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« FUGUE »CECILE BABIOLE / ALESSIO DELFINO
31.01 - 23.03.201312 rue de Picardie / Paris 3e
« FUGUE »CECILE BABIOLE / ALESSIO DELFINO
PAR AUDREY KOULINSKY & MATHIAS COULLAUD
En musique, la fugue est l’art du contrepoint. C’est une écriture qui a pour
objet de superposer des lignes mélodiques différentes – la base de toute
la polyphonie. Sous l’influence des grands organistes du XVIIe siècle et plus
tard, héritier de cette tradition, de Jean-Sébastien Bach, la Fugue dont l’aus-
térité même est un élément de beauté, comporte sous la rigueur d’un plan
général à peu près immuable des possibilités d’invention illimitées.
Après des années d’explorations musicales et numériques, Cécile Babiole a
ressenti la nécessité de donner corps et matière à ses recherches et d’inves-
tir la poésie des machines. La Science-Fiction bien sûr, avec toutes les ques-
tions qu’elle ose sur la « tekné » contemporaine, mais aussi la voie tracée
par les « Nouveaux Réalistes », tout particulièrement les expériences senso-
rielles initiées par Jean Tinguely, sont les influences majeures de Babiole. Ici,
Fugue prend tout son sens car les objets que Cécile Babiole conçoit sont des
sculptures sonores. Les œuvres « Petites frappes » et « Bzzz » sont l’illustra-
tion du raffinement de sa recherche sur la technologie contemporaine et une
réponse concrète aux dérives du tout numérique dématérialisé. Le résultat
donne une mécanique manifeste qui se déploie dans ses sculpture sonores
et cinétiques. C’est une composition en mouvement comme une partition
qui se reconstruit en permanence. C’est aussi convoquer le plus intime, les
objets proustiens de sa mémoire, et les soumettre au feu de la haute-techno-
logie pour les faire apparaitre différemment, comme des petits reliquaires,
les « Miniatures ». Objets-épiphanies concentrant sur eux le plus personnel
des souvenirs (sa guitare, sa platine de disque, etc.), ils sont exposés disper-
sés en référence au sampling qui a cours pour le son. C’est un engagement
personnel qui motive Babiole comme si elle ressentait l’amnésie de notre
époque et qu’elle, « artiste numérique », y répondait désormais avec la rigu-
eur et la fermeté formelle qu’elle a appris dans la musique.
Depuis Balanchine, la danse ne cesse de nous rappeler que la dissociation
du mouvement et de la musique - qu’un silence même le plus clair - peut
faire naitre les chorégraphies les plus construites, les plus architecturées.
La série de photos « Rêves » du photographe Alessio Delfino est la matéria-© G
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des
lisation d’une utopie, celle de retranscrire en un seul objet, un seul endroit,
l’étendue d’un corps. Et au-delà du corps, l’étendue de l’âme qui l’anime, qui
l’anticipe, qui le précipite. Alessio Delfino a travaillé avec des danseurs pro-
fessionnels qu’il a mis en scène et en mouvement, chaque position faisant
l’objet d’une prise de vue se sur-imprimant sur les positions antérieures. Le
résultat final est une image unique mais polyphonique. Fait rare dans la pho-
tographie contemporaine, chacune des photos est une pièce unique. Unique,
mais pensée comme un contrepoint à l’ensemble qui compose au final une
séquence plus vaste, une symphonie d’anatomies diaphanes, entre présence
et absence, entre révélation et disparition.
Alessio Delfino est donc parti des corps pour produire une œuvre qui paradoxa-
lement témoigne de leur immatérialité, quand Cécile Babiole, en contrepoint,
donne une physicalité aux phénomènes numériques, électriques, virtuels.
CÉCILE BABIOLEOU LA DÉLICATESSE DES MACHINES
TEXTE ET PHOTOGRAPHIES PAR GUILLAUME DE SARDES
Nous sommes à Metz au début des années 80. Une belle brune de vingt
ans, les cheveux courts, les cils passés au mascara, les yeux soulignés au
eye-liner, un visage à la Nico, joue sur une seule corde de la basse qu’elle vient
d’acheter. Musique dissonante et bruitiste, répétitive. Après son invention à Ber-
lin par des groupes comme Einstürzende Neubauten la musique industrielle
arrive en France : Cécile Babiole, qui n’a répété que deux fois avant ce premier
concert du groupe Nox, est en train d’entrer dans l’histoire de ce genre.
