmes sont plus émotives que les hommes
Il existe, dans la société occidentale, une conviction bien ancrée selon laquelle les
femmes sont plus émotives que les hommes. Cette croyance est si généralisée que nombre de
recherches montrent que le terme « emotional » (émotif) est systématiquement classé comme
féminin ou plus typique des femmes, tant par les hommes que par les femmes (Antill, 1987, cité
dans Brody & Hall, 1993; Ruble, 1983, cité dans Robinson & Johnson, 1997). En outre, les
femmes elles-mêmes se décrivent spontanément comme plus émotives que les hommes (Diener,
Sandvik & Larsen, 1985; Fabes & Martin, 1991; Fujita, Diener & Sandvik, 1991; Grossman &
Wood, 1993; Hess & al. 2000). L’image typique de la femme dans la société occidentale est celle
d’une personne expressive, attentive à ses propres émotions et à celles des autres, et plus portée
qu’un homme à utiliser un vocabulaire émotif (pour une revue de la littérature, voir Alexander &
Wood, 2000). La femme est également décrite comme plus prompte à « l’excitation émotive » et
plus facilement blessée qu’un homme (Fischer, 1993).
À l’inverse, l’image typique de l’homme dans la société occidentale est celle d’un
individu qui n’exprime pas d’émotions (Brody & Hall, 1993; Fischer, 1993), sauf lorsqu’il est en
1 Tiré des réponses d’une participante: le prénom est fictif, mais l’âge et le sexe sont factuels.
IX
colère, état qu’il manifeste par des comportements d’agressivité physique (pour une revue de la
littérature, voir Jansz, 2000). Conséquemment, le terme « unemotional » (sans émotions) est jugé
comme étant plus typique des hommes (Williams & Bennett, 1975, cité dans Robinson &
Johnson, 1997).
Les explications offertes pour rendre compte de l’origine de cette dissimilitude sont
nombreuses. Les travaux menés dans une perspective biologique proposent maintes hypothèses
qui ont en commun d’offrir une vision plutôt déterministe des différences entre les sexes; à
l’opposé, ceux réalisés dans une perspective sociale envisagent ces divergences comme des
construits culturels.
Le but poursuivi ici n’est pas de présenter des résultats pouvant éclairer ce débat, ni de
prendre position pour l’une ou l’autre perspective. La démarche adoptée consiste plutôt à
examiner de plus près la conception populaire de l’émotivité. Cependant, comme cette
conception se trouve nécessairement influencée par le discours scientifique et que c’est à ce
discours que s’amarre la très grande majorité des études du domaine des émotions, il importe de
connaître les fondements et positions scientifiques de ces deux grands courants. Ils sont
brièvement présentés ici.
X
Les théories biologiques
« Les femmes sont plus émotives que les hommes. Les hormones?... »
Éric, 19 ans2
La psychologie et les théories biologiques du comportement humain vivent actuellement
une véritable lune de miel. Comme le remarque Roberts (2000), loin de s’éloigner d’une vision
déterministe, ces théories se développent actuellement de plus en plus autour de recherches sur
les animaux, en accordant un rôle primordial aux hormones dans la production des différences
sexuelles comportementales.
En conformité avec ce point de vue, la distinction établie entre l’expression émotive des
hommes et des femmes ne peut que découler de leur dissemblance biologique.
L’évolution et la sélection naturelle.
Les théories évolutionnistes dérivant des travaux de Darwin (1872 [1981]) ont amené les
chercheurs du XXe siècle à concevoir les émotions comme des phénomènes réflexes issus de la
phylogenèse. De ce point de vue, les manifestations expressives différentes des hommes et des
femmes s’expliqueraient par leur adaptation distincte aux contingences de !’environnement,
adaptation qui se serait inscrite au cours de la phylogenèse dans le bagage génétique des
individus, selon le sexe.
C’est ainsi que la grande sensibilité des femmes aux émotions des autres découlerait
d’une disposition innée, provenant de leur capacité fondamentale à détecter la détresse chez leurs
petits. De la même manière, le plus grand contrôle qu’exercent les hommes sur leurs émotions
2 Tiré des réponses d’un participant: le prénom est fictif, mais l’âge et le sexe sont factuels.
pourrait provenir de comportements adaptatifs à des situations antérieures où ce contrôle était
nécessaire, telle la suppression de la peur lors de la chasse (Guerrero & Reiter, 1998).
Les hormones.
Plus récemment, certains chercheurs ont mis l’accent sur l’importance des hormones dans
!’explication des différences sexuelles (pour une revue de la littérature, voir Brody, 2001). Les
processus d’évolution et de sélection auraient contribué au développement d’un héritage
génétique et hormonal différent en fonction du sexe. Ce serait donc par une différenciation des
fonctions endocrines que s’expliqueraient les différences sexuelles de comportements, telle
l’expression des émotions. Ces mêmes chercheurs remarquent que, lors de conflits conjugaux où
les conjoints s’engagent dans des comportements négatifs (c.-à-d. lorsqu’ils se critiquent ou se
font des reproches), les femmes, contrairement à leurs partenaires masculins, présentent une
augmentation du taux de certaines hormones (voir Alexander & Wood, 2000). En accord avec les
fondements théoriques proposés, ces variations des taux hormonaux expliqueraient les réactions
émotives différentes des hommes et des femmes lors de ce type de conflits.
Critiques du modèle biologique, présentation du modèle social et position féministe
« (...) Les femmes peuvent se permettre d'être plus émotives que les hommes. C'est ce que nous
avons appris et c’est ancré en nous. »
Amélie, 17 ans3
Les théories biologiques reposent fondamentalement sur la conviction scientifique et
populaire qu’à l’origine de l’histoire humaine, les tâches des hommes et des femmes étaient déjà
bien différenciées: les hommes allaient chasser pour nourrir leur famille alors que les femmes
xii
restaient au campement avec les enfants (Nielsen, 1990). Cette prémisse, qui s’appuie sur
certaines données historiques, pourrait être inexacte. Certains auteurs (voir Nielsen, 1990)
pensent, au contraire, que dans les premiers groupes humains, les hommes et les femmes étaient
plus égaux qu’ils ne le sont actuellement dans nombre de sociétés.
Un des apports majeurs des théories psychosociales a été de remettre en question toute
interprétation déterministe des différences entre hommes et femmes: selon les chercheurs de ce
courant, les différences comportementales entre les sexes, y compris l’expression des émotions,
sont des construits culturels résultant des processus de socialisation et d’enculturation (Fischer,
1993; LaFrance & Banaji, 1992; Shields, 1987). Pour Lorenzi-Cioldi (1994), les théories
biologiques justifient, en invoquant des dispositions naturelles, les positions sociales des deux
groupes sexuels et conduisent ainsi à la spécialisation des rôles sexuels. De la même façon, la
démarcation des comportements en général, et plus particulièrement des réactions émotives, en
fonction du sexe biologique conforte et ancre l’idée qu’à chacun des sexes correspondent des
morphismes, des caractères et des comportements appropriés, auxquels les individus doivent se
soumettre (Hurtig & Pichevin, 1986); ce marquage par la différenciation entraîne inévitablement
que l’on choisisse un sexe comme plus émotif que l’autre (Shields, 1987).
En bref, comme l’observe Reynaud (1981, cité dans Préjean, 1994, p. 39) « vouloir
donner à la différence des sexes des fondements biologiques est avant tout une prise de position
politique ».
Selon la théorie des rôles sociaux (Eagly, 1987), à laquelle adhèrent les féministes,
hommes et femmes peuvent, sous la pression sociale, adopter des comportements normatifs sans
pour autant acquérir des dispositions pour ces comportements. Ceci s’expliquerait par les
3 Tiré des réponses d’une participante: le prénom est fictif, mais l’âge et le sexe sont factuels.
Xlll
positions asymétriques des deux groupes sexuels dans la structure sociale et par les relations de
pouvoir qui les caractérisent. Selon ce courant, le maintien des structures et pratiques sociales où
un sexe a l’avantage sur l’autre préserve les différences et les inégalités et perpétue les
différences comportementales entre les hommes et les femmes (Shields, 2000).
La perspective psychosociale, de même que l’approche féministe, ont permis d’envisager
les différences sexuelles dans l’expression des émotions comme des conduites principalement
générées par les rôles assignés socialement aux hommes et aux femmes. Dans ce contexte, on
aurait pu s’attendre à ce que le travail féministe, qui vise à détruire le moule des rôles sociaux
différenciés par le sexe, ait tenté de déconstruire le stéréotype de la femme émotive. Or, il
semble que cette question ait été esquivée ou du moins, pour diverses raisons4, abordée plutôt
comme épiphénomène, à travers des études sur la dépression et l’anxiété, le cycle menstruel et le
SPM (syndrome prémenstruel). Comme le remarque Shields (1987, p. 230): « Despite science’s
long history of identifying emotion with femaleness (Shields, 1980), feminist psychologists have
dealt with emotion only tangentially5.»
Fait surprenant, plusieurs féministes ont défendu et même revendiqué l’émotivité comme
la caractéristique qui distingue fondamentalement les hommes et les femmes (Fischer 1993;
1995). Cependant, comme l’explique cette auteure, elles n’ont, pour ce faire, retenu qu’une
infime partie de la définition de l’émotivité, confondant en fait ce concept avec celui de
4 Shields (1987, p. 230-232) propose certaines hypothèses pouvant expliquer cette omission volontaire: elle note d’abord le malaise qui entoure la valeur à donner aux émotions, tant chez les féministes que dans la culture occidentale en général. Elle ajoute que « One reason that feminist psychologists have avoided emotion research is the obvious inadequacy of our own questions.» (...) «Feminist psychology has not yet develop an adequate theoretical framework for addressing the fundamental problems of emotion. » (L’une des raisons qui explique le fait que les psychologues féministes aient évité la question des émotions dans leurs recherches est possiblement le caractère inadéquat de nos propres questions. » (...) « La psychologie féministe n’a pas encore développé le cadre théorique nécessaire aux questionnements fondamentaux reliés aux émotions. »)[Traduction libre]
5« Malgré !’identification, dans l’histoire des sciences, des émotions à la féminité, les féministes ont abordé les émotions uniquement de façon tangentielle (...) ». [Traduction libre]
« relationality »6 (Fischer, 1993). Caractérisant l’émotivité de féminine, elles ont voulu la
détacher de sa synonymie à un manque d’intelligence, et c’est sous cet angle qu’elles l’ont
surtout défendue quand elles ont vu qu’on en faisait un attribut contre les femmes,
particulièrement dans le monde du travail (Fischer, 1993).
Que Ton pourrait traduire par « pôle relationnel », reconnu comme étant typique des femmes.6
XV
Vous dites « émotivité »?
rr* ״י—rr*־r:■״“
Comme le souligne Shields (1984), le public, tout comme les scientifiques, présume qu’il
y a consensus dans la définition de l’émotivité. Pourtant, ce concept est ambigu; ses frontières
sont floues. Même la définition qu’en donne le dictionnaire n’est pas exempte de paradoxes.
8 Extrait cité dans Préjean, 1994, p. 104.
xvi
L’émotivité est la « Capacité de réagir par des émotions. — Caractère d’une personne
émotive ». À l’adjectif « émotif », on trouve: « 1. Relatif à l’émotion. 2. Prédisposé à ressentir
fortement les émotions. » (Robert, 1990)
Au fait, qu’est-ce que l’émotivité? Est-ce simplement une capacité à avoir des émotions?,
à les ressentir fortement!, à les exprimer ouvertement? Réfère-t-on à l’expérience (ressentir des
émotions) ou à l’expression émotionnelle (réagir par des émotions)? Ce concept est-il appliqué
uniformément aux hommes et aux femmes, par les hommes et par les femmes ? Autant de
questions auxquelles il s’agit de répondre.
Pourrait-on envisager, comme le suggère l’extrait présenté plus haut, que les expressions
« être sensible » ou « être émotif », « réagir de façon émotive », suggèrent aussi que la personne
est trop expressive, que sa réaction est trop forte par rapport à la situation? En d’autres termes,
l’émotivité est-elle synonyme d’hyper-émotivité? Qualifier une personne d’émotive revient-il à
porter un jugement, à considérer le comportement de cette personne comme inadéquat (exagéré,
non contrôlé) par rapport à la situation?
L’émotivité: au cœur d’une dynamique de valorisation-dévalorisation
À notre connaissance, il n’existe que deux études s’attardant de façon empirique à la
théorie naïve de l’émotivité. Celle de Shields (1987) d’abord, qui explore !’association entre la
féminité et l’émotivité et dont les résultats vont dans le sens d’une synonymie entre émotivité et
hyper-émotivité. Celle de Parrott (1995) ensuite, qui, plus récemment, a interrogé des
participants sur leurs souvenirs d’un moment où ils ont été émotifs. L’analyse des réponses lui
permet de dégager les caractéristiques suivantes: (a) les émotions sont intenses, (b) les émotions
sont négatives (affect négatif), (c) il y a perte de contrôle, (d) la personne devient irrationnelle,
χνπ
(e) la personne pleure. Cependant, et cela étonne, l’auteur de cette étude néglige de mentionner à
quel point l’émotivité est codée selon le genre; il n’établit aucun lien entre cette représentation et
la féminité, et ne s’attarde d’aucune façon sur les enjeux sociaux que cache cette réalité.
