Analyse perceptive des scènes musicales - u-bourgogne.fr · 2019-07-22 · auditives à...

Post on 10-May-2020

1 views 0 download

Transcript of Analyse perceptive des scènes musicales - u-bourgogne.fr · 2019-07-22 · auditives à...

1

Analyse perceptive

des scènes musicales

CHAPITRE 3

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

2

Symphonie pathétique :

Tchaikovsky Partition Percept

• Sons physiquement présents

• Scène musicale : onde composite

• Représentation mentale

• Scène visuelle

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

3

Bregman (1990)

analogie du lac et des mouchoirs

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

4

Onde sonore complexe

Transduction / Analyse spectrale (Fourier)

Ségrégation en flux

Traitement des attributs des sons et des

séquences

Processus bottom-up:

analyse primitive de la

scène sonore

Représentation auditive (musicale)

Processus top-down

(activation de connaissances implicites et

explicites, effets contextuels, attention)

D'après Bregman, 1990;

McAdams, 2001

Bev Doolittle : the forest has eyes (1984) PAREIDOLIE

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

5

Bev Doolittle : the forest has eyes (1984) PAREIDOLIE

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

6

Analyse de Scènes Musicales

• Albert Bregman : Analyse primaire des scènes auditives (Primary Auditory Scene Analysis)

• Notion de flux auditif (auditory stream) : tout ensemble d'événements sonores formant une unité perceptive aboutissant à une représentation cohérente pour l‘auditeur.

• IMPORTANT : pas forcément l'équivalent d'une source émettrice !

Un double problème

pour le système auditif

• Organisation simultanée :

– A un instant donné, le système auditif doit regrouper les

composantes fréquentielles qui appartiennent à une

même source et les séparer de celles qui appartiennent à

des sources différentes présentes.

• Organisation séquentielle:

– Au cours du temps, le système auditif doit maintenir

perceptivement entre les composantes fréquentielles qui

appartiennent à une même source et les séparer de

celles qui appartiennent à des sources différentes

présentes.

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

7

Organisations

verticale

(accords, harmonie)

et

horizontale

(rythme, mélodie)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

8

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

9

Principes d’organisation

perceptive

• Théorie de la Gestalt (théorie de la « forme »)

première moitié 20ème siècle (Wertheimer, Khöler, Koffka) :

propose des principes d’organisation perceptive

des scènes visuelles

• Gestalt = forme, structure, configuration

– Principes de ségrégation figure/fond

– Principes de (re)groupements perceptifs

– Le tout est plus (autre chose) que la somme des parties

• Précurseurs von Ehrenfels (mélodies), Rubin

(figures ambiguës).

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

10

Le vase de Rubin (1915):

ambiguïté de la figure et du fond.

Nous organisons le monde visuel de sorte que certaines parties

(la ou les figures “gestalts”) semblent superposées sur d’autres

(fond) et séparées entre elles (par des frontières de groupes)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

11

Kandinsky

(1921)

Wehrli

(2011)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

12

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

13

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

14

PICASSO

Organisation simultanée

• FUSION ou SEGREGATION

• Basée sur la détection de régularités

(indices) acoustiques présentes dans

l’environnement sonore des individus CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

15

A) Analyse primaire des scènes auditives

Principes d’organisation simultanée

1) Harmonicité :

les harmoniques fusionnent avec

la fréquence fondamentale

F0

F8 = 8xF0 F7 = 7xF0 F6 = 6xF0 F5 = 5xF0 F4 = 4xF0 F3 = 3xF0 F2 = 2xF0

1 son grave :

hauteur égale à F0 CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

16

désaccord (inharmonicité) :

tolérance perceptive ~ 3%

F0

F8 = 8xF0 F7 = 7xF0 F6 = 6xF0 F5 = 5xF0 F4 = 4xF0

dF3 = 3,6 xF0 F2 = 2xF0

1 son complexe

grave :

hauteur égale à F0

1 son pur aigu :

hauteur égale à

dF3

F0 F2

F4 F5 F6 F7 F8

F0

F8 = 8xF0 F7 = 7xF0 F6 = 6xF0 F5 = 5xF0 F4 = 4xF0 F3 = 3xF0 F2 = 2xF0

F3

Harmonique F3 désaccordé progressivement de 1 à 15% puis réaccordé

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

17

Harmonicité :

tolérance 3% environ 4 sons, puis on descend tous les harmoniques vers les graves

Puis indice, puis on désaccorde tous les harmoniques vers les aigus, puis 4 sons

2) asynchronisme des sources

indépendantes – Les composantes provenant de sources différentes

commencent et se terminent rarement en même temps.