Cette expérience est déterminante pour Cécile Babiole, parce qu’elle fonde
sa vocation artistique et l’oriente vers l’avant-garde. La jeune femme ne se
cantonne cependant pas à la musique et inscrit rapidement ses recherches
sonores dans une démarche et une réflexion plus large de vidéaste et de
plasticienne, sans que son travail perde la dimension « critique » consubstan-
tielle à l’underground. Elle forme ainsi un « girls band » à qui elle confie des
machines à coudre en guise d’instrument. Le jeu de pièces mécaniques crée
de légers bruits qui sont captés et retravaillés par ordinateur engendrant
une pièce sonore au croisement de la musique concrète et de la musique
synthétique. Dans la même démarche de réappropriation – de réinvention
même – de machines obsolètes, Cécile Babiole transforme à l’aide de mul-
tiples micros piezo deux photocopieurs laqués noirs en instruments de mu-
sique, renversant leur vocation première qui est de reproduire des images.
Deux exemples récents qui montrent qu’après trente ans de création, Cécile
Babiole n’a rien perdu de sa radicalité. Ni de son charme, elle qui accueille
le visiteur le sourire aux lèvres, avec une impatience d’enfant.
L’atelier de Cécile Babiole se déplace avec elle au gré de ses voyages. Il
est aujourd’hui installé à Paris, dans le XVIIIe arrondissement. Il dénote un
engouement charmant pour des objets infimes, auquel, souligne-t-elle badi-
nement, la prédestinait son nom. L’essentiel, pourtant, tiendrait dans deux
flycases d’aluminium : manuel d’électronique, tournevis d’électricien, fer à
souder, bobine d’étain, loupe, pinces plates et coupantes, règles, dans l’une ;
ordinateurs portables, disques durs, micros et casque audio dans l’autre. Le
reste, Cécile Babiole le commande en Chine et s’en remet à la poste.
Si le contenu de la première valise tient à l’analogique, celui de la seconde
au numérique, ce n’est pas un hasard, car c’est au croisement des deux que
Cécile Babiole a choisi de se situer. Afin de montrer que la technologie n’est
ni neutre ni transparente, elle explore les conséquences du passage répété
de l’analogique au numérique et vice versa. Elle met ainsi en scène la dégra-
dation de l’information, comme l’a fait le compositeur américain Alvin Lucier
dans sa célèbre pièce sonore de 1969, I Am Sitting in a Room.
Elle rappelle aussi que l’électricité, principal vecteur de la musique aujourd’hui,
a son bruit propre. Elle le fait à travers une installation baptisée Bzzz ! et
présentée notamment à la fondation Vasarely en 2012, installation qui a une
forme rayonnante, organisée autour d’un générateur d’ondes sonores situé
au centre de la pièce, entouré par un ensemble de haut-parleurs fixés (avec
humour) sur des pieds de micro. Les six générateurs, volontairement rudi-
mentaires, sont reliés aux haut-parleurs par un faisceau de câbles audio qui
matérialisent, mettent en scène le parcours des impulsions électriques. Le
son de l’électricité, capté par des micros et légèrement amplifié, est diffusé
par les haut-parleurs. Cette installation peut être interprétée à la fois comme
une réflexion sur l’histoire des techniques et comme un hommage au son
analogique sans échantillonnage ni traitement. Nous voilà revenus à Metz et
aux débuts de Cécile Babiole au sein du groupe Nox. La boucle est bouclée.
BIOGRAPHIE DES ARTISTES
De la musique industrielle dans les années 80 (au sein du groupe Nox)
aux cultures électroniques et numériques aujourd’hui, le travail de Cécile
Babiole évolue de manière transversale, croisant les circuits de la musique
et des arts visuels. Loin d’une pluridisciplinarité de mise, c’est le passage
d’un langage à un autre, la contamination d’un code par un autre, ou encore
l’import/export de concepts et de techniques qui sous-tendent sa pratique.
Qu’elles apparaissent dans l’espace public (rue, autobus) ou privé (gale-
ries, salles de concert), ses installations et performances interrogent avec
singularité et ironie nos systèmes de représentation.
