Post on 18-Jun-2015
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C 82/ COMPRENDRE
[Les notes de travail de Pierre Bourdieu sur l'intervention qu'il envisageai t de faire à l' 0
l' exposi tion et dans le catalogue sont publiées ici en l'état avec l'aimable autorisation defamille.]
PROJET D'IIITERUENTIDN DE PIERRE BOURDIEU DANS L'EXPOSITION DE DRNIEL BUREII AU CENTRE GEORGES POMPIDOU
«Jerne suis dit que, si j'avais le temps-peut-être que je le ferai d'ailleurs-, je ferais desvidéo où le côté happening serai t montré en sorte que je pourrais faire le commentaire à froid.Par exemple, au lieu de dire abstrai tement que "le monde artistique est un champ", j'aurais desenregistrements pris dans une galerie lors d'un vernissage avec les commentaires de l'artisteet je pourrais ensui te analyser tout ce qui ressortit à la logique d'un champ.Les artistes ont uneforce extraordinaire, celle qui consiste, entre autres choses, à savoir rendre sensibles les chosesintelligibles. Il me semble - c'est très naïf - que pour une action libératrice, une alliance du géniespécifique des artistes et de l'analyse pourrait produire des effets formidables.»Pierre Bourdieu, intervention à l' Insti tut des Hautes Études en arts plastiques, 27 avril 1993.
«L' œuvre d'art est, parmi les objets ouvrés, celui qui susci te le plus de discours dans le public"cul tivé" au nomde la représentation charismatique de la production artistique comme"création"quasi di vine et de la réception commere-création, révélation inspirée sans autre fondement quel' intuition miraculeuse (l'œil") des âmes d'artistes.»Pierre Bourdieu, décembre 2001.
PROJET
(Notes de Pierre Bourdieu, décembre 2001)Pourquoi le sociologue est-il fondé à intervenir sur de tels sujets? La continui té est si parfai teque l'on peut se demander si toute différence ne se trouverai t pas abolie dès que l'on ferai tdisparaître le souci de se distinguer du goût commun(il faut entendre bourgeois) et le sentimentd'intime conviction (enraciné dans le conservatisme) qui anime les «vrais croyants». Mais surtoutla sociologie est sans cesse invoquée - tout en étant radicalement révoquée - commel'arme absoluecontre l'art contemporain. Le populisme sociologique invoque le rejet (qui est avant tout ignorancequi s'ignore) de l'art contemporain pour condamner commepure imposture la pratique mêmede cet artet commepure forfai ture toute espèce de soutien qui peut lui être accordé par les pouvoirs publics.
Dispositif à intégrer dans l' exposi tion
TITRE: HABITUS III SITU ET UOX «POPULI»
. (<<lepeuple» est en fait, ici, le public dit «cultivé»)But: resti tuer la variation des réactions devant un décor constant, donc l'espace des perceptionset des discours possibles pour les visi teurs de l'expo (cf. Manet et les cri tiques de son temps).Ces réactions sont d'une part écri tes sur les murs dans une salle de l' exposi tion et d'autre partenregistrées par un acteur qui sera filmé, celui-ci incarnant les différents Beholders (cetteexpression désigne celui qui contemple, le spectateur attentif qui exprime un point de vue).Denis Podalydès joue le texte et est filmé (par une caméra fixe mais avec un cadrage, une lumière, etc.,de quali té). Chaque Beholder traverse la scène, de bout en bout, commedans Helzapoppin, plus ou moinsvi te selon la longueur de son texte. Il pourrai t être filmé à la veille de l'expo dans l'expo même.Faut-il caractériser socialement chaque Beholder (ton, manière de parler et aussi formules typiquescaractéristiques d'une catégorie sociale)? Ce n'est pas sûr car cela risque de demander beaucoup detravail à l'acteur et de n'être pas très réussi. Pour minimiser le travail de l'acteur, on pourrai tadopter la formule de la lecture (l'acteur tient ostensiblement le texte du catalogue à la main).La vidéo ainsi réalisée passe en boucle dans l'expo sur un grand écran si tué dans la pièce où setrouvent les ci tations. Des hauts-parleurs discrets dans les salles de l' exposi tion donnerontle texte en boucle lu par Podalydès .
