Post on 05-Jan-2017
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ACADEMIE DE STRASBOURG
GRF ENTREE EN LITTERATURE
Années 2009-2011
Remerciements
Nous remercions chaleureusement Mme Annie Rouxel, professeur de langue
et littérature françaises à l'Université Bordeaux 4, (IUFM d'Aquitaine) qui
nous a accordé gracieusement une demi-journée de formation et M. Gilbert
Guinez, IA-IPR de lettres qui a accepté de suivre notre groupe de recherche
formation.
Participantes :
1 – BURET Christine Collège Lycée St André Colmar
2 – CORRION Anne-Sophie Lycée Camille See Colmar
3 – DEDIEU Pascale Lycée Henner Altkirch
4. DE PAUW Caroline Lycée des Métiers Ingersheim
5 – GODIN Isabelle Collège lycée de Zillisheim
6 – HAGENBACH Martine Collège Kléber Haguenau
7 – HEITZ Marie-Madeleine Lycée Camille See Colmar
8 – HERAUD Marie-Jo Collège lycée de Zillisheim
9 – LE NADAN Sylvia Lycée Lazare de Schwendi Ingersheim
10- MUCKENSTURM Patricia Lycée Schuré Barr
11 – REYMANN Gabrielle Lycée Camille See Colmar
12 – SCHWARTZ Fabienne Lycée Camille See Colmar
13 – WEISS Rachel Lycée Schuré Barr
14 – WISNIEWSKI Brigitte Collège Lycée St André Colmar
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Sommaire
Introduction p.4
Entrer dans les œuvres du patrimoine p.7
Isabelle Godin et Marie-Jo Héraud
Les référents culturels p.10
• Au lycée Anne Sophie Corrion Hunzinger p.11
• En BTS Sylvia Le Nadan Martin et Caroline De Pauw p.12
• En ECJS Gabrielle Reymann p. 15
Lire au collège et au lycée p.18
• Objectifs p.18
• Evaluation initiale : élaboration d’une enquête de lecture p.21
et d’une évaluation diagnostique
• Contribution classe de 3ème
: liaison 3ème
seconde p.22
Martine Hagenbach
• Travail sur les postures de lecture en accompagnement personnalisé
Activité de soutien :
o la posture 0 p.30
Marie-Madeleine Heitz
o Lire au lycée professionnel p.33
Pascale Dedieu
Activités d’approfondissement
o Travail sur les incipits de Balzac p.36
Marie-Madeleine Heitz et Fabienne Schwartz
o Lecture cursive et initiation au commentaire littéraire p.39
à partir du roman La Peau de chagrin de Balzac et du
3
drame romantique Hernani de Victor Hugo
Patricia Muckensturm et Rachel Weiss
o Elaboration de deux journaux de bord en classe de p.43
seconde année 2010-2011 Fabienne Schwartz
• Conclusion p.46
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Introduction
Dans les établissements scolaires, l’observation montre que les élèves n’établissent guère de liens
entre lecture scolaire et privée et ne réinvestissent pas les connaissances acquises en classe qui
pourraient leur permettre d’enrichir leur culture littéraire. Il revient principalement au professeur de
lettres et au professeur documentaliste d’inciter les élèves à la lecture : le professeur de lettres qui
développe des compétences littéraires et le professeur documentaliste qui va promouvoir la lecture
plaisir.
Ne serait-il donc pas judicieux pour les enseignants de lettres et les professeurs documentalistes de
travailler en partenariat afin que les élèves ne développent plus deux types de lecture en parallèle
mais que lecture plaisir et lecture scolaire s’alimentent mutuellement ?
Pour participer à ce jeu qui provoque le plaisir de la lecture, les jeunes lecteurs ont besoin de
référents culturels, de savoirs sur les textes et de savoirs sur le monde.
Les savoirs sur les textes concernent les professeurs de lettres. Il s’agit là d’analyse littéraire à
proprement parler où l’on construit le sens du texte et pour cela il faut des outils rhétoriques,
narratologiques etc… L’enjeu concerne la formation du goût esthétique.
Par leur spécificité, les professeurs documentalistes peuvent participer à la construction d’une
culture commune (tradition humaniste de la littérature) et montrer aux élèves et aux enseignants
comment la littérature de jeunesse, par exemple, peut être un tremplin pour la construction de
cette culture commune. Par référents culturels, il faut entendre la familiarisation des élèves avec
l’objet littéraire et son univers. Cette composante reste centrée sur la périphérie du texte et sur les
conditions psychologiques et matérielles de l’accès à la lecture.
Les savoirs sur le monde font référence aux connaissances historiques, biographiques, génériques et
intertextuelles qui permettent de rattacher un texte à un courant, un auteur, de le situer dans ses
divers contextes. Ainsi la littérature est perçue comme un objet d’enseignement.
Un groupe de professeurs documentalistes et de professeurs de lettres a décidé d’engager un travail
sur « l’entrée en littérature ». La définition retenue était la suivante :
« Entrer en littérature » signifierait « dépasser une lecture ordinaire purement sensorielle pour en
faire émerger des richesses qui n’apparaissent pas lors d’une lecture superficielle et qui participent à
une culture littéraire ». Pour y parvenir, semblent nécessaires un goût certain pour la lecture et la
capacité à réinvestir les connaissances acquises en cours de Français.
Les enseignants de français oeuvrent quotidiennement à la construction de connaissances par
l’élève. Mais est-ce que ce dernier les réinvestit dans ses lectures quotidiennes ?
Les professeurs documentalistes incitent à la lecture à travers de nombreuses animations.
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Mais ces activités contribuent-elles à la construction d’une culture littéraire ?
La problématique qui est au cœur de notre réflexion et des propositions pédagogiques qui suivront
est la suivante :
Comment faire passer les élèves d’une lecture ordinaire à une lecture littéraire afin qu’ils
construisent une culture et une vision critique du monde ?
Amener les élèves à pratiquer la lecture littéraire, c’est mettre en place des apprentissages qui
insistent sur la lecture et la relecture des textes. En effet, d’après Annie ROUXEL1, la lecture littéraire
se caractérise par la lenteur qui rend possible la prise en compte de la polysémie et de l’implicite des
textes. Elle permet aux élèves de passer d’une première saisie du texte à une autre étape au cours de
laquelle les éléments décelés prennent sens. Quant à la distance, certes fluctuante, qui s’instaure
entre le texte et le lecteur, elle est une autre caractéristique de la lecture littéraire. En effet, il s’agit
d’apprendre à nos élèves à dépasser le plaisir immédiat de l’immersion dans le texte pour accéder au
plaisir esthétique de l’interprétation
Les professeurs de Lettres sont conscients de l’hétérogénéité de leur public et de ses pratiques dans
le domaine de la lecture et se trouvent souvent démunis devant l’absence de curiosité et de terrain
prédisposé à la découverte du monde littéraire.
Les professeurs documentalistes ont l’expérience des animations lectures qui développent le goût de
lire, mais déplorent qu’elles ne soient pas assez approfondies pour leur public. Pour affilier les élèves
à la lecture, il convient également de favoriser la compréhension des textes et d’aborder les
référents culturels. Ce domaine n’a pas encore été exploré par la profession.
Pour Philippe Clermont2, la motivation de l’élève sera suscitée si les activités trouvent résonance
dans sa propre vie, si on établit des ponts entre les disciplines et si on développe une culture
commune à travers des projets.
Pour tenter de répondre à la problématique, nous avons alors constitué trois groupes correspondant
à des orientations précises :
- « Entrer dans les œuvres du patrimoine » dont les objectifs sont de rapprocher les élèves des
grands auteurs afin de susciter un regain d’intérêt pour la littérature, de montrer qu’on peut trouver
goût à la littérature. Il s’agit donc de développer une culture littéraire et une vision critique du
monde. L’enseignement d’exploration « Littérature et société » en seconde peut être le lieu
approprié pour mettre en œuvre cette démarche.
- « Les référents culturels » pour rendre les élèves autonomes dans la recherche d’informations
concernant les référents culturels et montrer que la littérature permet de dépasser les stéréotypes et
de construire culture et tolérance. « Lire, c’est avant tout manipuler des stéréotypes : c’est
1 Rouxel, Annie. Lire en classe : la lecture littéraire. In Profession enseignant, le français en collège et en lycée. p. 192 à 199, Hachette Education, 2001 2 Philippe, Clermont, Rodes, François, "Le développement de compétences culturelles en lecture pour les élèves en difficultés : modèle didactique et conditions pédagogiques", 2005.
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reconnaître des agglomérats de sens préfabriqués, c’est alterner entre l’acceptation et la mise à
distance des représentations conventionnelles, c’est enfin valoriser les conventions qu’on attend
tout en rejetant celles qu’on refuse »3 C’est entre autres à travers un thème commun, celui de la
vieillesse, que l’expérimentation a été menée en lettres en classe de première littéraire de LEGT et
en culture générale en BTS deuxième année.
- « Lire au collège et au lycée » qui retient comme objectifs de déterminer les facteurs favorisant le
passage d’une lecture ordinaire à une lecture littéraire en observant la circulation des élèves dans les
postures de lecture lors d’activités de français en classe de Seconde, de concevoir une progression
favorisant le passage d’une posture à la suivante et l’acquisition de compétences de lecture littéraire
et d’observer le réinvestissement des compétences acquises en français lors d’autres lectures.
« Les efforts de l’enseignement secondaire devraient porter principalement sur la familiarisation
avec le champ littéraire, sur la mise en œuvre de modes de lectures diversifiés, sur l’acquisition d’un
certain nombre de références culturelles et génériques et sur l’activation d’hypothèses
interprétatives plurielles ».4 Il s’agit donc également de faire progresser les élèves dans les
compétences linguistiques, rhétoriques, logiques, encyclopédiques, idéologiques pour devenir de
meilleurs lecteurs5.
3 Dufays, Jean-Louis, Pour une lecture littéraire, 2005, p 122. 4 Dufays, Jean-Louis, Pour une lecture littéraire, 2005, p13. 5 Rouxel, Annie. Qu’entend-on par lecture littéraire ? Actes de l'université d'automne - La lecture et la culture littéraires au cycle des approfondissements. Direction générale de l'Enseignement scolaire, mai 2004.
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Entrer dans les œuvres du patrimoine : Isabelle GODIN et Marie-Jo
HERAUD
Pour contacter les auteurs :
isabelle.godin@ac-strasbourg.fr
marie-josephe.heraud@ac-strasbourg.fr
La genèse du projet :
Notre participation au groupe de recherche « Entrée en littérature » était motivée par le
désir que nous avons chacune, professeur documentaliste et enseignante de lettres, de trouver des
stratégies efficaces pour faire lire davantage ou mieux nos élèves de lycée. L’expérience
passionnante et stimulante de la recherche en groupes, de la lecture de textes théoriques et
d’échanges de pratiques a renforcé notre volonté de croiser nos regards sur la littérature et la façon
de la transmettre aux élèves.
Après des actions ponctuelles de travail collaboratif, menées durant des années antérieures,
nous avons vu dans la réforme du lycée de 2010 l’occasion de mettre en place un projet
interdisciplinaire.
L’enseignement d’exploration était, nous semble-t-il, l’objet idéal pour permettre à un
professeur documentaliste de s’investir une année scolaire complète dans un projet avec un
professeur de lettres.
En effet, le BO concernant les programmes de la classe de seconde, et notamment la mise en
place d’un Enseignement d’exploration6, littérature et société, ouvrait des perspectives nouvelles,
notamment dans les modalités d'enseignement : « En rupture avec les formes plus traditionnelles de
l’enseignement en classe de seconde, cet enseignement d’exploration offre la possibilité de :
- mettre en œuvre des démarches co-disciplinaires ouvertes à l’innovation pédagogique ;
- permettre aux élèves de réaliser certaines productions et de développer leur créativité »
L’apprentissage que nous souhaitions mettre en place se devait d’être motivant pour les
élèves au point de trouver une situation stimulante qui mobilise leurs potentialités.
Notre choix s’est porté sur le thème :
« Écrire pour changer le monde : l’écrivain et les grands débats de société. » La problématique étant :
« De quelle manière les écrivains participent-ils aux débats politiques et aux débats de société, à la
6France. Ministère de l’Education Nationale. Bulletin officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010
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construction, à la diffusion ou à la mise en question des opinions et des valeurs de leur époque ?
[... ]Quels sont les voies et les moyens de leur engagement, les conditions de son efficacité ? »7
La question des « grands débats de société » nous a tout naturellement amenées à un travail
collaboratif avec un enseignant d’histoire.
Notre problématique
Notre objectif de travail de départ était de trouver des pistes pour « réhabiliter les
classiques ». Il nous semblait que cette formule un peu provocatrice exprimait bien notre but qui
était d’inciter les lycéens à lire des textes dits « classiques » alors qu’ils ont souvent beaucoup de
réticences à entrer en littérature. Progressivement, nos lectures théoriques nous ont amenées à
mesurer la difficulté liée à la notion même de « classique ». Ce que souligne Alain Viala dans son
article, « Qu’est-ce qu’un classique ? »8« La prolifération du label de classique dans le monde des
objets est le signe que l'on fait commerce de cette image d'une valeur symbolique. En termes
vestimentaires, le classique, c'est ce qui à la fois n'est pas à la mode et ne se démode pas. A la vitrine
du disquaire, je vois des « classiques du jazz », à celle de la vidéothèque, des « classiques du cinéma
français » Ainsi une œuvre classique serait une œuvre reconnue pour sa valeur, ancrée dans la
tradition et bien représentative d’un genre. Pourtant l’expérience du professeur documentaliste
nous dit bien qu’il n’y a pas de difficulté à faire lire un classique de la bande dessinée. Nous avons
alors préféré l’expression « textes du patrimoine littéraire » pour lever toute ambiguïté. Il faut
remarquer que les Instructions Officielles récentes de l’école, du collège et du lycée soulignent le rôle
formateur des œuvres du patrimoine, étudiées tout au long de la scolarité : l’approche de ces œuvres
a pour but la construction de références communes en relation avec une culture humaniste, tout en
contribuant au développement du sujet et à son inscription dans une histoire culturelle et sociale.
Notre objectif principal est donc de rapprocher les élèves d’auteurs majeurs du patrimoine
littéraire français afin d’éveiller leur curiosité et de susciter un intérêt pour des textes parfois
difficiles au premier abord, intérêt qui pourrait faciliter le passage d’une lecture ordinaire à une
lecture littéraire de textes emblématiques de la littérature engagée. Il s’agit également,
conformément à la problématique de notre groupe de recherche, de développer une culture
littéraire et une vision critique du monde, cela à travers une démarche documentaire, des lectures
variées et un travail d’écriture longue.
Les compétences visées
Connaissances
• Connaître des périodes et des mouvements majeurs de l’histoire littéraire et culturelle
7France. Ministère de l’Education Nationale. Encart Bulletin Officiel Spécial n°4 du 29 avril 2010 Enseignement d’exploration, littérature et société 8 Viala, Alain, « Qu'est-ce qu'un classique ? », BBF, 1992, n° 1, p. 6-15 [en ligne] Disponible à l’adresse : <http://bbf.enssib.fr/>
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• Approfondir la connaissance de la langue, de la grammaire de texte et d’énonciation à travers l’écriture d’un texte théâtral.
Capacités
• Développer sa capacité à prendre la parole à travers des exposés présentés à la classe et un jeu théâtral filmé.
• Sélectionner les informations dans un document.
• Savoir rédiger la bibliographie d’un auteur.
• Réfléchir et s’exprimer sur des phénomènes politiques et socio-culturels par la lecture de textes d’auteurs et par un travail d’écriture longue.
• Intégrer un nouvel espace informationnel en découvrant les ressources du CDI, en repérant et en identifiant les différents supports d’informations.
• Consolider la maîtrise de deux supports essentiels : BCDI et Internet
• Faire acquérir des démarches efficaces dans la recherche, le traitement et la production d’information.
Attitude
• Gagner en autonomie grâce au travail de groupe (organisation et répartition du travail, respect d’un échéancier)
Production finale
A partir du travail de recherche mené, chaque groupe d’élèves écrit un texte théâtral qu’il
met en scène, joue et filme. Chaque pièce de théâtre présente un dîner rassemblant hommes
politiques, personnalités historiques, contemporains de l’écrivain engagé choisi. Au cours de ce dîner,
la conversation porte sur l’engagement des écrivains. Des lectures de brefs extraits d’œuvres
viennent illustrer les propos et se glisser naturellement dans la conversation.
