Post on 17-Aug-2020
La part du secteur lucratif dans les services à la personne
Licence professionnelle Services à la personne - Parcours : Ingénierie des services d'aide
à domicile
Sarah SOURISSEAU 2018 - 2019
Remerciements
Ce mémoire est le fruit d’un travail de longue haleine, mené tout au long de cette
année de formation.
Je tiens ainsi à remercier l’ensemble de l’équipe éducative de la licence
professionnelle service à la personne de l’Université Paris Descartes, qui m’a donné
l’opportunité d’accéder à des enseignements riches et de qualité. J’ai une pensée particulière
pour Mme Nathalie COUTINET qui a été notre référent en ce qui concerne le suivi des élèves
de la classe dans la réalisation des mémoires. Ces conseils nous ont été précieux.
Mes remerciements s’adressent également à l’équipe professionnelle de la structure
dans laquelle je réalise mon alternance, plus précisément envers ma tutrice et la responsable
d’agence m’ayant recrutée un an auparavant. Sans elles, ce travail n’aurait pas vu le jour.
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................ 1
1 Un secteur longtemps dominé par l’Économie Sociale et Solidaire .................................. 4
1.1 Historique de l’Économie Sociale et Solidaire ............................................................ 4
1.1.1 L’économie sociale .............................................................................................. 4
1.1.2 L’économie solidaire ............................................................................................ 5
1.1.3 L’entreprenariat social .......................................................................................... 6
1.1.4 La reconnaissance de l’Économie sociale et solidaire ......................................... 6
1.2 Évolutions et montée des entreprises ........................................................................... 8
1.2.1 L’entrée sur le marché des entreprises lucratives ................................................. 8
1.2.2 La diminution des structures non lucratives ....................................................... 10
1.2.3 Le segment d’accompagnement et d’assistance d’un point de vue économique 12
1.3 Entreprise et éthique .................................................................................................. 13
1.3.1 Les valeurs et les représentations sociales des entreprises ................................. 13
1.3.2 L’agrément « Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale » ....................................... 16
2 L’organisation des entreprises et ses conséquences sur le public et les salariés .............. 21
2.1 Une organisation en externe et en interne ................................................................. 21
2.1.1 Les entreprises représentées par des entités sur le marché et soutenues en
interne… ........................................................................................................................... 21
2.1.2 Une organisation interne différente pour ceux n’ayant pas de soutien extérieur . 24
2.2 Les conséquences du lucratif sur les publics fragiles et l’équipe professionnelle ..... 26
2.2.1 Un accompagnement presque identique ............................................................. 26
2.2.2 Une vie professionnelle différente selon le statut .............................................. 28
2.2.3 L’impact pour le gestionnaire ............................................................................ 32
Conclusion ................................................................................................................................ 34
Bibliographie ............................................................................................................................ 36
Annexe ....................................................................................................................................... 1
1
Introduction
Depuis plus d’un siècle, notre société s’est largement modernisée et dans différents
domaines tels que les transports, les technologies informatiques, les énergies, la médecine…
ce qui a conduit à une amélioration générale des conditions de vie de la population. Celle-ci
est en particulier caractérisée par l’ensemble des progrès médicaux et sociaux, avec la
découverte de nouveaux moyens de prévention, de traitement mais également par la création
de la Sécurité Sociale en 1945. Ainsi, on note une augmentation de l’espérance de vie qui est
passée d’environ 45 ans fin XIXème siècle à 70 ans en 19601, 15 ans après la création de la
sécurité sociale. En 2018 elle est de 78,4 ans pour les hommes, 84,8 ans pour les femmes2.
Elle devrait encore progresser jusqu’en 2060, selon les estimations de l’Institut National de la
Statistique et des Études Économiques (INSEE).
Doublée d’une baisse de la natalité3, cette avancée considérable a pour conséquence un
vieillissement de la population. Nous comptons aujourd’hui environ 15 millions de personnes
âgées de plus de 60 ans4, ce qui correspond à 25,3% de la population en 20175. Les pouvoirs
publics ont donc développé des mesures afin d’accompagner ce public, notamment dans le
domaine de la dépendance. Celle-ci constitue une problématique sociale tant par la difficulté
de repérer les personnes concernées, souvent isolées, par le financement de la prise en charge,
par l’accès à un établissement d’accueil que par l’épuisement de l’entourage. C’est dans ce
cadre que la loi d’Accompagnement de la Société au Vieillissement, dite ASV, a été votée en
2015. Elle tend à répondre à ces difficultés et à favoriser le maintien à domicile des personnes
âgées.
Pour ce dernier point, le public peut s’appuyer sur les structures de Service À la
Personne (SAP). Le secteur des SAP est un secteur récent et encore en pleine mutation. Il
1 C. BEC, dans le film La Sociale, à la 48ème minute, visionné le 8/02/2019 2 Ministère des Solidarités et de la Santé, Personnes-âgées : les chiffres clés, mis à jour le 02/03/2018, consulté le
30/03/2019, disponible à l’adresse suivante : https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/loi-relative-a-l-adaptation-
de-la-societe-au-vieillissement/article/les-chiffres-cles 3 INSEE, Bilan démographique 2018, Figure 2 - Évolution du nombre de naissances, de décès et du solde naturel
depuis 1957, mis en ligne le 15/01/2019, consulté le 30/03/2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3692693 4 Ministère des Solidarités et de la Santé, Personnes-âgées : les chiffres clés, mis à jour le 02/03/2018, consulté le
30/03/2019, disponible à l’adresse suivante : https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/loi-relative-a-l-adaptation-
de-la-societe-au-vieillissement/article/les-chiffres-cles 5 INSEE, Personnes âgées dépendantes, Figure 4 – Proportion des personnes âgées de 60 ans ou plus dans l'UE
en 2017, mis en ligne le 26/03/2019, consulté le 30/03/2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676717?sommaire=3696937&q=service+%C3%A0%20la+personne
2
désigne l’ensemble des activités réalisées au domicile d’un particulier ou dans
l’environnement de son domicile, sous le mode prestataire ou mandataire6. Le mode
prestataire consiste à facturer le client pour les prestations réalisées à son domicile par un
salarié de l’organisme tandis que dans le mode mandataire, le client est employeur du salarié
et l’organisme réalise la gestion administrative (bulletin de paie, déclaration à l’URSSAF…)7.
Nous comptons ainsi 26 activités définies dans l’article D.7231-1 du Code du Travail :
ce sont par exemple les activités de garde d’enfants, d’assistance aux personnes âgées ou
dépendantes, ou d’entretien ménager (Cf. Annexe). Les personnes âgées constituent les
principaux bénéficiaires de ces services : en 2016, 49,1% des heures rémunérées en mode
prestataire étaient des heures d’aide aux personnes âgées, et 51,3% pour le mode mandataire8.
Longtemps dominé par des établissements non lucratifs (publics ou associatifs), le
secteur des SAP voit une augmentation continue du nombre d’entreprises privées sur le
marché. En effet, entre 2015 et 2016, nous observons une augmentation de 6% d’entreprises
privées (dont 4,4% hors micro-entrepreneurs). Plus précisément, nous remarquons également
que le public des personnes âgées est principalement accompagné par des organismes publics
et associatifs (65% de leur activité), mais que cette part a diminué de 6 points entre 2010 et
2016. A contrario, nous observons une part croissante des entreprises privées dans
l’accompagnement des personnes âgées (+6,5 points entre 2010 et 2016)9. Ce constat, fait sur
le mode prestataire est similaire au mode mandataire. Il concerne à la fois les personnes âgées
mais aussi les personnes en situation de handicap.
Comment expliquer cette évolution ? Quel est l’avenir des structures non-lucratives
dans le secteur des SAP ? Est-il possible de faire du profit avec un public fragile ? Quelle est
la place de l’éthique ? Le fonctionnement diffère-t-il vraiment entre un établissement lucratif
et un non-lucratif ? Concrètement, y a-t-il une différence pour le public accompagné ? Pour
les salariés ?
6 Ministère du travail, DARES Résultats n°017, avril 2018, Les services à la personne en 2016. 7 Ministère de l’économie et des finances, l’essentiel des services à la personne, Les organismes de service à la
personne, modifié le 13 juin 2018, consulté le 4 juin 2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.entreprises.gouv.fr/services-a-la-personne/organismes 8 Ministère du travail, DARES Résultats n°017, avril 2018, Les services à la personne en 2016, Tableaux 3 et 5. 9 Ministère du travail, DARES Résultats n°017, avril 2018, Les services à la personne en 2016, Tableaux 2.
3
Nous pouvons ainsi poser la problématique suivante :
Quels sont les enjeux de l’arrivée des entreprises lucratives dans le secteur des SAP ?
Ce mémoire sera particulièrement ciblé sur les entreprises proposant les services
prestataires et mandataire. Le cas des entreprises Micro-Entrepreneurs ne sera pas étudié car
un Micro-Entrepreneur est une personne travaillant en autonomie et sans équipe. Il est alors
difficile voire impossible d’établir des comparaisons avec des structures plus importantes et
plus visibles sur le marché des SAP. Il est donc plus pertinent de s’intéresser aux organismes
de service à la personne ayant des stratégies en terme de politique salariale, commerciale et de
la qualité des prestations.
À travers cet écrit, nous étudierons l’évolution du secteur des services à la personne en
cherchant à expliquer la croissance des entreprises lucratives, dans un secteur longtemps
dominé par l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Nous aborderons également l’aspect
éthique des entreprises en analysant leurs valeurs et en tentant de comprendre comment le
statut lucratif est perçu dans le champ des SAP.
Enfin, nous expliciterons le fonctionnement des entreprises privées et les enjeux que
cela comporte au niveau de la stratégie commerciale. Nous cherchons par ailleurs à identifier
d’éventuelles distinctions entre les sociétés et les établissements non lucratifs en ce qui
concerne les relations avec les partenaires sociaux et médico-sociaux, l’accompagnement des
personnes dépendantes, la vie professionnelle des salariés. Nous tenterons alors de déterminer
s’il vaut mieux être client ou bénéficiaire d’un service privé ou non.
4
1 Un secteur longtemps dominé par l’Économie Sociale et Solidaire
Le secteur des SAP est majoritairement dominé par le recours à l’emploi direct, c'est-
à-dire lorsque le particulier est employeur de l’intervenant à domicile. Ce mode représente
56% des heures rémunérées de service à la personne en 2016, malgré une diminution
constante depuis 201110. Jusqu’en 1996, date à partir de laquelle les entreprises lucratives ont
pu entrer sur le marché11, les services pouvaient également être proposés par des organismes
publics et associatifs. Ce dernier statut appartient au secteur de l’ESS. De manière générale, le
secteur de l’ESS représente 10% du Produit Intérieur Brut (PIB) et 12,7% de l’emploi privé. Il
connait une croissance de 23% sur ces dix dernières années12. Comment expliquer alors
l’augmentation du nombre d’entreprises privées lucratives dans les SAP ?
1.1 Historique de l’Économie Sociale et Solidaire
Le terme « ESS » provient à la fois de l’économie sociale, de l’économie solidaire et
de l’entreprenariat social. Il s’agit de trois courants de pensée qui se sont développés au court
de l’histoire.