La supposition d’une dynamique de valorisation-dévalorisation sous-tendant les relations
entre les hommes et les femmes s’avère pourtant une hypothèse plausible. Shields (1987),
Fischer (1993) et Parrott (1995) constatent que la notion d’émotivité est porteuse de connotations
négatives, l’aspect négatif étant défini par l’affect habituellement déplaisant associé à certaines
émotions (peur, colère, tristesse, jalousie, etc.). Ainsi, il est plus probable que l’on qualifie une
personne d’émotive si elle pleure que si elle rit (Labott & al., 1991). Par ailleurs, certaines
caractéristiques mentionnées par Parrott (1995), les larmes notamment (Vingerhoets & Scheirs,
2000), sont associées de façon stéréotypée aux femmes. De plus, selon Fischer (1993), toute
émotion, même négative, n’est pas forcément associée à l’émotivité: seules celles qui sont liées à
un manque de pouvoir (powerless) contribueraient à définir une personne émotive. La tristesse,
émotion « powerless », souvent intropunitive (Brody & Hall, 1993), engendrerait des réactions
qualifiées d’émotives, alors que la colère, émotion négative mais «powerfull », dirigée vers une
cause extérieure, souvent vers une autre personne (Brody & Hall, 1993) ne recueillerait pas ce
qualificatif. En outre, toujours selon cette auteure, l’émotivité est souvent confondue avec
l’impulsivité, l’instabilité et !’irrationalité, en plus de désigner tant la fréquence, l’intensité,
l’expression ou le partage social des émotions (voir également Fabes & Martin, 1991).
Reconnaissant l’existence d’un lien entre l’émotivité et la féminité et soupçonnant une
connotation négative liée à la représentation de l’émotivité, il devient dès lors intéressant de
s’interroger pour savoir si cette construction ne sert pas un autre enjeu, celui de la relation de
pouvoir entre les sexes.
xviii
Aperçu de l’étude
La présente étude, qui s’insère dans le cadre théorique des représentations sociales, vise à
explorer certains aspects de la représentation sociale de l’émotivité, à dégager les signifiants qui
sont disponibles pour en parler et à examiner son organisation, notamment l’évocation de sa
dimension féminine, accompagnée d’une connotation négative. La possibilité de considérer ces
deux derniers aspects comme principes organisateurs de la représentation sera considérée. Par
une méthodologie exploratoire, elle vise à servir de prélude à un examen plus approfondi de la
représentation sociale de l’émotivité, où seraient systématiquement étudiés les principes
organisateurs, les différences individuelles, les ancrages et les enjeux sociétaux entourant
l’émotivité.
ARTICLE
ÉMOTIVITÉ = FÉMINITÉ?
REGARD SUR LA CONSTRUCTION D'UNE REPRÉSENTATION
SOCIALE PARTICULIÈRE
3
Résumé
La présente étude explore certains aspects de la représentation sociale de l’émotivité de
jeunes adultes québécois, notamment l’évocation de sa dimension féminine et de la connotation
négative que cette représentation engendre Les propos de 264 étudiants de niveau collégial de la
région de Québec sont recueillis par un questionnaire s’enquérant de leur définition de
l’émotivité, de leurs perceptions des réactions typiquement masculmes ou féminines à certaines
situations suscitant des émotions, et de leur avis sur les réactions qu’ils jugent appropriées à ces
mêmes situations L'analyse des résultats montre que leur définition de l’émotivité, et plus
particulièrement de l’émotivité féminine, se caractérise par la présence des éléments suivants
intensité des émotions et/ou des réactions, irrationalité, perte de contrôle, larmes L'interprétation
des résultats, qui s’appuie sur le cadre théorique des représentations sociales, permet de discuter
de l’insertion de ces conceptions dans le discours social actuel
4
Émotivité = féminité? Regard sur la construction d’une représentation
sociale particulière
L’émotivité
« Les femmes sont plus émotives que les hommes »· la prégnance de cette conviction
chez les gens donne un indice de la position nodale qu’occupe l’émotivité dans la conception
populaire de la nature des femmes ou, plus exactement, des différences entre les hommes et les
femmes. En témoignent certaines recherches qui montrent que le terme « emotional » (émotif)
est systématiquement classé comme féminin ou plus typique des femmes, tant par les hommes
que par les femmes (Antill, 1987, cité dans Brody & Hall, 1993, Ruble, 1983, cité dans Robinson
& Johnson, 1997) En outre, les femmes elles-mêmes se décrivent spontanément comme plus
émotives que les hommes (Diener, Sandvik & Larsen, 1985, Fabes & Martin 1991; Fujita,
Diener & Sandvik, 1991, Grossman & Wood, 1993, Hess & al, 2000) Rien d’étonnant alors à
ce que la majorité des gens, lorsqu’on leur demande d’imaginer une personne émotive, pensent à
une femme (80 % des répondants de Shields, 1987)
Quant à l’émotivité chez l’homme, elle donne lieu à des résultats tout à fait différents; on
observe une tendance à définir ce dernier en termes négatifs sur cette variable- l’unage typique
de l’homme dans notre société est celle d’un individu qui n’exprime pas d’émotions (Brody &
Hall, 1993) Conséquemment, le terme « unemotional » (sans émotions) est jugé comme étant
plus typique des hommes (Williams & Bennett, 1975, cité dans Robinson & Johnson, 1997)
Les explications offertes pour rendre compte de l’origine de cette dissimilitude sont
nombreuses Les travaux menés dans une perspective biologique proposent maintes hypothèses
5
qui ont en commun d’offrir une vision plutôt déterministe des différences entre les sexes; à
l’opposé, ceux réalisés dans une perspective sociale envisagent ces divergences comme des
construits culturels, les hommes et les femmes agissant, consciemment ou non, de manière
conforme aux normes sociales (pour une revue de la littérature, voir Alexander & Wood, 2000;
Brody, 2001; Guerrero & Reiter, 1998). Le but poursuivi ici ne vise pas à présenter des résultats
pouvant éclairer ce débat, ni à prendre position pour l’une ou l’autre perspective. La démarche
adoptée consiste plutôt à examiner de plus près la conception populaire de l’émotivité. Au-delà
des explications scientifiques (biologiques et sociales), et du désaccord des chercheurs sur les
origines des différences de genre, il importe de connaître la définition que donnent les gens eux-
mêmes de l’émotivité et les représentations qu’ils s’en font. L’étude de ces représentations et de
leurs ancrages dans les diverses insertions sociales des individus par rapport aux enjeux sociaux
qui les sous-tendent peut aider à comprendre le phénomène dans sa globalité.
Les représentations sociales
La représentation sociale est un savoir qui, construit à travers des interactions sociales,
devient partagé par les individus et groupes qui participent à ces interactions. Selon Moscovici
(1961), la représentation individuelle n’existe pas comme telle mais est constituée plutôt de la
somme des représentations des groupes auxquels l’individu appartient. Durkheim, en 1895,
proposait déjà cette idée, en utilisant la notion de représentation collective dans !’explication des
phénomènes sociaux (Moliner, 1996). Pour Durkheim, la société représente une entité distincte
de celle formée par la somme des individus qui la composent.
Les théoriciens des représentations sociales approfondissent cette idée, définissant la
représentation sociale comme un « ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de croyances et
6
d’informations se référant à un objet ou à une situation. Elle est déterminée à la fois par le sujet
lui-même (son histoire, son expérience), par le système social et idéologique dans lequel il est
inséré, et par la nature des liens que le sujet entretient avec ce système social. » (Abric, 1989, p.
36) Ce sont les interactions entre individus et groupes qui forment les représentations sociales;
l’individu les véhicule dans ses propos et subit leur influence dans ses pratiques.
En outre, la représentation sociale est constituée par un ensemble d’éléments ou de
schèmes cognitifs, structurés et hiérarchisés. Selon Abric (1992), les représentations sociales sont
composées d’un système central et d’un système périphérique, ayant des fonctions spécifiques et
bien différenciées. Le système central présente les caractéristiques suivantes: il est déterminé par
l’histoire du groupe, par ses références idéologiques et normatives, et il est ainsi extrêmement
marqué par la mémoire collective (Abric, 1994); il a par ailleurs une fonction consensuelle car il
constitue la base commune collectivement partagée des représentations sociales. Les éléments
périphériques ont pour leur part un rôle essentiellement dynamique. Ils peuvent être définis
comme des schèmes, prescripteurs de comportements (Flament, 1989). Contrairement au
système central, ils sont beaucoup plus flexibles, souples et évolutifs: c’est grâce au système
périphérique que les représentations peuvent s’ancrer dans la réalité du moment.
Selon Moliner (1996) finalement, la représentation sociale porte toujours sur des objets
dont la maîtrise, au plan conceptuel ou au plan pratique, constitue un enjeu pour les groupes
sociaux concernés. Dans le cas des émotions, cette notion d’enjeu semble bien rendre compte de
la dynamique qui s’est instituée entre les hommes et les femmes en ce qui a trait à l’expression
des émotions; elle expliquerait même la présence des distinctions qui se sont établies à leur égard
selon le genre. Cette présence d’un enjeu qui animerait les rapports sociaux de sexe dans la
société rendrait également compte du marquage symbolique de ces rapports.
7
La définition de l’émotivité
Le public, tout comme les scientifiques, y compris les féministes1, présume qu’il y a
consensus dans la définition de l’émotivité. Pourtant, ce concept est ambigu; ses frontières sont
floues. Même la définition qu’en donne le dictionnaire n’est pas exempte de paradoxes.
L’émotivité est la « Capacité de réagir par des émotions. — Caractère d’une personne émotive.
» À l’adjectif « émotif », on trouve: « 1. Relatif à l’émotion. 2. Prédisposé à ressentir fortement
les émotions. » (Robert, 1990)
Au fait, qu’est-ce que l’émotivité? Est-ce simplement une capacité à avoir des émotions
ou plutôt une tendance à les ressentir fortement! Réfère-t-on à l’expérience (ressentir des
émotions) ou à l’expression émotionnelle (réagir par des émotions)? Ce concept est-il appliqué
uniformément aux hommes et aux femmes, par les hommes et par les femmes ? Autant de
questions auxquelles il s’agit de répondre.
À notre connaissance, il n’existe que deux études s’attardant de façon empirique à la
théorie naïve de l’émotivité. Celle de Shields (1987) d’abord, qui explore !’association entre la
féminité et l’émotivité et dont les résultats vont dans le sens d’une synonymie entre émotivité et
hyper-émotivité. Celle de Parrott (1995) ensuite, qui, plus récemment, a interrogé des
participants sur leurs souvenirs d’un moment où ils ont été émotifs. L’analyse des réponses lui a
permis de dégager les aspects suivants: (a) les émotions sont intenses, (b) les émotions sont
1 Selon Fischer (1993) et Shields (1987), les féministes ont esquivé la question de l’émotivité ou l’ont plutôt abordée comme
épiphénomène, à travers des études sur la dépression et l’anxiété, le cycle menstruel et le SPM (syndrome prémenstruel). Plus
encore, plusieurs d’entre elles ont défendu et même revendiqué l’émotivité comme la caractéristique qui distingue
fondamentalement les hommes des femmes (Fischer 1993).
négatives (affect négatif), (c) il y a perte de contrôle, (d) la personne devient irrationnelle, (e) la
personne pleure.
Selon Fischer (1993), toute émotion ne peut être associée à F émotivité. Seules celles qui
sont négatives (voir également Shields, 1987) et liées à un manque de pouvoir («powerless »)
contribueraient à définir une personne émotive. La colère, qui est une émotion associée à la
puissance et au pouvoir (« powerfull »), serait donc exclue de cette définition. En outre, toujours
selon cette auteure, F émotivité est souvent confondue avec !’impulsivité, l’instabilité et
!’irrationalité, en plus de désigner tant la fréquence, l’intensité, l’expression ou le partage social
des émotions (voir également Fabes & Martin, 1991).
Le bilan commun à dégager de ces recherches se résume en quelques points. D’abord,
l’émotivité caractérise exclusivement (ou presque) les émotions négatives, liées à un manque de
pouvoir. Ensuite, être émotif implique l’absence de logique (irrationalité). Finalement, une perte
de contrôle (ou impulsivité) caractérise cet état.
L’émotivité: au cœur d’une dynamique de valorisation-dévalorisation
Il est étonnant que Fauteur de la seule étude menée récemment sur la conception naïve de
l’émotivité (Parrott, 1995) ait négligé, à un moment fort de l’histoire du féminisme, de
mentionner à quel point l’émotivité est codée selon le genre; il n’établit aucun lien entre cette
représentation et la féminité, et ne s’attarde d’aucune façon sur les enjeux sociaux que cache
cette réalité.