Démarche :
Notre volonté de mener toutes nos séances au CDI a été immédiatement acceptée par le chef
d’établissement, soucieux d’encourager les initiatives positionnant le CDI comme partenaire à part
entière dans des projets pédagogiques. Ainsi, nous avons pu disposer d’une heure et demie par
semaine pour l’enseignement d’exploration. Trois professeurs, un lieu et tous les outils de recherches
à disposition pour chaque séance : autant de facteurs enthousiasmants pour démarrer et mener à
bien un projet d’année !
Bilan :
Au terme de cette expérience, nous pouvons pu observer d’une part que tous les groupes ont
produit un texte théâtral respectant les consignes de départ. Le choix des personnages représentés
s’est révélé pertinent dans l’ensemble puisqu’ils permettaient des échanges riches autour de
l’engagement des auteurs choisis. Il faut souligner également la qualité indéniable de certaines
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productions avec une recherche dans la mise en scène, une richesse et une pertinence des
informations distillées au fil du dîner. Nous avons été surprises par la tendance de la plupart des
groupes de vouloir transformer l’échange d’idées et d’arguments en « pugilat » ou autre scène de
dispute (entre Camus et Sartre, Voltaire et Diderot par exemple…). Pour eux, engagement est
synonyme de passion, et donc d’une certaine violence. D’autre part, il est indéniable que des
compétences nouvelles ont été acquises tant dans l’appropriation du lieu que dans l’utilisation des
outils du CDI. De plus, l’écriture du texte, le travail de la mise en scène jusqu’au moment du film ont
été des temps forts dans les groupes. Les élèves ont pu mesurer l’importance du travail de chacun
dans l’apport des connaissances, puis dans le travail de mémorisation nécessaire du texte. (Si l’un
d’eux ne savait pas son texte, l’ensemble du groupe était pénalisé dans l’avancée du projet). Nous
avons vu les groupes progresser dans les compétences indispensables pour le jeu théâtral. Par
exemple certains, au début, récitaient leurs répliques de manière très « scolaire » et, peu à peu, ont
gagné une diction naturelle. Deux élèves, membres de troupes de théâtre, ont chacune beaucoup
fait progresser leur groupe à travers à la fois des idées de mise en scène très originales et pertinentes
et leur expérience du jeu.
Ces productions filmées ont pu exploitées de différentes manières : une projection aux parents
d’élèves, puis aux élèves de troisièmes de l’établissement, futurs secondes.
CONCLUSION
Dans notre démarche, nous sommes parties des références culturelles spontanées de nos élèves,
pour les conduire vers des textes et des auteurs du patrimoine littéraire qu’ils ont pu fréquenter
toute une année scolaire. Souhaitons que cette entrée en littérature, objectif au cœur de notre
projet, leur ait permis de donner du sens à ce qu’ils ont découvert et appris afin qu’ils puissent
l’intégrer de manière constructive et signifiante dans leur conception du monde.
Les référents culturels : Anne-Sophie CORRION-HUNZINGER, Sylvia
LE NADAN MARTIN, Caroline DE PAUW, Gabrielle REYMANN
Pour contacter les auteurs :
anne-sophie.corrion@ac-strasbourg.fr
Sylvia.Le-Nadan@ac-strasbourg.fr
caroline.de-pauw@ac-strasbourg.fr
gabrielle.reymann@ac-strasbourg.fr
Notre groupe a choisi de travailler sur la notion de référents culturels. On désigne par référent
culturel tout ce qui rappelle de façon explicite ou implicite, dans l’œuvre littéraire, des traits de
culture hétérogènes, des connaissances culturelles au sens large du terme. Ces derniers sont
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indispensables à la compréhension des textes comme le soulignait Bakhtine dans son Esthétique de
la création verbale : « La science de la littérature se doit, avant tout, de resserrer son lien avec
l’histoire de la culture .La littérature fait indissolublement partie de la culture […]. L’action intense
qu’exerce la culture (principalement celle des couches profondes, populaires) et qui détermine
l’œuvre d’un écrivain est restée inexplorée et, souvent, totalement insoupçonnée. » . Par exemple le
roman Un secret de Philippe Grimbert ne peut pas être compris sans un certain nombre de
connaissances sur la seconde guerre mondiale (allusions implicites aux consonances juives de son
nom d’origine, au film Nuit et brouillard, au mémorial de Serge Klarsfeld…). Le sens du roman peut
totalement échapper à un lecteur non averti.
Dans le champ très vaste désigné par référents culturels, nous avons choisi de travailler plus
spécifiquement sur la notion de stéréotype. Souvent connoté négativement, celui-ci constitue
pourtant un outil de lecture et d’appropriation des textes.
Nos travaux se sont orientés dans deux directions différentes, correspondant aux différents
niveaux de nos élèves : le premier groupe concernant une classe de première littéraire, le second une
classe de BTS deuxième année. Les deux groupes se sont d’abord accordés sur le thème de la
vieillesse avant d’explorer la notion de stéréotype de façon distincte. Une troisième expérience
portera sur l’exploitation du thème de la vieillesse en ECJS.
Au lycée : Anne-Sophie CORRION-HUNZINGER
La notion de stéréotype relève, entre autres, des référents culturels. Cette notion nous a paru
intéressante pour favoriser l’appropriation d’un texte : pour faire sens, un lecteur ramène toujours
dans un premier temps ce qu’il lit à quelque chose qu’il connaît, donc à un stéréotype, avant d’en
juger l’éventuelle originalité. Etudier les stéréotypes permet différentes approches de la littérature :
par le langage, les motifs, les personnages, le genre, le style…Et enfin, cette notion permet de
comprendre la littérature comme une dynamique : il n’y a pas de stéréotype en soi, mais un
processus continuel de figement, d’acceptation puis de rejet de certaines associations (de mots,
d’images,…) : la notion de « mouvement littéraire » prend alors tout son sens.9
L’expérience a été pour ce qui me concerne menée en classe de Première littéraire, en deux temps :
Premier temps (en début d’année) : aborder la notion de stéréotype dans son acception la plus
courante, c’est-à-dire péjorative : le cliché, l’image toute faite et réductrice.
Le thème choisi est la vieillesse, entre autres parce qu’il renvoie à des images immédiates pour les
élèves, à des représentations qui vont de la sorcière de Blanche-Neige à Mamie Nova, de la figure du
vieux sage (aux nombreuses incarnations) au Père Noël, sans oublier les motifs immanquablement
associés à l’âge par les élèves tels que la canne, les rides, les cheveux blancs…
La première séance, conduite conjointement avec Madame Reymann, professeur-documentaliste,
permet de mettre en évidence la notion de stéréotype et fournit un préalable à l’étude des textes qui
9 Références théoriques Dufays, Jean-Louis. Stéréotype et lecture, essai sur la perception littéraire. Mardaga, 1995 Dufays, Jean-Louis, Gemenne, Louis, Ledur, Dominique. Pour une lecture littéraire. De Boeck, 2005
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sera guidée par la question suivante : comment la littérature se saisit-elle des stéréotypes sur la
vieillesse ?
Un groupement de divers textes et documents est ensuite étudié.
Après la lecture analytique de chaque texte sur plusieurs séances, on fait une synthèse pour
répondre à notre question :
Bilan : les élèves sont assez facilement réceptifs à la notion et très motivés ensuite pour reprendre le
modèle du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert et dénoncer les stéréotypes sur …la jeunesse.
Second temps (vers décembre) : il s’agit cette fois d’identifier le stéréotype à différents niveaux
(langage, thèmes, attentes génériques, figures de style…) et pas forcément comme quelque chose de
négatif, mais plutôt comme un outil permettant d’inscrire un texte dans un contexte littéraire et
culturel et/ou d’en cerner la singularité. La séquence a pour objet d’étude les réécritures, à travers le
motif de la rencontre au bal, mais aussi celui de la mort de l’héroïne romanesque. Deux groupements
différents sont donc étudiés.
Suite à cela, un corpus de textes extraits du Lys dans la Vallée de Balzac permet d’aborder plus
spécifiquement un stéréotype propre au romantisme : celui de la femme angélique et maternelle,
icône sacrée, image par laquelle Félix va s’aveugler tout en enfermant Mme de Mortsauf dans un
mensonge qui va la tuer.
.Bilan des deux expériences : Un exercice final est proposé à partir d’un extrait célèbre de Madame
Bovary au début du roman : au couvent, Emma alimente ses rêves d’amour grâce à des lectures
interdites fournies par une vieille fille aux pensionnaires…l’extrait est riche de stéréotypes divers. Les
élèves doivent repérer les stéréotypes qu’ils perçoivent, éventuellement leur donner un sens. C’est
intéressant mais aussi plus difficile. Les écueils sont que les élèves ont tendance à voir des
stéréotypes partout, mais que, surtout, il faut être cultivé pour reconnaître comme tel un
stéréotype ! C’est un problème. Pour les très faibles lecteurs, qui ne reconnaissent pas du tout les
stéréotypes langagiers par exemple, parce qu’ils ne les ont jamais vus, il faut ménager des paliers de
difficulté…Cette question reste à creuser pour pouvoir proposer la mise en évidence et en
perspective de stéréotypes dans des classes moins littéraires.
En BTS : Sylvia LE NADAN-MARTIN et Caroline DE PAUW
Dans la mesure où le stéréotype relève d’un processus de catégorisation et de généralisation, il
simplifie et élague le réel ; ainsi il peut favoriser une vision schématique et déformée de l’autre qui
entraine des préjugés.
L’expérimentation prend place en classe de BTS deuxième année et se trouve liée aux deux thèmes
officiellement au programme : Générations et Le rire : pourquoi faire ?
Concernant le premier thème : Générations, l’expérimentation porte plus spécifiquement sur
le thème de la vieillesse et de sa représentation, tant dans la société que dans les médias, la
littérature ou encore le cinéma.
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Au début de la séquence ; en tant qu’évaluation, une écriture personnelle est proposée : Que
représente la vieillesse selon vous ? Comment l’envisagez-vous ?
La correction de cette première écriture a permis dans un premier temps de mettre en valeur une
vision dominante négative et stéréotypée quant à leur représentation commune de la vieillesse. Elle
a donné l’occasion de réaliser un tableau comparatif mettant en relief d’un côté les aspects
traditionnellement perçus comme négatifs de la vieillesse et ceux perçus comme positifs en
répertoriant les personnages, les ouvrages, les images correspondant (la mamie gâteau, le vieux
sage…).
Ces référents, parfois proches du stéréotype, comme nous n’avons pas manqué de le souligner,
répertoriés en commun, ont constitué notre première base de travail.
En effet et ceci est souligné dans l’ouvrage de Ruth Amossy, « le stéréotype schématise et
catégorise ; mais ces démarches sont indispensables à la cognition même si elles entrainent une
simplification et une généralisation parfois excessives. Nous avons besoin de rapporter ce que nous
voyons à des modèles préexistants pour pouvoir comprendre le monde, faire des prévisions et régler
nos conduites. Objet des plus sévères dénonciations, le stéréotype devient ainsi l’objet d’une
réhabilitation qui permet de souligner ses fonctions constructives.
C’est un concept bien défini qui permet d’analyser le rapport de l’individu à l’autre et à soi, ou les
relations entre les groupes et leurs membres individuels. »
A partir de cette mise en commun, nous avons ensuite étudié une série d’articles de presse
concernant la place accordée dans notre société aux personnes âgées, les réalités, les problèmes…
Nous avons déjà ainsi pu nuancer en montrant les deux faces de cet âge (négative / positive) de
façon plus équilibrée et en ouvrant sur la perception du troisième âge dans d’autres cultures afin de
relativiser.
Ensuite j’ai rassemblé un corpus de textes littéraires comprenant des poèmes et des extraits de
roman jouant sciemment des stéréotypes. Nous les avons étudiés en répondant à la problématique :
Comment les auteurs se jouent-ils des stéréotypes et de nos peurs dans leur représentation de la
vieillesse ?
Le corpus rassemblait des textes de Ronsard (« Quand vous serez bien vieille »), de Baudelaire (« Les
petites vieilles »), de Céline, extrait de Voyage au bout de la nuit, de Steinbeck dans Les Raisins de la
colère ou encore de Proust dans La recherche du temps perdu. Ceci a permis d’avoir une vraie
réflexion quant aux stéréotypes, leur emploi et leur influence sur nos propres représentations.
Ainsi la mise en valeur des stéréotypes était notre base d’étude. En effet soit les auteurs les
exploitent, soit ils s’en éloignent mais dans tous les cas nous avons pu constater qu’ils nous servaient
de repères. Ruth Amossy10 défendait d’ailleurs déjà cet état de fait : « A la croisée des sciences
sociales et des études linéaires, il se définit comme une représentation sociale, un schéma collectif
figé qui correspond à un modèle culturel daté. En tant que tel, il est constitutif du texte qui peut
10 Amossy,Ruth, Herschberg-Pierrot, Anne. Stéréotypes et clichés : langue, discours, société. Armand Colin, 2011
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travailler à le déjouer mais non s’en passer (…) Ils sont des lieux sensibles de condensation et de
production du sens dans le texte littéraire (…) En bref le lecteur active le stéréotype en rassemblant
autour d’un thème, un ensemble de prédicats qui lui sont traditionnellement attribués. Il le fait par
processus : de sélection, d’élagage, d’assemblage et de déchiffrement. Il est donc mis en place à
partir d’une véritable activité de déchiffrement qui consiste à retrouver les attributs d’un groupe,
d’un objet… à partir de formulations variées. En d’autres termes le stéréotype n’existe pas en soi, il
ne constitue pas un objet palpable ni une entité concrète : il est une construction de lecture (…) où
s’arrête les guillemets ?
L’activation des stéréotypes dépend donc à la fois de la capacité du lecteur à construire un schéma
abstrait et de son savoir encyclopédique, de la culture dans laquelle il baigne. L’activation des
stéréotypes varie en fonction du bagage culturel du récepteur. Si le texte peut dénoncer des
évidences et questionner des valeurs, il peut aussi faire l’objet de déchiffrements divers et à la limite
de la contradictoires en fonction des stéréotypes qui guident l’activité lectrice. Les compétences
encyclopédiques des publics varient en effet en fonction de paradigme de classe, d’âge, de culture,
d’époque…(…) Le lecteur moyen aime les stéréotypes, les lieux communs dans lesquels il se retrouve
en terrain familier.
L’initiation au stéréotype permet aux élèves de voir que les représentations en apparence les plus
« naturelles » sont en fait reliées à une époque, à une façon datée de sentir et de penser. Cette
compétence culturelle doit les aider à relativiser leurs propres croyances et à mieux comprendre la
dimension sociale et idéologique du discours.
Il faut , en effet, tenir compte dans l ‘enseignement de la lecture, du savoir encyclopédique souvent
réduit des élèves et de leur manque de familiarité avec les schémas collectifs qui ne participent plus
de leur bagage culturel.
Pour vérifier l’acquisition par les élèves de connaissances visant à « entrer en littérature » la lecture
d’un ouvrage choisi dans une liste est demandée. Les étudiants ont le choix entre : Oscar et la dame
rose d’Eric Emmanuel Schmitt, L’élégance du hérisson de Muriel Barbery , La petite fille de M Linh de
Philippe Claudel , Pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Lewis, La grand-mère de Jade de Frédérique
Deghelt, Ensemble c’est tout d’Anna Gavalda, La douce empoisonneuse de Paasilina, L’étrange cas de
Benjamin Button de Fitzgerald, Le nœud de vipères de Mauriac, Le soleil des Scorta de Gaudé,
Magnus de Sylvie Germain, La place d’Annie Ernaux.
La restitution doit permettre d’évaluer l’évolution des étudiants dans leur perception du thème.
Les consignes sont les suivantes : suite à la lecture de l’ouvrage, l’étudiant effectue des recherches
sur l’auteur, offre un résumé personnel puis crée des liens avec éléments et thématiques vus en
classe (la vieillesse, les stéréotypes qui lui sont associés, les relations intergénérationnelles). Enfin il
doit choisir un passage qui pour lui, était signifiant, marquant et expliquer son choix.