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catégories (ou niveaux) de Beholders qui sont des hétéronymes de l' archilecteur:
~~'E:H èL 0 E R 2: NI V EAU DES C R IT l a U E 5
'?(décrire l'espace des points de vue)Demêmequ'il est difficile de discerner entre le toc et l'authentique en matière de production
:-artistique, il est difficile de faire le partage entre les perles d' incul ture et les perles de culture'~~emi-cul ti vées des cri tiques profess ionnels.,Procéder par collages (cf. Berne-Joffroy, «Le dossier Caravage»). Le niveau 2 se défini t souvent
~ tacitement ou explicitement par rapport au niveau l (<<il faut vraiment être nul pour ne pas voir qu'ilne s'agi t pas d'une simple répéti tion»). La présentation doi t faire apparaître les correspondanceset instaurer une sorte de dialogue entre les niveaux.-Beholder 2.1:Buren met en question la peinture commereprésentation; refus de l'illusionnisme du contenu;neutralisation du contenu illusionniste de la peinture (il continue le mouvement commencépar Manet).
0"'- Beholder 2.2: Ascétisme extrême: dépouillement des matériaux (toile de store); et de la manière:"'répéti tion, refus de l'effet, impersonnali té. Buren refuse l'illusionnisme .•/'- Beholder 2.3:Point de vue qui fai t voir; cadre (paradigme: la vue de Paris).':"-~Beholder 2.4: Commel'ont montré les sociologues (cf. enquêtes Bourdieu), le peuple n'aime pas l'art
contemporain (idem en littérature: succès de vente constitué en critère de valeur; l'audimat):des béotiens peuvent ainsi légi timer un goût incul te par l'appel au peuple. Le populisme s'arme de la,sociologie pour condamner l'art contemporain; vox populi vox dei.- Beholder 2.5: Cri tique du formalisme, de l'art pour l'art; pas de message. Comparaison avec Hans Haacke.
,:",,(,Cepoint 2 est à développer. Il doi t comporter aussi une sélection de ci tations de bonnes cri tiques.)
BE:H~LOER 1: NIVERU DE LR «VOX POPULI»
:ieholder 1.1: Textes: des «perles» prises dans la presse ou le discours commun(dictionnaire des idées'reçues); répéti tion de lieux communs;banali tés.l' acteur di t tout haut les pensées des spectateurs (pas de dialogue): «Buren c'est toujours la même';~hôse», «Ce type n'a pas le sens commun»,«Ce n'est ni fai t ni à faire », «Un enfant en ferai t autant»(retrouver trace de ces posi tions dans les inscriptions contre les colonnes de Buren).On peut imaginer un spectateur qui di t des choses du genre: «Il faut que je ne traîne pas trop sinon jevais avoir un PVavec ma voi ture.»tJ;!eholder 1.2: (ton neutre, bonne volonté culturelle: lisant une notice avec application): «Buren est né,~en.·Sespremières manifestations dans le cadre du groupe ...Il dénonce la servili té des artistes quifréquentent la table des Pompidou...»'?Beholder 1.3:Dénonciation de «Buren artiste officiel» ..'?'Beholder 1.4:Le gaspillage des fonds publics; cf. «je lisais dans Le Figaro ...»~ Beholder 1.5: «avec tout ce qui se passe en ce moment (Israël, Palestine)>> (l'art commejeu gratui t).
BEHOLOER 3: NIVEAU RÉFLEXIF
-Le niveau Beholder 3, c'est «le sociologue in si tu», la sociologie en si tuation artistique,?-rtistiquement autorisée (cri tique créatrice qui met en œuvre la matrice génératrice qU'elle dégagede l'œuvre).- Beholder 3.1: Être artiste est un métier, un coup d' œil, un tour de main. Buren transforme en Buren, comme
---Midas en or, tout ce qu'il touche. En fai t toute action est le produi t d'un habi tus in si tu. L'artiste està la fois conformi té et exception; il met en œuvre un œil spécifique, une histoire incorporée,
~individuelle et collective.D'où continui té et rupture avec ruptures ini tiales: grande création formelle consacrée par une«rétrospecti ve» dans un musée.- Beholder 3.2: ars combinatoria. Cf. Beckett, Cap au pire: pauvre d'où infini, contrainte génératrice,grammaire générative: variations de formes infinies à partir d'un peti t nombre d'éléments (d'où le«toujours pareil»). Fai t jouer toutes les possibili tés d'un clavier plastique (cf. l'expérience desvi traux: ne marchez pas dans la couleur).- Beholder 3.3: Le sociologue décri t la distance du peuple à l'art contemporain (L'amour de l'art), maisaUssi la logique du champ artistique autonome qui se développe selon ses propres lois (Règles del'art): le sociologue ne divinise pas le jugement du peuple, il l' enregistre; d'autre part, il tientehsemble la dépossession artistique des dominés et le fai t d'une histoire autonome de la production de