1.1.1 L’économie sociale
L’économie sociale tire ses origines de la révolution industrielle. À cette époque, la
société connait un bouleversement économique (migration vers les villes, pénibilité de
travail...). Malgré une solidarité chrétienne présente, la population doit faire face à tous ces
changements et se mobilise pour créer une nouvelle forme d’entraide et s’organise afin de
subvenir à ses besoins. L’économie sociale est donc issue de l’idée de réduire les inégalités et
d’inventer un nouveau modèle économique, plus équitables afin de contrer les mauvaises
conséquences de la révolution industrielle. Charles GIDE, économiste et théoricien de
l’économie sociale, propose ainsi une définition : « l’économie sociale est un système qui
serait guidé non par les profits mais par les besoins et non par le capital mais par le
travail »13.
10 Ministère du travail, DARES Résultats n°017, avril 2018, Les services à la personne en 2016, graphique 1. 11 J-N. LESELLIER, Les services à la personne, comment ça marche ? 2009 2ème édition, page 9 12 LACROIX G. et SLITINE R., Que sais-je ? ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, Concilier profit et
solidarité, Presse Universitaire de France, Edition 2016, page 3. 13 Op.cit page 9
5
Même si la loi Chapelier interdit jusqu’en 1884 les organisations ouvrières et toutes
formes de rassemblements, certaines initiatives sociales ont vu le jour14. Les premières
structures de l’économie sociale ont été les caisses de secours mutuelles : elles permettent à
leurs adhérents de bénéficier d’une aide afin de répondre à leurs besoins de santé. Par la suite,
des coopératives agricoles ont été créées. Leur but est de réaliser une production autonome en
constituant préalablement un capital collectif.
À partir du début du XXème siècle, l’économie sociale connait une véritable
croissance grâce à la loi de 1901 créant le statut d’association à but non-lucratif15 : “Les
associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration
préalable“16. Il s’ajoute aux autres statuts déjà existants : ceux de mutuelles, de coopératives
ou de fondations. Mais à partir des années 50 elle est peu à peu oubliée avec l’amélioration
des conditions de vie (liée à la création de la sécurité sociale, la hausse du pouvoir d’achat
etc.). En effet, l’entrée dans une société de consommation où la population connait un
meilleur mode de vie (pouvoir d’achat, bonne santé…) a conduit à une réduction des besoins
sociaux, et donc à une incompatibilité avec le fonctionnement de l’économie sociale.
1.1.2 L’économie solidaire
L’économie solidaire voit le jour à partir des années 80, dans un contexte dominé par le
chômage et la précarité. Son objectif est de répondre à des problèmes sociaux, en particulier
contre l’exclusion. C’est ainsi que sont nées par exemple les structures de l’Insertion par
l’Activité Économique.
À partir des années 90, les activités de l’économie solidaire s’étendent au
développement de lien social : environnement, commerce équitable, et SAP. Ses statuts
comprennent ceux de l’économie sociale, mais également des statuts d’entreprises lucratives
comme les Société A Responsabilité Limitée (SARL), les Société Anonymes (SA) et les
Société par Action Simplifiée (SAS). Cependant, leur finalité ne doit pas être la rentabilité.
14 Op.cit. page 6 15 Op.cit. page 7-8 16 LEGIFRANCE, Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association Version consolidée au 16 avril 2019,
consultée le 16/04/2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069570
6
Leur objectif est d’intérêt général, et non d’intérêt collectif, comme c’était le cas pour
l’économie sociale17.
1.1.3 L’entreprenariat social
L’entreprenariat social correspond à l’ensemble des initiatives privées qui sont au
service de l’intérêt général. Plus précisément, il s’agit d’une structure, le plus souvent avec un
statut associatif, de coopérative ou de SAS, qui cherche à apporter des réponses innovantes à
des problématiques sociétales : action sociale, développement durable, santé… En cela,
l’entreprenariat se rapproche davantage de l’économie solidaire que de l’économie sociale.18.
Ces entrepreneurs, lorsqu’ils créent une SAS ou une SARL appartiennent au concept de
« société commerciale de l’ESS »19, définit par la loi Hamon. Ce sont des structures qui se
situent au croisement de l’économie « hors ESS » et de l’ESS. Elles sont définies par le droit
des sociétés et respectent les 4 critères de la loi ESS :
– « La définition de l’objet social,
– La démocratisation de leur mode de gouvernement,
– Le report à nouveau de leur bénéfice ainsi que d’une réserve obligatoire,
– L’interdiction d’amortir ou de réduire leur capital. »
Les sociétés commerciales de l’ESS sont représentées dans tous les secteurs, mais sont
particulièrement présentes dans le commerce, l’industrie, la construction… c'est-à-dire des
secteurs d’activité « communs » et peu représentés dans l’ESS. Selon l’étude « Les sociétés
commerciales de l’Économie Sociale et Solidaire : premiers éléments d’analyse » publié
national de l’ESS et la Conseil National des Chambres Régionales de l’ESS, il s’agirait
souvent d’entrepreneurs sociaux, et massivement des SAS (61%).
1.1.4 La reconnaissance de l’Économie sociale et solidaire
Ce secteur est reconnu par la LOI n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie
sociale et solidaire. Celle-ci, dans son article premier, caractérise l’ESS comme « un mode
d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité
17 LACROIX G. et SLITINE R., Que sais-je ? ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, Concilier profit et
solidarité, Presse Universitaire de France, Edition 2016, page 12-13 18 Op.cit. page 15 19 Observatoire national de l’ESS – CNCRESS, « Les sociétés commerciales de l’Économie Sociale et Solidaire :
premiers éléments d’analyse » publié en 2017
7
humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé ». Au-delà de cette définition,
la loi dit HAMON a 5 objectifs plutôt larges, comme vous pouvez le constater20 :
– « Reconnaître l'ESS comme un mode d’entreprendre spécifique » : en reconnaissant
l’ensemble des acteurs, en rénovant l’agrément ESUS (anciennement entreprise
solidaire)…
– « Consolider le réseau des acteurs de l’ESS » : en l’organisant, par la création
Chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS) et du Conseil
national des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CNCRESS), en
renforçant les financements par exemple ;
– « Redonner du pouvoir d’agir aux salariés » : entre autres, leur faciliter la reprise
d’entreprise grâce à l’accès à la formation, la création d’un statut particulier…
– « Provoquer un choc coopératif » : avec par exemple la révision du fonctionnement
des coopératives au nom du respect des règles coopératives est désormais obligatoire,
le développement des Sociétés coopératives d’Intérêt Collectif…
– « Renforcer les politiques de développement local durable » : développement des
emplois non délocalisables, la reconnaissance des monnaies locales, du commerce
équitable…
En ce qui nous concerne, cette loi est innovante puisqu’elle intègre les statuts « non-
historiques » au secteur, c'est-à-dire les sociétés commerciales, et développe des dispositifs
particuliers en leur faveur. Ainsi, elle définit le concept de « société commerciale de l’ESS »
vu précédemment et l’agrément Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (voir chapitre suivant).
Néanmoins, il y est précisé qu’une structure de l’ESS doit se soumettre à plusieurs principes :
un objectif principal qui n’est pas lucratif, une gouvernance « un homme une voix » qui
prévoit l’information et la participation des salariés et des bénéficiaires. La gestion doit
également remplir des obligations telles que le la non distribution des bénéfices et des
réserves21.
Ainsi, les origines de l’ESS proviennent de différents courants de pensée :
l’économie sociale, l’économie solidaire et l’entreprenariat social. Il était donc essentiel
d’expliciter ces trois courants, signe que les SAP sont issues d’un mouvement basé sur
20 Le portail de l'Économie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics, « La loi Économie sociale et
solidaire », modifié le 12 novembre 2015, consulté le 05 juin 2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.economie.gouv.fr/ess-economie-sociale-solidaire/loi-economie-sociale-et-solidaire 21 LOI n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (1), Titre Ier : DISPOSITIONS
COMMUNES, Chapitre Ier : Principes et champ de l'économie sociale et solidaire
8
l’entraide, dont la finalité n’est pas le profit mais la réponse à un besoin, l’utilité sociale,
la démocratie… La loi HAMON délimite clairement le champ de l’ESS mais prend en
compte la part des entreprises commerciales dans ses chapitres en leur donnant la
possibilité, sous conditions, de bénéficier de dispositifs autant que les acteurs historiques
de l’ESS (associations, coopératives…). Cela est donc incompatible avec un modèle
lucratif, pourtant aujourd’hui présent sur le marché.
À présent, nous allons démontrer comment les entreprises privées sont arrivées à
prendre place sur le marché des SAP.
1.2 Évolutions et montée des entreprises
Comme nous avons pu le voir en introduction, le secteur des SAP se caractérise par une
diminution du nombre d’associations et une augmentation du nombre de structures lucratives.
Cela peut s’expliquer par différents facteurs.
1.2.1 L’entrée sur le marché des entreprises lucratives
Jusqu’en 1996, le marché des SAP était largement dominé par les associations. Cette
année-là, Jacques Barrot, alors ministre des Affaires Sociales, a fait adopter une loi permettant
aux entreprises d’entrer dans ce secteur en leur ouvrant l’accès au régime de l’agrément22.
C’est donc à partir de cette année que les sociétés ont pu se créer. Toutefois, l’augmentation
du nombre de structures privées sur le marché des SAP provient essentiellement du plan
Borloo de 2005. En plus d’autres mesures, il simplifie la procédure d’agrément pour les
établissements SAP. Cela a permis la création d’un nombre important d’entreprises,
notamment avec la mise en place de mesures attractives avec notamment un taux de Taxe sur
la Valeur Ajoutée réduit. Ce plan est par la suite modifié en 2009 et renforce sa volonté de
développer le secteur en soutenant la création d’emploi. En effet, les SAP comprenaient une
part importante d’emploi dissimulé. L’objectif était alors de donner un cadre au secteur en
développant également près de 500 000 emplois en 3 ans. Selon une enquête menée par le
Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Condition de vie (CREDOC) en 2015,
le secteur reste malgré tout le premier concerné par le phénomène du « travail au noir » : 27 %
des travailleurs dissimilés exerceraient dans cette branche, et 20 % des bénéficiaires de
22 J-N. LESELLIER, Les services à la personne, comment ça marche ? 2009 2ème édition, page 9
9
services feraient appel à cette pratique23. Une diminution de 3 points a toutefois été remarquée
depuis 2005, signe que le plan Borloo répond à ses objectifs.
Ainsi, on note une très forte progression du nombre d’entreprises dans le secteur,
comme nous pouvons le constater sur le graphique ci-dessous.
Graphique n°1 : Évolution du nombre d’entreprise dans les SAP en France
Source : Coe-Rexcode, Mise en place d’un observatoire économique et social du secteur des
entreprises de services à la personne, 2009, graphique page 68
En 2012, les entreprises privées sont majoritairement des Petites et Moyennes
Entreprises (PME) et des Toutes Petites Entreprises (TPE) : elles représentent en effet 80 %
des entreprises du marché24. Il s’agit là des statistiques les plus récentes trouvées sur la
répartition des entreprises dans le secteur des SAP, tous types d’activités confondus.