Dans la plupart des cas la présentation a démontré une évolution, une attention plus particulière aux
thèmes, une réflexion plus approfondie et une certaine finesse dans l’analyse. La notion de
stéréotype a été évoquée (en termes de fidélité ou d’opposition) et expliquée.
15
Enfin l’évaluation sommative a pris la forme d’une écriture personnelle : « Que représente la
vieillesse, selon vous, dans notre société et quel rôle joue-t-elle dans les relations
intergénérationnelles ? »
Elle permettait de rendre compte de l’évolution des élèves par rapport à leur perception et leur à
priori de lecteur.
La deuxième partie de l’expérimentation concerne le second thème : Rire, pour quoi faire ?
Elle va permettre d’interroger à nouveau mais différemment les notions de stéréotypes et de
référents culturels.
En effet la première synthèse concerne les référents et va pointer l’importance de ceux-ci dans la
bonne compréhension de l’humour.
Ainsi cette synthèse permet-elle de mettre en lumière la culture (et donc les référents culturels)
nécessaire à une compréhension juste des effets souhaités par l’humoriste. Ainsi Pierre Desproges et
sa Minute de Monsieur Cyclopède font appel à une culture encyclopédique alors que d’autres extraits
permettent de considérer la culture dans son aspect ethnique et relatif. Nous avons pu en conclure
que des procédés tels que l’ironie ou l’antiphrase demandaient également une certaine culture
littéraire afin d’être décryptés correctement et compris. Enfin ce que nous avions qualifié de
« stéréotype » retrouve un intérêt majeur ici car les humoristes (comme le soulignait également Ruth
Amossy 11: «La littéralisation des clichés engendre souvent un comique reposant sur le double
sens »), les utilisent aussi fréquemment que les auteurs ; pour s’en démarquer le plus souvent, et
créer une connivence avec leur lecteur.
La synthèse finale qui aura lieu en mai fera s’interroger les élèves sur ces stéréotypes et sur la
possibilité de pouvoir rire de tout.
Ce travail a permis aux étudiants de développer leurs compétences tant au niveau de la
lecture qu’à celui de leurs représentations. En effet ils ont été amené à sortir de leurs stéréotypes et
préjugés pour réfléchir à l’influence que ceux-ci avaient sur eux et ce à partir d’ouvrages qu’ils
s’étaient appropriés. Ainsi l’objectif est il atteint tant pour les étudiants que pour l’enseignante.
En ECJS : Gabrielle REYMANN
Entrer en littérature par d’autres disciplines que par le français :« Les visions de la
vieillesse »
Lorsqu’un enseignant de lettres se voit attribuer des heures d’ECJS, il sent souvent démuni dans cette
discipline qui lui semble bien éloignée de la sienne. Pourtant rien ne l’empêche de lui donner une
coloration littéraire et d’en faire un moment d’incitation à la lecture. La séance relatée ci-dessous a
été menée avec un enseignant d’histoire-géographie féru de lecture mais pourrait être reprise par un
enseignant de lettres.
11 ibid
16
1. Origine du projet
Travail de partenariat entre le professeur d’ECJS et le professeur documentaliste durant
l’année scolaire 2009-2010). Sujet-thème entrant dans le programme d’ECJS Seconde
« Education à la citoyenneté »
Sujet-thème d’actualité (Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la
solidarité et de la ville. Ministère qui gère « les personnes âgées ».)
Mise en place en juillet 2009 du plan « Bien vieillir – vivre ensemble » : un label pour
améliorer la qualité de vie des aînés »..
2. Mise en place
• Concertation entre le professeur d’ECJS et le professeur documentaliste pour définir les
modalités de la mise en place du projet commun.
3. Objectifs
• Faire travailler les élèves sur un thème d’actualité en ECJS avec prise de conscience de la
thématique au niveau de la société. Balayage d’un certain nombre de clichés (la notion
de cliché sera explicité à la fin du compte-rendu de l’expérimentation pédagogique) sur
le thème « personne âgée »
• Faire acquérir aux élèves des compétences documentaires en utilisant un logiciel de
recherche BCDI et en travaillant sur Internet.
• Faire lire les élèves
4. Déroulement
• Plusieurs séances de travail seront nécessaires pour faire aboutir le projet.
- choix des sous – thèmes – recherche documentaire – travail sur les documents – mise en
forme de la restitution du travail.
- chaque groupe d’élèves a à sa disposition une citation sur la thématique et doit y
réfléchir pour ensuite accorder ses documents à la citation et traiter son sous thème
5. Bilan
Les élèves ont bien réagi au projet proposé par les enseignantes.
Exemple de citation utilisée pour le travail :
« C’est ça vieillir, ma chère, c’est oublier, ou confondre. Ou ne pas avoir la force d’aller loin
dans les efforts de la mémoire. Alors on rabâche ce qu’il nous reste ». Maxime Drouot
Travail sur la maladie d’Alzheimer. -Statistiques sur le nombre de malades en France (carte)-Les
symptômes de la maladie. - Comment aborder la maladie ?-Comment en parler ? A qui ?- Le rôle
17
et la place de la famille ou des proches d’un malade- Les structures pour accueillir les malades-
Les documents trouvés et synthétisés ont été placés sur le panneau de manière à illustrer
clairement la citation de départ. Ils ont été complétés par des extraits d’ouvrages de fiction que
les élèves avaient lus sur le thème.
Une ronde de livres sur la thématique a été menée par le professeur documentaliste. Des extraits de
fictions ont mis les élèves en appétit et les livres ont été empruntés par un grand nombre.
Les élèves et leurs enseignantes sont également intervenus lors de la Parenthèse, le club littérature
du lycée. Les enseignantes ont présenté un livre qui traitait de la problématique de la vieillesse :
Etrennes de Russie de Christelle RAVEY et les élèves ont complété en présentant leurs lectures de
fictions et le résultat de leurs recherches sur le thème.
Bilan général
Le bilan a été très satisfaisant. Les objectifs fixés par les deux enseignantes ont été atteints. Recherche documentaire et acquisition de compétences, travail sur un sujet d’actualité et lecture par les élèves de fictions sur cette thématique.
Quelques précisions sur la notion de cliché
Nous garderons ici le deuxième sens donné au mot « cliché », le sens figuré, sens donné en
littérature. Ce sens est péjoratif.
Le cliché est une expression toute faite devenue banale à force d’être répétée12.
Le cliché est une idée ou une expression trop souvent utilisée13.
Le cliché aurait une fonction : il produit une figure de style qui a elle même une fonction : elle
participe à la construction du discours lyrique, de la représentation réaliste et du récit engagé.
Le trait le plus frappant qui permet d’identifier un cliché est « le jugement de valeur » auquel il
donne lieu. Le cliché est plus vite repérable que le stéréotype qui peut revêtir des formes variées.
Exemple : personne âgée : cheveux blancs – rides. Pour n’en citer que deux.
Exemple : stéréotype du Juif – du Breton- de la star hollywoodienne – de la prostituée au grand
cœur…Chaque récepteur du stéréotype peut en avoir une autre vision parce qu’il le reconstitue, le
reconstruit en le rapportant aux modèles culturels dont il est imprégné.
Ce qu’il faut retenir du cliché c’est qu’il y a d’une part l’émetteur (celui qui utilise le cliché pour
s’exprimer) et le récepteur (celui à qui il s’adresse – qui porte un jugement de valeur sur
l’émetteur.14
12 Trésors de la Langue Française. Paris, 1977- Tome 5 p.913 13 Dictionnaire culturel en langue française. Ed. Le Robert, Paris-2005. Tome 1 p.1601
18
CONCLUSION Notre groupe a donc travaillé de façons différentes à partir du même point de départ, tant en classe de première qu’en classe de BTS, en français comme en ECJS, et en partenariat avec les documentalistes.
En ce qui concerne ce travail mené en ECJS ,il est intéressant de constater que d’une part les
élèves qui au départ du travail avaient une vision de la « vieillesse » plutôt réductrice (
cheveux blancs – canne] ont réussi à s’en détacher pour mettre en avant d’autres aspects
comme le potentiel économique de cette tranche d’âge, le problème de la prise en charge
des personnes dépendantes de plus en plus nombreuses et d’autre part ce travail leur a
permis de développer ou découvrir une envie de lire des fictions sur la thématique.
Lire au collège et au lycée : Pascale DEDIEU, Martine HAGENBACH,
Marilène HEITZ, Patricia MUCKENSTURM, Fabienne SCHWARTZ,
Rachel WEISS
Pour contacter les auteurs :
pascale.dedieu@ac-strasbourg.fr
martine.hagenbach@ac-strasbourg.fr
marie-madeleine.heitz@ac-strasbourg.fr
patricia.muckensturm@ac-strasbourg.fr
fabienne.schwartz@ac-strasbourg.fr
rachel.weiss@ac-strasbourg.fr
Objectifs
L’enjeu du sous-groupe « Lire au lycée » était donc de réfléchir à la nature des obstacles qui
s’opposent à une lecture profitable et de proposer des activités qui ouvrent aux potentialités d’un
texte.
Nous nous sommes donc donné comme problématique : Comment faire progresser les élèves dans
les différentes postures de lecture afin qu’ils développent progressivement une culture littéraire ?
Outils à construire
• Une évaluation diagnostique en deux parties, l’une reposant sur la perception subjective des élèves de leurs intérêts pour la lecture, du sens des activités en français et de leurs
14 Molino, Jean. La culture du cliché : archéologie d’une notion problématique. In Le cliché. Textes réunis par
Gilles Mathis. Interlangues littératures. Presses universitaires du Mirail , 1998.
19
appréhensions par rapport aux exigences du lycée, l’autre étant constituée d’une évaluation des compétences en lecture à l’entrée au lycée. Les résultats des évaluations permettront de situer les élèves dans les tableaux de positionnement.
• Un tableau de positionnement créé à partir des postures de lecture de Dominique Bucheton15, de critères définis par Jocelyne Giasson16 et issus également des documents d’accompagnement de l’enquête PISA17.
Difficultés des élèves susceptibles d’être mises en évidence
• Difficultés de compréhension liées au vocabulaire et aux référents culturels ;
• Difficultés à dépasser ses représentations pour entrer dans l’univers référentiel du texte ;
• Manque d’intérêt pour la lecture ;
• Difficultés à réinvestir des connaissances et des compétences.
Activités à prévoir
A partir de l’évaluation diagnostique, envisager des activités scolaires au sein des objets d’étude en
français et de l’accompagnement personnalisé, susceptibles de favoriser la progression des élèves en
différenciant les exigences.
Prise en compte de la subjectivité de l’élève
� Au début des séquences, émergence des représentations ;
� Au cours des séquences, mise en valeur de l’intérêt de la subjectivité et de l’acquisition de
connaissances ;
� Conscience du rôle de la subjectivité dans l’interprétation d’un texte ;
� A la fin de la séquence, évaluation de l’enrichissement de la subjectivité par les
connaissances.
Evaluation
• Prévoir une évaluation diagnostique en début d’année ;
• Situer les élèves dans le tableau de positionnement ;
• Evaluer l’impact des activités proposées à l’intérieur des objets d’étude sur le positionnement de l’élève
Mise en évidence d’éléments transférables
15 Bucheton, Dominique. Les Postures du lecteur, in DEMOUGIN Patrick et MASSOL Jean-François, Lecture
privée et lecture scolaire, la question de la littérature à l'école, CRDP de l'académie de Grenoble, 1999. 16 Giasson, Jocelyne. Les textes littéraires à l’école, De Boeck, Outils pour enseigner, 2005, chapitre 21, « L’évaluation de l’ensemble du processus », p. 252 à 254. 17
La lecture moteur de changement Evaluation et perspectives d’un pays à l’autre Résultats du cycle d’enquêtes
PISA 2000 OCDE Disponible sur : http://educ-eval.education.fr/pdf/Reading_French.pdf
20
A la fin de l’expérimentation, essai de synthèse :
• Variables sur lesquelles il est possible d’agir ;
• Variables qui résistent ;
• Activités susceptibles d’avoir un impact positif sur la progression de l’élève.
Quelques éléments théoriques :
La lectures d’ouvrages théoriques de Jocelyne Giasson1819, Annie Rouxel20, Catherine Tauveron21,
Jean-Louis Dufays22 nous ont permis de mieux appréhender la construction de compétences
littéraires tout au long de la scolarité et de cerner les difficultés rencontrées par les élèves. Les trois
domaines étudiés en français concernent la compréhension, l’analyse et l’interprétation.
A l’école élémentaire, l’accent est mis principalement sur l’apprentissage de la lecture et la
compréhension en abordant des notions d’analyse et d’interprétation.
Au collège, l’analyse des textes est l’objectif principal dans le but d’affiner la compréhension des
textes et de construire des compétences littéraires.
Au lycée, ces compétences sont approfondies grâce à des textes plus réticents pour permettre à
l’élève d’affiner sa compréhension et passer progressivement de l’analyse à l’interprétation.
Pour que les élèves puissent progresser dans l’appréhension d’œuvres littéraires, il nous semblait
important de définir une progression dans l’acquisition des compétences.
Dominique Bucheton23, lors d’une recherche auprès de collégiens de 3ème sur les réinvestissements
des compétences scolaires dans une lecture proposée, a distingué 5 postures de lecteurs et conclu
que les collégiens qui ont le plus de chance de réussir leur scolarité sont ceux qui circulent aisément
dans ces postures.
Selon ce chercheur, ces postures sont des « modes de lire, devenus non conscients, construits dans
l’histoire de la lecture de chaque sujet, convoqués en fonction de la tâche de lecture, du contexte et
de ses enjeux, ainsi que des spécificités du texte ». L’auteur distingue cinq postures : le texte-tâche
où l’élève effectue une tâche scolaire, coupée de sens (lecture partielle, superposition de schèmes de
récits ou de souvenirs de récits, relevés divers par exemple), sans qu’il y ait le début d’une
18
Giasson, Jocelyne, La compréhension en lecture, De Boeck, 1996 19 Giasson, Jocelyne. Les textes littéraires à l’école. De Boeck, 2005
20 Rouxel, Annie, Louichon, Brigitte. Du corpus scolaire à la bibliothèque intérieure. PU Rennes , 2010
21 Tauveron, Catherine. « La lecture, voie possible de (ré)conciliation des élèves en difficulté avec la lecture ». p. 78, 79,
in La lecture et la culture littéraires au cycle des approfondissements. Actes de l’université d’automne, Clermont-Ferrand
Royat, 23 au 31 octobre 2002, Scérén – CRDP Académie de Versailles, Les Actes de la Desco, 2004.
22 Dufays, Jean-Louis, Gemenne, Louis, Ledur, Dominique. Pour une lecture littéraire. Histoire, théorie, pistes pour la classe. De Boeck, 2005 23 Bucheton, Dominique. Les Postures du lecteur, in Demougin Patrick et Massol Jean-François, Lecture privée et lecture scolaire, la question de la littérature à l'école, CRDP de l'académie de Grenoble, 1999.
21
interprétation. Il reste « en extériorité complète » au texte et à la situation qui lui est proposée ; le
texte action, lui, montre un élève qui lit l’histoire qui est racontée, partage ce moment de la vie des
personnages, avant tout ressentis comme des personnes. Pour comprendre les actes des
personnages, il met en œuvre son propre système de valeurs morales et exprime parfois son
émotion pour les personnages. On est dans une lecture psychologisante et moraliste ; le texte-signe,
lui, révèle une lecture métaphore, une lecture reflet qui lui permet d’envisager de nouvelles
significations. On peut parler ici d’un processus d’identification ; le texte-tremplin montre une
analyse d’élève qui prend le large par rapport au texte support ; enfin le texte-objet révèle une
posture lettrée, avec une analyse des formes textuelles dans leur relation au sens. Cette posture
n’est qu’exceptionnelle au lycée.
D’où cinq postures de lecture représentatives dans le secondaire. Il est attendu que les élèves
parcourent les différentes postures ; plus un élève circule dans les différentes postures, plus il a de
chance d’entrer dans la lecture littéraire. Ces étapes sont inhérentes aux pratiques de lecture. Une
démarche de secondarisation est toutefois recherchée pour passer d’une production spontanée à
une production discursive.