Cofondatrice en 1980 du groupe de musique industrielle Nox, Cécile Ba-
biole intègre rapidement des images dans les performances publiques du
groupe : des boucles Super 8, puis vidéo – transposition du sampling dans
le registre de l’image. Elle réalise à la fin des années 1980 la saga des Xons,
qui, sur fond de musique noise, de référence très libre aux mythes de créa-
tion et de parodie du film d’action, pervertit de manière légère et efficace,
le genre convenu du film d’animation. En 1998, avec l’installation-perfor-
mance Reality Dub, un parcours à bord d’un bus dont les ouvertures ont
été obstruées et dans lequel sont diffusés des images et des sons captés et
mixés en direct, elle fait converger dans un seul dispositif plusieurs aspects
constitutifs de sa pratique : images et sons (traités conjointement), perfor-
mance, interactivité. En 2001, Circulez y’a rien à voir, dispositif sonore
et visuel interactif, exposé en vitrine et actif à l’approche des passants,
introduit de manière explicite, et comme intimement liées, les notions
d’interactivité et d’intervention dans l’espace public. Deux ans plus tard
a lieu la première performance du trio SSS, dont un enjeu est la réintro-
duction du geste dans l’univers des musiques électroniques : chaque pro-
tagoniste produit des images (Cécile Babiole) ou des sons (Atau Tanaka
et Laurent Dailleau) sans contact direct avec son instrument : au moyen
de capteurs reliés à un ordinateur pour les deux premiers, d’interférence
dans un champ magnétique pour le troisième (équipé d’un theremin).
En 2007, Cécile Babiole réalise Shining Field, une installation sonore et
lumineuse à parcourir dans l’obscurité évoquant sur le plan auditif et
visuel une piste d’atterrissage. Un même programme informatique gère
le son et la lumière.
GUILLAUME DE SARDES
Né en 1979, écrivain, photographe formé aux Gobelins et critique d’art, il a publié
sept livres chez Hermann et Grasset, obtenu plusieurs prix littéraires, dont un de
l’Académie française. Il est traduit en allemand et en russe. Il a été associé à de
nombreuses expositions en France (galerie Adler, Maison Rhénanie-Palatinat), en
Corée du sud (National Museum of Contemporary Art, Galerie Gana) et en Russie,
(Musée Russe, Galerie Tretiakov). Guillaume de Sardes, qui a dirigé Le Monde de
l’art durant deux ans, est désormais rédacteur en chef du magazine Prussian blue.
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Alessio Delfino est né à Savona (Italie), le 5 mars 1976. Il vit à Albisola et
travaille entre Savona et Milan.
SOLO SHOWS2013 New York, Chelsea – U.S.A. Kips Gallery – Rêves
2011 New York, Chelsea – U.S.A. Kips Gallery – Tarots
2011 Finale Ligure – Italy, Valente Artecontemporanea – Tarots
2011 Finale Ligure – Italy, Complesso Monumentale Chiostri di Santa Cate-
rina Oratorio de’ Disciplinanti – Tarots
2011 Rome – Italy, Franz Paludetto – Tarots
2011 Milan – Italy, MC2 Gallery – Tarots
2010 Turin – Italy, Galleria Allegretti Contemporanea – Tarots
2010 Nürnberg – Germany, Livio Nardi Galerie – Tarots
2010 New York, Chelsea – U.S.A. Kips Gallery – Metamorphoseis
2009 Foggia – Italy, Galleria Paolo Erbetta Arte Contemporanea – Tarots
preview – Femmes d’or
2009 Rivara (TO) – Italy, Castello di Rivara Centro d’Arte Contemporanea –
Tarots preview
2008 Rivara (TO) – Italy, Castello di Rivara Centro d’Arte Contemporanea
De 2008 à 2010, Cécile Babiole est artiste associée à La Filature, Scène na-
tionale à Mulhouse. Dans le cadre de sa résidence, elle a présenté, en mars
2008, 0,0116 RPM, installation sonore et vidéo, en avril 2008, avec Laurent
Dailleau, Mexican Standoff, performance musique et image, puis en octobre
2008, avec Blandine Pinon, I’ll be your mirror, spectacle pour une danseuse
et un avatar en 3D, en mars 2009 Control Room, installation sonore et lumi-
neuse, en mars 2010 Pixels, installation sonore et lumineuse et Donjon per-
formance image 3D temps réel et musique avec Vincent Goudard.