Aujourd’hui, les entreprises représentent 17% du chiffre d’affaires total du secteur. Elles
s’imposent ainsi progressivement sur le marché25. Ce constat est issu de la dernière étude du
XERFI-PRECEPTA (octobre 2018), intitulée « Les défis stratégiques des services à la
personne - Marque, formation, qualité, digital : comment relancer un marché à fort
23 Ministère de l’Économie et des Finances, Délégation Nationale à la Lutte contre la Fraude (DNLF) Direction
Générale des Entreprises (DGE), « Une première enquête pilote en France sur le travail dissimulé », synthèse
publiée le 1er février 2017, 24 Oliver Wyman, Fédération du Service aux Particuliers (FSP), Services à la personne : bilan économique et
enjeux de croissance, publié en 2012 25 Thomas Roux, Capgeris, Le marché des services à la personne (SAP) en panne de croissance, publié le 3
octobre 2018, consulté le 7 juillet 2019, disponible à l’adresse suivante : https://www.capgeris.com/tendances-
marches-1411/le-marche-des-services-a-la-personne-sap-en-panne-de-croissance-a41737.htm
10
potentiel ? ». Même si certaines données ont été publiées par le site Capgeris.fr, l’étude
originale n’est cependant pas en libre accès et ne me permet pas d’obtenir davantage de
données récentes, qui se seraient montrées pertinentes dans ce mémoire de recherche26.
Après avoir étudié l’augmentation du nombre d’entreprises, nous allons chercher à
comprendre pourquoi les structures associatives et publiques diminuent.
1.2.2 La diminution des structures non lucratives
Cette diminution résulte essentiellement de difficultés économiques.
Les structures de l’ESS s’appuient à la fois sur le modèle marchand et le modèle non-
marchand. Le premier permet à la structure de se positionner sur le marché en proposant des
prestations à des tarifs compétitifs avec ceux des autres acteurs. Le second s’appuie sur des
subventions ou encore le partenariat27. Les structures reposent sur ces deux modèles en
utilisant des fonds publics, de la vente de prestations de biens et services, des dons, ou encore
du bénévolat.
Le fonctionnement de distribution de fonds publics a changé au fur et à mesure des
années par le biais de mesures économiques et politiques. Or, les financements publics sont
essentiels pour l’ESS, puisqu’ils représentent par exemple 49% des financements des
associations en 201128. Le plus souvent, ces fonds proviennent de l’État, des collectivités
territoriales, de l’Union Européenne et aussi des Conseils Départementaux. L’objectif des
subventions est d’investir dans des structures ou des dispositifs car ils répondent à un besoin
local29. Cependant, depuis 2010, des fonds publics diminuent au profit des fonds privés,
notamment à cause de la crise économique et de choix politiques. Par ailleurs, alors que la
majorité des fonds publics provenait des subventions, aujourd’hui, ils sont davantage
constitués de commande publique, sous l’impulsion d’une politique européenne qui favorise
la concurrence. En effet, en 2005, les commandes publiques représentaient un tiers des
financements publics, contre 50% pour les associations en 201430. Selon G. LACROIX et
26 XERFI-PRECEPTA, Les défis stratégiques des services à la personne - Marque, formation, qualité, digital :
comment relancer un marché à fort potentiel ? parue le 14/09/2018, présentation consultée le 07/07/2019,
disponible à l’adresse suivante : https://www.xerfi.com/presentationetude/Les-defis-strategiques-des-services-a-
la-personne_8SME50 27 LACROIX G. et SLITINE R., Que sais-je ? ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, Concilier profit et
solidarité, Presse Universitaire de France, Edition 2016, page 44. 28 Op.cit. page 56 29 Op.cit. page 57 30 Op.cit. page 59
11
R. SLITINE, dans ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, Concilier profit et solidarité,
l’utilisation des subventions est favorisée pour financer une initiative privée non lucrative qui
répond à un besoin identifié par les pouvoirs publics, tandis que la commande publique est
utilisée pour commander une prestation rémunérée à un prix : une concurrence sur le marché
public est alors mise en place.
De plus, les activités d’intérêt général font l’objet d’une tarification décidée par les
pouvoirs publics. C’est le cas pour l’aide à domicile dans le cadre des différentes prises en
charge, mais en particulier pour l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA). Chaque
département fixe un prix horaire de référence, toutefois, la structure prestataire n’est pas
obligée de s’aligner dessus31. Attribuer directement les aides financières au public et non aux
structures permet d’assurer une solvabilisation de la demande32. C’est une stratégie mise en
œuvre afin d’encourager la consommation de tels services. Ainsi, au lieu d’aider les
établissements de SAP, les pouvoirs publics proposent des aides financières directement
auprès de personnes pour encourager l’utilisation des services. Ce choix met davantage les
structures en difficultés économiques.
Enfin, les structures associatives accèdent difficilement aux emprunts bancaires. En
effet, leur objectif n’étant pas la rentabilité, certaines banques peuvent être réticentes à l’idée
de leur accorder des crédits. Effectivement, le mode de fonctionnement des structures de
l’ESS ne rentre pas dans les normes de la plupart des établissements bancaires, dont les
critères d’accès au crédit sont les suivants : la situation économique des porteurs, la capacité
limitée d’apport, le manque de garanties... C’est pour cela que les banques financent
davantage les grandes structures de l’ESS, ou les entreprises lucratives. Afin de lutter contre
cette stigmatisation ou discrimination envers les structures non lucratives, quelques banques
se sont spécialisées dans le financement des entreprises de l’ESS. Il s’agit le plus souvent des
banques coopératives ou mutualistes. Néanmoins, même si les petites et les moyennes
structures de l’ESS rencontrent des difficultés financières, de plus en plus de banques
traditionnelles se tournent vers elles en raison du développement du secteur.
Du fait que les structures de SAP lucratives ne poursuivent pas d’objectif de rentabilité,
elles ne possèdent que très peu de fonds propres. Elles s’appuient alors sur des acteurs
spécifiques à leur fonctionnement, comme France Active par exemple, mais aussi sur des
31 Op.cit. page 58 32 J-N. LESELLIER, Les services à la personne, comment ça marche ? 2009 2ème édition, page 9
12
investisseurs solidaires ou à impact social, et sur les particuliers (dons)33. Cependant, ce mode
de financement ne permet pas d’assurer la pérennité de la structure. Par ailleurs, les Contrats à
Impact Social (CIS) sont remis en question pour différentes raisons. Il s’agit d’un dispositif
crée en 2016 qui fonctionne de la façon suivante : l’État ou les collectivités remboursent à des
investisseurs privés des financements de projets dans la mesure où l’impact social du projet en
question est attesté. Par conséquent, cela conduit à un désengagement de l’État, et à une
privatisation du secteur de l’action sociale. De plus, des investisseurs peuvent choisir de
soutenir une cause qu’ils jugeront plus bénéfique, dans le sens où elle sera plus lucrative et
avec des conditions de réussite favorables34. Les CIS ne correspondent donc pas à un logique
d’action sociale et apporte une profonde modification du secteur. Néanmoins, ils ont pour
vocation d’être des outils permettant de soutenir des initiatives sociales.
1.2.3 Le segment d’accompagnement et d’assistance d’un point de vue
économique35
Malgré la croissance du nombre d’entreprises et la diminution du nombre
d’associations, ces dernières dominent encore le marché. Toutefois, le vieillissement constant
de la population représente toujours des possibilités de création et de développement de
structures. En effet, la demande est continue dans ce domaine. Cependant, les marges y sont
très faibles (près de 85% des coûts sont salariaux pour les entreprises, hors investissement).
Par exemple, les paiements des services associatifs proviennent de :
- 80% du département (prises en charge),
- 15% des caisses d’assurance maladie ou des caisses d’allocations familiales,
- 5% des utilisateurs : la situation des personnes dépendantes bénéficiaires permet
rarement de régler des restes à charge importants.
Néanmoins, en fixant un tarif horaire légèrement plus élevé que les associations, les
entreprises obtiennent une marge un peu plus importante.
Le « modèle de performance des entreprises de service à la personne » élaboré par le
gouvernement alerte les entrepreneurs sur l’accompagnement des personnes en milieu rural.
La planification des interventions est généralement composée des plusieurs passages
33 LACROIX G. et SLITINE R., Que sais-je ? ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, Concilier profit et
solidarité, Presse Universitaire de France, Edition 2016, page 68 34 Jean-Sébastien ALIX, Michel AUTES, Nathalie COUTINET et Gabrielle GARRIGUE, Les contrats à impact
social, une menace pour la solidarité ? laviedesidées.fr, publié le 16 janvier 2018 35 Entreprise.gouv, fiche accompagnant modèles de performance des entreprises de services à la personne
13
d’intervenants dans la journée, du fait de leur isolement. Au tarif de la prise en charge, cela
peut mettre en difficulté le gestionnaire qui aura des coûts importants (salaire de l’intervenant,
frais de déplacement…). Cela peut expliquer la représentation plus importante des sociétés
privées dans les villes36.
À la différence des associations, les entreprises peuvent choisir de se démarquer en
proposant une gamme de services plus large, comprenant également l’accompagnement et
l’assistance des personnes fragiles (services de la vie quotidienne, services à la famille, …).
Ainsi, nous remarquons que ces évolutions sont les conséquences de choix
économiques et politiques. L’objectif étant de développer le secteur pour favoriser la
création d’emploi mais également de diminuer les dépenses publiques afin de réaliser
des économies dans le budget des collectivités ou de l’État. L’entrée des entreprises sur
le marché est donc soumise à des enjeux politiques. Malgré tout, les organismes
associatifs et publics restent prédominants, en particulier en milieu rural tandis que les
entreprises lucratives sont concentrées en milieu urbain, principalement parce qu’ils
répondent davantage à un besoin social local. Ce besoin, mis en évidence par des
institutions comme les Centres Communaux d'Action Sociale par exemple, est à l'origine
d'un mouvement de solidarité et d'entraide porté par des organismes non lucratifs.
1.3 Entreprise et éthique
Le secteur des SAP connait une très forte concurrence selon le territoire : il se
compose d’organismes aux multiples statuts, aux modes d’interventions différents, de même
pour les publics ciblés. En fonction de ces spécificités, les représentations sociales véhiculées
sont différentes. Pour autant, les valeurs et les principes de ces organismes ne sont-ils pas
similaires ? Nous verrons ici le cas des structures accompagnant des publics fragiles, qui sont
majoritairement non lucratives à ce jour.
1.3.1 Les valeurs et les représentations sociales des entreprises
Comme nous l’avons vu précédemment, le marché des SAP comprend des entreprises
non lucratives et des entreprises lucratives. En ce qui concerne ces dernières, il en existe de
différentes tailles. Nous rencontrons ainsi des entreprises issues de groupes privés,
appartenant notamment à des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées
36 Op.cit. page 32
14
Dépendantes (EHPAD), des structures franchisées, mais également des entreprises privées
indépendantes... De par leur différence, celles-ci non pas nécessairement les mêmes finalités.