Afin de pouvoir distinguer les postures de lecture de chaque élève, il nous a semblé important de
définir des critères d’évaluation pour chaque posture, critères qui peuvent également devenir
objectifs d’apprentissage dans une démarche d’acquisition progressive de compétences littéraires.
Nous avons élaboré une grille pour chaque posture en nous basant sur les travaux de Jocelyne
Giasson, Catherine Tauveron et les livrets d’accompagnement de l’enquête PISA.
Les critères que nous avons retenus pour la posture 1 tenaient compte des pré-requis nécessaire
pour aborder la scolarité au lycée. Or, lors de l’expérimentation avec une classe très faible de
seconde, il s’est avéré que les élèves ne possédaient pas ces pré-requis. Il a fallu définir une posture 0
pour envisager des activités de remédiation en direction de ce groupe.
Au cours des activités, il s’est également avéré que les activités de recherche documentaires ne se
situaient pas toutes à un niveau de difficulté égal. Nous avons donc rajouté dans chacune des
postures des critères concernant les compétences en recherche informationnelle.
Evaluation initiale : élaboration d’une enquête de lecture et d’une évaluation
diagnostique : Marilène HEITZ et Fabienne SCHWARTZ
Nous avons alors mis au point une enquête de lecture reposant sur la perception subjective des
élèves de leurs intérêts pour la lecture, du sens des activités en français et de leurs appréhensions
par rapport aux exigences du lycée, à l’entrée en Seconde, et une évaluation diagnostique, mesurant
les compétences en lecture à l’entrée au lycée. Elle cible une lecture littéraire, c’est-à-dire une
lecture de dévoilement progressif de la polysémie du texte.
Cette évaluation diagnostique est surtout destinée à mener par la suite des activités répondant à des
stratégies différenciées en fonction des compétences manifestées et répercutées dans le tableau de
positionnement.
22
Le croisement de l’enquête et de l’évaluation permet de mieux appréhender la culture littéraire des
élèves, leurs représentations et leurs attentes par rapport à l’année de seconde et leurs
compétences avérées en lectures. Les informations recueillies seront précieuses lors des activités au
cours de l’année.
Bilan et analyse des résultats
Le test a été diffusé dans deux classes de seconde du lycée Camille SEE de Colmar, une classe de
Seconde du lycée Schuré de Barr , une classe de troisième du collège Kléber de Haguenau et une
classe de seconde professionnelle du LP Jean-Jacques Henner d’Altkirch .
En collège, les élèves n’ont pas réussi à répondre à toutes les questions. Au lycée de Barr et dans une
des classes de Camille SEE, les résultats se répartissaient suivant la courbe de Gauss. Dans la
deuxième classe de Camille SEE, le questionnaire présentait trop de difficultés pour les élèves, ce qui
a nécessité de définir une posture 0 pour envisager des activités de remédiation. Dans la classe du LP
Jean-Jacques Henner d’Altkirch, 5 élèves sont dans la posture 3, les autres élèves se situent dans la
posture 0. Pour la classe de 3ème du collège Kléber de Haguenau, Martine Hagenbach a détaillé les
résultats de l’évaluation.
Contribution classe de 3ème
: Liaison 3ème
– Seconde : Martine HAGENBACH
1. Présentation du projet
Dans l’objectif d’assurer une continuité des apprentissages de lecture entre le collège et le lycée, il a
paru opportun de soumettre les élèves de fin de 3ème au même test que les élèves de seconde.
Fin juin 2010, une classe de 3ème, composée d’un public hétérogène a travaillé sur le texte « Le
cadeau » de l’évaluation Pisa durant deux heures. Un bilan détaillé montre que la majorité des 22
élèves sont capables d’effectuer des relevés, pour les questions
1. Relevez les mots appartenant au champ lexical des sensations l 19 à 26. Que montrent-ils ?
2. Relevez les différentes étapes de l’action des L 71 à 90. Quelles informations apportent-elles ?
par exemple. Mais si 16 d’entre eux précisent ce que montrent les mots relevés, ils ne sont plus que
6 sur 22 à développer les informations qu’apportent les relevés des différentes étapes de l’action.
Pour la question
3. Si l’on compare les verbes qui ont pour sujet le personnage et ceux qui ont pour sujet l’eau, L.1 à
10, quelles analyses peuvent découler de cette comparaison ?
seuls deux élèves réalisent l’intégralité du travail demandé, de manière satisfaisante. Quatre élèves
confondent le personnage et l’eau, onze donnent des informations erronées voire n’en donnent
pas.
Aucun élève n’a ébauché la moindre analyse pour la question
23
4. Dans quel passage le découragement du personnage est-il le plus explicite ? Vous justifierez votre réponse par des relevés et des analyses de ces relevés
et il en est de même pour toutes les questions qui suivent.
Le groupe de recherche « Lire au collège et au lycée » décide d’élaborer de nouveaux critères de
compétences de lecteur pour une posture 0, le niveau 1 du test Pisa se révélant trop ambitieux pour
un public de fin de 3ème. Cette grille s’appuie sur les nouveaux programmes de l’enseignement des
lettres au collège, datés de 2008 ainsi que sur les compétences du socle commun de connaissances
et de compétences. Pour ce dernier, les compétences en lecture sont les suivantes :
« - Dégager l’idée essentielle d’un texte lu ou entendu
- Manifester sa compréhension de textes variés, qu’ils soient documentaires ou littéraires
- Lire des œuvres littéraires intégrales, notamment classiques, et rendre compte de sa lecture ».
La lecture littéraire trouve bien sa place ici. Le Bulletin Officiel de l’Education Nationale spécial n° 6
du 28 août 2008, dédié aux nouveaux programmes d’enseignement au collège, confirme l’attention
portée à la littérature, dans la rubrique « Lecture » en p. 224
« L’enseignement du français fait découvrir et étudier différentes formes de langage : celui de la littérature… »
Puis un peu plus loin p. 3 le texte précise que les élèves apprennent à analyser les œuvres. Pour ce
faire, le professeur de lettres aura recours à la lecture analytique qui
« se définit comme une lecture attentive et réfléchie, cherchant à éclairer le sens des textes et à construire chez l’élève des compétences d’analyse et d’interprétation. Elle permet de s’appuyer sur une approche intuitive, sur les réactions spontanées de la classe pour aller vers une interprétation raisonnée ».
25
Les critères de posture 0 qui sous tendent la rédaction des différents questionnaires de lecture qui
accompagnent les textes proposés à la lecture des élèves se situent dans cette optique. Ils ne
cherchent pas à emprisonner l’élève lecteur dans un cadre restrictif, mais ont pour but de soutenir
un débat entre les élèves, dans le cadre d’activités orales harmonieusement intégrées dans des
activités individuelles écrites. A l’enseignant, ils assurent que l’élève dispose d’une compréhension
littérale du texte. Il s’agit de partir des premières impressions des lecteurs, de confronter leur
réception, pour leur permettre d’aller au-delà d’une activité de relevés d’informations explicites
« vers une interprétation raisonnée » prévue dans les programmes d’enseignement.
La posture 0 permet effectivement d’évaluer les compétences des élèves et de les faire évoluer d’une
posture de lecture vers une autre.
Les résultats des élèves de fin de 3ème conduit à la réflexion suivante : des élèves entraînés à la
lecture régulière de textes réticents seraient-ils capables de profiter mieux que d’autres, de
24France. Ministère de l’Education nationale, jeunesse, vie associative. Programme d'enseignement de français pour les classes de sixième, de cinquième, de quatrième et de troisième du collège. Bulletin Officiel de l’Education Nationale spécial n° 6 du 28 août 2008. http://www.education.gouv.fr/pid20484/special-n-6-du-28-aout-2008.html consulté le 7 avril 2011 25 ibid
24
l’enseignement du français au lycée et notamment de progresser dans les différentes postures de
lecture.
2. Protocole de l’expérimentation collège
2.1 Problématique
- Voir si quelques lectures approfondies, permettent à un groupe d’élèves déjà bon lecteurs,
de progresser plus vite qu’un groupe de niveau sensiblement égal, qui suit les cours avec
l’ensemble de la classe ;
2.2 Démarche
A la rentrée 2010, deux nouvelles classes hétérogènes ont été choisies pour l’expérimentation. Une
première classe a lu le texte « Ce jour-là » de Vercors et a tenté de répondre aux questions
proposées par les enseignants de lycée. Les résultats des élèves témoignent de la difficulté de
compréhension de ce texte. Sur un effectif de 23, 13 élèves repèrent le cadre spatial, et 2 le cadre
temporel en relation avec la Résistance. La non compréhension de ce cadre temporel, historique,
conduit à une interprétation qui diffère des intentions de l’auteur. Les élèves ont résumé le texte
comme la promenade d’un enfant avec son père et la disparition du pot de fleurs, comme un signe
entre les parents. Les lecteurs de posture 0 ne s’interrogent pas sur le sens de cet indice.
Une seconde classe de 3ème, (23 élèves présents), a lu une nouvelle de Daenincks, « Sandrina
Space »26, qui semble plus proche des préoccupations des adolescents avec deux personnages de
leur âge. La narration faite par un narrateur homodiégétique, pour reprendre la terminologie de Jean
Genette27 induit une mimésis forte et le lecteur s’identifie à cet adolescent qui traverse la Manche
pour redonner le goût de la vie à sa sœur. Celle-ci a fait une tentative de suicide en apprenant la
mort de sa chanteuse préférée, Sandrina Spice, dont l’onomastique ne laisse pas indifférent non plus.
L’interprétation du texte présente également moins de difficulté. Les réponses des élèves ont permis
d’analyser des compétences de lecture et surtout de mettre en place l’expérimentation. Les
compétences de lecteur ont été réparties en texte tâche, texte action, texte signe, suivant la
catégorisation des activités de lecture de Dominique Bucheton28 croisée avec les 5 niveaux Pisa.
Cinq élèves sont au stade du texte-tâche (niveau 1 Pisa) dans lequel l’élève effectue une tâche
scolaire coupée du sens. Sa lecture est partielle et son écrit consiste à plaquer sur le texte des
souvenirs de récits. Il
« reste en extériorité complète au texte et à la situation qui lui est proposée. Il n’est en activité ni cognitive, ni langagière, ni psycho-affective…»
29
26 Daeninckx, Didier. Histoire et faux semblants. Gallimard (folio), p. 87-106 27 Genette, Jean, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 251-256 28 Bucheton, Dominique, « Les postures de lecture des élèves au collège » in Fourtanier, Marie-José, Langalde, Gérard, Enseigner la littérature, CRDP Midi-Pyrénée et Delagrave, p. 201-213 29 ibid
25
Les informations relevées sont souvent erronées, les réponses en style télégraphique, deux élèves
manifestent aussi leur dégoût de la lecture durant le travail en classe en reposant la tête sur la table.
Une fille est d’ailleurs venue signaler au professeur qu’elle déteste la lecture.
Six élèves sont au stade du texte-action (niveau 2 Pisa). Ils s’identifient aux personnages,
manifestent de l’empathie pour eux. Un élève issu de CLA (classe d’accueil pour des élèves
nouvellement arrivés en France) fait un effort très important pour lire le texte et écrire un résumé. Il
trouve le narrateur et quelques personnages : Nadine, la mère. Il comprend aussi la raison pour
laquelle le personnage principal Régis part pour le Kent.
Les douze autres élèves parviennent au niveau du texte-signe (niveau 3 Pisa). La principale lacune des
travaux se situe au niveau de l’argumentation. Les élèves donnent des réponses très courtes.
Sollicités en fin de travail, les élèves ont donné un avis sur le texte :
- Long, et ennuyeux ;
- Beaucoup de « je n’aime pas lire »
- Facile,
- le sujet de l’histoire est intéressant « ça nous parle ».
Pour les besoins de l’expérimentation, les 23 élèves de cette classe ont été répartis en trois groupes.
Le premier intitulé G0 est composé de six élèves se situant au niveau du texte-signe dans le texte
« Sandrina Spice ». Ils ne bénéficieront d’aucune activité de soutien, mais leurs résultats sont retenus
pour servir de comparaison avec ceux du groupe G1. Celui-ci est composé du même nombre d’élèves
du niveau texte-signe. Il servira de base à l’expérimentation avec des séances de soutien. Le groupe
G2 est composé du restant de la classe, dont les performances seront analysées dans le bilan
terminal. Il s’agit de mener des élèves de 3ème vers la lecture littéraire au lycée. Le travail de soutien
de trois séances est proposé à la sélection d’élèves, qui au moment du conseil de classe du premier
trimestre, émettent le souhait d’une orientation en lycée général et technologique.
Le groupe « Lire au collège et au lycée » a également prévu de tenir compte des habitudes des
lecteurs, des liens entre lecture personnelle et lecture scolaire et finalement de la relation entre les
apprentissages scolaires et la lecture personnelle. La classe de 3ème a répondu au questionnaire prévu
à cet effet. Sur 23 élèves questionnés, 14 déclarent aimer lire. Parmi eux, 5 élèves du groupe G1 et 3
du groupe GO. Ces élèves sont également capables de citer les titres des derniers livres lus. Ils
proposent également les noms des librairies locales, des noms d’éditeurs, ce qui n’est pas du tout le
cas des autres. On peut en conclure qu’il y a un lien entre « aimer lire » et les compétences des
élèves en matière de lecture littéraire.
A la question « Avez-vous l’impression que ce que vous avez appris en Français jusqu’à présent vous
sert dans vos lectures personnelles ? » 13 élèves répondent « oui ». Il s’agit presque exclusivement
26
des élèves intégrés dans les groupes G1 et G0. Leurs précisions par rapport aux textes sont
intéressantes :
- « Parfois, il y a du vocabulaire et on arrive mieux à lire parce qu’on lit souvent des textes »
- « J’ai plus de vocabulaire et donc je comprends mieux »
- « je peux mieux comprendre le livre ».
3. Activités de soutien pour les élèves du groupe G1
Ces activités portent chronologiquement sur les nouvelles suivantes : « Sur la route de Brighton »30 ,
« Le cobra »31 , « Ce jour-là »32.
Les séances d’une heure débutent par la lecture du texte. Compte tenu du petit nombre d’élèves, et
de l’espace disponible au CDI, chacun dispose d’une table isolée et peut donc se concentrer
totalement sur la lecture, dans le silence. Pour éviter la lassitude, les réponses aux questions se font
tantôt à l’écrit, tantôt oralement.
3.1 Bilan Première séance : «Sur la route de Brighton »
Pour laisser aux élèves le plaisir de découvrir l’originalité du texte et son caractère fantastique, c’est
le texte brut (sans aucun paratexte) qui leur est donné en lecture.
Les 6 élèves répondent à des questions de posture 0. Ils évoquent des informations explicites sur les
lieux et les personnages et ne font pas d'hypothèses. Ils relèvent des informations explicites. Ils
commentent ces relevés et précisent notamment que le garçon ne prend aucun soin de lui-même car
il est mort. «C'est peut-être le diable » disent-ils
Pour la question « Y-a-t-il une explication à la différence des comportements ? » ils insistent sur le
fait que le garçon n'est pas un personnage humain. En quoi, ils dépassent la posture de lecture 0. On
remarque que les élèves ont une perception très fine du texte. Si le texte dit bien que le jeune
garçon est mort ; il est moins clair sur le sort du vagabond plus âgé, mais l'interprétation des élèves,
d'un texte beaucoup plus réticent qu'il n'y paraît, prouve qu’ils ont dépassé la posture 0. Les
réponses qu’ils ont faites à l’oral pourraient, à l’écrit, relever du niveau 1. Pour ce qui concerne la
recherche documentaire, elle pourra concerner des recherches sur la ville de Brighton ou encore sur
le genre fantastique, par exemple.
Lorsqu’on leur annonce le titre de l’anthologie, ils sont confortés par rapport au genre du texte et sur
son interprétation, concernant notamment l’idée que les deux personnages sont morts dès le début
de l’histoire.