Ses pièces récentes continuent d’explorer ses thèmes de prédilection : trans-
position et détournements de concepts et de techniques industriels ou do-
mestiques vers le champ de la musique ou des arts plastiques.
Ainsi, en Juin 2009, son installation-performance Xe-rocks propose de trans-
former des photocopieurs en instruments de musique, une création pour
L’Espace multimédia Gantner (Territoire de Belfort). En août 2010 elle crée
Stitch and Glitch performance pour machines à coudre et traitement sonore
dans l’ancienne filature DMC, festival Météo Mulhouse. En septembre 2010
son essai radiophonique pour France Culture (ACR) Va Va Voum propose
d’écouter les moteurs d’une oreille musicale.
Ses tous derniers travaux s’intéressent à la confrontation du numérique et
du physique avec des pièces comme Petites Frappes installation sonore à
Plateforme Paris (septembre 2011), Gobo Gobo Hey! Installation lumineuse
à Imal - Bruxelles (avril-mai 2012), BZZZ! Le son de l’électricité sculpture
sonore à la Fondation Vasarely - Aix-en-Provence (octobre 2012) ou encore
Miniatures Kits audiovisuels minuscules sculptures imprimées en 3D ren-
dant hommage aux objets cultes de l’audiovisuel, au Centre Georges Pompi-
dou dans le cadre du festival Hors Pistes (janvier 2013).
www.babiole.net
Metamorphoseis (with performance)
2007 Alassio (SV) – Italy, ex Chiesa Anglicana, Comune di Alassio Assesso-
rato alla Cultura Féminin Inédit (with performance)
2006 Albissola Marina (SV) – Italy, Studio Lucio Fontana – Femmes d’or
(with performance)
2006 Arles – France, Espace Gilles Barbero Festival Voies Off – Femmes d’or
2006 Varese – Italy, Spazio Arte Aurora – Femmes, Portraits et Travaux
2005 Aschaffenburg – Germany, Neuer Kunstverein Aschaffenburg e.V.
Museum – Femmes Naturelles
2004 Genoa – Italy, Studio Ghiglione – Palazzo Doria – Travaux en cours
2002 Genoa – Italy, Studio Ghiglione – Palazzo Doria – Des Femmes 1999-2002
GROUP SHOWS2013 Paris – France, Coullaud & Koulinsky – Rêves
2011 54° Biennale di Venezia – Padiglione Italia Regione Liguria – Palazzo
della Meridiana Genova
2011 Rovereto – Italy, MART Museo di Arte Moderna e Contemporanea di
Trento e Rovereto – “Percorsi riscoperti dell’arte italiana nella VAF-Stiftung
1947 – 2010
2010 Bangkok – Thailand, Silpakorn University – “Frames! Italian style
contemporary video art”
2010 Torino – Italy, Allegretti Contemporanea / Franz Paludetto Roma –
“Opening Contemporary”
2010 Milano – Italy, MC2 Gallery – “Natura Anfibia”
2008-09 Rivara (TO) – Italy, Castello di Rivara Centro d’Arte Contemporanea –
“Video Review”
2008 Rivara (TO) – Italy, Castello di Rivara Centro d’Arte Contemporanea – “Esercizi”
2005 Baltimore – U.S.A., World Trade Center – Arteast’s
2003 Albisola Marina (SV) – Italy, 14 July 2003 “La presa del Testa”
2002 Alassio (SV) – Italy, Chiesa Anglicana – Dell’Eterno Femminino
ART FAIRS2011 Milano – Italy, Step09 – MC2 Gallery
2011 Madrid – Spain, Madrid Foto – MC2 Gallery
2011 Chicago – USA, Art Chicago – Kips Gallery NY
2011 Hong Kong – AHAF – Kips Gallery NY
2010 Milano – Italy, MiArt International Art Fair – Galleria Paolo Erbetta
WORKS IN MUSEUMSMART Trento e Rovereto, VAF Stiftung:
Des Femmes #54 lambda print Ed. 1/1 2003 70×50 cm
Des Femmes #60 lambda print Ed. 1/1 2003 70×50 cm
Museo d’Arte Italiana Castello di Rivara (TO):
Metamorphoseis, lambda print on metallic paper Ed. 1/5 2006-2008, 22
pcs 167 x 50 cm
Direction artistique et maquette :
Guillaume de Sardes / Ada Seferi