La supposition d’une dynamique de valorisation-dévalorisation sous-tendant les relations
entre les hommes et les femmes s’avère pourtant une hypothèse plausible. Certaines
caractéristiques mentionnées par Parrott (1995), les larmes notamment (Vingerhoets & Scheirs,
9
2000), sont associées de façon stéréotypée aux femmes. Reconnaissant l’existence d’un lien entre
l’émotivité et la féminité et soupçonnant une connotation négative liée à la représentation de
l’émotivité, l’hypothèse d’une dynamique de valorisation-dévalorisation, dont l’enjeu principal
est à chercher dans le rapport de pouvoir entre les sexes, s’avère donc plausible.
Objectifs et questions de recherche
La présente étude, qui s’insère dans le cadre théorique des représentations sociales, vise à
explorer certains aspects de la représentation sociale de l’émotivité, à dégager les signifiants qui
sont disponibles pour en parler et à examiner son organisation, notamment l’évocation de sa
dimension féminine, accompagnée d’une connotation négative. La possibilité de considérer ces
deux derniers aspects comme principes organisateurs de la représentation sera considérée. Par
une méthodologie exploratoire, elle vise à servir de prélude à un examen plus approfondi de la
représentation sociale de l’émotivité, où seraient systématiquement étudiés les principes
organisateurs, les différences individuelles, les ancrages et les enjeux sociétaux entourant
l’émotivité. Plus précisément, l’étude vise trois objectifs:
Le premier vise à explorer les représentations que se font les jeunes adultes québécois de
l’émotivité et à vérifier si se retrouvent dans leur définition de l’émotivité les caractéristiques
déjà décrites par certains auteurs (Fischer, 1993; Parrott, 1995; Shields, 1987), à savoir
l’intensité des émotions et des réactions émotives, leur manifestation explicite par les larmes, la
perte de contrôle exprimée sous forme de gestes impulsifs (ou !’impulsivité) ou d’actes et/ou de
propos irrationnels, et le sentiment de ne détenir aucun pouvoir.
10
Le deuxième objectif porte sur la connotation féminine liée à l’émotivité. Concrètement,
il s’agit d’observer s’il existe un lien entre les réactions perçues comme typiquement féminines
et la définition naïve de l’émotivité.
Le troisième vise à faire ressortir les constituantes d’une réaction perçue comme
appropriée3 face à certaines émotions, afin de vérifier, à travers la description demandée, la
présence ou l’absence de l’émotivité, telle que définie par les participants; en d’autres termes, il
s’agit de voir si les éléments normalement invoqués pour définir l’émotivité sont valorisés ou
dévalorisés.
Méthode
Participants
L’échantillon se compose de 264 étudiants de niveau collégial de la région de Québec
ayant participé volontairement à l’étude au cours d'une période s'échelonnant de janvier à mars
2002. L’âge des participants se situe entre 16 et 25 ans; ils sont donc tous nés au moment de la
première vague féministe (c’est-à-dire dans les années 70), ou après. Les données
socio-démographiques suivantes ont été recueillies: sexe, âge, lieu de naissance, domaine
d’étude. Cependant, pour la présente étude, seul le sexe est retenu comme variable indépendante
Matériel
Un questionnaire, largement inspiré de travaux antérieurs (Brody, 2001; Fischer, 1995;
Fischer & Manstead, 2000; Robinson & Johnson, 1997; Shields, 1987; Zammuner, 1998; 2000), * 2
3 Entendons par « appropriée >>, toute réaction répondant adéquatement aux normes en vigueur.2 Négatives, puisque Γaffect qui leur est associé est avant tout déplaisant.
11
est élaboré pour les fins de la présente étude. Il comprend 10 vignettes représentant des situations
pouvant être associées principalement à trois émotions: tristesse, colère et jalousie. Chaque
aspect considéré dans la construction du questionnaire est brièvement décrit et justifié dans les
paragraphes suivants.
Choix des émotions.
Le choix des trois émotions négatives4 susmentionnées peut se justifier de diverses
façons. D’abord, il s’impose par le fait que l’émotivité est, selon certains auteurs, associée
uniquement à un affect négatif (Fischer, 1993; Parrott, 1995; Shields, 1987). Ensuite, les
recherches ont démontré que les émotions négatives sont plus intensément soumises à la
régulation cognitive, ce qui les rend plus vulnérables au contrôle de leur expression (Aune,
Buller & Aune, 1996; Friedman & Riggio, 1981). Sachant que cette variable (contrôle de
l’expression émotive) se trouve au cœur du stéréotype masculin (Brody & Hall, 1993), l'emploi
d’émotions négatives permet d’espérer mieux faire ressortir la réaction typiquement masculine.
Enfin, la tristesse, la colère et la jalousie n’ont pas la même connotation de genre: !’association
saillante de ces émotions est respectivement féminine (tristesse), masculine (colère) ou variable
selon la situation (jalousie) (pour une revue de la littérature, voir Kelly & Hutson-Comeaux,
1999). Il sera donc possible de vérifier si la définition de l’émotivité est liée uniquement aux
émotions plus féminines ou si elle s’applique à toutes les émotions, indépendamment de leur
connotation de genre.
12
Questionnaire (formes féminine et masculine).
Le questionnaire existe sous deux formes, à savoir la forme masculine et la forme
féminine. Le (la) protagoniste principal(e) présenté(e) dans les vignettes est toujours un homme
dans le cas de la forme masculine et une femme dans le cas de la forme féminine. L’ordre de
présentation des 10 vignettes est aléatoire, mais reste le même d’un questionnaire à l’autre. Trois
situations sont associées à chacune des trois émotions cibles, à l’exception de la situation 10 qui
se veut évocatrice des 3 émotions à la fois. Voici un exemple de l’une de ces vignettes sous la
forme masculine, puis féminine:
Questionnaire masculin-Situation 3
Lors d’une soirée, Pierre s’aperçoit que Marie, sa conjointe, semble vivement intéressée par un
de ses collègues. Plus la soirée avance, plus cela devient clair aux yeux de Pierre que Marie
flirte avec ce collègue. Son agacement augmente lorsqu ’il s'aperçoit qu ’un de ses amis observe
le jeu de Marie.
Quand Pierre et Marie se retrouvent seuls, comment Pierre réagit-il?
Questionnaire féminin-Situation 3
Lors d’une soirée, Marie s'aperçoit que Pierre, son conjoint, semble vivement intéressé par une
de ses collègues. Plus la soirée avance, plus cela devient clair aux yeux de Marie que Pierre
flirte avec cette collègue. Son agacement augmente lorsqu ’elle s’aperçoit qu ’une de ses amies
observe le jeu de Pierre.
Quand Marie et Pierre se retrouvent seuls, comment Marie réagit-elle?
Formulation des questions.
Les types de questions retenus ici sont inspirés des travaux de Zammuner (1998; 2000;
Zammuner & Frijda 1994). Dans ses études sur la jalousie, la tristesse et l’envie, l’auteur utilise
deux types de questions, soit des questions ouvertes et des questions fermées. Les questionnaires
13
élaborés pour la présente étude suivent le même format; l’un présente les questions ouvertes,
l’autre les questions fermées. Si on combine les formes féminine et masculine, on aboutit à
quatre versions différentes du questionnaire (annexes A, B, C et D). Le tableau 1 montre la
distribution des étudiants en fonction du questionnaire rempli.
Insérer tableau 1
Bien que la grande majorité des recherches sur les différences sexuelles de l’émotivité
utilise comme outil le rapport d’auto-évaluation (.self-report) (LaFrance & Banaji, 1992), cette
méthode n’est pas retenue ici. Cette décision s’appuie sur les conclusions théoriques de plusieurs
auteurs qui affirment que les stéréotypes constituent un expédient lorsque les sujets ne possèdent
pas suffisamment d’informations sur la réalité à l’étude; ils y réfèrent moins lorsque des
informations particulières et individuelles sont disponibles (pour une revue de la littérature, voir
Bourhis & Leyens, 1994; Robinson & Johnson, 1997). Il est donc raisonnable de penser que pour
obtenir des jugements stéréotypés, il convient mieux de proposer des situations fictives que des
rapports d’auto-évaluation, les gens disposant de beaucoup d’information à propos d’eux-mêmes.
Mesures.
Pour chaque situation et selon la version à laquelle ils sont soumis, les participants
répondent à deux questions. D’abord, ils sont invités à indiquer ce qui, d’après eux, est une
réaction typiquement masculine (ou féminine) à la situation. Ils répondent ensuite à une question
s’enquérant de la réaction qu’ils considéreraient appropriée pour ce type de situation.
14
Dans le cas du questionnaire fermé, les participants choisissent, parmi les énoncés des six
catégories proposées, celui qui répond le mieux à leur perception d’une réaction d’abord typique,
puis appropriée. La liste des énoncés pour chacune des catégories, présentée à la fin du
questionnaire, est la même pour la réaction typique que pour la réaction appropriée.
Dans le cas du questionnaire ouvert, les participants répondent aux deux mêmes questions
mais dans leurs propres mots et non selon des énoncés préétablis.
Dans tous les cas, la présentation des dix vignettes est suivie d’une question ouverte
portant sur l’émotivité et sur sa présence ou son absence chez le (la) protagoniste. Les
participants doivent mentionner si, d’après la description qu’ils viennent de donner, le (la)
protagoniste réagit de façon émotive; ils sont ensuite invités à expliquer leur réponse.
Procédure
Le questionnaire, d’une durée d’environ 45 minutes, est rempli à domicile par les
participants. L’expérimentatrice se présente dans 13 classes de niveau collégial; elle explique
brièvement le but de la recherche, informe les participants de leur libre choix d’y participer et les
assure de l’anonymat et de la confidentialité des données recueillies, leur nom n’apparaissant sur
aucun document et les données n’étant traitées que par 1 ’expérimentatrice. L’ensemble de ces
informations est repris au début de chaque questionnaire. Les questionnaires, insérés dans des
enveloppes, sont ensuite distribués à tous les étudiants; tous les questionnaires sont recueillis par
1 ’expérimentatrice la semaine suivante, qu’ils soient ou non remplis.
15
Étude pilote.
Avant de commencer la recherche proprement dite, le questionnaire est administré à
10 sujets non-participants à l’étude; cinq d’entre eux sont psychologues. Ces personnes sont
ensuite invitées à commenter la procédure du point de vue de la clarté, de la validité apparente et
du contenu. Leurs remarques permettent d’ajouter certains éléments à la liste des énoncés du
questionnaire fermé, de vérifier la pertinence des situations quant à l’évocation de l’émotion
visée et de vérifier aussi le bien-fondé de !’utilisation des deux types de question: ouverte et
fermée.
Rétroaction sur les résultats de l’étude proprement dite.
Suite à l’analyse des résultats, 1 ’expérimentatrice se présente de nouveau dans les classes
visitées afin d’en faire part aux participants. Présentés sous forme d’exposé favorisant des
interactions, les résultats les plus prégnants permettent de valider les interprétations qui leur en
sont données, notamment celles relatives à la définition de l’émotivité.
Méthode d’analyse des résultats
L’analyse parallèle des questions ouvertes et fermées, puis leur combinaison, permet
d’entrevoir les positions des jeunes sur les différences sexuelles et sur l’émotivité.
L’expérimentatrice procède d’abord à une analyse de contenu sur les questions ouvertes;
cette méthode exploratoire et qualitative permet d’avoir un aperçu de l’étendue du champ
représentationnel concernant l’émotivité. Quant aux données récoltées dans les questions
fermées, leur analyse permet d’obtenir, de façon plus systématique et reproductible, des résultats
16
quantitatifs sur le même objet d’étude. L’examen des deux analyses permet de dégager des
points de convergence dans les résultats.
Les questionnaires ouverts sont soumis à une analyse de contenu (L’Écuyer, 1987; 1990).
Contrairement à une certaine tradition en méthode qualitative (Paillé, 1995), l’analyse se fait sur
l’ensemble des données, plutôt que sur une partie représentative de !’échantillon. Les résultats
proviennent donc d’une analyse conceptuelle exhaustive du matériel recueilli. Dans un premier
temps, le discours des participants est codifié selon les sous-thèmes émergeant de leurs propos,
dans le but de dégager des catégories conceptuelles. La première étape de cette démarche
consiste en une lecture approfondie de tout le matériel disponible. Cette lecture permet déjà de
dégager certaines catégories récurrentes, lesquelles servent alors à la construction d’une grille
d’analyse. Cette grille est ensuite utilisée tant pour les questions sur la réaction stéréotypée que
pour celles sur la réaction appropriée. Voici un exemple des catégories dégagées:
Insérer tableau 2
Le même travail est repris pour la question sur l’émotivité. Voici un exemple des
catégories dégagées:
Insérer tableau 3
Dans un second temps, les thèmes et sous-thèmes émergeant de l'analyse initiale sont
examinés aux fins d'une analyse plus globale et organisée. Cet examen systématique des
17
réponses permet d'identifier d’autres catégories conceptuelles qui se présentent sous la forme de
quelques mots, de phrases complètes, voire de plusieurs phrases. Ces catégories indivisibles font
l’objet d'une codification spécifique. On retrouve dans ces catégories les exemples suivants:
Insérer tableau 4
Les réponses des participants et les catégories qui s’en dégagent étant brèves et fortement
uniformes, ce travail se fait sans aide logistique. Cependant, afin d’assurer la fidélité des
catégories et de leur contenu, et suite à une première catégorisation, 20 % du matériel est soumis
à une catégorisation parallèle effectuée par une personne extérieure au projet. Cette
catégorisation permet de mettre en évidence certains biais d’interprétation et de les corriger.