30 Middleton, Richard. « Sur la route de Brighton » in Dahl, Roald. Histoires de fantômes. LGF, n° 209, p. 238-243 31 Thibert, Colin. Le bâtard de l’espace. Thierry Magnier (Nouvelles), p. 97-106 32 Vercors. Le silence de la Mer. Magnard. P. 73-81
27
Le but du résumé est de permettre à chaque élève de construire sa pensée, sans aucune intervention
extérieure. Pour l’enseignant, la lecture de ces écrits réflexifs donne des indications précieuses sur la
posture de lecture dans laquelle se situe chacun par rapport au texte lu. Dans les résumés de « Sur la
route de Brighton », trois élèves utilisent des adjectifs qualificatifs pour décrire le jeune vagabond
« fragile » « malade » un quatrième élève est plus précis « un jeune garçon à la silhouette très
maigre ». Un seul élève ne fait aucune référence à la mort du jeune garçon. Les résumés témoignent
d’une posture 0 pour ce texte.
3.2 Bilan deuxième séance : «Le cobra »
Les six élèves comprennent littéralement le texte et sont capables d’y repérer des informations
explicites concernant les personnages et le narrateur par exemple. Par contre, aucun n’a pu inférer
une nouvelle information, à partir d’informations explicites pourtant repérées. Ils ont tous noté dans
quel endroit a vécu José, ce qu’il a fait dans cet endroit, mais par contre, ils n’écrivent pas pourquoi
ce détail a de l’importance. Il s’agissait ici de répondre que le fait d’avoir vécu et travaillé à Paris
permettait à José de maîtriser le français et surtout de connaître la valeur marchande des organes à
greffer.
Les six élèves ont éprouvé beaucoup de satisfaction lors des séances de lecture au CDI. Ils ont
notamment apprécié le travail plus intensif. Occupés à fond durant toute l’heure, ils n’ont pas vu le
temps passer, d’après leurs propres mots.
3.3 Bilan troisième séance « Ce jour-là »
Les groupes G0 et G1 ont lu ce texte au même moment et dans les mêmes conditions d’isolement et
de calme. Le temps de lecture du texte est de 20 min environ. Les élèves ont travaillé à l’écrit durant
25 min puis est venu le temps d’une concertation orale sur l’interprétation du texte.
Durant la lecture déjà, plusieurs élèves manifestent leur inquiétude, exprimée par l’un d’eux dans le
résumé en ces mots : « cela est inquiétant ». Ce garçon dit être très gêné parce qu’il n’arrive pas à
comprendre la fin, malgré plusieurs lectures.
Les résumés écrits par les 12 élèves laissent apparaître des différences entre la compréhension
littérales des deux groupes. Pour G0 (groupe repère qui n’a pas suivi de séances de soutien) les
résumés sont succincts, à l’image de celui qui suit :
« C’est un petit garçon qui décrit sa journée. Son père semble plus attaché à lui mais plus silencieux et tolérant. Le garçon décrit sa promenade habituelle et la différence du comportement de son père. Au bout de la balade on sait que la mère est morte. C’est pourquoi ils font marche arrière. Il donne le petit garçon à une dame. »
Cette fille est la seule à avoir commis une erreur sur le narrateur, mais son texte rend compte de la
compréhension des autres élèves qui ne retiennent que la promenade et les différences de
comportement. Ici il y a contresens sur la mère. Les cinq autres élèves du groupe G0 occultent
totalement le personnage tout comme le pot de géranium et la valise. Les résumés du groupe G1 y
réfèrent par contre. Deux élèves du groupe G1 ont bien compris aussi que le temps historique de
l’histoire est la Seconde Guerre mondiale et un troisième membre le signale à l’oral, alors qu’aucun
28
des élèves G0 ne parvient à ce stade de compréhension du texte. On peut aussi constater que les
résumés sont plus détaillés, tel celui qui suit :
« Un petit garçon se promenait tous les jours avec son père. Ce jour-là, son père avait des réactions
bizarres, étranges, pas comme d’habitude. Lors de la promenade, ils aperçurent leur maison où se trouvait la mère du petit garçon. Mais le pot de géranium que la mère posait au bord de la fenêtre, n’y
était plus. Le père, très excité, emmena son fils chez Mme Bufferand et repart avec une valise. Le garçon, triste, ne savait pas ce qui se passait. »
Lors du groupement pour le débat oral, les élèves sont invités à répondre à la question suivante :
- Quelles impressions ressentez-vous à la lecture du texte ?
Les réactions sont centrées sur le fait que le texte est facile à lire mais qu’il cache quelque chose.
L’élève déjà cité plus haut reparle de l’inquiétude et raconte ce qu’il imagine « la fin est triste parce
que le père part. Il abandonne la mère. Les parents ne s’aiment plus ». Mais un garçon du groupe G1
prend la parole et précise qu’il pense que « c’était pendant la guerre et les parents sont Juifs. Ils ont
été déportés ». Trois autres élèves du groupe G1 acquiescent. Néanmoins, aucun des quatre élèves
ayant bien interprété la période historique et ne parvient à en expliquer la raison à partir d’éléments
du texte.
Il est satisfaisant de noter que pour ce texte, les élèves du groupe de soutien parviennent à une
compréhension plus fine que le groupe de référence. Quatre sur six sont capables aussi de décrire les
émotions des personnages : « tristesse, larmes aux yeux, tout le monde pleure ».
L’expérimentation aurait pu être affinée, en proposant aux élèves, après le travail de posture 0, des
questionnaires de niveau 1 sur les mêmes textes, afin de tester leurs capacités d’interprétation,
après une séance centrée sur la compréhension.
4. Evaluation bilan
La classe complète a lu le texte « Pauvre petit garçon » et a répondu aux questions, telles qu’elles
ont été posées aux élèves en difficulté au lycée Camille Sée à Colmar. Les résultats montrent qu’un
élève du groupe G2 est passé du texte-tâche vers le texte-action. Un élève est également passé du
texte-action vers le texte-signe. Les autres sont restés dans leur niveau de compétence. Pour les
élèves du groupe G1 la somme des réponses justes (50) est à peine supérieure à la somme des
réponses justes (48) faites par les élèves du groupe G0. Si les résultats chiffrés ne paraissent pas
particulièrement probants, d’autres constatations témoignent de changements dans le
comportement des lecteurs. Tout d’abord, l’ensemble des 6 élèves du groupe G1 s’est donné le
temps de répondre à l’ensemble des questions en profitant des deux heures de travail proposées.
Dans le groupe G0 seuls deux élèves ont travaillé plus d’une heure. Ensuite, on remarque que les
élèves du groupe G1 ont plus d’aisance pour justifier et expliquer, alors que les autres se contentent
souvent de simples relevés. Les séances de soutien ont agi sur l’intérêt des élèves et leur motivation,
ainsi que sur leurs capacités rédactionnelles. Enfin, quelque soit le groupe, les élèves de 3ème ne
parviennent pas à moduler leurs réponses dans la question
29
7. Quelle est l’attitude de la dame élégante vis-à-vis de Dolfi ?
Ils ne relèvent que l’apitoiement et la compassion mais ne se rendent pas compte de l’agacement
qu’éveillent en elle les larmes de Dolfi. Ils attendaient un personnage adjuvant, ce qui soulage leur
ressenti, mais ne font pas d’inférence qui vienne contredire leur attente.
5. Le choix des œuvres
Il s’agit de proposer des textes suffisamment résistants pour qu’un travail de dévoilement progressif
puisse avoir lieu. Mais pas trop non plus, pour que les élèves puissent s’impliquer personnellement
dans la lecture et réfléchir. La coopération du lecteur est indispensable à l ‘œuvre littéraire. Il y a lieu
de ne pas négliger l’affect et l’émotion des adolescents.
La première difficulté rencontrée lors de l’expérimentation en collège réside dans la longueur des
textes. Même en classe de 3ème, les jeunes éprouvent une réticence à lire un texte long et
considèrent la lecture comme une réelle « épreuve ».
D’autres textes, en raison de leur univers de référence, sont complexes pour les élèves dont
l’identification au héros reste encore primordiale. Dans la nouvelle de Vercors, aucun élément ne
permet d’affirmer sujet dans le cadre de l’enseignement de l’histoire-géographie, mais ne font pas le
lien entre connue que la période historique concerne la Résistance. Les jeunes de 3ème ont certes
étudié le les indices présents dans la nouvelle (train et valise) et la période historique certainement
d’eux.
Les procédés narratifs, tels les descriptions, sont également de nature à complexifier l’entrée dans le
texte. Les élèves ont été surpris par les détails du paysage qui débutent le texte « Sur la route de
Brighton ». Au collège les élèves s’expriment souvent sur la non-lecture des descriptions qu’ils
« zappent ».
Les aspects éthiques ou symboliques qui apparaissent dans les textes doivent également faire l’objet
d’une réflexion. « Le cobra » aborde le problème éthique du don d’organe et des greffes. Il convient
de laisser les élèves s’exprimer sur ces sujets.
Le texte « Le cadeau » n’a représenté pour les élèves de 3ème, qu’un travail scolaire et ne se sont pas
pris au « jeu » de la lecture, d’où l’idée d’une collaboration entre enseignants, davantage centrée sur
la motivation des élèves. L’idée serait de susciter le plaisir de lire et le plaisir de comprendre, et
reprendre l’affirmation d’Annie Rouxel 33
« le plaisir …travaille la motivation et la mémoire, construit la sensibilité et la culture littéraire. »
La chercheuse précise qu’au collège le plaisir est lié à découverte. Au lycée il y a plaisir à la relecture.
Conclusion :
Le travail de soutien a permis aux élèves du groupe G1, une attitude plus positive face à la lecture de
nouvelles. Lors du bilan, force est de constater que leurs réponses sont mieux construites et plus
conséquentes. Mais c’est surtout au moment de la lecture du texte de Vercors « Ce jour-là » que le
groupe démontré une meilleure compréhension et des capacités à faire des inférences.
33 Rouxel, Annie. Enseigner la lecture littéraire. Presses Universitaires de Rennes, 1996
30
Le groupe de recherche est une force de proposition dans la sélection de textes. La mise au point de
questionnaires qui permettent à l’enseignant de se rendre effectivement compte de l’avancement
des élèves d’une posture de lecture à une autre, est facilitée lorsque plusieurs personnes se
concertent. Ces questionnaires, rappelons-le demeurent un simple moyen de vérifier si le texte a été
littéralement compris mais ne permettent pas d’avancer dans l’interprétation.
Pour que le professeur documentaliste puisse assurer des activités de soutien en lecture, il doit être
associé de manière très étroite à la vie de la classe dans le cadre de l’enseignement du français. A
défaut de s’insérer concrètement dans les apprentissages, les activités de lecture littéraire ne font
pas progresser les élèves de manière significative.
Travail sur les postures de lecture en accompagnement personnalisé :
Activités de soutien dans la posture 0 : Marilène HEITZ
Après le corrigé en classe du test de lecture, avec Mme Schwartz, j’ai repris un groupe pour vérifier
ce que les élèves avaient retenu du texte et du corrigé. Il s’est avéré que les élèves manquaient de
concentration. La lecture du texte était survolée, les descriptions éludées. Le résumé du texte
comprenait des informations lues, des inventions pour combler les lacunes de lecture et des
contresens liés à la méconnaissance de la polysémie des termes employés.
Les élèves éprouvaient des difficultés à relever des informations correspondant aux consignes et à les
analyser.
Cette séance a permis de cerner des priorités pour des activités de remédiation : mettre l’accent sur
la compréhension littérale et confronter les hypothèses de lecture à la réalité de l’écrit.
Des élèves, en grandes difficultés de lecture, par groupe de quatre ou cinq, travaillent soit en
accompagnement personnalisé avec Mme Schwartz, soit au CDI avec moi-même, sur la
compréhension littérale des textes : seules les compétences de la posture 0 sont d’abord sollicitées.
Nous travaillons la compréhension explicite qui nécessite de focaliser sur le contenu du texte, une
attention jusque-là très superficielle et de lire certains passages qu’on avait omis afin de construire
une vision globale du texte.
Puis, nous affinons la lecture en nous focalisant sur les blancs du texte qui demandent de bâtir des
hypothèses et de les vérifier en tirant parti des indices présents dans la narration. Les élèves
deviennent des détectives à la recherche d’éléments qui viendraient confirmer leurs hypothèses
concernant les blancs de la narration.
Nous abordons également les connaissances qui participent à la compréhension : recherche sur les
référents culturels et les notions littéraires.
Sélection des textes
31
Les textes sélectionnés sont ce que Catherine Tauveron34 appelle des textes résistants, qui ne se
laissent pas dévoiler à la première lecture. Ils peuvent être proliférants ou réticents.
La nouvelle de Buzzati35 est un texte proliférant. Il nous en dit tant qu’il ancre en nous un tel
sentiment de compassion pour ce pauvre enfant que la chute de l’histoire nous semble d’autant plus
incroyable.
La nouvelle de Vercors36 est un texte réticent car il manque au lecteur de nombreuses informations
qu’il devra déduire des informations du texte et en faisant à ses référents culturels.
Il est indispensable de sélectionner avec soin les textes et de prévoir une gradation des difficultés
dans l’année. Il semble également nécessaire de varier les thématiques à aborder pour que certains
événements historiques du XXème siècle ne deviennent pas récurrents.
Elaboration des questionnaires
Il est exclu de cantonner l’élève à la posture dominante qu’il utilise en lecture ; il s’agit non
seulement de lui faciliter au maximum la circulation dans les différentes postures en lui lançant des
défis (questions relevant de postures plus élaborées), mais également de lui permettre de relever ces
défis en balisant son parcours de lecture.
Les questions devront permettre pour la nouvelle de Buzzati:
• la compréhension globale des événements du texte
• de découvrir et de synthétiser des informations sur les personnages, les circonstances des
actions, le contexte spatio-temporel, s’ils sont utiles à une compréhension plus fine du texte
• d’expérimenter grâce à un étayage d’autres postures de lecteur
• faire des recherches documentaires sur les référents culturels du texte s’ils participent à la
compréhension
• d’expérimenter une prise de distance réflexive par rapport au texte
• d’acquérir des compétences littéraires si elles alimentent la compréhension
Pour la nouvelle de Vercors, en plus des objectifs énoncés précédemment, les questions
permettront d’élaborer des hypothèses sur les blancs du texte et de les vérifier avec des
informations se trouvant dans le texte.
Travail sur la nouvelle de Buzzati
Ce questionnaire sur un texte de prime abord simple a été proposé en accompagnement
personnalisé à des très faibles lecteurs. Les élèves ont apprécié de découvrir progressivement les
détails de la narration. Malgré le travail préparatoire, ils ont mis du temps à comprendre la chute.
34 Tauveron, Catherine. Comprendre et interpréter le littéraire à l’école et au-delà. Paris : INRP, 2004 35 Buzzati, Dino. Pauvre petit garçon in Le K. Pocket , 2002 36 Vercors. Ce jour-là in Le silence de la mer. LGF, 2001
32
La méthodologie développée permet aux élèves de développer des compétences littéraires en
apprenant à extraire, comprendre, analyser puis interpréter les informations en fonction d’une
demande.
Travail sur la nouvelle de Vercors
Les élèves ont participé très activement à l’enquête sollicitée par le questionnaire. Des retours
systématiques au texte permettaient de vérifier les arguments émis. Cette activité a montré la
nécessité de précision dans la recherche d’informations dans un texte et leur interprétation.
Peu à peu les élèves découvrent qu’on ne peut pas « imaginer ce que l’on veut à partir d’un texte »
pour reprendre leur expression.
L’intérêt de cette nouvelle, c’est qu’elle permet de travailler avec les élèves, outre des compétences
de lecture inférentielle, l’élaboration d’hypothèses sur les blancs du texte, hypothèses à infirmer ou
confirmer en prélevant de informations dans le texte et dans ses propres référents culturels. Elle
exige une lecture impliquée mais permet l’acquisition de compétences de lecteur : inférences et
hypothèses sont des automatismes dans le comportement d’un bon lecteur mais nécessitent un
apprentissage pour les faibles lecteurs.
Intérêt du travail des compétences de la posture 0 dans le cadre de la remédiation
Les élèves ayant de grandes difficultés en lecture ont l’habitude de dire lorsqu’on les interroge sur un
texte : « je n’ai rien compris ». Lorsqu’on leur demande de raconter ce qu’ils ont compris, on
découvre toujours un embryon de schéma narratif, ce qui permettra de rassurer les élèves angoissés
et d’axer le travail plus approfondi sur ces premières informations.