C 84/ CDMPREIIDRE
l'art: cumulativi té, réflexivi té, progrès (jugement de valeur possible).Buren: un habi tus in si tu, un métier qui intègre toute l' histoire de la peinture. Par exemple le rappoà Duchamp:Buren inverse le geste de Duchampen portant l'art partout. Il renverse la si tuation muséail transforme le lieu d' exposi tion en objet exposé (mais la subversion artistique reste toujoursà blanc).- Beholder 3.4:Mais cet art diacri tique n'est intelligible que pour une perception diacri tique,c'est-à-dire pour quelqu'un qui maîtrise l' histoire qu'il incorpore. L'art d'avant-garde est vide l'ignorance du grand public « cul tivé» et de ses porte-parole.- Beho1der 3.5:L'entreprise Buren: Intervention totale, il s'empare de tout, s'occupe de tout, se mêletout (par exemple de la signalétique): appropriation, transfiguration. Buren transforme le naturel earbi traire, l' arbi traire en naturel, le pauvre en riche. Dans sa vue de Paris, il « emprunte le paysagei).Rappel de l' histoire de l'entreprise contre la bureaucratie. D'où met en lumière les ambiguïtés de labureaucratie: sans elle rien (pas d'art sans marché) j mais elle reprend d'une main ce qu'elle donnel'autre. Les contradictions de la bureaucratie (ici renvoi aux archives de l' exposi tion).- Beholder 3.6:Rôle des insti tutions d'État pour la survie d'une production sans marché. Lesconservateurs éclairés font l'art contemporain en lui offr.ant des condi tions sociales de possŒuvres invendables. Buren met en question aussi le statut juridique de l' œuvre. La maîtrise de l'l'auteur (les contrats), l'acheteur, l'exposant, le spectateur?Met en question l'idée d'auteur: la création est le fai t d'un collectif dont fai t partie l'équipeaussi le personnel administratif, les commanditaires.Lutte contre et avec les contraintes économiques, administratives (la sécuri té des expos pararchitecturales, spatiale&Esthétique disposi tionnelle: des milliers de peti tes inventions in si tu. Pas de plan à l'avance.vient avec son métier et occupe le lieu.- Beholder 3.7:Les points de vue relatifs et relativisables sont nécessaires (géométral: cf. champ).- Beholder 3.8:Le problème de la « rétrospecti ve »: occasion d'un retour réflexif.Cf. Saytour (Rétrospective IV) qui met en question non seulement la peinture mais le peintre, ledu « créateur» - présente ses brouillons et ses esquisses. De mêmeDevautour qui met en question lede l'art, la croyance artistique.
Sorte de finale possible: après que DBa lu le texte de PB et a di t ses réactions à PB,PB écri t un peti ttexte final dans lequel, notamment, PB reprend les discours des sociologues amis du sens communet les cri tique ainsi que les prises de posi tion cri tiques (Le Monde,Art Press, Esprit, etc.). *
Prévoir un bref questionnaire à la sortie de l'expo avec: Nom,prénom (facultatif), profession,et une seule question: Duquel des trois Beholders vous sentez-vous le plus proche?
L' exposi tion de DBest au 6" étage. Buren reprend toute l' archi tecture pour en faire un énorme espacequ'il signe commetel. Cet espace est composé de pièces (c'est commeun immense appartement comportantdes pièces). PBdisposera d'une pièce parmi les plus grandes possibles (5m sur 5mau sol sur 4mdehauteur). La surface du mur de projection pourra faire 4mpar 4rn.Les 'tableaux demandés par PBpeuvent être prêtés par Beaubourg (mais peut-être problème del'accrochage si les œuvres doivent être au plafond?).
DISPOSITIF DE LR PIÈCE (nOTES COMPLÉMEnTRIRES. 28 JRnVIER 2882)
Auplafond (= en surplomb):Le tableau d'Erré et un tableau de Pollock choisi par DB.Deux textes de PBqui expli ci tent l'intention:"Le tableau d'Erré, The Background of Pollock (1967-1968), musée national d'Art moderne, CentrePompidou, est un raccourci pictural qui montre qu'on ne peut" comprendre" un Pollock (ou toute autreœuvre d'art contemporain) que si et seulement si on a dans la tête (condition sine qua non) ce quel'artiste qui l'a fai te avai t dans la tête (la main, l' œil), c'est-à-dire toute l' histoire de l'art, doncl'ensemble des possibles picturaux passés et contemporains.»"Un spectateur sera d'autant plus capable de comprendre une œuvre d'art contemporain que saconnaissance (pratique) de cet art sera plus grande et d'autant plus disposé à la comprendre que seraplus grande sa conscience de ce besoin de connaissance.»