• En dessous de 30 ms : fusion

• Au delà de 60 ms : ségrégation

• Entre les deux : tolérance (effets esthétiques) dans tous les ensembles instrumentaux ou vocaux.

– Exemples :

• Fusion des harmoniques (voir exemple chapitre 1)

• ségrégation des voix jouées au clavier : melody lead.

• Attaque dans quatuor de Schubert

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

18

3) Variations cohérentes

de fréquence et d'amplitude

Ex : Vibrato des chanteurs d'opéra

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

19

Exemples de ségrégation

de flux simultanés

• Chant polyphonique sarde : la quintina (flux

virtuel).

• Chant diphonique

– Tuval de mongolie

– Ana-Maria Hefele

0:26 et 3:30 1:22 et 6:15 et 6:54

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

20

Ana-Maria Hefele :

Modulation

de fréquence et

d’amplitude

de l’harmonique

qu’elle souhaite faire

Entendre.

B) Analyse primaire des scènes auditives

Principes d’organisation séquentielle

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

21

Aucun groupement

Regroupement par proximité

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

22

Principe de proximité

Toutes choses étant égales par ailleurs, le système visuel

regroupe dans une même unité perceptive les éléments qui sont

proches relativement dans l’espace (ou dans le temps).

Aucun groupement

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

23

Groupement par similarité

Principe de similarité

Toutes choses étant égales par ailleurs, le système visuel regroupe

dans une même unité perceptive les éléments qui ont les mêmes

propriétés (couleur, forme, texture, orientation…)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

24

Principes d’organisation

séquentielle (scènes auditives)

• Régularité de notre environnement sonore : les

changements au cours du temps sont

progressifs

– hauteur, contenu spectral, intensité et de localisation

– Se rapproche des principes de proximité ou similarité

gestaltistes

• Bregman (1971); Van Noorden (1975)

– Interaction entre hauteur et tempo.

Similarité/proximité de Hauteur

• Ex :

– pseudo-polyphonie : sonates pour instruments

seuls (Bach, Teleman…John Coltrane au

saxophone)

– Yodl tyrolien (ex : Maria Schneider)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

25

Jean-

Sebastien

Bach

Troisième

partita pour

violon seul

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

26

Dowling (1973): mélodies

entremêlées

Dowling (1973): mélodies

entremêlées

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

27

Interaction Hauteur/Tempo

• Séquence ABA-ABA-ABA-…

• interaction proximité temporelle et similarité des sons dans les autres dimensions perceptives.

• Perçue différemment en fonction de A, B (durée, intensité, fréquence, spectre…)

• Très utile car le rythme perçu change en fonction du nombre de flux (horse/morse).

2 demi-tons

Faible ∆F

18 demi-tons

Large ∆F

Flux

aigu

rapide

Flux

grave

lent

1 seul

flux

(galop)

A B A _

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

28

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

29

Toccata et Fugue en Ré mineur (JS Bach)

à 2:47

Proximité en hauteur : préférence pour les petits

intervalles dans les mélodies

(Dowling, 1967; Huron, 2000)

fréquence

dans les

mélodies

(%)

Taille des intervalles (en demi-tons

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

30

Similarité de timbre

(contenu spectral)

• Exemples :

– triolets (groupes de trois notes, exemple de Wessel)

– Xylophone africain (exemple de Bregman)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

31

Principe général d’organisation perceptive

Heuristique "Ancien + Nouveau"

(" Old + New ")

Ex : Didjeridoo (aborigènes australie) / BBX

le système auditif analyse tout changement soudain (abrupt) comme appartenant à une

nouvelle source et tout changement progressif comme provenant d'une source déjà

présente. Les propriétés spectrales et temporelles du nouvel événement ne sont pas

déduites de novo mais à partir de ce que l'auditeur entendait précédemment.

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

32

Heuristique "Ancien + Nouveau"

(" Old + New ")

Ex : Didjeridoo (aborigènes australie) / BBX

Deux flux : un bruit continu

+ un bruit pulsé (moins fort) Un seul flux

Continuité

homophonique

Principe gestaltiste de continuité

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

33

Andy Goldworthy (land art)

Dégradation par du blanc

(manque d’information)

discontinuité

Dégradation par du bruit

(surplus d’information)

continuité

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

34

Son pur intermittent

Bruit intermittent

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

35

Son intermittent + bruit intermittent

Continuité homophonique

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

36

Beatboxing

Indices intensifs et spatiaux • Regroupements possibles par proximité spatiale ou par niveau

sonore similaires (intensité).

• Renforcent efficacement les indices de timbre et de hauteur s’ils apportent une information congruente.