Les difficultés des élèves proviennent très souvent d’un manque de concentration sur la lecture et de
la difficulté de s’impliquer dans l’acte de lire. En demandant aux élèves de revenir constamment au
texte pour prélever des informations, on leur permettra d’acquérir une méthode pour répondre aux
questions. Les réponses seront moins fantaisistes car reposant sur des informations contenues dans
le texte.
L’étayage proposé permettra de se familiariser progressivement avec d’autres postures de lecteur
sans que la difficulté ne paraisse insurmontable.
A la fin de la séance, en faisant verbaliser le chemin parcouru et la méthodologie employée, les
élèves prendront conscience des progrès accomplis et reprendront confiance en leurs possibilités de
lecteurs.
Le texte vu comme énigme par des élèves qui se transforment pour l’occasion en détectives sera une
puissante source de motivation pour se dépasser et trouver en soi des ressources insoupçonnées.
Intérêt du travail des compétences de la posture 0 dans le cadre de « l’entrée en
littérature »
« L’entrée en littérature » est définie comme le passage d’une lecture ordinaire à une lecture
littéraire. Au cours de cette activité, on travaille surtout la lecture ordinaire. Tant que les élèves n’ont
33
pas compris que lire peut être source de plaisir, ils n’y verront qu’un exercice scolaire ennuyeux dans
lequel ils ne s’impliqueront pas. L’objectif de ces activités est de s’appuyer fortement sur la
subjectivité des élèves afin que le texte proposé trouve résonance dans leur vie et qu’ils entrent dans
la lecture impliquée.
Lorsqu’ils se prendront au jeu, il faut profiter au maximum de cet instant de grâce pour développer
des compétences littéraires afin de montrer aux élèves que le plaisir de lire peut également provenir
de la compréhension plus fine d’un texte. A aucun moment, les compétences littéraires ne seront
abordées de façon technique. Elles seront naturellement insérées dans la progression de la
compréhension.
L’ambition affichée dans ces activités dépasse largement le cadre de la lecture ordinaire, car sont
abordées des compétences de lecture complexes : les inférences, une analyse plus fine de
événements et des personnages, l’acquisition de connaissances sur les référents culturels présents
dans le texte, la réflexion sur le sens du texte ou les intentions de l’auteur et des compétences
littéraires. On peut donc affirmer sans crainte qu’elles participent à « l’entrée en littérature ».
Rôle du professeur documentaliste
Au cours de ce travail le professeur-documentaliste travaille seul avec les élèves. La compréhension
en lecture fait partie de ses missions. Il n’empiète pas sur le travail du professeur de lettres. Les
textes choisis issus de la littérature contemporaine ne procurent pas forcément de plaisir lors d’une
première lecture car ils sont résistants mais l’enquête à mener pour découvrir le sens du texte est un
puissant stimulant. Les élèves sont enthousiasmés d’avoir réussi à vaincre les écueils et à trouver des
informations cachées. Le plaisir de lire naît de la compréhension du texte. Ces activités devraient
interpeller la profession. Peut-on encore aujourd’hui se contenter de proposer des activités
d’animations « autour » du livre sensées susciter l’intérêt pour la lecture sans se préoccuper de la
réception des textes chez l’élève ? Certes non. L’impact de ces activités a été positif au niveau du
comportement des élèves qui ont pris confiance en eux et qui se sont mis à participer aux activités
orales en cours de français. Pour certains, l’intérêt pour la lecture est né car on les retrouve parmi les
emprunteurs du CDI.
LIRE AU LYCEE PROFESSIONNEL : Pascale Dedieu
Pour la majorité des élèves de lycée professionnel, l’« objet livre » est considéré comme un
repoussoir sans intérêt qui rappelle de mauvais souvenirs scolaires de lectures obligatoires au
collège. Le support écrit considéré comme rédhibitoire s’oppose à l’image plaisir de l’écran de
télévision ou de l’ordinateur. Quelques paroles d’élèves permettront d’illustrer ces propos. « A quoi
cela sert de lire ? … Je ne lis pas, moi, madame… De nos jours, on ne lit plus, on regarde la télé ou on
joue à la play ». (sic)
Notre premier objectif est par conséquent de surmonter cet obstacle psychologique en cherchant à
faire qu’une lecture obligatoire se transforme en lecture plaisir.
Le deuxième objectif est de permettre à une majorité d’élèves de parvenir à la compréhension d’une
œuvre en s’appuyant sur des éléments du texte et non sur des hypothèses fictives. Pour les 6 élèves
34
qui circulent aisément dans les postures de lecture, l’objectif porte plutôt sur l’enrichissement
culturel.
Le descriptif de la séquence concerne prioritairement la compréhension en lecture.
Classe concernée : seconde professionnelle électrotechnique.
Etude des trois nouvelles : Le Vieux, Coco et Le gueux.37
Objectifs généraux :
� lire et comprendre trois nouvelles de Maupassant pour comparer les personnages et voir s’il
existe une thématique commune.
� Amener les élèves à gagner progressivement en autonomie dans la compréhension en
lecture en travaillant les compétences de la posture 0, le contexte de l’œuvre, les référents
culturels et les thématiques de Maupassant.
Déroulement :
Après lecture de la nouvelle « Le Vieux », les élèves sont invités à répondre à un questionnaire
comportant des questions relevant de la posture 0. Une question destinée aux bons lecteurs relève
de la posture 3. L’enseignante de lettres insiste pour que les élèves basent leurs réponses sur des
informations extraites du récit.
Les questions de posture 0 concernent l’identification du cadre spatial, des personnages et des
événements du récit. Les élèves répondent par écrit puis une mise en commun collective est
proposée. L’enseignante de lettres a auparavant expliqué les phrases en patois et les mots de
vocabulaire qui auraient pu faire obstacle à la compréhension.
Bilan :
Sur 23 élèves, 6 ont refusé de faire l’effort de lire.
8 élèves ont parfaitement compris le sens, semblaient même intéressés et souhaitaient poursuivre
l’étude pour obtenir des réponses à certaines de leurs interrogations.
Les 9 autres élèves ont su identifier les personnages, le cadre spatial du récit mais n’ont compris que
partiellement la nouvelle. Ils ont réussi à relever certains faits mais ont rajouté des éléments
inventés qui interféraient avec le sens de la nouvelle.
Pour tous la principale difficulté était d’ordre lexical, malgré les explications préalables.
Prolongements
Lors d’une deuxième séance, un travail plus spécifique sur le lexique a été proposé. Il est apparu que
certaines difficultés de compréhension étaient liées au contexte historique, social et culturel étranger
à des élèves du XXI ème siècle.
37 MAUPASSANT, Guy de. Une partie de campagne et autres nouvelles .J’ai lu, 2003
35
Une troisième séance a été consacrée à un travail de recherche documentaire au CDI sur les
référents culturels : la société rurale du XIX ème siècle, les pratiques culturelles et cultuelles avec une
incursion dans la Normandie de Maupassant.
Bilan :
Certains élèves commencent à comprendre qu’un texte littéraire ne se limite pas à une « simple
histoire » mais permet de comprendre une société ou une époque, à travers les questions ou le
regard d’un auteur.
Evaluation
Après un travail plus théorique sur la nouvelle, visant à développer des savoirs littéraires, les élèves
ont été invités à produire un travail de synthèse sur les thèmes abordés dans cette nouvelle et à
répondre à la question : « Quel regard porte Maupassant sur la société de son époque ? »
Bilan :
Seuls 5 élèves ne trouvent aucun thème.
Plus de la moitié des élèves répondent de manière pertinente à la question, ce qui traduit un
réinvestissement des connaissances acquises et des compétences développées.
D’autres ont progressé dans la compréhension du texte.
Quand on leur demande leur opinion sur l’œuvre étudiée seuls 5 élèves persistent à dire que lire
c’est nul... Pour le reste de la classe, on peut résumer ainsi l’opinion générale : «Lire, c’est difficile
tout seul car on ne comprend pas la moitié des mots et parce que le sens général est parfois obscur
mais après, c’est super »
Autonomisation progressive des élèves
Les deux autres nouvelles de Maupassant « Le Gueux » et « Coco » ont permis de réinvestir les
connaissances acquises et de progresser dans l’autonomisation de la compréhension en lecture.
A part 3 élèves irréductibles qui refusent de travailler, les autres ont réussi à relever des informations
et à identifier les étapes du récit sans rajouter d’éléments imaginaires. Ils ont été capables d’entrer
dans des postures de lecteur plus élaborées pour analyser le caractère des personnages et leur rôle
dans l’action.
Ils sont également parvenus à établir des liens entre les trois nouvelles en identifiant les thèmes
communs et en comparant les personnages, en particulier les victimes.
Apport de cette séquence à l’entrée en littérature
Cette séquence a montré qu’il était primordial de commencer à travailler la compréhension littérale
d’un texte avant d’aborder des notions plus littéraires. Si l’élève n’a pas compris le texte, tout apport
scolaire sera vain car il ne peut se l’approprier et lui donner sens.
36
Un travail systématique et progressif des compétences de postures de lecteur lui permet de gagner
en autonomie et de reprendre confiance en ses capacités de lecteur. Cette étape est souvent un
déclic pour réconcilier certains élèves avec l’écrit et les livres et leur ouvrir une porte pour « entrer
en littérature ».
- Travail sur les postures de lecture en accompagnement personnalisé :
Activités d’approfondissement : Fabienne Schwartz
Activité sur des incipit de Balzac :
L’accompagnement personnalisé se prête bien à des activités différenciées en fonction des postures
de lecture dominantes. On peut y proposer un travail sur des incipit de La Comédie Humaine de
Balzac.
Il s’agit d’établir pour chaque incipit un questionnaire correspondant à une posture dominante.
La présence de questions relevant de différents paliers dans un même questionnaire permet à l’élève
de ne pas, d’une part, être démuni totalement et, d’autre part, d’être confronté à des postures
supérieures.
Tous les incipit et leurs questions associées ne valorisent pas de façon égale les différentes
compétences : certains peuvent mettre l’accent sur plus de compétences encyclopédiques, d’autres
favorisent les relevés, d’autres ont en vue essentiellement des inférences et d’autres enfin des
interprétations.
Création des questionnaires
Les questionnaires porteront sur :
• le développement de compétences de compréhension en lecture de l’extraction
d’informations explicites à la recherche d’informations implicites exigeant des
compétences de lecture inférentielle.
• Le développement de compétences littéraires : encyclopédiques, linguistiques, rhétoriques,
logiques et idéologiques décrites par Annie ROUXEL38
• L’expression de sa subjectivité et la réflexion sur l’apport thématique dans la construction de
soi
• Le développement de connaissances sur les référents culturels
• La construction d’une bibliothèque intérieure39 qui permettra de tisser des liens entre les
livres lus
38 Rouxel, Annie. Qu’entend-on par lecture littéraire ? Actes de l'université d'automne - La lecture et la culture littéraires au cycle des approfondissements. Direction générale de l'Enseignement scolaire - Publié le 06 mai 2004 39 Rouxel, Annie, Louichon, Brigitte. Du corpus scolaire à la bibliothèque intérieure. Rennes, PU, 2010
37
Les textes choisis seront exigeants pour lancer un défi aux élèves, les inciter à s’attaquer aux
difficultés et leur permettre de mesurer le chemin parcouru à la fin du travail.
- Déroulement des séances :
Dans un premier temps, un incipit et son questionnaire associé sont attribués à l’élève selon la
posture dominante qui a été identifiée.
Ceux de la posture 1 ne répondent dans un premier temps qu’aux questions de cette posture ; dès
que leurs réponses sont approuvées, ils répondent aux questions de la posture 2 du même
questionnaire ; les élèves de la posture 2 répondent aux questions des postures 1 et 2 et attendent
que leur travail soit validé par le professeur pour passer à la posture 3. Ainsi de suite.
Si les réponses de l’élève sont satisfaisantes et s’il s’est montré suffisamment réceptif pour acquérir
les compétences requises, un autre incipit lui est proposé, ménageant une gradation.
Le nombre d’incipit travaillés est donc fonction du rythme et des compétences de l’élève.
Mais chaque élève, au bout de quelques incipit travaillés, doit répondre à des questions sur les
constantes et les variables entre les incipit qu’il aura manipulés, pour être en situation de confronter
des textes différents et de formuler des bilans partiels.
Pour les élèves de la posture 3 et qui le confirment par les travaux sur les incipit, il leur est demandé,
suite à la confrontation des incipit travaillés, de proposer, sur un nouvel incipit, les questions qui
mériteraient d’être traitées pour embrasser la totalité des enjeux de cet incipit et d’en donner un
corrigé.
A la suite d’une évaluation écrite de fin de séquence portant sur un nouvel incipit et adaptée à la
posture dominante de chacun, un bilan est demandé aux élèves, afin de fixer la trace des acquis :
• Quels types d'informations identiques se retrouvent dans les incipit étudiés ?
• En quoi ces informations jouent-elles un rôle important au début d'un roman ?
• Le lien entre le titre et l'entrée dans un roman est-il toujours explicite ? Comment cela s'explique t'il ?
• Quels effets Balzac cherche t-il à produire chez le lecteur, dès le début du livre ?
Modification éventuelle dans la présentation du support ou dans le déroulement des
séances
Après quelques séances, Mme Heitz et moi-même, nous constatons la nécessité de faire preuve de
vigilance à toutes les étapes de ce travail individuel :
� lors de la lecture du texte, pour les amener, par des recherches de définition, à résoudre les
difficultés de compréhension ;
� lors de cette même lecture, pour vérifier que des contresens ne naissent pas de difficultés
syntaxiques ou d’absences de référents culturels ;
38
� lors des réponses par écrit des élèves, pour s’assurer que des reformulations de questions ne
s’imposent pas.
Ces expérimentations nous ont amenées à apporter des modifications à certaines questions pour
rendre plus explicites les attentes ou pour élucider des références implicites dans le texte.
Nous avons par ailleurs dû, pour une classe en difficultés, créer des questionnaires prenant en
compte la posture 0, afin de ménager des paliers encore plus progressifs.
Le deuxième constat porte sur la durée effective du travail, sans rapport aucune avec les prévisions :
activités très chronophages, leur étalement dans le temps est cependant très dépendant de
l’autonomie des élèves et de leur niveau de compréhension.
Avantages de la collaboration
Le partenariat de l’enseignante de lettres et de l’enseignante documentaliste, à tous les stades de
l’expérimentation – lors de la conception des questionnaires et lors des séances d’AP – est
fondamental pour répondre aux objectifs principaux : faire progresser l’élève, en le guidant
individuellement et en prenant en considération ses obstacles personnels.
Intérêt du travail d’approfondissement pour les élèves
Les questionnaires construits autour d’une posture dominante permettent aux élèves d’entrer dans
une activité exigeante sans être rebutés par la difficulté de la tache qu’ils savent adaptée à leur
niveau. Les incursions bien étayées dans d’autres postures se négocieront facilement.
Le travail différencié est profitable car il permet à chaque élève de progresser à son niveau de
compétences en tirant parti des apprentissages réalisés.
Intérêt du travail sur les incipit dans le cadre de l’entrée en littérature
Ce projet permet aux élèves de travailler en autonomie et de développer des compétences
littéraires. L’adulte a un rôle de médiateur. Il intervient comme facilitateur quand l’élève rencontre
des difficultés.
L’élève expérimente activement le passage de la lecture subjective à la lecture littéraire.
Progressivement il gagne en autonomie dans le relevé d’informations, l’analyse et l’interprétation. Il
ressent une intense satisfaction d’avoir réussi par le recours du questionnement à comprendre un
texte difficile.
Au cours des séances, des pauses métacognitives permettent aux élèves de faire le point sur leurs
stratégies de lecture de prendre conscience de la méthodologie proposée et de mesurer les progrès
de compréhension tout au long de l’activité. Elles contribueront à donner confiance aux élèves en
leurs compétences en français et à leur donner des méthodes d’analyse à réinvestir dans d’autres
activités.