C èsl COMPREIlDRE
La disposi tion des murs reprend celle de la maison kabyle:- mur de l'Ouest (mur de la porte): de part et d'autre, idées reçues/idées fai tes pour être reçues(couleur sombre - textes noirs)
- mur de l'Est: s,ympraxie (couleur vive claire)- habi tus in si tu - ci ta tion de Buren- art à histoire - fai t des histoires: ignorants qui s'ignorent, demi-habiles- ars combinatoria - polysémie voulue- point de vue sur point de vue - focus originari us (cf. kanoun du disposi tif)- ce texte, commetoute production humaine, est aussi le produi t d'un habi tus in si tu- affini té socio/art contemporain = St Christophe (cf. intervention à l'école des beaux-arts de Nîmes)réflexi vi té: socio point de vue/point de vue/point de vue - ouipas de point de vue absolu: cf. Bordeaux.
- mur Nord/Ouest: gloses et glossolalies (couleur grise)
Les ci ta tions sur ces trois murs (trois ni veaux: Beholders l, 2 et 3), par des astuces graphiques et deprésentation, se répondent: 2 répond à l et 3 répond à 2.
- mur Nord/Est: (couleur moyenne)projection sur un mur blanc ou gris des textes lus par Denis Podalydès.Il termine en disant que les phrases lues sont de X, Y et Z (simple énumération; les références complètesseront dans le catalogue).Entre chaque cycle, l mnpour que les gens voient la liste des noms propres qui est projetée et 3 mnpourque les gens voient le plafond. Foyer de rayons qui éclairent successivement les 4 faces. Rythmer lavisi te - éclairage synchronisé avec la lecture du texte par Denis Podalydès.
l va sans dire que cette partie finale proposée par Pierre Bourdieu m'intéressai t au plus haut point.Ile chance me donnai t-il ainsi de pouvoir dialoguer directement avec lui, sur le vif d'un texte queui avais proposé de faire dans la plus grande liberté possible. Sa démarche éminemment généreuse
rai t une sui te possible à son texte.h,eureusement la vie, c'est-à-dire la mort, en a décidé autrement et cette interruption imprévisible
ajouter une frustration certaine au chagrin éprouvé.2002
C B6/ COMPRENDRE
BEHDLDER 1
«- Je suis uenu uoir les colonnes de machin._
de comment déjà?
- De Buren?
- Oui, voilà. Buren! C'est pas mal... Enfin, c'est
pas que j'aime pas, mais je m'attendais à
autre chose. Je voulais me rendre compte, voir
vraiment ce que c'est "les colonnes de
Buren ".»(lJ
«Je ne reviendrai pas uoir ça deux fois. »[1]
"C'est nul!»[2J
«Moi, je trouve ca génial!»[2J
«C'est joli. »(2J
«Ca na veut rien dire. »12J
«Ca n'a ni queue ni tête. »(2)
«Je ne sais pas à quai ca rime.»[2]
«- Et ca vous plaît?
- C'est original, ca me surprend, c'est tout.
Mais je m'attendais à peut-être plus beau. Non,
c'est surprenant, c'est original. Uoilà. »(1)
«C'est spécial, c'est ca le moderne
aujourd'hui.»[lJ
«Si je peux le faire, ce n'est pas de l'art
parce que je ne suis pas un artiste. »112J
«un enfant peut en faire autant. »[13l
«L'art contemporain est en rupture avec la
technique, la maîtrise, l'habileté qui sont les
références de tout art.»[lSJ
«Mais le sieur Buren n'est pu un artiste.
C'est un entrepreneur des pompes funèbres qui
célèbre depuis plus de vingt ans la mort de
l'art qui malheureusement n'en finit pas de
crever. »(19)
BEHDLDER 2
«Il est difficile d'écrire sur un artiste dont
la notoriété dans le grand public tient à vn
malentendu et à un scandale. »[4J
«Derrière ce Buren, on a bien reconnu le spec
tre hideux [_J de l'art contemporain qui permet
toutes les horreurs. »[3J
«L'art contemporain joue de cette incertitude,
de l'impassibilité d'un jugement de valeur esthé
tique fondé, et spécule sur la culpabilité de
ceux qui n'y comprennent rien, DU qui n'ont
pas compris qu'il n'y auait rien à
comprendre. »[S!
«Ruoir du goût, c'est manifester un sixième
sens dans lequel les cinq autres sont
impliqués. Le goût vient du gU51u5 latin'
c'est le fait d'expérimenter, d'éprouver.
