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« Ne fait pas de bruit en mangeant ! » L'alimentation, fait social total
Hervé Polesi
CROQ’PLAISIR Mulhouse 27 septembre 2012
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Sociologie / Anthropologie
• En général : comprendre comment les humains vivent ensemble.
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Sociologie / Anthropologie
• En général : comprendre comment les humains vivent ensemble.
• Aujourd’hui : que veut dire manger et comment mangeons-nous ?
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L’ALIMENTATION POUR TOUS TOUS MANGEURS
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Convaincre avec des chiffres
• Environ 100 000 prises alimentaires dans une vie.
• 500 tonnes de nourriture – hors boisson.
• Entre 40 000 et 60 000 heures.
• Spéciale dédicace aux femmes qui se consacrent au travail domestique : 45 000 à 60 000 heures de préparation - hors courses, vaisselle, etc.
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Une vieille préoccupation
Qu’est-ce qu’on mange demain ?
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Une vieille préoccupation
• Le souci du lendemain :
– Mobilités des chasseurs cueilleurs, des éleveurs nomades
– Enjeux des techniques de conservation
– Pratiques alimentaires spécifiques
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le pain à la cantine
• Le pain est une assurance qui permet à coup sûr de ne pas ressortir le ventre vide.
• La masse de pain jetée se réduit considérablement lorsque la peur de manquer disparaît.
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Une autre problématique
Qu’est-ce que nous pouvons manger ?
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Une autre problématique
• Premier enjeu : le sacré
– Tabou : prohibition à caractère « sacré » dont la transgression entraîne un châtiment surnaturel.
– Le tabou peut être temporaire ou fondamental.
– Logique du pur et de l’impur.
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Une autre problématique
• Deuxième enjeu : la comestibilité
– Par nature : exemple du manioc
– Par traitement : vache folle, OGM, le concombre tueur espagnol, etc.
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Manger, ce n’est pas rien
• La nourriture passe une frontière corporelle importante et entre en nous.
• Ce que nous mangeons devient nous.
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Les contradictions de l’humanité
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La consommation ostentatoire
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Ce que nous mangeons à du sens
• Suivons Sylvie Sanchez dans son travail (1995) sur l’arrivée de Pizza Hut en France.
• Diverses difficultés…
• Mais surtout un paradoxe majeur…
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Goût et dégoût
La Pizza Pan
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Goût et dégoût
La Cheesy Crust
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Pourquoi ?
Pizza Pan versus Cheesy Crust
Vs.
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Ce dont « pizza » est le nom
• La « Cheesy Crust », c’est pas pareil que le reste. D’abord, c’est pas une pizza.
• Vous croyez ?
• Ah, sûr ! Le bord là avec le fromage dedans ça se fait pas pour une pizza… et puis c’est pas marqué « une pizza Cheesy Crust ».
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Le plantage intégral
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Que retenir de cela ?
• L’alimentation ne saurait se réduire à du comestible.
• Des enjeux importants d’identité peuvent être mobilisés.
• La pizza napoletana non ha inventori, non ha padri, non ha padroni, ma è il frutto della genialità del popolo napoletano.
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Manger ensemble
• L’alimentation est un comportement partagé au sein d’un groupe.
• Normes et habitudes : des exemples plein les poches au niveau des nations, ou de groupes encore plus larges.
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Manger ensemble
• Manger à table ou au sol ?
• Des portions individuelles ou collectives ?
• Des couverts, des baguettes, les mains ?
• Faire du bruit ou non ?
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Diversité Toujours
« L’art de boire et de manger reste sans doute un des seuls terrains sur lesquels les classes populaires s’opposent explicitement à l’art de vivre légitime. »
Pierre Bourdieu, La Distinction, p. 200
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L’alimentation : marqueur de classe
• La place des légumes cuits à la vapeur, le poisson, etc.
• Les manières de table
• Des références mouvantes dans le temps mais toujours avec une fonction de discrimination.
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Le bento
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Le bento
« Les Japonaises passent de 25 à 45 minutes chaque jour à préparer le bentō de leur enfant. Celui-ci sera scruté par l’enseignante et les autres femmes, qui jugeront à cette aune de la qualité de la mère. »
Anne Allison, Books, 29 juin 2011
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Multiplicité des situations
• La ré-organisation alimentaire après la retraite.
• Les repas de famille (pensez à Festen).
• Les repas comme moment transgressif possible…
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Transgression des normes
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Gastro-anomie
• Claude Fichler, L'Homnivore, 1990
• Trois phénomènes à l’œuvre en France : – surabondance alimentaire
– baisse des contrôles sociaux
– multiplication des discours sur l’alimentaire
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ENFANCE, ADOLESCENCE JEUNES MANGEURS
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Quel groupe social ?
• Entre les enfants, les pré-adolescents ou adonaissants, les jeunes adultes, les adulescents, les adultes…
• Pas une culture alimentaire adolescente ou enfantine, mais des identifications plurielles.