Les structures associatives, véhiculent des valeurs fondées sur l’engagement, le
dévouement envers une cause37. Elles bénéficient d’un héritage issu de l’économie sociale et
solidaire, constitué sur l’entraide, la solidarité, la réponse à un besoin sociétal ou local,
comme nous l’avons vu précédemment. Elles tirent ainsi avantage d’une certaine popularité
de la part des partenaires sociaux, comme le Conseil Départemental, les Centres Locaux
d’Information et de Coordination gérontologiques (CLIC) mais également les services
publiques hospitaliers, qui constituent l’essentiel des prescripteurs.
Les valeurs des entreprises, quant à elles, sont de différentes natures. Elles peuvent
être classées en 8 familles différentes (voir le tableau ci-dessous).
Tableau n°1 : Les valeurs des entreprises
Les valeurs de compétences qualité, satisfaction client, savoir-faire, esprit
d’équipe, excellence, service…
Les valeurs de conquête innovation, ambition, succès, performance,
…
Les valeurs de conduite responsabilité, implication du personnel,
tradition, passion, …
Les valeurs sociétales environnement, responsabilité sociale,
durabilité, santé.
Les valeurs relationnelles Respect, confiance
Les valeurs morales intégrité, éthique, loyauté,…
Les valeurs d’épanouissement humanisme, développement personnel
Les valeurs sociales égalité, équité, amélioration de la qualité de
la vie, …
Source : Tableau élaboré à partir des données partagées par l’agence Wellcom, à l’adresse
suivante : http://www.valeurscorporate.fr/index-des-valeurs/les-8-familles-de-valeurs/
37 Pascal UGHETTO et Marie-Christine COMBES, « Entre les valeurs associatives et la professionnalisation : le
travail, un chaînon manquant ? », Socio-logos [En ligne], 5 | 2010, mis en ligne le 08 juin 2010, consulté le 14
avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/socio-logos/2462
15
Les valeurs les plus véhiculées par les sociétés sont les valeurs de compétences (33%
en 2013), et les valeurs de conquête (21% en 2013). Dans le secteur des SAP, il suffit de
consulter les sites internet des groupes pour constater que les valeurs mises en avant sont les
suivantes : savoir-faire, certification par des organismes tiers, couverture géographique,
professionnalisation des intervenants, relation avec la clientèle... Nous remarquerons par
ailleurs que le public est le plus souvent nommé de cette manière.
Cependant, dans les représentations collectives, les entreprises sont perçues
globalement comme des établissements mettant en avant l’efficacité. Toutefois, dans un
secteur social, où l’on accompagne des publics fragiles, il peut être mal vu d’avoir une finalité
lucrative, avec un objectif de rentabilité et de profit. C’est ce qu’explique Michel MAZET,
fondateur de l’entreprise M&D, spécialisée dans l’intervention auprès de personnes âgées38.
Selon ses dires, les débuts ont été difficiles lors de la création de son entreprise en 2003. Il
aurait notamment rencontré des difficultés pour se faire connaître et briser les représentations
sociales dont son établissement était victime. Effectivement, ayant fait le choix de se
positionner sur le marché avec un tarif supérieur aux autres établissements, essentiellement
des associations, il explique avoir été stigmatisé par les partenaires : les travailleurs sociaux
auraient refusé d’orienter des dossiers et de référencer M&D dans leur fichier. Pourtant, sa
société est née de son expérience personnelle avec un de ses parents dépendant. En ce sens,
M. MAZET cherche à démontrer la légitimité de son entreprise dans le secteur. Pour lui,
proposer un prix horaire plus conséquent permet d’assurer une meilleure qualité de service :
valorisation des intervenants à domicile, service personnalisé… Le tarif horaire permet
également d’assurer la pérennité de sa structure, qui ne bénéficie pas de subventions
publiques, à la différence des établissements de l’ESS. La marge est ainsi plus élevée.
Ce témoignage a été recueilli en 2006. Depuis, les entreprises privées ne rencontrent
plus autant de difficultés qu’autrefois. Aujourd’hui, les entreprises lucratives font partie du
paysage. Grâce aux mesures favorables au développement du secteur des SAP, de plus en plus
de structures privées se sont installées sur le marché. Je réalise mon stage dans un groupe
privé, et nous arrivons à collaborer avec les organismes et les institutions sociales et médico-
sociales. Cependant, nous essuyons quelques fois des commentaires de la part de clients et de
38 Mazet Michel, « Une entreprise dans l'aide à domicile. Un vilain petit canard ? », Le journal de l'école de
Paris du management, 2006/5 (N°61), p. 23-29. DOI : 10.3917/jepam.061.0023. URL :
https://www.cairn.info/revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2006-5-page-23.htm
16
prescripteurs sur le fonctionnement d’un groupe et les peurs que cela peut engendrer sur
l’accompagnement de nos clients.
Certaines entreprises privées cherchent à s’affirmer comme ayant une vocation sociale.
Afin de faciliter leurs relations avec les différents acteurs sociaux, il existe un label qui leur
permet de se mettre en avant. Il s’agit de l’agrément Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale.
1.3.2 L’agrément « Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale39 »
Image n°1 : Logo de l’agrément ESUS
Source : Bercy Infos, Ministère de l’Économie, « ESS : qu’est-ce que l’agrément « Entreprise
solidaire d’utilité sociale ? », publié le 04/07/2017, sur l’adresse suivante :
https://www.economie.gouv.fr/entreprises/agrement-entreprise-solidaire-utilite-sociale-ess
Il est défini par l’article 11 de la Loi dite Hamon du 31 juillet 2014 et remplace
l’ancien agrément dont le nom était « entreprise solidaire ». Il est destiné aux entreprises aux
statuts historiquement lucratifs mais qui ne souhaitent pas poursuivre d’objectif de rentabilité
et de profit ou plutôt poursuivre d’autres objectifs. Les conditions d’attributions sont ainsi
soumises à conditions. Selon l’Article 11-1 de la Loi ESS, ce sont les suivantes :
1° « L'entreprise poursuit comme objectif principal la recherche d'une utilité sociale », Cela
concerne toutes les entreprises des SAP puisque l’article 2 de la même loi précise que
l’utilité sociale d’une structure est considérée lorsqu’elle a pour but d’accompagner des
publics fragiles ;
2° « La charge induite par son objectif d'utilité sociale a un impact significatif sur le compte
de résultat ou la rentabilité financière de l'entreprise ». En effet, le décret n°2015-719 du
39 Observatoire national de l’ESS – CNCRESS, « Les entreprises agrées “Entreprise Solidaire d’Utilité
Sociale” : quelle réalité aujourd’hui ?» publiée en 2017.
17
23 juin 2015 considère que les charges d’exploitation sont impactées si celles liées aux
activités contribuant à la recherche d’utilité sociale représentent au minimum 66% des
charges d’exploitation inscrites dans les 3 derniers exercices clos du compte de résultat de
l’établissement.
3° « La politique de rémunération de l'entreprise satisfait aux deux conditions suivantes :
a) La moyenne des sommes versées, y compris les primes, aux cinq salariés ou
dirigeants les mieux rémunérés n'excède pas, au titre de l'année pour un emploi à
temps complet, un plafond fixé à sept fois la rémunération annuelle perçue par un
salarié à temps complet sur la base de la durée légale du travail et du salaire
minimum de croissance, ou du salaire minimum de branche si ce dernier est supérieur
;
b) Les sommes versées, y compris les primes, au salarié ou dirigeant le mieux rémunéré
n'excèdent pas, au titre de l'année pour un emploi à temps complet, un plafond fixé à
dix fois la rémunération annuelle mentionnée au a) ; Cette section cible en particulier
les grandes entreprises.
4° Les titres de capital de l'entreprise, lorsqu'ils existent, ne sont pas admis aux négociations
sur un marché d'instruments financiers, français ou étranger, dont le fonctionnement est
assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d'investissement ou tout
autre organisme similaire étranger ; Ce paragraphe écarte les établissements appartenant
à un groupe.
5° Les conditions mentionnées aux 1° et 3° figurent dans les statuts. Cela permet d’afficher
la finalité sociale de l’entreprise.
De manière générale, il est valable 5 ans, sauf pour les entreprises âgées de moins de 3
ans au moment de la demande, où la durée est réduite à 2 ans40.
Comme nous pouvons le remarquer, ces conditions ne permettent par à tous les
établissements de bénéficier de l’agrément ESUS. Par ailleurs, certains d’entre eux
bénéficient de ce statut de plein droit. Leur liste est précisée au sein de l’article 11-2 de la Loi
ESS : il s’agit de structures catégorisées par activité. Les SAP n’y font pas partie, même s’il
s’agit d’intervenir auprès d’un public fragile. Toutefois, si l’établissement est également une
entreprise d’insertion, appartenant au domaine de l’IAE, il peut prétendre à l’agrément de
40 Bercy Infos, Ministère de l’Économie, « ESS : qu’est-ce que l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale
» ? », publié le 09/11/2016, mis à jour le 04/07/2017, consulté le 04/06/2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.economie.gouv.fr/entreprises/agrement-entreprise-solidaire-utilite-sociale-ess
18
droit. Néanmoins, cela n’empêche pas aux autres structures de déposer un dossier de demande
d’agrément ESUS, dans la mesure où les conditions citées précédemment sont remplies.
Obtenir l’agrément offre différents avantages, au-delà de l’aspect social qu’il permet à
l’entreprise d’affirmer. Cela lui permet de disposer de financements spécifiques comme par
exemple l’épargne salariale solidaire, ou accéder à des fonds spécifiques. Selon le lieu
d’implantation de l’établissement, les collectivités peuvent apporter un soutien financier.
L’agrément peut également permettre d’accueillir des jeunes en services civiques ou d’utiliser
les Dispositifs Locaux d’Accompagnement.
Au premier mars 2017, nous comptions 967 entreprises agrées ESUS. Ce chiffre peu
s’expliquer pour différentes raisons. Effectivement, selon l’Observatoire de l’ESS, l’agrément
ESUS est peu connu et donc peu utilisé. Par ailleurs, les pratiques en manière d’attributions
étaient hétérogènes selon les régions. La mise en œuvre a été harmonisée en 2016. Ainsi,
seulement 0,4% des entreprises de l’ESS sont agrées ESUS au premier mars 2017. La
majorité se situe dans les régions Île-de-France et Hauts-de-France.
Tableau n°2 : Répartition des entreprises agréées ESUS par secteur d’activité
Secteur d’Activité
Répartition des Entreprises
ESU par secteur d’activité
(En pourcentage)
Répartition des Entreprises
de l’ESS par secteur
d’activité
(En pourcentage)
Action Sociale 26,2 10,8
Non classés 20,5 26,7
Soutien aux entreprises 17,3 4,3
Autres industries +
constructions 8,7 0,4
Enseignement 5,5 9,9
Activités diverses 5,4 1,4
19
Arts et spectacles 3,8 13,3
Hébergement et restauration 2,5 1,5
Commerce 2,4 0,9
Information et
communication 2,4 1,5
Activités financières et
d’assurance 1,9 1,6
Sports et loisirs 1,2 21,4
Agriculture, sylviculture et
pêche 1,1 1,0
Santé 0,6 1,1
Industrie alimentaire 0,5 0,6
Total général 100,0 100,0
Source : Observatoire national de l’ESS – CNCRESS d’après liste des services de l’État 2017
et fichier INSEE CLAP 2014.