Les différentes catégories, thèmes et sous-thèmes, sont soumises à des analyses
statistiques (fréquences et Khi2) réalisées à l’aide du logiciel SPSS. Finalement, les énoncés du
questionnaire fermé sont reclassés afin de correspondre aux catégories formées lors de l’analyse
de contenu. Seules ces nouvelles catégories servent à l’analyse des résultats et sont soumises aux
mêmes analyses statistiques que les données qualitatives.
18
Résultats
Définition de l ,émotivité
Le premier objectif de cette étude était d’explorer la définition de l’émotivité et
d’examiner le contenu de cette définition, notamment la présence de caractéristiques déjà
décrites par certains auteurs (Fischer, 1993; Parrott, 1995; Shields, 1987), à savoir l’intensité des
émotions et de leurs réactions, manifestée par les larmes, la perte de contrôle, ou exprimée sous
forme de gestes impulsifs ou d’actes et/ou de propos irrationnels, et le sentiment de n’avoir
aucun pouvoir.
L'émotivité féminine.
L’analyse de contenu relative aux réponses concernant l’émotivité de la protagoniste
permettent d’en donner une définition relativement uniforme. L’émotivité est d’abord une
question d’intensité: celle des émotions ressenties (39 % des réponses) ou celle des réactions à
ces émotions (32 % des réponses). Sur cet aspect, les réponses des participants et des
participantes se répartissent en quatre catégories, présentées au tableau 5: (a) il y a présence ou
expression d’émotions, (b) les émotions et les réactions sont fortes, (c) les émotions dominent,
(d) les émotions et les réactions sont excessives. Ces catégories peuvent également évoquer
quatre positions sur un continuum qui irait d’émotions ou de réactions « présentes », à « fortes »,
puis à « dominantes », pour aboutir à « excessives ». La répartition des résultats montre que
l’émotivité féminine se distribue en très grande majorité dans les catégories b, c et d
(émotions/réactions fortes, émotions dominantes, émotions/réactions excessives), qui regroupent
près de 75 % des réponses.
Insérer tableau 5
À ces différents niveaux d’intensité peuvent être rattachés les autres éléments de
définition obtenus. En fait, peu de manifestations émotives sont mentionnées par les participants,
à l’exception des larmes (14 % du total des réponses); pleurer représente ainsi la première
catégorie {présence ou démonstration d’émotions). Cependant, les larmes se retrouvent aussi
dans la deuxième catégorie {les émotions et les réactions sont fortes) quand il s’agit, par
exemple, de sanglots ou lorsqu’elles sont associées à d’autres manifestations ou états émotifs
plus marqués, tels les cris, la rage, la crise, l’effondrement, etc.
Les réponses de la troisième catégorie {les émotions dominent) coïncident avec la
présence d’irrationalité (50 % des réponses de cette catégorie). Lorsque non exprimée, l’absence
de raison est sous-entendue dans des réponses telles que « les émotions prennent le dessus » qui
la suggèrent; elles sont parfois complétées par « prennent le dessus sur la raison ».
La dernière catégorie {les émotions et les réactions sont excessives) semble pour sa part
surtout rattachée à la perte de contrôle et à l’impulsivité (62 % des réponses de cette catégorie),
comme le démontrent certaines associations telles: « oui, elle est émotive, car souvent elle réagit
de façon excessive (...), c'est toujours sur l'impulsion du moment et très intensément qu'elle
réagit à diverses situations ».
De l’ensemble des éléments attendus, seul le sentiment de perte de pouvoir est absent des
réponses des participants. Certains termes (effondrée, susceptible, fragile), qui ne constituent que
4 % de l’ensemble des réponses, peuvent s’y rattacher, mais cette association reste hypothétique.
20
L’émotivité masculine.
L’analyse de contenu des données concernant l’émotivité du protagoniste ne permet
d’aboutir à aucune définition franche, laissant croire qu’il n’existe pas de représentation
consensuelle de l’émotivité masculine. Bien que le protagoniste soit qualifié d’émotif par près
de 50 % des répondant(e)s, la vaste majorité de ces réponses est immédiatement tempérée par
des observations dénotant le caractère exceptionnel de tels comportements, comme « émotif
seulement lorsque sa fierté est touchée »; « Pierre réagit de façon très émotive, mais dans des
situations extrêmes seulement ». Lorsqu’il y a tentative de définition, les descriptions obtenues
diffèrent sensiblement les unes des autres; elles comportent certains éléments de définition de
l’émotivité féminine (présence/expression des émotions, émotions fortes, impulsivité), mais ces
éléments sont parfois inclus, parfois exclus de la définition de l’émotivité masculine, comme
l’illustrent ces deux exemples: « non, parce qu'il agit plutôt impulsivement qu'émotivement, il
ne prend pas le temps de voir ce que cela lui fait »; « oui, car il est impulsif; quand l'événement
est trop fort émotivement, il s'effondre ».
Cependant, la majorité (73 %) des réponses qui touchent l’intensité des émotions et/ou
des réactions semblent situer l’émotivité masculine dans la première des catégories mentionnées
(il y a présence ou démonstration d’émotions)׳. « bien sûr qu'il réagit de façon émotive, tout le
monde a des émotions »; « oui [il est émotif], car il n’a pas peur de dire ou montrer ses
émotions ».
21
La représentation de l'émotivité.
En résumé, il existe une représentation générale de l’émotivité, qui est la même pour les
hommes et pour les femmes4. Elle se déplace sur un continuum d’intensité des émotions ou des
réactions à ces émotions. Est qualifiée d’émotive la personne qui a des émotions et les exprime;
ces émotions et réactions peuvent devenir fortes, prendre le dessus sur la raison, votre évoluer
jusqu’à être excessives, aboutissant alors à une perte de contrôle ou à des comportements
impulsifs. Vue sous cet angle, la perception que les jeunes se font de l’émotivité semble reliée à
une impression de danger: danger d’un dérapage émotif, d’une escalade des réactions, jusqu’à
l’excès et à la perte de contrôle. En ce sens, on peut considérer qu’il existe une connotation
négative rattachée à l’émotivité. Cette perception rejoindrait surtout la conception de l’émotivité
féminine, l’intensité des émotions et des réactions masculines ne faisant pas consensus quant à
leur inclusion dans la définition de l’émotivité.
Connotation de genre à l’image de l’émotivité
Le deuxième objectif de l’étude était de s’attarder à la connotation de genre rattachée à la
définition naïve de l’émotivité.
L'émotivité: caractéristique immuable de la féminité ?
Plusieurs participantes partagent en commun des croyances sur l’existence de
différences entre hommes et femmes quant à l’émotivité, de même que sur les fondements de ces
différences. Les commentaires recueillis montrent non seulement une prégnance explicite de
4 De façon générale, il n’existe aucune.différence significative entre les définitions des participants et des participantes par rapport à l’émotivité.
22
!’association émotivité-féminité, mais dévoilent également l’aspect immuable qui lui est attribué.
Voici quelques exemples de ces réponses:
« Oui [elle est émotive] parce que les filles expriment leurs émotions davantage que
les hommes. C’est inné. » (M)
« Oui [elle est émotive]; c'est d’ailleurs le cas de la plupart des femmes qui
m'entourent. Les hormones? » (M)
« Oui, (...) car les filles sont émotives peu importe ce que l'on peut dire c'est ça et c'est
normal. » (F)
Correspondance entre la définition de l ,émotivité et le stéréotype féminin.
L’association émotivité-féminité se révèle également dans l’écart observé dans les
réponses évaluant des réactions typiquement féminines ou masculines: alors que 49 % des
répondant(e)s conçoivent les réactions du protagoniste comme émotives (avec, tel que
mentionné, plusieurs nuances), la presque totalité (96 %) affirme que, pour sa part, la
protagoniste a des réactions émotives, qu’elle est émotive.
En outre, les éléments jugés constitutifs de la définition de l’émotivité par les
participantes se retrouvent de façon plus marquée dans le stéréotype féminin que dans le
stéréotype masculin, et ce, tant chez les répondants que chez les répondantes5, et peu importe
l’émotion évoquée. Le graphique 1 offre une représentation visuelle de ces résultats.
5 De façon générale, les réponses des participants et des participantes ne sont pas significativement différentes. Les seules différences notables touchent le fait que, dans les questionnaires ouverts, le nombre de réponses donné par les garçons, décrivant le stéréotype féminin, est significativement plus élevé que celui donné par les filles (x2(l, N=103)=7.4,p=.05), alors que les répondants et les répondantes répondent d’une même façon au stéréotype masculin(x2(l, N=103)=0, ¿>=ns). Ceci pourrait s’expliquer par un refus des filles de se prononcer dans le sens du stéréotype et, par là même, de le reconnaître.
23
Insérer graphique 1
L’expression forte ou intense d’une émotion négative6 est considérée comme plus
fréquente chez la protagoniste que chez le protagoniste (x2(l, N=266)=21.14,p=.05); on s’attend
à ce que la femme plus souvent que l’homme exprime ses émotions négatives par des larmes
(x2(l, N=266)=100.05,/?=.05); les réactions féminines sont plus souvent vues comme étant liées
à la perte d’estime de soi7 que les réactions masculines (x2(l, N=266)=16.01,p=.05) et les
comportements féminins sont moins souvent jugés rationnels8 que ceux des hommes
(x=(l, N=266)=32.79,p=.05).
La perte de contrôle et l’impulsivité sont présentes dans des proportions équivalentes
chez les deux protagonistes (x2(l, N=266)=0.51,/?=ns). Cependant, tel que mentionné, ces
comportements ne font pas toujours partie, dans le cas des hommes, de la définition de
l’émotivité, et en sont même parfois clairement exclus. Il pourrait ici s’agir d’un double standard,
l’impulsivité et la perte de contrôle féminines étant expliquées par la nature émotive de la
personne, alors que les mêmes réactions, masculines, ne dépendent pas de cette interprétation.
6 La comparaison porte sur les catégories suivantes du questionnaire fermé: « Sa voix est presque inaudible », « Il (elle) est effondré(e) », « Il (elle) est assommé(e) », « Il (elle) est confus(e), ses idées s'embrouillent », « Ses émotions ■sont confuses, très intenses », et sur les verbatims du questionnaire ouvert associés aux thèmes suivants:« État de choc », « Crise ».7 La comparaison porte sur les catégories suivantes du questionnaire fermé: «Il (elle) a de la difficulté à faire face », « Il (elle) se sent démuni(e) », et sur les verbatims du questionnaire ouvert associés au thème suivant: « Insécurité- culpabilité ».8 L’irrationalité ne fait partie ni du stéréotype masculin ni du stéréotype féminin. Par contre, les comportements associés à la logique ou à des comportements rationnels sont présents et correspondent plus au stéréotype masculin qu’au stéréotype féminin. Par défaut, la comparaison porte donc sur les catégories suivantes du questionnaire fermé: « Il (elle) tente de trouver des solutions », « Il (elle) parle de la situation, sans émotion », « Il (elle) est calme », « Il (elle) reste calme, rationnel », et sur les verbatims du questionnaire ouvert associés au thème suivant:« Comprendre, attendre, passer à autre chose ».
24
L’ensemble de ces résultats démontre bien à quel point la notion d’émotivité est codée
selon le genre et atteste du rôle central joué par l’émotivité dans les enjeux qui animent les
rapports de pouvoir entre les sexes.
La valorisation de l’émotivité
Le troisième objectif de l’étude était de se pencher sur la valeur accordée à l’émotivité.
Spontanément, quelques participants émettent dans leur réponse un jugement de valeur, plus
souvent négatif que positif, sur l’émotivité.
Insérer tableau 6
Dans les deux derniers exemples de la colonne de gauche, on remarque que, bien que le
jugement sur la réaction de la protagoniste soit positif, celui posé sur l’émotivité est clairement
négatif: dans un cas, la « réaction émotive » est placée en opposition à une « réaction sensée »;
dans l’autre, ne pas réagir « de façon émotive », c’est agir « de façon normale ».
Par ailleurs, il était prévu de vérifier si les réactions valorisées sont plus conformes aux
réactions considérées comme masculines ou à celles considérées comme féminines et associées à
l'émotivité.
Les résultats montrent que la réaction jugée appropriée ne correspond pas au stéréotype
25
masculin9 et ne rejette pas non plus tous les aspects de la définition de l’émotivité, quoiqu’elle en
atténue les manifestations. Elle se situe ainsi à la jonction des stéréotypes féminin et masculin,
valorisant à la fois l’expression (surtout verbale) des émotions (pôle plus typiquement féminin)
et le contrôle de soi (pôle plus typiquement masculin). Le tableau 7 offre quelques exemples de
réponses illustrant ces deux pôles de réactions jugées appropriées.