Ce mélange subtil de la matière et de l'esprit,
du toucher et de l'intellect, de l'odorat et de
l'esprit volatile, la peinture en est le lieu
d' exe rci ce pri v ilé gié.» (6J
«Dans la littérature, l'essence se découvre
d'un coup, elle est donnée auec sa uérité, dans
sa vérité, comme la vérité même de l'être qui
se dévoile. »(?)
«C'est par le mot de "magie" que l'on qualifie
communément l'influence uiue et inexplicable
qu'exerce l'art.» [BJ
"Rvec Buren les lieux deviennent magie, ou
plutôt il découvre; il couvre, construit,
compte; en fait il raconte les lieux au présent
au passé ... Les bandes rigoureuses 18,? cm!
ne sont pas celles que l'on pourrait croire.
Point de sécheresse: tout est poésie dans
l'entre-deux. »[9J
«Buren, il faut pas croire, il sait dessiner, il a
été aux Beaux-Rrts. »[14J
«Le seul fait aujourd'hui d'oser auoir des
pinceaux, une toile, un atelier, des modèles,
une Ligne de recherche intérieure autour d'un
certain nombre de partis pris, même formels,
c'est de l'héroïsme! »[16J
«L'idée qu'il a passé sa vie à faire n'importe
quoi et à nous l'imposer l'effleure si peu que,
parlant de ce qu'il fait, il emploie jusqu'à
satiété le mot de travail.»[l?J
«Si ses rayures sont du travail, il est assu
rément plus proche du taylorisme à la chaine
que de l'esprit d'initiative, là encore.»[l?J
«Nombreux sont les peintres qui réapprennent
aujourd'hui les rudiments de leur art »[18J
«Il Y a un rapport entre la peinture, la cuisine
et les vins, quand ce rapport a disparu,
ce n'est plus de l'art, mais de l'idée ou du
calcul. »[16J
BEHDLDER 3
«Un spectateur sera d'autant plus capable
comprendre une œuure d'art contemporain
que sa connaissance [pratique! de cet art
plus grande et d'autant plus disposé à la
comprendre que sera plus grande sa
conscience de ce besoin de connaissance.»
(10J
«Il faut du siècles pour produire un
artiste comme Duchamp et un esthète
capable d'apprécier sincèrement et
naiuement su productions. »(11J
«Dire à propos des gens du peuple, qu'ils
n'aiment pas l'art moderne, c'est aSS82 idiot.
En fait, ça ne Les concerne pas, iLs n'en ont
rien à faire. Pourquoi? ParCe que rien n'a été
fait pour constituer en eux La libido artistica,~
l'amour de l'art, le besoin d'art, "l'œil",
une construction sadale, un produit de
l'éducation.» Ill!
«Le simple fait de rappeler qua ce qui se vit
comme un don, ou un priuiLège des âmes
d'élite, un signe d'électlon, est en réalité le
produit d'une histoire, une histoire collectiue
et une histoira indiuiduella, produit un effet
de désacralisation, de désenchantement ou de
démystification.» [11!
«Qu'est-ce qu'on apprend dans les écoles des
beaux-arts? On y apprend des raisons d'aimer
l'art et aussi tout un ensemble de techniques,
de savoirs, de savoir-faire, qui font que l'on
peut se sentir à la fais incliné et apte à
transgresser légitimement les" règles de
l'art· ou, plus simplement, les conventions du
"métier" traditionneL» 111l
«Dans le champ artistique comme dans le
champ scientifique, il faut avoir beaucoup de
capital pour être révolutionnaire.» [11!
«Qui fait l'artiste? Évidemment ce n'est pas
l'artiste qui fait l'artiste mais le champ,
l'ensemble du jeu. »(11!
C 87/ COMPRENDRE
BEHOLDER 1
«Décadence! )(2)
« Le dieu personnel de M. Buren est le zèbre,
animal africain qui caurt comme en rêue, étant
né en pyjama [...J Mais le Palais-Royal fut-il
construit au cours des siècles pour que [...)
l'on y élevât un temple aux zèbres? »1201
«Je croyais que le carnaval ne laissait
généralement pas de traces définitives. »1211
«On mesure encore mal tout ce que notre
roman a perdu avec l'exode rural et la
désertification des camp agnes.» 122)
" .Oh, plus rien ne me choque. Remarquez, c'est
.8?-qu'on n'aime pas, mais ils auraient pu faire
iJét.que chose de mieux. »111
'(~,~.~. rno\ rien ne me choque. Et puis pLus rien
e -,c~oque aujourd'hui.» Il)
qve ça me choque pas du tovt,
va pas avec l'édifice qu'est
.oquer avjourd'hui pour se
quer. Et puis, après, les gens-»!ll
BEHOLDER 2
« Un retour à La figure humaine, à l'expression
des émotions, au message éthique, me semble
la voie de l'avenir.»I231
«Ne pas écouter les ringards qui les
critiquent avec une telle vulgarité. >>121
«Dans une société où le mauvais goût se
déchaîne, le retour aux classiques est un
acte de salubrité intellectuelle. »124J
«Un projet réuolutionnaire, en ce début de
troisième millénaire, pourrait être le suivant.