Le secteur des SAP n’est pas représenté en tant que tel. Néanmoins, l’Observatoire
nationale de l’ESS et le CNCRESS, qui sont à l’origine de son élaboration, précisent qu’il est
compris dans le secteur de l’action sociale, avec également les structures d’accueil et
d’hébergement, spécialisées dans l’accompagnement à l’emploi et l’aide au travail mais aussi
l’accueil de jeunes enfants. Il est ainsi difficile d’obtenir aujourd’hui davantage de données
chiffrées concernant l’objet de notre recherche.
Aucun élément ne permet de dire qu’un contrôle du respect des règles est établi par
une autorité. Néanmoins, si l’entreprise souhaite renouveler le dispositif une fois cette période
20
terminée (3 ou 5 ans selon les conditions), elle doit être en mesure de prouver que l’ensemble
des principes a été respecté durant toute la durée de l’agrément précédemment octroyé41.
Lorsque l’agrément est délivré à une entreprise, cela permet donc de bénéficier
d’avantages financiers, humains mais surtout une bonne image ou plutôt de briser les
représentations qu’elle peut véhiculer malgré elle. Dafna MOUCHENIK, fondatrice de
LogiVitae, un service d’aide à domicile privé situé à Paris, explique avoir rencontré des
difficultés lors de sa création en 200742. Celles-ci sont similaires à celles pointées par Michel
MAZET, créateur de M&D, cité précédemment : le marché était presque exclusivement
dominé par des structures non-lucratives. Obtenir l’agrément ESUS lutte contre les
discriminations à l’encontre de sa société. Ainsi, elle affirme son engagement social : « nous
avons êtes rapidement identifiés par les travailleurs sociaux du département comme en
capacité d’aider tous les Parisiens y compris lorsque leurs situations sont compliquées tant
pour la tarification que nous appliquons, que pour le suivi que nous réalisons et notre
implication… »43. Les principes réglementaires de l’agrément ESUS sont alors des valeurs,
des arguments pouvant convaincre et séduire les clients, les partenaires sociaux (CLIC,
CCAS, hôpitaux…) et les salariés également.
Il existe donc toute une palette de structures offrant des services à domicile : des
entreprises de différentes tailles, des associations, des collectivités territoriales… Chaque
établissement a son propre discours, avec ses valeurs, toutefois, tous ont la même
finalité : accompagner au mieux les publics fragiles en respectant le cadre législatif
commun (le cahier des charges de l’agrément et de l’autorisation). Malgré tout, les
représentations véhiculées à leur égard sont très différentes. Si certaines structures
privées ne cachent pas leur lucrativité, il n’empêche que d’autres n’ont pas cet objectif.
Pour répondre à un enjeu lié à son image, sa représentation auprès des autres, les
entreprises peuvent s’appuyer sur l’agrément ESUS, pourtant encore peu mobilisé.
Cependant, elles doivent abandonner leur objectif lucratif.
41 Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi
(DIRECCTE) Île-de-France, notice D’agrément Économie Solidaire D’utilité Sociale (ESUS), publiée en
novembre 2015, consultée le 05/06/2019, disponible à l’adresse suivante :
http://idf.direccte.gouv.fr/sites/idf.direccte.gouv.fr/IMG/pdf/notice_esus_-_v4.pdf 42 MOUCHENIK D. Derrière vos portes, coulisses d’un service d’aide à domicile, Michalon, Edition 2018 43 LogiVitae, « LogiVitae Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS) » écrit par Dafna MOUCHENIK, publié
le 29 août 2018, consulté le 5 juin 2019, disponible à l’adresse suivante : https://logivitae.fr/logivitae-entreprise-
solidaire-dutilite-sociale-esus/
21
2 L’organisation des entreprises et ses conséquences sur le public et les
salariés
Les entreprises peuvent choisir de fonctionner et de s’organiser de différentes façons.
Dans cette partie, nous étudierons leur organisation à la fois en externe, c'est-à-dire sur le
marché, mais également en interne, plus précisément au sein même de la structure. En
fonction de cela, il peut y avoir des disparités entre les établissements en ce qui concerne
l’accompagnement des publics et des travailleurs.
2.1 Une organisation en externe et en interne
L’organisation d’une entreprise comprend l’organisation externe et l’organisation
interne. L’externe, c'est-à-dire sur le marché, renvoie à une notion d’alliance ou de pouvoir
collectif. C’est en effet la capacité des entreprises à s’unir, au-delà de toute concurrence.
L’organisation interne, quant à elle, fait référence au fonctionnement dans l’entreprise : il
s’agit de l’agencement de postes et des services. Dans ce point, nous verrons alors les
différents regroupements de structure, puis dans un second temps, leur formation en interne
(les différents services etc.).
2.1.1 Les entreprises représentées par des entités sur le marché et soutenues en interne
Comme nous l’avons vu précédemment, les entreprises privées sont majoritairement
des PME et des TPE : elles représentent en effet 80 % des entreprises du marché44.
Néanmoins, nous pouvons constater la présence de grandes entreprises sur le marché. Même
si elles sont concurrentes, elles peuvent s’unir dans leur intérêt. Les regroupements peuvent
prendre différentes formes.
Les fédérations et les syndicats
Les fédérations sont des entités juridiques auxquelles les entreprises ont la possibilité
d’adhérer. Contre l’adhésion, la fédération accompagne et représente les entreprises. Il en
existe plusieurs mais les plus connues sont la Fédération du Service aux Particuliers (FSP)
ainsi que la Fédération française des Services A la Personne et de proximité (Fédésap). Leurs
missions sont par exemple les suivantes45 : structurer la branche des services à la personne,
44 Oliver Wyman, Fédération du Service aux Particuliers (FSP), Services à la personne : bilan économique et
enjeux de croissance, publié en 2012 45 Fédésap, « Agir ensemble pour la filière, Les missions et les valeurs de la Fédésap », consulté le 14 juin 2019,
disponible à l’adresse suivante : https://www.fedesap.org/actions/
22
proposer des initiatives aux pouvoirs publics (mesures, dispositifs, réglementations…), en
défendant l’intérêt des entreprises, renforcer l’accompagnement des structures adhérentes
(conseil, information…), prévoir et bâtir le futur de la branche. Les fédérations réalisent aussi
des études et des enquêtes sur la branche.
Il est ainsi dans l’intérêt des petites entreprises d’adhérer puisque qu’elle bénéficie
ainsi de conseils et d’accompagnement dans différents domaines comme celui des du droit du
travail, de la réglementation du secteur, ou encore de la professionnalisation et de l’accès à la
formation entre autres. Cela permet également aux entreprises de faire part de leurs
revendications via le biais des fédérations, ce qui a plus de poids qu’individuellement.
En dehors des fédérations, il existe également des syndicats qui poursuivent les mêmes
objectifs. Nous pouvons par exemple citer le syndicat national des établissements et
résidences privées pour personnes âgées (SYNERPA). Comme son nom l’indique, cette
organisation réunit à la fois des agences d’aide à domicile mais également des établissements
pour personnes âgées. Là aussi, après adhésion, l’entreprise bénéficie d’un accompagnement
dans les domaines essentiels au bon fonctionnement de l’établissement46. En plus de
fédérations, le SYNERPA dispose d’une voix dans les décisions publiques.
Cette forme de fonctionnement est présente parmi les associations, qui s’organisent
aussi sous forme de fédération. Nous pouvons citer les suivantes :
- Adessadomicile fédération nationale,
- ADMR : Aide à domicile en milieu rural,
- Familles rurales
- FNAAFP-CSF : Fédération nationale des associations de l’Aide Familiale Populaire
- UNA : Union Nationale de l’Aide, des Soins et des Services aux domiciles,
Il existe également une fédération pour les services à domicile publics, appartenant
aux CCAS. Il s’agit de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action
sociale (UNCCAS)47. À noter que l’UNCCAS n’est pas spécifiquement dédiée aux SAAD des
CCAS, mais est impliquée dans l’ensemble de leurs activités.
46 SYNERPA, « Adhérer au SYNERPA », consulté le 14 juin 2019, disponible à l’adresse suivante :
http://www.synerpa.fr/adherer-8.html 47 Ministère de l’Économie et des Finances, Services à la personne, « les fédérations », modifié le 13 juin 2018,
consulté le 11 juin 2019, disponible à l’adresse suivante : https://www.entreprises.gouv.fr/services-a-la-
personne/federations
23
Le cas des franchises
La franchise est un modèle crée dans les années 1930 aux États-Unis. L’observatoire
de la franchise, propose la définition suivante : « La franchise est un accord par lequel une
entreprise, le franchiseur, accorde à une autre entreprise, le franchisé, le droit de
commercialiser des types de produits et/ou services, en échange d’une compensation
financière directe ou indirecte. Les conditions de cet accord sont enregistrées dans le contrat
de franchise48. »
Selon la Fédération française de la franchise, le développement de la franchise dans le
secteur des SAP est favorable. Ainsi, on compte 5.815 entreprises franchisées en 2017, contre
5.408 en 2016, pour 221 réseaux de franchiseurs (204 en 2016). Cela correspond à une hausse
de 7,53%. Le secteur représente ainsi plus de 11% du nombre total de réseaux et 7,85% du
total des franchisés49. Nous pouvons citer quelques franchiseurs à titre d’exemple : Axeo
services, Adomis, Domidom, Petits-fils, Senior Compagnie… Certains franchiseurs ont aussi
leur activité de service à la personne, en plus de développer des franchises.
La franchise offre différents avantages, que nous pouvons recenser ci-dessous50 :
– Le franchisé reste propriétaire de son entreprise, même si un contrat de franchise le lie
à un réseau,
– Le franchisé utilise l’image de marque du franchiseur,
– Le franchisé bénéficie d’un accompagnement dans la gestion quotidienne de
l’entreprise, un peu à la manière des fédérations.
Ces différents mode d’organisation offrent plusieurs avantages aux entreprises, à
la fois en interne et en externe. L’adhésion à une fédération ou à un syndicat, comme la
contractualisation avec un franchiseur donne la possibilité de bénéficier de soutien et de
conseils personnalisés, via les différents services proposés mais surtout de faire partie
d’un réseau de partenariat et d’être représentés lors de discussions publiques.
48 Observatoire de la franchise, « Franchise définition : qu’est-ce que la franchise ? », consulté le 14 juin 2019,
disponible à l’adresse suivante : https://www.observatoiredelafranchise.fr/guide-creation-entreprise-en-
franchise/definition-de-la-franchise.htm 49 Toute la franchise, « Entreprise d'aide à la personne : les franchises recrutent ! Les SAP restent un secteur
porteur », publié le 2 mai 2018, consulté le 14 juin, disponible à l’adresse suivante : https://www.toute-la-
franchise.com/vie-de-la-franchise-A30981-entreprise-aide-personne-franchise.html 50 Toute la franchise, « Quels sont les avantages de la franchise ? », mis à jour le 14 mai 2019, consulté le 14 juin
2019, disponible à l’adresse suivante : https://www.toute-la-franchise.com/avantages_pour_le_Franchise.php
24
2.1.2 Une organisation interne différente pour ceux n’ayant pas de soutien extérieur
Selon les établissements, l’organisation peut-être très différente. Cela dépend à la fois
de ses moyens et de sa taille.
Comme nous l’avons vu précédemment, il existe des entreprises de différentes tailles.