Insérer tableau 7
Ce jugement est tout à fait conforme au Zeitgeist, au discours social actuel. On remarque
en effet que la société contemporaine valorise une plus grande liberté d’expression émotionnelle
(Shields, 1987); par ailleurs, des termes comme « management » et « gestion », rattachés au
contrôle, semblent s’appliquer aujourd’hui à plusieurs domaines, incluant celui des émotions
(Shields, Steinke & Koster, 1995). Comme le supposent déjà certains auteurs (Fischer, 1993;
Shields, 1987), on peut entendre de ce double discours que, bien qu’admise, l’expression des
émotions n’est pas valorisée en soi, mais qu’il faut plutôt reconnaître l’émotion, afin de mieux la
contrôler.
De façon générale, et quelle que soit la situation présentée, la réaction considérée comme
appropriée rejoint cette idée: l’expression des émotions est jugée acceptable pour autant qu’elle
soit sous le joug de la raison et du contrôle de soi. À l’exception des larmes, qui sont clairement
9 L’homme typique est perçu comme cachant ou contrôlant mieux ses émotions que la femme (x2(l, N=266)=53.36,
p=.05). Cette description rejoint les stéréotypes de genre se rapportant aux émotions négatives, tels qu’ils sont
véhiculés actuellement dans la société occidentale (pour une revue de la littérature, voir entre autre Brody & Hall,
1993; Robinson & Johnson, 1997).
26
jugées appropriées uniquement pour les femmes, cette opinion prévaut autant pour les femmes
que pour les hommes10.
Il est intéressant de mettre un tel discours en parallèle avec une notion qui a connu une
grande popularité au cours des dernières décennies, celle de l’androgynie psychologique, qui
véhicule l’idée qu’hommes et femmes peuvent détenir à la fois des caractéristiques positives
masculines et féminines, donc qu’il est possible d’envisager une conception égalitaire des rôles
sociaux de sexe. En répondant à peu près tous dans le sens d’une similitude des comportements
et des réactions jugées acceptables pour les hommes et pour les femmes, à l’exception des
larmes, les jeunes adultes québécois semblent s’être tout à fait approprié ce message.
Discussion
Le but de la présente étude était d’explorer les représentations de l’émotivité. Les
résultats permettent de montrer que la définition naïve de l’émotivité comprend à la fois les
émotions et les réactions aux émotions, surtout lorsque ces dernières sont fortes, intenses, voire
excessives. De cette intensité découlent !’irrationalité et la perte de contrôle, qui font aussi partie
intégrante de la définition.
La dimension féminine est centrale à la représentation de l’émotivité. En fait, on pourrait
croire que l’émotivité est féminine puisque l’émotivité chez les hommes n’évoque aucune
10 De façon générale, les réponses des participants et des participantes ne sont pas significativement différentes; on remarque tout de même que les différences qui peuvent être établies touchent les attentes des femmes par rapport aux comportements des hommes et vice-versa. Ainsi, les filles proposent plus souvent que les garçons qu’une réaction masculine appropriée, dans les situations de tristesse, soit de pleurer (x2(l, N=266)=16.4,p=.05). Inversement, plus de garçons que de filles proposent que, dans des situations de jalousie, il est approprié pour une femme de passer à autre chose, de rester calme, de ne pas faire de crise(x2(l, N=266)=4.67, p=.05).
27
représentation consensuelle et que, par contre, certains comportements considérés comme
émotifs, ne le sont que pour les femmes. La perte de contrôle et l’impulsivité en sont deux
exemples: Γémotivité expliquerait leur présence chez les femmes, mais non chez les hommes.
La valeur accordée à l’émotivité est ambiguë. Une expression émotive contrôlée, sans
démonstration ou réaction trop forte, est considérée comme appropriée. Par contre, une
impression de dangerosité peut s’y greffer, puisqu’elle se transporte sur un continuum
d’intensité, de la simple expression des émotions à une expression excessive de celles-ci, en
passant par des degrés d’intensité intermédiaires; cette intensification ouvre la porte à la
domination des émotions sur la logique, à la perte de contrôle et aux gestes impulsifs.
Cette image globale amène à se poser la question des enjeux sociaux que pourrait servir
l’émotivité. À cet égard, les résultats mettent en lumière certains sous-entendus contenus dans
une affirmation telle que « les femmes sont plus émotives que les hommes ». Étant donné la
définition de l’émotivité et son association d’une part avec la féminité et, d’autre part, avec
l’impulsivité et la perte de contrôle, un de ces sous-entendus pourrait bien être celui du manque
de contrôle des femmes. Cette supposition mériterait d’être approfondie par d’autres études.
La présente recherche se voulait une poursuite du travail de certains auteurs américains
(Shields, Fischer), mais dans un contexte québécois et francophone et surtout selon un cadre
théorique différent, celui des représentations sociales. Elle comporte cependant certaines limites.
Le questionnaire, non validé au préalable, doit être considéré avec prudence puisqu’il ne peut
d’emblée être envisagé comme une source suffisamment valide d’informations pour mener à des
analyses quantitatives. Cette limite est en partie compensée par la richesse et la diversité des
données qualitatives recueillies, qui se prêtent mieux au caractère exploratoire de cette étude.
28
Par ailleurs, considérant ce caractère exploratoire, il aurait été intéressant d’englober plus
d’aspects à la recherche, entre autres, du point de vue du vocabulaire (en introduisant par
exemple d’autres termes tels sensibilité, affectivité), ou encore du point de vue de la population
en examinant différentes catégories d’adultes. À cet égard, et comme le contenu d’une
représentation sociale varie en fonction des groupes sociaux, les résultats présentés ici sont
spécifiques aux jeunes adultes québécois et ne peuvent être généralisés à une population plus
large. Finalement, cette étude n’a fait usage que de quelques méthodes de récolte de données; il
aurait, en fait, été intéressant d’utiliser une méthodologie plus variée (entrevues, tâches à
résoudre, associations libres, observations ethnographiques, etc.), comme c’est souvent le cas
dans les études sur les représentations sociales.
De ces limites découlent naturellement les possibilités de recherches futures. Parmi les
implications méthodologiques, on note la nécessité de se tourner vers une recherche
multiméthodologique pour mieux cerner les représentations concernées et les enjeux qu’elles
contiennent. Il serait également intéressant de vérifier de façon plus systématique !’utilisation du
vocabulaire émotif dans le langage, dans les métaphores, dans les journaux, à la télévision, etc.,
et de combiner ces résultats à une étude plus approfondie et plus systématique des
représentations naïves de l’émotivité. De même, il aurait été utile de mettre à l’épreuve des faits
les diverses conceptions recueillies en fonction des pratiques qui les sollicitent, pour savoir
jusqu’à quel point les représentations de l’émotivité rejoignent l’expression même des émotions
dans des situations concrètes.
Lors de recherches futures, il y aurait lieu de bien délimiter les éléments correspondant
aux insertions sociales servant d’ancrage aux représentations, de même qu’il faudrait approfondir
la question des rapports entre les représentations et certaines idéologies et pratiques sociales.
Malgré ces limites, la recherche présentée ici comporte des implications importantes,
notamment pour le mouvement féministe; elle témoigne de la complexité de l’image de
l’émotivité et amène à concevoir cette représentation comme une pierre angulaire essentielle à
l’édification des différents stéréotypes, plus souvent négatifs que positifs, se rapportant aux
femmes. Cette réflexion sur l’émotivité impose la nécessité de se pencher sur la place que
l’émotivité occupe et doit occuper dans le discours social en général, et plus particulièrement
dans le discours féministe.
30
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CONCLUSION GÉNÉRALE
36
Conclusion générale
La présente étude visait à explorer les représentations de Γ émotivité.
Les recherches montrent que, dans la société occidentale, les femmes sont perçues
comme étant plus émotives que les hommes. Cette conception rejoint à la fois le sens
commun et les différents courants de recherche, incluant le mouvement féministe. La
majorité des études, orientées vers la détection de preuves pouvant étayer la thèse
biologique ou la thèse psychosociale, cherchent à rendre compte de l’origine de ces
différences. Jusqu’à présent, les démonstrations portant sur les différences entre
l’émotivité masculine et féminine sont loin d’être concluantes ou irrévocables. Plus
encore, le concept même d’émotivité est équivoque, ambigu et impose des
éclaircissements.
Le cadre théorique des représentations sociales permet de s’éloigner du débat sur
les origines des différences sexuelles de l’expression et des réactions émotives pour
s’intéresser à la définition naïve de l’émotivité et lever, si possible, certaines des
ambiguïtés qui y sont reliées. L’étude présentée ici, par une méthodologie exploratoire,
vise à servir de prélude à un examen plus approfondi de la représentation sociale de
l’émotivité, où seraient systématiquement étudiés les principes organisateurs, les
différences individuelles, les ancrages et les enjeux sociétaux entourant cette réalité. Elle
s’attarde plus spécialement à l’exploration de deux aspects considérés comme centraux
dans cette représentation, à savoir une connotation liée au genre et une connotation à
valeur négative.
L’analyse de contenu, réalisée sur le matériel recueilli par questionnaire, montre
que la définition naïve de l’émotivité comprend à la fois l’expérience et l’expression
37
émotive, surtout si ces dernières se manifestent plus ou moins intensément. De l’intensité
découlent !’irrationalité et la perte de contrôle, qui font aussi partie intégrante de la
définition.
Il faut aussi souligner la dimension féminine attribuée à la représentation de
l’émotivité; cette dimension prend une importance centrale à la fois par son caractère
d’exclusivité - l’émotivité masculine n’évoquant aucune représentation consensuelle - et
par sa spécificité - les comportements jugés émotifs ne le sont que pour les femmes. La
perte de contrôle et l’impulsivité en sont deux exemples; l’émotivité expliquerait leur
présence chez les femmes, mais non chez les hommes.
La définition de l’émotivité dépend donc non seulement des comportements
perçus comme typiquement féminins (les réactions perçues comme typiquement
féminines sont liées plus fortement à la définition de l’émotivité que les réactions perçues
comme typiquement masculines), mais également du sexe de la personne qui vit une
émotion ou réagit à cette émotion et ce, sans égard à l’émotion évoquée et de la
connotation de genre qui lui est associée: une femme est qualifiée d’émotive, autant dans
la colère (connotation plus masculine) que dans la tristesse (connotation plus féminine),
pourvu que ses réactions rejoignent en tout ou en partie les éléments prédéterminés de
l’émotivité. En ce sens, l’émotivité est a-contextuelle: elle dérive plus d’un état général
que de situations ou d’émotions particulières; !’utilisation de l’émotivité suppose une
sous-estimation de l’émotion, ou plus exactement, des distinctions existant entre les
différentes émotions.
L’émotivité est également liée à certains jugements de valeur, ambigus, mais plus
souvent négatifs que positifs. Les réponses des participants montre qu’une démonstration
38
émotive contrôlée, sans réaction trop forte, est considérée comme appropriée. Une
émotivité plus grande, associée à une émotivité trop grande, à l’excès, est beaucoup
moins admise.
Ce jugement, concernant les réactions appropriées, est tout à fait conforme au
Zeitgeist, au discours social actuel. En effet, la société contemporaine valorise une plus
grande liberté d’expression émotionnelle (Shields, 1987); mais, d’un autre côté, elle
récompense les comportements rationnels, logiques, cartésiens (Fischer, 1993; Shields,
1987). Comme le supposent déjà certains auteurs (Fischer, 1993; Shields, 1987), on peut
entendre de ce double discours que, bien qu’admise, l’expression des émotions n’est pas
valorisée en soi, mais qu’il faut plutôt reconnaître l’émotion, afin de mieux la contrôler.
Reste à savoir si l’émotivité sert certains enjeux sociaux. Sa définition, presque
exclusivement féminine, mise en parallèle avec les réactions négativement valorisées,
laisse deviner son poids dans les relations de pouvoir entre les hommes et les femmes.
Clairement, la définition principale qui est donnée de l’émotivité féminine ne cadre pas
avec ce qui est considéré comme une réaction appropriée, selon les jeunes Québécois: là
où l’émotivité est synonyme d’émotions fortes, d’impulsivité, d’excès, la société exhorte
plutôt au contrôle des émotions, au calme et à la réflexion, à la retenue et à la modération.
En bref, l’affirmation d’une plus grande émotivité chez les femmes n’est pas, à
première vue, négative; au contraire, elle laisse entendre que les femmes possèdent une
chose que les hommes n’ont pas: une plus grande capacité à exprimer les émotions
ressenties. Cependant, une analyse plus fine de la définition naïve de l’émotivité permet
de discerner des sous-entendus dans cette affirmation, tel celui de supposer que les
39
femmes, par rapport aux hommes, sont dépossédées d’une chose fort importante: le
contrôle de soi.
Une des implications principales de ces résultats est qu’ils permettent de souligner
l’importance, pour le mouvement féministe notamment, de tenir compte des
représentations sociales de l’émotivité, ou de toute autre réalité dont les connotations sont
parfois subtiles et difficiles à dévoiler, et d’ajuster le discours en conséquence. Si cette
plus grande émotivité attribuée aux femmes est défendue par les féministes, ou pour le
moins oubliée, il faut se rappeler que c’est également cette représentation, qui les pose
comme victimes de leurs émotions, qu’on laisse circuler.