Les résultats de l’évaluation écrite, par ailleurs, constituent des indicateurs signifiants et directement
exploitables si on les met en regard avec les précédentes mesures individuelles qui ont pris appui sur
39
les mêmes critères (voir grille de positionnement des différentes postures) et conduisent ainsi
l’enseignant de lettres à prévoir une modification des groupes, lors des séances en
accompagnement personnalisé, en fonction de différentes compétences prioritaires à privilégier. Le
caractère fastidieux du recensement et de la confrontation des résultats est largement compensé
par la qualité de l’adaptation des activités aux élèves et par la prise en compte avisée de leur
évolution au cours de l’année.
Lecture cursive et initiation au commentaire littéraire à partir du
roman La Peau de chagrin de Balzac et du drame romantique Hernani de
Victor Hugo : Patricia MUCKENSTURM et Rachel WEISS
INTRODUCTION
L’étude d’un mouvement littéraire et culturel s’inscrit dans la connaissance de la littérature
et la constitution d’une culture pour tout lycéen, ce qui constitue un but majeur du français au lycée.
L’objectif étant d’amener les élèves à savoir décoder et à construire le sens du texte grâce à des
connaissances méthodologiques, littéraires, historiques et culturelles. C’est pourquoi, le choix de
travailler sur une pluralité de ressources, de réfléchir sur la variété et la singularité des productions
s’est révélé incontournable. Pour arriver à cette finalité (appréhender la diversité des supports), la
collaboration avec le professeur documentaliste a été indispensable et, pour être complet, l’idéal
aurait été d’y associer les collègues d’histoire, de musique et d’arts plastiques de façon à ce que
chaque spécialiste puisse amener un éclairage nouveau.
Pour l’étude du mouvement littéraire et culturel, les instructions officielles préconisent
d’étudier un ensemble de textes littéraires (prose ou poésie) et de documents (y compris
iconographiques) ainsi qu’une œuvre au choix du professeur. Le travail proposé répondra à ces
exigences lors de l’étude du mouvement littéraire et culturel mais aussi en croisant les objets
d’étude. L’étude du récit s’est donc poursuivie par la lecture de La Peau de Chagrin de Balzac, l’étude
du Romantisme a été accompagnée de textes poétiques et de textes d’auteurs visant à définir le
mouvement littéraire et culturel et l’œuvre intégrale étudiée, Hernani, a combiné l’étude du genre
théâtral et la lecture d’une œuvre romantique.
Le travail proposé est conséquent et, de ce fait, il s’est inscrit dans la durée (de la Toussaint
aux vacances d’hiver): il a fait l’objet de plusieurs séquences portant sur l’étude du récit (étudié
avant les congés à travers les récits courts), l’étude d’un mouvement littéraire et culturel, le théâtre
(texte et représentation). Le travail en collaboration avec le professeur documentaliste a été
régulier : il a participé à la recherche documentaire, lors de l’étude des tableaux romantiques, et il a
aussi aidé à la compréhension en accompagnant des groupes lors des lectures et notamment avant
l’évaluation sommative sur Hernani, où son travail consistait à reprendre la pièce dans son ensemble
pour s’assurer de sa compréhension, avant que les élèves réfléchissent sur le texte proposé à
l’évaluation et qui était le dénouement de la pièce.
OBJECTIFS :
40
Méthodes : Initiation au commentaire littéraire et à la première question de l’épreuve anticipée de
français (EAF).
Culturels :
- Aborder deux thèmes romantiques : le personnage romantique et le mythe de Faust.
- Histoire littéraire et culturelle
Lectures :
- Etudier l’incipit et y déceler des indices annonciateurs de ce qui va suivre.
- Lectures documentaires.
- Lecture d’un roman et lecture d’un drame romantique.
- Lecture de l’image fixe : tableaux
- Lecture de l’image mobile : extrait d’un drame romantique afin de mettre en relation le verbal
et le non verbal.
DEMARCHE :
1) Sur La Peau de chagrin :
- Lecture cursive durant les congés
- Evaluation : le contrôle de lecture a été proposé aux élèves en fonctions des postures de
lecture
- Initiation au commentaire littéraire à travers l’étude du début du roman
- Initiation à la rédaction du paragraphe littéraire
2) Sur Hernani :
- Lectures analytiques
- Approfondissement de l’étude du commentaire littéraire
- Approche du genre théâtral
3) Sur l’étude du mouvement littéraire et culturel
- Etude de la figure romantique de l’ange déchu, à travers le personnage de Raphaël dans
La Peau de chagrin, et du héros déchu, à travers Hernani dans la pièce éponyme (en
groupe classe)
- Groupement de textes de type bac sur le mythe de Faust et pour préparer la question sur
les textes lors de l’EAF (en groupe selon les postures de lecture)
- Etude d’œuvres picturales romantiques et notamment les représentations de Faust (en
groupe selon les postures de lecture)
41
- Etude des genres : roman et théâtre (groupe classe)
- Texte et représentation : extraits d’une pièce de théâtre : Lorenzaccio de Musset (en
groupe classe)
- Textes et documents complémentaires sous forme de deux groupements
Groupement 1 : textes romantiques (poésie et prose) de Lamartine, Dumas, Hugo
Groupement 2 : le mouvement littéraire et culturel extraits de Balzac Illusions perdues,
Zola L’œuvre mis en parallèle avec Manet Le Déjeuner sur l’herbe, Gautier Victor Hugo
qui évoque la première représentation d’Hernani, extrait de la Préface de Cromwell.
ANALYSE DE PRATIQUE:
La Peau de chagrin de Balzac a été donnée en lecture cursive, durant les congés de la
Toussaint, et après l’étude de tonalités différentes (réaliste, fantastique, merveilleux) dans la
séquence consacrée aux récits courts. Il s’agissait, pour commencer, d’une lecture naïve au cours de
laquelle le lecteur devait se laisser prendre « au piège de l’illusion romanesque », selon l’expression
d’Henri Mitterrand.
L’intérêt porté à La Peau de chagrin ne s’arrêtait pas uniquement à la lecture. Les textes de
Balzac et de Victor Hugo ont permis l’initiation au commentaire littéraire et l’approche du
mouvement littéraire et culturel du romantisme. Au début de l’œuvre de Balzac, la rencontre avec le
personnage principal, Raphaël, a été l’occasion de découvrir les contraintes d’écriture des incipit de
roman puis de mettre en place la méthodologie du commentaire littéraire. Connaître l’œuvre
intégrale a favorisé la compréhension de certains points importants du portrait de Raphaël qui
s’inscrivent dans le texte, dès le début, comme par exemple la déchéance du personnage. Or la
thématique de l’ange déchu constitue un thème cher aux romantiques qui envisagent d’ailleurs
souvent le diable de la sorte. C’est pourquoi, l’ouverture à Faust a été vue dans le cadre de la lecture
documentaire, en collaboration avec la collègue professeur documentaliste.
Le travail sur le mouvement littéraire et culturel s’est fait dans et hors de la classe. Deux
groupements de textes ont permis d’aborder le romantisme en tant que mouvement littéraire et
culturel et la notion de mouvement en lui-même : Qu’est-ce que c’est ? Comment s’inscrit-il dans le
paysage culturel ? Quelles sont ses difficultés à s’imposer? Quelles sont ses caractéristiques et
comment reconnaître une tendance à la création originale comme un mouvement à venir ?
Parallèlement, l’étude du romantisme a permis un travail sur l’image fixe à travers les peintures
romantiques de Delacroix. Un corpus a été étudié avec les lecteurs à l’aise pour approcher la
question de l’EAF et définir ainsi le mythe de Faust. Travailler avec le professeur documentaliste a été
d’une aide précieuse et la condition indispensable pour mener de front la variété des exercices. Les
activités diversifiées en fonction des compétences de chacun, grâce à la mutualisation du travail qui a
suivi, a permis une approche globale du mythe.
Le travail sur Hernani a introduit l’étude du théâtre et a prolongé le travail sur le
commentaire. Les élèves ont concrétisé l’ensemble des acquis des trois séquences par une
évaluation finale (devoir sur table) portant sur le dénouement et qui comprenait un ensemble de
42
questions propres à la lecture analytique. Cette évaluation a été préparée par un retour sur l’œuvre,
après son étude en classe, par des questionnaires adaptés aux postures de lecture et de façon à
aboutir à une compréhension plus ou moins approfondie selon les élèves. Le but était de mettre
chaque élève en position de réussite face à un texte inconnu et à être capable de l’interpréter dans
son sens immédiat mais aussi en fonction de la connaissance de l’œuvre intégrale.
Une deuxième évaluation sommative consistait à la composition d’un commentaire littéraire
durant les congés d’hiver à partir du plan proposé par le professeur. Le passage choisi supposait le
réinvestissement des acquis et des connaissances mis en place lors de ces trois séquences : outils
d’analyse, thèmes romantiques, tonalités …
Les études d’œuvres picturales romantiques, module pris en charge principalement par le
professeur documentaliste, a eu pour finalité de donner aux élèves des éléments d’analyse de
l’image (en particulier la technique de composition), de rappeler le lexique à utiliser, de faire
comprendre la dimension argumentative de l’image.
Les extraits de Lorenzaccio furent l’occasion de visualiser une pièce romantique, de mettre
l’accent sur le personnage romantique et son incarnation, d’interpréter le non-dit comme il s’agit
d’interpréter le texte, à partir d’indices livrés par l’auteur. Cette ouverture permettait aussi de varier
le support et d’agrémenter un travail long et fastidieux durant toutes ces séquences. Par ailleurs,
solliciter la vue et l’ouïe à travers l’image constitue un outil cognitif et pédagogique important,
puisque l’image agit sur l’esprit et la mémoire des élèves. En d’autres termes, l’image joue un rôle
important dans la mémorisation et la compréhension des savoirs.
BILAN :
Le travail proposé a démontré que les enseignements se complètent et que l’analyse
littéraire permet déjà de se séparer d’un préjugé selon lequel il est possible d’interpréter un texte
comme on le souhaite. Même si certains n’arrivent pas à approfondir l’analyse autant que leurs
camarades, loin de s’en détourner ou de s’y opposer, ils ont l’impression de découvrir le texte dans
son intégralité grâce à la complémentarité des données. Toutefois, ce travail ne va pas encore de soi
et vaut uniquement lorsque les élèves sont encadrés et en classe. La lecture des classiques, même si
elle devient progressivement plus accessible, du fait de la familiarisation avec la difficulté et du fait
des apprentissages dans toutes les disciplines au lycée, n’est pas encore une évidence pour tous les
élèves. Le travail entrepris lors de ces séances est une aide certaine et les élèves apprécient qu’on
prenne en compte leurs connaissances et leurs difficultés. Malheureusement, chez les élèves en
grande difficulté, tous ces efforts sont souvent mis à mal car rendus inopérants par d’autres vécus (le
quotidien, la vie personnelle, les nouvelles technologies, la difficulté à s’adapter au lycée général et
aux exigences des professeurs de chaque discipline…). Toutefois cette démarche a permis aux élèves
de prendre conscience qu’il faut procéder à une étude méthodique du texte pour que ce dernier se
dévoile et que ce travail, par ailleurs, nécessite bien davantage que de simples compétences de
lecture (lecture déchiffrement ou lecture « naïve »). Les connaissances culturelles et historiques de
même que la maîtrise des outils de la langue et des procédés d’écriture sont indispensables pour
tirer parti de l’intégralité du texte et de ses dimensions les plus complexes. Toute l’entreprise du
cours de français et du lycée consiste donc à « lev[er] un à un les voiles » (Rimbaud dans « Aube »).
43
Elaboration de deux journaux de bord en classe de Seconde, année 2010-
11 : Fabienne SCHWARTZ
- Contexte d’élaboration :
La classe dans laquelle l’expérimentation a été menée n’est pas à l’origine un groupe enclin à la
lecture. Sur 35 élèves, seuls deux ou trois lisent régulièrement de façon spontanée.
Les objectifs, dès le début de l’année, étaient donc très clairs :
� les amener à lire régulièrement et à porter un regard réflexif et attentif sur l’acte de lire. � Les confronter très vite à des livres exigeants, pour les amener à dépasser des réticences
d’ordre psycho-social, cette finalité étant elle-même conditionnée par des compétences linguistiques et logiques dans le groupe qui ne demandaient qu’à être épanouies et par l’aspiration à une poursuite en Première générale de la part de l’ensemble des élèves.
La mise en œuvre des journaux de bord, l’un au premier trimestre, l’autre au deuxième, a pour
complément, lors de la dernière période de l’année, la présentation orale par l’élève d’un livre choisi
dans une liste assez conséquente (les modalités de cet exposé obéissant lui aussi à des consignes très
claires).
- Les modalités du journal de bord au service des finalités :
Tout en étant porteur de contraintes pour l’élève, puisqu’il oblige à des « pauses réflexives »40, le
journal de bord peut devenir avant tout le lieu privilégié de l’expression des représentations
personnelles et de « tous les accidents, heureux ou malheureux, qui parsèment cette rencontre du
lecteur et du texte »41, en donnant la priorité aux « enjeux passionnels »42.
Mais, si l’on veut que lire soit aussi - et surtout dans le contexte scolaire - un moyen, d’une part, de
mieux maîtriser la langue écrite et les stéréotypes propres aux différents genres littéraires et, d’autre
part, d’enrichir son système de références et de valeurs, l’enseignant peut chercher à valoriser dans
le même temps les « enjeux rationnels »43, en réclamant une lecture vigilante à l’égard des
références et des stéréotypies.
D’où une sorte de guide donné à l’élève pour définir clairement les attentes.
40 Rouxel, Annie, Lectures cursives : quel accompagnement ? p 163, 2005. 41 Rouxel, Annie, Lectures cursives : quel accompagnement ? p 164, 2005. 42 Dufays, Jean-Louis, Pour une lecture littéraire, p132, 2005. 43 Dufays, Jean-Louis, Pour une lecture littéraire, p132, 2005.
44
- Le mode d’emploi du journal de bord, tel qu’il peut être présenté aux élèves 44
:
« A mesure que vous avancerez dans le roman, vous tiendrez un journal de lecture.
Vous noterez en première page le titre, l’auteur et l’édition du roman.
Puis, à chaque fois que vous lirez un nouveau passage du livre, vous noterez dans votre « journal » le
nombre de pages ou de chapitres lus, avant d’écrire à la première personne vos réactions et vos
réflexions sur ce que vous venez de lire.
L’objectif est d’écrire un journal qui soit le témoin sincère et un auxiliaire de votre expérience de
lecture.
Voici des suggestions pour vous aider ; retenez ce que vous voulez et écrivez vos réactions dans
l’ordre où vous le souhaitez.
Vous pourrez, par exemple :
- noter les difficultés rencontrées dans la compréhension, ou bien en raison du vocabulaire, ou à
cause des constructions de phrases ou du fait du contenu même du récit. Vous consignerez les
définitions de mots ou d’expressions difficiles qui vous aident à la compréhension.
- noter ce qui vous émeut, vous fait sourire ou rire, vous révolte, et les réflexions que vous inspire la
narration (vous pouvez recopier de courts passages qui vous auraient plu ou déplu pour justifier
votre jugement).
- noter vos attentes et vos hypothèses concernant l’évolution de l’intrigue et des personnages (et ce
que vous avez ressenti, ou ce qui vous surprend dans cette évolution).
- livrer les interrogations que cette lecture soulève en vous, et ce qu’elle vous apprend ou vous fait
comprendre sur vous-même et sur les autres, sur le monde qui vous entoure, sur la vie en général.
- écrire si, au fil de votre lecture, vous avez modifié votre opinion sur l’intrigue ou sur un personnage.
Il ne s’agit pas de résumer l’histoire ou de raconter ce que vous lisez (sauf si c’est nécessaire pour
comprendre ce à quoi vous faites allusion). »
- Les livres proposés pour les deux journaux de bord :
En novembre, c’est Le Testament français d’Andreï Makine qui fut imposé comme objet de lecture et
sujet de leur journal de lecture.
En février, dans le cadre d’un travail sur Balzac, et après la lecture commune d’Eugénie Grandet, un
roman de la Comédie humaine devait être choisi comme support à leur deuxième journal de lecture.