Même si la majorité est constituée de PME et de TPE, il existe des grandes entreprises. Les
grandes entreprises, dépendant le plus souvent d’un groupe de maison de retraite, ont
généralement un siège où se situent des services support : ressources humaines, juridique,
comptabilité etc. Elles disposent ainsi de ressources au sein même de leur entité. En
sociologie des organisations, nous pourrions représenter ses grandes entreprises sous forme de
schéma de la façon suivante :
Image n°2 : L’organisation selon H. Mintzberg
Source : DESREUMAUX, Alain. « Chapitre 1. Notion d’organisation », Théorie des
organisations. 3e édition, sous la direction de DESREUMAUX Alain. EMS Editions, 2015,
page. 42.
Le sommet hiérarchique représente le centre décisionnel : c’est en effet à ce niveau
que les stratégies ainsi que la politique de l’entreprise sont décidées. Il s’agit donc de l’équipe
de direction. Le centre opérationnel regroupe les travailleurs « du terrain », ceux qui
accomplissent l’essentiel de l’activité. Ce sont donc les intervenants à domicile.
25
Entre le centre opérationnel et le sommet hiérarchique se situe la ligne hiérarchique.
Selon DESREUMAUX A. dans « Théorie des Organisation », elle représente « l’ensemble
des responsables qui relaient les décisions et instructions du sommet et font ainsi le lien avec
les acteurs qui exécutent les différentes tâches en s’appuyant sur l’autorité que leur confère
leur position. ». Nous pouvons conclure qu’elle désigne les directeurs régionaux, les
responsables d’agence, puis les responsables de secteur. Lorsqu’on est dans un tel cas, nous
pouvons nous interroger sur la circulation des informations d’un bout à l’autre de la ligne
hiérarchique. Peut-être qu’il est difficile de communiquer efficacement, de manière rapide et
compréhensive, lorsqu’il s’agit de faire remonter des éléments de terrain. Nous pouvons
également nous demander si alors il n’y aurait pas un décalage entre les décisions prises "en
haut" et les besoins situés "en bas" de la ligne hiérarchique et du centre opérationnel.
La technostructure rassemble les services ne faisant pas partie de la ligne hiérarchique
tout en ayant un rôle dans l’exécution des missions, la réalisation de procédés… Nous
pouvons citer en exemple les services comptabilité, ressources humaines, juridique… Ils
doivent être différenciés des services fonctionnels de support qui regroupent les
professionnels dont l’activité consiste à accompagner les salariés dans leur intérêt. Il s’agit
entre autres du service informatique, logistique…
Les plus petites entreprises ne disposent pas forcément de telles ressources en leur sein
comme nous pouvons le voir sur le schéma suivant :
Image n°3 : L’organisation entrepreneuriale
Source : Morgan PITTE, Espace soignant, « Psychologie et sociologie, Configurations
organisationnelles », mis à jour le 2 aout 2017, disponible à l’adresse suivante :
26
https://www.espacesoignant.com/cadre-de-sante/cds-psychologie-sociologie/configurations-
organisationnelles
Cela nécessite alors de posséder du personnel polyvalent et formé à l’ensemble de la
gestion quotidienne de la structure. Sans quoi, le propriétaire de l’entreprise peut choisir
d’adhérer à un organisme externe, comme nous l’avons vu précédemment. Elles possèdent
également une ligne hiérarchique plus courte : cela limite les difficultés de communication et
le décalage que peuvent rencontrer les structures de taille importante.
Les entreprises peuvent s’organiser de différentes façons. Ces différences ne
relèvent pas spécifiquement du statut lucratif ou non mais plus par rapport à sa taille.
Les grandes structures développent leurs services supports, tandis que les plus petites
peuvent faire appel à des organisations externes. L’enjeu des entreprises lucratives est
alors de ne pas s’isoler en d’établissant des relations avec des partenaires ou de
développer leurs propres ressources à elles. En explicitant la théorie des organisations
de H. MINTZBERG, nous avons brièvement évoqué des différences au niveau des
salariés des structures, mais encore une fois, sans se positionner sur la divergence de
statut. A présent, nous allons nous focaliser sur les conséquences de la lucrativité dans
un premier temps sur le public, puis sur les salariés.
2.2 Les conséquences du lucratif sur les publics fragiles et l’équipe
professionnelle
Dans cette partie, nous étudierons les conséquences issues des divergences de statut.
En effet, cette différence impacte les établissements à différents niveaux : le fonctionnement
général, les conditions de services envers les clients, la vie professionnelle des salariés.
2.2.1 Un accompagnement presque identique
L’accompagnement des publics fragiles est très réglementé. Dans le cas du d’un
service prestataire, la structure, qu’elle soit lucrative ou non, a l’obligation de respecter le
cahier des charges de l’autorisation (prestataire) et de l’agrément (mandataire). L’article
L312-1 du code de l’action sociale et des familles les désigne sous l’appellation suivante :
« Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent
à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une
aide à l'insertion sociale », sans mentionner des différences de statuts.
27
Ainsi, le gestionnaire du service prestataire doit se soumettre aux mêmes règles, ce qui
induit que la personne accompagnée bénéficie des mêmes droits, que ce soit avec un service
lucratif ou non.
Toutefois, il existe quelques différences que nous pouvons relever.
La première se situe au niveau du tarif horaire. La fixation du prix est libre par les
organismes. Selon une étude réalisée par UFC-Que Choisir en 2016 auprès de personnes
dépendantes ayant recours à un service d’aide à domicile, le tarif horaire moyen pour les
différents types de structures est le suivant51 :
– 22€ pour un établissement lucratif,
– 20€ pour un établissement associatif,
– 13€ pour un particulier employeur.
Ces données sont des moyennes : certains établissements font le choix de s’aligner sur
les tarifs correspondant aux prises en charge APA, PCH, comme c’est le cas par exemple de
D. MOUCHENIK avec LogiVitae.
Il est difficile d’évaluer d’autres différences éventuelles sur l’accompagnement sur
public. Une des variables pourrait être l’équipement des structures (véhicule, télégestion,
cahier de liaison…), ainsi que les horaires d’ouverture et la mise en place d’une astreinte,
néanmoins, il n’existe pas d’étude sur ce thème à l’heure actuelle.
En ce qui concerne la satisfaction des bénéficiaires, il existe un site comparatif des
services d’aide à domicile mais sur la ville de Paris seulement52. Celui-ci permet à chaque
personne à la recherche d’un organisme de faire son choix en selon les critères suivants :
l’arrondissement, le mode d’intervention (prestataire, mandataire)… Le site dresse alors la
liste des établissements classés par nom et statut. Il précise alors le taux de recommandations
à ce service : on peut alors s’apercevoir qu’associations et entreprises peuvent obtenir des
taux de recommandations importants, ce qui indique une satisfaction des clients quel que soit
le statut.
51 UFC-Que choisir, « Personnes âgées dépendantes (infographie) Votre avis sur les services d’aide à domicile »,
publié le 21 avril 2016, consulté le 14 juin 2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.quechoisir.org/actualite-personnes-agees-dependantes-infographie-votre-avis-sur-les-services-d-
aide-a-domicile-n3931/ 52 Paris, mon aide à domicile, consulté le 14 juin 2019, disponible à l’adresse suivante :
https://monaideadomicile.paris.fr/#/
28
Néanmoins, l’étude d’Olivier Wyman et de la Fédération du Service aux Particuliers
(FSP), publiée en 2012 et intitulée « Services à la personne : bilan économique et enjeux de
croissance », a abordé le sujet. Elle précise ainsi que pour les bénéficiaires de SAP faire appel
à une structure privée est un gage de qualité, d’adaptabilité et de performance. Les indicateurs
cités sont les suivants :
- « La diminution des formalités administratives et la simplification de la gestion (33
% des utilisateurs) ;
- La simplification du recrutement (20 % à 26 % des utilisateurs) ;
- La garantie apportée par les organismes sur le choix des personnes (environ 25 %
des utilisateurs) »53.
Quel que soit le type d’établissement, la personne accompagnée peut bénéficier
du même accompagnement, dans la mesure où les mêmes droits sont garantis. Tout
dépend de la politique de l’établissement pour lequel elle est cliente, en particulier sur la
tarification, l’équipement, les horaires souhaités… puisque l’ensemble des structures est
soumis à une réglementation identique : celle du cahier des charges de l’autorisation
pour le mode prestataire et celle du cahier des charges de l’agrément pour le
mandataire. Pour séduire, les entreprises peuvent s’appuyer sur des outils afin de se
démarquer de ses concurrents (palette de services proposés, astreinte, technologie etc.).
2.2.2 Une vie professionnelle différente selon le statut
À présent, nous allons étudier l’impact du lucratif sur les salariés. La différence de
statut de la structure a une réelle incidence sur eux.
En effet, selon le type d’organisme de service à la personne, les salariés ne sont pas
rattachés à la même convention collective, comme nous pouvons le voir sur le tableau
suivant :
Tableau n°3 : les différentes conventions collectives
Statut Convention collective
Privé non lucratif (associatif) Convention collective nationale de la
branche de l'aide, de l'accompagnement, des
53 Oliver Wyman, Fédération du Service aux Particuliers (FSP), Services à la personne : bilan économique et
enjeux de croissance, publié en 2012, page 31
29
soins et des services à domicile du 21 mai
2010
Privé lucratif Convention collective nationale des
entreprises de services à la personne du 20
septembre 2012
Particulier employeur Convention collective nationale des salariés
du particulier employeur du 24 novembre
1999
Source : Ministère de l’Économie et des Finances, l’essentiel des Services à la Personne, Les
conventions collectives du secteur des services à la personne, modifié le 12 avril 2019,
disponible sur : https://www.entreprises.gouv.fr/services-a-la-personne/conventions-
collectives-du-secteur-des-services-a-la-personne
Il n’existe pas de convention collective pour les agents du public. En effet, les droits
ses salariés (contractuels, titulaires...) sont régis par leur statut ou des mesures
réglementaires54.
Nous pouvons établir de fortes différences entre le statut du particulier employeur et
ceux du privé (lucratif et non lucratif). Elles se situent entre autres au niveau :
- Des congés payés : ils sont payés tous les mois à hauteur de 10%. Cela signifie donc
qu’un salarié pose toujours des congés sans solde.
- De la mutuelle : les salariés n’en bénéficient pas.
Cela concerne les salariés en emploi direct mais également les salariés du mode
mandataire. Même s’ils sont en relation avec l’organisme de SAP (pour récupérer les bulletins
de paie, donner les dates de congés par exemple), les salariés mandataires ne font partie de la
structure. Cela peut apporter des confusions : il est donc important de préciser à la fois au
client et au salarié ce qu’est le mode mandataire en explicitant ses particularités.
En ce qui concerne les salariés appartenant à une structure associative ou à une
entreprise, il est important d’étudier la convention collective nationale de la branche de l'aide,
54 Infodroits, Actualités / Droit Public / Les droits des agents de la fonction publique / Les infos généralistes,
publié le 28 octobre 2014, consulté le 07/07/2019, disponible à l’adresse suivante : http://infosdroits.fr/il-nexiste-
pas-de-convention-collective-pour-les-agents-de-la-fonction-publique/
30
de l'accompagnement, des soins et des services à domicile et celle des entreprises de services
à la personne. Nous pouvons alors distinguer quelques différences.