Le concept d’androgynie, qui a été très populaire à partir des années 1970,
paraissait une solution positive à ces différents problèmes liés au genre. Se voulant un
regard plus égalitaire sur les rapports sociaux de sexe, l’androgynie propose que les
différences entre individus de sexe masculin et de sexe féminin sont beaucoup plus
situationnelles et adaptatives que psychologiques et liées à des facteurs biologiques. Elle
s’est traduite dans la recherche par la mesure qui en a été faite dans les questionnaires, où
elle correspond à la présence, dans les réponses d’un même individu, de traits valorisés, à
la fois masculins et féminins.
Ce discours, les jeunes adultes québécois semblent tout à fait se l’être approprié:
leurs perceptions des réactions jugées adéquates vont majoritairement dans le sens de
comportements similaires chez les hommes et les femmes. Quelques individus cependant
font valoir une opinion différente. Leur voix est intéressante, car l’agacement et la
déception qu’on y découvre laissent deviner qu’il existe, chez une partie des jeunes et
peut-être particulièrement chez les jeunes femmes, un refus « d’androgyniser » les
40
émotions: « C’est pas nécessairement mauvais que les filles soient plus émotives que les
gars »; « Nous n’avons plus besoin de nous battre comme nos mères, on peut être
émotives et c’est pas mal vu »11.
Les tentatives féministes pour s’éloigner des stéréotypes auraient-elles créé un
modèle de remplacement tout aussi strict, où certains jeunes ne se reconnaissent pas? Le
danger, si tel est le cas, est que ce désenchantement provoque un retour aux valeurs
anciennes et aux stéréotypes. On remarque à cet égard la présence d’une certaine
tendance à la « régression », tel le mouvement des « femmes soumises », qui connaît aux
États-Unis un succès pour le moins étonnant12. Face à de tels mouvements, il y a fort à
parier que vont bientôt resurgir les thèses biologisantes pour rendre compte des
différences entre hommes et femmes. Que conserverons-nous de tous les acquis
scientifiques pour nos pratiques futures? La réflexion doit continuer.
Cette étude présente certaines limites qu’il faudra considérer lors de futures
recherches: il serait ainsi intéressant de réaliser une étude plus approfondie et plus
systématique des représentations naïves de l’émotivité, où les pratiques et les ancrages
seraient observés systématiquement et où seraient fouillés les rapports entre les
représentations et certaines idéologies et pratiques sociales.
Cette recherche témoigne de la complexité de l’image de l’émotivité et amène à
concevoir cette représentation comme une pierre angulaire essentielle à l’édification des
différents stéréotypes se rapportant aux femmes. Elle montre qu’une affirmation comme
« les femmes sont plus émotives que les hommes » est truffée de sous-entendus qui
alimentent les stéréotypes de genre et l’image négative des femmes.
11 Ces commentaires ont été recueillis lors de la présentation des résultats en classe.
41
En définitive, les modèles sociaux auxquels doivent correspondre les femmes et
les hommes ne sont peut-être plus aussi rigides qu’auparavant; plusieurs jeunes ont
d’ailleurs aujourd’hui l’impression que la bataille féministe est dépassée (voir Jackson,
Fleury, & Lewandowski, 1996). Cette étude, réflexion sur l’émotivité, permet de
constater qu’à l’ère de la rectitude politique, on peut tout au moins penser que le sexisme
est toujours présent mais qu’il se manifeste dans des formes plus subtiles, plus discrètes,
plus sournoises. Elle impose la nécessité de continuer à se pencher encore sur certains
discours, comme celui de l’émotivité, dont il semble que la fonction est de maintenir la
relation de pouvoir entre les sexes.
12 Mouvement fort aux États-Unis depuis la parution, en 2001, du best-seller de Laura Doyle: Femmes soumises (ou comment garder son mari en disant toujours oui).
TABLEAUX
43
Tableau 1
Nombre et sexe des participants en fonction du questionnaire complété
Questionnaire Garçons Filles Total
Masculin fermé 36 44 80
Féminin fermé 38 43 81
Masculin ouvert 18 23 41
Féminin ouvert 28 34 62
Total 120 154 264
44
Tableau 2
Analyse de la représentation des réactions typiques et appropriées des hommes et des
femmes: exemples de six catégories et de leur contenu
Catégorie Contenu Catégorie Contenu
Larmes Avoir les larmes aux État de choc Sidéré
yeux
Pleurer Désemparé
Sangloter État de choc
Communiquer Partager ses émotions Crise Faire une crise / Crise de
ses émotions nerfs
Verbaliser Péter sa coche / Péter les
plombs
Vider son sac Devenir hystérique
Rester calme Rester calme Être positif Être fort
Être serein Être positif
Ne pas faire de drame Être courageux
Garder son sang-froid Ne pas se décourager
45
Tableau 3
Analyse de la représentation de l’émotivité: exemples de quatre catégories et de leur
contenu
Catégorie Contenu Catégorie Contenu
Émotions Être hystérique Perte de Perdre le
excessives contrôle contrôle
Dramatiser Ne plus se rendre
compte de ce que
l'on dit ou fait
Émotions non Perdre toute
justifiées retenue
Exprimer les Communiquer Irrationalité Perdre la raison /
émotions ses émotions Perdre la tête
Ne pas cacher Suivre son cœur
ses émotions plus que sa
raison
Faire des choses
insensées
46
Tableau 4
Catégories indivisibles faisant l’objet d'une codification spécifique: exemples de
verbatims
Catégorie Exemples de verbatims
Émotivité = Les femmes sont plus émotives que les hommes, c'est comme ça, on
biologique n'y peut rien, c'est biologique.
Émotivité = positif Oui, elle est émotive, mais c'est pas un défaut...
Oui et c'est correct... Au fond, c'est ce qui prime sur chacun de
nous (les émotions).
Association Les femmes sont plus émotives que les hommes.
féminité-émotivité
Les femmes sont plus fragiles émotionnellement.
Les femmes se laissent souvent emporter par leurs émotions.
47
Tableau 5
Répartition des verbatims liés à la définition de l’émotivité, en fonction du niveau d’intensité
Catégories(intensité)
Verbatims liés à l’émotion
Verbatims liés à la réaction
Verbatims liés à l’illogisme et à !’impulsivité
Total
Excessif Émotions excessives
Émotions trop grandes
Dramatise
Excessive dans ses réactions
Ne pas avoir de retenue
Personne excessive
Impulsivité
Ne pas contrôler les émotions
Perdre le contrôle
Total 6 6 22 34
Les émotions dominent
Les émotions prennent le dessus
Les émotions dominent
Réagir en fonction des émotions
Réagir selon ce qu'elle ressent
Suivre son cœur plus que la raison Perdre la raison /
Perdre la tête
Total 11־ 12 23 46
Émotions ouRéactionsfortes
Émotions fortes Émotions extrêmes
Réagir fortement Crier-pleurer /
Sangloter Panique
Total 31 5 36
Émotion et expression des émotions
Total
Être touchée facilement / Être
sensibleAvoir des émotions
12
Extérioriser les émotions / Ne pas
cacher les émotions Pleurer
27 39
TOTAL 60 50 45 155
48
Tableau 6
Exemples de jugements négatifs et positifs à l’égard de l’émotivité
Jugements négatifs Jugements positifs
« Oui [elle réagit de façon « Oui [elle réagit de façon émotive]
émotive], elle ne réfléchit pas et ne tout comme tous les êtres humains.
prend pas le temps de chercher les Tout le monde a des sentiments et
raisons pour lesquelles certaines
choses arrivent. De cette façon elle
peut même faire empirer les
choses » (M)*
c’est normal (...) » (M)
« Non [elle ne réagit pas de façon « Oui, [elle réagit de façon émotive] :
émotive], plutôt de façon sensée. »
(F)
« Non [elle ne réagit pas de façon
émotive], je crois qu’elle agit plutôt
de façon assez normale. » (F)
elle est vraie et authentique » (F)
*La lettre entre parenthèses correspond au sexe du (de la) participant(e)
49
Tableau 7
Exemples de réponses illustrant les pôles de réactions jugées appropriées pour les
hommes et pour les femmes (expression des émotions - contrôle de soi)
Émotion Expression des émotions Contrôle de soi
Tristesse Laisser sortir toutes les Dire cette nouvelle calmement sans en
émotions qui lui passent, sans faire un plat. Même étant très triste, il
s’arrêter sur une seule. Se
confier après avoir ressenti
toute la gamme d’émotions. (F)
est mieux de se contrôler. (F)
Crier, hurler ou pleurer, S’apitoyer sur son sort n ’aide rien.
puisque ça aide par la suite à
mieux vivre le problème. (F)
Essayer d’être calme. (M)
Colère Expliquer que son
comportement le blesse. Il doit
s’exprimer et même pleurer s'il
le faut. (F)
Être plus rationnel. (F)
Jalousie Essayer de comprendre la Garder son sang-froid, être fort, de ne
vérité et (...) essayer de lui
faire verbaliser pourquoi. (F)
pas sauter aux conclusions. (M)
*La lettre entre parenthèses correspond au sexe du (de la) participant(e).
GRAPHIQUE
51
GraphiqueFréquence de réponses associées aux stéréotypes féminin et masculin, pour les quatre principaux éléments de définition de l'émotivité
Expression Larmes Perte d'estime Perte de Comportementsintense des de soi contrôle- rationnelsémotions impulsivité
₪ Stéréotype féminin D Stéréotype masculin
Note: Les fréquences ont été ajustées afin de rendre les groupes égaux.
ANNEXE 1
Questionnaire féminin fermé
QUESTIONNAIRESUR LES
COMPORTEMENTS ÉMOTIFS FÉMININS ET MASCULINS
Informations
Titre de l’étude : Les représentations sociales des comportements émotifs
féminins et masculins
Le but de cette étude est de vérifier quels sont les comportements émotifs (ou
réactions émotives) que l’on associe plutôt aux femmes et ceux que l’on associe plutôt
aux hommes. Votre participation à ce projet est anonyme : il n’est donc pas nécessaire
d’inscrire votre nom sur le questionnaire.
Nous vous demandons de répondre d’abord à quelques questions générales
vous concernant (données sociodémographiques) et ensuite au « questionnaire des
comportements émotifs masculins » OU au « questionnaire des comportements émotifs
féminins » (selon le questionnaire que vous aurez reçu). Il n’y a pas de bonnes ou de
mauvaises réponses. Votre participation à cette étude contribuera à l’amélioration des
connaissances concernant les attitudes et préjugés qui sous-tendent les relations
hommes-femmes dans la société québécoise.
Si vous avez des questions concernant ce projet, vous pouvez en tout temps
contacter l’étudiante responsable de l'étude au numéro de téléphone indiqué plus bas.
Merci de votre précieuse collaboration.
Superviseur :
Marguerite Lavallée, Ph.D.
Tél. : (418) 656-2131, poste 3067
Responsable :
Annie MarchildonÉtudiante à la maîtrise en psychologie
Tél. : (418) 656-2131, poste 15914
DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
1) Sexe : F □ M Q
2) Date de naissance : _______________ ,____
Âge :____________________ ;_________
3) Lieu de naissance : __________________________________
Si né(e) hors du Canada :
Depuis combien de temps résidez-vous au Canada ?
4) Langue maternelle : ______________________________
5) Domaine d’étude : _________________________________
6) Profession des parents :
Père :_________________
Mère :
QUESTIONNAIRE SUR LES COMPORTEMENTS ÉMOTIONNELS
FÉMININS
Consigne
Vous trouverez à la fin du questionnaire, une série d’énoncés (a, b, c, etc.) classés par
catégorie (1, 2, 3, etc.).
Pour chaque situation présentée :
1 ) Lisez l’énoncé de la situation.
2) Répondez aux questions suivantes :
Question A : Choisissez, pour chacune des catégories, l’énoncé qui vous semble
représenté le mieux une réaction « typiquement féminine » face à la situation présentée.
Vous inscrirez donc une seule lettre (énoncé) à la suite de chaque chiffre (catégorie).
Question B : De la même façon, choisissez, pour chacune des catégories, l’énoncé qui vous
semble représenté la réaction la « plus appropriée » à la situation.
ATTENTION : Pour les situations 4, 7 et 9, répondez aux questions A et B dans
vos propres mots, plutôt que de choisir un énoncé parmi ceux de la liste présentée.
3) Répondez à la Question C
PRENEZ VOTRE TEMPS ET ASSUREZ-VOUS DE FOURNIR UNE RÉPONSE POUR
CHAQUE SITUATION.
SITUATION 1
La plus jeune sœur de Marie l’appelle pour lui apprendre qu’elle est atteinte d’une forme rare de cancer, que les médecins lui ont suggéré quelques traitements sans toutefois lui laisser trop d’espoir. Comment Marie réagit-elle? Comment s’exprime-t-elle lorsqu’elle annonce cette nouvelle à Pierre, son conjoint?
Question B :Réaction la plus appropriée
Question A :Réaction de Marie
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
SITUATION 2Marie et Pierre ont planifié depuis quelques mois des vacances seuls tous les deux. Ils se donnent rendez-vous après le travail pour acheter les billets d’avion. Ils s’étaient retrouvés pour la même
raison la semaine précédente, mais lorsque Pierre était arrivé, avec une heure de retard, l’agence de
voyage était fermée. Cette fois encore, Pierre est en retard de plus de 30 minutes. Il arrive finalement, mais apprend à Marie qu’une urgence le retiendra au bureau aux dates prévues pour le voyage et qu’il
ne pourra donc pas partir avec elle. Comment réagit-elle?