On construirait un édifice. Il serait simple et
un peu solennel. Il serait bâti en pierre, avec
des murs, des portes et des fenêtres, peut-être
quelques colonnes pour souligner discrètement
la dignité de sa fonction. Les salles seraient
harmonieuses, non trop grandes, ni trop
petites. l.a lumière serait du nord, égale et
froide. Sur les murs, à bonne hauteur, on
accrocherait des tableaux, à l'exclusion de tout
autre objet se réclamant de l'Rrt. En revanche,
aucun critère de nouveauté ne serait appliqué.
Ll On serait tenu de parler à voix basse. Il ne
serait pas permis de toucher les œuvres, de
fumer, ni de manger en leur présence. Par
contre, on pourrait les regarder tout son saouL,
dans les meilleures conditions de uision. Pour
finir, on accrocherait un écriteau, à L'entrée de
ce bâtiment d'un style nouveau' "musée de
Peinture" »11BI
«J'apprécie que vous n'ayez pas peur de
secouer une société où les gens sont confor
mistes. On vient de traverser une décennie de
conformisme, sur tous les plans: économie,
politique, littérature, cinéma et même critique.
Rien de pire que le critiquement correct! [...]
Quand on écrit comme vous, quand on agit
comme moi, la provocation est assurément
un devoir, Ll Chacun dans notre position nous
devons faire l'éloge de la révolte. La pire des
choses est d'être prisonniers des pesanteurs.
Même devant les totalitarismes qui continuent
d'exister dans certains endroits, Internet,
voyez-vous, c'est un outil formidable. »125)
«Les colonnes sont une véritable profanation,
c'est comme si l'on peignait des moustaches à
la Joconde.» 13)
«Et si les rayures de Buren n'étaient qu'vne
pâle redite du Carré noir sur fond blanc (191~1
de Malévitch? >>1261
« L'art autonome n'aura peut·être été qu'une
parenthèse, une sorte de mode dans l'histoire
de l'humanité »(271
«La tradition de la rupture ne peut que finir
par se nier elle-même comme rvpture. >,(2B)
({Il s'est toujours passionné pour les bandes
verticales blanches et des couleurs alternées.
Son but avoué, rompre avec l'art traditionnel,
à ses yeux, trop souvent monnaie d'échange
avec la société capitaliste! »{291
«Pour des raisons de pure logique, l'escalade
de la rupture, qu'elle s'effectue par l'atténua
tion ou par la prouocation, ne peut être pour
suivie à l'infini. »(361
BEHOLDER 3
({ Ce que l'on appelle "l'œil" est une pure
mythologie justificatrice, une des manières
povr ceux qui ont la chance de pouvoir faire
des différences en matière d'artl de se sentir
justifiés en nature. Et, de fait, le culte de l'art,
comme la religion en d'autres temps, offre aux
privilégiés, comme dit Weber, une" théodicée
de leur privilège"; elle est même sans doute
la forme par excellence de la sociodicée pour
les individus et les groupes qui doivent leur
position sociale au capital cultureL. Par là
s'explique la violence que suscite l'analyse qui
met tout cela au jour.»(11)
«Comme la rupture dont sont issus le champ
littéraire et le champ artistique, et où l'on a
vu, dès l'origine, une sorte de péché originel,
les découvertes de la lucidité réflexiue sont
irréversibles et il n'est pas de restauration
artistique qui puisse jamais endormir
complètement la conscience des fondements
sociaux de la croyance artistique.>>lll)
«Le bon critiqve, à mon avis, c'est celui qui
est capable de repérer les artistes qvi ont
repéré les vrais problèmes, celui qui, à travers
la fréquentation des œuvres et des artistes,
etc., connaît presque aussi bien qu'un artiste
l'espace des possibles et qui est en mesure de
voir tout de suite ce qui a déjà été fait et de
distinguer les vraies nouveautés des reprises
cyniques ou opportunistes ou des ruptures
fictives. »1111
({Toute l'histoire du champ (artistiqueJ est
immanente au fonctionnement du champ et pour
être à la hauteur de ses exigences objectives,
en tant que producteur mais aussi en tant que
consommateur, il faut posséder une maîtrise
pratique ou théorique de cette histoire et
de l'espace des possibles dans lequel elle se
survit. »(32)
«C'est la logique même du champ Ilittéraire ou
artistiqvel qui tend à sélectionner toutes les
ruptures légitimes avec l'histoire objectivée
dans la structure du champ.»1321