Les salariés des associations possèdent également un régime de prévoyance
intéressant55. Celui-ci leur assure un maintien de salaire pendant 60 ou 90 jours selon
l’ancienneté du salarié, d’un montant correspondant à 70% du salaire brut. Pour en bénéficier,
le salarié doit avoir minimum 6 mois d’ancienneté, quelque soit le nombre d’heure travaillé…
Cela permet de couvrir les risques d’incapacité, d’invalidité, de décès, chômage en
complément des prestations versées par la protection sociale.
Nous pouvons également remarquer qu’au sein de la convention collective de la
branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, des dispositions
particulières sont prises en ce qui concerne l’indemnisation des frais de déplacements. Ainsi,
les salariés d’association peuvent prétendre à un remboursement à hauteur de 0,35€ par
kilomètre pour l’utilisation d’une automobile, 0,15€ par kilomètre pour l’utilisation d’un deux
roues motorisés. Les abonnements hebdomadaires, mensuels ou annuels, ou les titres de
transport à l’unité, quant à eux doivent être indemnisés à 100%56. En ce qui concerne les
employés des entreprises, il est indiqué qu’ils peuvent prétendre à une indemnité kilométrique
qui ne peut qu’être égale ou supérieure à 0,20€ par kilomètre. Les montants dépendent donc
des structures. Il n’y a pas de précision sur l’utilisation des transports en commun57.
Les associations disposent par ailleurs d’un système d’ancienneté plus avantageux.
Effectivement, celui des salariés d’entreprise représente 0,05€ par heure de travail effective à
partir de 2 ans d’ancienneté. Elle est revalorisée de 0,05€ au-delà de 5 ans d’ancienneté58.
Dans le milieu associatif, le coefficient salarial augmente progressivement avec le nombre
d’année, et cela est effectif dès la première année59. Par conséquent, à poste égal, un salarié
55 Convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à
domicile du 21 mai 2010 - Textes Attachés - Avenant n° 18-2014 du 29 octobre 2014 relatif au régime de
prévoyance, consultée le 9 juillet 2019 56 Convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à
domicile du 21 mai 2010 - Textes Attachés - Avenant n° 36-2017 du 25 octobre 2017 relatif au temps et aux frais
de déplacement 57 Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 - Textes
Salaires - Avenant n° 1 du 21 mars 2016 relatif aux salaires minima conventionnels - Article 2 58 Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 - Textes
Attachés - Avenant du 1er mars 2018 portant révision de l'article 2 « Prise en compte de l'ancienneté dans
l'entreprise » de l'annexe II « Positionnement des emplois-repères-salaires » de la partie V « Classification » 59 Convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à
domicile du 21 mai 2010 - Textes Salaires - Avenant n° 8-2013 du 17 janvier 2013 relatif aux salaires - Article
1er
31
associatif a une rémunération supérieure à celui d’une entreprise. Cela signifie également que
ce salarié aura un coût plus conséquent pour l’association.
De manière générale, nous notons quelques différences au niveau de la rémunération.
En effet, selon l’étude INSEE première parue en 2013, les salariés des particuliers-
employeurs ont une rémunération plus importante que ceux des organismes prestataires,
comme nous pouvons le voir ci-dessous. L’étude nous rapporte également que les associations
rémunéraient mieux ses salariés. En effet, alors que certains dirigeants assument leur tarif plus
élevé que ceux des associations au nom de la rémunération salariale60, « 46 % des contrats de
la sphère privée sont rémunérés à moins de 1,1 Smic, alors qu’ils ne sont que 15 % dans la
sphère publique61 ».
Graphique n° 2 : Rémunération selon l’employeur
Source : Yohan Baillieul, Gaëlle Chaillot, Pôle Emploi-Population, Insee, Isabelle Benoteau,
Dares, Dossier INSEE Première, n°1461, Les services à la personne Davantage sollicités
dans les zones rurales et âgées, parue le 30 juillet 2013
60 Mazet Michel, « Une entreprise dans l'aide à domicile. Un vilain petit canard ? », Le journal de l'école de Paris
du management, 2006/5 (N°61), p. 23-29. DOI : 10.3917/jepam.061.0023. URL : https://www.cairn.info/revue-
le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2006-5-page-23.htm 61 INSEE Première, n°1461, Les services à la personne Davantage sollicités dans les zones rurales et âgées,
parue le 30 juillet 2013, consulté le 15 juin 2019
32
Au-delà de la rémunération, nous pouvons distinguer des différences de missions, à la
fois sur les postes de responsables de secteur que sur les intervenants à domicile. Ainsi, dans
certaines entreprises, le personnel peut être amené à réaliser des activités de développement
commercial. Par conséquent, les responsables de secteur sont amenés à faire des visites de
prospections auprès des partenaires ou des commerces de proximité et les intervenants à
glisser des prospectus dans les boîtes aux lettres, lors de leur venue au domicile des clients. Il
n’existe pas de données précises sur cette activité, néanmoins, tout individu peut trouver les
supports commerciaux, ONELA, Petits-fils ou encore Domidom exposés dans les commerces
ou établissements médicaux ou paramédicaux.
Plusieurs acteurs de différents statuts sont représentés sur le marché des services
à la personne. Cette hétérogénéité est ainsi composée des particuliers employeurs, des
entreprises, des associations et des structures publiques. Cela conduit à la mise en place
de 3 ou 4 conventions collectives différentes. Alors que les salariés vivent de réels
changements entre les différents statuts, les bénéficiaires des services à la personne
semblent davantage préservés de toute cette complexité.
2.2.3 L’impact pour le gestionnaire
Avant de clôturer cette partie, il me semble important de dresser un bref comparatif
vis-à-vis du gestionnaire de l’entreprise ou de l’association.
Un premier élément consiste à mesurer les différences sur les ressources et les
dépenses publiques dont le gestionnaire sera soumis. Les ressources se composent des
subventions, tandis que les dépenses représentent les impôts et les taxes. Ainsi, les
associations sont exonérées de la TVA et ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, qui
peut représenter jusqu’à environ 33%62. En revanche, elles doivent régler une taxe sur les
salaires. A la différence des entreprises, elles peuvent bénéficier de subventions de
fonctionnement, comme nous l’avons cité en première partie de ce mémoire. Ceci dit, les
entreprises, en étant labellisé ESUS, peuvent bénéficier d’avantages fiscaux.
Par ailleurs, le fondateur d’une société reste propriétaire de son établissement, peut
choisir d’imposer sa propre volonté. Il est donc son propre patron. À l’inverse, le fondateur
d’une association gouverne avec le conseil d’administration. Il doit ainsi prendre en compte
62 Ministère de l’action et des comptes publics, impôts sur les sociétés, mis à jour le 7 janvier 2018, consulté le 9
juillet 2019, disponible à l’adresse suivante : https://www.impots.gouv.fr/portail/international-
professionnel/impot-sur-les-societes
33
l’avis de ses confrères. L’association n’appartient jamais totalement à un individu. Dafna
MOUCHENIK témoigne ainsi de son expérience familiale. Un des membres de sa famille,
fondateur d’une association s’est vu retiré ses responsabilités et sa participation en étant
congédié par le conseil d’administration. C’est la raison pour laquelle elle a choisi de créer
une entreprise.
Le choix du statut impacte donc les bénéficiaires, les salariés et la gestion.
Certaines différences proviennent de la législation qui impose un cadre juridique
particulier. Néanmoins d’autres sont issues d’une politique interne propre à
l’établissement. Il nous est donc impossible de nous prononcer sur les préférences
d’établissement vis-à-vis d’un client : cela dépend de l’offre de service, de la demande
initiale et de la capacité des structures à pouvoir y répondre. Cependant, nous pouvons
constater qu’être salarié dans une association semble plus avantageux que dans une
entreprise. Enfin, nous pouvons remarquer qu’il y a bien des différences de
fonctionnement entre les deux types de structure et qu’il semble difficile de faire du
profit avec un public fragile.
34
Conclusion
Alors que le domaine des SAP appartenait historiquement au secteur de l’ESS, les
entreprises ont dès 1996 eu la possibilité de se positionner comme concurrent, jusqu’à se
développer d’année en année, dans un cadre politique et législatif favorable. Toutefois, malgré
la mise en place du plan Borloo, de la loi ASV, elles restent discriminées pour leur statut
lucratif, dans un secteur encore dominé par les associations, en dehors de l’emploi direct.
Alors que l’agrément ESUS pourrait constituer un véritable outil afin de lutter contre les
représentations collectives à leur égard, nous nous rendons compte que les entreprises ne le
mobilisent que trop peu. Malgré cela, elles font désormais pleinement partie du champ, même
si elles restent concentrées dans les milieux urbains et périurbains.
Sur le marché, elles se regroupent par le biais des fédérations ou en signant un contrat
avec un franchiseur. Cela leur offre l’avantage de prendre plus de poids sur le marché,
puisqu’il s’agit essentiellement de petites ou moyennes entreprises. Les gestionnaires
bénéficient alors d’accompagnement dans la gestion quotidienne de leur établissement et d’un
interlocuteur pour unir leurs revendications.
Finalement, on note peu de différences avec les associations, car elles aussi se
réunissent sous la forme de fédérations. Même au niveau de l’accompagnement des
bénéficiaires des services, on constate peu de caractéristiques distinctes, en partie car les deux
types de structures sont soumis aux mêmes normes. La disparité la plus importante se situe au
niveau des salariés : dans un secteur comprenant une multitude d’acteurs aux formes
juridiques diverses, nous faisons face à une réglementation complètement dissociée, avec 3
conventions collectives différentes, sans prendre en compte les particularités des statuts
publics.
En réalité, nous pourrions établir des singularités entre les associations et les petites
entreprises en les opposant aux grandes. Alors que celles-ci ne sont pas les plus présentes sur
le marché, elles bénéficient d’une importante visibilité, en particulier par le biais de l’image
de marque du groupe sont elles peuvent dépendre. Elles font alors preuve d’une stratégie
commerciale pour peu à peu prendre des parts du marché. Accompagner des personnes
fragiles n’empêche pas d’affirmer sa lucrativité, dans un secteur où les marges sont faibles.
Elles doivent par ailleurs parfois rendre des comptes à des actionnaires.
35
De quoi est fait l’avenir pour les entreprises ? Alors que des chefs d’entreprise font
part de leurs difficultés dans le cahier du CROCIS63, dans une branche encore en pleine
évolution, il serait intéressant de surveiller les évolutions économiques, politiques notamment
avec la problématique de la dépendance et de son financement. Le projet de loi « Grand Age
et Autonomie » fixe cependant diverses priorités dont notamment consolider l’offre de service
à domicile en renforçant par exemple le mode de financement des établissements pour assurer
leur pérennité64. Cela pourrait donc encourager le développement de l’offre et sécuriser
davantage les SAAD.
Les enjeux du secteur lucratif dans les SAP sont donc divers et variés. En plus d’être
économiques, ils sont sociologiques et éthiques par les représentations qu’ils véhiculent, en
lien avec l’histoire du secteur. Les sociétés lucratives doivent par ailleurs défendre leurs
valeurs, dans un contexte où les grands groupes, en particulier les EHPAD, ont essuyé
plusieurs polémiques. Elles doivent ainsi s’affirmer pour se démarquer et lutter contre les
stigmatisations.