Question B :Réaction la plus appropriée
Question A :Réaction de Marie
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
SITUATION 3
Lors d’une soirée, Marie s’aperçoit que Pierre, son conjoint, semble vivement intéressé par une de ses collègues. Plus la soirée avance, plus cela devient clair aux yeux de Marie que Pierre flirte avec cette collègue. Son agacement augmente lorsqu’elle s’aperçoit qu’une de ses amies observe le jeu de Pierre. Quand Marie et Pierre se retrouvent seuls, comment Marie réagit-elle?
Question B :Réaction la plus appropriée
Question A :Réaction de Marie
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
SITUATION 4
Pierre vient de se disputer avec son père au téléphone. Cette situation, très fréquente dernièrement, le tracasse et le rend triste. En raccrochant, il se tourne vers Marie, sa conjointe, et se met à pleurer.Question A : Comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 5
Une collègue de Marie appelle cette dernière et l’assure qu’elle a vu son conjoint, Pierre, en train d’embrasser une autre femme. Quand Pierre revient à la maison en fin de journée et qu’ils se retrouvent seuls tous les deux, comment Marie réagit-elle?
Question A : Question B :Réaction de Marie Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
SITUATION 6
Pierre apprend par un voisin que le chat de Marie vient de se faire écraser par une voiture. Il rentre à la maison et annonce la nouvelle à Marie. Comment réagit-elle?
Question A : Question B :Réaction de Marie Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
SITUATION 7
Marie et Pierre reviennent d’une soirée entre amis, qui semble s’être bien déroulée. Pourtant,
quelques minutes après qu’ils sont rentrés à la maison, Pierre apostrophe Marie en
l’accusant de s’être amusée à flirter avec un autre homme pendant une bonne partie de la
soirée.
Question A : Comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 8
Au cours d’un repas, Marie et Pierre discutent et leurs opinions divergent franchement. Le
ton de Pierre est de plus en plus catégorique, intransigeant, voire méprisant et Marie se
retrouve constamment acculée au pied du mur, frustrée de ne pouvoir s’exprimer comme
elle le souhaite. Finalement, Pierre met brutalement fin à la discussion, disant à Marie qu’il
ne sert à rien de parler avec elle. Comment réagit-elle?
Question B :Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
Question A :Réaction de Marie
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
SITUATION 9
Pierre revient furieux du travail. Il entre dans la maison en claquant la porte et raconte à Marie ce qui lui arrive : on vient de lui annoncer que, suite à une promotion, un de ses collègues moins qualifié que lui deviendra son patron!
Question A : Comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 10
Alors que Marie ne s’y attendait pas du tout, Pierre lui annonce qu’il a rencontré une autre femme et qu’il la quitte. Comment réagit-elle?
Question A : Question B :Réaction de Marie Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCE
12
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
12
3
4
5
6
Question C
Diriez-vous, d’après la description que vous venez de faire, que Marie réagit de façon émotive?
Pourquoi?
LISTE D’ENONCES
QUESTIONNAIRE SUR LES COMPORTEMENTS
ÉMOTIONNELS FÉMININS
Pour chaque situation, choisissez un énoncé à l’intérieur de chacune des catégories suivantes :
CATÉGORIE 1 : discours
(a) Elle est silencieuse(b) Elle parle d’autres choses(c) Elle tente de trouver des solutions(d) Elle parle de la situation, sans émotion(e) Elle parle de ses émotions(f) Elle demande s’il comprend(g) Elle fait des reproches(h) Elle répète sans cesse les mêmes choses, sans pouvoir s’arrêter
CATÉGORIE 2 : voix
(a) Elle est silencieuse(b) Sa voix est normale, comme à !’habitude(c) Sa voix tremble un peu(d) Sa voix est presque inaudible(e) Sa voix est plus forte qu’à l’habitude(f) Elle crie à quelques reprises(g) Elle crie de façon incontrôlable
CATÉGORIE 3 : larmes
(a) Elle ne semble pas triste et ne pleure pas(b) Elle semble triste, mais ne pleure pas(c) Elle a les yeux pleins d’eau(d) Les larmes coulent sur ses joues(e) Elle pleure sans retenue(f) Elle sanglote
CATÉGORIE 4 : attitude générale
(a) Son attitude est agressive(b) Son attitude est froide, distante(c) Elle s’isole(d) Elle boude(e) Elle agit de façon impulsive(f) Elle devient susceptible, réagit au moindre commentaire(g) Elle est assommée(h) Elle est effondrée(I) Elle cherche à s’occuper (j) Elle est calme
CATÉGORIE 5 : qualité des émotions
(a) Elle est en contrôle(b) Elle dédramatise(c) Elle a de la difficulté à faire face(d) Elle perd le contrôle
CATÉGORIE 6 : réaction générale(a) Elle est indifférente, détachée(b) Elle reste calme, rationnelle(c) Elle se sent démunie(d) Elle est confuse, ses idées s’embrouillent(e) Ses émotions sont confuses, très intenses(f) Ses émotions sont excessives
ANNEXEZ
Questionnaire féminin ouvert
QUESTIONNAIRESUR LES
COMPORTEMENTS ÉMOTIFS
FÉMININS ET MASCULINS
Informations
Titre de l’étude : Les représentations sociales des comportements émotifs
féminins et masculins
Le but de cette étude est de vérifier quels sont les comportements émotifs (ou
réactions émotives) que l'on associe plutôt aux femmes et ceux que l’on associe plutôt
aux hommes. Votre participation à ce projet est anonyme : il n’est donc pas nécessaire
d’inscrire votre nom sur le questionnaire.
Nous vous demandons de répondre d’abord à quelques questions générales
vous concernant (données sociodémographiques) et ensuite au « questionnaire des
comportements émotifs masculins » OU au « questionnaire des comportements émotifs
féminins » (selon le questionnaire que vous aurez reçu). Il n’y a pas de bonnes ou de
mauvaises réponses. Votre participation à cette étude contribuera à l’amélioration des
connaissances concernant les attitudes et préjugés qui sous-tendent les relations
hommes-femmes dans la société québécoise.
Si vous avez des questions concernant ce projet, vous pouvez en tout temps
contacter l’étudiante responsable de l'étude au numéro de téléphone indiqué plus bas.
Merci de votre précieuse collaboration.
Supervisen re :
Marguerite Lavallée, Ph.D.
Tél. : (418) 656-2131, poste 3067
Responsable :
Annie Marchildon
Étudiante à la maîtrise en psychologie
Tél. : (418) 656-2131, poste 15914
DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
1) Sexe : F Q M □
2) Date de naissance : _____________________
Âge :________________________________
3) Lieu de naissance : ____________________________________
Si né(e) hors du Canada :
Depuis combien de temps résidez-vous au Canada ?
4) Langue maternelle : ________________________________
5) Domaine d’étude : ____________________________________
6) Profession des parents :
Père :_________________
Mère :
QUESTIONNAIRE SUR LES COMPORTEMENTS ÉMOTIONNELSFÉMININS
Consigne
Pour chaque situation présentée :
1) Lisez l’énoncé de la situation.
2) Répondez aux questions suivantes :
Question A : Décrivez ce qui serait, d’après vous, une réaction « typiquement féminine » à
cette situation. La description que vous ferez peut toucher plusieurs niveaux; concentrez-vous
surtout sur le niveau émotif.
Question B : Décrivez les réactions qui seraient, d’après vous, plus appropriées pour la
situation.
3) Répondez à la Question C
PRENEZ VOTRE TEMPS ET ASSUREZ-VOUS DE FOURNIR UNE RÉPONSE POUR
CHAQUE SITUATION
SITUATION 1
La plus jeune sœur de Marie l’appelle pour lui apprendre qu’elle est atteinte d’une forme rare de
cancer, que les médecins lui ont suggéré quelques traitements sans toutefois lui laisser trop
d’espoir.
Question A : Comment Marie réagit-elle? Comment s’exprime-t-elle lorsqu’elle annonce cette nouvelle
à Pierre, son conjoint?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 2
Marie et Pierre ont planifié depuis quelques mois des vacances seuls tous les deux. Ils se donnent rendez-vous après le travail pour acheter les billets d’avion. Ils s’étaient retrouvés pour la même raison la
semaine précédente, mais lorsque Pierre était arrivé, avec une heure de retard, l’agence de voyage était fermée. Cette fois encore, Pierre est en retard de plus de 30 minutes. Il arrive finalement, mais apprend à
Marie qu’une urgence le retiendra au bureau aux dates prévues pour le voyage et qu’il ne pourra donc
pas partir avec elle.
Question A : Comment réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 3
Lors d’une soirée, Marie s’aperçoit que Pierre, son conjoint, semble vivement intéressé par une
de ses collègues. Plus la soirée avance, plus cela devient clair aux yeux de Marie que Pierre
flirte avec cette collègue. Son agacement augmente lorsqu’elle s’aperçoit qu’une de ses amies
observe le jeu de Pierre.
Question A : Quand Marie et Pierre se retrouvent seuls, comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 4
Pierre vient de se disputer avec son père au téléphone. Cette situation, très fréquente
dernièrement, le tracasse et le rend triste. En raccrochant, il se tourne vers Marie, sa conjointe,
et se met à pleurer.
Question A : Comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 5
Une collègue de Marie appelle cette dernière et l’assure qu’elle a vu son conjoint, Pierre, en
train d’embrasser une autre femme.
Question A : Quand Pierre revient à la maison en fin de journée et qu’ils se retrouvent seuls tous les
deux, comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 6
Pierre apprend par un voisin que le chat de Marie vient de se faire écraser par une voiture. Il
rentre à la maison et annonce la nouvelle à Marie.
Question A : Comment réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 7
Marie et Pierre reviennent d’une soirée entre amis, qui semble s’être bien déroulée. Pourtant,
quelques minutes après qu’ils sont rentrés à la maison, Pierre apostrophe Marie en l’accusant
de s’être amusée à flirter avec un autre homme pendant une bonne partie de la soirée.
Question A : Comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 8
Au cours d’un repas, Marie et Pierre discutent et leurs opinions divergent franchement. Le ton
de Pierre est de plus en plus catégorique, intransigeant, voire méprisant et Marie se retrouve
constamment acculée au pied du mur, frustrée de ne pouvoir s’exprimer comme elle le
souhaite. Finalement, Pierre met brutalement fin à la discussion, disant à Marie qu’il ne sert à
rien de parler avec elle.
Question A : Comment réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 9
Pierre revient furieux du travail. Il entre dans la maison en claquant la porte et raconte à Marie
ce qui lui arrive : on vient de lui annoncer que, suite à une promotion, un de ses collègues
moins qualifié que lui deviendra son patron!
Question A : Comment Marie réagit-elle?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 10
Alors que Marie ne s’y attendait pas du tout, Pierre lui annonce qu’il a rencontré une autre
femme et qu’il la quitte.
Question A : Comment réagit-elle?
Question B .־ Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
Question C
Diriez-vous, d’après la description que vous venez de faire, que Marie réagit de façon émotive?
Pourquoi?
ANNEXES
Questionnaire masculin fermé
QUESTIONNAIRESUR LES
COMPORTEMENTS ÉMOTIFS FÉMININS ET MASCULINS
Informations
Titre de l’étude : Les représentations sociales des comportements émotifs
féminins et masculins
Le but de cette étude est de vérifier quels sont les comportements émotifs (ou
réactions émotives) que l’on associe plutôt aux femmes et ceux que l’on associe plutôt
aux hommes. Votre participation à ce projet est anonyme : il n’est donc pas nécessaire
d’inscrire votre nom sur le questionnaire.
Nous vous demandons de répondre d’abord à quelques questions générales
vous concernant (données sociodémographiques) et ensuite au « questionnaire des
comportements émotifs masculins » OU au « questionnaire des comportements émotifs
féminins » (selon le questionnaire que vous aurez reçu). Il n’y a pas de bonnes ou de
mauvaises réponses. Votre participation à cette étude contribuera à l’amélioration des
connaissances concernant les attitudes et préjugés qui sous-tendent les relations
hommes-femmes dans la société québécoise.
Si vous avez des questions concernant ce projet, vous pouvez en tout temps
contacter l’étudiante responsable de l'étude au numéro de téléphone indiqué plus bas.
Merci de votre précieuse collaboration.
Superviseur :
Marguerite Lavallée, Ph.D.
Tél. : (418) 656-2131, poste 3067
Responsable :
Annie Marchildon
Étudiante à la maîtrise en psychologie
Tél. : (418) 656-2131, poste 15914
DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
1 ) Sexe : F □ M
2) Date de naissance : ______
Âge :________________
3) Lieu de naissance : ______
Si né(e) hors du Canada :
Depuis combien de temps résidez-vous au Canada ?
4) Langue maternelle : ______________________________
5) Domaine d’étude : _________________________________
6) Profession des parents :
Père :__________________
Mère :________________
QUESTIONNAIRE SUR LES COMPORTEMENTS ÉMOTIONNELS MASCULINS
Consigne
Vous trouverez à la fin du questionnaire, une série d’énoncés (a, b, c, etc.) classés par catégorie (1,2, 3, etc.).