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Questions de frontières
• Dehors / Dedans
– Géographie des pratiques alimentaires
• Enfance / Age adulte
– Diversité des pratiques
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Question de frontières
• Sophie, 15 ans : « Parfois, quand j’invite [ma copine préférée] à la maison, on fait des mousses au chocolat et on va s’en mettre plein la figure, bon ça c’est classique. On goûte de temps en temps de l’alcool pour s’amuser […] Il faut d’abord que les parents ne soient pas à la maison […] après on s’achète une bouteille de bière avec de la vodka ou une bouteille de « Desperados » et on la boit toutes les deux. »
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Frontières toujours
• « Le lait, c’est trop la loose »
• « C’est un truc de bébés »
• Sauf en fin de soirée, en retour de fête, dans l’intimité de la chambre…
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Le grignotage
« Les dérapages à la norme alimentaire sont des apprentissages : en négatif (ceci n’est pas un « vrai » repas), par opposition (le cru versus les petits plats bien mijotés), par imitation ludique (les dînettes) ou par des « exceptions ritualisées » (la viennoiserie à la sortie de l’école) »
N. Diasio
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Le jeu
• Pour de vrai, les enfants distinguent les aliments-jeu du jeu avec les aliments.
• Deux fonctions différentes :
– Le marqueur identitaire
– L’apprivoisement alimentaire
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Le marqueur identitaire
« Les enfants aiment bien les trucs où il y a des jouets. Et puis aussi les trucs au chocolat et puis les trucs chimiques… Ma maman a dit toujours qu’y a que les enfants pour aimer les trucs chimiques […] comme les glaces au schtroumpf ou les bonbons qui piquent! »
Lise, 10 ans, interrogée par N. Diasio
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Des glaces au sCHtroumpf ?
• Quel est le goût d’un schtroumpf ?
• « Il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger encore faut-il qu’il soit bon à penser. »
C. Lévy-Strauss
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L’apprivoisement alimentaire
« Les potimarrons j’en mange jamais, mais des fois j’aime bien les décorer et après après après, on les mange. »
Caroline, 9 ans, interrogée par N. Diasio
« On va prendre des trucs à manger et on va les décorer. »
Marie, 10 ans
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Sans jeu de mots
• Le jeu permet d’affirmer un « je ».
• Par les multiples ressources qu’offre l’alimentation, il est possible de poser le rattachement à différents cercles sociaux.
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Objectif : beauté
• La crainte du surpoids.
• Recherche de l’assainissement du corps : fruits, salades et… yaourt Activia
• La magie du poulet…
• La crainte du gras…
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L’importance du visuel
• Matthieu, 15 ans
« Rien qu’à l’aspect, ça ne donne pas envie, ça ne ressemble à rien, tu ne sais pas ce qu’il y a dans ton assiette. Déjà, ça dégouline de partout et puis surtout la texture de la viande est dégeulasse, regarde là on voit des morceau de graisse c’est affreux. »
… au sujet d’une assiette d’agneau aux flageolets.
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Les mots-pouvoir du visuel
Gluant & Gélatineux
…tout l’enjeux de pouvoir identifier les choses
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La réception des injonctions alimentaires
• Message bien reçu…
• Mais renvoyé à ses incohérences
• Et peu mis en pratique.
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ALIMENTATION ET SACRÉ UNE IMBRICATION QUI VA DE SOI
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Us et coutumes
Où acheter du pain (frais ou non) pendant le repos dominical en Alsace ?
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Toujours une histoire de pain
• Que signifie le geste consistant à tracer une croix sur le pain avant de le couper ?
• Est-ce un geste religieux ?
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L’étiquette halal
• La famille est le premier cadre de socialisation.
• Transmission du système de valeurs pur/impur.
• Le Halal s’inscrit dans ce système, sans le résumer.
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L’étiquette halal
• La famille est le premier cadre de socialisation.
• Transmission du système de valeurs pur/impur.
• Le Halal s’inscrit dans ce système, sans le résumer.
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Amalgames et confusions
• « Pourquoi tu n’a pas mangé le steak haché à la cantine ?
• J’aime pas le porc. »
• « Le porc il devient halal si tu l’égorge en disant « bismillah » ? »
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Amalgames et confusion
• Sabrina, 16 ans « Je préfère crever de faim que de manger du porc »
• Sourate 2 verset 173
« Certes, Il vous a interdit la chair d'une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué, un autre que dieu. Il n'y a pas de péché pour celui qui est contraint sans toutefois abuser ni transgresser, car dieu pardonne et est miséricordieux »
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Le halal comme facteur d’intégration
• Entre la cuisine traditionnelle et la cuisine « française ».
• Label d’acceptabilité.
• Fatima, 16 ans
« J’aime bien les plats français, je suis Française, ce n’est pas comme mes parents. »
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Le halal comme facteur d’intégration
• Fatima, 16 ans
« Je comprends que mes parents se rattachent à leurs traditions et revendiquent leur origine […] mais moi qui suis née en France, je ne m’identifie pas à ces plats ».
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Expériences alimentaires
• Rachid, 21 ans
« […] et alors j’ai servi des spaghettis carbonara à mes parents et à mes frères. C’était 1789 dans la salle à manger !»
Communication personnelle
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CONCLUSION ?
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De l’espoir…
• Faillite prévisible des modèles injonctifs ou simplement « éducatifs ».
mais
• Indubitable plasticité des pratiques alimentaires collectives et individuelles.
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MERCI DE VOTRE ATTENTION
Ce diaporama sera prochainement disponible sur notre site internet.
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