C BB 1 COMPREItDRE
BEHOLDER 1 BEHOLDER 2 BEHOLDER 3
«On finira bien par l'aimer.»!l)
cc Faut craire que si an l'a fait, c'est que
y'en 1 à qui çl plait. »[lJ
«Oui c'est qu'a commandé ca déjà? »(1)
«Buren a-t-il couché avec jack Lang? .(2)
«Ca doit plaire svrtout aux architectes du
ministère. »(1)
«Dire qu'on paye ca avec nos impôts! »(2)
cc Qui ua payer cette saloperie? »(2)
«Est-ce qu'il est Français? »(lJ
«j'ai honte de la nouuelle culture
française. »[2J
«Gardez la France propre, enlevez-moi cette
horreur! »(2)
«L'art contemporain est une rupture. Faisons
une rupture à cette rupture. »(lSJ
«Comment ne pas voir que dans cetta frénésie
de convulsionnaire que depuis cant ans ou plus
l'avant-garde déploie, se tordant et se
retordant sur elle-même, selon une série de
postures et d'impostures, de pantomimes et de
mimiques indéfiniment proposées et toujours
finalement monnayées, de Picabia il Warhol, de
Maléuitch à Reinhardt, mais encore de Marine"tti
à Schëffer - à travers lesquelles l'œuvre ne
rêve jamais qu'à sa propre disparition en tant
qu'art, chez les premiers par iconoclasme, chez
les seoonds par la tentation du • dernier
tableau", chez les derniers par la tentative de
substituer la technologie moderne à l'ancienne
tekné -, réside sa faillite même? »(lBJ
«Fuite en avant des artistes condamnés à
la transgression perpétuelle au nom de la
subuersion artistique, démission des
institutions se refusant à jouer leur rôle
normatif au nom de l'ouverture à la modernité,
désarroi des amateurs d'art ne sachant plus
quoi ni comment admirer, révolte impuissante
des citoyens démunis des critères au nom
desquels la collectiuité agit en leur nom' c'est
d'une uraie pathologie que souffre le corps
social de l'art contemporain. »[30J
«La rupture avec la peinture et la sculpture,
au sens que ces mots auaient depuis des
millénaires, ne conduisait pas à un art
différent, mais au non·art.»!31J
«L'enfermement de l'art contemporain, son
autosuffisence et son auto-complaisance sont
une catastrophe intellectuelle. »(5)
«Je me méfie de l'art contemporain qui
serait géré par les médias, la politique et
les pouuoirs économiques, et qui
seraitimmédiatement accepté par le grand
public. »(33J
«Cet artiste est sans doute l'un de ceux qui
exposent le plus dans le monde, invité par une
"institution' qu'il' dénonce" dès ses débuts
mais qui ne l'a pas encore exclu, au
contraire.» [3 4)
«Comme c'est le cas depuis les années 50, les
responsables gouvernementaux de la politique
artistique interviennent pour imposer une
orientation moderniste et donnent ainsi à la
majorité des citoyens autre chose que ce qu'ils
ueulent »(35)
«Dans L'Éloge du visible, jean Clair s'efforce
de suggérer à la fois aux artistes et au public
que l'art officiel des vingt ou trente dernières
années vit en vase clos et ne répond pas à
l'attente profonde du public. »[15J
«L'art français contemporain. contrairement
à l'art italien, anglais ou germanique, n'a plus
d'existence. »(15bis)
«L'art contemporain, au moins sous ses formes
les plus voyantes, ne répond pas à la demande
sociale. »(35)
«Les attentes du "grand public", qvi est
incliné à une sorte d'académisme structural _
il applique aux œuvres d'art, dans le meilleur
des cas, des catégories de perception
produites et imposées par l'époque antérieure
c'est-à-dire aujourd'hui par l'impressionnisme
ne peuvent que s'éloigner toujours davantage
de ce que proposent les artistes qui, pris dan
la logique autonome du champ, remettent en
question sans cesse les catégories de
perception communes, c'est-à-dire les principede production de l'art antérieur. »[11)
«Pourquoi la discussion sur l'art contemporai,
est-elle si confuse aujourd'hui? Et pourquoi
certains sociologues y jouent-ils un rôle
pervers? »(11)
«La régression peut se présenter [et
apparaître) comme progressiste parce qu'elle
est plébiscitée, parce qu'elle est ratifiée par
le pevple qui, en principe, est arbitre quand il
s'agit de dire ce qui est populaire. »[11)
«Quand on veut échapper au marché,
évidemment, l'État est important. Mais comment
échapper au marché en recourant à l'État
sans succomber aux contraintes de l'État?