44 Ce mode d’emploi est le fruit d’une synthèse de documents déjà existants qui ont été remaniés.
45
- Le bilan de ces productions personnelles :
La différence de qualité entre les deux journaux de bord est globalement très nette. Cela tient à
différents facteurs :
� Le livre Le Testament français d’Andreï Makine, difficile par sa construction, son exigence stylistique et la nouveauté des thèmes abordés, a été lu le plus souvent dans l’effort et son intérêt n’est apparu que tardivement.
� Rares sont les élèves qui avaient donné à cette démarche une valeur autre que scolaire et qui ont cherché à s’y investir avec un souci d’originalité et d’approfondissement.
� Dans une grande partie de la classe, les compétences des postures 2 et 3 méritaient un travail soutenu.
Le travail sur ce même livre, qui a par la suite été mené en classe entière, a permis aux élèves de
mieux en comprendre les enjeux et, pour certains, de finir par en apprécier les grandes qualités.
Les journaux de bord, réalisés en février, ont révélé une évolution très positive :
� Les recherches documentaires se sont multipliées et ont été mises au service d’une meilleure compréhension littérale ou analytique.
� Le soin apporté en vue d’une élaboration originale a fait écho à la valorisation qui avait été faite des rares travaux de réelle qualité du mois de novembre.
� L’expression s’est enrichie et a le plus souvent visé non seulement une mise à plat des impressions, mais aussi une analyse des enjeux et la formulation d’hypothèses, au fil de la lecture.
La troisième opération de lecture individuelle lancée en mars – livre à présenter à la classe -, a paru
totalement naturelle, comme si l’acte de lire et d’en rendre compte entrait dans la catégorie des
démarches évidentes en milieu scolaire.
CONCLUSION
Quand les élèves entrent au lycée, ils ont une expérience très inégale de la littérature, ce qui
nécessiterait d’une part la prise en compte dès le collège de la disparité de connaissances et de
savoir- faire et d’autre part de prolonger cette réflexion au lycée. La définition de la pédagogie nous y
renvoie d’ailleurs. Comme le rappelle Marie-Christine Riedlin-Deconinck : «La caractéristique de la
pédagogie [est la] mise en évidence d’un savoir analysé en terme d’objectifs et de stratégies
opératoires visant à diversifier les apprentissages. »45
Il est matériellement impossible d’individualiser les apprentissages dans une classe d’une trentaine
d’élèves, mais il devient souhaitable de banaliser la pratique d’une pédagogie différenciée. La
possibilité d’envisager des itinéraires variés à travers les postures de lecteur nous y engage. La
45 Riedlin-Deconick, Marie-Christine. Différencier la pédagogie du lire écrire : vers un appareil pédagogique dans les manuels de textes de l’enseignement secondaire. Strasbourg, Université des sciences humaines de Strasbourg, Département sciences de l'éducation, 1993, 298 p.
46
nouveauté réside dans la souplesse d’utilisation des postures. Premièrement, elle n’enferme pas
l’élève dans un niveau déterminé mais l’incite à relever des défis à sa portée. Deuxièmement, elle
laisse à l’enseignant toute liberté pour construire ses activités en gardant à l’esprit les compétences
définies dans le tableau de positionnement qui seront sollicitées en fonction des besoins.
Il faut songer à développer les compétences de lecteurs dès le collège, ce qui suppose d’envisager
une gradation dans la difficulté à travers la découverte de textes résistants, au cours de laquelle les
activités littéraires seront mises au service de la compréhension.
Par ailleurs, il ne faudrait pas négliger la subjectivité du lecteur qui viendra enrichir la compréhension
et l’interprétation mais il convient d’alimenter cette subjectivité par un travail analytique mené au
sein de la classe de façon collective. « A travers le corpus littéraire qui lui sera proposé, il importe
que l’élève soit familiarisé avec une diversité de textes, qu’il puisse par ce biais, accéder aux savoirs
qui lui permettront de réussir sa scolarité et de s’intégrer dans la société, et qu’il soit stimulé dans la
construction de son identité personnelle et dans son émancipation psycho-affective. Le second enjeu
lié au corpus est davantage culturel et réflexif, et il concerne la connaissance de la littérature. Qu’est-
ce que la littérature ? C’est à la fois faire acquérir des références culturelles, se forger un esprit
critique, la capacité de problématiser, les êtres et les choses, et développer une réflexion « meta »
sur le fait littéraire. »46
CONCLUSION GENERALE
Deux années intenses de travail au sein du GRF, ont marqué les participantes qui vous
communiquent les apports de cette expérience enrichissante.
Anne-Sophie CORRION-HUNZINGER, professeur de lettres au lycée Camille SEE à COLMAR :
Au départ, bien qu’intéressée par le projet j’ai eu quelques réticences à m’engager dans le
groupe : je craignais une approche très théorique. Le choix de la notion de stéréotype a
contribué à me fixer sur un objectif précis et motivant et les recherches sur la question ont
été fort intéressantes et inattendues. Cette année la mise en pratique de cette notion dans
deux séquences pédagogiques a ouvert de nouvelles voies et permis de nouvelles approches
des textes littéraires avec les élèves; néanmoins certaines questions restent à approfondir et
j’espère le faire à l’avenir. Enfin, ce que j’ai beaucoup apprécié a été de travailler de façon
chaleureuse avec le groupe et d’échanger dans la durée avec d’autres collègues, ce qui n’est
pas si fréquent.
Pascale DEDIEU, professeur de lettres histoire, lycée professionnel Jean-Jacques HENNER ,
ALTKIRCH
Cette formation m’a permis d’avoir une vision plus globale du cursus des élèves du collège
au lycée et de mieux comprendre leurs difficultés en français. Le travail en équipe avec des
collègues dynamiques et motivés du collège, du lycée et des professeurs documentalistes
46 Rouxel, Annie, Louichon, Brigitte. Du corpus scolaire à la bibliothèque intérieure. Presses universitaires de Rennes. 2010.
47
m’a apporté une ouverture d’esprit et une approche nouvelle des textes littéraires. En
travaillant en binôme avec une documentaliste, j’ai amélioré mon questionnaire de lecture
et permis à certains élèves en difficulté de mieux comprendre les textes.
Ce travail en groupe a été très productif et motivant pour moi car il m’a obligé à préciser
mes formulations et m’a enrichi culturellement et professionnellement pour le plus grand
bien de mes élèves.
Isabelle GODIN, professeur de lettres, COLLEGE EPISCOPAL ZILLISHEIM
Développer des compétences de lecture auprès des élèves est un sujet qui
m’intéresse depuis longtemps et un défi presque quotidien pour le professeur de français et
la lectrice que je suis. Participer au GRF m’a donné l’occasion d’enrichir ma pratique
professionnelle. Durant ces deux années, les allers retours entre les lectures théoriques et
l’expérimentation sur le terrain scolaire ont été constants et fructueux. De plus, ce parcours
a été jalonné de très belles rencontres, je pense à Annie Rouxel, notamment, avec toute sa
générosité, à Gisèle, spécialiste passionnée de George Sand, et au groupe qui se réunissait
régulièrement à Colmar. Nos temps de travail et d’échange ont toujours été intenses et
conviviaux. Le partenariat avec la collègue professeur documentaliste de mon établissement
s’est fondé là et perdurera, j’en suis certaine, à travers de nouveaux projets au service de
l’entrée en littérature de nos élèves.
Martine HAGENBACH, Professeur-documentaliste au collège KLEBER de HAGUENAU
Si le professeur documentaliste souhaite s’engager dans des actions pédagogiques qui
relèvent peu ou prou de la didactique du français, il se place en porte-à-faux par rapport à
ses homologues qui ne veulent surtout pas devenir « professeurs de français bis », et par
rapport aux professeurs de lettres, qui ne conçoivent pas qu’un documentaliste s’intéresse
de trop près à la discipline qu’ils enseignent.
Beaucoup de professeurs documentalistes pratiquent des activités d’incitation à la lecture à
travers des présentations de livres ou des défis lecture. Le socle commun de connaissances
et de compétences qui concerne tous les enseignements de l’école et du collège, rappelle
l’intérêt de tous pour la lecture et notamment que « la fréquentation de la littérature
d’expression française est un instrument majeur des acquisitions nécessaires à la maîtrise de
la langue française ». L’enseignant documentaliste s’inscrit bien évidemment dans ce texte
de référence et aidera le collégien à maîtriser l’apprentissage d’un code, à s’approprier des
savoirs et à faire entrer progressivement la lecture dans sa pratique culturelle, dans le cadre
d’activités centrées sur la compréhension des textes.
Dans le cadre d’un Master 2 de Lettres Modernes obtenu en 2007 à l’Université du Maine,
j’ai travaillé sur ce sujet et étais déjà convaincue de l’importance des postures de lecteur. Le
48
groupe de recherche m’a permis d’approfondir ma réflexion sur le sujet et surtout de le
mettre en pratique avec des groupes d’élèves de 3ème, dans le cadre de mon activité au CDI.
Marie-Madeleine HEITZ, professeur documentaliste, lycée Camille SEE COLMAR
Ce travail de recherche au sein du GRF m’a permis de trouver le chaînon manquant pour
travailler fructueusement avec les professeurs de lettres en conservant la spécificité de ma
fonction de professeur documentaliste. La compréhension en lecture est un domaine que
notre profession se doit d’explorer. Il semble vain de se cantonner dans l’incitation à la
lecture sans se préoccuper de la réception du texte par le lecteur. La participation à
l’élaboration du tableau de compétences des postures de lecteur m’a permis de mieux
cerner l’acte de lire afin de pouvoir proposer des activités de lecture adaptées aux
spécificités du public. Ce fut une expérience éminemment formatrice.
Marie-Jo HERAUD, professeur documentaliste, Collège EPISCOPAL, ZILLISHEIM
L’incitation à la lecture rythme mon quotidien de professeur documentaliste, mais je n’ai que
rarement la possibilité de mesurer l’impact des activités proposées sur la culture des élèves, ce qui se
révèle frustrant. Aller plus loin, dépasser le stade de la proposition, accompagner l’élève en
littérature, voilà le challenge enthousiasmant que m’a permis de relever le GRF !
Le partenariat dans la durée avec ma collègue de lettres (1h 1/2 hebdomadaire dans le cadre de
l’enseignement d’exploration « littérature et société » en classe de 2de) s’est révélé source
d’enrichissement permanent et m’a permis de questionner mes pratiques professionnelles.
Ces deux années de lectures théoriques, d’expérimentations, d’échanges, ponctuées de réunions
galvanisantes, m’ont ouvert de nouvelles perspectives et l’envie de poursuivre la réflexion sur la
fonction du professeur documentaliste.
Sylvia LE NADAN-MARTIN, Professeur de lettres, Lycée LAZARE DE SCHWENDI INGERSHEIM
Ayant connu les origines du projet, il a été très intéressant de voir comment d’une
interrogation plus individuelle, il était possible de créer une impulsion pour entamer une
réflexion globale plus approfondie et qui cernait des préoccupations communes et plus
vastes. C’est pourquoi j’ai immédiatement adhéré au projet. Au-delà de l’expérience menée
avec les élèves et qui s’est avérée fructueuse, l’échange avec les collègues de lettres et
documentalistes a été extrêmement enrichissant. Au sein du groupe s’est crée une réelle
émulation qui a sans aucun doute permis la qualité et l’aboutissement de nos projets.
Patricia MUCKENSTURM, professeur de lettres lycée SCHURE BARR
Ce GRF s’est déroulé à un moment où j’étais en attente et en pleine réflexion sur mes propres
démarches didactiques pour aider les élèves et leur faire prendre conscience de l’importance de la
lecture et de la maîtrise de la langue. Dans notre société de consommation, dans un quotidien où
tout va vite, où tout est régenté par l’image, où beaucoup de jeunes ont l’illusion de pouvoir parvenir
en déployant peu d’efforts, notre discipline est souvent rejetée et à contre courant de leur mode de
vie. En effet, la lecture demande un investissement et du temps qu’ils ne veulent pas nécessairement
49
sacrifier aux dépends des nouvelles technologies. Aussi, me demandais-je comment amener les
élèves vers un autre mode de fonctionnement et vers des activités différentes ; comment leur
redonner le goût de la lecture ? Cette réflexion menée au sein du GRF et lors des échanges sur les
pratiques pédagogiques a prouvé qu’il n’était pas impossible de faire lire des écrivains tels Hugo ou
Balzac aux lycéens. Après avoir formalisé et mis en application celle-ci, je me rends compte, avec
plaisir, que certains s’approprient les livres que je leur conseille ou sont en demande de précisions
lorsque je leur présente des œuvres en rapport avec nos objets d’étude. Certes, la réussite n’est pas
totale car certains élèves restent malheureusement en marge, mais pour ne pas les oublier, je
continuerai à réfléchir à des stratégies, à des ruses éducatives, afin de pouvoir un jour donner à un
maximum d’entre eux le plaisir du texte.
Caroline DE PAUW, professeur documentaliste, lycée des métiers d’INGERSHEIM
J’ai intégré le GRF « Entrée en littérature » en 2009, année où j’étais professeur-documentaliste stagiaire et où j’avais choisi, comme sujet de mémoire professionnel, l’entrée en littérature au collège. La richesse des échanges entre les différents membres du groupe au sujet de l’enseignement de la lecture et de la littérature, la profusion de compte-rendu d’ouvrages de didactique ainsi que la rencontre avec Annie Rouxel, spécialiste du genre m’ont énormément aidé à rédiger la partie théorique de mon mémoire et à réfléchir sur ma pratique professionnelle pour favoriser une réelle entrée en littérature chez les collégiens.
En 2010-2011, j’ai rejoint le sous-groupe travaillant sur les référents culturels puisqu’une enseignante de mon nouvel établissement en faisait partie, ce qui nous offrait la possibilité de travailler conjointement avec sa classe de BTS sur les stéréotypes. Ces expériences pratiques se sont avérées très intéressantes pour prendre conscience de l’influence des représentations des jeunes mais également de la possibilité de les faire évoluer par le biais de la littérature.
Gabrielle REYMANN, professeur documentaliste, lycée Camille Sée Colmar
J’avais, dès la mise en place de ce GRF, pensé travailler sur les notions de « stéréotype » et de « cliché » avec le professeur de Français d’une classe de première L. Les deux séances en classe m’ont permis de réaliser que le travail que j’avais déjà entrepris auparavant avec une enseignante d’ECJS et une classe de Seconde avait abordé le même thème : entrer en littérature, faire lire les élèves, même ceux qui paraissaient vraiment fâchés avec le livre. C’est pourquoi j’ai repris le travail fait en ECJS et j’ai pu ainsi montrer qu’il était possible d’emmener les jeunes vers la lecture dans une discipline autre que le Français. Une approche différente, un travail différent et un résultat encourageant. Partager avec les autres membres du groupe de travail lors des rencontres a été également un moment fort et m’a poussée à continuer dans cette voie. Une nouvelle expérimentation à la rentrée 2011 devrait me permettre de mettre au point d’autres tactiques d’encouragement à la lecture.
Fabienne SCHWARTZ, professeur de lettres, lycée Camille SEE COLMAR
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La réflexion sur la pédagogie oblige à une rigueur dans la préparation des séquences et dans
l’évaluation des pratiques des élèves. Même si au bout d’un certain nombre d’années
d’enseignement, le souci d’une progression conditionne l’élaboration d’un projet, il a pris
une acuité qui oblige à de constantes remises en question des choix opérés, rendant
l’adaptation à une situation donnée essentielle. La collaboration avec les documentalistes de
l’établissement s’est avérée d’une richesse inépuisable, aussi bien pour les élèves que pour
les enseignants.
Rachel WEISS, Professeur documentaliste, lycée SCHURE BARR
Ce travail m’a permis de mieux appréhender la façon dont les élèves perçoivent l’acte de lire et d’approfondir la question complexe de la compréhension en lecture. En tant que professeur documentaliste, je pense que ce type de réflexion peut enrichir nos
partenariats avec les collègues de lettres et d’autres disciplines tout en inscrivant notre
action au cœur d’une problématique essentielle pour les élèves.
Comme les participantes du groupe de recherche n’en restent pas moins des femmes, le
GRF aura connu au cours de ces deux années trois mariages et deux bébés à naître….
☺