Pour chaque situation présentée :
1) Lisez l’énoncé de la situation.
2) Répondez aux questions suivantes :
Question A : Choisissez, pour chacune des catégories, l’énoncé qui vous semble représenté le mieux une réaction « typiquement masculine » face à la situation présentée. Vous inscrirez donc une seule lettre (énoncé) à la suite de chaque chiffre (catégorie).
Question B : De la même façon, choisissez, pour chacune des catégories, l’énoncé qui vous semble représenté la réaction la « plus appropriée » à la situation.
ATTENTION : Pour les situations 4, 7 et 9, répondez aux questions A et B dans vos propres mots, plutôt que de choisir un énoncé parmi ceux de la liste présentée.
3) Répondez à la Question C
PRENEZ VOTRE TEMPS ET ASSUREZ-VOUS DE FOURNIR UNE REPONSE POUR CHAQUE SITUATION.
SITUATION 1
Le plus jeune frère de Pierre l’appelle pour lui apprendre qu’il est atteint d’une forme rare de cancer, que les médecins lui ont suggéré quelques traitements sans toutefois lui laisser trop d’espoir. Comment Pierre réagit-il? Comment s’exprime-t-il lorsqu’il annonce cette nouvelle à Marie, sa conjointe?
Question B :Réaction la plus appropriée
Question A :Réaction de Pierre
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
SITUATION 2Pierre et Marie ont planifié depuis quelques mois des vacances seuls tous les deux. Ils se donnent rendez-vous après le travail pour acheter les billets d’avion. Ils s’étaient retrouvés pour la même
raison la semaine précédente, mais lorsque Marie était arrivée, avec une heure de retard, l’agence de
voyage était fermée. Cette fois encore, Marie est en retard de plus de 30 minutes. Elle arrive
finalement, mais apprend à Pierre qu’une urgence la retiendra au bureau aux dates prévues pour le
voyage et qu’elle ne pourra donc pas partir avec lui. Comment réagit-il?
Question A : Question B :Réaction de Pierre Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
SITUATION 3
Lors d’une soirée, Pierre s’aperçoit que Marie, sa conjointe, semble vivement intéressée par un de ses collègues. Plus la soirée avance, plus cela devient clair aux yeux de Pierre que Marie flirte avec ce collègue. Son agacement augmente lorsqu’il s’aperçoit qu’un de ses amis observe le jeu de Marie. Quand Pierre et Marie se retrouvent seuls, comment Pierre réagit-il?
Question B :Réaction la plus appropriée
Question A :Réaction de Pierre
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
SITUATION 4
Marie vient de se disputer avec sa mère au téléphone. Cette situation, très fréquente dernièrement, la tracasse et la rend triste. En raccrochant, elle se tourne vers Pierre, son conjoint, et se met à pleurer.Question A : Comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 5Un collègue de Pierre appelle ce dernier et l’assure qu’il a vu sa conjointe, Marie, en train d’embrasser un autre homme. Quand Marie revient à la maison en fin de journée et qu’ils se retrouvent seuls tous les deux, comment Pierre réagit-il?
Question A : Question B :Réaction de Pierre Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
SITUATION 6Marie apprend par un voisin que le chat de Pierre vient de se faire écraser par une voiture. Elle rentre à la maison et annonce la nouvelle à Pierre. Comment réagit-il?
Question A : Question B :Réaction de Pierre Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
SITUATION 7
Pierre et Marie reviennent d’une soirée entre amis, qui semble s’être bien déroulée.
Pourtant, quelques minutes après qu’ils sont rentrés à la maison, Marie apostrophe Pierre
en l’accusant de s’être amusé à flirter avec une autre femme pendant une bonne partie de la
soirée.
Question A : Comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 8
Au cours d’un repas, Pierre et Marie discutent et leurs opinions divergent franchement. Le
ton de Marie est de plus en plus catégorique, intransigeant, voire méprisant et Pierre se
retrouve constamment acculé au pied du mur, frustré de ne pouvoir s’exprimer comme il le
souhaite. Finalement, Marie met brutalement fin à la discussion, disant à Pierre qu’il ne sert
à rien de parler avec lui. Comment réagit-il?
Question B :Réaction la plus appropriée
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
Question A :Réaction de Pierre
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
SITUATION 9
Marie revient furieuse du travail. Elle entre dans la maison en claquant la porte et raconte à Pierre ce qui lui arrive : on vient de lui annoncer que, suite à une promotion, une de ses collègues moins qualifiée qu’elle deviendra sa patronne!Question A : Comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 10
Alors que Pierre ne s’y attendait pas du tout, Marie lui annonce qu’elle a rencontré un autre homme et qu’elle le quitte. Comment réagit-il?
Question B :Réaction la plus appropriée
Question A :Réaction de Pierre
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
CATÉGORIE ÉNONCÉ
1
2
3
4
5
6
Question C
Diriez-vous, d’après la description que vous venez de faire, que Pierre réagit de façon émotive?
Pourquoi?
LISTE D ÉNONCÉS
QUESTIONNAIRE SUR LES COMPORTEMENTS
EMOTIONNELS MASCULINS
Pour chaque situation, choisissez un énoncé à l’intérieur de chacune des catégories suivantes :
CATÉGORIE 1 : discours
(a) Il est silencieux(b) Il parle d’autres choses(c) Il tente de trouver des solutions(d) Il parle de la situation, sans émotion(e) Il parle de ses émotions(f) Il demande si elle comprend(g) Il fait des reproches(h) Il répète sans cesse les mêmes choses, sans pouvoir s’arrêter
CATÉGORIE 2 : voix
(a) Il est silencieux(b) Sa voix est normale, comme à l’habitude(c) Sa voix tremble un peu(d) Sa voix est presque inaudible(e) Sa voix est plus forte qu’à l’habitude(f) Il crie à quelques reprises(g) Il crie de façon incontrôlable
CATÉGORIE 3 : larmes
(a) Il ne semble pas triste et ne pleure pas(b) Il semble triste, mais ne pleure pas(c) Il a les yeux pleins d’eau(d) Les larmes coulent sur ses joues(e) Il pleure sans retenue(f) Il sanglote
CATÉGORIE 4 : attitude générale
(a) Son attitude est agressive(b) Son attitude est froide, distante(c) Il s’isole(d) Il boude(e) Il agit de façon impulsive(f) Il devient susceptible, réagit au moindre commentaire(g) Il est assommé(h) Il est effondré(i) Il cherche à s’occuper(j) Il est calme
CATÉGORIE 5 : qualité des émotions
(a) Il est en contrôle(b) Il dédramatise(c) Il a de la difficulté à faire face(d) Il perd le contrôle
CATÉGORIE 6 : réaction générale(a) Il est indifférent, détaché(b) Il reste calme, rationnel(c) Il se sent démuni(d) Il est confus, ses idées s’embrouillent(e) Ses émotions sont confuses, très intenses(f) Ses émotions sont excessives
ANNEXE 4
Questionnaire masculin ouvert
QUESTIONNAIRESUR LES
COMPORTEMENTS ÉMOTIFS
FÉMININS ET MASCULINS
Informations
Titre de l’étude : Les représentations sociales des comportements émotifs
féminins et masculins
Le but de cette étude est de vérifier quels sont les comportements émotifs (ou
réactions émotives) que l’on associe plutôt aux femmes et ceux que l’on associe plutôt
aux hommes. Votre participation à ce projet est anonyme : il n’est donc pas nécessaire
d’inscrire votre nom sur le questionnaire.
Nous vous demandons de répondre d’abord à quelques questions générales
vous concernant (données sociodémographiques) et ensuite au « questionnaire des
comportements émotifs masculins » OU au « questionnaire des comportements émotifs
féminins » (selon le questionnaire que vous aurez reçu). Il n’y a pas de bonnes ou de
mauvaises réponses. Votre participation à cette étude contribuera à l’amélioration des
connaissances concernant les attitudes et préjugés qui sous-tendent les relations
hommes-femmes dans la société québécoise.
Si vous avez des questions concernant ce projet, vous pouvez en tout temps
contacter l’étudiante responsable de l'étude au numéro de téléphone indiqué plus bas.
Merci de votre précieuse collaboration.
Superviseur :
Marguerite Lavallée, Ph.D.
Tél. : (418) 656-2131, poste 3067
Responsable :
Annie Marchildon
Étudiante à la maîtrise en psychologie
Tél. : (418) 656-2131, poste 15914
DONNÉES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
1) Sexe : F Q M ¡ |
2) Date de naissance : ____________________
Âge :______________________________
3) Lieu de naissance : _________________________________
Si né(e) hors du Canada :
Depuis combien de temps résidez-vous au Canada ?
4) Langue maternelle : ______________________________
5) Domaine d’étude : _________________________________
6) Profession des parents :
Père :_________________
Mère :____________
QUESTIONNAIRE SUR LES COMPORTEMENTS ÉMOTIONNELS
MASCULINS
Consigne
Pour chaque situation présentée :
1) Lisez l’énoncé de la situation.
2) Répondez aux questions suivantes :
Question A : Décrivez ce qui serait, d’après vous, une réaction « typiquement masculine » à
cette situation. La description que vous ferez peut toucher plusieurs niveaux; concentrez-vous
surtout sur le niveau émotif.
Question B : Décrivez les réactions qui seraient, d’après vous, plus appropriées pour la
situation.
3) Répondez à la Question C
PRENEZ VOTRE TEMPS ET ASSUREZ-VOUS DE FOURNIR UNE RÉPONSE POUR
CHAQUE SITUATION.
SITUATION 1
Le plus jeune frère de Pierre l’appelle pour lui apprendre qu’il est atteint d’une forme rare de
cancer, que les médecins lui ont suggéré quelques traitements sans toutefois lui laisser trop
d’espoir.
Question A : Comment Pierre réagit-il? Comment s’exprime-t-il lorsqu’il annonce cette nouvelle à
Marie, sa conjointe?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 2
Pierre et Marie ont planifié depuis quelques mois des vacances seuls tous les deux. Ils se donnent rendez-vous après le travail pour acheter les billets d’avion. Ils s’étaient retrouvés pour la même raison la
semaine précédente, mais lorsque Marie était arrivée, avec une heure de retard, l’agence de voyage était fermée. Cette fois encore, Marie est en retard de plus de 30 minutes. Elle arrive finalement, mais apprend
à Pierre qu’une urgence la retiendra au bureau aux dates prévues pour le voyage et qu’elle ne pourra donc pas partir avec lui.
Question A : Comment réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 3
Lors d’une soirée, Pierre s’aperçoit que Marie, sa conjointe, semble vivement intéressée par un
de ses collègues. Plus la soirée avance, plus cela devient clair aux yeux de Pierre que Marie
flirte avec ce collègue. Son agacement augmente lorsqu’il s’aperçoit qu’un de ses amis observe
le jeu de Marie.
Question A : Quand Pierre et Marie se retrouvent seuls, comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 4
Marie vient de se disputer avec sa mère au téléphone. Cette situation, très fréquente
dernièrement, la tracasse et la rend triste. En raccrochant, elle se tourne vers Pierre, son
conjoint, et se met à pleurer.
Question A : Comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 5
Un collègue de Pierre appelle ce dernier et l’assure qu’il a vu sa conjointe, Marie, en train
d’embrasser un autre homme.
Question A : Quand Marie revient à la maison en fin de journée et qu’ils se retrouvent seuls tous les
deux, comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 6
Marie apprend par un voisin que le chat de Pierre vient de se faire écraser par une voiture. Elle
rentre à la maison et annonce la nouvelle à Pierre.
Question A : Comment réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 7
Pierre et Marie reviennent d’une soirée entre amis, qui semble s’être bien déroulée. Pourtant,
quelques minutes après qu’ils sont rentrés à la maison, Marie apostrophe Pierre en l’accusant
de s’être amusé à flirter avec une autre femme pendant une bonne partie de la soirée.
Question A : Comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 8
Au cours d’un repas, Pierre et Marie discutent et leurs opinions divergent franchement. Le ton
de Marie est de plus en plus catégorique, intransigeant, voire méprisant et Pierre se retrouve
constamment acculé au pied du mur, frustré de ne pouvoir s’exprimer comme il le souhaite.
Finalement, Marie met brutalement fin à la discussion, disant à Pierre qu’il ne sert à rien de
parler avec lui.
Question A : Comment réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 9
Marie revient furieuse du travail. Elle entre dans la maison en claquant la porte et raconte à
Pierre ce qui lui arrive : on vient de lui annoncer que, suite à une promotion, une de ses
collègues moins qualifiée qu’elle deviendra sa patronne!
Question A : Comment Pierre réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
SITUATION 10
Alors que Pierre ne s’y attendait pas du tout, Marie lui annonce qu’elle a rencontré un autre
homme et qu’elle le quitte.
Question A : Comment réagit-il?
Question B : Quelles réactions seraient plus appropriées à la situation?
Question C
Diriez-vous, d’après la description que vous venez de faire, que Pierre réagit de façon émotive?
Pourquoi?