Enfin, le secteur lucratif connait des enjeux politiques : tout est une question de
décisions gouvernementales dans un contexte où la dépendance devient une préoccupation
importante. À nous alors d’assurer une veille informationnelle et de nous tenir au courant des
mesures en cours.
63 CROCIS, Cahier n°39, Enthousiasme et difficultés : les chefs d’entreprises des services à la personne
témoignent, publié en mars 2015 64 Ministère des solidarités et de la santé, « Concertation grand âge et autonomie », dossier de presse, publié le
28 mars 2019
36
Bibliographie
Ouvrages
- DESREUMAUX, A. « chapitre 1. notion d’organisation », théorie des organisations.
3e édition, sous la direction de DESREUMAUX A. EMS Éditions, 2015, pp. 41-79.
- DUTHIL G, « l'arrivée du privé dans la prise en charge des personnes âgées »,
Gérontologie et société, 2007/4 (vol. 30 / n° 123), p. 185-200.
- LACROIX G. et SLITINE R., Que sais-je ? « économie sociale et solidaire, concilier
profit et solidarité », Presse Universitaire de France, Edition 2016
- LESELLIER J-N., « les services à la personne, comment ça marche ? » 2009 2ème
édition,
- MOUCHENIK D. « derrière vos portes, coulisses d’un service d’aide à domicile »,
Michalon, Edition 2018
Articles
- Jean-Sébastien ALIX, Michel AUTES, Nathalie COUTINET et Gabrielle
GARRIGUE, « Les contrats à impact social, une menace pour la solidarité ? »
laviedesidées.fr, publié le 16 janvier 2018,
- Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail
et de l’emploi (DIRECCTE) Île-de-France, « notice D’agrément Économie Solidaire
D’utilité Sociale (ESUS) », publiée en novembre 2015.
- MAZET M., « Une entreprise dans l'aide à domicile. Un vilain petit canard ? », Le
journal de l'école de Paris du management, 2006/5 (N°61), p. 23-29.
- Ministère des solidarités et de la santé, « Concertation grand âge et autonomie »,
dossier de presse, publié le 28 mars 2019
- Morgan PITTE, Espace soignant, « Psychologie et sociologie, Configurations
organisationnelles », mis à jour le 2 aout 2017,
- SilverEco, ”Korian accélère son développement dans les services à domicile avec
l’acquisition de Petits-fils", publié le 06 décembre 2018,
- UGHETTO P. et COMBES M-C., « Entre les valeurs associatives et la
professionnalisation : le travail, un chaînon manquant ? », Socio-logos, mai 2010,
mis en ligne le 08 juin 2010,
37
Études et Rapports
- Coe-Rexcode, « Mise en place d’un observatoire économique et social du secteur des
entreprises de services à la personne », publié en 2009,
- CROCIS, Cahier n°39, « Enthousiasme et difficultés : les chefs d’entreprises des
services à la personne témoignent », publié en mars 2015
- Entreprise.gouv, fiche accompagnant « modèles de performance des entreprises de
services à la personne »
- Observatoire national de l’ESS – CNCRESS, « Les entreprises agrées Entreprise
Solidaire d’Utilité Sociale : quelle réalité aujourd’hui ? » publié en 2017
- Observatoire national de l’ESS – CNCRESS, « Les sociétés commerciales de
l’Économie Sociale et Solidaire : premiers éléments d’analyse » publié en 2017
- Oliver Wyman, Fédération du Service aux Particuliers (FSP), « Services à la personne
: bilan économique et enjeux de croissance », publié en 2012
- Ministère de l’Économie et des Finances, Délégation Nationale à la Lutte contre la
Fraude (DNLF) Direction Générale des Entreprises (DGE), « Une première enquête
pilote en France sur le travail dissimulé », synthèse publiée le 1er février 2017,
- Ministère du travail, DARES Résultats n°017, , « Les services à la personne en
2016 », avril 2018.
Lois et autres textes juridiques :
- LOI du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, JORF du 2 juillet 1901 page
4025, Version consolidée au 16 avril 2019 ;
- LOI n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (1), JORF
n°0176 du 1 août 2014 page 12666 texte n° 2.
- Convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des
soins et des services à domicile du 21 mai 2010,
- Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20
septembre 2012,
- Convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre
1999
38
Vidéos
- PERRET G. « La Sociale », produit par BIGOT J., sorti le 23 janvier 2016, visionné le
8 février 2019
Sites internet
- Agence Wellcom, disponible à l’adresse suivante :
http://www.valeurscorporate.fr/index-des-valeurs/les-8-familles-de-valeurs/
- Bercy Infos, Ministère de l’Économie, « ESS : qu’est-ce que l’agrément « Entreprise
solidaire d’utilité sociale ? », publié le 04/07/2017, disponible à l’adresse suivante :
https://www.economie.gouv.fr/entreprises/agrement-entreprise-solidaire-utilite-
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- DOMIDOM, Service et Aide à domicile, « ORPEA se lance dans l'aide à domicile
avec DOMIDOM », disponible à l’adresse suivante : http://www.domidom.fr/orpea-
news
- INSEE, « Bilan démographique 2018 », mis en ligne le 15/01/2019, disponible à
l’adresse suivante : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3692693
- INSEE, « grande entreprise », publié le 08/12/2016, disponible à l’adresse suivante :
https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1035
- Yohan Baillieul, Gaëlle Chaillot, Pôle Emploi-Population, Insee, Isabelle Benoteau,
Dares, Dossier INSEE Première, n°1461, « Les services à la personne Davantage
sollicités dans les zones rurales et âgées », parue le 30 juillet 2013,
- INSEE, « Personnes âgées dépendantes », mis en ligne le 26/03/2019, disponible à
l’adresse suivante :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676717?sommaire=3696937&q=service+%C3%
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- LogiVitae, « LogiVitae Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS) » écrit par Dafna
MOUCHENIK, publié le 29 août 2018, disponible à l’adresse suivante :
https://logivitae.fr/logivitae-entreprise-solidaire-dutilite-sociale-esus/
- Ministère de l’Économie et des Finances, « l’essentiel des Services à la Personne »,
disponible à l’adresse suivante : https://www.entreprises.gouv.fr/services-a-la-
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- Ministère des Solidarités et de la Santé, « Personnes-âgées : les chiffres clés », mis à
jour le 02/03/2018, disponible à l’adresse suivante : https://solidarites-
39
sante.gouv.fr/archives/loi-relative-a-l-adaptation-de-la-societe-au-
vieillissement/article/les-chiffres-cles
- Observatoire de la franchise, « Franchise définition : qu’est-ce que la franchise ? »,
disponible à l’adresse suivante : https://www.observatoiredelafranchise.fr/guide-
creation-entreprise-en-franchise/definition-de-la-franchise.htm
- Paris, mon aide à domicile, disponible à l’adresse suivante :
https://monaideadomicile.paris.fr/#/
- Fédésap, « Agir ensemble pour la filière, Les missions et les valeurs de la Fédésap »,
disponible à l’adresse suivante : https://www.fedesap.org/actions/
- SYNERPA, « Adhérer au SYNERPA », disponible à l’adresse suivante :
http://www.synerpa.fr/adherer-8.html
- Toute la franchise, « Entreprise d'aide à la personne : les franchises recrutent ! Les
SAP restent un secteur porteur », publié le 2 mai 2018, disponible à l’adresse suivante
: https://www.toute-la-franchise.com/vie-de-la-franchise-A30981-entreprise-aide-
personne-franchise.html
- Toute la franchise, « Quels sont les avantages de la franchise ? », mis à jour le 14 mai
2019, disponible à l’adresse suivante : https://www.toute-la-
franchise.com/avantages_pour_le_Franchise.php
- UFC-Que choisir, « Personnes âgées dépendantes (infographie) Votre avis sur les
services d’aide à domicile », publié le 21 avril 2016, disponible à l’adresse suivante :
https://www.quechoisir.org/actualite-personnes-agees-dependantes-infographie-votre-
avis-sur-les-services-d-aide-a-domicile-n3931/
1
Annexe
Liste des 26 activités de services à la personne65
Les activités de services à la personne relevant de la déclaration :
– Entretien de la maison,
– Petit travaux de jardinage,
– Travaux de petit bricolage,
– Garde d’enfants de plus de 3 ans à domicile,
– Soutien scolaire ou cours à domicile,
– Soins esthétiques à domicile pour les personnes dépendantes,
– Préparation de repas à domicile (y compris temps passé aux courses),
– Livraison de repas à domicile,
– Livraison de courses à domicile,
– Collecte et livraison à domicile de linge repassé,
– Soins et promenades d’animaux de compagnie pour les personnes dépendantes,
– Maintenance, entretien et vigilance temporaires à domicile,
– Assistance administrative à domicile,
– Accompagnement des enfants de plus de 3 ans dans leurs déplacements,
– Télé-assistance et visio-assistance,
– Interprète en langue des signes, technicien de l'écrit et codeur en langage parlé complété,
– Prestation du véhicule de conduite personnel des personnes qui présente une invalidité
temporaire,
– Accompagnement des personnes qui présentent une invalidité temporaire en dehors de
leur domicile,
– Assistance aux personnes qui ont besoin temporairement d'une aide personnelle à leur
domicile, à l'exclusion des soins relevant d'actes médicaux,
– Coordination et délivrance des services.
65 Ministère de l’économie et des finances, L’essentiel des services à la personne, 26 activités de services à la
personne (SAP, modifié le 17 juin 2019, consulté le 07 juillet 2019, disponible à l’adresse suivante :
https://www.entreprises.gouv.fr/services-a-la-personne/activites-des-sap
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Les activités de services à la personne soumises obligatoirement à agrément :
– Garde d’enfants de moins de 3 ans et de moins de 18 ans handicapés à domicile, en mode
prestataire et mandataire,
– Accompagnement des enfants de moins de 3 ans et de moins de 18 ans handicapés dans
leurs déplacements, en mode prestataire et mandataire,
– Assistance dans les actes quotidiens de la vie aux personnes âgées, handicapées ou
atteintes de pathologies chroniques, en mode mandataire,
– Prestation de conduite du véhicule personnel des personnes âgées, handicapées ou
atteintes de pathologies chroniques, en mode mandataire,
– Accompagnement des personnes âgées, handicapées ou atteintes de pathologies
chroniques dans leurs déplacements en dehors de leur domicile, en mode mandataire.
Les activités de services à la personne (en mode prestataire uniquement) soumises
obligatoirement à autorisation :
– Assistance dans les actes quotidiens de la vie ou l'aide à l'insertion sociale aux personnes
âgées, handicapées ou atteintes de pathologies chroniques qui ont besoin de telles
prestations à leur domicile ou l'aide personnel à domicile aux familles fragilisées,
– Prestation de conduite du véhicule personnel des personnes âgées, handicapées ou
atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances, pour les
démarches administratives,
– Accompagnement des personnes âgées, handicapées ou atteintes de pathologies
chroniques dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la
mobilité et au transport, actes de la vie courante).