Post on 15-Apr-2017
Hélène Roudier de Lara Paris le 5 octobre 2016
Professeur agrégée de Philosophie
Paris
Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République, François Hollande
Monsieur le Président de la République,
En tant que citoyenne française, je me permets aujourd’hui de vous interpeller
vigoureusement sur un sujet qui me tient à cœur, celui de la prochaine visite du Président de la
Fédération de Russie, Vladimir Poutine, pour inaugurer le 19 octobre son « Centre spirituel et
culturel orthodoxe » que lui avait « octroyé » M. François Fillon, alors Premier Ministre du
Président Nicolas Sarkozy.
Depuis votre élection, comme tant d’autres, je n’ai pas approuvé le tout de votre politique,
cependant vous avez mené une excellente politique sur des points essentiels : la protection de
la laïcité et de la liberté d’expression, la clarté et la rigeur en matière d’attentats islamistes, de
lutte contre le racisme et l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, pour la politique intérieure.
S’agissant de la politique étrangère, vous avez logiquement poursuivi cette politique
« intérieure », aussi bien en Afrique qu’en Syrie, en combattant le terrorisme islamiste et les
dictatures, et votre première idée d’intervenir assez tôt au début de la guerre civile syrienne
était la bonne, même s’il est compréhensible que la France ne puisse assumer à elle seule une
intervention aussi périlleuse.
Enfin, s’agissant de la politique française face à l’agression du régime de V. Poutine
contre l’Ukraine, j’ai admiré la décision courageuse que vous avez prise de ne pas livrer les
Mistrals à un régime qui venait de violer au moins 6 Traités internationaux signés par la Russie,
et pas des moindres1, en volant la Crimée à l’Ukraine. De même vous avez constamment
1 Pour mémoire, je rappelle ces 6 Traités : 1°) L'article 2, §4 de la Charte de l'ONU. 2°) La Charte issue de
la Conférence d'Helsinki (1er août 1975), Art I, §2. 3°) Le Traité de Londres de 1949 définissant les statuts
du Conseil de l’Europe auquel la Russie a adhéré en 1996. 4°) Le Mémorandum de Budapest de 1994,
soutenu la politique de sanctions décidée à la suite de cette honteuse annexion à laquelle s’est
ajoutée l’intervention dans le Donbass et, les preuves viennent d’en être établies, l’implication
de la Russie dans la destruction du vol MH117, implication qui à elle seule mériterait d’interdire
à V. Poutine de mettre les pieds sur le sol français. On ne peut qu’imaginer, dans ces conditions,
qu’en tant que Président de la France ayant compris à quel point la France ne saurait se passer
de l’Europe, sous peine d’être vassalisée, et quelles que soient les critiques qu’on pourrait
adresser à ladite UE, vous aviez discerné que la politique de V. Poutine n’avait jamais eu d’autre
but que de détruire l’UE, tant par sa politique syrienne que par sa politique ukrainienne.
Souvenez-vous, Monsieur le Président de la République, c’est sous la pression de V. Poutine
que l’ancien Président V.Ianoukovitch renonça à signer en novembre 2013 à Vilnius les accords
politique et économique entre l’Ukraine et l’UE, déclenchant ainsi la révolution du Maïdan qui
aboutit à l’élection anticipée d’un nouveau président et d’une nouvelle Rada, les deux élections
ayant montré que l’immense majorité des Ukrainiens approuvaient cette orientation
européenne.
Alors, que vient faire ce Monsieur Poutine en France ? Comment pouvez-vous le
recevoir ? Qu’un représentant de la Fédération de Russie soit présent pour cette inauguration,
je ne le conteste pas, bien qu’une inauguration en « grande pompe » d’un tel centre, qui mêle
de manière indiscernable religion et culture, paraisse bien problématique.
Monsieur le Président de la République, en recevant ce Monsieur Poutine, vous allez à
l’encontre de toute votre politique passée, de la politique européenne des sanctions que vous
soutenez, vous prenez le parti de vos adversaires politiques les plus notoires, à droite, à
l’extrême droite et à l’extrême gauche, qui se féliciteront de cette nouvelle « frappe
idéologique » contre l’Europe et l’avenir de mon pays bien aimé, la France. Vous sciez une des
branches sur laquelle vous êtes assis. Comment les électeurs français pourraient-ils s’y
garantissant les frontières de l’Ukraine, Crimée comprise, signé par la Fédération de Russie, les USA et la
GB, nations rejointes ultérieurement par la Chine et la France. 5°) L'accord d'amitié signé entre la Russie et
l'Ukraine le 31 mai 1997 et qui mettait spécifiquement l'accent sur le respect des frontières. 6°) L'accord
bilatéral entre l’Ukraine et la Russie sur la présence de la flotte russe en Crimée, signé le 28 mai 1997 et
renouvelé en 2010, qui organisait la répartition des navires de l'ex-URSS contre un dédommagement de 526
millions $, confirmait l'appartenance à l'Ukraine de ce territoire dont les facilités navales étaient louées à la
Russie, contre un loyer annuel de 97 millions $, et précisait les conditions de stationnement des troupes russes
(25 000 hommes, 132 véhicules blindés, 24 pièces d'artillerie).
retrouver demain, si le meilleur héraut de l’Europe, légitime ainsi ses plus redoutables
adversaires ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de mes
sentiments patriotiques et républicains.
PS. Je joins à cette lettre une photo de Kiev datant de quelques jours, qui montre, en hommage
aux morts du Maïdan, que l’Ukraine continue de vivre non seulement à l’heure ukrainienne
mais à l’heure européenne.