Il faudrait pour cela savoir se seruir de l'État
contre l'État. Meis cette stratégie est très
improbable. »[11)
Bsl COMP~EI'IDRE
EHOLDER 1 BEHOLDER 2
«le rétablissement d'une formation approfondie
et la consolidation d'une compétence spécifique
permettant d'identifier Les artistes autrement
que par L'auto-définition, mesures appeLées par
une politique publique de soutien aux artistes,
sont en affinité auec le nouueau type de
rapport que beaucoup d'artistes entretiennent
désormais auec leur œuure.»(36)
«Art des inteLLectueLs de gauche - lang
Télérama - dilué dans une pensée Art Prass [...1
concept clean, froid, aimable et guilleret
comme une zone industrieLLe high-tech.»(37]
«Ma thèse est la sutuante' il n'y a avant·
garde que tant que l'espace d'interprétation
marxo-psychanalytique constitue l'horizon
rationneL de la pensée et en réaction contre
cet horizon !comme manifestation d'un reste
irrationnel inassimilable}. La saturation
actueLle de l'espace' auant-gardista" - qui ast
transformé très rapidement en académisme
stéréotypé limité signifie du même coup la fin
de cet horizon rationaliste. »(38)
BEHOlDER 3
«les réuolutions spécifiques, dont le prototype
est celle qu'accomplit Manet, se font, si l'on
peut dire, contre "le peuple", contra le goût
commun, contre le • grand public '. Et les
critiques ou Les socioLogues conseruateurs ont
beau jeu d'inuoquer Le peupLe pour condamner
une subuersion nécessairement" impopulaire"
ou • anti-populaire' [ce qui, comme au temps
de Manet, ueut dire d'abord' anti-bourgeoise',
parce que la force de la réuolution
conseruatrice en matière d'art uient du fait
qu'elle exprime auant tout le déconcertement
ou le dégoût du public bourgeois des musées
et des galeries devant Les recherches d'auant
garde). »(11)
«Défions-nous du peuple, du bon sens, du cœur,
de L'inspiration, de L'éuidence. »(39)
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C 90/ COMPRENDRE
«C'est dans la lutte contre l'art contemporain - ou, si l'on veut, dans la révolution conservatricetouche les différents domaines de l'art - que se révèle le principe profond d'un conservatisme, ou d'misonéisme, mieux capable de se dissimuler à propos de sujets poli tiquement consti tués. Sans doutela dénonciation d'une autre frontière sacrée, celle qui touche à la différence entre les sexes, et plusprécisément, à la domination masculine et à l' homosexuali té. Ce n'est pas tout à fai t par hasardqu' Espri t et quelques autres hauts lieux de tous les faux progressismes, comme la CFDT«notatisée»,été à la pointe de ces combats.»
«L'art contemporain digne de ce nom (mais pour en juger, il faut être informé) a la particulari té devenir au terme d'une longue histoire qu'il faut maî tri ser au moins en pratique pour produire de l'artvraiment contemporain et non ces sortes de faux ou de fossiles que sont les retours, le plus souventinconscients, à des formes artistiques dépassées du passé. Or, il est facile de faire la preuve que laplupart de ceux qui parlent à propos de l'art, soi t spontanément, pour exprimer leur indignation, soi t à
la demande, commenombre de cri tiques professionnels, ne sont pas dotés du minimum de compétence qui enécessaire pour produire un tel art et aussi pour le comprendre dans sa véri té, et surtout, il ne lesavent mêmepas.»
«L'art est en effet, comme Dieu selon Spinoza, un des" asiles de l'ignorance" où l'incompétencen' hési te pas à se déclarer ou à se trahir. Ainsi se trouve mis en place un cercle vicieux adamantin:l'incompétence de certains artistes contemporains, régressifs ou imposteurs - il Y en a beaucoup, ce quine simplifie pas la tâche d'une cri tique vraiment diacri tique, capable d'espérer faire la diacrisisentre le simili et l'authentique -, se nourri t de la réception globalement négative mais elle peut êtreaussi posi tive, par la grâce du snobisme qui est accordée à l'art vraiment contemporain, tant dans ledomaine des arts plastiques que dans le domaine de la li ttérature, de la poésie ou du théâtre.»
Pierre Bourdieu, 15 janvier 2002