• MAIS perdent toujours lorsqu'ils sont en conflit avec les indices de hauteur ou de timbre.

• Ex : Illusion de gamme croisée dichotique de Diana Deutsch ou conflit intensité/timbre : Nina Simone : Sinnerman (4:28)

• Ecoute stéréo vs. mono : les objets auditifs ne changent pas !

• Importance relative de la disposition spatiale des instruments dans l'orchestre en fonction de leur registre de hauteur, de leur timbre et de leur puissance (intensité). La disposition des instruments a beaucoup changé au cours des siècles !

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

37

Conflits

entre les différents principes

d’organisation perceptive

Conflit

similarité/proximité

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

38

Schiele: Agonie

Franz Marc:

Renards

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

39

Symphonie pathétique :

Tchaikovsky Partition Percept

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

40

Illusion de Deutsch

C) ASA : processus descendants

(top-down)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

41

Formation des flux (analyse de la scène)

Interactions

entre processus ascendants (bottom-up)

et descendants (top-down)

• Processus bottom-up (primary auditory scene analysis)

• Basés sur la nature et la structure du stimulus

• Data-driven processes (dirigés par les données)

• Identiques, quel que soit le domaine (parole, musique…)

• Processus top-down (Scheme-based, domain-specific analysis)

• Basés sur les connaissances et l’expérience passée

• Concept-driven processes (dirigés par les concepts) – Attention, Mémoire,

Intentions…

Rôle de l'expertise

musicale:

Davidson, Power et

Michie (1987) : effet de

l'expertise musicale

Musiciens contemporains

Musiciens classiques

Musiciens Baroques

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

42

Rôle de l'attention

Rôle de l’ATTENTION

• Augmentation de la saillance perceptive du flux

focalisé et atténuation des flux non-sélectionnés

• trio pour clarinettes de Mozart ou Ambalaba (Leforestier)

• Effets d'amorce : réorganisation perceptive

• Règles d'écriture contrapuntique

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

43

séquence complexe 1 séquence complexe 2 séquence amorce

D'après Brochard et al (1999)

Journal of Experimental

Psychology (HPP)

Limites dans le nombre de flux concomitantes

: « Un, deux, trois ou beaucoup » (exemple Spem in Alium de Tallis : écrit pour 40 voix, mais pas 40 flux !)

% erreurs de détection d’entrées et de sorties des voix dans les fugues de Bach chez des organistes.

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

44

Applications de l'analyse primaire des scènes

auditives à l'écriture musicale (Huron, 2000)

• Les règles d'écriture du contrepoint sont basées sur des connaissances implicites ou explicites par les compositeurs baroques des principes d’analyse de la scène musicale en flux de sorte à favoriser ou non la ségrégation des voix. – Éviter les unissons consécutifs, les unissons et octaves simultanés

– Éviter les croisements de voix

– Eviter les mouvements trop larges

– Eviter les mouvements parallèles

– Rarement plus de 4 voix en même temps (entrée des voix médianes en premier), respecter les registres

– Le timbre fait la cohérence (Klangfarben Melodie : mélodie de timbres "impossible pour un auditeur non averti" école de Vienne, XXème siècle)

• Exemple: l'offrande musicale de JS Bach réorchestrée par Webern (1930)

• Beatboxing,

• « le principe du moteur à explosion » : le contenu sémantique favorise la cohérence.

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

45

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

46

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

47

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

48

Ex : Dans les fugues, la présentation du thème

isolé permet sa mémorisation et aide ensuite à

focaliser l’attention sur les flux qui le répèteront.

Rôle des connaissances

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

49

Paréidolie

Emotions

perçues par l’individu ou

projetées sur le stimulus ?

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

50

Rôle des connaissances

• Dowling (1973) : effets descendants

• Fugues (mémoire à court-terme)

• Contrepoint (ex. baroque ou africain)

• Ambalaba (Maxime Leforestier)

• Brahms (première symphonie) : Mémoire à long terme

• Importance de la parole qui maintient la cohésion en dépit de l’incohérence du timbre (ex : "le principe du moteur à explosion"

Hiérarchies des hauteurs (harmonie) et

des durées (métrique)

• Rôle de l’harmonie et de la métrique dans le

maintien de la cohérence entre les flux (ex :

Mash-up).

• Ecoute analytique ou globale.

• Groupements par proximité temporelle

(même timbre, même hauteur)

– Groupement rythmiques automatiques

« Clapping music » (Steve Reich, voir aussi

piano phase)

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n

51

Fin du chapitre 3

CM B

roch

ard

Ne pa

s diffu

ser s

ans a

utor

isatio

n